Hey !

Mais que vois-je ? Serait-ce un chapitre ? Mon dieu.

(Vraiment j'arrive au bout de cette fanfic, je l'aime mais je suis tellement plus dans le milieu de la fanfic en ce moment, c'est compliqué.)

Merci à Ya pour sa relecture ! J'espère que la lecture vous plaira !

(TW en fin de chapitre !)


Creuser trop loin sous le verni

Asra

.

Parmi toutes les émotions qui traversent Asra, la colère fait partie de celles qu'iel déteste.

Iel n'est pas à proprement parler furieuxse. Mais ça fait des jours que ce même frisson irrité lui court le long du dos. Cette conversation qu'ils ont eu, avec Ilya… Ça lui revient en plein visage. Iel lave son bol, et iel entend à nouveau les mots de son petit ami. Iel s'allonge sur son lit, et iel revoit malgré iel le sourire discret de sa mère alors qu'elle corrigeait sa pile de devoirs, un soir où son père n'était pas à la maison. Elle avait – et a toujours – la mine tendre et fatiguée. Désolée. Comme si elle savait le vide qu'elle lui infligeait, mais qu'elle ne pouvait pas faire autrement.

Chaque fois qu'Asra grimpe sur son escabeau pour ranger ses réserves de légumineuses, iel repense à toutes les fois où iel a exécuté le même geste, petit. Traîner la chaise devant le frigo pour atteindre le placard de céréales, se servir un bol et verser maladroitement le lait dessus. Remplir le creux dans son ventre, alors que ses parents n'étaient toujours pas rentrés.

— Je te sens préoccupé·e, Nadia note.

— Comme tous les ans, Asra rétorque.

Ce n'est qu'à moitié vrai. Rentré·e de sa visite chez ses parents, pour Noël, Asra est effectivement tendu·e. Et iel ne peut pas se plonger dans le travail pour compenser. Ses dernières commandes ont été envoyées, iel s'est pris une semaine de vacances pour décompresser. Sauf qu'en l'absence de boulot, iel ne peut plus ignorer les petites piques de Julian.

Ils se sont appelés, le soir de Noël. Asra s'est isolé·e pour que personne ne lea remarque. La conversation relevait presque de la courtoisie. Julian était mal à l'aise. Tendu comme après une dispute. Est-ce que ç'en était une ? Non, ils ne se sont pas criés dessus. Ils ont parlé comme des adultes. Des adultes fatigués, agacés. Ça arrive.

— Donc, Julian n'a rien à voir avec tes sautes d'humeur ? Nadia insiste.

— Je n'ai pas de sautes d'humeur. Je suis juste…

Elle a raison. Bien sûr qu'elle a raison, iel a juste à s'entendre pour comprendre qu'iel est à cran. Et iel déteste ça. Mais ce n'est pas comme s'iel pouvait faire semblant devant Nadia, alors iel se laisse tomber dans son immense canapé et iel enfonce sa tête dans un coussin.

— C'est compliqué, iel avoue.

— C'est toujours compliqué, avec Julian.

Iel le sait. Et iel ne peut même pas dire qu'iel n'était pas prévenu, iel a déjà tenté le coup une première fois. Seulement, à l'époque, Ilya ne s'intéressait pas à sa famille. Pas autant.

— Je doute qu'il prenne aussi la tête à Lucio, Asra fait remarquer.

— Oh, non. Mais ça, c'est parce que c'est Lucio.

Nadia marque un point. Le blond est à la fois insupportable et au-dessus de tout problème. Rien n'est assez important pour lui pour qu'il prenne vraiment la peine de se disputer avec Julian. Il est comme les enfants, du genre à faire des caprices qu'il oublie aussitôt.

Asra secoue la tête. Non. Les enfants ne font pas toujours des caprices. Il faut qu'iel se débarrasse de ce biais.

— Qu'est-ce qui s'est passé, cette fois ? son amie reprend.

— Rien d'important.

Lea sorcière soupire avant de reprendre, conscient·e qu'il en faudra plus pour convaincre Nadia.

— On s'est pris la tête pour des histoires de familles, iel explique. Ilya… Il a du mal à comprendre que je ne veuille pas parler de nous à mes parents.

— C'est un peu tôt pour les présentations, elle fait remarquer.

— Oui. Mais le problème n'est pas là.

Asra n'est pas dupe. Iel a bien compris ce qui se jouait, et ce n'est pas comme si Ilya avait particulièrement tenu à lui dissimuler le fond de sa pensée.

