Chapitre 31 - Flashback 6

Avril 2002

Drago la regarda sévèrement, quelque chose qu'elle ne pouvait pas définir vacillant sur son expression.

"C'est bon," dit-il d'une voix dure. "Quand j'ai dis que je te voulais consentante, ça voulait dire que tu étais autorisée à dire non. Bien que peut-être que tu pourrais essayer de le dire plutôt que de me provoquer délibérément."

Hermione le regarda avec choc.

Il serra le poing et le pressa contre son front comme s'il avait une migraine.

"Est-ce que tu veux continuer avec l'occlumancie ?" demanda-il.

Hermione bougea légèrement mais elle ne répondit pas. Elle se sentait déstabilisée. La conversation n'avait pas… elle n'avait pas…

Qu'avait-il voulu dire ?

Était-ce possible que ça soit une feinte pour qu'elle baisse sa garde ?

Si elle était autorisée à dire non, il ne s'était certainement pas soucié de le lui communiquer. En fait, il avait lourdement insinué le contraire. Bien que… il n'avait jamais vraiment fait de choses qui n'avaient pas pour but premier de la provoquer.

Alors…

Elle le regarda avec méfiance.

Quelque chose qu'elle lui avait dit cette nuit-là avait accidentellement touché une corde sensible. Profondément.

Qu'avait-elle dit ?

Que le pouvoir l'excitait. Faire du mal à quelqu'un qui ne pouvait pas résister - ou qui ne le ferait pas. Utiliser ce à quoi les gens tenaient pour les torturer et les enfermer et les forcer à faire des choses. Qu'il était juste comme Voldemort.

Qu'il était juste comme Voldemort.

C'était probablement ça. Il se voyait probablement comme meilleur que son Maître. Peut-être qu'il pensait que s'il aidait l'Ordre à vaincre Voldemort cela laisserait un vide au pouvoir qu'il pourrait remplir.

La pensée lui noua le ventre.

Etait-ce vraiment ça ? Est-ce qu'il jouait sur les deux tableaux, pensant qu'il pourrait saisir le pouvoir après ?

Peut-être qu'il objectait au règne de terreur de Voldemort ; les attaques utilisées pour recadrer l'Ordre, toute la torture et les expériences. Malefoy imaginait probablement qu'il régnerait de façon distinguée, dans un régime où les femmes seraient ostensiblement "consentantes" et les exécutions cérémonieuses.

Oui… il semblait qu'il avait été plus qu'offensé. Sa rage… la rage qu'il avait en lui était sûrement plus puissante que son égo ou ses ambitions.

Son expression méfiante semblait ennuyer Malefoy. Il siffla légèrement et ses dents flashèrent.

"Il suffit de le dire, je ne vais pas te faire de mal," lâcha-t-il. "Alors arrête de me regarder comme si tu t'attendais à ce que je te lance un sort dans le dos."

Les mots firent tressaillir Hermione. Si elle n'était pas désespérée de s'assurer qu'il continue à espionner pour eux, elle aurait reniflé et lui aurait demandé pourquoi il n'avait pas prêté une telle allégeance à Dumbledore. Il sembla voir la répartie sur son expression et sa mâchoire se serra.

Elle se mordit la langue et regarda autour d'elle, gênée. "Je veux finir d'apprendre l'occlumancie."

"D'accord."

Son ton était retenu et il avait apparemment rangé sa colère. Son visage se lissa dans ce masque froid et indolent une fois de plus. Mais ses yeux argentés continuaient à l'étudier. Elle pouvait presque sentir son regard sur sa peau.

Il avança vers elle.

Elle avait l'impression qu'il était le même et pourtant différent. Comme s'il faisait les mêmes mouvements, mais de façon plus consciente que dans le passé. Il y avait un subtil élément de sur-précision.

Il pencha la tête d'Hermione en arrière avec le bout de ses doigts. Quand elle regarda profondément dans ses yeux, elle put voir une amertume qu'elle pensait ne pas avoir été là avant.

Il plongea sans douleur dans son esprit.

Ce fut encore la même chose les deux semaines suivantes. Plus d'occlumancie et un Malefoy réservé. La conversation demeurait guindée, bien que les renseignements qu'il fournissait continuaient à affluer généreusement et demeurer exacts.

Hermione se réprimandait intérieurement chaque semaine où il repartait après avoir échangé moins de douze mots avec elle.

Le profil psychologique qu'elle dessinait était figé. Chaque semaine, elle ajoutait plus de questions sans réponse. La liste de ses possibles motivations allaient de la plus magnanime à la plus monstrueuse.

Elle pouvait dire qu'elle en avait presque fini avec l'apprentissage de l'occlumancie. Les invasions de Malefoy dans son esprit devenaient de plus en plus agonisantes et agressives alors qu'il testait ses capacités et sa technique.

Elle était tentée de lui demander s'il avait toujours l'intention de la former au duel, mais elle avait peur d'évoquer le sujet.

Elle commençait à se sentir désespérée.

Quand elle arriva à la masure, elle marcha nerveusement, essayant de trouver un moyen de briser la gêne. Il devait y avoir un moyen d'arriver jusqu'à lui. Une faiblesse qu'elle pouvait trouver pour entrer.

