Chapitre 37 - Flashback 12
Août 2002
"Trouvez la "poignée" de chaque personne, son point faible. L'art de manipuler la volonté des gens implique plus de compétences que simplement la détermination. Vous devez savoir comment aller à l'intérieur de l'autre personne… D'abord saisir le caractère de quelqu'un puis ensuite appuyer sur son point faible."
Hermione resta éveillée la moitié de la nuit pour ré-analyser Drago. Elle barra l'entièreté de son carnet de notes et en commença un nouveau.
Elle avait l'impression de déborder de nouvelles théories sur lui. Elle ne savait pas si l'une d'entre elle était basée sur la réalité ou seulement induite par son manque de sommeil, mais elle avait l'impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose. Comme si elle était en train de forcer un coffre moldu et qu'elle avait finalement entendu le premier cylindre se mettre en place. Une chaude sensation d'allégresse la faisait sourire pour elle-même pendant qu'elle préparait les potions ce jour-là.
Son cœur semblait presque léger.
Ça pourrait marcher. Elle pourrait gagner. Elle pourrait le mettre à genoux. Sceller sa loyauté.
Elle ne s'était pas rendu compte à quel point croire qu'il était juste un monstre avec un code moral l'avait convaincue qu'elle ne pourrait jamais réussir. Elle avait eu la certitude qu'il changerait finalement d'avis et qu'il la tuerait ainsi que tous les autres ; ça l'avait enracinée. Malgré sa totale confiance en l'occlumancie, cette conviction avait impacté toute la façon dont elle pensait à lui et le traitait.
Malgré le jeu auquel ils avaient joué. Il l'avait embrassée et lui avait appris l'occlumancie. Il lui avait dit qu'elle pouvait dire non. Et elle l'avait soigné et suivi ses instructions sur le duel et les exercices. Derrière l'apprentissage et la gentillesse partielle, il semblait toujours qu'ils étaient deux vipères attendant que l'autre finisse par frapper.
Maintenant, elle reconsidérait les choses.
Il n'était pas un monstre. Pas complètement. Il essayait de réparer les choses. Il essayait en quelque sorte de faire amende honorable. Pas pour avoir tué Dumbledore ou quelqu'un d'autre, mais pour quelque chose.
Il savait qu'il avait échoué. Quelque part sur son chemin, une chose était arrivée pour laquelle il était prêt à souffrir, même mourir. Une chose qu'il essayait d'arranger. Il n'espionnait pas pour une quelconque ambition. Ils ne jouait pas juste à l'Ordre contre les Mangemorts avec l'objectif de finir à la tête de tout le monde. Il essayait de réparer quelque chose.
Pas la guerre. Pas ses meurtres. Mais il y avait une chose pour laquelle il essayait de faire amende honorable.
Sa supposition initiale était la bonne. Drago Malefoy n'était pas que de glace. Sous la mort, la rage et les ténèbres il y avait plus que ça. Elle pouvait l'utiliser.
Hermione doutait qu'il lui dise ce qui le portait. Il était clairement déterminé à ne pas le révéler. Jouant à brouiller les pistes jusqu'à ce que la tête d'Hermione en tourne. Mais elle pouvait être patiente. Maintenant qu'elle avait compris qu'espionner était une sorte de pénitence pour… quelque chose. Si elle refusait de le détester vraiment maintenant ; si elle continuait à être gentille, réconfortante, intéressante et intelligente avec lui. Elle pouvait trouver un moyen de le faire s'ouvrir.
Elle pouvait gagner.
Alors que la journée tirait sur sa fin et qu'elle se préparait à aller soigner son dos, elle prit un moment pour s'arrêter et se préparer.
Elle allait devoir recommencer à zéro.
Il y avait quelque chose entre eux à… à laquelle penser trop en détail était difficile pour elle. Une tension entre eux qu'elle avait probablement détruite avec son emportement.
Elle allait devoir de nouveau la cultiver avec précaution.
Elle allait devoir être subtile.
Subtile comme du poison.
Hermione ferma les yeux et passa dans ses souvenirs ; démêlant ses sentiments les plus forts et les mettant de côté.
Réduisant son exaltation, sa sensation pétillante de confiance intérieure ; les étouffant jusqu'à ce qu'elle soit lucide. Concentrée.
