Hey !

Un nouveau chapitre, un peu drôle cette fois. Je m'amuse avec Lucio. J'espère que ce sera chouette à lire de votre côté !

Merci à Ya pour sa relecture, et bonne lecture !


Soutien

Julian

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Aucun appel. Ilya soupire. C'est comme ça à chaque fois, pas la peine de s'en étonner. Il sait bien que c'est la galère. Quand on n'a, comme lui, rien d'autre qu'un bout de diplôme de médecine et le bac…

— T'avais pas d'autres débouchés ? Y a bien des tafs que tu peux faire avec ton truc, non ? Genre vétérinaire ?

Ok. Julian inspire. Il n'a pas l'énergie d'expliquer à Lucio que vétérinaire n'est pas une sous branche de la médecine pour humains, et qu'il n'a pas la moindre idée de ce qu'il devrait faire si on posait devant lui une vache à deux doigts de vêler. De toute façon, il n'a jamais voulu travailler avec les animaux. Pas que ça lui aurait déplu, mais…

La médecine, c'était son rêve.

— C'est différent, il souffle.

— Bah, c'est pareil. Y a juste un client que tu dois raser avant de l'ouvrir.

Ilya pouffe. C'est d'autant plus drôle que Lucio ne plaisantait pas – il croit. Mais il retrouve vite son sérieux – et son caleçon, qu'il enfile.

— Et infirmier ? Infirmier c'est à l'hôpital aussi, non ?

— Oui.

— Bah tu peux faire ça.

— Il faut une formation pour devenir infirmier, Lucio.

— 'chier. Il faut une formation pour tout, aujourd'hui.

Encore heureux, Ilya pense. Sinon, les gens comme lui s'improviseraient radiologue du jour au lendemain parce que "J'ai toujours rêvé de faire marcher un IRM".

Oh, il est mauvaise langue. Lucio avait deux verres dans le sang le jour où il lui a sorti ça.

Enfin. Infirmier, ce ne serait pas si mal. Il s'occuperait des gens, et… et s'il les blessait ? S'il se plantait dans les produits à injecter, ou dans les soins à apporter après une opération ? Puis le métier est loin d'être sexy, il ne compterait pas ses heures. Ilya se connait, s'il ne fonctionne jamais aussi bien que quand il a la tête sous l'eau, c'est aussi le meilleur moyen de faire une erreur. Sauf qu'une erreur, dans ce milieu, ça peut vite tourner au drame.

Non. S'il était fait pour travailler dans un hôpital, il n'aurait pas lamentablement échoué à ses examens.

— Et pharmacien ? Tu pourrais me faire mes ordonnances, comme ça.

— C'est ton médecin général qui te fait tes ordonnances, Lucio. Pas ton pharmacien.

— Mais t'aurais les médocs sous le coude, c'est pareil.

Oh, s'il continue, c'est lui qui va finir à la pharmacie avec une migraine monstrueuse. Il était venu pour tirer un coup – se faire tirer, en l'occurrence – pour se détendre, et il a eu l'extrême mauvaise idée de faire la conversation à Lucio après coup. La prochaine fois, il se rhabillera aussi sec après avoir joui.

Non, il n'y aura pas de prochaine fois. Merde, c'est à ça qu'il aurait dû penser en premier. Oh, quel con. Pourquoi est-ce qu'il n'est pas capable de se vider la tête séparément des couilles ?

Un café. Il lui faut un café.

— La machine à expresso est en panne, Lucio lance en le voyant filer vers sa cuisine.

Le drame.

— Quoi ?

— J'sais pas ce qu'elle a. J'irai en racheter une demain mais en attendant, il reste que du café soluble.

En racheter une. Lucio a les moyens de penser Ça marche plus, je jette et je rachète. Ça le bute. Qui, qui décide de claquer une centaine d'euros dans un nouveau joujou dès que le précédent montre des signes de défaillance ? Ilya n'a même pas les moyens de s'en payer une, de machine. Pas une comme celle de Lucio.

Remarque, si l'autre gosse de riche veut s'en payer une nouvelle, il peut toujours récupérer la vieille et la réparer.

Il attrape la bouilloire, fait chauffer l'eau et prie pour que l'autre reste avachi dans son lit.

— Et tous ces nouveaux trucs de médecine qui sortent, là ? Genre les gens qui mettent des aiguilles dans la peau. Tu pourrais pas faire ça ?

