Hey !

Et pouf le nouveau chapitre. Je me suis bien amusé sur cette partie là, même si je préfère le chapitre suivant. Les choses bougent un peu (parce que mine de rien, cette seconde partie tourne un peu en rond des fois), j'espère que ce sera chouette à lire !

Merci à Ya pour sa relecture !

Bonne lecture !


Soutien

Asra

.

Douze fois, Asra a vérifié son téléphone depuis qu'iel est arrivé·e. Douze fois, l'écran noir lui répond. Iel croise les bras. Ce n'est pas comme s'iel attendait une réponse. Iel a lancé ce message comme on jette une bouteille à la mer, mais… Ça fait des mois qu'iel n'a pas eu de ses nouvelles. Même pas un bonjour.

[Salut ( ◍ • ᴗ • ◍ )
J'espère que tu vas bien.
J'ai un stand sur le marché de l'automne, cette année. Si tu veux passer, j'ai préparé du pain d'épices pour les invités spéciaux ( ノ ◕ ヮ ◕ ) * . ✧]

Pas de réponse. Est-ce que Yel a au moins lu son message ? Peut-être qu'iel l'a effacé sans le regarder. Iel a dû passer à autre chose, depuis, mais Asra… Ce n'est pas comme s'iel espérait retrouver leur relation. Le deuil est fait, l'espoir a cédé sa place. Mais juste, des nouvelles, un message. Trois fois rien, une miette de pain à se mettre sous la dent pour faire taire l'inquiétude. C'est tout ce qu'iel demande.

— Err, Asra ?

Surpris, lea concerné·e redresse la tête. Un Julian haut en couleur se tient devant iel, debout, droit, gêné dans ses manches bouffantes. Cette chemise lui va à ravir, mais on dirait qu'il arrive tout droit du dix-huitième siècle.

— Tu es en avance, iel souligne.

— Je me suis dit qu'avec l'installation du stand, ce serait… Mal venu de rater mon bus, cette fois.

Asra ne lui en aurait pas voulu, mais iel apprécie la démarche. Sa tristesse ravalée, iel rit et lui fait une place derrière sa table. Ses cartons sont encore fermés, le marché n'a pas commencé. Iel a déjà disposé les présentoirs, et iel essaie de trouver une mise en place esthétique. Quelque chose qui fasse envie. Qui pousse les gens à s'arrêter.

— Tu peux dérouler le Kakémono.

— Le… Mm, oui, Ilya panique.

Le pauvre. Il ne voit absolument pas de quoi Asra parle. Amusé, iel désigne l'objet en question.

— Ça. Il faudrait qu'il soit debout, à la droite du stand.

— La droite de l'exposant, ou celle des passants ?

— Des passants.

Alors qu'iel dispose les bijoux, son camarade de fortune se débat avec la banderole. À deux, ils s'en sortent assez bien. Tout est installé avant que les premiers clients n'arrivent. Satisfait·e, la sorcière fouille son sac et en sort le thermos qu'iel a ramené.

— Chocolat chaud ? iel propose.

— Volontiers.

Ilya porte le gobelet tendu à ses lèvres. Des lèvres pâles, abîmées. Sûrement qu'il en ronge les peaux pour calmer son stress – parce qu'il est stressé, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Est-ce qu'il a toujours été comme ça ? Asra se souvient comme il était vivant, au lycée. Incapable de parler sans remuer. Honteux, souvent. Mais angoissé ? Oh, ça remonte, tout ça. Iel ne sait plus.

— Merveilleux. Tu l'as fait toi-même ? Ilya demande, le contour de sa bouche bruni par la boisson.

— On peut dire ça.

— C'est… Tu as une recette secrète ?

— Une bouteille de lait demi-écrémé et un paquet de Nesquick.

— Oh, c'est…

Ilya rougit. C'est méchant de sa part de jouer avec ses émotions, mais la tentation était trop fort. Amusé, Asra complète.

— J'ai fait infuser de la cannelle et du piment dans le lait, avant d'ajouter le chocolat.

— Du piment ?

Julian écarquille les yeux.

— Ça rend bien avec le chocolat, Asra explique. Et ça relève la boisson.

Le rouquin baisse les yeux vers son gobelet. Puis il avale une nouvelle gorgée. Sa langue passe sur ses lèvres, son œil s'allume.

— Tu es incroyable, il commente.

Asra le laisse dire. Des recettes comme ça, il y en a des dizaines qui circulent sur internet. Mais l'émerveillement d'Ilya lui plaît. C'est flatteur. Touchant.