Elle transplana à la masure une minute avant vingt heures.
Quand Malefoy apparut, elle le regarda un moment avant de baisser les yeux, se mordant la lèvre et jouant avec ses cuticules, gênée.
"Désolée…" marmonna-elle. "Tu avais raison. J'ai été imprudente hier soir. Ça n'arrivera plus."
Elle regarda Malefoy à travers ses cils pour voir s'il était un tant soit peu convaincu par ses excuses.
"Bien," dit-il, regardant autour de lui. "Je ne suis pas ton responsable. Ça ne m'intéresse pas de te surveiller pour te garder en vie."
"Ça n'arrivera plus," réitéra-elle.
Il la regarda pendant un moment puis détourna les yeux, faisant venir une chaise depuis l'autre côté de la pièce et l'enfourchant en commençant à déboutonner sa chemise. Hermione la fit tomber de ses épaules et examina les runes.
Elle posa légèrement les doigts au-dessus de ses épaules alors qu'elle se penchait pour avoir une meilleure vue. Malefoy ne tressaillit pas quand elle le toucha. Il se tendit par contre légèrement.
"Y a-t-il un moment où tu voudrais que je referme les incisions ?" demanda-elle d'une voix basse alors qu'elle utilisait ses doigts et sa baguette pour enlever le baume et inspecter les bords à vif des coupures.
Cela avait toujours l'air affreusement douloureux. Elle ne savait pas comment Malefoy faisait pour ne serait-ce que fonctionner, sans parler de transplaner, et encore moins se battre en duel. À chaque fois qu'elle voyait les blessures, ça lui faisait grincer des dents.
Il ne dit rien.
Elle posa la main sur sa colonne vertébrale. "Je vais utiliser le charme de nettoyage maintenant."
Elle sentit Malefoy se tendre sous sa main et vit ses phalanges blanchir légèrement. Elle compta jusqu'à trois et lança le sort.
Son corps entier trembla légèrement.
"Je suis désolée," dit-elle. "S'il y avait un moyen pour moi de réparer ça plus vite ou au moins soulager la douleur, je le ferais."
"J'en suis conscient," dit-il d'une voix tendue.
Elle appliqua le baume aussi doucement qu'elle le pouvait.
"Est-ce que lundi ça irait ?" demanda-elle, passant le bout de ses doigts le long de ses épaules nues, essayant de le faire relâcher la tension de la douleur qui irradiait de lui. "Je peux sauter le dîner si tu as besoin que je vienne plus tôt."
"Lundi, dit-il après un silence. "Vingt heures c'est bien."
"Très bien."
Elle relança les sorts de protection. Puis elle étudia de nouveau les runes, passant ses doigts à côté. Elle pouvait à peine sentir la magie en elles. Elle avait sombré en lui ; devenant une partie de lui.
Elle pouvait à peine sentir la magie noire autour de lui. Plus maintenant. Plus depuis des semaines.
"Est-ce que tu… sens les runes?" demanda-elle. "Peux-tu dire si elles t'affectent ?"
Il sembla réfléchir.
"Oui," dit-il après un moment, s'étirant. "Elles n'affectent pas la façon dont je me comporte, mais c'est comme si un nouvel élément avait été ajouté. C'est plus facile d'être impitoyable. Plus difficile de lutter contre mes impulsions. Non pas que j'aie été particulièrement distrait par le passé, mais maintenant tout le reste paraît avoir moins de conséquences."
Hermione relut le serment.
"Savais-tu pendant qu'il les gravait quelles runes il choisissait ?" demanda-elle.
"Je les ai choisies," dit-il, remontant sa chemise et la reboutonnant.
Hermione le regarda, stupéfaite.
"C'était ma pénitence. J'avais déjà dû ramper. Si je les choisissais, je pouvais m'assurer qu'il n'insérerait rien de problématique. C'est pour ça qu'il y en a autant, je ne voulais pas qu'il reste de place pour rajouter des promesses. Il devait être convaincu de mes remords," dit-il en se levant. Ses yeux rappelaient un orage à Hermione.
"Bien que," dit-il, et ses lèvres s'ourlèrent légèrement, la rage dans ses yeux devenant évidente, "il a oublié de mentionner que ça prendrait si longtemps pour guérir. En rétrospective, j'aurais dû prévoir cette punition additionnelle."
