Chapitre 26 - Flashback 1

Trois ans plus tôt.

Mars 2002. Presque six ans après la mort d'Albus Dumbledore.

Les dents d'Hermione grincèrent de frustration alors qu'elle mettait en bouteille des potions antidotes. Elle venait juste de sortir d'une autre réunion de l'Ordre inutile.

Parfois elle se demandait si elle était la seule à être consciente qu'ils étaient en train de perdre la guerre.

Alors qu'elle mettait à l'écart les nouvelles bouteilles, elle en fourra quelques-unes dans ses poches et se hâta vers la pièce voisine où Madame Pomfresh s'activait. La salle d'hôpital qui occupait le deuxième étage du Square Grimmaurd était étrangement calme.

Personne dans la salle n'avait de blessure facilement soignable.

Lee Jordan était allongé sur un lit. Il y avait de la matière grise qui s'échappait par ses oreilles, goutte à goutte. Hermione avait trouvé comment annuler le sort, mais le contre-sort était lent à agir. Elle ne pouvait qu'espérer que le goutte-à-goutte s'arrêterait au cours de la prochaine heure. Elle doutait que ses capacités mentales puissent revenir. Les dommages au cerveau étaient graves et irréparables. Elle ne savait pas quelle était leur étendue précise. Elle devrait attendre qu'il se réveille.

S'il se réveillait.

Le plus probable, en présumant qu'il ne soit pas en mort cérébrale quand le goutte-à-goutte cesserait, était que l'Ordre devrait le déposer au plus vite à Sainte Mangouste quand ils pourraient se permettre de se passer de quelqu'un.

George Weasley était assis sur un lit à côté de son ami. Il était pâle de douleur et de désespoir. Il avait été touché à la cuisse par un sort nécrosant à action rapide. Le temps qu'il arrive à surmonter la douleur et à transplaner, la putréfaction s'était étendue jusqu'à sa hanche. Il n'y avait pas de contre-sort pour la nécrose. Hermione avait à peine réussi à contourner les organes vitaux quand elle l'avait amputé. Elle n'avait pas eu une seule seconde pour prendre le temps de l'endormir. Ses mains tremblaient toujours, peu importait combien de philtres Calmants et de potions contre la douleur Hermione lui administrait.

Katie Bell était allongée dans le lit du coin du fond. Endormie. Avec un peu de chance, elle se réveillerait bientôt. Un Mangemort méchamment créatif avait fait apparaître un porc-épic dans son torse. Les piquants avaient déchiré et estropié les poumons et l'estomac de la jeune femme, et ce n'est que par miracle qu'ils n'avaient pas arrêté son cœur. Elle s'était presque noyée dans son sang avant qu'Hermione et Madame Pomfresh n'arrivent à faire disparaître la créature et à stabiliser Katie. Elle était là depuis trois semaines. Bien que globalement guérie, son torse entier était toujours couvert de minuscules cicatrices rondes. Sa respiration produisait un petit claquement quand elle bougeait.

Hermione s'avança et versa une potion anti-venin dans la gorge de Seamus Finnigan. Il était tombé dans un nid de vipères et s'était fait mordre trente-six fois avant de réussir à transplaner. Ce n'était que grâce à l'immunité des sorciers pour les blessures non-magiques qu'il avait réussi à revenir avant de mourir.

Il y avait une douzaine d'autres corps dans la salle d'hôpital, mais Hermione ne connaissait pas le nom de ces combattants de la Résistance, et ils étaient trop blessés pour le lui dire.

Se tenant dans la pièce à regarder les corps blessés et silencieux, Hermione se sentait perdue.

Elle revenait juste d'une autre réunion dans laquelle elle avait pressé l'Ordre à commencer à utiliser des sorts plus efficaces quand ils se battaient. Cela avait été rejeté. Une nouvelle fois.

