Chapitre 29 - Flashback 4

Avril 2002

Quand elle arriva à la masure la fois suivante, elle avait à peine franchi la porte que Malefoy apparaissait brusquement, presque sur elle.

Il l'attrapa fermement et la plaqua contre un mur alors que ses lèvres s'écrasaient sur les siennes.

Hermion eut à peine le temps de penser ou de réagir. Ses yeux s'agrandirent d'étonnement et à ce moment là, les yeux de Malefoy croisèrent les siens et il envahit brusquement son esprit.

Elle avait été si surprise que ses murs d'occlumancie étaient tombés. La distraction terrifiante de son corps pressé contre le sien pendant qu'il l'embrassait rendait difficile de se concentrer uniquement sur la sensation de son esprit déchirant un chemin à travers sa conscience.

Il écuma ses souvenirs récents ; préparant une potion d'invisibilité pour l'anneau qu'il lui avait donné, emmenant Lee Jordan pour le déposer à Sainte Mangouste. Il trouva son souvenir de leur réunion précédente.

Elle put le sentir le découvrir, en même temps qu'elle était vivement consciente des lèvres de Malefoy qui se séparant des siennes, l'embrassant le long de sa mâchoire, pendant que ses mains glissaient le long de son corps.

Il commença à approcher du souvenir de la conversation avec Rogue. Non. Elle ne voulait pas qu'il voit celui-là. Même si elle était assez certaine qu'il savait ce qu'elle essayait de faire, elle ne voulait pas qu'il en ait la confirmation.

Elle se força à ne pas éloigner le souvenir ou le cacher. À la place, elle attrapa l'une des premières choses à laquelle elle put penser et la repoussa avec force au fond de son esprit. Malefoy devait savoir que c'était une feinte, mais il le poursuivit résolument. Après l'avoir gardé hors de portée pendant quelques secondes, elle le laissa l'attraper.

Le Malefoy de troisième année se tenait devant elle, reniflant.

"Jamais vu un type aussi lamentable, dit Malefoy. Et il est censé être professeur dans cette école !"

Harry et Ron s'avancèrent vers lui d'un air menaçant, mais Hermione fut la plus rapide.

CLAC !

De toutes ses forces, elle gifla Malefoy. Sa main la brûla sous le choc, et sa peau pâle devint immédiatement écarlate là où elle l'avait frappé. Il vacilla sous le choc, la regardant avec un mélange de douleur et d'étonnement.

"Ne t'avise plus jamais de traiter Hagrid de lamentable, espèce de sale petit bonhomme !" rugit-elle.

Malefoy se retira abruptement de son esprit et fit un pas en arrière, tremblant.

Hermione le fixa, s'attendant à ce qu'il soit furieux qu'elle ait utilisé ce souvenir contre lui. Puis elle réalisa après un moment qu'il était en train de rire.

Cela lui parut plus terrifiant.

"Bien joué," dit-il, riant encore après une minute. "Je m'attendais à ce que ça te prenne plus de temps avant que tu sois capable de le faire."

Hermione était affalée contre le mur, essayant de se remettre de son attaque à la fois physique et mentale. Une migraine commençait déjà doucement à naître dans sa tête.

"Est-ce de cette façon que tu enseignes habituellement l'occlumancie ?" dit-elle après un moment.

Malefoy grimaça légèrement.

"Seulement avec toi," dit-il avec un petit sourire. "Je ne peux pas me permettre que tu doutes de ma sincérité, n'est-ce pas ? J'avais besoin de faire quelque chose pour te faire baisser ta garde. Alors…" il haussa les épaules. "Deux gnomes, un Fléreur. Je suis sûr que tu ne t'attendais pas à ce que je garde mes mains entièrement pour moi."

Hermione lutta contre l'envie pressante de lui renifler au nez.

"Dois-je porter des bas la prochaine fois que je viens ?" demanda-elle, caustique.

Les yeux de Malefoy semblèrent s'assombrir.

"Hmm. Non. Je te préfère comme ça. Être sale et débraillée dans des habits moldus te va bien. Et j'ai l'intention de te savourer. Tu n'as pas besoin de commencer à en mettre… pour le moment."

