Chapitre 28 - Flashback 3

Maugrey envoya un mot disant que Severus serait à l'Impasse du Tisseur tard dans l'après-midi du vendredi. Hermione se prépara et espéra que ça serait une conversation plus facile que celle qu'elle avait eue avec Minerva.

Severus et elle avaient noué une sorte d'amitié pendant la guerre. Cela avait commencé quand Hermione était apparue sur son seuil après la mort de Dumbledore, lui demandant de la former en fabrication de potions. Au fil des années, alors que les relations d'Hermione avec le reste de l'Ordre étaient devenues compliquées, ils en étaient venus à apprécier l'amertume mutuelle de la compagnie de l'autre.

Non qu'ils étaient proches.

Aucun d'entre eux n'avait le temps d'être ami avec qui que ce soit.

Ils signalaient simplement le respect qu'ils avaient pour l'autre par de petits gestes. Severus en n'insultant pas vicieusement Hermione pendant les réunions de l'Ordre comme il insultait tous les autres, et Hermione en faisant taire les suspicions d'Harry et des autres sur la loyauté de Severus envers l'Ordre depuis qu'ils ne gagnaient pas.

Quand Hermione arriva à la maison de Severus, elle trouva la porte laissée entrouverte pour elle, et Severus qui préparait des potions dans la cuisine. La pièce enfumée était une attaque pour les sens. Faire des potions avait donné à Hermione l'habitude d'identifier compulsivement les odeurs. L'air était saturé d'une combinaison d'arômes d'herbes cuites et de teinture. L'achillée millefeuille piquante et sucrée, le moisi des fleurs de pissenlit séchées, l'amertume minérale des racines moulues, et la brûlure et le granulat des coquilles d'œufs de serpencendre qu'elle pouvait presque goûter dans l'air. La saveur piquante de la magie se répandait à travers les parfums, s'accrochant à sa peau et à ses cheveux.

"Quelque chose de nouveau ?" s'enquit-elle après l'avoir regardé se pencher au-dessus du chaudron pendant plusieurs minutes.

"Clairement," répondit-il d'un ton sarcastique alors qu'il ajoutait une goutte de venin d'Acromantule.

La potion laissa échapper un nuage de vapeur jaune aigre, et Severus recula pour l'éviter avec un petit sifflement d'irritation.

Hermione jeta un coup d'œil aux ingrédients qui traînaient.

"Y-a-t'il un nouveau sortilège ?"

"En effet. Dolohov s'est surpassé cette fois. Facile à lancer et hautement efficace. Le contre-sort est simple mais les dommages sont immédiats. Ils vont commencer à l'utiliser sur le terrain bientôt."

"Quel genre ?"

"Des furoncles d'acide contagieux."

Hermione pinça les lèvres et poussa un petit soupir. Elle avait beaucoup de recherches à faire en préparation. Les sorts d'acidité étaient rarement apparus dans les batailles par le passé, mais leur effet était souvent dévastateur et difficile à soigner.

Severus ajouta quatre gouttes de rosée de lune puis se tourna pour la regarder.

"Vous avez vingt minutes," dit-il, se précipitant devant elle dans le salon. Elle traîna un moment de plus à étudier la potion qui mijotait doucement avant de se retourner pour le suivre.

"J'ai entendu que vous vous sacrifiez pour la cause," dit-il d'une voix traînante depuis un fauteuil avant qu'elle ne s'assoie elle-même.

"Maugrey a dit que vous pensiez que c'était une offre honnête," dit-elle d'une voix égale.

"Exact," dit-il.

Il ne lui offrit pas de thé.

"Pourquoi ?" demanda-elle. Il ne servait à rien d'être timide. Elle voulait des réponses directes. Après tant d'années, elle avait remarqué que Severus répondait mieux aux questions courtes et directes qu'à toutes les autres.

"Drago Malefoy ne sert personne," répondit-il.

Hermione attendit.

"Bien sûr, techniquement, il sert le Seigneur des Ténèbres," dit-il, faisant un geste dédaigneux de la main. "Mais c'est pas nécessité, pas par loyauté. Ses motivations sont personnelles par nature. Quel que soit son but, il a décidé que l'Ordre peut lui permettre de l'atteindre mieux que ne le peut le Seigneur des Ténèbres."

