Hey !
Je poste dans l'irrégularité la plus totale. Mais un jour (bientôt) cette fanfic sera intégralement postée. Juré.
Merci à Ya pour sa relecture, et bonne lecture !
(Et pardon d'avance. Ce chapitre n'est pas joyeux. Oups)
Désolé pour tout
Julian
.
L'anxiété. Ilya n'en avait pas ressenti autant depuis des années. Ça lui brûle le ventre et le torse, noue sa gorge. Son corps semble flotter, parfois, et sa concentration lui échappe. Dommage. Il avait trouvé un livre chouette parmi les SP de la librairie. Mais voilà.
Asra n'a pas répondu au petit message qu'il lui a envoyé en rentrant, il y a maintenant deux jours.
[Je suis désolé pour tout]
Ni au suivant, envoyé le lendemain.
[Je crois qu'on devrait reparler de tout ça. Est-ce que tu accepterais qu'on se revoit ?]
Est-ce qu'Asra ne veut plus le voir ? Plus du tout ? Ilya ne veut pas croire que cette dispute était une rupture. C'est invraisemblable. Tout se passait si bien. On ne se sépare pas pour un désaccord, c'est... D'accord, c'était plus qu'un simple désaccord. Mais quand même.
Et si cette dispute, justement, n'était que le résultat d'années de rancœur qu'Asra a nourri à son égard, sans lui en parler ? Ilya déteste cette option. Mais iel a dit… iel lui a fait des reproches. Des reproches mérités. Cette colère macérée ne sortait pas de nulle part. Iel a sûrement tourné et retourné ce discours depuis leurs retrouvailles. Gardé sous la langue quelques répliques acerbes qu'iel aura ravalées, sans jamais les partager. Du Asra tout craché.
Et justement, c'est bien le problème – toujours le même. Iel ne communique pas. Que ce soit pour lui parler d'iel ou de ce qu'iel ressent. Comme à l'époque, où iel évitait habilement les discussions sérieuses qu'Ilya tentait d'amorcer. Rien n'a changé. Si ce n'est que cette fois, il y croyait vraiment. Il voulait…. Non, il veut. Il veut que cette relation fonctionne.
C'est pour ça qu'il se retrouve, deux jours après leur dispute, au pied de l'appartement d'Asra. La gorge serrée, le cœur en vrac, mais armé d'une solide intention : arranger les choses. Asra lui reproche de ne pas avoir eu le cran de le quitter six ans plus tôt ? Ok. Iel a raison. Mais cette fois, Ilya va prendre son courage à deux mains. Pour Asra. Parce qu'il l'aime.
Et qu'il est assez idiot pour s'être pointé dans l'avoir prévenu·e. Il sonne trois fois. Aucune réponse. Oh, quel idiot. Il n'a même pas pensé que saon petit·e ami·e aurait pu sortir. Et même, débarquer chez iel sans prévenir… Ilya se giflerait bien. Mais il préfère lui envoyer un message précipité.
[Je suis devant chez toi. Je partirai si tu me le demandes, mais j'aimerai vraiment qu'on parle.
S'il te plait, Asra]
Une heure passe. Une autre. Est-ce qu'Asra l'ignore volontairement, pour se venger du silence qu'il lui a imposé des années plus tôt ? Ce serait mérité, mais Ilya trouve ça mesquin de sa part. Comment sont-ils censés trouver un terrain d'entente s'ils ne communiquent pas ? Cette relation a-t-elle si peu d'importance pour Asra ? Est-ce que le mal qu'Ilya a fait est irrémédiable ?
Une autre heure passe. La troisième touche à sa fin, quand une silhouette arrive à l'autre bout de la rue. Deux yeux mauves qui ne trahissent aucune surprise alors qu'ils lui tombent dessus. Iel a lu son message, Julian le devine. Et s'iel ne lui a pas demandé de partir, c'est qu'iel est d'accord pour discuter. Il espère.