Il y avait une sorte d'optimisme bizarre parmi les membres de l'Ordre qui leur faisait croire qu'ils pouvaient gagner la guerre sans utiliser la magie noire. La plupart des combattants de la Résistance continuait à stupéfixer ou pétrifier par défaut quand ils étaient piégés, comme si les Mangemorts ne pouvaient pas annuler ces sorts en quelques secondes et réapparaître à la prochaine escarmouche pour tuer quelqu'un d'une horrible manière ou le mutiler.

Il y en avait quelques uns qui avaient commencé à utiliser des sorts plus vicieux. Principalement ceux qui avaient reçu un sort qui les avait presque tués. C'était un secret mal gardé parmi les rangs de la Résistance ; tout le monde fermait les yeux, prétendant que ça n'était pas le cas.

À chaque fois qu'Hermione apparaissait dans une réunion de l'Ordre, elle plaidait que les combattants avaient besoin d'apprendre une magie plus efficace pour se battre en duel. À chaque fois elle se retrouvait être la cible de regards incrédules.

Apparemment, être du côté de "la Lumière" impliquait qu'ils devaient se battre contre des probabilités totalement en leur défaveur. Peu importait que leurs ennemis veuillent les tuer, pour ensuite assassiner et asservir tous les Moldus d'Europe. Apparemment, c'était toujours une raison insuffisante pour tuer des Mangemorts en légitime défense.

La réponse qu'on lui donnait à chaque fois était la même. Elle était une guérisseuse, ne savait-elle pas qu'utiliser la magie noire finissait par corrompre une personne ? Si les membres de l'Ordre et de la Résistance faisaient le choix personnel d'utiliser ce genre de sorts, c'était leur décision. L'Ordre ne l'exigerait de personne. Ne l'apprendrait à personne.

En outre, quelqu'un pointait toujours à Hermione avec affabilité qu'elle savait à peine ce que c'était d'être là-bas sur le champ de bataille à faire face au choix de prendre la vie de quelqu'un. Elle était toujours cachée au Square Grimmaurd à agir en tant que guérisseuse, maîtresse des potions et chercheuse pour l'Ordre. C'était pour ça qu'ils avaient besoin d'elle. Elle devait laisser les gens spécialisés dans les combats prendre leurs propres décisions sur les stratégies de guerre.

C'était assez pour donner à Hermione l'envie de crier.

Alors qu'elle se tenait au côté de Lee Jordan, bouillonnante, elle entendit le claquement d'une jambe en bois sur le sol et se retourna pour voir Maugrey Fol Oeil entrer dans la pièce. Il regarda droit vers elle.

"Granger, un mot," dit-il.

S'armant, elle se retourna pour le suivre le long du couloir. Elle espérait qu'elle n'allait pas de nouveau être réprimandée pour avoir eu l'audace de remettre en question la stratégie de guerre de l'Ordre. Elle n'imaginait pas que Fol Oeil le ferait ; c'était l'un des seuls membres de l'Ordre qui ne désapprouvait pas.

Maugrey ouvrit le chemin jusqu'à une petite salle, et une fois qu'ils furent à l'intérieur il se retourna et lança une série de sorts de discrétion complexes et puissants.

Une fois qu'il eut terminé, il fit avec attention le tour de la pièce. Son œil magique tourbillonnait alors qu'il scrutait chaque recoin. Après une minute, il baissa les yeux vers elle.

Il semblait bizarrement tendu, même pour un homme qui aboyait "Vigilance constante" plus souvent que n'importe qui.

Il semblait gêné.

"Nous sommes en train de perdre la guerre," dit-il après un moment.

"Je sais," dit Hermione d'une voix de plomb. "Parfois j'ai l'impression d'être la seule personne à en être consciente."

"Certaines personnes… ne peuvent se battre que remplis d'optimisme," dit lentement Maugrey. "Mais… on est à court d'optimisme."

Hermione continua de le fixer. Elle n'avait pas besoin de lui pour le lui dire. Elle le savait.

Elle était celle qui devait maîtriser les gens alors qu'ils mouraient dans d'atroces souffrances de sorts qu'elle ne pouvait pas contrer. Qui devait ensuite aller dans la salle de débriefing pour lister les morts et les blessés, détaillant la durée de convalescence espérée et quand on pourrait attendre de ces gens qu'ils se battent de nouveau une fois celle-ci terminée.