Severus fit une pause et ajouta. "Il ne sera pas loyal à l'Ordre mais il fera un espion aussi excellent qu'il fait un excellent Mangemort."

"Est-ce que ça vaut le coup si on ne peut pas lui faire confiance ?" demanda Hermione.

"À ce stade, je ne pense pas que l'Ordre ait d'autres options. Non ?"

Hermione secoua la tête et agrippa les bras de son fauteuil.

"Et… je pense qu'il a mal calculé quelque chose quand il a fait son offre," ajouta Severus.

"Comment ?"

"En vous demandant. Je pense que c'était une erreur de sa part," dit Severus en la regardant spéculativement.

Hermione cligna des yeux. "Pourquoi ?"

"Comme je l'ai mentionné à Maugrey, j'ai pu observer que Drago avait une sorte de fascination pour vous à l'école. Ne vous méprenez pas ; je ne dis pas que ça a été quelque chose de significatif, et encore moins de sérieux. Cependant, vous êtes quelqu'un qu'il a remarqué. Vous pourrez utiliser ce fait à votre avantage. Je ne pense pas qu'il en ait conscience."

"Il a demandé à me posséder. Je pense qu'il en a conscience," pointa Hermione.

"S'il voulait vraiment un corps à posséder ou à baiser, il pourrait avoir pratiquement n'importe qui avec peu d'effort. Vous n'êtes certainement pas Hélène de Troie, et même si vous l'étiez, il n'a pas posé les yeux sur vous depuis presque six ans. Et vous ne l'étiez certainement pas à l'époque. Je doute qu'il sache seulement à quoi vous ressemblez actuellement. Sur la liste des rancunes qu'il tient probablement à présent, je doute qu'une rivalité scolaire soit suffisante pour y figurer," rétorqua Rogue. "Vous n'êtes pas la raison de son changement d'allégeance."

Les mots de Severus plongèrent Hermione dans un état simultané de soulagement et de désespoir. Elle ne voulait pas de l'attention de Drago Malefoy… mais elle en avait besoin. Elle fut soudain tentée de pleurer sur l'absolue impossibilité de la mission qu'elle avait.

"Par conséquent," continua Rogue, "sa décision de vous ajouter à ses exigences est une ouverture. Si vous choisissez de vous y engouffrer. Vous… pourriez le rendre loyal."

"Comment ? En le séduisant ?" demanda Hermione avec scepticisme.

"En retenant son intérêt," dit Rogue, levant les yeux au ciel comme si elle était bête. "Vous êtes une sorcière assez intelligente. Soyez intéressante pour lui. Trouvez un chemin jusqu'à son esprit pour qu'il commence à désirer ce qu'il ne peut pas simplement vous demander. Vous n'allez certainement pas le retenir avec vos atouts féminins."

Rogue renifla en le disant.

"Les hommes comme Drago Malefoy sont ambitieux, ce qui les rend facilement las de ce qui leur est facile à obtenir. Le sexe est possiblement l'une des choses les plus faciles à obtenir pour lui ; même du sexe avec vous maintenant… étant donné les termes qu'il a demandé. Vous allez devoir être plus que ça, et vous allez devoir faire en sorte qu'il s'en rende compte."

Hermione fit un hochement de tête sec avec une assurance qu'elle ne ressentait pas alors que Rogue ajoutait, "Il va avoir un avantage de pouvoir considérable sur vous. Cependant, le fait que vous ayez retenu son attention veut dire que vous pouvez toujours avoir une main qu'il vaut la peine de jouer. Après presque six ans, quand il a eu l'opportunité de demander n'importe quoi, vous êtes ce qui lui est venu en premier. Vous allez devoir utiliser ce savoir avec prudence si vous voulez arriver sur un pied d'égalité avec lui, ou le rendre loyal."

"Malefoy n'est pas stupide. Il s'y attendra."

"Oui."

"Mais vous pensez que je peux y arriver ?"