Malefoy apparut devant elle dans un craquement abrupt, et sembla grimacer légèrement alors qu'il se redressait.

Hermione avait vu cette expression subtile assez de fois pour l'identifier immédiatement, peu importait à quel point elle était soigneusement dissimulée. Sans même s'arrêter pour réfléchir, elle sortit sa baguette et lança rapidement un sort de diagnostic sur lui.

Avant qu'elle ne puisse jeter un œil aux résultats, Malefoy avait plongé en avant, arraché sa baguette de sa main et l'avait plaquée contre le mur.

"Qu'est-ce que tu fais ?" grogna-il.

Bien. Il n'était probablement pas dans ses habitudes de laisser les gens jeter des sorts dans sa direction.

Elle croisa calmement son regard. "Tu es blessé."

Il la lâcha et recula.

"Ce n'est rien," dit-il. "Je m'en occuperai plus tard."

Les yeux d'Hermione tombèrent sur les couleurs et les détails entourant sa baguette, gisant sur le sol à quelques mètres de là, lisant les parties les plus accessibles.

"Tu as plusieurs côtes fissurées, une commotion cérébrale, et des ecchymoses internes. Ça ne me prendra que dix minutes à soigner. Et…" elle le gratifia d'un regard appuyé," transplaner fera encore plus mal la prochaine fois. Si tu laisses les fissures et que tu continues à le faire, tes côtes pourraient se casser complètement. Tu pourrais te percer un poumon. S'il y a des éclats, les côtes devront être enlevées et il faudra les faire repousser."

Il la regarda pendant plusieurs instants avant de rouler des deux. "D'accord."

Elle s'agenouilla et attrapa sa baguette. "Déshabille-toi… au-dessus de la taille."

Il se figea pendant un moment.

"Je pensais que c'était ma réplique," dit-il finalement en levant la main avec raideur pour dégrafer sa cape, la laissant glisser négligemment sur le sol. "Si tu avais tant envie de moi, tu n'avais qu'à demander."

Il la lorgna d'une façon faussement délibérée.

Chacun avait ses méthodes pour gérer la douleur. Harry était très silencieux, alors que Ron devenait ce que Fred et George appelaient "vache". Seamus et Charlie juraient si fort et si longtemps qu'il fallait leur lancer un silencio.

La douleur rendait Malefoy clairement plus sarcastique qu'il ne l'était déjà.

Au moins ça voulait dire qu'il lui parlait de nouveau.

Hermione leva les yeux au ciel. "Oui. Rien ne m'excite plus que la vue d'un abdomen moucheté d'ecchymoses violets et bleus."

"J'ai toujours su que tu étais une garce sadique."

Le commentaire prit tant Hermione de court qu'elle éclata de rire.

Malefoy parut stupéfait de son succès et commença à déboutonner sa chemise et à la faire tomber maladroitement à coup d'épaules.

Il était aussi blessé à l'épaule.

Elle tendit lentement la main comme si elle approchait un animal sur ses gardes. Il ne recula pas, alors elle entreprit de retirer sa chemise doucement et d'évaluer les dégâts.

Il paraissait avoir été jeté extrêmement violemment contre… quelque chose.

Son épaule était disloquée, mais il devait l'avoir remise en place. Son côté droit était entièrement couvert d'hématomes. Il était remarquable que son bras ne soit pas cassé.

"Que s'est-il passé ?" s'enquit-elle avec une curiosité sincère.

"Une nouvelle meute de loup-garous," répondit-il brièvement. "Il y avait des problèmes de leadership."

"Alors quoi ? Tu t'es battu contre un loup-garou alpha ?" demanda-elle avec scepticisme alors qu'elle commençait à réparer ses côtes.

"Hé bien, il lui était strictement interdit de mordre ou de griffer, et je n'étais pas autorisé à le tuer. Mais… quand tu as des bêtes avec une hiérarchie de meute et que tu essaies de les diriger sans les soumettre d'abord, tu attends juste une insurrection," expliqua Malefoy comme si ces choses étaient un savoir commun.

"Est-ce que tout ça vient d'une victoire ou d'une défaite ?" demanda-elle alors qu'elle réparait une autre fissure.

Il lui jeta un regard. "Une victoire, évidemment. Je n'aurais pas pu transplaner si j'avais perdu. Ce putain d'animal n'a même pas pensé à utiliser sa baguette. Ils deviennent tous bestiaux une fois qu'ils commencent à fonctionner en meute."

Il leva les yeux au ciel en le disant, puis ajouta "Maintenant je suis ostensiblement l'alpha d'une meute de loup-garous. Ça ajoute à mon charme naturel, je pense."

"L'alpha va sûrement essayer de te tuer," pointa Hermione.

Malefoy renifla. "Il peut essayer. Il me faudra moins d'une minute pour le descendre une fois que je serai autorisé à le tuer." Il ricana.

Hermione ne répondit pas. Avec un sort informulé, elle vit venir sa sacoche et en sortit le kit d'urgence qu'elle avait toujours avec elle.

"Assied-toi et bois ça," lui ordonna-elle en lui tendant une potion. "Ça va guérir la commotion cérébrale que tu as."

Pendant qu'il la buvait, elle frotta ses mains l'une contre l'autre pour les réchauffer puis plongea les doigts dans un petit pot de pâte.