"Une opportunité s'est présentée," dit Maugrey d'une voix basse. Il étudiait attentivement son visage. "Une de celles qui pourrait changer le cours de la guerre."

Hermione n'avait plus de flamme d'espoir en elle qui aurait pu s'allumer à ces mots. À en juger par le contexte dans lequel Maugrey lui parlait, elle suspectait que son prix était assez élevé pour être remis en question.

"Oh ?"

"Au fur et à mesure que les forces de Voldemort se sont étendues, les renseignements de Severus sont devenus limités. Il s'en tient principalement à la recherche et au développement de nouveaux sorts avec Dolohov. Ils ne l'informent pas de la stratégie des attaques."

Hermione hocha la tête. Elle l'avait remarqué au cours des derniers mois. Certains des autres membres de l'Ordre y avaient vu une opportunité pour commencer à remettre une fois de plus en question la loyauté de Rogue.

"Nous avons l'opportunité d'avoir un nouvel espion. Quelqu'un de haut placé dans les rangs de l'armée de Voldemort souhaite rejoindre notre camp."

Hermione regarda Maugrey avec scepticisme. "Quelqu'un de haut placé veut changer de camp maintenant ?"

"Sous condition," clarifia Maugrey. "Le fils Malefoy. Il dit qu'il veut devenir espion pour venger sa mère. Avec la garantie d'une grâce complète et…" il hésita. "Et il te veux. Maintenant et après la guerre."

Hermione resta abasourdie. Si Maugrey lui avait jeté un sortilège, elle n'aurait pas été moins assommée.

"Severus pense que l'offre est honnête. Il dit que Malefoy avait une sorte de fascination pour toi à l'école. Rien n'indique que l'offre a été faite sur ordre."

Hermione enregistra à peine les mots alors qu'elle restait là, vacillant intérieurement.

Elle n'avait pas vu Malefoy depuis l'école.

La sixième année avait à peine commencé quand il avait débuté la guerre en assassinant Dumbledore avant de s'enfuir. Elle entendait occasionnellement parler de lui quand Severus leur donnait des nouvelles de la structure militaire de l'armée de Voldemort. Malefoy avait grimpé régulièrement dans les rangs au fil des années.

Pourquoi Malefoy changerait-il de camp ? La responsabilité de la guerre pouvait légitimement être placée sur ses épaules. Il n'y avait pas de raison pour un changement d'alliance aussi tardif.

Peut-être que le pouvoir de Voldemort n'était pas aussi assuré que ce qu'ils avaient pensé. Peut-être que les rangs commençaient à se rompre. Cela semblait trop beau pour être vrai.

Mais pourquoi la vouloir elle ?

Elle ne se rappelait pas de choses particulières dans leur rivalité à l'école. Il s'en était toujours plus pris à Harry qu'à elle. Elle avait toujours été plus comme une note de bas de page ; une insulte additionnée au reste parce qu'elle était une née-moldue. Elle n'avait jamais été la vraie cible de sa méchanceté.

À moins que… la requérir soit une sorte de vengeance sur Harry.

Peut-être qu'il pensait qu'Harry et elle étaient ensemble. Bâtard.

Elle resta là à réfléchir jusqu'à ce que Maugrey reprenne la parole.

"Il n'y a pas grand chose que je ne ferais pas pour les renseignements qu'il pourrait offrir. Mais il faut que tu sois d'accord. Il veut que tu sois consentante."

Non. Non. Jamais.

Elle ravala son refus. Elle serra les poings jusqu'à ce qu'elle puisse voir le contour de ses métacarpes sous sa peau.

"Je vais le faire," dit-elle, ne laissant pas sa voix trembler. "À condition qu'il ne fasse rien pour interférer avec mes capacités à aider l'Ordre. Je vais le faire."

Maugrey l'étudia attentivement.