"Est-ce que vous faites la pêche aux compliments, Miss Granger ?" dit froidement Severus. "À ce stade de la guerre, je pense que tout vaut le coup d'être tenté. Que vous ayez une chance de réussir est hautement improbable. Vous avez accepté de vous vendre en échange d'information à un sorcier incroyablement dangereux qui a obtenu la plupart de sa puissance au moyen de sa propre intelligence considérable. Un sorcier dont les motivations actuelles sont un mystère ; même pour ceux qui l'ont connu toute sa vie. Il est exceptionnellement isolé et lunatique, même pour les standards des Mangemorts. Il n'est pas arrivé là où il est en étant facilement battu ou en ayant des faiblesses prédictibles."

Il y eut une longue pause. Il semblait que Rogue n'avait plus d'idées à offrir.

Hermione le leva, se sentant fraîchement démoralisée.

Elle se mettait en jeu dans un pari avec de multiples points de faiblesse. Ce serait probablement vain.

Elle allait quand même le faire.

Elle hésita, une question qu'elle avait presque peur de poser lui brûlant les lèvres.

"Est-il…" balbutia-elle. "À quel point le savez-vous cruel ?"

Rogue la fixa de ses yeux noirs impénétrables.

"Je ne le connais plus très bien depuis votre cinquième année. Cependant, toute brute qu'il ait été, je ne l'ai jamais considéré comme sadique."

Hermione hocha la tête par saccades, se sentant étourdie en se retournant pour partir.

"Je vous souhaite bonne chance, Miss Granger. Vous êtes une meilleure amie pour Harry Potter qu'il ne le méritera jamais."

La voix de Severus montrait une trace de regrets. Hermione s'arrêta et porta sa main à sa gorge, faisant glisser son pouce le long de son col pendant un moment avant d'enrouler la chaîne de son collier entre ses doigts.

"Je ne fais pas ça juste pour Harry," dit-elle. Severus renifla et elle le regarda défensivement. "Il y a un monde entier là dehors qui ne sait même pas qu'il compte sur nous. De plus, si nous perdons, que pensez-vous que seront mes chances ?"

Il fit un petit hochement de tête en signe d'acquiescement. Elle quitta l'Impasse du Tisseur sans un autre mot.

Quand Hermione retourna au Square Grimmaurd, elle se rendit dans la salle de bain et regarda son reflet.

Elle était maigre et avait l'air fatigué. Sa peau était pâle à cause du manque de soleil. Ses traits étaient plus acérés que lorsqu'elle avait été à l'école ; un peu plus délicats. Ses pommettes saillantes la faisaient paraître plus élégante. Ses yeux… hé bien, elle avait toujours pensé qu'ils étaient son meilleur atout - grands et sombres, mais avec assez de feu en eux pour ne pas la faire paraître trop naïve. Ses cheveux demeuraient son calvaire. Toujours touffus, mais ils étaient assez longs ces derniers temps pour que leur poids les tienne en place. Elle les gardait dans un chignon tressé pour dégager son visage quand elle fabriquait des potions ou pratiquait la guérison.

Elle enleva ses vêtements et entra dans la douche. L'eau chaude coulant sur elle la faisait se sentir en sécurité. Elle ne voulait pas en sortir, mais après s'être récurée de la tête aux pieds elle se força à couper l'eau et à sortir.

Elle lança un rapide sort de rasage sur ses jambes et sous ses bras et se sécha.

Essuyant la buée sur le miroir, elle évalua critiquement son corps dans le reflet.

Elle allait devoir espérer que l'intérêt inconscient de Malefoy était principalement pour son esprit car elle n'était en effet certainement pas Hélène de Troie. Le stress avait mangé ses courbes. Elle était osseuse et maigre. Pas particulièrement de défaut, mais manquant en général de tendreté aux endroits que les hommes aimaient typiquement agripper.

Sur l'échelle générale du sex-appeal, elle était assurément médiocre. Ce n'était simplement pas une qualité qu'elle avait pensé à cultiver, ni n'en avait eu le temps. S'occuper de comment elle apparaissait sexuellement parlant… ça n'avait pas vraiment semblé être d'une importance capitale.

Il ne lui était jamais venu à l'idée que la guerre allait requérir d'elle qu'elle s'offre comme… maîtresse ? prostituée ? récompense de guerre ? … à un Mangemort.

