Chapitre 34 - Flashback 9

Juin 2002

Le soir suivant, Hermione se glissa hors du Square Grimmaurd après le dîner, prétextant avoir besoin de plus de lait du magasin du bout de la rue.

Quand elle arriva dans la masure, elle attendit, gênée, se demandant si Drago apparaîtrait. Elle le soupçonnait de ne pas s'attendre à ce qu'elle puisse venir.

Il arriva soudainement avec un craquement sec, grimaçant.

Elle sursauta. Par le passé, il avait toujours été complètement vêtu ; chemise, robes, et une cape pour faire bonne mesure. Quand elle l'avait déshabillé jusqu'à la taille par deux fois, les deux occasions avaient été principalement professionnelles et il s'était immédiatement rhabillé ensuite.

Il ne portait qu'un pantalon et une chemise boutonnée. Tout en noir. L'absence de couches de vêtements mettait en valeur sa haute taille et sa souplesse. Il ressemblait à une panthère ; noir, froid, et prédateur.

D'un point de vue pratique, c'était logique et efficace. Moins de couches à enlever. Moins de poids sur son dos blessé. Pourtant ça semblait bizarrement intime.

Il fit venir une chaise sans baguette et l'enfourcha à l'envers pendant qu'il déboutonnait sa chemise.

Il siffla et eut une exclamation silencieuse alors qu'il faisait rouler ses épaules pour l'en faire tomber.

"Est-ce que ça fait moins mal ?" dit-elle, hésitant légèrement avant de poser une main sur son bras. Sa peau était anormalement froide. Le toucher fit courir un frisson de peur le long de la colonne vertébrale d'Hermione alors que Drago tressaillait légèrement, ses muscles se contractant sous ses doigts.

"Légèrement," dit-il après un battement.

D'un mouvement de baguette, elle fit soigneusement sortir et disparaître le Murlap et le Dictame, puis lança un sort de nettoyage très léger sur les coupures.

Drago se crispa et laissa tomber sa tête contre le dos de la chaise.

"Putain, Granger !" grogna-il, ses phalanges blanchissant alors qu'il agrippait la chaise.

"C'est fini maintenant," dit-elle après un autre moment. "Je suis désolée. C'était nécessaire. La population est immunisée contre la plupart des infections mais on ne sait pas à quoi d'autre ce couteau a été utilisé. Ou quelles sont exactement les propriétés du venin de Nagini ; ça pourrait neutraliser ton immunité naturelle."

"Préviens moi la prochaine fois, s'il te plaît," dit-il, la voix tremblant légèrement.

"Désolée. La plupart des gens préfèrent ne pas savoir. S'y préparer peut empirer les choses."

"Je préfèrerais savoir."

Elle regarda les runes. Une sensation glacée l'enveloppa. Les vrilles de magie noire recommençaient déjà à sortir des runes. Elle était intervenue trop tard. Les runes continueraient de l'empoisonner.

Elle posa une main hésitante sur le bras de Drago. "Ça… va de nouveau faire mal. Est-ce que… tu veux que je te stupéfixie ?"

Il lui jeta un regard et étudia son visage. Quelque chose dans ses yeux brilla pendant un moment, puis son expression se durcit.

"Est-ce vraiment utile ?" dit-il.

Hermione tressaillit et baissa les yeux. "Laisse-moi essayer," dit-elle à voix basse.

Drago la fixa pendant une autre minute avant de renifler légèrement et de secouer la tête avec incrédulité en détournant les yeux.

"D'accord. Un essai de plus." dit-il d'une voix résignée avant de reposer sa tête sur le dos de la chaise.

Hermione le stupéxifa de nouveau.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour retirer les traces de magie noire. Puis elle lança plusieurs charmes de diagnostic, essayant de percer les couches du rituel et de trouver quelque chose qu'elle pourrait déconstruire et annuler.

Le rituel était imprégné.

Elle arrivait trop tard.

Elle passa ses doigts sur son dos et se demanda quoi faire.