Hermione sentit un frisson la traverser ; de peur, mais aussi de la tension entre eux, une atmosphère d'animosité et de machination emplissait l'air.

Il fit un pas vers elle et attrapa sa main gauche, la levant alors qu'il glissait son pouce sur l'anneau qui réapparut sur sa main quand il baissa les yeux dessus.

"Comment ça marche ?"

"La potion est basée sur un principe magique similaire au Fidelitas," dit-elle, libérant sa main. "Il n'est visible que tu sais qu'il est là. Sinon, il est indétectable. Seul toi et moi pouvons le voir."

Malefoy haussa un sourcil approbateur.

"Je ne pense pas avoir entendu parler de cette potion."

"Elle est nouvelle," dit-elle avec raideur.

"De toi ?"

Hermione fit un signe de tête réticent. "Ce n'est pas réellement si utile. Ça ne marche que sur le métal."

"Intéressant," murmura-il, avançant plus près d'elle.

À chaque fois qu'il s'approchait, elle avait une conscience renouvellée d'à quel point il était dangereux. La magie noire émanait de lui en vagues ; elle s'accrochait à ses vêtements et ses cheveux et émanait presque de sa peau. C'était comme s'il portait une cape de noirceur et de rage qu'il gardait simplement sous contrôle en sa présence.

Il y avait tant de noirceur. Toutes les morts dont il était responsable.

Il en était trempé.

"Essayons encore. Et voyons combien de temps tu peux tenir." Ses lèvres s'ourlèrent d'un bref rictus. "Je ne t'embrasserai pas… cette fois."

Il plongea de nouveau dans son esprit. Elle le garda à l'extérieur avec ses murs pendant une minute le temps qu'elle organise son esprit et ses souvenirs. Puis elle prétendit que son bouclier cédait.

Elle ne savait pas si elle était réellement douée, ou s'il avait la décence de se retenir de traverser tous ses souvenirs. Il permettait à ses tentatives maladroites de le distraire avec succès. Après qu'elle ait réussi une douzaine de fois, il se retira.

Hermione avait l'impression que sa tête était sur le point de s'ouvrir en deux ; comme si la douleur était une forme de pression qui menaçait de faire céder son crâne. La douleur était agonisante. Ses yeux étaient remplis de larmes, et elle se mordit la lèvre pour s'empêcher de pleurer.

"Bois ça," ordonna-il, glissant une fiole d'antidouleur dans sa main. "Sinon tu pourrais t'évanouir quand tu essaieras de transplaner. Je ne te le recommande pas."

Elle l'avala, assez certaine qu'il n'allait pas l'empoisonner.

"Est-ce que ça t'es arrivé ?" demanda-elle quand la douleur commença à s'atténuer, lui permettant de lui parler de nouveau et de retrouver une vision qui n'était plus constellée de tâches noires.

"Plus d'une fois," dit rapidement Malefoy. "Ma formation a été… rigoureuse."

Elle hocha la tête. Il semblait difficile de croire qu'il était le même petit tyran qu'elle avait connu à l'école.

La froideur et la rudesse étaient édifiées autour de lui comme les murs d'un château. Toute cette rage contenue.

Le garçon qui recevait des boîtes de bonbons et s'était fait acheter une place dans l'équipe de Quidditch, qui pleurait et chouinait pour un bras écorché, avait disparu. Tout ce qui était tendre, indolent et dorloté en lui avait été rongé par la guerre. Il n'avait pas acheté sa place dans les rangs de Voldemort avec des Gallions. Il l'avait payé avec du sang.

Tout était si dur et si strict. Sa façon de sourire et de la lorgner, et les caprices de sa courtoisie, tout ressemblait à un jeu d'acteur. Comme un masque qu'il portait pour dissimuler à quel point il était froid.

Si elle voulait réussir, elle devait arriver à passer au-delà de son masque, de sa froideur et de sa rage. Il pouvait avoir l'intention de l'utiliser simplement comme une forme d'anti-stress vindicatif ou amusant, mais elle était toujours déterminée à devenir plus que cela.

Elle devait lui tirer des confidences jusqu'à ce qu'elle puisse comprendre ses motivations… jusqu'à ce qu'elle trouve une vulnérabilité qu'elle pourrait exploiter.