— Monte, soupire Asra avant d'ouvrir la porte.
— Merci.
Pas de réponse. Peut-être qu'il le remercie un peu vite. Qu'ils vont passer un horrible moment. Mais certains horribles moments sont nécessaires, pour arranger les cas aussi désespérés que le sien. Ilya n'aime pas l'angoisse qui lui serre le cœur. Il se grillerait bien une clope, ne serait-ce que pour s'occuper les mains, mais dans l'appartement fermé d'Asra... Est-ce qu'iel le prendrait mal, s'il demandait à ouvrir une fenêtre pour fumer ?
Vu la situation, ce serait déplacé. Il va s'abstenir.
Arrivé en haut, il retrouve cet appartement qu'il a quitté trois jours avant. Tout est si propre et ordonné. Pourtant, les bricoles de décoration apportent un côté pétillant à l'ensemble de la pièce. C'est imprévisible, irrégulier. Magique. Comme un magasin perdu au coin d'une rue, plein d'articles qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Mais Julian n'est pas là pour admirer. Mal à l'aise, il tire une chaise, hésite, ne s'y pose pas et s'adosse contre un mur. Fouille machinalement dans sa poche pour chercher son briquet.
— Alors ? reprend Asra.
Iel a beau le regarder, posé·e contre la table, iel est aussi fermé·e qu'une porte de prison. C'est... déstabilisant. Froid. Ilya n'aime pas cette version de saon petit·e ami·e. Il a l'impression que quoi qu'il dise, il est déjà condamné.
— Par rapport à notre rendez-vous... Enfin, si on peut appeler ça un rendez-vous, err. Je suis désolé.
— Je sais.
— Je ne voulais pas que ça finisse comme ça.
Silence. Ses mots ne servent à rien, il tourne en rond, à s'excuser éternellement.
— Je n'aurai pas dû t'attendre au café. C'est ta vie privée, c'était déplacé de ma part.
Ça lui arrache la bouche de le reconnaître, même s'il sait qu'il était en tort. Une part de lui s'est sentie acculée devant les silences qu'Asra lui imposait. Une autre sait qu'il aurait dû lui en parler franchement. La dernière, enfin, ne peut s'empêcher de voir leur dispute comme la preuve qu'une discussion ouverte et sincère est impossible avec Asra. Mais il refuse d'y croire. C'est pour ça qu'il est là, aujourd'hui.
Les épaules d'Asra se détendent. Ok. Il est sur la bonne voie.
— J'aurais dû te parler franchement de ce que je ressentais. Et je sais... Je sais que mes reproches étaient mal placés.
Un rictus secoue ses lèvres. Oh, il a honte. De ce qu'il a fait, ce qu'il a été. Des blessures qu'il a laissée. Il avait dix-sept ans, certes. Mais ça n'excuse pas tout.
— Je t'ai abandonné, c'était...
— Horrible, souffle Asra.
Le mot lui fait l'effet d'une claque.
— Mais c'était il y a longtemps, reprend-iel.
— C'est pas parce que ça s'est passé il y a des années qu'on doit éviter d'en parler, rétorque Julian.
— Ça n'avancerait à rien.
— Vraiment ?
Asra hausse les épaules. Merde, c'est exactement ce que Julian lui reproche. Iel décide de se détourner au moment précis où il faudrait parler. Iel fuit.
— Tu m'en veux encore ? insiste-t-il.
— Ça remonte.
— Ça ne répond pas à ma question.
Il perd patience. Asra lui glisse entre les doigts et Ilya encaisse la frustration, mais bon sang. Est-ce qu'ils ne peuvent pas crever l'abcès une bonne fois pour toute ?
Le silence s'étire, la pression monte. Jusqu'à ce que les lèvres d'Asra s'ouvrent à nouveau.
— Oui.