Il devait le savoir. Elle était presque certaine qu'il savait que les runes allaient finir par le tuer.

Une sentence de mort progressive pour son aide envers l'Ordre. Ce qu'il voulait en échange de son aide ne devait pas être une ambition à long terme. Avec le prix qu'il avait payé, elle doutait qu'il planifiait d'usurper Voldemort. S'il le faisait, ce serait un règne bref.

L'Ordre avait besoin de lui. La première guerre sorcière avait duré onze ans. Quand elle avait dit à Maugrey ce qui avait été fait à Drago et dit qu'elle avait proposé de le soigner il lui avait dit de faire ce qu'elle pouvait.

Si Hermione ne pouvait pas trouver une façon de stopper l'érosion, ils seraient extrêmement chanceux si Drago vivait si longtemps. Si c'était le cas, il serait difficilement fiable à ce stade.

Hermione leva la main et fit courir le bout d'un doigt le long de la chaîne autour de son cou pendant plusieurs minutes avant de sortir l'amulette de sous sa chemise.

Elle regarda le disque-soleil. Puis elle ouvrit la chaîne et en fit glisser l'amulette. Elle pressa le bout de sa baguette contre et annula la série de sorts et charmes de protection qu'elle portait avant de la poser sur le sol. Elle donna un bref coup de pied sur l'amulette et la sentit se briser sous son talon. Quand elle enleva son pied, une petite pierre blanche reposait parmi les morceaux de verre rouge et le métal tordu.

Elle ne la toucha pas. D'un mouvement de baguette, elle fit léviter la pierre pour qu'elle flotte dans les airs. Elle pouvait sentir la magie qui en émanait. Cela faisait vibrer l'air. Elle tendit les bras et tira Drago contre elle, dans ses bras, essayant de ne pas appuyer sur ses runes.

Puis elle fit flotter la pierre au dessus de lui et la fit descendre sur le côté gauche de son torse, contre sa peau nue.

Elle commença à briller, de plus en plus fort, jusqu'à ce que Hermione doive plisser les yeux. Puis elle regarda la lumière lentement sombrer dans la peau de Drago et s'estomper.

Hermione continua de regarder, se demandant si quelque chose d'autre allait arriver ; s'il y aurait un effet visible immédiatement. Il n'y avait pas beaucoup d'informations sur la façon dont le processus fonctionnait.

Elle lança un diagnostic et l'inspecta. Drago manquait de sommeil et présentait un gros taux d'anti-douleur de qualité ; il avait des muscles endommagés par le Doloris, et les runes étaient toujours une inintelligible concentration d'un mélange de blessure, de poison et de magie du rituel. Le charme de diagnostic n'indiquait rien d'autre. Ce qui était normal, pensa-elle, ce n'était pas comme ça que c'était censé marcher.

Après une minute, quand rien d'autre ne se passa, elle redéposa soigneusement Drago sur la chaise.

Elle appliqua de nouveau le baume qu'elle avait fait, le pressant aussi légèrement qu'elle le pouvait avant de remettre le sort de contenance et les sorts de protection.

Puis elle glissa les restes de l'amulette dans sa poche et réveilla Drago.

Il leva vivement la tête et se leva. Hermione replaça gentiment sa chemise sur ses épaules. Il baissa les yeux vers elle alors qu'elle reboutonnait sa chemise puis lissait le tissu avant de lever les yeux vers lui. Il avait une expression tirée sur son visage alors qu'il la regardait.

Elle leva impulsivement la main et lui toucha la joue. Elle sentit sa mâchoire se contracter légèrement sous sa main alors qu'elle étudiait son expression. Elle trouvait que sa peau était légèrement moins froide.

Les yeux de Drago brillèrent et le coin de sa bouche se tordit, mais il ne retira pas la main d'Hermione.

"Je dois y aller," dit-elle, "je te vois demain soir."

Drago ne dit rien alors qu'elle quittait la masure et transplanait.

Le soir suivant, il n'y avait pas de magie noire ou de poison qui sortait des runes. Hermione ne dit rien alors qu'elle retirait le baume en silence, nettoyait les incisions, remplaçait le baume puis remettait les sorts.

