Hey !

Retard, travail, autre projet, bla bla bla.

En vrai, j'ai une grosse bonne nouvelle qui est que j'ai fini le premier jet intégral de la fanfic. Donc je n'ai plus qu'à relire les chapitres. (clairement ça va quand même prendre du temps parce que j'ai d'autres gros projets perso à côté mais voilà, au moins vous êtes sûrs à 200% que cette histoire aura sa fin.)

(et TW pour la grossophobie mentionné dans ce chapitre)

Bref ! Merci à Ya pour sa relecture et bonne lecture !


Mauvais plan(s)

Julian

.

Ilya se mord la lèvre. Un vieux tic qu'il n'a pas perdu, et qui lui vaut des dizaines de petites plaies douloureuses autour de la bouche. Ses doigts tapent sur la table.

— Tu vois pas Asra ce soir ? s'étonne Pasha. Je croyais que…

— Il ne m'a pas encore répondu.

Il aurait voulu, lui. Lea voir. Il lui a proposé un ciné qu'il aurait, pour une fois, pu payer. Payer les deux places, il entend. Inviter Asra. Ilya n'en a que trop rarement eu l'occasion, et… enfin. Ça ne se fera pas, il suppose. Tant pis. Il est déçu, mais en même temps, il le lui a proposé la veille pour le lendemain.

Vingt-quatre heures. Ça fait vingt-quatre heures qu'Asra a vu son message. C'est long, non ? Ilya sait qu'iel a repris le travail et iel est chargé·e. Mais juste un message… est-ce que c'est trop demander ? Peut-être que oui. Est-ce qu'il ne devrait pas se soucier du bien être d'Asra, plutôt que de ses réponses pour un pauvre cinéma ? Lui envoyer du soutien au lieu de trépigner derrière son téléphone ? Merde. Quel égoïsme. Évidemment, il pense d'abord à ce qu'il ressent au lieu de se soucier d'Asra. Comme s'il ne pouvait envisager cette relation qu'au travers de ce qu'il en tire, c'est…

— Depuis hier ? s'étonne Pasha. Iel a dû oublier. Tu l'as relancé·e ?

— Iel est sûrement occupé·e avec ses commandes.

— Justement. Ça lui ferait du bien de sortir la tête de l'eau.

Ilya n'avait pas vu les choses sous cet angle. Est-ce qu'il doit insister, alors ? C'est son rôle de petit ami de prendre soin d'Asra, surtout quand iel est iel même trop accaparé·e par ses travaux pour le faire. Sur ce point, Julian peut lea comprendre. Combien de fois Pasha l'a-t-elle retrouvé, sa tasse de café à moitié bu refroidissant alors qu'il s'était endormi sur ses fiches de révision ? Asra n'est peut être pas aussi buté·e que lui, mais quand on a la tête dans un projet, le reste du monde disparaît.

Et c'est comme ça qu'on se retrouve à alterner crises d'angoisse et plans cul ivres dans un bar.

— Je vais essayer de l'appeler, souffle Julian.

Même si Asra n'a pas décroché, la dernière fois qu'il a tenté de lea joindre.

Et s'iel était occupé·e avec quelqu'un d'autre ? Cette histoire de relation libre lui revient. Un sujet glissé entre le croissant et les brioches, au petit déjeuner. Asra n'a jamais évoqué d'autres partenaires, mais peut-être que c'est une part de sa vie qu'iel préfère garder secrète ? Après tout, ce n'est pas parce que saon petit·e ami·e a été honnête sur le sujet qu'iel a envie de partager sa vie intime avec lui. Et si, justement, c'était la vie intime d'Asra qui l'empêchait de répondre, et pas le travail ?