Personne n'était fait que de glace. Pas même Malefoy.

Il y avait quelque chose chez lui. Dans ses yeux. Quelque chose qui ressemblait à un feu profondément caché en eux. Elle devait trouver un moyen de l'atteindre et de le transformer en quelque chose qu'elle pourrait utiliser.

Il s'attendait à ce qu'elle le déteste et qu'elle essaye de le manipuler avec de la fausse gentillesse et de la sympathie. Elle devait agir avec intelligence. Plus d'intelligence que lui.

"Etait-ce après la cinquième année ?"

Il lui jeta un regard acéré.

"Oui," dit-il d'un ton coupant.

"Ta tante ?"

"Hmmm," fit-il en guise de confirmation.

Ils se regardaient l'un l'autre avec intensité.

"Pas la seule chose que tu aies apprise cet été là," dit-elle.

"As-tu besoin que je confesse quelque chose, Granger ? Devrais-je te dire tout ce que j'ai fait ?" Il s'approcha pour qu'il puisse la surplomber, et lui renifla au visage.

Elle se força à ne pas se recroqueviller ou reculer. Elle le regarda dans les yeux.

"En as-tu envie ?"

Il y eut la plus petite trace de surprise sur son expression. Il sembla pris de court par la question.

Il était seul. Elle l'avait suspecté, mais à présent elle en était certaine. Mère morte, père fou. Il était haut dans les rangs de Voldemort et ils étaient connus pour être remplis de traîtres. S'il avait déjà eu des regrets, il ne l'aurait dit à personne.

"Non," dit-il d'une voix coupante alors qu'il s'éloignait d'elle.

Elle n'insista pas. S'il pensait qu'elle insistait, il se refermerait comme une huître. Elle n'avait pas vraiment besoin de savoir. Elle avait juste besoin qu'il réalise qu'il avait envie d'en parler à quelqu'un….

… qu'il avait envie de lui en parler.

Ça lui donnerait une valeur émotionnelle à ses yeux. Ce serait un début. Une ouverture.

Cela la rendrait intéressante.

"Avais-tu envie d'y retourner ?" demanda-elle après un moment.

Il la fixa, ses yeux gris plats. "Quand elle me formait, elle demandait à quelqu'un de me jeter un Doloris pendant qu'elle essayait de s'introduire dans mon esprit. C'est probablement ce qu'il t'arriveras, si jamais tu es attrapée."

Il ne lui donna pas le temps de réagir à cette information avant d'entrer brusquement dans son esprit. Quand il arrêta, il n'attendit pas qu'elle reprenne son souffle avant de laisser tomber un nouveau rouleau de renseignements près d'elle et de disparaître.

Cette semaine là, Hermione retourna à Waterstones. Elle acheta des livres sur l'effet psychologique de la solitude. Des livres sur les orphelins. Des études sur la psychologie des enfants soldats.

Elle n'hésita pas en surlignant des sections sur leurs vulnérabilités ; les façons avec lesquelles ils seraient enclins à ce qu'on prenne l'avantage sur eux ou qu'on les manipule.

Dans un carnet sur lequel elle plaça un sort de protection assez vicieux, elle commença à dresser un portrait de Drago Malefoy. Ce qu'elle avait remarqué sur lui. Les questions et les théories qu'elle avait.

Son centre - sa motivation - demeurait un vide mystérieux. Mais elle avait l'impression de commencer à saisir ses contours.

Le mardi suivant, il ne commença pas par forcer son attention sur elle. Il s'en tint à la provoquer d'une autre façon.

Il ne se retint pas du tout quand il envahit son esprit pour une nouvelle séance de formation à l'occlumancie. Il poignarda l'arrière de son esprit et serpenta dans les souvenirs qu'il croisait sur sa route. La forçant à revivre certaines des morts auxquelles elle essayait de toutes ses forces de ne pas penser. Puis, presque par accident, il arriva près du souvenir suivant immédiatement sa conversation avec Rogue. Elle tressaillit quand il s'en approcha, et il bondit immédiatement dessus.