Ça lui rappelle leurs longues conversations dans la régie du lycée, à l'abri des regards de la cour. Et ça fourmille dans son ventre. Cette impression d'un moment qui n'appartient qu'à eux.

— Tu n'es pas mal non plus.

Les premiers clients s'approchent, et Ilya se révèle plus doué pour vendre qu'iel ne l'imaginait. Il interpelle les gens, prend son air de beau parleur franc et sympathique, puis leur présente les bijoux. Il les laisse essayer, parle encore, les fait rire. Les invite à échanger un bout de leur vie autour d'une brève conversation. Parfois, Asra a l'impression qu'il prend trop de place, mais les passants ne s'en plaignent pas.

De son côté, c'est sa réserve qui attire le monde. Iel sourit, conseille et effleure. Une jeune fille lui demande un cadeau pour sa mère. Des amis de l'association de Nadia passent lui dire bonjour. Iel ne les connaît pas tant, mais l'attention lea touche.

— Et ça ? Ça irait bien à Pasha, non ?

Ilya profite d'un creux, sur la pause de midi, pour chercher un cadeau à sa sœur. Asra ne l'a pas souvent vu porter de bijoux, à l'époque. Mais ça remonte.

— Tu la connais mieux que moi, iel le taquine.

— Oui, mais tu as meilleur goût. Elle… J'adore lui faire des cadeaux mais je suis toujours à côté de la plaque avec les vêtements. Y a qu'avec les gâteaux que je vise juste. Mais un gâteau, pour Noël…

— Tu lui cherches un cadeau de Noël ? Asra s'étonne.

— On est déjà en septembre. Ça passe vite.

Il n'a pas tort. Iel aussi, iel devrait commencer à réfléchir. Pour Nadia, iel sait déjà ce qui lui plairait, mais Muriel, c'est une autre paire de manches. Il faut un cadeau qu'il puisse accepter sans se sentir gêné. Peut-être que s'il trouve une idée qui plait aussi à Inanna…

— Prend plutôt un foulard, Asra tranche. Pour tenir ses cheveux. Elle l'utilisera plus souvent qu'un bracelet.

De ce qu'iel se souvient de Portia, un cadeau utile sera plus approprié qu'un joli cadeau. Mais le foulard aura l'avantage d'allier les deux. Iel regarde son stock avant d'en trouver un, dont les rayures oranges et rouges entoureront à merveille le roux de la Devorak.

— C'est… Magique. Comment tu fais ça ? Ilya souffle, médusé.

— Quoi, les foulards ?

— Non, ça. Trouver ce qui va le mieux aux gens, les conseiller. Et toutes ces idées que tu as… Il y a combien de modèles de bijoux, ici ?

Il n'y a pas de réponse à cette question, sinon la plus simple qui soit : Asra fait comme iel sent. Des idées, iel en a toujours eu. Ça lui vient, iel note et iel les travaille. Le temps et les compétences lui manquent plus souvent que l'inspiration. C'est quelque chose qui est en iel. Une manière d'être. L'envie de faire des choses de ses mains.

Surtout, le besoin de ne dépendre de personne. Mener seul·e son affaire, sans avoir à compter sur quelqu'un à qui iel ne pourra pas toujours se fier. Tout dépend de iel. Pour d'autres, c'est angoissant mais, pour iel, c'est rassurant.

— C'est un secret, iel souffle.

Puis iel contourne Ilya et va se resservir une tasse de chocolat. Le fond du thermos tombe dans son gobelet, et les épices restantes s'effacent sous la boisson opaque.

Asra sent le regard d'Ilya sur lui qui dessine son contour. C'est comme un poids léger, une main qui caresse. Un souffle sous sa peau. Iel laisse faire. C'est agréable. Lea sorcière a toujours aimé ça, l'attention discrète des gens qu'iel fascine.

Paradoxalement, la foule et les yeux figés sur iel font monter son angoisse. Iel se fond dans la masse pour disparaître au monde. S'iel a demandé son aide au rouquin, c'est aussi pour ne pas concentrer l'attention des clients sur son unique personne. Julian joue bien le jeu qu'iel ne le fera jamais, fort de gestes souples et de rires qui attirent. Quand les gens le regardent, leur corps semble se détendre. Leurs yeux rient. Là où Asra fascine par ce qu'iel ne dit pas, lui trouve les mots qui mettent à l'aise.

Un vent bref se lève alors qu'iel termine sa tasse. Le foulard serré entre les doigts d'Ilya frappe l'air. Alors, lea magicien·ne réalise que c'est iel qui l'observe à la dérobée, maintenant.