Elle se se soucia pas d'ajuster ses sous-vêtements ou ses vêtements alors qu'elle s'habillait. Il n'était pas utile d'essayer de prétendre qu'elle avait des attributs qu'elle n'avait pas. Elle le ferait indubitablement mal. Essayer d'assumer une charge supplémentaire pourrait la faire dépasser ses limites et révéler sa main.

Alors qu'elle se préparait à partir, elle jeta un œil dans le miroir et joua avec la chaîne de son collier, hésitant avant de le sortir de sous sous t-shirt et de regarder l'amulette qui pendait au bout. Le pendentif d'Aset. Un minuscule trône reposait sur une pierre d'un écarlate profond, un disque solaire, encastré entre deux cornes. Il avait été donné à Hermione quand elle avait brièvement étudié en Egypte, avant de retourner en Europe pour étudier en Hongrie.

Elle l'enleva et le glissa dans un sac de perles sous son lit.

Si elle mourait, Severus saurait probablement ce que c'était.

L'endroit que Malefoy avait indiqué était dans le village de Whitecroft. Maugrey la fit transplaner là, puis après avoir regardé attentivement autour d'eux pendant une minute avec son œil magique, disparut de nouveau avec un autre pop.

Se sentant si viscéralement abandonnée que sa peau la faisait souffrir, Hermione marcha le long de l'allée de gravier de l'adresse, regardant autour d'elle la parcelle vide.

Incartable. Ou alors un point intermédiaire avant qu'elle ne soit dirigée vers le bon endroit.

Après avoir regardé nerveusement autour d'elle, elle déglutit bruyamment et se résigna à attendre.

Il y avait une souche à côté de le l'allée. Elle s'assit. Après une autre minute, elle sortit un livre, gardant ses oreilles à l'aguet du moindre son.

Elle avait lu six pages quand un bruit à sa gauche lui fit brusquement lever les yeux. La lumière de l'encadrement d'une porte flottante était soudain apparue sur la parcelle vide, et avec elle une cabane délabrée commença à apparaître à la vue.

Drago Malefoy se tenait dans l'encadrement de la porte.

Elle ne l'avait pas vu depuis plus de cinq ans.

Elle glissa le livre dans son sac et avança ; son rythme cardiaque augmentait à chaque pas.

Il était devenu plus grand et plus large. L'arrogance qu'il avait à l'école avait disparu, remplacée par une froide sensation de puissance. Une assurance mortelle.

Même après qu'elle ait monté les marches, il la surplombait. Il était au moins aussi grand que Ron, mais semblait plus large. La taille de Ron était souvent contrebalancée par son côté dégingandé et sa maladresse. Malefoy remplissait chaque centimètre de sa stature, comme si c'était un témoignage supplémentaire de sa supériorité alors qu'il baissait le nez vers elle.

Son visage avait perdu toute trace enfantine. Il était cruellement beau. Ses traits acérés et aristocratiques étaient figés dans une expression dure et inflexible. Ses yeux gris étaient comme des couteaux. Ses cheveux toujours aussi pâles, d'un blond blanc et négligement coiffés sur le côté.

Il s'appuyait nonchalamment contre le cadre de la porte. Il laissa juste assez d'espace pour qu'elle entre, si bien qu'elle effleura légèrement ses robes. Elle détecta l'odeur piquante du cèdre sur le tissu alors qu'elle passait.

Il semblait dangereux. Elle pouvait sentir l'empreinte de la magie noire autour de lui.

L'approcher était comme marcher vers un loup ou un dragon. Son corps entier avait été sur les nerfs quand elle s'était rapprochée. Elle luttait contre une peur qui semblait tracer son chemin le long de sa colonne vertébrale.

Une sensation de dureté émanait de lui.

Il avait tué Dumbledore à l'âge de seize ans, et ça n'avait été que le début de son ascension sanglante.

Si une lame d'assassin s'incarnait en homme, elle prendrait la forme de Drago Malefoy.

Elle leva les yeux vers lui. Prenant sa mesure.

Beau et damné. Un ange déchu. Ou peut-être l'ange de la mort.

De tels clichés, et pourtant d'une certaine façon ils le décrivaient bien. S'il était embrouillé ou en conflit, il ne le montrait pas ; il semblait juste cruel, sévère et beau.