— Il a perdu ses parents très tôt, Asra explique.

Nadia n'est pas surprise. Elle était sans doute déjà au courant. Rien d'étonnant à ça, Ilya a bien dû parler de sa tante et de son cancer à Lucio, et de fil en aiguille…

— Il a du mal à comprendre pourquoi je ne suis pas proche des miens. On ne s'est pas disputé, mais depuis qu'on a parlé de ça, c'est tendu entre nous.

Tendu, au bout d'un mois. Asra ne peut pas s'empêcher de se demander si cette relation est une bonne idée. Ils se sont déjà planté une fois, ce n'est pas pour rien. Et si Ilya décidait de lea quitter, la prochaine fois qu'ils sont en désaccord ?

Non, c'est ridicule. Iel le sait. Mais maintenant qu'iel y a pensé, ça va lui revenir chaque fois qu'iel trouvera Julian distant.

— Si son comportement te met mal à l'aise, confronte-le quand vous vous verrez, Nadia répond. Le connaissant, tu devrais éviter de laisser traîner ce genre de problème.

— Ce n'est pas un problème.

Un désaccord, tout au plus. Et il y a toujours des désaccords dans les couples. Iel ne compte pas perdre de temps avec ça. C'est une rancune stupide qui se tassera d'elle-même. Mais en attendant, ça l'agace. Cette manière qu'Ilya a eu de lui parler, comme s'iel était en tort.

Asra est bien placé pour savoir quelle chance iel a d'être tombé·e sur cette famille. Ses parents l'aiment, et ils sont tous les deux en vie. Iel n'aura jamais qu'eux, iel le sait. Mais ça ne change rien à la situation. Iel n'a pas de vraie relation, ni avec son père, ni avec sa mère. Et iel se sent mieux depuis qu'iel vit loin d'eux.

— Et ce qui s'est passé entre vous, au lycée. Vous en avez discuté ? Nadia le questionne.

— Oui.

— Il t'a dit pourquoi il avait décidé d'y mettre fin ?

Mettre fin. Ça aussi, ça l'agace. Julian n'a pas mis fin à leur relation, il l'a abandonné·e. La blessure n'est pas la même, et elle a mis longtemps à se refermer. Mais c'est du passé. Asra l'a déjà dit et pensé mille fois, iel ne veut pas retourner le vieux fumier. Il faut savoir passer à autre chose pour avancer, construire un couple qui ait une chance de marcher. Iel ne veut pas passer son temps à regarder son petit ami en se disant Tu m'as laissé tomber une fois.

Parce qu'alors, inévitablement arrive la suite. Pourquoi pas deux ?

Asra ne s'y laissera plus prendre. S'iel devine les problèmes qui arrivent, iel saura s'en protéger. Iel a promis à Muriel de prendre soin d'iel. Mais en attendant, iel veut faire confiance à Julian. Croire qu'il est sincère. Qu'il a grandi. Qu'il l'aime.

Sur le dernier point, iel n'a aucun doute.

— Il a déblatéré un discours comme quoi il n'était pas assez bien pour moi, Asra avoue.

— Laisse-moi deviner. Il a dit qu'il que cette relation n'était pas bonne pour toi, qu'il apportait toujours des problèmes à ceux qu'il aime et que tu méritais mieux que lui.

— C'est à peu près ça.

Asra s'étonne de retrouver chez Nadia des mots si proches de ceux de Julian.

— Il sert toujours la même histoire à ses partenaires, elle explique. C'est un classique. Du Julian tout craché.

Ça lui ressemble bien. Mais Asra n'est pas rassuré·e de savoir qu'Ilya fait le même coup à tous ceux avec qui il a une aventure. Est-ce qu'il prend leur relation au sérieux ?

Iel peine à l'avouer, mais Julian l'a toujours fait se sentir spécial. C'est encore le cas aujourd'hui. Quand ils marchent ensemble en ville, à la tombée de la nuit, iel a la sensation que leur relation est à part. Unique et vivifiante.

— Fais attention, Nadia répète. Ne laisse jamais traîner les choses avec lui.

— Je ne les laisse pas traîner, iel se défend.

Il sent à son regard qu'elle ne le croit pas. Pas entièrement. Mais iel n'a pas envie de pousser cette conversation qui ne mène nulle part. À la place, Asra se penche et attrape une des tasses fumantes sur la table. Une délicieuse odeur d'abricot et de pêche flotte au-dessus.

— De toute façon, on se revoit pour le nouvel an, iel ajoute.

— Vous organisez une soirée ?