"Tu devrais y réfléchir un peu plus. Tu peux avoir quelques jours. Si tu fais ça… tu ne peux le dire à personne. Pas avant la fin de la guerre. Ni à Potter, ni à Weasley, ni à personne d'autre. Kingsley, Severus, Minerva et moi seront les seuls membres de l'Ordre à le savoir."

Hermione leva les yeux vers lui avec assurance. Elle avait l'impression que dans sa poitrine quelque chose était en train de se faner et de mourir, mais elle ne se laissa pas y prêter attention.

"Je n'ai pas besoin de plus de temps pour y penser," dit-elle brusquement. "J'ai conscience de ce qui est demandé. Au plus tôt nous aurons les informations, au mieux ce sera. Je ne retarderai pas les choses pour avoir le temps de ruminer ou de craindre une décision que j'ai déjà prise."

Maugrey hocha brièvement la tête. "Alors je vais lui envoyer un message pour dire que tu es d'accord."

Enlevant les protections sur la porte, Maugrey sortit de la pièce en piétinant ; laissant Hermione seule à absorber ce qu'elle venait de consentir à faire.

Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait.

De ta tristesse, par exemple. Pleurer était son désir le plus immédiat.

Elle avait l'impression que Maugrey venait de faire reposer la guerre sur ses épaules.

Mais aussi… de l'espoir - peut-être. Dans la mesure où il était possible de se sentir remplie d'espoir après avoir fondamentalement accepté de se vendre à un Mangemort comme trophée de guerre.

Hermione n'avait pas ressenti d'espoir depuis un long moment.

D'une certaine façon, jusqu'à ce que Dumbledore meure, et même pendant un moment après, elle avait pensé que la guerre serait facile et rapide. Harry avait échappé à la mort tellement de fois à l'école. Ron, elle et lui avaient défié les probabilités tant de fois.

Alors, elle avait pensé qu'être intelligente, être gentille… que l'amitié, le courage, et le pouvoir de l'Amour étaient suffisants pour gagner la guerre.

Mais ils ne l'étaient pas.

Être intelligente n'était pas suffisant. La bonté en elle avait été réduite en poussière sous le poids de toutes ces vies perdues ou ruinées pour ne rien avoir encore eu en échange. L'amitié n'empêchait pas les gens de mourir en criant d'agonie. Le courage ne faisait pas remporter une bataille quand vos ennemis avaient une multitude de méthodes pour vous effacer définitivement de la guerre, et que vous essayiez de les battre avec des sorts de pétrification. L'amour n'avait pas encore vaincu la haine de Voldemort.

Chaque jour où la guerre se prolongeait semblait faire diminuer leurs chances un peu plus.

Harry était en train de se briser sous la pression et la culpabilité. Il était si maigre et fatigué qu'elle avait peur qu'il ne craque d'un jour à l'autre.

Il ne cessait de se retirer en lui-même, de plus en plus profondément. La mort de Dumbledore si rapidement après la perte de Sirius semblait l'avoir fait dérailler d'une façon dont il ne se remettrait jamais vraiment. Chaque mort et chaque blessé parmi ses amis semblaient le pousser un peu plus près d'un précipice dont elle ne savait s'il saurait revenir.

Harry s'accrochait à l'espoir que d'une façon ou d'une autre la guerre s'arrêterait et que la vie normale pourrait reprendre après. C'était cette croyance impossible qui continuait à le porter en avant.

Il était l'un de ceux qui insistait le plus catégoriquement pour que l'Ordre et la Résistance n'utilisent jamais de magie noire. S'ils le faisaient, arguait-il, il n'y aurait pas de retour en arrière. Ils en seraient entachés pour le reste de leur vie. Pas mieux que les Mangemorts.

Alors Hermione était forcée à regarder l'Ordre et la plupart de la Résistance se tenir de son côté. Et ensuite regarder leurs amis mourir dans la salle d'hôpital. Ils comptaient sur Harry. S'il perdait espoir, il se briserait complètement et abandonnerait.