"Malefoy. On m'a dit que tu voulais aider l'Ordre," dit-elle après qu'elle soit entrée dans la masure et qu'il ait fermé la porte derrière elle. Elle lutta contre le réflexe de reculer ou de se retourner brusquement quand elle l'entendit claquer.

Elle était seule dans une maison avec Drago Malefoy, à qui elle avait accepté de se vendre en échange d'informations.

Le philtre Calmant qu'elle avait pris immédiatement avant de partir avec Maugrey était loin d'être un soulagement suffisant pour la terreur nauséeuse qui rampait en elle. Elle la sentait partout ; dans sa colonne vertébrale, dans son ventre, dans ses mains, et se refermant autour de sa gorge aussi sûrement que s'il l'étranglait.

Elle carra les épaules et se força à étudier lentement la pièce.

Le bâtiment semblait se composer principalement d'une grande pièce vide. On pouvait à peine y voir quelques meubles. Deux chaises. Une table. Rien d'autre.

Pas de lit.

"Tu comprends les termes ?" dit-il froidement quand elle le regarda de nouveau.

"Une grâce. Et moi. En échange des informations."

"Maintenant et après la guerre." Ses yeux brillaient d'un mélange de cruauté et de satisfaction en le disant.

Hermione ne vacilla pas.

"Oui. Je suis à toi à partir de maintenant. Maugrey dit qu'il agira comme Lieur si tu requiers un Serment Inviolable," dit-elle, essayant de bannir toute amertume de son ton.

Il fit un petit sourire suffisant.

"Ça ne sera pas nécessaire. Je vais faire confiance à ta noblesse Gryffondor si tu me le jures maintenant."

"Je le jure. Je suis à toi. Tu as ma parole," dit-elle sans se donner le temps d'hésiter.

Elle aurait aimé se sentir triomphante qu'il lui laisse une porte de sortie. Mais… s'ils gagnaient la guerre à ce stade cela serait grâce à lui. Elle lui serait redevable. Ils le seraient tous.

"Jusqu'à ce qu'on gagne tu ne dois rien faire qui puisse interférer avec ma capacité à contribuer à l'Ordre," lui rappela-elle fermement.

"Ah oui. Je vais devoir m'assurer de te garder en vie jusqu'à ce que ça soit terminé." Il eut un rictus alors qu'il la regardait de la tête aux pieds.

"Je veux que tu le jures," dit-elle d'une voix tendue.

Ses yeux flashèrent et il posa une main sur son cœur. "Je le jure,' dit-il d'un ton comique, "je n'interfèrerai pas avec ta contribution à l'Ordre."

Puis il fit un tss. "Mais tu te méfies de moi, n'est-ce pas ? Tu as peur que ce soit juste un stratagème de ma part pour prendre un morceau de toi avant que la guerre ne se termine et que tu meures," spécula-il. "Ne t'inquiètes pas. Comme gage de ma sincérité, je ne te toucherai pas… pour le moment. Après tout, j'ai attendu tout ce temps pour t'obtenir comme ma récompense, je peux me restreindre un peu plus longtemps."

Il lui fit un sourire carnassier.

"Pendant ce temps, je te laisserai retourner à ton précieux petit Ordre avec mes renseignements, et je me contenterai de ta délicieuse compagnie."

Si Malefoy essayait de mettre Hermione sur les nerfs, il y arrivait à merveille.

Comme si la pensée de consentir aux choses horribles qu'il pourrait vouloir lui faire n'était pas assez difficile, devoir continuer à la redouter était presque pire.

Elle serra les dents et se força à respirer. Elle glissa une main derrière son dos et serra fermement le poing, puis se força à ouvrir lentement les doigts. Se ressaisissant. S'éclaircissant les idées.

C'était mieux, raisonna-elle. Au plus il attendrait pour agir, au plus elle aurait de temps pour essayer de s'assurer de sa loyauté ; de trouver une façon de le mettre au pas avant qu'il ne se lasse d'elle.

Elle hocha sèchement la tête.

"D'accord. C'est… généreux de ta part."

Il posa une main sur son cœur.

"Tu n'as aucune idée de la joie que ça m'apporte de t'entendre dire ça," dit-il avec une allégresse feinte.