Ok. Bien. L'abcès explose et la plaie suppure. Ça coule. Ilya se mord la lèvre. Il lutte contre l'envie irrépressible de se défendre. Cette injustice brûlante qui dit c'était il y a longtemps et c'est vrai, ça remonte. Il était jeune, paumé. Il l'est encore, d'ailleurs. Il était… il aimait vraiment Asra. Mais c'était terrifiant. Alors il a tout ruiné. Il a détruit le jouet de peur de l'abîmer.
— Je ne voulais pas te blesser.
— Mais tu l'as fait.
— Je sais.
Comment est-ce qu'on répare une erreur comme celle-là ? Est-ce que ça se peut ? Peut-être qu'Ilya a merdé pour de bon. Qu'il en paie le prix aujourd'hui. C'est injuste. Il a vraiment essayé de se rattraper, de devenir une meilleure personne. Avec Asra, il y arrivait.
Il lea regarde. L'idée d'abandonner cette relation ici lui est insupportable.
— Tu m'as mis de côté au lieu d'être honnête avec moi, souffle Asra. Et maintenant, tu recommences à agir dans mon dos. Tu n'as pas changé.
— C'était pas…
— Quoi ? Volontaire ?
Iel darde ses yeux sur lui.
— Tu ne m'as pas avoué que tu m'espionnais. Ça t'a échappé.
Ilya déglutit.
— Est-ce que tu comptais me le dire ? Ou est-ce que avait prévu de me le cacher, ça aussi ?
Il baisse les yeux. Asra a vu juste, et il ne peut pas lea contredire. Mais il avait ses raisons. C'est… Non. Il ne peut pas se défendre. Pas là-dessus.
— Non. Je te l'aurais caché, si j'avais pu.
Et il aurait entassé ça tout au fond de sa mémoire en essayant de se convaincre que ce n'était pas si grave, au fond. Tout ce qu'il peut encore faire, c'est être honnête avec Asra.
— Je sais que je n'avais pas à faire ça, reprend-il. Mais comment je suis censé réagir quand tu m'écartes de ta vie, Asra ? Dis-le moi, parce que là, je sais plus quoi faire.
Ils sont dans une impasse. Mais il refuse de croire qu'il n'y a pas de solution. S'ils cherchent, s'ils s'ouvrent sincèrement l'un à l'autre…
— Tu ne me dis rien, tu refuses de me présenter à ton entourage, tu me tiens à l'écart de tout ce qui te concerne et quand j'essaie d'en apprendre plus sur toi, tu te fermes.
Asra l'écoute parler. Son visage se ferme. Ilya sent son estomac se soulever. Pourtant, il continue.
— Je t'aime. J'étais sincère, quand j'ai dit que tu étais la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Toi et moi… Je veux vraiment que ça marche. Je ferai n'importe quoi pour ça. Mais j'ai l'impression d'être le seul à y croire. On couche ensemble, on s'amuse, mais dès que j'essaie d'être proche de toi, tu t'éloignes.
Il est amoureux, désespérément amoureux et, pour une fois, il ne cherche pas juste à combler ce besoin urgent de se blesser. Il est bien, avec Asra. Pas angoissé, par dépendant, juste bien. Iel était là quand il en a eu besoin, et personne ne lui a jamais autant donné l'impression d'être respecté.
Sauf.
Sauf que.
— C'est comme si tu n'avais aucune place pour moi dans ta vie.
Il l'a dit. Le cœur sur la langue, Ilya plonge ses longs doigts dans ses poches. Il attend. Son regard implorant posé sur Asra comme un guette une sentence. Peut-être qu'il n'est que ça, un plan cul un peu drôle. Un vieil ami. Quelqu'un avec qui on s'amuse bien, mais qu'on laissera quand on s'en sera lassé. Asra ne serait pas lea premier·e à l'aimer de loin pour mieux l'abandonner.
Mais iel est lea seul·e en qui Ilya a cru aussi fort.
— Je ne t'ai rien promis, tranche Asra.
Les mots résonnent dans la pièce.