— Une fête en petit comité.

— Petit ?

— Tout petit, Asra insiste.

Iel retrouve le sourire. Un rendez-vous en amoureux pour la nouvelle année, ça fait enfler son cœur. Iel veut admirer les feux d'artifices du quartier la tête lovée contre l'épaule de Julian. Malgré leur appel évasif, iel a tenu toute la soirée de Noël en pensant à la nuit du nouvel an. La leur.

Asra n'a pas oublié la première fois où ils se sont embrassés, chez Natiqa. C'était aussi un soir de nouvel an. Le parking était tranquille.

— Et toi ? Lucio t'a encore préparé une surprise ? Asra souffle.

— Oui. Mais j'ai trouvé les billets dans le tiroir du bureau, elle soupire. Une semaine au bord de la mer, en Bretagne.

— En hiver ?

— Il a dû penser que ce serait original.

Elle grimace, mais Asra sait comme Nadia adore se plaindre de Lucio. C'est leur sport préféré. Et il faut dire que le bougre leur donne de la matière. Ils n'ont pas besoin de chercher loin pour trouver quoi lui reprocher.

— J'attends qu'il me l'annonce, elle poursuit. De toute façon, ce sera trop juste pour changer la destination.

C'est à ce genre de phrase qu'Asra réalise la différence de niveau de vie qui les sépare. En comparaison, iel ne part jamais en vacances. Pas que ça lui manque, iel aime rester près de ses racines, dans son petit appartement. Mais iel n'a pas à se poser des questions comme Dans quel pays vais-je partir l'été prochain ? ou Dois-je commander des huîtres, du homard ou du caviar pour le dîner ?

Il exagère. À peine. Nadia est plutôt raisonnable sur ce terrain – et iel ne peut pas dire qu'iel ne profite pas de sa fortune. Mais Lucio… Oh, Asra n'oubliera jamais la fois où il a ramené deux pots de foie gras pour un pique nique.

Attention, celui-là est aux truffes, l'avait-il prévenu. Apparemment ignorant du fait que les végétariens ne mangeaient pas de foie gras. Ou que le canard n'était pas une plante.

Asra va pour rappeler ce délicieux épisode à Nadia, quand son téléphone sonne. Le nom d'Ilya fait chavirer son cœur.

— On voit à qui tu réponds le plus vite, Nadia le taquine.

— Simple… concours de circonstance, iel ment.

Le sourire de son ami en dit long sur ce qu'elle pense. Elle lui fait signe de s'éloigner pour avoir un peu d'intimité, et iel disparaît dans la cuisine, portable contre l'oreille. Est-ce que Julian l'appelle à propos du nouvel an ? À moins qu'il n'ai prévu un rendez-vous avant. Ou qu'il veuille annuler.

— Allô ? ronronne-t-il, appuyé·e contre la table de travail.

— Asra ?

Son ton. C'est peut-être le téléphone qui lui joue des tours, mais Asra le sent lourd. Iel presse plus fort le combiné.

— Oui, iel confirme. Ça va ?

— Je… oui, c'est…

Silence. Sa langue ne roule pas comme quand il est gêné. Le poids gonfle et se brise. Asra se remplit.

— Non, Julian avoue. Ça ne va pas.

Iel le revoit dans la cour, le regard fuyant. Lui adressant quelques pauvres mots comme une volée de graines jetées aux oiseaux, avant de rentrer dans sa classe. Ses mots d'anguilles glissantes qui ne répondaient jamais vraiment. Le gris de ses mirettes qu'il lui cachait chaque fois qu'il tournait la tête. Son dos net dans le paysage. Tout le corps fuyant de Julian remonte à la surface et Asra inspire.

Je ne suis pas assez bien pour toi.

Err… on en reparlera plus tard, ok ?

Tu mérites mieux.

— Qu'est-ce qui se passe ? iel demande.

La solitude ne lui fait plus peur. Asra est plus fort·e aujourd'hui. Si Ilya lea quitte, iel pourra faire face. Tenir droit, se fermer à la douleur et avancer. Iel est prêt·e à encaisser le coup. Alors qu'il lâche la bombe. Maintenant.

Iel survivra.

— C'est ma tante.

Asra écarquille les yeux.

— Elle a… On ressort de l'hôpital. Le cancer a récidivé.

Ce n'est pas son monde qui s'effondre. Pas cette fois.

— Ils lui donnent une semaine.

Mais celui d'Ilya, soufflé comme une poussière d'étoile morte.


[TW : Mention de mort, maladie]