L'Ordre avait un besoin désespéré d'avoir un avantage. Quelques informations. Savoir quand un raid allait arriver. Où étaient les vulnérabilités. N'importe quoi.

Malefoy pouvait le leur donner.

Il avait été personnellement entrainé par sa tante Bellatix avant qu'elle ne meure avec sa mère. Il avait grimpé haut dans les rangs.

À présent il avait fait une offre qu'ils ne pouvaient refuser.

Qu'elle ne pouvait refuser.

Clairement, il le savait, à agir comme un roi à demander un tribut.

Parce qu'il était fasciné par elle…

Elle y réfléchit.

Si Severus ne l'avait pas corroboré, elle n'aurait jamais cru à une telle chose.

Pour venger sa mère. Pour être gracié. Pour elle, à la fois maintenant et après la guerre. Quelles étaient ses vraies motivations ? Était-ce l'une d'entre elles ? Ou y avait-il un autre tableau sur lequel il jouait ?

Sa mère était morte depuis plus d'un an, dans un accident, avec Bellatrix Lestrange, quand un Mangemort avait essayé d'empêcher Harry et Ron de s'échapper du Manoir Lestrange. Ce n'était pas vraiment la faute d'un camp en particulier si elle était morte. Si sa mort avait dû mettre fin à l'allégeance de Malefoy, ça aurait été à ce moment-là. Pas un an plus tard. Pas après qu'il ait utilisé le vide laissé par sa tante pour grimper à une position de pouvoir encore plus importante.

Cependant… avoir envie d'être gracié semblait étrange. À moins qu'il n'y ait des probabilités incroyables dont elle n'était pas consciente, les chances que l'Ordre puisse gagner semblaient au mieux minces.

Alors, à cause d'elle ? Peut-être qu'il l'avait détestée plus que ce qu'elle n'en avait eu conscience. Ou désirée…

Elle frissonna de révulsion, essaya de chasser cette pensée avant de se ressaisir et de se forcer à s'arrêter pour la prendre en considération.

Si la vouloir était sa motivation… l'opportunité reposait plus que certainement sur son consentement. Une fois qu'il l'aurait eue une fois, ou peut-être plusieurs fois… si c'était seulement motivé par la vengeance… il se lasserait d'elle.

Peut-être que c'était juste un jeu pour lui.

Jouer les espions pendant un petit moment, avoir une chance de la faire s'agenouiller. Savoir qu'elle ramperait pour lui si cela signifiait sauver Harry. Sauver l'Ordre. Et puis… une fois qu'il aurait eu ce qu'il voulait… il re-changerait de camp. La mettrait de côté et les regarderait tous mourir.

Sa gorge se serra, et elle eut l'impression qu'elle allait être malade. Elle força son horreur à s'éloigner et ignora la sensation déchirante nouée dans le creux de son ventre.

Elle devait trouver un moyen de le fasciner. De retenir son attention et son intérêt.

Serait-ce seulement possible ?

Elle dériva hors de la pièce, se sentant glacée, et retourna dans la salle d'hôpital. La pièce était toujours silencieuse.

"Poppy, tu as besoin de moi là tout de suite ? Ou est-ce que je peux sortir ?" demanda-elle doucement.

"Bien sûr ma chère. Tu devrais aller te reposer. Tu es sur pied depuis douze heures maintenant," lui dit gentillement Pomfresh. "Si quelque chose arrive, je t'appellerai."

Hermione joua avec le bracelet à son poignet. Il portait un charme protéiforme que l'Ordre utilisait pour l'appeler dans les planques où on avait le plus besoin d'elle.

Elle quitta la salle d'hôpital et se rendit dans sa chambre. Elle n'avait pas l'intention de se reposer. Elle se changea pour mettre des vêtements propres, puis sortit sur les marches du perron et transplana.

Elle se rendit au Waterstones le plus proche.

Elle chercha dans les rayons. Choisissant des livres ; du rayon philosophie, du rayon psychologie, du rayon relations, et du rayon histoire jusqu'à ce qu'elle ait les mains pleines.