"Quand je les refermerai, ça prendra du temps pour que je m'assure que le tissu cicatriciel ne restreigne pas tes mouvements. Tu vas devoir rester éveillé pour me dire. Tu… pourrais avoir envie de ramener quelque chose à boire."
Les yeux de Malefoy se plissèrent et il fixa Hermione pendant plusieurs secondes.
"Je ne vais pas boire près de toi, Granger."
Elle haussa les épaules.
"C'est juste une suggestion. Je ramènerai quelque chose au cas où tu changes d'avis. Mais j'imagine que l'alcool que je peux me permettre d'acheter est trop bon marché pour que tu l'apprécies."
Il renifla.
"Je le garderai à l'esprit."
Il disparut sans un autre mot.
Le soir suivant il était d'humeur grincheuse, et Hermione se retint de lui parler en le soignant. Cependant, elle remarqua qu'il avait légèrement commencé à se détendre sous son toucher. Elle doutait qu'il en soit conscient.
Hermione, pour sa part, s'était rendu compte qu'elle se sentait mieux en sa présence. Sans la souillure de la magie noire s'accrochant à lui, sa peur instinctive s'était dissipée. Elle n'hésitait plus à le toucher, n'avait plus ce picotement d'appréhension le long de sa colonne vertébrale. Elle n'était plus tendue, se préparant à ce qu'il se déchaîne sur elle.
Il lui paraissait familier.
Le samedi, un charme apaisant accrocha finalement aux incisions quand elle le lança, et Draco frissonna vraiment moins quand elle lança le charme de nettoyage.
"Le venin est enfin parti," lui dit-elle avec soulagement. Elle fit venir sa sacoche et fouilla dedans pour chercher une potion analgésique qu'elle avait inventée. Elle sortit quelques compresses et, après avoir placé un sort de protection sur sa main pour qu'elle ne s'engourdisse pas, elle versa l'analgésique sur le tissu jusqu'à ce qu'il soit trempé.
"Ça va être froid et piquer pendant un moment, mais après ça va endormir les incisions," dit-elle. "Je vais commencer par le haut de ton omoplate gauche."
Elle posa les doigts juste au-dessus de la première rune pendant une seconde avant de doucement poser le chiffon et le presser légèrement contre l'incision en dessous. Il frissonna.
Elle programma une minuterie pour l'omoplate gauche et se tourna pour s'occuper de la droite.
"Elles ne devraient plus faire mal maintenant, mais il y a toujours des plaies ouvertes dans ton dos," dit-elle. "Ne vas pas faire quelque chose de stupide comme t'engager dans un combat avec un loup-garou juste parce que tu n'es plus à l'agonie."
"Est-ce que tu m'autoriseras à me battre contre un loup-garou après lundi ?" demanda-il d'une voix sarcastique.
Hermione leva les yeux au ciel.
"Je te conseille de donner au moins trois jours au tissus cicatriciel avant de commencer à te battre avec des loup-garous."
Il s'esclaffa légèrement.
La conversation mourut après ça, mais la soirée s'acheva sur une note surprenament cordiale.
Hermione était d'humeur joyeuse quand elle transplana au Square Grimmaurd. Alors qu'elle atterrissait sur les marches, son bracelet devint soudain brûlant.
Elle ouvrit la porte à la volée et se retrouva dans le chaos. Il y avait du sang qui tâchait le sol.
"Hermione !" cria Neville. "C'est Ginny."
Hermione monta les escaliers en un éclair, aussi vite qu'elle le pouvait, évitant le sang qui avait coulé sur le sol.
Harry, Ron et tous les autres Weasley résidant ici étaient là. Pomfresh et Padma s'affairaient au-dessus d'un lit où Ginny était allongée.
"Que s'est-il passé ?" demanda-elle, laissant tomber sa sacoche et se précipitant vers elle. Ginny était inconsciente et avait une grosse entaille irrégulière le long de son visage. Du sang en coulait.
"Un sort de nécrose l'a frappée à la joue," dit Pomfresh entre deux sorts. "Ils l'ont découpée aussi vite que possible, mais nous n'avons personne qui s'en soit tiré après avoir été touché à la tête."
