Hey !

On est en plein dans le dernier arc de la fanfic. Aaah, ça fait bizarre de poster des scènes que j'ai imaginées il y a plus de deux ans. Ma manière d'écrire a évolué entre temps, la fin de cette fanfic ne ressemblera pas du tout au début. Mais je l'aime toujours beaucoup. J'espère qu'elle vous plait toujours !

Merci à Ya pour sa relecture, et bonne lecture !


Mauvais plan(s)

Asra

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Un tremblement de terre dans sa tête. Asra inspire, mais tout vacille. Ça tourne et iel doit poser la main sur le rebord d'une chaise occupée pour garder le contact avec la réalité. Ce visage, ces cheveux, cette bouche pâle et... Ilya. Seigneur. Ilya, ici. Pourquoi ? Ce n'est pas... Asra n'avait pas prévu ça. Pas ici, pas maintenant, il y a ses parents et iel n'est pas prêt·e à laisser à son partenaire une si grande place dans sa vie. Alors iel se mord la lèvre et, comme les mots de son petit ami lui font gagner du temps, iel reprend aussi sec.

— Je fais visiter le quartier à mes parents.

La vérité. C'est la vérité, qu'il doit arranger avant que deux mondes qui ne devaient pas se rencontrer se percutent brusquement.

Iel a fini par les rappeler, ses parents. Un relent de culpabilité a guidé sa main vers le téléphone, et iel leur a proposé de passer une journée en ville. Pas chez iel. Chez iel, c'est privé, c'est ce cocon qu'iel ne veut pas dévoiler. Pas à eux. Et si ce café est aussi un endroit qu'iel affectionne particulièrement, c'est plus simple de sacrifier ce lieu que son chez iel. Alors après un tour en ville, iel...

La situation. Iel doit reprendre le contrôle.

— Papa, maman.

Iel se tourne et désigne sa famille d'un geste de la tête. Son père aux yeux ronds d'étonnement, dont le sourire n'en reste pas moins tendre. Et sa mère dont la douceur lea dérange.

— Je vous présente Ilya, un ami.

Iel croit voir les traits de Julian se tendre. Mais iel n'a pas le temps de faire sans le détail. Iel ne va pas expliquer maintenant à ses parents qu'iel a un partenaire régulier. Quelqu'un qu'iel... Enfin, il y aurait tant à leur dire. Parler d'Ilya, ça voudrait aussi dire parler des autres, ceux qu'iel a caché. Raconter tout ce qu'iel ne leur a pas dit au lycée, évoquer ses relations libres qu'iel n'a pas envie d'avoir à défendre ou à justifier. Surtout, ça voudrait dire parler de sa vie privée. Et Ilya sait bien comme Asra a horreur de ça.

— Ilya, voici mes parents, termine-t-iel en les désignant tour à tour. Salim et Aisha.

— Enchanté, Ilya, déclare le premier.

Asra peut lire la panique dans les yeux de son petit ami. Cet éclat qui dit merde, merde, merde. Et iel n'en pense pas moins. Cette coïncidence, bon sang, pourquoi faut-il que Julian se trouve ici, à ce moment précis ? Dans ce café. Asra voit bien Pasha derrière, et c'est vrai qu'ils ont les mêmes goûts en matière de boisson, elle et lui. Le cinéma n'est pas loin. C'est presque pire. Asra a l'impression que les fils du destin se sont ligués pour l'étrangler. Et si Ilya lui parle au neutre devant ses parents ? Est-ce qu'ils risquent de comprendre ? Est-ce qu'ils prendront ça pour une erreur et l'oublieront aussitôt ? Iel a envie de vomir. Salim serre la main de Julian, Aisha lui sourit et iel se sent mourir.

— Err... Je ne vous dérange pas plus longtemps. De toute façon, on a une séance de cinéma avec ma sœur, c'est... Même avec les pubs, mieux vaut y aller en avance. Ce serait dommage d'arriver en retard alors qu'on a payé les places. Enfin, qu'on doit payer... Des fois qu'il y aurait la queue.

Ilya panique. Asra aussi. Si son petit ami se trahit, il l'emporte dans sa chute. La situation est insupportable. Mais ni Salim ni Aisha ne semblent remarquer le drame qui se déroule. Le rouquin s'éclipse avec sa sœur qu'Asra a à peine le temps de saluer – la pauvre ne doit pas comprendre ce qui se passe – et iel prend place à une table pour trois qu'on leur désigne. Tout le monde s'assoit.

— Eh bien, commente Salim. Il est énergique, ce garçon.

— Oui, balbutie Asra. Ilya est particulier.

Le mot a une connotation péjorative, dans sa bouche. Iel ne pense pourtant pas de mal de son partenaire.

— Il est maladroit. Mais c'est quelqu'un de bien.

— Vous vous connaissez depuis longtemps ? reprend Aisha, curieuse.

— C'est un ami de Nadia. On s'est rencontrés l'an dernier pendant une soirée.

Asra n'aime pas la tournure que prend cette conversation. Iel a l'impression de présenter son petit ami à ses parents et, si c'est techniquement le cas, ça lui broie le ventre. Iel ne veut pas. Cette part de vie lui appartient. Iel n'est même pas sûr que ça durera sur le long terme. S'il découvre cette relation et qu'elle éclate en mille morceaux, il faudra les appeler pour le leur annoncer et affronter leur tristesse, la prendre en charge comme iel porte déjà toute cette affection bancale qu'ils lui vouent. C'est trop. Asra aime sa vie scindée comme elle est.

— Je vais commander au comptoir, coupe-t-iel soudain. Qu'est-ce que vous voulez ?

Iel pourrait tout aussi bien attendre qu'un serveur arrive, mais c'est plus fort qu'iel. Il faut qu'iel s'éloigne, là. Une minute ou deux, le temps de souffler. Avant de perdre pied. Iel tire sa chaise, répète en boucle la commande de ses parents dans sa tête pour ne pas l'oublier, et prend au passage un bubble tea. Se trompe sur le lait qu'iel choisit. Tant pis. Le matcha en couvrira le goût.

Inspirant, Asra fait redescendre l'angoisse qui prenait toute la place. L'air saturé d'odeurs sucrées l'aide. Ces parfums doux l'enveloppent. Iel déteste le bruit des cuisines qui lui broient les oreilles, le ronron des conversations tout autour. Mais iel peut le supporter. Tout ça, ce bruit, cette vie étouffante. Iel a l'habitude.

De retour à sa place, devant ses parents, iel se recompose un visage naturel. Iel a le contrôle, à nouveau. Sur la situation. Ses émotions. Tout va bien.

— Ça arrive d'ici cinq minutes.

— Bien, commente Salim. C'est joli, comme endroit. Tu viens souvent ici ?

— Quand j'ai besoin de faire une pause avec le travail. Ça me change les idées.

— Le travail. Tu as toujours la tête dedans.

C'est faux, mais c'est tout aussi bien qu'ils le croient. Le travail, c'est l'excuse parfaite pour ne pas être dérangé. Celle que ses parents acceptent d'entendre quand iel ne veut pas monter les voir. Celle, surtout, qu'ils peuvent entendre. Parce qu'ils sont comme ça, eux. Toujours plongé dans le travail, à rentrer si tard qu'ils en oublient de manger.

Asra ravale son amertume. Ce n'est pas le moment pour ça. Confortable dans son rôle de fils prodige, iel acquiesce et relance la discussion. Iel joue le jeu, jusqu'à ce que les consommations arrivent et qu'elles soient dégustées. Jusqu'à ce que ses parents reprennent la route, après un dernier au revoir.

Alors, seulement, la vie peut reprendre son cours.