Oh, non. Ilya se sent con. Il lui a fait de grandes déclarations comme s'il n'y avait que leur relation au compteur. Mais pour Asra… oui, pour Asra il n'est probablement pas le partenaire le plus important. Et il peut le comprendre. Avec leur passif…

Ilya déglutit, reposant son téléphone. Ils n'ont jamais sérieusement abordé le sujet, mais il réalise soudain comme il connaît mal saon partenaire. Comment est-il censé envisager l'avenir avec quelqu'un qui n'a peut-être pas envie d'une relation durable ? Il n'est peut-être qu'un agréable passe-temps, pour Asra. Iel ne lui a rien promis. Ils ont juste couché ensemble à l'anniversaire de Lucio, et ensuite…

Sur un coup de tête, il tend le bras et attrape son téléphone. Son ventre se serre un peu plus à chaque sonnerie, mais il tient bon. Prépare dans sa tête le message qu'il va laisser sur le répondeur.

— Allô ? Ilya ?

Sauf qu'Asra décroche.

— Err… Bonjour ?

Il regrette aussitôt son geste, mais c'est trop tard pour reculer. Il ne va pas lui raccrocher au nez alors qu'il vient de l'appeler. Ce serait ridicule. A l'image de sa vie, en somme.

— Je voulais… tu as eu mon message ? Celui que je t'ai envoyé hier.

— Oh.

Silence. Là, il sent qu'Asra est gêné·e. Est-ce qu'iel a seulement vu son texto ? Peut-être qu'iel a oublié de lui répondre ? À moins qu'il n'ait pas ne serait-ce qu'ouvert son portable.

— Désolé·e, reprend-iel. Je viens à peine de finir mes envois de la semaine. C'est… J'ai complètement oublié de te répondre.

Première option, donc.

— C'est pas grave, ment Ilya. J'imagine que c'est non pour ce soir ?

— Je suis épuisé·e, avoue Asra.

Bien. Ilya s'en doutait. Il est quand même déçu.

— Tu voudrais qu'on reporte ? tente-t-il. Je finis à seize heures mardi prochain. On pourrait se retrouver après.

— Mardi…

À nouveau un silence. Au ton de sa voix, Ilya comprend qu'iel réfléchit. Il songe que c'est étrange d'aussi bien connaître quelqu'un, et s'en savoir si peu à son sujet. Saon petit·e ami·e est un tel mystère, s'en est…

— Je vois déjà quelqu'un, répond Asra.

Quelqu'un. Une boule se forme dans son ventre. Celle qu'il vient de ravaler et qu'il n'a pas su effacer.

— Jeudi ? propose Asra. Si je me tiens à mon planning, j'aurai fini mes dernières commandes mercredi.

— Jeudi, oui je… Err, je finis à dix-neuf heures. Ça ne fera pas trop tard pour toi ?

— On passera la soirée ensemble. Tu travailles, le lendemain ?

— Pas le matin.

— Tu veux rester dormir à la maison ?

Ils s'arrangent d'une manière trop scolaire pour que Julian ne trouve pas ça étrange. Mais il acquiesce, et il raccroche avec la sensation de s'être fait avoir.

Quelqu'un. Asra voit quelqu'un. Et iel ne lui a pas dit qui. Donc, c'est quelqu'un qu'il ne connaît pas. Un autre petit ami ? Un plan cul ? Quoi qu'il soit peu fier, Ilya est un expert en tromperie, et son flair lui dit - enfin, ce n'est pas de la tromperie. Pas vraiment. Ils se sont mis d'accord.

Mais cette ombre, ce quelqu'un sans nom qui flotte entre eux, ça lui noue la gorge.

Qui c'est ? Il ne peut s'empêcher de se poser la question. Et si, justement, Asra ne lui avait pas donné de nom parce qu'il connaît la personne en question ? Le seul nom qui lui vient en tête – aussitôt accompagné d'une grimace – c'est Lucio. Non, vraiment. Il n'a pas envie d'imaginer ça. De toute façon, Asra ne peut pas l'encadrer. Problème réglé. Et Nadia... Iel lui aurait parlé de Nadia. C'est sa meilleure amie. Muriel, alors ? Ilya sait qu'ils se voient toujours. Ils sont proches. Mais justement, Asra parle de Muriel. Iel a les yeux qui brillent quand iel l'évoque. Une tendresse qu'il n'a que pour lui. Non, ce n'est pas Muriel. Quoi qu'Ilya ne serait pas étonné qu'il y ait quelque chose entre eux. Le géant a toujours été proche d'Asra. Jaloux.