La caissière qui s'occupa de la pile de livres haussa un sourcil alors qu'elle scannait les titres. Plusieurs histoires et biographies de concubines et espionnes ; un guide épais sur la sexualité ; L'Art de la Guerre de Sun Tzu ; L'Art de la Sagesse Mondaine, de Baltasar Gracian ; Le Prince, par Machiavel. Influence : Science et Pratique, de Robert Cialdini ; un livre sur le langage corporel. C'était en effet une sélection bizarre.

"C'est pour une dissertation à l'Université," mentit impulsivement Hermione, sentant le désir de s'expliquer.

"Certains d'entre eux seront aussi utiles pour un usage personnel, j'imagine." La caissière lui fit un clin d'œil grivois alors qu'elle mettait les livres dans un sac.

Hermione se sentit rougir, mais se força à rire.

"Hé bien, j'achète," plaisanta-elle, mais les mots avaient le goût de cendre dans sa bouche.

"Si vous revenez, vous devrez me dire si cette dissertation a été approuvée par votre tuteur. Et si l'un de ces livres s'est avéré utile pour des activités périscolaires."

Hermione acquiesça, gênée, alors qu'elle payait et quittait le magasin avec le sac. Le visage de McGonagall apparut devant ses yeux aux mots de la jeune femme. Minerva savait aussi.

Mais Maugrey était celui qui avait été choisi pour parler à Hermione. Elle se demandait pourquoi.

Elle se sentit légèrement malade en regardant la sélection de livres qu'elle possédait à présent. Elle avait envie d'une tasse de thé. Non, en fait, elle avait envie de se rouler en boule dans un trou et d'y mourir, mais le thé était son second choix.

Elle trouva un salon de thé dans les environs et pêcha le livre dont le titre était le moins perturbant pendant qu'elle attendait.

"Travaillez pour aller vers vos objectifs, indirectement comme directement. La vie est une lutte contre la méchanceté humaine, dans laquelle la sagesse vient s'agripper avec la stratégie du design. Celle-ci ne fait jamais ce qui est indiqué ; en fait, elle vise à tromper. La fanfare est dans la lumière mais l'exécution est dans le noir, le but étant toujours d'induire en erreur. L'intention se révèle pour détourner l'attention de l'adversaire, puis elle est modifiée pour atteindre le but par ce qui était inattendu. Mais la perspicacité est sage, prudente et attend derrière son armure. Sentant toujours le contraire de ce qu'était le ressenti et reconnaissant immédiatement le véritable but du jeu, il laisse passer chaque premier indice, en attend un deuxième, et même un troisième. La simulation de la vérité monte désormais plus haut en dissimulant la tromperie et tente, par la vérité elle-même, de falsifier. Il a changé le jeu pour changer l'astuce et fait apparaître la raison comme un fantôme en fondant la plus grande fraude sur la plus grande candeur. Mais la prudence est de mise, voyant clairement ce qui est prévu, couvrant les ténèbres recouvertes de lumière et reconnaissant que le dessein le plus astucieux semble le plus naïf. De cette manière, la ruse de Python s'oppose à la simplicité des rayons pénétrants d'Apollon."

Hermione se mangea la lèvre en se versant une tasse de thé et réfléchit de nouveau à Malefoy. Sa main erra jusqu'à sa gorge et elle joua nerveusement avec la chaîne de son collier, l'enroulant autour de ses doigts.

Puis elle fouilla dans son sac et utilisa sa baguette pour subrepticement transformer une plume et un parchemin en un stylo et un petit carnet. Le carnet était rempli de notes quand sa théière fut vide.

Alors qu'elle fourrait les livres dans sa sacoche magiquement extendue, elle reconsidéra la situation dans laquelle elle se trouvait.

Elle ne pouvait pas y aller avec des suppositions. Si elle le faisait, elle négligerait forcément des choses.

Après six ans comme Mangemort, Malefoy était probablement un manipulateur hautement expérimenté.