— C'est de l'acupuncture, Lucio.

— Oui, ça !

Plus jamais il ne lui parlera de ses problèmes.

— Et pour ça aussi, il faut se former.

— Mais t'as appris quoi dans ta fac de médecins ? Tu sais rien faire, en fait.

Ouch. La douche froide. Ilya se prend la tête entre les mains en se demandant ce qui le retient de broyer celle de Lucio – son manque de force ? Tous les restos qu'il lui paie quand il s'emmerde le soir ? La baise qui risque de lui manquer ? Les lois qui encadrent les homicides volontaires ?

Autant de raisons de rester calme et de finir son café.

— T'aurais dû étudier le commerce, ça paie mieux.

Non, c'est lui qui est juste né dans une famille de riches. En témoigne l'insupportable oiseau qui caquète dans le salon, ses deux – magnifiques – Borzoi et la taille de cet appartement en plein centre ville. La thune appelle la thune. Facile de faire de grandes écoles et de pavaner avec un éventail de billets de cent quand on est né avec une petite cuillère en or massif dans le fion.

Ilya essaye de ravaler son aigreur avec son café. Mais c'est dur.

— T'as même pas fini ton école, il fait remarquer.

— Pas besoin. Je suis un génie.

Il s'étrangle avec. L'aigreur, et le café. Rien n'est plus faux mais - non, le pire, c'est que ce n'est pas si faux. Lucio est stupide, c'est une vérité universelle. Mais il sait aussi se montrer diablement rusé, là où personne ne l'attend. Et en effet, en affaires, il est doué.

— Je ne veux pas faire de commerce, il soupire. De toute façon, j'ai passé l'âge de reprendre des études.

— Arrête, y a des vieux de quatre-vingt piges à la fac.

— Des vieux de quatre-vingt piges qui ont les moyens de subvenir à leur besoin à côté des cours.

— Si c'est que ça, je l'ai, l'argent.

Ilya déglutit. Ce n'est pas la première fois que Lucio lui dit ça. Pas la première fois qu'il refuse. Il refuse de dépendre du pote avec qui il couche tous les quatre matins. C'est son indépendance qu'il veut. Même si ça doit lui bousiller la santé.

— Regarde Asra, le blond reprend. C'est une sale petite fouine, mais iel se donne les moyens, quand iel veut faire un truc.

— Asra…

Là, par exemple, Lucio a raison. Asra a fait court et rapide, iel a monté son affaire et voilà. Oh, pour une fois dans sa vie, Ilya aimerait être à sa place. Savoir ce que ça fait, de se lever tous les jours pour faire un truc qu'on aime sans se demander si on mangera à la fin du mois. Asra se donne les moyens, oui. Iel a dû travailler dur. Et travaille dur aujourd'hui encore, sans doute. Asra… Asra est incroyable, il le pensait déjà à l'époque.

Définitivement, Asra méritait mieux que lui.

— C'est différent. On est pas dans la même branche, il souffle.

— Bah t'as qu'à en changer, de branche.

C'est déjà ce qu'il fait. À courir des petits boulots qui n'ont rien à voir avec ses qualifications. Lucio n'a pas tort, en un sens, il pourrait reprendre ses études et trouver un taf proche de celui qu'il voulait faire. Mais avec sa mémoire fracturée et sa maladresse chronique, remettre la vie de quelqu'un entre ses mains, c'est foutu. Il aurait dû se renseigner sur les débouchées, à l'époque, au lieu de plaquer la fac pour pleurer sur son canapé pendant un mois. Peut-être qu'il s'en sortirait mieux, aujourd'hui.

Mais c'est trop tard pour y penser.

— Sinon, y a Mcdo. Parait qu'ils embauchent tout le temps, Lucio fait remarquer. Tu pourras voler des burgers en douce.

C'est… Non, la restauration rapide, très peu pour lui. Il va se planter dans les commandes, paniquer face aux clients chiants et renverser la moitié des verres. Sauf qu'il n'a pas tant le choix. Il pourra toujours déposer un CV. Au pire, pour ce qu'il sera payé, il peut bien renverser tout ce qu'il veut de coca et piquer dans la caisse.