— Ilya ! C'est toi qui gères le repas ce soir, je te rappelle.

— Laisse-moi pleurer sur les restes misérables de ma vie et de mon avenir, souffle le médecin raté.

Aussitôt, sa sœur rapplique.

— Il y a un problème avec Asra ? s'inquiète-t-elle.

Un problème ? Non. Enfin, pas un vrai, c'est... Il est à ce point dramatique ? À en croire le regard que sa sœur lui jette, oui.

— Iel est pas dispo ce soir.

— C'est tout ?

Faussement blessé, le rouquin presse sa main contre son cœur et pousse un douloureux soupir.

Tout ? L'amour de ma vie me rejette et c'est tout ce que tu trouves à dire ?

— L'amour de ta vie en a une, de vie. Laisse lea respirer, glousse Pasha.

Ils rient. Elle n'a pas tort, c'est normal qu'Asra soit occupé·e. Ilya s'inquiète pour rien. Mais il a trouvé Asra distant·e, ces derniers temps. Et s'il est lui-même bien placé pour savoir que le travail prend parfois une place démesurée dans la vie, il a toujours réussi à libérer du temps pour ses partenaires. Ou pour les tromper. Enfin.

Et si, justement, Asra libérait du temps pour d'autres ? Si c'était pour ça qu'ils se voyaient moins, en ce moment ?

— Pasha ?

— Quoi ?

— Tu serais partante pour une sortie, mardi prochain ?

C'est une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. Il le sait. Ses mains fourmillent. Son torse pétille.

— C'est moi qui paie tout, insiste-t-il.

— Tout ?

— Le ciné et le café après. Ou avant, selon l'horaire.

— Ça ressemble à un plan foireux, ça tu sais ?

Là-dessus, il ne peut pas la contredire. Il lui offre simplement une moue désolée avant de hausser les épaules.

— J'ai juste envie de passer du temps avec ma petite sœur chérie.

— Je te préviens, si tu finis au poste...

— Pasha, je veux juste sortir au cinéma et boire un café, je ne vais pas égorger quelqu'un.

La jeune femme hésite. Elle croise les bras contre sa poitrine, tape du pied. Julian se mord la lèvre dans un silence religieux. Il a besoin que sa sœur soit là. S'il tombe seul sur Asra…

— D'acc, déclare Pasha. Mais j'aurai le droit de prendre une boisson et une part de gâteau au café.

— Merci ! Tu es géniale, je te promets que...

— Promets-moi surtout de t'occuper du repas. Je meurs de faim, Ilya. Vraiment. Mon estomac va se digérer tout seul si tu n'allumes pas immédiatement le four.

En pensées, Ilya lui promet sa reconnaissance éternelle. Puis il se lève et il fonce vers le comptoir de la cuisine.

. . .

Plus le temps passe, et plus l'étendue du désastre qui se prépare lui saute aux yeux. Peut-être que c'était une mauvaise idée. Ce plan, et cette histoire de café... En plus, le temps de quitter le taf pour rejoindre sa sœur, il était déjà seize heures trente. Si Asra a vu quelqu'un, iel est peut-être déjà parti·e. Si ça se trouve, rendez-vous était prévu ce matin et... Non. Sinon, Asra n'aurait pas refusé leur rendez-vous, justement.

— Tu comptes attendre que ton café gèle pour le boire ? glousse Pasha.

Elle s'applique à engloutir une délicieuse part de tarte au citron, ignorant les regards indiscrets que les gens tournent vers son ventre. C'est souvent comme ça, quand Pasha mange dehors. Les gens la fixent. Soufflent du nez. Se détourne avec cette petite moue constipée de ceux qui se croient mieux que les autres. Bien contents de ne pas peser son poids quand ils montent sur la balance.

Si elle les remarque, elle les ignore et pioche une nouvelle cuillère de meringue.

— Err... J'étais dans mes pensées.

