Hey !
Retard retard retard. Heureusement qu'on approche de la fin. Avec un peu de chance, j'arrive à finir de publier cette fanfic en 2024. On croise les doigts ?
On arrive sur la fin d'un arc important que j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ! Et le prochain sera le dernier de cette fanfic. Il reste assez long, donc il y en a pour plus d'une dizaine de chapitres avant que le dernier ne soit posté, mais j'en vois le bout.
Merci à Ya pour sa relecture ! Et bonne lecture !
Des débris d'amour et de haine
Asra
.
Ce serait peu de dire que Julian passe une mauvaise nuit. Mais il s'est endormi, et c'est tout ce qui compte pour Asra au moment où iel remonte la couverture sur ses épaules. Ils n'avaient pas prévu de dormir ici, mais au vu des circonstances, ils feront avec.
Cet appartement, iel n'en a que de vagues souvenirs. Iel revoir le couloir étroit qui mène aux chambres, le canapé, la table basse. Le bureau d'Ilya n'a pas bougé, et Asra se souvient y avoir regardé La mouche de Cronenberg pour la première fois. Son petit ami n'arrêtait pas de vanter le jeu de Jeff Goldblum, mais avec le recul, iel songe qu'il n'y a pas que son jeu qui devait lui plaire.
Tout est si loin, maintenant. Le lycée, les notes enfermées dans un vieux placard. Aujourd'hui, ils travaillent tous les deux. Ils n'ont plus besoin de demander la permission de leurs parents pour se voir. Pourtant, dans cette chambre, Asra a à nouveau quinze ans. Iel est tout·e petit·e, ses cheveux sont plus longs et son avenir est plein de promesses qu'il ne tiendra pas. À l'époque, iel avait hâte de savoir ce qu'iel deviendrait. Aujourd'hui… iel sait. Ça gâche la surprise. Le temps lui a pris les possibles de l'adolescence. D'avoir découvert que la vie n'avait rien d'extraordinaire, et que le commun des mortels se contentait de faire des études avant de trouver un travail, Asra se sent dupé·e.
Mettant ces pensées sombres sur le compte de sa soirée, Asra se couche à son tour. La fatigue qu'iel ne soupçonnait pas a tôt fait de l'emporter.
Quand iel ouvre à nouveau les yeux, le soleil à moitié masqué par la fenêtre trouve un chemin dans la chambre. La place près d'iel est vide. Ilya est sorti du lit sans lea réveiller. Iel devrait l'en remercier, mais ça ne fait que l'inquiéter. Iel quitte les draps. Jette un dernier regard aux photos qui ont fait pleurer son petit ami hier soir. C'est étrange de rencontrer ses parents au travers d'un cliché. Dans une autre vie, peut-être qu'Ilya l'aurait présenté à ces gens. Est-ce qu'il était proche d'eux, avant qu'ils ne meurent ? Asra n'imagine pas ce à quoi ça devait ressembler. Faire confiance à ses parents, leur parler. C'est bizarre. Gênant.
Comme iel s'y attendait, Ilya est dans la cuisine, où flotte une odeur familière.
— Encore du café ? fait-iel remarquer, tirant la chaise près du rouquin.
— Toujours.
Julian a un trait brun au coin des lèvres. Ça lui va bien. Asra ne le lui fait pas remarquer, iel préfère profiter du spectacle. Ilya au réveil, encore engourdi. C'est un des rares moments où le médecin n'a pas le cerveau en ébullition. Son corps remue moins. Il porte un vieux tee-shirt qu'il a dû enfiler en réalisant qu'il s'était endormi tout habillé. Son sourire vaporeux à la couleur de son café.
— Err… Si j'avais su qu'on passerait la nuit ici, j'aurais emporté des affaires de rechanges.
— C'est vrai que ce tee-shirt a fait son temps.
Ilya est tout serré dedans. Ses épaules sont étroitement saucissonnées, et si son corps lâche rentre dans le tissu, il n'en a pas moins l'air d'un adolescent qui a grandi trop vite.
L'impression ne vient pas que de son haut, d'ailleurs. Ses traits tirés lui font prendre dix ans. La mort a laissé des traces sur sa face.