Elle le regarda pensivement pendant un moment avant de poser légèrement sa main sur son épaule nue.

Il sursauta si fort qu'il tomba presque de sa chaise.

"Relax," dit-elle, sentant les muscles de ses épaules se tendre sous ses doigts. "Ça ne pénétrera pas bien si tu es tendu."

Malefoy ne se détendit pas du tout.

Elle leva les yeux au ciel

Elle passa légèrement les doigts sur son épaule, étalant la pâte et le laissant s'habituer à son contact. Les muscles de son épaules tressaillirent et se contractèrent légèrement. Hermione avait l'impression de caresser un cheval ombrageux.

De tous les scénarios dans lesquels elle avait imaginé Malefoy finalement à moitié nu en sa présence, le soigner n'en avait surprenamment pas fait partie. Mais… elle pouvait l'utiliser pour réparer les choses et continuer de travailler sur sa stratégie initiale.

Il était assurément solitaire. Il semblait perturbé par le contact physique qui n'était ni violent ni sexuel.

Elle supposait que ça n'était pas surprenant. Qui avait-il pour être gentil avec lui ? De ce qu'il disait, sa formation brutale avec Bellatrix n'avait pas été contestée par qui que ce soit, même sa mère. La pensée la fit légèrement frissonner.

Torturer un adolescent de seize ans pour lui apprendre l'occlumancie puis le laisser en perdre connaissance.

Elle pouvait utiliser ce vide. La solitude. Le besoin de réconfort était gravé dans le psyché humain. Malefoy pouvait même ne pas avoir suffisamment conscience de son absence pour se méfier. Si elle éveillait ce besoin…

…elle aurait gagné.

Le contact physique non sexuel était quelque chose qui ne la dérangeait pas. Toucher des corps. Être apaisante et réconfortante. C'était, réalisa-elle, un avantage inattendu qu'elle avait sur Malefoy. Il aimait les limites claires. Elle les flouterait et se glisserait entre deux.

Elle se pencha en avant, légèrement, pour que sa bouche soit proche de son oreille. Sa peau sentait légèrement le sel, avec des sous-tons subtils et piquants de mousse de chêne et de l'odeur verte du papyrus.

"Ça va faire un peu mal," dit-elle doucement.

Elle commença à pétrir le muscle afin de forcer la pâte soignante à pénétrer profondément dans les tissus et réparer les tendons étirés. Si elle ne la faisait pas complètement pénétrer, les dommages pourraient devenir permanents et Malefoy pourrait devenir sujet à de fréquentes dislocations d'épaule.

"Putain," grogna-il. "Tu es une garce."

Les mains d'Hermione se figèrent pendant un moment avant qu'elle ne reprenne son massage.

"On me l'a déjà dit," remarqua-elle calmement.

Cette réponse sembla faire baisser légèrement sa garde à Malefoy. Il se détendit et serra la mâchoire pendant qu'elle continuait. Au bout d'une minute elle avait fini mais elle continua à masser son épaule. Doucement. D'une façon qui n'était à strictement parler pas nécessaire médicalement.

Après une minute supplémentaire, elle arrêta ses mains et les posa légèrement sur ses épaules.

"Il faut que je finisse avec tes côtes maintenant. C'est plus facile si tu t'allonges sur le dos."

Il soupira et s'allongea sur le sol. Elle fourra la cape de Malefoy derrière sa tête, et se déplaça autour de lui pour aller s'asseoir à côté de lui.

Il la fixait avec une intense suspicion.

Elle s'occupa avec le kit de guérison et en sortit une grande fiole de sérum. Après un rapide sortilège pour nettoyer la pâte qu'il restait sur ses mains, elle versa le liquide visqueux dans sa paume. Elle l'étala sur son bras, son flanc et son torse avec de petits mouvements circulaires. Elle repéra les endroits où il disparaissait le plus vite et y ajouta une nouvelle couche de sérum.

De sa main libre, elle lança un nouveau charme de diagnostic. Il avait aussi une commotion rénale. Elle soupira légèrement.

"Tu as un rein blessé. Je n'ai pas la potion pour ça avec moi, donc tu vas devoir aller voir un guérisseur pour ça. Ce n'est pas grave, mais ça va faire mal pendant quelques jours si tu ne t'en occupes pas.

Les ecchymoses sur son torse disparaissaient lentement sous ses doigts. Pendant ce temps, les mouvements circulaires qu'elle dessinaient se ralentirent progressivement alors qu'elle le jaugeait.

Il était… plutôt attirant. Physiquement.

Il devait avoir une tendance naturelle à avoir peu de graisse corporelle parce que tous les muscles de son torse et de ses bras étaient parfaitement définis. Son corps entier était dur et anguleux, sans même une trace de rondeur. Il n'était pas un bodybuilder, mais il était…en forme.

La plupart des hommes avaient au moins une couche de graisse sous la peau avant d'arriver aux muscles. Malgré la force de tous les garçons Weasley, la définition de leurs muscles était généralement subtile sous leur peau. Harry avait une éternelle tendance naturelle à être maigre, peu importait sa condition physique.

Ce n'était pas surprenant, supposa-elle. Lucius Malefoy était bien bâti et loin d'être corpulent, alors que Narcissa avait été fine comme une lame.