Drago était plus silencieux chaque soir. Il se tendait et avait une exclamation de douleur quand Hermione nettoyait les plaies, mais il ne disait rarement quelque chose, à moins qu'Hermione ne lui pose une question.

"Est-ce que ça va paraître suspect… que quelqu'un te soigne ?" demanda-elle abruptement après plusieurs jours.

Drago se figea pendant un instant puis rit légèrement. "Est-ce que ça te traverse l'esprit seulement maintenant ?"

Hermione rougit. "Ce n'est d'habitude pas un sujet d'inquiétude."

Il secoua la tête. "On ne m'a pas ordonné de ne pas les faire soigner. Si tu y arrives, ce ne sera pas vraiment la première fois que j'ai réussi quelque chose contre toute probabilité." Ses lèvres se retroussèrent légèrement. "Alors par tous les moyens, continue à les tapoter avec ta baguette."

Hermione continua sans un autre mot.

Elle découvrit, et en fut un peu offensée, que personne ne faisait attention à ses allées venues. Elle n'avait même pas besoin de trouver des excuses pour quitter le Square Grimmaurd chaque soir.

Harry, Ron et Ginny étaient partis enquêter sur une piste pour les Horcruxes. Hermione s'était rendue compte que plusieurs artefacts des fondateurs de Poudlard avaient disparu au cours de la vie de Voldemort alors l'Ordre avait donné à Harry la mission d'essayer de les retrouver. Hermione suspectait Kingsley et Maugrey de n'avoir que très peu d'espoir qu'Harry trouve quelque chose ; elle pensait que c'était probablement une façon d'empêcher Harry d'insister pour participer à toutes les escarmouches.

Avec les renseignements que Drago fournissait, Maugrey et Kingsley avaient commencé à approuver des attaques plus risquées et ambitieuses. Les décisions étaient en partie à cause des opportunités que Drago offrait à l'Ordre, mais surtout parce que la situation était assez terrible pour que l'Ordre doive soit prendre des risques contre toute attente ou admettre qu'ils ne gagneraient pas la guerre.

Malgré le succès des attaques de l'Ordre, cela leur avait aussi coûté cher.

Ils avaient des centaines de nouveaux combattants à nourrir et loger, et dans le même temps leurs ressources en Europe se tarissaient alors que l'emprise de Voldemort se renforçait. La Résistance française avait tout bonnement disparu. Ils avaient reçu la nouvelle que Hagrid et Olympe Maxime avaient été capturés et exécutés peu après l'attaque des prisons. Toute l'Europe de l'Est était sous ferme contrôle des Mangemorts, alors que les pays d'Europe du Nord étaient si occupés à garder à distance les forces d'invasion de Voldemort qu'il n'avaient que peu d'aide à offrir.

L'Ordre arrivait à court d'argent. À court de ressources. Essayant de nourrir une armée avec les coffres personnels et des dons secrets. Il était difficile pour les combattants de la Résistance de garder un travail dans le monde moldu.

Hermione avait presque vidé son propre compte bancaire pour payer des ingrédients pour les potions alors que l'Ordre était forcé d'amputer à répétition son budget alors que le besoin en potion de guérison ne faisait que nettement augmenter.

Ils ne mouraient pas encore de faim. Mais Hermione commençait à se poser des questions sur la façon dont Kingsley pouvait accomplir une telle chose.

Parfois, elle doutait que vaincre Voldemort soit suffisant. S'il mourait, avec le contrôle que les Mangemorts avaient actuellement, il y avait de bonnes chances pour que quelqu'un prenne simplement sa place.

Son esprit pensait toujours immédiatement à Malefoy quand cette pensée lui venait.

Elle n'avait pas encore vraiment vu une démonstration de ses capacités, mais en se basant sur tout ce que l'Ordre savait de lui, il était considéré comme l'un des candidats probables pour reprendre le pouvoir dans le cas d'une défaite de Voldemort.