— Je tiens à toi, mais j'aime ma vie comme elle est et je n'ai pas l'intention de la changer. Je ne veux pas mêler mes relations et ma famille. Et si je n'ai pas envie de parler de moi, c'est mon problème, pas le tien.
La claque. Le regard sec d'Asra. Non, pas sec. Sec, c'est encore trop vif pour décrire l'absence d'émotion qui fige son visage. Une porte. Tout chez iel semble verrouillé et Ilya réalise, amèrement comme il s'est fourvoyé. Il a compté sur Asra. Il lui a fait confiance, il s'est reposé sur iel quand il était au plus mal. Fragile. Vulnérable.
Mais l'inverse n'arrivera jamais.
— T'es sérieuxse ?
Le ricanement incrédule lui échappe.
— Oui.
Asra ramène sa main contre le tissu léger de son chandail et Ilya déglutit. Ce n'était pas qu'une impression, alors. Asra n'a pas assez de place dans sa vie pour lui en faire une. Pas assez d'amour, peut-être.
Mais qui est-ce que ça surprend ? Ilya sait qu'il l'a mérité.
— Je n'ai rien de plus à te dire, ajoute Asra.
Iel, peut-être. Mais Julian en a, des choses à ajouter. Des sentiments blessés à mettre sur la table. Asra lui a reproché de n'avoir pas pris le temps de lui parler en premier lieu, Pasha aussi. Mais il réalise à quel point cette discussion avortée aurait été vaine. On ne peut pas communiquer avec quelqu'un qui refuse de se montrer. Les dés sont pipés. C'était couru d'avance, et Ilya vient de s'ouvrir le cœur pour se voir claquer aussi sec la porte au nez.
— Je croyais que… bégaye-t-il. Bêtement… Mais je me suis fait des idées, hein ?
Il pensait qu'Asra l'aimait autant que lui. Au moins assez pour croire à cet avenir commun. Partager ses efforts. Mais Ilya s'est donné une importance qu'il n'avait pas.
— Encore, raille-t-il.
Comme toujours, avec tous ses ex. Il s'accroche pour mieux se faire jeter, ramasse ses sentiments blessés, encaisse l'humiliation. Il se redresse brusquement et serre les pans de son manteau sur son torse. Comme effrayé, Asra recule. C'est bien le seul semblant d'émotion qu'iel lui offrira aujourd'hui.
— Je ne peux pas te donner ce que tu veux, se défend-iel.
— Si tu le dis.
Ça a assez duré. Ilya est peut-être masochiste, mais il ne compte pas faire durer le spectacle. Il a merdé, il en a parfaitement conscience. Asra a le droit de lui en vouloir. Mais Julian est aussi le seul qui a vraiment, sincèrement essayé de faire de son mieux dans cette relation. Tout ça pour quelqu'un qui ne veut pas vraiment de lui. Qui n'est pas prêt·e à lui accorder la confiance qu'il lui a donné.
C'est… bon sang.
Il a l'impression qu'on s'est joué de lui. Et si ce n'est pas la première fois, ça n'a jamais fait aussi mal. Alors il se tourne, dans un dernier élan.
— Tu sais, Asra.
Sur le pas de la porte.
— Je sais ce que je vaux. Je suis pas… Je sais pas faire les choses bien. J'essaie, mais apparemment…
Il ricane. C'est moche à entendre. Mais au moins, c'est sincère.
— Mais toi non plus, t'as vraiment pas changé en six ans.
Et il claque la porte derrière lui. Il dévale les escaliers, sort ses clopes dans le froid de la fin d'hiver. Le vent glacé lui saute au visage, mais quelle importance ? Il pourrait bien pleuvoir, grêler, même. Le monde peut s'effondrer, maintenant. Celui d'Ilya est retourné au tas de ruines qu'il a toujours été. Il a osé espérer qu'il méritait mieux que ça. Quel crétin.
Au moins, maintenant il n'oubliera pas où est sa place.
Pas près d'Asra, définitivement.