Elle étudia pensivement Malefoy.

"Est-ce que tu mattes tous tes patients ou est-ce que je suis spécial ?" demanda brusquement Malefoy d'une voix traînante.

Elle sursauta et rougit.

"Je ne mattais pas," dit-elle sur la défensive. "Je me posais juste des questions sur ton taux de graisse corporelle."

"Evidemment," dit Malefoy en reniflant.

Elle retira ses mains.

"Fini," lui dit-elle à voix basse.

Il s'assit et fit tourner son épaule pendant qu'il étudiait son travail de réparation sur ses côtes. Puis il remit sa chemise et la reboutonna rapidement.

Hermione détourna les yeux et commença à ranger son kit de guérison.

"Alors… comment fait-on pour battre un loup-garou sans le tuer ?" s'enquit-elle.

"Un Bombarda Maxima avec le bout de la baguette contre son globe oculaire semble faire l'affaire," dit nonchalamment Malefoy alors qu'il ramassait sa cape et se levait. "Mais il faut les laisser s'approcher aussi près. Ce qui à l'évidence ne s'est pas déroulé entièrement comme prévu."

Elle le fixa.

"Tu as fait exploser son œil ?"

"Ça aurait tué un sorcier, mais les loup-garous ne savent jamais quand mourir."

"Il est très certain qu'il va essayer de te tuer," lui dit sérieusement Hermione.

"J'y compte bien," dit-il sauvagement.

Elle leva les yeux au ciel et se releva.

"Donc. Plus de loup-garous. D'autres informations ?"

Il fit apparaître un rouleau sans baguette.

"Quelques sorts non-létaux que ton Ordre pourrait daigner utiliser sans entacher leur précieuse conscience. Des détails sur une nouvelle prison dans le Cornwall. Aussi, le Seigneur des Ténèbres réfléchit à mettre un tabou sur son nom. Tu pourrais vouloir avertir tous tes combattants téméraires de ne pas l'utiliser à tort et à travers comme démonstration de leur courage de Gryffondor."

Hermione l'accepta, et il se retourna pour partir.

"Merci pour le travail de réparation, Granger,"

Il disparut.

Hermione regarda autour de la masure pendant un moment avant de glisser le rouleau dans sa sacoche.

Elle avait soigné Drago Malefoy.

Elle avait soigné beaucoup de gens, mais d'une certaine façon, le soigner lui était différent.

Pendant quelques minutes, il n'avait pas ressemblé à un Mangemort. Il avait simplement été une personne qui avait mal.

Une personne.

Elle n'était pas habituée à penser à lui de cette façon.

Il semblait plus sûr de le rendre impersonnel. Un concept dans son esprit.

Mangemort. Assassin. Espion. Cible. Outil.

C'était la façon dont elle préférait le catégoriser.

Pas comme une personne blessée. Pas quelqu'un qui grimaçait à cause de ses côtes brisées. Pas quelqu'un de si peu habitué au contact physique qu'il reculait par réflexe. Pas quelqu'un de… séduisant.

L'interaction avait paru réparer la gêne ; dresser un pont au-dessus de la distance qui s'était créée entre eux. Mais cela avait aussi effacé "l'altérité" qu'elle avait été capable de lui appliquer ; comme son ennemi, l'assassin d'Albus Dumbledore. La façon de le voir qui lui permettait de penser sans culpabilité à le mener jusqu'à sa mort.

Penser à lui en tant que personne le rendait moins monstrueux dans son esprit.

Elle ne pouvait pas se le permettre. Cela réveillait la Hermione de Poudlard, la fille de quatorze ans qui tricotait des bonnets et avait fondé la Société d'Aide à la Libération des Elfes. Cette adolescente vertueuse serait horrifiée de voir comment son alter ego du futur rationalisait la stratégie nécessaire à intellectuellement déshumaniser Drago Malefoy.

Les mains d'Hermione tremblaient légèrement alors qu'elle repoussait cette pensée dans les tréfonds de son esprit.

Et… Il était venu à elle dès qu'elle était arrivée. Malgré ses blessures. Il était venu.

Elle se demanda si ça signifiait quelque chose.

Hermione retourna au Square Grimmaurd et monta immédiatement dans sa chambre. Avant d'entrer, elle passa subrepticement une tête par la porte pour s'assurer que la pièce était libre.

Harry et Ginny n'étaient "pas ensemble". Ginny avait pris Hermione à part quelques semaines avant pour l'assurer de ce détail. Ça n'avait été qu'un moment d'égarement. Dans le feu de l'action.

Il y avait apparemment beaucoup de feu, étant donné qu'Hermione les avait presque surpris une douzaine de fois depuis.

Hermione, ainsi que tous les autres habitants de Grimmaurd, feignaient l'ignorance devant l'humeur de Harry qui s'était drastiquement améliorée. Il bondissait dans la maison comme un cerf joyeux.

Hermione sortit son carnet de notes de sous son lit et marmonna les contresorts des mesures de sécurité qu'elle y avait placé.

Elle feuilleta les pages avec attention. Regardant tout ce qu'elle avait écrit, remarquant la façon dont ses avis et ses théories avaient évolué et s'étaient éparpillées. Elle mordilla le bout de sa plume alors qu'elle soulignait un commentaire qu'elle avait écrit des semaines auparavant.