Maugrey et Kingsley étaient presque certains que c'était sa réelle motivation pour espionner pour l'Ordre.

Selon Severus, la Marque des Ténèbres ajoutait des éléments à cette théorie. Elle permettait à Voldemort d'invoquer ses serviteurs, où qu'ils soient. Cela lui permettait aussi de localiser ses serviteurs ; ils ne pouvaient pas fuir. Et finalement, la Marque des Ténèbres empêchait leur porteur d'attaquer leur maître. Même si Malefoy pensait avoir les compétences pour tuer Voldemort, il ne pouvait pas utiliser sa magie contre lui, pas mortellement. Drago aurait besoin que quelqu'un d'autre lance le sort mortel.

Hermione avait parfois pensé que devenir le nouveau Seigneur des Ténèbres était en effet le but de Drago, mais… après les runes, elle remettait cette conclusion en question. Il y avait en lui quelque chose de plus furieux et amer que l'ambition. La létalité et la rage froide ressemblaient plus à du désespoir qu'à de la fierté.

Quand elle avait dit à Maugrey que Drago n'avait pas exigé de Serment Inviolable d'elle, la lueur dans les yeux de Maugrey avait commencé à lui faire croire qu'il avait l'intention de l'utiliser pour tuer Drago à un certain stade.

Elle essayait de ne pas y penser.

Elle ne pouvait pas penser au fait de le tuer.

Elle ne pouvait pas supporter de se tenir derrière lui, soir après soir, à essayer de soigner les runes gravées en lui et penser à l'assassiner quand il cesserait d'être utile. Une telle froideur allait au-delà de ses compétences en stratégie.

Ses doigts tremblaient légèrement alors qu'elle relançait les charmes de protection sur les coupures. Elle avait essayé d'utiliser des bandages mais le venin y réagissait.

"Très bien. C'est fini," dit-elle doucement alors qu'elle remontait sa chemise sur ses épaules.

Quand elle sortit, elle ne transplana pas immédiatement au Square Grimmaurd. À la place, elle marcha le long du chemin et dans Whitecroft.

La blessure de Drago rongeait son détachement. Cela lui faisait oublier sa mission.

Mangemort. Assassin. Espion. Cible. Outil.

Elle se répéta la liste encore et encore. Mais sa conviction et sa résolution semblaient creuses.

Elle trouva un ruisseau et regarda l'eau qui coulait briller dans la lumière de la lune alors qu'elle essayait de se détacher. Elle fourra ses mains dans ses poches puis jura et ressortit la main droite. Elle vit que son index saignait légèrement. Un morceau de son amulette avait percé sa peau. Elle l'avait oubliée.

Elle sortit le reste des morceaux de sa poche et les jeta dans le ruisseau avant de guérir l'égratignure.

Il avait tué Dumbledore, se rappela-elle. Il essayait probablement de devenir le prochain Seigneur des Ténèbres.

Mangemort. Assassin. Espion. Cible. Outil.

Mais ensuite elle pensa à son accusation : qu'elle savait ce qui lui arriverait. Qu'elle ne faisait que faire semblant de se soucier du fait qu'il était blessé. Qu'elle espérait probablement qu'il meure une fois qu'il ne serait plus utile. L'amertume et la résignation de son ton la hantait.

Peut-être qu'il s'attendait à ce qu'elle le trahisse un jour.

Cette pensée déchira quelque chose en Hermione, comme si cela mutilait ses organes internes.

Pourquoi ne lui avait-il pas fait faire de Serment ?

Que voulait-il ? Le mystère qui l'entourait tirait l'esprit d'Hermione vers lui. La faisait développer une obsession pour chaque détail. Essayant de comprendre ce qui reliait les incohérences de son comportement.

L'attirance et le rejet qu'il avait à propos de leur relation était comme une marée. Son arrogance et sa solitude. Il ne l'aimait pas, malgré cette "fascination" qui l'avait poussé à la demander. Il semblait souvent souhaiter ne rien avoir à faire avec elle.

