La chute du monarque – 37 ans
L'agression de Severus avait été le dernier clou dans le cercueil de la confiance que vouait la population sorcière à Albus Dumbledore.
Après un long séjour dans l'aile des accidents magiques de St Mangouste, le vieux sorcier avait été jugé coupable d'agression et de tentative de meurtre et condamné à dix ans de prison. Avec trois gouttes de véritasérum et des cercles de vérité, tous les médias purent placarder dans leurs feuilles de chou que si le grand Albus Dumbledore s'était abaissé à prendre sa baguette, c'était parce qu'il en voulait à Severus Prince de lui avoir volé sa gloire longuement espérée et d'avoir réduit à néant toute possibilité d'instaurer le plus grand Bien. Le maître de potions s'était tâté pour demander plus de précisions sur ce fameux plus grand Bien mais il avait concédé que cela ne lui apporterait pas grand-chose dans sa vie. Toutefois, il savait que reprendre la devise de Gellert Grindelwald n'était pas anodin et avait attiré l'attention de certaines personnes, notamment le conseil international magique, durement échaudé par la dernière guerre mondiale. D'après ses contacts, le vieux sorcier avait été sorti d'Azkaban pour être longuement interrogé sur ses projets sur la Grande Bretagne sorcière et le fait que sa peine ait été convertie sans tambour ni trompette pour de la perpétuité ne devait pas être un hasard.
La mort de Voldemort et la disparition définitive de la scène publique de Dumbledore avaient permis à la société de se reconstruire. Puisque la chasse aux mangemorts avaient destitué de nombreux chefs de clans, de nouveaux ladies et lords étaient arrivés sur la scène politique et remettaient en cause ce qui s'était fait avant eux. Si au début, les plus anciens au Magenmagot s'opposaient à tout changement, apprendre que les lois qu'ils vénéraient allaient à l'encontre du Codex Magia qu'ils étaient censés respecter avait ébranlé leurs convictions. Pire, ils prenaient conscience en lisant toutes les lignes de ces lois qu'elles allaient à l'encontre des us et coutumes sorcières. En ajoutant à cela que c'étaient des lois rédigées et proposées essentiellement par Albus Dumbledore, il n'en avait pas fallu plus pour lancer une grande révision de ce qu'avait fait le vieux sorcier.
Parmi cette vague de nouvelles ladies et de nouveaux lords, la réapparition d'Harry Potter avait fait les gorges chaudes de la société pendant des semaines. Le jeune homme, nouveau lord Potter, avait pris sa place au sein du Magenmagot et avait attiré la curiosité de toute l'assemblée, notamment par sa connaissance de la situation politique alors qu'il avait disparu depuis la mort de ses parents. Le brun les avait laissé parler et imaginer tout et n'importe quoi sur sa vie avant de se décider de donner une interview la veille de la rentrée scolaire. Severus avait toujours un sourire niais quand il se remémorait le moment où Harry avait ouvertement déclaré qu'il avait toujours été dans le monde magique sous le nom d'Hadrian Prince et qu'il avait été élevé avec amour par Severus Prince sans qu'on lui colle sur le dos une célébrité aussi encombrante qu'inutile que celle du Survivant. Les élèves s'étaient attendus à pouvoir lui sauter dessus dès la descente du train pour se placer en bonne position dans l'entourage du nouveau lord Potter et par extension, le fils du Sauveur, mais ils furent déçus en apprenant que dès l'instant où la loi Dumbledore qui obligeait tous les enfants britanniques à passer leur scolarité à Poudlard avait été abrogée, Harry avait terminé de passer ses ASPIC et avait repris sereinement son apprentissage qu'il avait dû suspendre à cause des imbécilités d'un Dumbledore vexé.
Un point de l'interview faisait toujours sourire Severus quand il y repensait.
-Albus Dumbledore? demanda Harry Potter. Je ne le connais que de nom.
-Il assurait pourtant qu'il avait veillé sur vous toute votre enfance et qu'il n'avait pas pu convaincre votre famille de saisir une opportunité professionnelle dans un autre pays, commenta le journaliste.
-Cela n'a jamais été le cas, assura Harry. Le testament de mes parents a été bloqué par Dumbledore et j'ai été envoyé dans une famille dans laquelle mes parents refusaient que j'aille. J'en suis parti moins de trois mois plus tard et je suis resté sous la protection de Gringotts jusqu'à ce que mon père puisse me récupérer.
-Votre père? demanda le journaliste
-Oui, Severus Prince, déclara Harry avec un grand sourire. Il ne savait pas comment s'occuper d'un enfant en bas âge, il faisait encore ses études et il ne voulait plus entendre parler de la Grande Bretagne sorcière mais pourtant, il n'a pas hésité un seul instant à accepter ma tutelle puis à m'adopter.
-Mais c'est un Serpentard … fit le journaliste.
-Et? demanda Harry en haussant un sourcil
-Ils sont mauvais … déclara le journaliste en hésitant.