Les rapports de Severus sur les actions du premier cercle de Voldemort indiquait que c'était un environnement politique impitoyable. Voldemort était un maître cruel, généreux dans ses châtiments. Les Mangemorts avaient peu de loyauté l'un envers l'autre. Ils étaient avides de faire tomber ceux qui étaient au-dessus d'eux si cela pouvait aider à sécuriser leur propre place ou à accéder à plus de pouvoir ou de protection pour eux-même.

L'offre de Malefoy pouvait facilement être un stratagème pour grimper encore plus haut. Devenir un agent double pour Voldemort de la même façon que Rogue avait agi pour l'Ordre. Les nourrir de fausses informations à un moment crucial qui les mènerait à leur chute.

Cependant, Severus était pour cette idée, ayant apparemment pour opinion que l'offre de Malefoy était honnête. Elle aurait besoin de lui parler. Elle voulait savoir ce qu'il avait remarqué exactement pour le croire.

Elle se glissa dans une ruelle et transplana pour rentrer au Square Grimmaurd. Alors qu'elle remontait à sa chambre, elle remarqua Lavande Brown qui quittait la chambre que Ron partageait avec Harry et Fred.

Ron et Lavande n'étaient pas exactement un couple en soi. Ron avait à peu près cinq autres filles avec lesquelles il tournait en fonction de leur disponibilité après les missions et les escarmouches. La guerre l'avait rendu plus en colère et plus tendu. Il était toujours sur les nerfs quand il s'occupait de la stratégie des attaques et des escarmouches. Son talent pour les échecs sorciers s'était traduit par un talent pour la stratégie de guerre. Il avait tendance à considérer chaque victime comme de sa responsabilité personnelle. S'il ne couchait avec personne, il avait tendance à avoir des crises de rage explosives.

Chacun avait des mécanismes d'adaptation différents.

Neville Londubat et Susan Bones fumaient tellement de serpent d'arbre du cap dans le grenier qu'ils en avaient toujours l'odeur même après qu'on leur ait lancé des charmes de rafraîchissement et de bannissement de la fumée.

Hannah Abbott se rongeait les ongles jusqu'au sang.

Charlie avait une flasque à la ceinture qu'Hermione soupçonnait d'avoir été agrandie par sortilège d'extension indétectable vu comment sa dose du jour ne semblait jamais être terminée.

Harry fumait des cigarettes, et trouvait ordinairement le chemin de clubs de combat clandestins moldus.

Hermione hésita dans le couloir, regardant Lavande partir pendant un moment avant de s'approcher et de frapper doucement à la porte de la chambre.

"C'est ouvert !" dit Ron.

Hermione jeta un œil à l'intérieur et vit Ron enfiler un t-shirt.

"Tout va bien ?" s'enquit-il.

"Oui," dit-elle, gênée. "Je me demandais juste… si tu pouvais me raconter ce qu'il s'est passé quand le Manoir Lestrange a été brûlé. Je fais des recherches sur le sortilège. C'était du Feudeymon, c'est ça ?"

Ron lui jeta un regard étrange.

"C'était il y a longtemps. Mais ouais, après qu'Harry et moi ayons été attrapés par ces Rafleurs. Je lui ai lancé un sort de piqûre au visage pour qu'ils ne le reconnaissent pas tout de suite. Ils nous ont menés jusqu'à Bellatrix, et sa sœur était là aussi. Elles ont fait venir Malefoy pour qu'il identifie Harry avant d'appeler Voldemort. Mais avant qu'il n'arrive, Luna avait fait passer le mot jusqu'à l'Ordre, et Maugrey, Tonks, Charlie et elle ont débarqué sur ce dragon en passant directement à travers la putain de fenêtre."

Il passa les doigts dans ses cheveux et Hermione remarqua avec un pincement qu'il y avait des traînées grises dedans.