— Je suis désolé, pour hier, avoue Ilya.
Il n'a plus tant l'air triste que gêné. Mais Asra ne voit pas ce qu'il y a de mal à avoir craqué. Dans sa situation, c'est compréhensible. C'est même rassurant. Pour une fois, Julian se repose sur lui plutôt que de fuir.
— C'est juste… Ça fait longtemps que je n'avais pas vu de photos d'eux. De mes parents. Tasya nous a toujours dit qu'elle les avait jetées.
— Peut-être qu'elle pensait l'avoir fait, et qu'elle a oublié celles-là.
— Peut-être.
Ilya n'a pas l'air convaincu. Pourtant, Asra est sérieuxse. Parfois, on a tellement envie de faire une tâche qu'on est persuadé de l'avoir faite. Sa défunte tante aura oublié ces photos pour ne plus avoir à s'y confronter. Il y avait trop de souvenirs derrière ces images. Iel imagine qu'elle a dû prendre sur elle très – trop – vite, pour pouvoir assumer deux enfants qu'elle ne pensait pas recevoir.
— Quoi qu'il en soit, je n'aurais pas dû me montrer comme ça devant toi. C'était…
— Ilya.
— Laisse-moi finir.
Julian se racle la gorge et le cœur d'Asra cogne trop fort.
— Ce n'était pas responsable de ma part. Je t'appelle pour te demander de m'aider à trier des affaires qui ne te concernent pas, tout ça pour te faire perdre la soirée et ta nuit. C'était déplacé. Je n'aurais pas dû te demander de prendre ton temps pour une affaire personnelle, surtout si c'était pour passer la soirée à…
— Ilya, répète Asra, plus fort.
Le concerné se tait aussitôt.
— Si tu dis un mot de plus, je te renverse ton café dessus.
— Je dis juste-
— Chut.
Intraitable, lea sorcière appuie son doigt sur ses lèvres. Puis iel tend le bras pour se servir un verre de lait. La chaleur qui grimpe dans son corps n'a rien de rassurant. Blindé·e, iel est prêt·e à recevoir toutes les mauvaises nouvelles qui menacent de tomber. Iel peut encaisser. Mais iel ne laissera pas Ilya ruiner une deuxième fois leur relation sans tenter de le raisonner.
— Je suis venu·e parce que j'avais envie de t'aider. Tu ne m'as forcé·e à rien. Et c'est à moi de décider si j'ai envie de rester ici.
Dans la mesure où Ilya veut de sa présence, évidemment. Mais Asra se doute que le problème, ici, n'est pas ce qu'Ilya veut, mais ce qu'il se sent le droit de demander.
— Quand j'ai accepté de me remettre avec toi, je ne m'attendais pas qu'à profiter des bons moments. Je suis là si tu as besoin de moi, si tu perds quelqu'un, si tu es débordé et que tu ne sais plus quoi faire pour t'en sortir.
D'un geste, iel désigne la vaisselle qu'iel a trié hier. Les tas d'assiettes, les couverts rangés dans un sac et les deux sacs poubelle eux-mêmes pleins d'affaires en si mauvais état qu'iel n'a pas envisagé de les garder. Iel a commencé à s'occuper des annonces en ligne, comme prévu. Parce que ça lui convient. Iel ne veut pas laisser Ilya seul, la tête sous une cascade de peine où il pourrait bien se noyer.
— Si tu veux que ça marche entre nous, tu dois accepter que je ne sois pas là uniquement quand tout va bien. On ne peut pas bâtir une relation que sur de bons moments et fuir dès que la situation se complique.
— Certes, mais…
— Alors laisse-moi t'aider à t'occuper de cet appartement.
Tout penaud, Julian baisse les yeux sur son café. Sa trogne d'enfant puni attendrirait Asra, s'iel n'avait pas peur du faible poids de son argumentaire. Heureusement, le rouquin ne lea contredit pas. Iel secoua la tête et attrape une langue de chat.
— Je suis désolé que tu m'aies vu dans cet état, souffle-il.
— Pas moi.