Il la regarda examiner critiquement ses traits avant d'entrer dans la douche. Et quand elle en sortit et contempla son corps nu dans le miroir, il s'arrêta et la fixa, suivant la liste des défauts qu'elle dressait mentalement. Elle pouvait sentir son amusement condescendant alors qu'il prenait sa mesure. Elle frémit d'embarras et il le sentit également.

Il resta dans le souvenir pendant bien plus longtemps qu'il ne durait puis se retira entièrement de son esprit.

"Hé bien," dit-il, ayant l'air d'être sur le point de rire. "C'est certainement une façon de distraire un légilimens."

Elle lui jeta un regard. Elle était sérieusement tentée de le frapper à l'entrejambe puis d'essayer de lui piétiner les dents.

"Satisfait de ton achat ?" Son ton était corrosif.

Il eut un petit rire. "Tu es plutôt maigrichonne. Si tu m'avais envoyé ce souvenir au préalable, j'aurais pu demander quelqu'un d'autre," dit-il alors qu'il reculait pour la regarder en personne.

"Dommage pour tous les deux, alors," dit-elle, grimaçant en croisant défensivement les bras.

"Peut-être… Mais là encore, si je ne t'avais pas demandée, je n'aurais jamais eu l'opportunité de rencontrer un cerveau organisé comme un classeur." Sa voix était légère et détendue, mais ses yeux de mercure se durcirent brusquement. Il pencha légèrement la tête sur le côté. "Maugrey ne t'a pas formée. Tu es une occlumens née."

Hermione hocha la tête avec résignation. Elle avait supposé qu'il finirait par le découvrir. Quand elle avait inventé le mensonge, elle ne s'était pas attendue à ce qu'il passe tant de temps à fouiller dans sa tête.

"Auto-formée, alors ?"

"J'avais un livre," dit-elle avec raideur.

Il eut un rire qui ressemblait à un aboiement. "Bien sûr."

Il la fixait avec une expression qu'elle ne pouvait définir. Comme s'il la réévaluait. Cette prise de conscience semblait le faire réévaluer quelque chose à son propos.

Hermione ne voulait pas qu'il la réévalue. S'il le faisait, il pourrait décider de changer sa stratégie. Elle aimait sa manière actuelle qui n'incluait pas qu'elle couche avec lui.

"Quoi ?" aboya-elle impatiemment, espérant lui faire perdre le fil de ses pensées. Cela sembla fonctionner, le plissement de ses yeux s'adoucissant légèrement.

"Rien," dit-il avec un geste de la main. "Je n'en avais juste jamais rencontré auparavant."

Il eut un rictus.

Elle le fixa avec ses propres yeux plissés.

"Tu en es un aussi," dit-elle avec horreur. Elle essayait de se glisser derrière les défenses de quelqu'un qui pouvait aussi enfermer et isoler ses émotions et ses désirs.

Il fit un salut moqueur.

"Quelles étaient les probabilités ?" dit-il avec amusement, feignant un frisson.

Il y eut un long silence.

Ils réévaluaient l'autre tous les deux.

"Vas-tu toujours m'apprendre l'occlumancie, alors ?" finit-elle par demander.

"Oui…" dit-il lentement. "Ce serait de la négligence de ne le faire qu'à moitié. Tu seras capable d'apprendre plus rapidement que ce que j'espérais."

"Bien." Elle hocha la tête et se ressaisit.

Il approcha d'elle. Le cœur d'Hermione bafouilla.

Le mouvement lui rappela celui d'un animal s'approchant d'une proie. Lent, subtil, graduel et puis soudain… trop près.

Elle fixa son visage pour ne pas se concentrer sur sa physicalité, sur la facilité qu'il aurait à la briser de ses mains nues.

Les doigts de Malefoy se levèrent et touchèrent légèrement le menton d'Hermione, lui penchant la tête en arrière pour que sa gorge soit mise à nu.

"Tu es vraiment pleine de surprises," dit-il, son regard se promenant sur son visage avant de se verrouiller sur ses yeux.

Hermione lava brièvement les yeux au ciel.

"Est-ce que tu dis ça à toutes les filles ?" demanda-elle sur un ton sarcastiquement doux.