"Padma ! Une potion de régénération sanguine !" aboya Hermione alors qu'elle lançait ses propres sortilèges. Les dommages au cerveau n'étaient pas la spécialité d'Hermione. Normalement quand les sorts atteignaient le cerveau les dommages n'étaient pas soignables.
Elle lança le sortilège de scan de cerveau le plus complexe qu'elle connaissait et l'étudia.
"Ça n'a pas atteint son cerveau," lâcha-elle avec soulagement. Puis elle lança un autre sort de diagnostic sur la tête de Ginny. La coupure irrégulière faite à la va vite rendait difficile de voir d'autres détails. Elle ne pouvait pas voir d'indicateurs clairs d'une nécrose restante, mais Hermione savait que le Destin n'était pas clément. Elle arracha la baguette de la main de Pomfresh au lieu de demander, marmonnant un charme et commençant à utiliser le bout de la seconde baguette pour fouiller dans les couches du diagnostic, cherchant toute trace de décomposition restante derrière tous les dommages des tissus dus à l'amputation de la peau qu'elle pouvait lire.
Là…
"Il y a de la nécrose dans son zygomatique et ses os frontaux. Il faut que je les enlève maintenant," dit Hermione. "Tout le monde dehors !"
Il y eut des protestations qu'elle ignora en lançant d'autres sorts de contention du sang, essayant de voir exactement où le sort était toujours en train de ronger Ginny.
"Donne-lui une goutte de Goutte du mort vivant," ordonna-elle à Padma qui venait juste de verser une potion de régénération sanguine dans la gorge de Ginny. "Ça va ralentir la guérison mais nous ne pouvons pas risquer qu'elle bouge."
Hermione serra les dents et pria alors qu'elle faisait venir des potions de sa réserve et commençait à lancer une série de sorts et protections complexes sur la tête de Ginny. Elle n'avait jamais utilisé la plupart d'entre eux, ou une seule fois.
Essayer de retirer des morceaux du crâne était horriblement risqué dans n'importe quelle situation, mais bien pire quand il fallait le faire rapidement. Cela allait exposer ses sinus, Ginny perdrait complètement son orbite et une part de son lobe frontal serait exposé le temps que les os repoussent.
Fixant les endroits noircis sur le crâne mis à nu de Ginny qui avançaient maintenant vers ses yeux, Hermione lança un sort d'épilation puis étala une potion violette très précautionneusement autour des contours de l'entaille puis sur plus de la moitié de ta tête et du visage de Ginny. Quand elle fut bien appliquée uniformément, Hermione lança un charme de fixation. La potion durcit et devint comme une coquille. Un exosquelette.
Hermione prit un inspiration pour se stabiliser et fit disparaître chaque morceau du crâne de Ginny.
La potion d'exosquelette maintenait les endroits qui n'avaient plus de structure osseuse depuis l'extérieur. Hermione relança le diagnostic et le vérifia attentivement à plusieurs reprises. La nécrose avait disparu. Les os avaient pu être enlevés avant que le sort n'atteigne le cerveau de Ginny.
Hermione s'effondra légèrement et fut tentée de sangloter de soulagement. C'était passé très près. Tellement près. Plus près qu'elle ne l'avouerait jamais à personne.
Elle stabilisa ses mains et administra le Poussos. Elle ajouta plusieurs sorts de surveillance et des sorts de protection autour du cerveau exposé de Ginny. Puis elle enclencha une minuterie.
Avec l'interférence de la Goutte du mort vivant, la repousse des os prendrait dix heures. Elle ne pouvait pas commencer à réparer l'entaille tant que les os n'avaient pas complètement repoussé et que les tissus n'avaient rien sur lequel se former. Ginny aurait une cruelle cicatrice pour le reste de sa vie, mais elle vivrait. Celui qui avait coupé la nécrose l'avait fait assez rapidement pour la sauver.
Hermione prit la main de Ginny dans la sienne et la caressa doucement. Elle était couverte de sang. Hermione lança des sorts de nettoyage sur le corps de Ginny et la changea pour lui mettre une robe d'hôpital de quelques mouvements de baguette. Puis Hermione lança un sort de diagnostic sur le reste du corps de Ginny pour s'assurer qu'elle n'était pas blessée ailleurs.