"De toute façon ça a dégénéré après ça. Des sorts volaient et Crabbe, je pense, a essayé de nous arrêter avec un sort de Feudeymon dont il a perdu le contrôle. Il a toujours été un idiot. Il a brûlé tout l'endroit en quelques minutes. On aurait probablement été tués aussi sans le dragon de Charlie. Mais… on a pas pu atteindre Luna. Elle était trop loin… l'une des chimères de feu l'a avalée." Alors qu'il parlait, l'expression de Ron devint lointaine et hantée.

"Et c'est comme ça que Bellatrix et Narcissa sont mortes aussi ?" sonda Hermione avec désinvolture.

"Ouais. Elles auraient probablement pu transplaner hors du Manoir si elles s'en étaient rendu compte à temps. Mais Crabbe se tenait juste derrière elles quand il l'a invoqué. Il les a frappées en premier, ce qui est probablement la cause de sa perte de contrôle. Il a probablement paniqué quand il a réalisé à quel point il était foutu d'avoir tué Bellatrix.

"Probablement," dit Hermione en hochant la tête.

"Le Feudeymon n'est pas à prendre à la légère, Hermione." Ron la regardait avec sérieux. "Je sais que tu presses toujours pour que l'Ordre commence à utiliser des sorts plus dangereux, mais ce n'est pas parce que ce n'est pas de la magie noire qu'il ne faut pas le prendre au sérieux. Si tu veux essayer de pousser pour qu'on utilise du Feudeymon sur le champ de bataille, je vais être le premier à m'opposer à toi."

Hermione pinça les lèvres et sa prise sur la poignée de la porte se serra, jusqu'à ce qu'elle grince légèrement. Elle relâcha rapidement sa prise.

"Je ne suis pas une idiote, Ronald. J'ai juste besoin d'œufs de serpencendre pour faire des potions et j'essaie de décider quel sort de feu serait le plus approprié." C'était un mensonge ridicule, mais cela faisait des années que Ron n'avait pas fait de potion.

"Oh. Hé bien… probablement pas le Feudeymon."

Elle hocha sèchement la tête en signe d'acquiescement.

"Bien, j'ai d'autres recherches à faire alors," dit-elle, et elle se retira de la chambre.

Alors qu'elle ouvrait la porte de sa propre chambre, Harry et Ginny se séparèrent brusquement, l'air coupable.

"Désolée," s'excusa Hermione. "Est-ce que j'interromps quelque chose ?"

"Non," dit rapidement Harry. "Je demandais juste à Ginny plus de détails à propos de cette mission où elle est allée avec Dean."

Il quitta rapidement la chambre.

Hermione jeta un regard à Ginny. "Des détails de mission ?"

Ginny rougit.

"On ne faisait que parler. Il ne veut… toujours pas. Il… vient juste parler parfois."

Harry et Ginny se tournaient autour depuis des années. Leur intérêt était évident, mais Harry refusait de s'engager dans une relation. Il disait que c'était trop dangereux. Que cela dessinerait une cible sur le dos de Ginny.

Mais à chaque fois que Ginny sortait avec quelqu'un d'autre, la tendance de Harry à se faufiler dans le monde Moldu londonien pour en revenir avec une dent manquante, un nez cassé, des phalanges ouvertes, tout comme des arcades sourcilières et des côtes fracturées augmentait drastiquement.

Ginny n'était sortie avec personne depuis plus d'un an. Comme un trou noir, sa disponibilité semblait attirer Harry vers elle. Il semblait ne pas pouvoir s'éloigner d'elle mais il ne pouvait pas non plus s'amener à lui avouer son intérêt.

"Hé bien, au moins il te parle," marmonna Hermione.

Hermione et Harry avaient… pris des chemins séparés. Son insistance pour l'utilisation de la magie noire était vue comme un manque de confiance en lui et en Dumbledore. Possiblement même une trahison, bien que ni Harry ni Ron n'utilisaient ce mot. À chaque fois qu'elle disait quelque chose à propos de l'utilisation de la magie noire, il lui parlait à peine pendant des jours.

Elle balaya cette pensée. Elle ne pouvait pas y penser. Elle avait déjà trop de choses auxquelles réfléchir.