Elle ne s'embarrassa pas avec des murailles quand il plongea dans sa conscience. C'était le processus de les faire céder qui lui donnait le plus mal à la tête. Elle se sentait déjà raisonnablement confiante en ses capacités à feindre qu'elles étaient facilement cassables.

Il ne rendit pas l'invasion douloureuse. Ce qui l'étonna. Elle avait supposé que la légilimancie était par définition douloureuse. À la place, elle eut l'impression que son esprit était une Pensine dans laquelle il s'était simplement laissé tomber. La conscience de Malefoy et la sienne fusionnèrent.

Il semblait prendre la mesure de l'état naturel de son mental.

Sans la douleur de l'attaque de légilimancie, Hermione était capable d'être plus nuancée et intentionnelle dans sa stratégie. Elle mélangea ses souvenirs avec un faux détachement, attirant son attention, puis en glissa certains dans différents coins de son esprit.

C'était… comme apprendre à danser. Ou peut-être apprendre les arts martiaux. Tous les mouvements étaient faits lentement. Sans force.

Il lui donna le temps d'apprendre la technique. Ressentir ce que c'était de le faire correctement. Parcourant les formulaires. Le répétant encore et encore jusqu'à ce qu'elle puisse le faire instinctivement, sans avoir besoin de réfléchir.

Finalement, il se retira et jeta un œil à son poignet. "Nous avons dépassé l'horaire."

"Oh," dit-elle doucement, toujours mentalement occupée par la technique qu'elle avait essayé de faire correctement.

Il garda les yeux baissés vers elle jusqu'à ce qu'elle se redresse et lève les yeux vers lui.

"As-tu des renseignements cette semaine ?"

"Pas vraiment. Il y a plus de vampires qui arrivent de Roumanie ce mois-ci. Pas encore de détails spécifiques."

"Si…" Hermione hésita.

Il haussa un sourcil dans sa direction, les yeux baissés vers elle, attendant.

"Si… nous avions besoin de quelque chose. Serais-tu capable de le trouver pour nous ?" demanda-elle.

"Ça dépend de ce que c'est."

"Un livre."

Il renifla.

"Il s'appelle Secrets de la Magie la plus Noire. J'ai essayé tout ce que j'ai pu pour le trouver. Mais les ressources de l'Ordre sont limitées."

"Je vais voir ce que je peux faire." Il poussa un soupir irrité.

"Fais attention," se surprit-elle à dire.

Il eut l'air surpris.

"Tu n'as pas envie que Voldemort sache que tu le cherches."

"À quel point ce livre est-il important ?" demanda-il, les yeux plissés.

"Je ne sais pas. Cela pourrait n'être rien. Ou ça pourait être très important. Mais… ne perds pas ta couverture pour ça."

Il leva les yeux au ciel.

"Comme si," marmonna-il avant de lui jeter un regard acéré. "Tu devrais y aller. Je suis sûr que Potter va se languir de toi."

Hermione récupéra sa besace d'ingrédients de potions et se glissa hors de la masure.

Malefoy la regarda contemplativement alors qu'elle fermait la porte et transplanait.

Quand elle fut de retour au Square Grimmaurd, elle était pensive alors qu'elle mettait en bouteille et préparait les ingrédients.

Malefoy n'était pas comme ce à quoi elle s'était attendue.

Il était bien moins cruel que ce qu'elle avait anticipé. Elle ne cessait de s'attendre à ce que sa malfaisance brise soudain son attitude de façade. Mais soit il était moins malfaisant que ce qu'elle pensait, soit il voulait quelque chose de plus complexe et nuancé de ses interactions avec lui. Elle était déjà presque certaine qu'il n'était pas particulièrement enclin à lui faire du mal.

Elle n'arrivait pas à déterminer ce qu'il voulait.

Severus avait eu raison. Malefoy prouvait déjà qu'il était un excellent espion. Toutes les informations qu'il avait données à Maugrey étaient de très bonne qualité et utiles. L'Ordre avait attaqué une prison avec succès et fait s'échapper plus de cinquante personnes.

Cependant, ses motivations demeuraient un mystère.

Elle ne pouvait pas comprendre ce qu'il pouvait possiblement obtenir en espionnant. Avec sa position dans l'armée de Voldemort, il récolterait sûrement une grande récompense si l'Ordre était défait.