Mais il était si isolé. Il ne pouvait pas s'amener à la repousser complètement quand elle lui donnait l'opportunité de céder.

C'était comme Severus l'avait dit. Elle avait été un mauvais calcul de sa part. Même s'il paraissait la suspecter de le manipuler, son attirance était inévitable et apparemment irrésistible.

Drago n'était pas le seul à tomber dans un piège évident.

Elle savait qu'il l'utilisait. Utilisait l'Ordre. Elle savait qu'il était manipulateur, cruel, dangereux et responsable de la mort d'innombrables personnes. Mais alors qu'elle essayait de le démêler, il devenait de plus en plus tragique et terriblement humain.

Elle pressa ses mains sur ses yeux et prit une grande inspiration alors qu'elle essayait de chasser sa sympathie.

Elle sentait que si elle pouvait juste savoir ce qu'était sa vraie motivation, elle serait capable de couper sa sympathie ; en arracher les racines là où elles avaient commencé à pousser à l'intérieur d'elle.

Elle ne se sentait pas coupable de le manipuler, mais elle ne savait pas si elle pourrait se résoudre à le tuer à la fin.

Parfois, elle se demandait amèrement si Maugrey et Kingsley la voyaient comme n'ayant aucune limite. La faire devenir une prostituée, puis la faire devenir une meurtrière. Est-ce qu'ils supposaient qu'elle en avait envie ?

Elle avait parfois l'impression qu'ils l'avaient envoyée en enfer et qu'ils la regardaient en passer les portes. Elle se demanda à quel point ils étaient heureux d'avoir un outil qui pouvait souffrir de n'importe quelle façon s'ils en avaient besoin.

Maugrey était son gestionnaire. Il la contrôlait. Quelle qu'avait été la trace d'hésitation qu'il avait eu quand il lui avait demandé de se donner à Malefoy, il était passé au-delà. Elle était utile. Un pion excellent pour l'Ordre. La clé de la pièce qu'ils voulaient vraiment.

Malefoy.

Comparée à la valeur de Drago, Hermione était une perte acceptable.

Si Harry et Voldemort étaient les rois de chaque côté du plateau, alors Malefoy était la reine de Voldemort. Le remporter valait bien de sacrifier presque toutes les autres pièces sur le plateau. Il n'avait pas de restrictions et était mortel. Crucial.

Cela faisait sens. Stratégiquement, elle voyait la logique. Elle comprenait la nécessité.

Mais personnellement, cela la blessait si profondément qu'elle pouvait à peine respirer.

Elle se détestait.

Elle détestait Maugrey. Elle détestait Kingsley.

Ils prenaient, et ils prenaient, et il ne lui resterait rien d'autre que des cendres quand la guerre se terminerait.

Mais ils ne prenaient pas vraiment. Elle offrait. Ce n'était pas comme s'ils lui demandaient quoi que ce soit qu'elle n'avait pas la volonté de faire.

Pour Harry et Ron, se rappela-elle. Ça en vaudrait le coup.

Mais quelque chose en elle lui donnait l'impression que la guerre la corrompait. Elle se tordait. Prenait la forme d'une créature qui ressemblait à tout ce qu'elle détestait.

Les ténèbres entraient dans son esprit, c'était ce qu'Harry disait toujours.

Peu importait à quel point elle pensait que Drago était impardonnable d'avoir tué Dumbledore. Si elle tuait Drago à un moment dans le futur, elle imaginait qu'elle appartiendrait à un niveau de l'enfer bien plus bas que le sien.

Mais elle le ferait quand même.

Minerva avait raison. Hermione était tout à fait volontaire pour se damner si cela signifiait gagner la guerre.

Elle glissa sur le bord du ruisseau, ramassa plusieurs pierres et commença à les empiler.

Sa mère avait beaucoup voyagé pendant son mariage, et elle avait dit à Hermione comment les gens en Corée empilaient les cailloux, chacun d'entre eux représentant un vœu ou une prière.

Les mères construisaient de grandes tours de prières pour leurs enfants.