Les yeux d'Hermione se plissèrent. Elle n'arrivait pas à le comprendre. Sa véritable motivation lui échappait complètement. Elle détestait à quel point ça la désavantageait.

"Mais tu sais…" dit Malefoy, l'air soudain contemplatif. "Peut-être que tu devrais me donner quelque chose…"

Hermione le fixa.

"... pour réchauffer mon coeur froid," dit-il en la lorgnant. "Un souvenir pour que je reste motivé."

"Qu'est-ce que tu veux ?" demanda-elle d'une voix guindée. Elle commença à calculer mentalement les options probables. Peut-être qu'il la ferait se déshabiller. Ou le sucer… elle n'avait jamais fait ça avant, elle serait sûrement très mauvaise. Ou venir sur son visage. Ou peut-être qu'il voulait qu'elle reste là et le laisse lui jeter un sort. Ou juste la gifler en guise de châtiment pour la troisième année.

"Tu n'as pas l'air très enthousiaste," dit Malefoy. "Je suis offensé, vraiment."

Hermione essaya de se retenir de le regarder.

"Veux-tu que je t'embrasse ou que je reste là et que je te laisse me jeter un sort ?" s'enquit-elle du ton le plus modeste qu'elle pouvait produire.

Malefoy eut un rire qui ressemblait à un aboiement. "Mon dieu, Granger. Tu es désespérée.'

"Je suis là. Je pensais que c'était évident."

"C'est vrai," dit-il en hochant la tête. "Bien, j'ai déjà eu mon lot de duel pour la journée. Voyons voir si ta bouche est capable de faire autre chose que parler."

Hermione pensa qu'elle pourrait vomir, et la révulsion avait dû se voir sur son visage. Malefoy eut un sourire cruel.

"Embrasse-moi," dit-il en guise de clarification. "Comme démonstration de ta sincérité."

Il lui fit un rictus et ne bougea pas. Il resta juste là, attendant qu'elle s'approche de lui.

Le corps entier d'Hermione était trempé de sueur froide à l'idée de l'approcher et de le toucher. Ou qu'il la touche avec ses mains froides, pâles et meurtrières.

De presser sa bouche contre la sienne.

Se tenir près de lui sans avoir sa baguette pointée sur son cœur semblait la rendre aussi vulnérable que si elle exposait sa gorge à un loup.

Elle hésita. "Comment veux-tu que je t'embrasse ?" s'enquit-elle.

"Surprends moi," dit-il en haussant les épaules.

Le surprendre. Hé bien, c'était une ouverture ; une opportunité qu'elle avait de capitaliser sur lui. Elle l'analysa rapidement.

Il l'aiguillonnait. La conversation entière semblait intentionnellement essayer d'attiser sa colère contre lui. Pour la voir se tordre sous le pouvoir qu'il avait sur elle. Le baiser avait probablement pour but de sceller son animosité.

Il s'attendait à ce qu'elle soit résistante et fière, incapable de réfréner sa haine ; alors il pourrait la piéger pour qu'elle alimente sa propre punition et qu'elle reste distraite par ses émotions.

Elle ne pouvait pas le lui céder.

Elle s'arma. Elle ne perdrait pas.

Elle s'avança plus près de lui, étudiant attentivement son visage.

Elle n'avait jamais été aussi proche de lui avant. Pour quelqu'un de si "avide" d'elle, il n'en avait pas l'air. Ses iris étaient contractés. Ses yeux principalement gris. Il semblait… amusé.

L'anneau de peur dans la colonne vertébrale d'Hermione semblait être une aiguille enfoncée dans son dos. Son cœur battait si férocement qu'elle avait l'impression qu'il se contusionnait contre sa cage thoracique.

Elle glissa les bras autour de son cou et l'attira vers elle. Il eut un rictus et ne résista pas.

Quand leurs lèvres se touchèrent presque, elle s'arrêta, espérant à moitié trouver un couteau planté jusqu'à la garde dans son ventre.

Il y eut un bref moment d'immobilité entre eux… respirant lentement. Assez près pour que leur souffle caresse le visage de l'autre. Son haleine sentait le genévrier, poivrée et piquante comme des branches de sapin fraîchement coupées. Elle étudia le caractère mortel et la froideur de ses yeux. Elle se demanda ce qu'il voyait alors qu'elle lui rendait son regard.