Il y avait une égratignure sur son mollet et une ecchymose sur l'un de ses bras. Hermione arrangea ça en quelques minutes.
Hermione se leva et ramassa les deux baguettes à côté d'elle.
"Désolée," dit-elle, tendant à Poppy sa baguette. Attraper la baguette de quelqu'un sans sa permission était une grande offense.
Poppy rangea sa baguette l'air secoué.
"J'avais déjà lancé quatre sorts de diagnostic avant que tu n'arrives et aucun d'entre eux ne montrait de nécrose restant dans les os. Je n'avais jamais vu un diagnostic disséqué compositionnellement avant. Je suis contente que tu n'aies pas pris le temps de demander la permission."
"J'ai vu ça dans un livre sur la théorie de la guérison. Les diagnostics du cerveau sont compliqués. Il y a tant d'activités détectées par la magie. C'est même difficile pour les spécialistes de les lire rapidement. C'est un coup de chance que ça ait fonctionné."
Hermione soupira et voulut s'asseoir. Maintenant que la crise était passée, elle pouvait sentir son coeur tambouriner et ses mains trembler. Elle se sentait étourdie et sur le point de tomber en arrière.
"Je devrais aller dire à tout le monde qu'elle va bien," dit-elle en tremblant.
Harry, Ron et presque tous ceux qui résidaient au Square Grimmaurd attendaient devant la porte de la salle d'hôpital.
"Elle va bien," dit Hermione en ouvrant la porte. "Elle va s'en sortir."
Harry eut un sanglot et s'écroula contre le mur.
"Oh, merci Merlin", marmonna Charlie.
Ron essuya ses yeux et Hermione vit le sang sur ses mains et partout sur ses vêtements. Elle approcha de lui et lança un sort de diagnostic subtil en même temps. Il n'était pas blessé. Ce n'était que le sang de Ginny.
"As-tu enlevé la nécrose ?" demanda-elle à Ron.
Il hocha la tête et ses yeux bleu clair se remplirent de larmes. Son corps entier tremblait comme s'il était en état de choc.
"Tu l'as sauvée, Ron," dit-elle, l'attirant contre elle. "Tu lui as acheté assez de temps pour qu'elle puisse revenir. Si tu ne l'avais pas fait ça aurait pu être trop tard, ou elle aurait pu perdre son oeil. Elle aura une cicatrice mais elle va s'en sortir."
"Oh, Merlin," Ron s'effondra légèrement dans les bras d'Hermione. "Lucius est arrivé. On a transplané mais quand on est arrivé on a vu que Ginny avait été touchée. Je l'ai vu…"
Il passa sa main sur ses yeux et étala du sang sur sa peau pâle. Ses mains tremblaient incontrôlablement.
"Je n'arrêtais pas de penser à quand Papa est revenu. Et après George. Et maintenant Ginny… et je… elle me regardait et je savais que je devais essayer. C'était… c'était pire que tout…"
Ron sanglota et enfouit sa tête dans l'épaule d'Hermione. Elle enroula fermement ses bras autour de lui.
"Je ne faisais que me répéter que c'était pour la s-sauver," marmonna-il contre son épaule. "Maman… j'ai promis à Maman que je veillerai sur elle… je lui ai dit que je ne laisserai rien arriver à Gin."
"Tu l'as sauvée," dit Hermione à son oreille. "Tu as fait exactement ce qu'il fallait faire."
"Je vais tuer les Malefoy," marmonna-il à son oreille. "Lucius et Malefoy, je vais tous les deux les tuer. Je m'en fous s'il faut que j'attende la fin de la guerre pour ça. Cette famille mérite de mourir."
Hermione ne s'arrêta pas de tracer des cercles sur les épaules de Ron. Elle le serra juste plus fort.
Le serment de tuer les Malefoy était un refrain de plus en plus commun chez les Weasley ; la première exception à leur ferme opposition au meurtre. Ça avait commencé après la mort de Dumbledore, mais était devenu plus fréquent après que Bill soit rentré de mission en traînant son père en pleurs derrière lui. Lucius Malefoy s'était fait un honneur de s'identifier immédiatement après avoir jeté à Arthur un sort obscur qui avait donné à Arthur les capacités mentales d'un bambin.