Si l'Ordre gagnait, même avec une grâce il deviendrait sans aucun doute un paria du monde sorcier tout le reste de sa vie. Les espions et les traîtres n'obtenaient peu de reconnaissance, peu importait à quel point leur contribution était vitale.

De plus… Lucius Malefoy était un adepte dévoué de Voldemort. Il blâmait Harry et Ron pour la mort de Narcissa, et avait dirigé presque toute son énergie à exercer sa vengeance sur eux. Bien que Drago pourrait ne pas partager ce sentiment… se poser en désaccord avec son père semblait suspicieux. Il s'était modelé à l'image de son père si méticuleusement quand il était à l'école, et avait été furieux de son emprisonnement à Azkaban à la fin de la cinquième année.

Hermione disposa un plateau plein de dictame et lança un sort de chaleur du bout de sa baguette. Se massant légèrement la tempe avec son autre main alors qu'elle regardait les feuilles sécher progressivement.

Malefoy n'était pas intéressé par elle ; pas physiquement. Du moins pas plus qu'un homme n'était intéressé par n'importe quelle femme prise au hasard. Elle avait étudié la physiologie de l'attirance sexuelle et il ne montrait presque aucun des signes, même après avoir passé plusieurs minutes à regarder sans vergogne son reflet nu.

Elle rougit. L'expérience se classait sans équivoque comme moment le plus embarrassant de sa vie.

Alors, quel était le sens de tout ça ? Pourquoi les baisers et le pelotage ? Si tout cela avait pour but de la provoquer et de la mettre en colère, la question du pourquoi tenait toujours.

Initialement, il s'était clairement attendu à ce qu'elle soit si remplie de haine pour lui qu'elle ne pourrait pas la refouler. Puis, quand il l'avait agressivement embrassée pour briser ses défenses d'occlumancie, il avait semblé penser qu'il pourrait l'utiliser pour la rendre si consumée par ses émotions qu'elle ne saurait plus penser clairement. La façon dont il l'avait jaugée dans le miroir avait aussi clairement pour but de la piquer.

Il voulait qu'elle le déteste.

Mais quand il avait réalisé qu'elle était une occlumens, il avait apparemment décidé de changer à nouveau de tactique. Il avait finalement compris pourquoi il ne pouvait pas la provoquer facilement, et s'était adapté une fois de plus.

Mais s'adapter pour quoi ? Quel était le but ?

Elle ne pouvait pas le comprendre.

Hermione plaça les feuilles de dictame séchées dans un grand pilon, et commença à les réduire en poudre.

"Mione ?" Charlie passa la tête dans son cabinet de potions.

"Oui ?"

"Rogue est passé un peu plus tôt, il te cherchait."

"Oh. A-t-il dit pourquoi ?"

"Il a une nouvelle recette pour toi, je pense. Il l'a donnée à Poppy. Pour soigner un nouveau sort qu'il a aidé à créer."

L'expression de Charlie était déformée par la colère. Beaucoup des membres de l'Ordre blâmaient Severus pour chaque sort développé dans la division des sorts de Voldemort. Il pensaient que si Severus était vraiment du côté de l'Ordre, il trouverait un moyen de tout saboter.

Hermione leva les yeux au ciel.

"Tu sais, s'il n'était pas là, on aurait perdu des douzaines de personnes supplémentaires avant d'avoir trouvé les contre-sorts. Ses renseignements sont vitaux pour me laisser le temps de me préparer."

"Ouais, et combien des nôtres penses-tu qu'il a tué pour obtenir ces renseignements ? C'est sur les nôtres qu'il font des expériences pour créer les sorts. Il assassine des gens, mais tout va bien parce qu'il nous envoie des renseignements sur les contre-sorts. Ça marche vraiment comme ça ?"

Hermione se figea dans son pilonnage de dictame.

"C'est un espion, Charlie. C'est le genre de choses qu'ils doivent faire pour maintenir leur couverture. S'il la perdait pour sauver un groupe de prisonniers ou qu'il essayait de saboter les choses, Voldemort en créerait juste un autre et nous perdrions les renseignements. La perte ne serait jamais amortie sur le long terme."