Les meurtriers sont toujours des hommes, se dit-elle.

Puis elle lui donna un lent et doux baiser.

Elle imagina la façon elle le ferait pour quelqu'un envers qui elle ressentait de l'affection. Glissant ses mains dans ses cheveux alors qu'elle l'approfondissait. Elle taquina ses lèvres de sa langue, et soupira légèrement contre sa bouche. Il avait le goût du gin.

Ce n'était clairement pas ce à quoi il s'était attendu. Apparemment les surprises n'étaient pas vraiment son truc. Il se figea dans un étonnement visible au moment où leurs lèvres se rencontrèrent doucement, et après un moment, s'éloigna brusquement d'elle.

Ses yeux étaient plus sombres à présent.

Hermione ne savait pas si elle était ravie ou inquiète de ce détail.

Son rythme cardiaque ralentit.

L'amusement de Malefoy avait disparu, et il semblait soudain la considérer avec plus de sérieux.

"Tu ne te bats pas beaucoup, non ?" demanda-il abruptement.

"Non. La plupart de mon travail est hors des raids," admit-elle, ne souhaitant pas détailler ce qu'elle faisait. Elle était là pour récupérer des informations, pas en donner.

"Sais-tu utiliser l'occlumancie ?"

"Oui. Maugrey m'a entraînée," mentit-elle. "Je n'ai pas beaucoup de pratique, mais il a dit que j'était assez bonne pour ça."

"Bien, c'est un soulagement. Ca serait un problème si tu étais un jour capturée et qu'ils trouvaient les détails de notre arrangement dans ton esprit," dit-il avec l'expression la plus sérieuse qu'elle ait vu sur son visage.

Puis il renifla. "J'espère que ça ne pose pas de problème si je vérifie par moi-même à quel point tu es bonne."

Ce fut tout l'avertissement qu'il donna avant de plonger abruptement dans son esprit.

Les boucliers d'Hermione étaient déjà en place, et la force avec laquelle il plongea contre eux fut suffisante pour faire résonner sa tête comme s'il avait sonné un gong à l'intérieur. Il continua de bousculer ses murs avec force, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle halète de douleur alors qu'elle le repoussait. Puis il s'arrêta et elle trébucha presque.

"Tu es surprenament bonne," dit-il, l'air d'être réellement surpris.

Le compliment la fit baisser sa garde. Abruptement, il fonça de nouveau dans son esprit. Le bref répit avait été une feinte. Elle était insuffisamment préparée pour une nouvelle attaque. Il trouva un point faible et s'y engouffra avec la vitesse d'une flèche.

Elle essaya de le repousser à l'extérieur, mais il avança rapidement si loin dans ses souvenirs qu'elle ne put pas le faire. Elle pouvait à peine le ralentir.

Puis brusquement, sans même s'arrêter pour regarder quelque chose dans son esprit, il se retira.

Elle tomba presque en arrière mais se rattrapa, tenant son front alors qu'elle s'exclamait de douleur.

"C'est une astuce commune," dit-il avec calme, comme si son assaut dans son esprit n'avait pas requis d'effort de sa part. "Après une attaque intense, quand un occlumens pense que c'est terminé, il se relâche légèrement. C'est l'opportunité parfaite pour entrer."

Hermione essayait toujours de retrouver son souffle et ne put répondre, alors il continua. "Si jamais tu es en cours d'interrogatoire avec un légilimens réellement accompli, tu ne le garderas jamais hors de ta tête avec la simple force de tes murs mentaux. Si tu étais un membre mineur de la Résistance, ils te tueraient probablement plutôt que de faire l'effort d'entrer. Mais tu es un membre de l'Ordre. La fille dorée de Potter. S'ils mettent jamais la main sur toi, ils vont probablement t'amener à moi, ou Severus, ou même le Seigneur des Ténèbres lui-même. J'ai bien peur que tu doives te remettre à jour sur tes capacités en occlumancie."

"Comment ?" Sa voix avait l'air rauque. Elle ne savait pas comment il était possible qu'une attaque mentale soit si puissante. Pas étonnant qu'Harry ait détesté ses cours avec Rogue. Son esprit était à l'agonie.