Un rire sec lui échappe alors que Lucio file vers la salle de bain. De toutes les options que l'autre lui a présentées, aucune ne lui semble à la hauteur de ses capacités. Il est nul partout, affublé de deux mains gauches et toujours à côté de ses pompes. Le simple mot CDI le fait paniquer quand il regarde les annonces sur Pôle Emploi. Il s'imagine déjà enfermé dans un univers qu'il déteste, coincé entre sa médiocrité et la vie privée anéantie par la masse de travail qu'un supérieur intransigeant exigera de lui.

Son torse se serre. Ilya se mord l'index.

Calme. C'est juste une idée, une idée stupide, une image qui s'est collée dans sa tête. Pas un vrai problème. Mais parfois, les scénarios qu'il imagine ont le goût amer et angoissant de la réalité. Il s'y sent coincé. C'est exactement pour s'éviter ce genre de pensées qu'il est venu baiser avec Lucio, et maintenant qu'ils ont fini, tout lui retombe dessus.

Il serre sa tasse entre ses mains. Dans le liquide noir, son reflet avalé a disparu. Parfois, il aimerait pouvoir s'effacer de la même manière. Juste, ne plus angoisser pour un rien – pas toujours pour rien, en fait.

Avide de distraction, il attrape son portable. Qui lui sonne aussitôt entre les mains. L'angoisse perce d'un coup, un ballon explose dans sa tête. Il se pose contre le plan de travail de la cuisine.

— Allô ?

Est-ce que c'est pour le travail qu'on l'appelle ? Ou alors il a oublié de payer une facture et-

— Ilya ?

Asra. C'est la voix d'Asra. Quel con. Il n'a même pas regardé le nom qui s'affichait sur l'écran.

— Mm, oui, lui-même.

Ilya. Personne ne l'appelle comme ça à part Pasha, et sa tante. Sa tante qu'il n'est pas allé voir depuis un moment. Comment est-ce qu'elle va ? Mal, sans doute. Enfin, avec les médecins on est jamais sûr, une fois sur deux c'est-

— Tu réponds vite, Asra glousse.

— Peut-être que j'attendais ton appel.

Oh non, il n'a pas dit ça. Seigneur.

Heureusement pour lui, Asra rit. Il ne le prend pas au sérieux. Ou s'il s'en fout. Est-ce qu'il l'appelle pour lui proposer un autre rendez-vous ? Peut-être que le précédent ne s'est pas aussi mal passé qu'il le croyait.

— À ce point ? Je ne pensais pas que tu prendrais cette faveur avec autant de ferveur.

Ah.

— Cette faveur ? Ah, mm, oui, je… Tu m'appelles pour quoi ?

Une faveur, une faveur… Il se souvient vaguement d'une discussion sur le sujet qui doit traîner dans ses textos. Une faveur, oui, Asra lui avait demandé un service. Enfin, de l'aide. Et iel peut bien réclamer tout ce qu'iel voudra, Ilya s'exécutera sans broncher.

Son cœur cogne, la peur et l'excitation mêlée dans ses veines.

— J'ai un stand sur un salon, Asra explique. Le marché d'automne qui a lieu sur les quais, une fois par an, ça te parle ?

Evidemment. Ilya adore aller y admirer ce qu'il ne pourra jamais se payer.

— Oh, cool. Wow. Des milliers de gens vont pouvoir voir tes créations, c'est… La chance. Enfin, ils ont de la chance, je veux dire...

— Flatteur.

Oui. Et son cœur ne devrait pas remonter dans sa gorge quand c'est Asra qui lui dit ça.

— C'est une super occasion, iel reprend. Mais ça dure deux semaines, sans pause. Et j'aurai du mal à gérer mon stand seul, avec le monde.

Gérer. Oh. Oh.

— Si je comprends bien, tu me demandes un coup de main ?

Deux semaines avec Asra. Il est perdu.

— Disons que je te propose un travail. Si tu es toujours disponible, bien sûr.

— Je le suis.

Toujours, pour toi, il évite de rajouter. Mais l'idée y est et ça presse dans son torse. Il… Lui et Asra, deux semaines. Et de l'argent.

Tenir un stand, il devrait savoir faire, non ?


(Julian est vraiment défouloir à écrire)
(je déteste la recherche de taf)
(pour la blague, sachez que mes chapitres sont toujours prêts le dimanche et que j'oublie juste de poster. Même avec une alarme.)

À la semaine prochaine !