"C'est ce que tu dis," dit Charlie, les lèvres pincées et le regard dur, puis il se retourna et s'éloigna.

Hermione pilonna le dictame pendant encore quelques minutes avant d'utiliser en entonnoir pour le mettre dans un bocal.

Severus avait dû développer une potion pour soigner le sort d'acide. Elle espérait qu'elle était différente de celle sur laquelle il travaillait quand elle était passée à l'Impasse du Tisseur.

Elle n'avait pas de venin d'accomantule. Une identification issue du Ministère était requise pour faire des achats chez les apothicaires. Elle devrait essayer de trouver une source sur le marché noir ; cela lui coûterait sûrement plusieurs centaines de Gallions. L'Ordre manquait de fonds.

Les Gobelins avaient gardé une position neutre pendant la guerre, mais même si Gringotts demeurait ouvert pour l'Ordre, réussir à aller dans la banque pour retirer de l'or sans être arrêté était un challenge. Sans mentionner qu'être un né-Moldu était une offense passible de prison.

La plupart des membres de l'Ordre n'étaient pas employables, que ce soit par statut du sang ou par association.

Il était heureux qu'Harry ait un grand coffre, parce qu'ils seraient probablement morts de faim sinon.

Si la potion requérait du venin acromentule… hé bien, avec un peu de chance Severus serait capable de leur en donner quelques gouttes. Sinon, elle doutait que l'Ordre ne lui alloue le budget pour en acheter, à moins que le sort soit constamment utilisé.

Elle croisa les doigts et alla trouver Poppy.

La salle d'hôpital était de nouveau bondée.

La mission de secours à la prison avait été un succès, mais beaucoup de prisonniers avaient des blessures à cause de la torture ou étaient dénutris. Il y avait eu un échange de sorts pendant l'évasion, et des sorts brutaux avaient été utilisés.

Ceux avec des blessures mineures avaient été envoyés dans d'autres planques, mais le Square Grimmaurd avait gardé les blessures les plus complexes pour qu'Hermione et Poppy les soignent.

Poppy était penchée au-dessus du lit de Rolanda Bibine. Une minuscule incision en tête d'épingle ne cessait de réapparaître dans la trachée de Bibine et de grandir lentement malgré tous leurs efforts pour la soigner. Celle qui était de garde dans la salle d'hôpital devait garder en route un timer de deux minutes en cycle constant pour le gérer.

"Du changement ?" demanda Hermione, se penchant pour examiner la blessure avec Poppy.

"Oh, Hermione, tu es rentrée," dit Poppy d'une voix triste. "Severus est venu pour la voir. Il dit que ce n'est pas l'un des nouveaux sort de Voldemort. Alors… c'est probablement un sort mal lancé."

Hermione soupira de soulagement avant qu'une vague de culpabilité ne vienne la frapper. Si c'était un sort mal lancé, il était peu probable qu'ils le croisent de nouveau. Mais cela signifiait aussi qu'elles ne seraient probablement pas capables de soigner Rolanda. Hermione avait essayé sans succès de déconstruire la blessure avec une analyse de sorts, essayant de le démêler. La structure était si emmêlée et irrégulière qu'il était impossible de le neutraliser.

"Combien de temps penses-tu que les sorts de guérison puissent encore fonctionner ?" demanda doucement Pomfresh, regardant avec tristesse la collègue de longue date.

Hermione calcula mentalement le temps qui était passé depuis que Madame Bibine avait été amenée. C'était une science obscure mais les sorts de guérison cessaient de fonctionner quand ils étaient utilisés avec une fréquence trop élevée. Même la magie ne pouvait forcer un corps à se réparer passé un certain stade.

"Si on continue de la soigner toutes les deux minutes, les sorts vont probablement continuer de fonctionner pendant encore vingt heures," lui dit gentiment Hermione.

Poppy hocha la tête et lissa doucement les couvertures autour du corps de Rolanda.

"Severus a laissé quelques recettes pour toi," dit-elle à Hermione. "Il a dit que tu devrais garder un flacon de prêt."

Poppy mit la main dans sa poche et en sortit un petit rouleau de parchemin et une fiole.

Hermione leva la fiole à la lumière.

Deux gouttes de venin d'acromentule. Ça valait probablement plus de cinquante Gallions.