"L'astuce est de les laisser entrer," l'informa Malefoy.

"Quoi ?"

"Mets-y un peu d'effort, mais prétend finalement céder. Une fois qu'ils sont à l'intérieur, donne leur de faux souvenirs ou distrait les en les feintant vers quelque chose de moindre importance. Tu ne garderas jamais le Seigneur des Ténèbres hors de ton esprit, mais s'il pense que tu es faible, il va présumer de sa victoire. Tu devras lui céder quelque chose ayant assez de valeur pour sembler légitime. Cependant, c'est une façon de garder cachées les choses qui comptent le plus."

Le cerveau d'Hermione tournait à plein régime alors qu'elle considérait l'idée. Bien sûr, il devait y avoir plus que juste des murs mentaux. Il n'y avait aucune chance que Severus ait pu tromper le Seigneur des Ténèbres pendant tant d'années en lui refusant simplement l'accès à son esprit.

"Prends du temps pour y réfléchir. Si je cherche des informations sur Potter ou Weasley ou l'Ordre, que peux-tu donner qui semble le plus grand secret que vous avez ? La légilimancie est comme mettre le feu à la maison de quelqu'un. L'esprit fonce instinctivement pour protéger ce qu'il y a de plus important à cacher. Tu dois t'entraîner à faire le contraire. Précipite-toi vers ce qui n'est pas important. Entraîne-toi à ranger ces souvenirs dans ton esprit comme si tu les cachais. J'essaierais encore la semaine prochaine."

Hermione hocha la tête. Elle détestait l'idée de l'avoir de nouveau dans sa tête, mais son raisonnement était solide. Cela serait une capacité inestimable.

Malefoy fouilla dans sa poche et jeta quelque chose vers elle. Elle l'attrapa par réflexe.

Elle regarda dans sa paume. C'était… hé bien, cela ressemblait à une alliance, si les alliances existaient en noir.

Elle leva les yeux vers Malefoy avec étonnement.

"Ton charme protéiforme de cinquième année m'a inspiré." Il fit un rictus et leva sa main droite en pointant un anneau d'onyx à son doigt. "Il chauffera brièvement si j'ai besoin de te voir. Deux fois si c'est urgent. Je te recommande fortement de venir rapidement s'il chauffe deux fois. Si tu veux me contacter, les protections ici me feront savoir quand tu arrives. Mais sinon, nous devrions nous en tenir à des horaires fixes. Y-a t'il un moment où tu peux sortir sans attirer les soupçons ?"

Hermione glissa l'anneau à l'index de sa main gauche. C'était un simple anneau légèrement géométrique. Pas clinquant ou susceptible d'attirer l'attention. Elle suspectait qu'il y avait un puissant charme de Détourne-Regard dessus.

"Je sors pour aller chercher des ingrédients pour les potions le mardi matin. Je pourrais ajouter une demi-heure sans que personne n'y porte attention. Est-ce que sept heures et demie irait ?"

Il hocha la tête.

"Si je ne peux pas venir pour une raison ou une autre, reviens le soir à la même heure," lui dit-il.

"Et si je ne peux pas venir ?" demanda Hermione.

Ses yeux se plissèrent.

Il essayait de déterminer ce qu'elle faisait pour l'Ordre. Hé bien, elle n'allait pas lui fournir volontairement l'information.

"J'attendrai cinq minutes et je présumerai que tu n'as pas pu venir."

Il fit un rictus, et d'un mouvement de baguette, il fit apparaître un rouleau de parchemin qu'il lui tendit.

"Mon premier versement," dit-il d'une voix traînante, la lorgnant de nouveau.

Elle le lui prit et le déroula partiellement, jetant un œil à plusieurs cartes et plans de bâtiments.

"Je fais confiance à Maugrey pour qu'il ait le bon sens de ne pas tout utiliser d'un coup," dit-il.

"Ton rôle sera l'un des secrets les mieux protégés de l'Ordre. Tu seras inutile si ta couverture tombe. Nous ne le risquerons pas."

"Bien," dit-il d'une voix froide. "Je te vois mardi, alors. Pratique ton occlumancie."

Il disparut dans un craquement.