Ce n'est pas la première fois qu'Asra voit quelqu'un pleurer. Et combien de fois Muriel l'a-t-iel serré·e dans ses bras après une mauvaise soirée, une rupture ou un énième trop plein qu'iel n'arrivait pas à définir ? C'est pour ça qu'ils sont aussi proches, tous les deux. Il n'y a pas une facette d'iel que le géant ignore. Et c'est rassurant de savoir qu'il existe quelqu'un qui lea connait trop pour pouvoir lea juger.
— Aujourd'hui, on termine de vider les placards, reprend Asra. Je continue de m'occuper des annonces pour les meubles. Et ce soir, on fera un premier trajet avec Nadia pour les vêtements et la vaisselle. D'accord ?
— D'accord.
Ilya prend ses mains. Asra trouve les siennes minuscules entre ces grands doigts d'araignées. Mais iel est soulagé·e. C'est primordial que Julian accepte de lui laisser une place dans sa vie même quand tout ne va plus bien.
— On dirait que tu as l'habitude de faire ça, note son petit ami.
— Je sais gérer un site de vente et des stocks. Ça aide.
Iel n'a jamais eu à vider une maison. Celle de sa grand-mère, ce sont ses parents et ses tantes qui s'en sont occupées. Iel… Iel n'a pas eu sa place dans ce grand deuil. En tout cas, c'est comme ça qu'iel l'a ressenti.
Quelques cartons plus tard, les placards du salon sont vides. La cuisine aussi, et il n'y a plus grand chose à faire dans la salle de bain, une fois le tri des bouteilles de gel douche vides et pleines effectué.
— Pasha voudrait récupérer les rideaux du salon. Et le bureau de son ancienne chambre, prévient Ilya alors qu'il envoie des photos à sa sœur. Et… Seigneur, mais qu'est-ce qu'elle veut faire de cet horrible tapis ?
— Il rendrait très bien dans un environnement adapté, fait remarquer Asra.
— Pardon. J'ignorais que j'avais l'apprenti·e de Stéphane Plaza avec moi.
Un coup de coude plus tard, ils se remettent au travail. Cette fois, c'est la chambre d'Ilya qui y passe.
— Mon dieu, s'exclame ce dernier. Ce truc était ici depuis tout ce temps ?
— Quel truc ?
— Mon haut en résille. Je le trouvais nulle part, j'étais persuadé de l'avoir perdu en soirée.
— Et comment est-ce que tu aurais pu perdre ton haut en soirée ?
— Tu veux vraiment les détails ?
Ilya plaisante, mais le sourire d'Asra le fait rougir. La fouine s'approche et attrape le vêtement en question, l'observant d'un œil expert.
— Ça me rappelle des souvenirs, ronronne-t-iel en l'agitant.
—Tu m'as sûrement déjà vu avec, hasarde Julian.
— Oh, oui. Et je te l'ai déjà enlevé.
Sa remarque a l'effet escompté. Ilya se détourne sur un raclement de gorge, avant de reprendre.
— Il reste encore mon placard à vider, et…
— Il n'y a que des affaires qui ne te vont plus.
— Je suis sûr qu'il y a une ou deux ceintures qui trainent.
— Et qu'est-ce que tu voudrais faire, avec une ou deux ceintures ?
Pire qu'un renard en chasse, Asra s'approche et pose une main sur la taille de son petit ami. L'autre vient accompagner ses doigts de corbeau vernis, fouillant dans ledit placard pour y chercher une des ceintures en question. Un vieux cuir abîmé par le temps. C'est le genre de vêtement qu'Asra pourrait retoucher. Mais il pourrait aussi lui trouver une toute autre utilité.
— Err… Les porter à ma taille ? avance Ilya.
Mais il se tourne. Il croise le regard d'Asra et iel peut le sentir frissonner jusque dans ses os. Iel le voit prendre une longue inspiration.
— Ou… On pourrait faire une pause, propose-t-il.
— Une pause, oui.
— On a beaucoup travaillé.
— Ça mérite bien une récompense non ?
Asra lève ses doigts léger sur la joue d'Ilya, qui rougit. Il se mord la lèvre, les yeux embrumés.
— Sauf si tu préfères une punition.
À l'entendre soupirer, iel sait qu'iel a gagné.