-Vraiment? railla Harry. Ce sorcier m'a élevé comme son fils et il m'a toujours soutenu. Jamais il ne m'a vu comme le Survivant ou l'héritier Potter, simplement comme Harry. Il m'a donné la meilleure éducation, ne m'a jamais caché mes origines ni ma nature magique et m'a toujours montré les avantages comme les inconvénients de la société d'où nous venions. J'ai été maltraité dès l'instant où j'ai été déposé dans la famille soigneusement sélectionnée par Albus Dumbledore qui n'a même pas pris la peine de s'enquérir de mon état jusqu'à ce que Gringotts lui refuse l'accès à mes coffres quand j'avais dix ans. Severus Prince m'a protégé du rôle de Survivant alors qu'Albus Dumbledore m'avait déjà placé à ses côtés et brandi comme un accessoire dès que j'entrerai à Poudlard. Serpentard n'est que le nom d'une maison et elle n'est certainement pas celle des méchants. Je vous rappelle que c'est un Gryffondor qui a voulu tuer mon père, pas plus tard qu'il y a quelques mois.
-Mais … protesta le journaliste.
-Mais quoi? coupa Harry. Vous voulez me dire qu'Albus Dumbledore a fait tellement de choses pour moi? Il n'a jamais exercé de responsabilité sur moi et quand je l'ai rencontré, j'avais seize ans et il ne m'a pas fait la meilleure des impressions! Ce n'est pas plus mal car je ne regrette pas ma vie avec mon père.
-Il aurait pu vous inscrire à Poudlard, tenta le journaliste.
-Poudlard était l'une des pires écoles au monde, révéla Harry. Son programme était parmi les plus pauvres et sa discipline laxiste avait dépassé les frontières, sans parler du mépris institutionnel envers Serpentard auquel vous-même vous adhérez! Mon père a toujours voulu me donner toutes mes chances et cela comprenait par ne pas m'envoyer à Poudlard. Si ça avait été le cas, jamais je n'aurais pu décrocher l'apprentissage que je visais.
-Un apprentissage? s'indigna le journaliste. Vous ne pouvez pas …
-Est-ce que vous savez au moins ce que c'est? coupa froidement Harry. La vraie définition, pas ce que Dumbledore vous a gentiment traduit pour que vous ne croyiez qu'en ses mensonges?
-Mais on sait … protesta le journaliste.
-Rien du tout! déclara Harry. Je ne me prostitue pas, je ne suis pas battu et encore moins insulté tout au long de la journée, ni même réduit en esclavage! Pour un journaliste, je vous trouve bien ignorant!
Le journaliste rougit.
-Vous auriez pu être élevé par une famille de la Lumière, essaya une nouvelle fois le journaliste.
-Ah oui? ricana Harry. Et qu'est-ce qu'une famille de la Lumière, hum? Sachez que la Grande Bretagne sorcière, grâce à votre ancienne éminence grise Albus Dumbledore, est l'un des rares pays à croire qu'il existe une magie «blanche» et une magie «noire» alors que la Magie est Une. Seules les pratiques les teintent dans un sens comme un autre. Toutes les familles ont des pratiques qui ne sont pas politiquement correctes pour des imbéciles tels que vous et ce serait de l'hypocrisie pure et dure de le nier. Pour preuve, votre sacro-saint Dumbledore a quand même lancé des sorts impardonnables sur mon père et pourtant, parce que c'est lui, personne n'a hurlé au meurtre. Avant de me dire que ce n'est pas vrai, la liste des sorts que ce vieux fou a lancé est dans le procès-verbal.
Le journaliste avait fini par comprendre que pour le Survivant, Albus Dumbledore n'était pas un sorcier qu'il estimait et il avait orienté ses questions sur un autre sujet. Mais un peu plus tard, le même journaliste était revenu et avait demandé son avis sur tous les sujets où le vieux sorcier y avait mêlé l'avis du brun et les réponses avaient si édifiantes qu'on ne pouvait plus croire que l'ancien directeur de Poudlard avait eu le bien-être de l'adolescent en compte.
Le second article avait délié les langues des anciens élèves qui avaient dû subir la vision du monde selon Albus Dumbledore, notamment la supériorité des Gryffondors, même s'ils faisaient des bêtises plus grosses qu'eux ou que leurs victimes étaient punies à leur place. Pour que la population puisse bien comprendre à quel point le vieux sorcier avait faussé leur vision du bien et du mal, Severus avait demandé à ce que les Serpentards se taisent sur le comportement de l'ancien directeur envers eux et cela leur avait enfin permis d'apprendre à réfléchir par eux-mêmes. Même ses alliés les plus féroces avaient dû se rendre à l'évidence et comprendre que leur idole n'était pas si parfaite qu'elle ne le faisait croire. Alors quand le vieux sorcier enclencha une procédure pour revenir sur sa condamnation, il ne trouva personne pour témoigner en sa faveur.
Severus était satisfait des actions de son fils. Harry avait autant agi dans la destitution d'Albus Dumbledore que lui-même et désormais, il ne pouvait plus les inquiéter. C'était une hantise qu'il avait depuis qu'il avait récupéré Harry à Gringotts et maintenant qu'il était définitivement derrière les barreaux, c'était un soulagement sans nom.
Ils pouvaient vivre heureux désormais.