Hermione avait lu tous les manuels de guérison mentale et de livres de sort de magie noire sur lesquels elle avait pu mettre la main mais elle n'avait jamais réussi à trouver quel sort il avait utilisé ni de moyen de l'inverser ou d'en atténuer les effets.
D'une certaine façon, pensait parfois Hermione avec culpabilité, c'était pire que si Arthur était mort. Ce qui était probablement ce que Lucius avait voulu. Arthur Weasley était parti, sauf qu'il ne l'était pas. Sa personnalité amicale, curieuse et affectueuse demeurait, piégée dans le corps d'un homme d'âge moyen et dans l'esprit d'un enfant. Il avait besoin d'une surveillance constante. Seules quelques personnes ne le dérangeait pas, et il avait tendance à avoir des explosions de magie accidentelle ou de petites crises d'épilepsie quand il était en colère. Sa perte était un revers poignant et double pour l'Ordre. Molly avait dû se retirer entièrement pour s'occuper à plein temps de son mari. Elle l'avait pris avec lui pour aller vivre dans l'un des hospices. Quand George avait pu sortir de la salle l'hôpital du Square Grimmaurd, il avait rejoint sa mère et l'aidait à prendre soin de son père.
"Tu es un bon frère," murmura Hermione à Ron.
Quand ses tremblements se calmèrent finalement, elle se recula légèrement pour lui poser la question qui tournait dans son esprit.
"Ron, est-ce que tu peux me dire ce que tu as utilisé pour enlever la nécrose ? Était-ce un sort ou un couteau ?"
"Un couteau. L'un de ceux du coffre de Harry," dit-il.
"Est-ce que je peux le voir ?" demanda-elle calmement.
"Bien sûr," dit Ron, un peu confus. Il regarda autour de lui, toujours un peu étourdi. "Je pense qu'il est en bas. Neville a nos affaires."
Hermione recula et passa une tête dans la salle d'hôpital.
"Poppy, est-ce que tu peux vérifier que Harry et Ron ne soient pas blessés ? Et leur administrer un philtre de Paix ? Double dose pour Ron. Il faut que je vérifie quelque chose."
Hermione descendit au rez-de-chaussée. Neville et Hannah nettoyaient le sol à l'aide de magie.
"Nev, est-ce que tu peux me montrer le sac à dos de Ron ?"
Il pointa la tête vers un coin de la pièce.
"C'est celui avec le sang dessus. Je ne l'ai pas encore nettoyé.
Hermione marcha jusqu'au sac et commença à le vider précautionneusement. Le contenu y avait été jeté au hasard. Il y avait du sang en train de sécher partout. Elle repéra la poignée d'un couteau qui dépassait d'une poche extérieure.
Elle tira précautionneusement dessus. Il avait été forgé par les gobelins, comme elle l'avait suspecté.
Elle l'amena dans la cuisine et nettoya le sang. Puis elle prit un petit morceau de poulet cru de la boîte à stase et passa toute la lame du couteau contre la viande. La lame magiquement aiguisée glissa sans effort. Puis Hermione posa le couteau précautionneusement et regarda le poulet.
Une minute passa. Puis deux. Hermione se demanda si elle s'était trompée. Puis, une petite tâche noire apparut sur le poulet. Hermione la fixa et la vit lentement grandir de plus en plus au cours des quelques minutes suivantes.
Hermione lança un sort de stase qui n'eut pas d'effet sur la putréfaction qui se répandait lentement sur la viande.
Elle jeta un sort d'isolation sur la lame du couteau et plusieurs sorts de protection. Puis elle l'enveloppa dans plusieurs serviettes et lança un charme de répulsion sur l'ensemble. Puis elle le plaça dans un tiroir qu'elle verrouilla et y ajouta un garde fou à l'aide de plusieurs maléfices cuisants et une alarme.
Elle fit demi-tour pour retourner à la salle d'hôpital.
Harry était assis à côté de Ginny, tenant sa main. Ses yeux étaient écarquillés et dévastés et son visage était pâle. Il mâchouillait nerveusement ses lèvres. Quand Hermione posa légèrement sa main sur son épaule, il sursauta et leva vivement les yeux vers elle.
Il sourit faiblement. Un sourire d'hôpital. Un rictus. La légère contraction du visage qu'on faisait avec l'intention de paraître encourageant ou brave, mais qui ne cachait pas l'air brisé.