Solitaire. Isolé.

Elle était de plus en plus convaincue que c'était le pilier central de Malefoy. Mère morte. Père fou. Des amis ambitieux tous dévoués à leur propre préservation.

Quelque soit ce qui poussait Malefoy à se détacher de Voldemort et à remettre son sort entre les mains de l'Ordre, c'était probablement un secret connu de lui seul.

Il n'y avait pas de place pour l'honnêteté et l'amitié quand on servait sous la coupe d'un mégalomaniaque qui se trouvait être le légilimens le plus puissant du monde sorcier.

Hermione était presque certaine que personne dans le camp de Voldemort ne savait que Malefoy était un espion. Il ne le risquerait probablement pas.

Hermione pouvait être un réceptacle sécuritaire pour ses secrets. Si elle arrivait à ce qu'il lui fasse confiance. Si son occlumancie était assez bonne, il serait capable de se le rationaliser. Elle transformerait ses forces en faiblesses sur lesquelles elle pourrait capitaliser.

Elle passa la tête sous le lit à la recherche d'un livre de psychologie auquel elle voulait se référer. Alors qu'elle regardait la pile de livres, elle se figea…

Ils avaient été bougés.

La différence était légère, mais elle en était certaine. Quelqu'un avait fouillé sous son lit. Elle lança un sort de détection qui lui revint vierge.

Elle regarda de nouveau son carnet de notes. Elle jeta une série de charmes et de sortilèges d'analyse, cherchant une falsification. Il n'y en avait pas de signe.

Elle regarda de nouveau sous le lit, puis dans la chambre.

Kreattur.

Le maudit elfe ne faisait rarement plus que bouder et insulter les gens, mais occasionnellement il était pris d'une frénésie de ménage sans enthousiasme.

La chambre semblait avoir été nettoyée. Le lit généralement défait de Ginny avait été fait.

Hermione se détendit légèrement, mais elle lança différents sorts supplémentaires sur ses livres et une protection qui l'avertirait si quelqu'un venait de nouveau déranger ses livres. Elle ajouta aussi un sort d'auto-destruction minutieux sur le carnet s'il venait de nouveau à être trafiqué.

Alors qu'elle se levait pour partir, Ginny entra.

"Tu es rentrée tôt," dit Ginny.

Hermione baissa les yeux vers sa montre. C'était vrai. Ses rencontres avec Malefoy excédaient souvent les trente minutes allouées. C'était la première fois qu'elle rentrait avant 8h30. Normalement Hermione devait se dépêcher d'aller stocker les ingrédients de potions avant sa garde de 9h30 à la salle d'hôpital.

"J'ai eu de la chance aujourd'hui," dit Hermione.

"Ouais," dit Ginny, l'air un peu gêné. "Hum. Je voulais te… demander quelque chose."

Hermione attendit.

Ginny joua nerveusement avec ses cheveux. Elle les gardait coupés au carré juste sous le menton depuis que sa longue queue de cheval avait été saisie pendant une bataille et qu'elle avait été presque tuée par une harpie.

"Je… hé bien… tu, à l'évidence tu sais pour Harry et moi," dit Ginny.

Hermione fit un bref hochement de tête.

"Bien. Hé bien, le truc c'est que, je veux faire attention. J'ai utilisé l'enchantement. Mais… il y a quelque chose chez les Prewett, elles ne sont pas comme les autres familles de sorciers. Elles tombent quand même enceinte. Ron et moi sommes tous les deux des accidents après que les jumeaux soient nés. Donc… je me demandais si tu pouvais me faire une potion contraceptive. Si tu as le temps. J'ai toujours été nulle en potions. Si tu ne peux pas… ce n'est pas grave. Je peux demander à Padma. Je sais que tu es très occupée. Juste… je ne voulais pas que tu penses que je ne voulais pas te demander."

"Bien sûr. Je dois faire des potions ce soir de toute façon. Ce sera facile de l'inclure. Est-ce que tu as une préférence pour le goût ? Les plus efficaces n'ont pas très bon goût."

"Je me fiche du goût si ça fonctionne," dit Ginny avec audace.

"Hé bien, j'ai déjà quelques fioles d'avance. Je peux te les donner maintenant, si tu veux."

"C'est vrai ?" Ginny cligna des yeux et fixa Hermione avec suspicion. "Es-tu… ?"

Hermione put voir Ginny dresser une liste des hommes possiblement dans la vie d'Hermione.

"Tu n'es pas… avec Rogue, non ?" dit Ginny, soudainement choquée.

Hermione resta bouche bée.

"Mon dieu… non !" dit-elle, bafouillant et remuant les mains comme si elle essayait de se protéger de quelque chose. "Je suis Guérisseuse ! Je garde beaucoup de choses sous la main. Bon sang ! Que… Pourquoi pourrais-tu seulement…"

Ginny avait l'air légèrement confuse.

"C'est juste la seule personne à qui tu sembles parler depuis longtemps. Fred mis à part, qui est avec Angelina. Tous les autres, tu finis par te disputer avec eux. Et pas dans le genre sexy avec réconciliation sur l'oreiller après."

"Ça ne veut pas dire que je couche avec lui," marmonna Hermione, l'impression que son visage était sur le point de prendre feu. "C'est un collègue. Je le consulte à propos des potions."