Hermione avait construit des empilements dans son jardin quand elle était enfant, faisant beaucoup de prières pour avoir des amis. Des prières sincères qui étaient demeurées sans réponse pendant des années jusqu'à ce qu'elle arrive à Poudlard.

Hermione posa de grandes fondations de pierres pour Harry et Ron.

Laissez-les vivre, pria-elle. Laissez-les survivre à cette guerre. S'il vous plaît, ne me laissez pas les perdre.

Puis elle ajouta une pierre pour Ginny. Fred. George. Charlie. Bill. Molly. Arthur.

Percy était mort pendant la prise du Ministère.

Laissez-les vivre, murmura-elle.

Elle ajouta des pierres pour Remus et Tonks, Neville, Poppy, Severus et Minerva et les orphelins du Caithness. Elle avait peur d'être trop égoïste si elle incluait tout le monde de l'Ordre et de la Résistance. La pile était un peu instable.

Elle ramassa une dernière pierre et hésita.

Si la pile tombait, les vœux ne seraient pas exhaussés.

Elle regarda la dernière pierre dans sa main, passant légèrement ses doigts dessus. Elle était froide mais la morsure s'estompait lentement alors qu'elle continuait à hésiter, la retournant encore et encore dans sa main. La tendant vers la pile, puis se rétractant et la tendant de nouveau plus longtemps.

Peut-être qu'elle ne devrait pas la mettre.

Peut-être que c'était égoïste.

Elle la remit presque dans le ruisseau.

Puis elle se mordit la lèvre et la plaça.

Si c'est possible, ne me rendez pas responsable de la mort de Drago, pria-elle.

La pile vacilla mais ne tomba pas. Elle laissa s'échapper un petit soupir de soulagement et se mit presque à pleurer.

Elle se lava les mains dans le ruisseau puis regarda la pile qu'elle avait construite.

C'était un rituel idiot et supersticieux. Cela ne voulait rien dire.

Mais elle avait presque tout donné pour la guerre, et ça n'avait pas encore été assez. La superstition semblait être tout ce qu'il lui restait.

Elle lança un sort pour repousser les moldus sur les pierres et transplana.

Elle continua à soigner Drago, soir après soir. Le venin combiné avec la magie runique avait fait de la blessure l'une des plus cruelles qu'elle n'avait jamais vue. Peu importait ce qu'elle faisait, elle restait fraîche. Il aurait dû être dans un lit d'hôpital ou alité, pas transplaner et espionner ou quoi que ce soit d'autre que Voldemort lui faisait faire.

Elle parcourut de vieux livres de guérison, et resta debout tard dans la nuit à préparer des potions qu'elle espérait pouvoir aider à soigner, ou au moins à atténuer un peu plus la douleur, mais rien de ce qu'elle essayait ne fonctionnait. Le venin de Nagini était essentiellement un agent neutralisant contre tout type de guérison. Magique ou non magique.

Il aurait dû finir par se dissiper. Quand Arthur avait été mordu par Nagini au Ministère, le venin s'était dissipé après quelques jours de potions de régénération sanguine. Mais la magie runique interagissait avec le venin, et le gardait isolé dans les incisions. Hermione ne pouvait pas simplement le siphonner de l'organisme de Drago.

Traiter les coupures avec de l'essence de Dictame et du Murlap et prévenir une infection était tout ce qu'Hermione pouvait faire jusqu'à ce que le venin se dissipe de lui-même.

Drago lui parla finalement en premier après plusieurs semaines.

"Fais attention en récoltant tes ingrédients," dit-il brusquement alors qu'elle remettait sa chemise sur ses épaules.

Elle s'arrêta.

"Je fais attention. Je lance des sortilèges de détection à chaque fois que je transplane quelque part pour m'assurer qu'il n'y a pas de protections anti-transplanage dans les environs. Et tous mes vêtements sont protégés."

"Le Seigneur des Ténèbres veut que l'Ordre soit détruit dans l'année. Il devient plus confiant sur son emprise sur le reste de l'Europe. Il concentre ses troupes et apporte de nouvelles ressources."