Il avale une gorgée de son fameux café, déjà refroidi. Regarde autour de lui. L'endroit qu'il a choisi pour retrouver sa sœur – un café cozy au gâteaux plus colorés qu'un arc en ciel – n'est pas anodin. C'est celui dans lequel Asra adore se rendre. Venir ici sans iel, c'est... non, Ilya ne va pas se mentir là-dessus. S'il est venu, c'est précisément parce qu'il espérait lea croiser. Il sait que si Asra a vraiment un date aujourd'hui, il y a de fortes chances pour qu'iel ramène son partenaire autour de ces jolies chaises rembourrées. Mais iel pourrait tout aussi bien aller ailleurs. Chez iel. Et Julian aura dépensé son argent pour rien.

Enfin. Ce sera le problème du Julian du futur, ça. Et le Julian du futur va gagner plus d'argent qu'il n'en a jamais vu ces dernières années. Il peut bien commander un deuxième café.

— Alors ? C'est quoi le film prévu pour ce soir ? demande Pasha, les lèvres contre la paille de son bubble tea.

Asra aussi adore cette boisson. Même s'iel choisi toujours celui au matcha, et pas un de ces goûts fruités dont Pasha se régale. Ilya y voit juste un étrange miasme de couleur et de formes. L'idée de petites billes solides à l'intérieur de sa boisson le dégoûte. Mais soit.

— Qu'est-ce qui sort en ce moment, dans la catégorie film d'horreur ? répond Julian.

— Un film d'horreur dans une salle remplie d'ados ? T'es sûr ?

— Tu préfères un drame historique ?

— Franchement ? Oui. Si j'avais envie de flipper, je m'enfermerais dans ma chambre dans le noir, pas dans une salle de ciné.

Elle n'a pas tort, Ilya le lui concède. Il y a des ambiances plus propices au frisson qu'un ciné à la douce odeur de pop corn. Bercé entre le bruit des chewing-gum et des gloussements…

La porte. La porte du café. Elle s'ouvre – pour la énième fois. Sur une chevelure blanche.

Ilya se redresse de la manière la moins discrète qui soit. Ses genoux tapent contre le pied de la table. Mais la douleur arrive à retardement.

Asra entre, tenant derrière iel la porte à la vitre couverte de buée. Iel a une écharpe remontée jusqu'au nez, mais ses yeux brillent comme des soleils. Ilya devine le rougissement de ses joues.

— Eh ? Ilya ?

— Pardon. Je dois juste vérifier quelque chose.

Perdue, Pasha se tourne. Il croit. Aucune idée, en fait, il ne la regarde pas. Il n'a d'yeux que pour son partenaire, et pour la personne qui entre à sa suite. Un type, beaucoup plus âgé. Cheveux bouclés, visage fin, même si marqué par l'âge. Il s'avance et, derrière… une femme ? Elle aussi, elle a l'air plus vieille qu'Asra. Il ne voit pas ses cheveux sous son voile, mais elle regarde saon petit·e ami·e avec toute la tendresse du monde.

Ilya sent son ventre se nouer. Et c'est encore pire au moment où, refermant la porte, Asra croise son regard. Le rouquin se lève précipitamment, comme pris en pleine faute. Et c'est le cas, en un sens. Mais ça, l'autre ne peut pas le savoir.

— Asra ? souffle-t-il.

— Ilya ? Qu'est-ce que tu…

Les deux personnes qui accompagnent saon partenaire se tournent d'un même mouvement vers lui. La honte avale le pauvre hère. Mortifié est un faible mot pour décrire ce qu'il ressent, là.

— Désolé, se reprend-il aussitôt. J'étais avec Pasha et…err, on attend notre séance de cinéma. Je ne pensais pas te trouver en si… bonne compagnie.

Cette fois, c'est au tour d'Asra de faire une tête de lapin pris dans un piège. Iel regarde autour de lui. Est-ce qu'iel a des raisons de culpabiliser ? Merde, est-ce qu'Ilya a bien fait de s'inquiéter ?

— Je fais visiter le quartier à mes parents, lâche-t-iel enfin.

Ses parents.

Oh.

Oh non.