"Tu as juste l'air seule," dit Ginny, jetant un long regard à Hermione.

Hermione sursauta légèrement et fixa Ginny.

"Tu ne parles à personne ces jours-ci," dit Ginny. "Tu avais l'habitude de toujours être avec Ron et Harry. Mais même avant que tu ne partes pour devenir guérisseuse, tu semblais de plus en plus seule. Je pensais que… peut-être tu avais quelqu'un. Je te l'accorde, Rogue serait un choix étrange pour tout un tas de raisons… Mais c'est une guerre. C'est trop à gérer seul pour n'importe qui."

"La baise cathartique c'est le truc de Ron. Pas le mien," dit Hermione avec raideur. "En plus, ce n'est pas comme si j'allais au combat."

Ginny la regarda pensivement pendant un moment avant de dire, "Je pense que la salle d'hôpital est pire que le champ de bataille."

Hermione détourna les yeux. Elle s'était parfois demandé si ça pouvait l'être, mais ça n'avait jamais été une question qu'elle pouvait poser à quelqu'un.

Ginny poursuivit, "Je pense à toutes les fois où j'y suis. Sur le terrain… tout est si organisé. Même quand quelqu'un est blessé. Tu les fais juste transplaner et tu reviens. Tu en gagnes certaines. Tu en perds d'autres. Tu te fais toucher parfois. Tu frappes en retour. Et tu as des jours pour te remettre si c'est grave, ou si ton partenaire de duel meurt. Mais à l'hôpital, toutes les batailles semblent perdues. Je suis toujours plus traumatisée après y être allée que quand je me bats."

Hermione resta silencieuse.

"Et tu n'as jamais de jours de repos," dit Ginny. "Tu es de service à chaque escarmouche. Ils ne peuvent jamais t'épargner, même pour te laisser faire ton deuil. Je sais de Harry et Ron que tu pousses encore pour qu'on utilise la magie noire quand tu vas aux réunions de l'Ordre. Je ne suis pas d'accord… mais je comprends. Je me rends compte que tu vois la guerre d'un angle différent du reste d'entre nous. Probablement le pire. Donc… je voulais juste dire, si tu avais quelqu'un, je serais vraiment contente pour toi. Même si c'était Rogue."

Hermione roula des yeux.

"Tu devrais probablement t'arrêter de parler maintenant si tu veux toujours cette potion contraceptive," dit Hermione avec un regard entendu.

Ginny ferma la bouche. Hermione attrapa sa sacoche sur le lit.

"Viens. Elles sont dans ma réserve de potions," dit Hermione, traversant la chambre.

Les fioles étaient stockées en haut d'une étagère dans une petite boîte. Hermione en sortit une douzaine et les mit dans une petite pochette pour Ginny.

"Une par jour. C'est mieux si tu la prends à la même heure tous les jours. Je ferai un autre lot cette semaine et je t'en donnerais pour un mois."

"Merci Hermione."

Ginny s'esquiva et Hermione replaça la boîte sur le haut de l'étagère.

Elle avait menti. Les potions contraceptives ne faisaient pas partie de celles qu'elle gardait habituellement sous la main. Ça avait été le stock personnel d'Hermione, qu'elle avait préparé par précaution le lendemain du jour où Maugrey l'avait approchée pour lui parler de Malefoy.

La semaine suivante, Malefoy était dans la masure quand Hermione arriva. Quand elle ouvrit la porte, il la fixa avec une expression d'irritation modérée.

Elle le regarda avec confusion.

"Suis-je en retard ?" demanda-elle en regardant sa montre.

"Non," dit-il rapidement.

Elle ferma la porte maladroitement et attendit.

"Je pense qu'on en a fini avec l'occlumancie," dit-il après une minute.

"D'accord."

Elle commença à ouvrir la bouche pour lui demander s'il avait l'intention de la former au duel mais elle la referma et attendit. Quelque chose dans l'humeur de Malefoy la déstabilisait légèrement.

"Nous commencerons avec des duels basiques pour voir à quel point tu es mauvaise," annonça-il.

Hermione leva les yeux au ciel.

"Bien," dit-elle. "Quelles sont les règles ?"

"Aucune pour toi. Fais ce que tu veux," dit-il. "Je vais m'en tenir aux maléfices cuisants. Je veux voir combien de temps tu vas tenir."

Hermione rougit.

"Je te le dis maintenant, je vais être affreusement nulle," dit-elle.

"Oui. Je m'y attends."

Elle le regarda, posa sa sacoche sur le sol près de la porte et plaça un sort de protection dessus. Puis elle se tourna pour lui faire face.

Il s'était déplacé dans la pièce et s'était paresseusement adossé contre le mur.

"Très bien."

Il mit la main dans ses robes et en sortit sa baguette. Elle pencha la tête sur le côté.

"Ce n'est pas la baguette que tu avais à l'école, non ?" demanda-elle.

Il baissa les yeux et la fit tourner entre ses doigts.

"Non," admit-il. "Mon crin de licorne ne s'en sortait pas très bien avec la magie noire alors j'ai dû la remplacer. Toujours de l'aubépine, mais moins souple, avec un nerf de cœur de dragon. Elle est aussi quelques centimètres plus longue."