Elle ne pouvait pas se permettre de faire une erreur. Elle glissa la fiole dans sa poche et déroula la recette pour voir ce qu'il allait falloir mélanger.

Elle avait tous les ingrédients. Sauf l'herbe à flux, qu'elle devait récolter à la pleine lune. Elle calcula le prochain cycle lunaire. Elle devrait attendre une semaine avant d'avoir tout ce dont elle avait besoin pour faire une fournée.

Si le sort était aussi sérieux que ce que Severus avait indiqué, elle devrait espérer qu'il n'y ait pas d'escarmouche avant la pleine lune. Ce qui était probablement une notion illusoire.

À la fin de la recette, Severus avait inclus le contre-sort du sort d'acide de son écriture pointue. Elle l'examina. Il était simple, comme il l'avait dit.

Hermione copia le contre-sort sur un nouveau morceau de parchemin. Une blessure impliquant de l'acide nécessiterait d'être contrée immédiatement. Attendre quelques secondes de plus pour appeler un guérisseur ou faire transplaner le blessé pourrait ajouter des jours au temps de guérison. Le contre-sort était assez simple ; chaque membre de la résistance pourrait l'apprendre.

Elle écrit une brève note d'explications, et d'un mouvement de baguette plia la note en un avion en papier et l'envoya voler dans la maison pour qu'il trouve Harry.

"Seras-tu capable de prendre ta garde plus tôt ?" dit Poppy.

Hermione leva les yeux et réalisa que Poppy était grise de fatigue.

"Bien sûr," dit rapidement Hermione.

"Je veux écrire à Fillius, Pomona et Minerva. Ils pourraient vouloir venir lui dire au revoir," dit Poppy, les épaules tombantes. "Les notes sur ce que j'ai fait sont toutes dans le registre, et je viens juste de refermer l'incision. Donc tu peux compter deux minutes à partir de maintenant."

Hermione regarda Poppy Pomfresh alors qu'elle sortait de la salle d'hôpital à pas lents et lourds.

Hermione alla jeter un coup d'œil au registre. Il ne contenait pas de surprise. Elle marcha silencieusement de lit en lit. Tout le monde était encore endormi, et quelques-uns étaient sous Goutte du mort vivant. C'était une façon de les maintenir en vie pendant que certaines potions longues à préparer étaient en cours de fabrication pour les soigner. Elle jeta un sort de diagnostic par précaution sur chaque corps, et dressa une liste mentale des potions dont elle devait s'occuper. Elle devait envoyer les premières doses de potions Tue-loup à tous les lycanthropes de l'Ordre.

C'était un jour calme dans la salle d'hôpital. Le lancer constant de sort de guérison de Madame Bibine mis à part, la plupart des autres blessures requerraient simplement une surveillance attentive et du temps.

Hermione s'assit et spécula sur comment serait Malefoy lors de leur prochaine réunion.

Le fait qu'il soit aussi un occlumens né était… problématique, pour le formuler poliment.

Cela signifiait qu'il se contrôlait profondément. Essayer de trouver un moyen de le rendre loyal serait presque impossible s'il était capable de contenir tout effet qu'elle aurait sur lui.

Si elle voulait avoir une chance de succès, elle devrait être lente et insidieuse. Forer si profondément dans son psyché qu'il ne pourrait plus l'en déloger. Trouver un chemin jusqu'à son cœur. Le seul endroit qu'aucune occlumancie ne pouvait bloquer ni séquestrer.

Elle frissonna légèrement.

Elle n'avait jamais été cruelle avant. Froide. Insensible. On avait dit ces choses d'elle, et elle croyait que cela pouvait être vrai. Mais cruelle était une limite qu'elle n'avait jamais considéré franchir. Mais c'était ce qu'elle envisageait de faire était possiblement l'une des choses les plus cruelles qu'elle pouvait concevoir.

Elle balaya son hésitation.

Il était celui qui l'avait exigée.

Maintenant, et après la guerre.

Elle était bien sans ses droits de s'assurer qu'il paye le prix de ses exigences. S'il ne la voulait pas, il ne l'aurait pas demandée.

Elle s'arma, et invoqua un livre de son sac.