Quand Ginny se réveillerait, elle aurait la même expression pour assurer à tout le monde qu'elle allait bien, qu'elle ne se souciait pas de sa cicatrice ; que vraiment, tout allait bien.
Hermione sourit en retour à Harry et fit venir une chaise pour se joindre à lui.
"Elle n'aurait pas dû venir," dit Harry après une minute.
"L'Ordre a décidé quel serait le meilleur groupe, elle n'était pas là à cause de vous deux," dit Hermione. "La rancune de Lucius n'a rien à voir avec le fait que Ginny et toi soyez ensemble."
"Je vais devoir leur dire de ne plus nous appairer," dit Harry, détournant les yeux de la main de Ginny pour regarder au loin.
Son expression était hébétée et ses yeux émeraude ne semblaient pas voir la salle d'hôpital. Hermione reconnaissait cette expression. Il était de retour dans sa mission, la revivant encore et encore, afin de s'admonester pour ce qui avait mal tourné."
"C'était ma faute," dit-il. Il avait une petite voix, légèrement tremblante. "J'aurais dû mettre les protections plus tôt. La mission était trop facile. Inutile. C'était comme un voyage avec Ron et elle. Comme si on campait pour s'amuser. J'ai baissé ma garde."
Hermione ne dit rien. C'était une confession. Si était si assommé et triste qu'il avait des choses à dire. Il avait juste besoin de les verbaliser. Il ne pouvait pas le dire à Ron. Il se sentait trop coupable pour le dire à Ginny à côté de lui.
Hermione avait écouté beaucoup de confessions de ceux qui veillaient les blessés dans la salle d'hôpital. Parfois elle se sentait comme une prêtresse.
"Après qu'on soit partis… quand j'ai vu ça sur son visage… je me suis figé," dit-il après quelques instants de silence. "Quand j'ai vu qu'elle avait été touchée. Je n'ai pas… Elle a commencé à pleurer. Et Ron l'a supéfixée. Et je me tenais juste là. Je n'ai pas bougé pendant qu'il lui coupait le visage. Je m'en suis à peine assez sorti pour transplaner ici. Ron a dû tout faire. C'était comme pour Colin. Je n'ai pas bougé."
"Personne n'aurait pu sauver Colin," dit Hermione à voix basse.
"J'aurais pu aider à sauver Ginny !" s'exclama Harry soudain furieux. "Et si elle était morte ? Et que je m'étais juste tenu là ? La femme que j'aime… la sœur de mon meilleur ami. Je n'ai pas bougé et j'ai regardé son visage se putréfier…"
Il laissa tomber la main de Ginny et souleva ses lunettes, essuyant ses yeux.
"Et si elle était morte ? Ou qu'elle était devenue comme Arthur ? Parce que j'ai été imprudent et que je n'ai pas installé les protections ?" La voix d'Harry tremblait et ses poings étaient serrés. Hermione pouvait sentir la magie frissonner autour de lui alors que sa culpabilité et ses émotions continuaient d'enfler.
Hermione fit venir un flacon de philtre Calmant et transforma un morceau de pansement en coton en un gobelet qu'elle remplit. Elle le tint en attendant le moment où elle pourrait le donner à Harry. Si elle le lui tendait trop tôt, il le jetterait contre le mur.
"Personne ne réagit toujours parfaitement," dit-elle.
"Ça ne peut plus arriver," dit platement Harry. "Je ne vais pas le risquer."
Hermione ne dit rien, et après une minute, Harry s'effondra contre elle. Elle glissa le gobelet de philtre Calmant dans sa main. Puis elle posa sa tête au sommet de celle de Harry.
"Elle va s'en sortir," dit-elle. "Je te le promets. Elle va bien."
Harry hocha la tête et Hermione s'accorda un moment à rester simplement avec lui. Son meilleur ami.
La plupart du temps elle avait l'impression qu'ils vivaient dans des mondes séparés.
Le garçon qui l'avait secourue face à un troll. Pour qui elle avait fait du Polynectar. Avec qui elle était retournée dans le temps pour sauver son parrain. L'ami à qui elle avait appris le sortilège d'attraction. Avec qui elle avait créé l'Armée de Dumbledore.