Il haussa ses sourcils de façon suggestive en prononçant les derniers mots.

Hermione enregistra l'information pour de futures analyses. Elle pensait qu'il y avait un livre sur la théorie des baguettes au Square Grimmaurd dans la bibliothèque des Black.

Elle se mit en position de duel.

Malefoy se raidit et prit la même position avec quelques fioritures.

Hermione avait essayé de s'entraîner au duel dès qu'elle avait eu le temps de se glisser dans la salle d'entraînement. Elle lui envoya un stupéfix informulé et il le para facilement avec un bouclier tout en lançant une série de maléfices cuisants.

Hermione lança son propre bouclier rapidement et le garda en place avec un fianto duri.

Malefoy jetait un flot sans fin de maléfices et déjouait négligemment tout sort qu'elle envoyait vers lui sans même bouger.

Malgré le faible impact des sorts qu'il utilisait, la rapidité avec laquelle il les lançait était en train de venir à bout du bouclier d'Hermione.

Avant qu'elle ne puisse relancer un bouclier, il envoya un maléfice à ses pieds. Elle glapit légèrement quand elle fut touchée à la cheville.

La situation empira rapidement à partir de ce moment-là. Elle sauta sur le côté sans réfléchir et lui laissa une ouverture. Il la frappa immédiatement de cinq maléfices supplémentaires.

"Très bien !" cria-elle. "Tu as gagné. Arrête !"

"Ce n'est pas comme ça que ça marche, Granger," railla-il en continuant de lui envoyer des maléfices informulés. "Sur le champ de bataille, tu gagnes ou tu meurs. Ou tu t'enfuis."

Hermione esquiva physiquement ses maléfices et réussit finalement à relancer son bouclier. Elle se tenait précautionneusement sur un pied. Son flanc, où il l'avait touchée à répétition, était gonflé et enflammé.

Elle lui jeta rageusement un sort de magie noire. Rien de mortel, mais plus sérieux qu'un stupéfix.

Malefoy le dévia et haussa un sourcil.

"Le chaton a des griffes," dit-il d'un air faussement émerveillé.

"Oh, la ferme," grogna-elle alors qu'elle lançait une série de sorts informulés dans sa direction.

"Oh la la Granger, ta précision est atroce," lui dit-il en continuant à la mitrailler de maléfices cuisants. "Je ne bouge même pas et tu me rates."

"J'en suis consciente."

"Pas étonnant qu'ils t'aient retirés des combats."

"Ta gueule !"

"J'ai touché un point sensible, non ?" dit-il sèchement. Ses yeux gris scintillaient, et elle réalisa qu'il la punissait pour quelque chose. Ce pourquoi il avait été irrité quand il était arrivé, il le lui faisait payer.

Branleur passif-agressif.

Il n'essayait même pas. Il savait déjà qu'elle était nulle. Il ne faisait ça que pour son propre amusement.

Elle esquiva ses maléfices et relança son bouclier. Elle était déjà fatiguée d'esquiver et de lancer des sorts en même temps.

Elle tint sa baguette plus fermement et continua jusqu'à ce qu'il touche sa main de baguette avec tant de maléfices qu'elle ne put plus la tenir.

Sa baguette tomba sur le sol. Plutôt que d'essayer d'esquiver, elle se tint juste debout alors qu'il la frappait au torse et aux jambes avec des douzaines de maléfices supplémentaires.

Quand il arrêta finalement, elle le fixa.

"Tu te sens mieux maintenant ?" s'enquit-elle.

Il eut un rictus et rangea sa baguette.

"Ça faisait des années que j'avais envie de te jeter un maléfice," dit-il avec une lueur satisfaite dans le regard.

"Je t'avais déjà dit que tu pouvais," dit-elle d'une voix dure alors qu'elle commençait à cataloguer mentalement tous les endroits de son corps où elle avait été touchée. "Mais je suppose que tu aimes faire semblant de donner une chance équitable."

"Ce n'est pas ma faute si tu es si nulle en défense."

"Non. C'est la mienne," dit-elle à voix basse, levant la main et grimaçant légèrement en essayant de bouger les doigts.

Le maléfice cuisant ne causait pas de dommages permanents, mais il ne pouvait pas être magiquement annulé. Avec la quantité et la concentration que Malefoy avait utilisé, il lui faudrait plus d'une journée pour que la douleur et les marques disparaissent. Elle était certaine qu'il avait choisi spécifiquement ce maléfice pour ça.

"Pour ta gouverne," dit-elle, essayant d'empêcher sa voix de trembler. "Ceci se qualifie comme interférant avec mon travail. Alors, la prochaine fois, utilise un maléfice réversible, ou concentre-toi sur un seul endroit."

Malefoy ne dit rien.

"Alors…" demanda-elle après une minute. "Est-ce que je vais savoir pourquoi ?"

"Quand il s'agit de te jeter des maléfices, Granger, ta simple existence est une raison suffisante."

Elle pinça les lèvres et déglutit avec difficulté. Une sensation piquante s'étala dans son nez et ses joues et elle la chassa en clignant des yeux.

"Avais-tu des renseignements cette semaine ?"

"Non."