Hermione se sentit se refroidit.

"Dans les nouvelles liées à ça," ajouta-il. "On vient juste de me donner une manticore. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'on s'attend à ce que je fasse avec."

La façon détendue avec laquelle il annonça ce fait donnait l'impression qu'on lui avait donné épagneul indésirable et pas l'une des créatures maléfiques semi-conscientes les plus mortelle du monde sorcier.

"On t'a donné une manticore ?" répéta-elle. Elle dût forcer les mots à sortir de sa bouche, ayant l'impression que sa poitrine avait été écrasée.

"Elle n'est qu'à moitié adulte, de ce qu'on m'a dit. McNair m'a informé qu'elle avait été déposée à mon manoir," dit-il avec une expression grave alors qu'il refermait sa chemise.

"Es-tu autorisé à la tuer ?" dit-elle, regardant la peau pâle disparaitre sous le tissu noir.

"Hé bien… je doute que ce soit ce qui est attendu, mais elle n'est pas venue avec des instructions."

"Le sang de Manticore est imperméable à la plupart des magies. Tu pourrais probablement en faire des armes très utiles."

Il se tourna pour la regarder. "Comme ?"

Hermione hésita, puis elle tendit les mains pour finir de boutonner sa chemise et redresser son col. Ils se tenaient si proches l'un de l'autre que leurs corps se touchaient presque. Elle pouvait sentir le cèdre sur ses vêtements, et elle laissa précautionneusement une main posée sur son torse au-dessus de son cœur, sentant le battement sous ses doigts. Elle se mordit la lèvre pendant un moment avant de lever les yeux vers lui. La bouche de Drago était courbée par un amusement feint alors qu'il regardait vers elle, ses yeux s'assombrissant alors qu'elle levait les siens vers lui.

"J'ai lu que les gobelins forgeaient des lames ou des têtes de flèches qu'ils imprégnaient avec du venin de manticore pour pouvoir passer à travers les protections magiques," dit-elle lentement. "Des vêtements trempés dans le sang seraient imperméables à presque toute magie. Comme des vêtements protégés, mais la magie ne s'estomperait jamais."

Les yeux de Drago se plissèrent. "Alors quoi ?" demanda-il, la regardant attentivement. "Tu penses que je devrais tuer mon présent du Seigneur des Ténèbres et l'utiliser pour faire des objets enchantés pour l'Ordre ?"

"Non," dit-elle, faisant glisser sa main pour l'enlever et baissant les yeux. "Même si tu le voulais, je ne pourrait pas trouver d'explication sur leur provenance. Et la plupart des membres ne les utiliseraient pas de toute façon. Les manticores sont des créatures maléfiques, après tout." Son ton était amer sur ces derniers mots. Elle prit une vive inspiration. "La plupart des combattants de la Résistance se feraient tuer s'ils rencontraient une manticore sur un champ de bataille. Il n'y en a probablement qu'une centaine qui saurait seulement comment en tuer une tout en en étant capable. Alors… si tu pouvais trouver une excuse pour t'en débarrasser avant que ton maître ne décide de la relâcher, ça serait préférable."

Elle avança encore plus près et toucha nerveusement le dos de sa main.

Elle supplierait, elle ferait n'importe quoi pour le convaincre.

Il retira vivement sa main à son contact et pendant un moment elle se prépara à subir son irritation. Mais ensuite il attrapa son menton et pencha sa tête en arrière jusqu'à ce que leur regard se croisent. Il étudia son expression pendant un moment alors qu'elle lui rendait son regard.

Il se pencha vers elle jusqu'à ce qu'elle pense qu'il allait l'embrasser. "Tu es toujours si pragmatique." Elle sentit les mots caresser ses lèvres.

Puis il relâcha brusquement son menton et s'éloigna. Ses yeux brillèrent quand il remarqua sa confusion.

"Ne meurs pas, Granger. Tu pourrais me manquer," dit Drago avec un rictus, avant de disparaître dans un craquement.