Il était devenu un héros, mais d'une certaine façon le chemin d'Hermione s'était éloigné du sien.
Il se tournait vers elle en tant que guérisseuse, mais rarement en tant qu'amie.
Elle entremêla ses doigts sans ses cheveux chaotiques.
"Ginny est amoureuse de toi, tu sais," dit-elle. "Ne la repousse pas. Ne lui fais pas ça. Ne te fais pas ça. Vous êtes déjà tous les deux en danger à cause de la guerre. Tu ne devrais pas abandonner la joie que vous avez. Ne laisse pas Tom te prendre ça."
Harry ne dit rien, mais il but le philtre de Paix tout en continuant à regarder Ginny.
"Est-ce qu'elle peut m'entendre ?" demanda-il après quelques minutes, la voix triste et pleine d'espoir.
"Non, désolée. Je n'ai mise sous stase jusqu'à ce que ses os aient repoussé et que je puisse réparer la coupure. Il serait dangereux pour elle de bouger avec son cerveau à nu. Elle sera réveillée demain."
Ils restèrent assis en silence pendant plusieurs minutes jusqu'à ce qu'un bouledogue argenté surgisse dans la salle d'hôpital.
"Potter, Granger, débrief de mission dans cinq minutes," grogna la voix de Maugrey avant que le Patronus ne disparaisse.
Harry soupira et se leva.
"J'imagine que je te vois là-bas," dit-il, caressant une dernière fois la main de Ginny.
Hermione le regarda sortir puis se tourna vers Ginny. Elle lança plusieurs sorts de diagnostic pour vérifier que tout était stable et repoussait correctement. Puis elle descendit et récupéra le couteau dans le tiroir de la cuisine avant d'aller dans la salle à manger où les réunions de l'Ordre avaient lieu.
Remus et Tonks étaient déjà là, et sourirent à Hermione quand elle entra et s'assit à sa place. Bill entra quelques minutes plus tard. Fleur et lui alternaient leur présence aux réunions pour que l'un d'entre eux puisse toujours surveiller la prison. Charlie suivit, toujours aussi pâle que quand Hermione avait annoncé que Ginny irait bien. Neville entra ensuite, suivi d'Amélia Bones. Puis Ron et Harry. Kingsley Shacklebolt et Alastor Maugrey entrèrent derrière eux.
C'était moins du quart de l'Ordre actuel. Seule une poignée de membres étaient au courant de l'existence des Horcruxes. L'Ordre avait durement appris le danger qu'il y avait à laisser trop de gens en savoir trop quand leur ennemi était un legilimens accompli. Molly et Minerva assistaient rarement aux réunions bien qu'elles aient techniquement un niveau de connaissance suffisant pour recevoir toutes les informations. Severus n'assistait qu'aux réunions les plus secrètes, programmées avec encore plus d'attention.
"Harry, Ron. Nous aimerions un rapport complet sur votre chasse aux Horcruxes," dit Kingsley sans autre préambule.
"Il n'y a rien à rapporter," dit platement harry. "Nous avons fait tout le chemin jusqu'en Albanie et n'y avons rien trouvé. Nous n'avons vu personne ni n'avons eu de problème jusqu'à ce que Lucius débarque."
"Comment Lucius vous a-t-il trouvé ?" demanda Maugrey, son œil roulant lentement de Harry à Ron.
"Je ne sais pas," dit Harry, "nous venions juste de commencer à établir le campement. Les protections n'étaient pas encore mises en place mais nous étions là depuis moins de quinze minutes."
"Où étiez-vous ?"
"Quelque part en France ou en Belgique, je pense. Dans une forêt. Nous avions prévu de faire le reste du chemin du retour demain."
Il y eut quelques secondes de silence.
"Avez-vous autre chose à rapporter ?" demanda Kingsley.
Harry et Ron se regardèrent et secouèrent la tête.
L'expression de tout le monde se durcit de déception.
Hermione prit une grande inspiration et s'arma. Il y avait une chance qu'elle soit juste pessimiste, mais étant donné son historique dans les réunions de l'Ordre elle n'était pas particulièrement optimiste à propos des réactions à ce qu'elle s'apprêtait à annoncer.
"J'ai quelque chose à rapporter," dit-elle à voix basse.