"Très bien. Hé bien, je vais m'en aller alors," dit-elle, s'agenouillant avec raideur et ramassant sa baguette de la main gauche. Puis elle alla jusqu'à sa sacoche qu'elle mit sur son épaule, se raidissant légèrement quand la sangle atterrit sur plusieurs des marques.

Malefoy ne dit pas un mot alors qu'elle sortait de la pièce.

Elle resta à l'extérieur de la masure, se sentant perdue. Pas par la cruauté de Malefoy, mais sur ce qu'elle était censée faire. Elle ne pouvait pas rentrer au Square Grimmaurd, quelqu'un se rendrait compte qu'elle avait été la cible de maléfices. Elle n'avait pas d'explications à offrir.

Elle marcha avec précaution jusqu'à la souche et s'assit dessus.

Avec un soupir, elle retira la sacoche de son épaule et commença à en sortir des sachets et des bouteilles. Elle allait devoir jeter tous les ingrédients pour les potions qu'elle avait récoltés. Ils demandaient un stockage soigneux afin de conserver leur effet magique. Elle ne serait pas capable de lancer les sortilèges nécessaires avec sa main de baguette dans son état actuel.

Elle laissa tomber avec tristesse les tentacules de murlap sur le sol. Elle devrait en débusquer et en tuer un autre. Et les ailes de fées. Puis elle jeta tout le reste jusqu'à ce qu'il ne lui reste qu'un bouquet d'orties.

Avec une grimace, elle les saisit et les pressa contre ses deux chevilles, ses deux mains et ses poignets. Puis elle effleura également légèrement son visage avec le bouquet. Elle fit tomber les orties sur le sol et regarda la multitude de minuscules zébrures apparaitre sur sa peau et masquer les maléfices que ses vêtements ne camouflaient pas.

Avec un soupir, elle se leva, et, tenant légèrement sa baguette, transplana au Square Grimmaurd.

"Hermione ? Qu'est-ce qui t'es arrivée ?" s'enquit Angelina avec des yeux écarquillés alors qu'elle entrait par la porte.

"J'ai trébuché et je suis tombée dans un parterre d'orties," mentit Hermione.

"Oh, bon sang." Angelina fixa le visage d'Hermione jusqu'à ce qu'elle commence à rougir légèrement. "On peut faire quelque chose pour soigner ça ?"

"Malheureusement, non. Il n'y a pas de sort pour les piqûres d'ortie. Elles devraient disparaître en un jour. Mais je n'ai pas pu faire de récolte. Donc je vais devoir y retourner demain."

"Dommage. Ton pauvre visage."

Hermione haussa légèrement les épaules. "Mes mains sont plus atteintes. Je vais devoir le dire à Pomfresh. Je ne pense pas que je vais être très efficace dans la salle d'hôpital aujourd'hui."

À cause des maléfices de Malefoy, Hermione se retrouva de façon inattendue avec un jour de congé. Non qu'elle soit capable d'en profiter sans avoir l'usage de ses deux mains. Elle pouvait à peine plier assez les doigts pour attraper la page d'un livre et la tourner.

Elle ne se rappelait pas de la dernière fois où elle avait eu du temps libre. À chaque fois qu'elle avait du temps hors de la salle d'hôpital, elle l'utilisait pour fabriquer des potions plus complexes ou refaire ses stocks de la réserve de potions.

Elle s'assit et regarda par la fenêtre du grenier, observant les Moldus qui passaient.

Elle se demanda ce qui avait provoqué Malefoy.

Elle se demanda si avoir été la cible de ses maléfices n'était pas finalement une bonne chose. Que cela signifiait qu'elle avançait vers lui, et que donc il s'en prenait à elle pour se défendre. Le soigner la semaine précédente avait marqué un tournant dans leurs interactions ; il avait probablement vu ses maléfices comme un moyen de la remettre à sa place.

Il était si vindicatif.

La formation à l'occlumancie avait fait bien plus mal, mais cela avait été constructif. Il y avait eu un but à la douleur. Il y avait eu des potions pour soigner les migraines.

Lui jeter des maléfices avait juste été de la méchanceté.

C'était une façon absurde d'évaluer ses capacités au combat, parce qu'une fois qu'il l'avait touchée avec les maléfices, elle n'était pas capable de recommencer jusqu'à la semaine suivante. S'il avait voulu tester sa précision ou son endurance, il aurait pu l'immobiliser ou la pétrifier ou la stupéfixer à répétition.

Il n'avait pas utilisé de maléfice sérieux ou permanent, probablement parce que c'était contre le code moral à propos duquel il était si orgueilleux. Sa "ligne éthique". Il n'aimait pas penser à lui comme étant sadique ou vindicatif. Il s'était probablement dit qu'il lui laissait une chance de se défendre. Qu'elle le méritait à chaque fois qu'elle était touchée parce qu'elle aurait dû esquiver les sorts.

Il ne voulait pas penser de lui qu'il était cruel.

Il pensait probablement valoir mieux que ça.

Hermione baissa les yeux vers ses mains.

Sur la grande échelle de la cruauté et de la douleur, les maléfices cuisants existaient à peine. Pourtant, émotionnellement, elle sentait que l'expérience était plus dévastatrice que ce qu'elle était prête à admettre.

Elle pressa ses yeux dans le creux de son bras en essayant de ne pas pleurer.

Les larmes coulèrent quand-même.