Chapitre 41 - Flashback 16

Août 2002

Hermione pinça les lèvres alors qu'elle regardait Drago, respirant de façon irrégulière.

"Je suis trop saoule. Je ne peux pas transplaner," dit-elle. "Je te l'ai dit, je pleure. Je ne peux pas m'en empêcher. Je ne sais pas comment retenir tout ça quand je suis ivre."

Elle pressa ses mains contre sa bouche et lutta pour ne pas fondre en larmes. Elles coulèrent de ses yeux et glissèrent sur ses doigts.

Drago soupira.

"Pourquoi pleures-tu maintenant ?" demanda-il alors qu'elle continuait de refouler ses larmes.

"Parce que je suis seule et que je t'embrasse et toi tu ne penses même pas vraiment que je suis séduisante," admit-elle, en larmes.

Drago la regarda pendant un moment puis renversa sa tête en arrière et regarda le plafond pendant une minute entière.

"Pourquoi penses-tu que j'étais en train de t'embrasser ?" demanda-il finalement d'une voix tendue.

Le coin de la bouche d'Hermione se souleva et elle détourna les yeux.

"Parce que je suis là," dit-elle à voix basse.

"Pourquoi m'embrassais-tu ?" demanda-il, détournant les yeux du plafond pour la regarder.

Hermione étudia un nœud du parquet et entortilla une boucle dans ses mains.

"Parce que tu me traites comme si j'étais moi-même. Mes amis me traitent comme une collègue," dit-elle d'un ton amer. "Harry et moi nous sommes disputés, et ensuite il s'est excusé pour m'avoir insulté professionnellement. Comme si c'était la partie qui m'avait fait mal. D'une certaine façon… tu me rappelles que sous tout ce que je suis devenue pendant cette guerre, la personne que j'étais avant existe toujours."

Elle se mordit la lèvre en essayant de ne pas se remettre à pleurer. Elle rafla la bouteille sur le sol où elle avait été abandonnée à un moment et avala un peu plus de ce qui restait du whiskey Pur Feu. Il ne restait que moins d'un centimètre, et elle nourrissait l'espoir que si elle le finissait complètement, cela la mènerait à un niveau d'ébriété au-delà des sensations.

Malefoy détourna les yeux d'elle, puis s'adossa et posa un bras en travers de ses yeux. Quand elle eut finalement terminé la bouteille d'Ogden's, elle lui jeta un regard. Son bras était retombé ; il était endormi.

Elle le fixa pendant un long moment, étudiant ses traits d'une façon dont elle ne s'était jamais permise par le passé. Puis, progressivement, elle sentit ses paupières se fermer. Elle devrait… elle ne pouvait pas vraiment penser, mais elle devrait faire quelque chose. Se lever ? Ou peut-être faire apparaître un lit de camp quelque part ? Sa vision s'assombrit. Elle s'endormit toujours en train de le regarder.

Elle ne savait pas lequel d'entre eux avait bougé, mais quand elle émergea le matin suivant, ils étaient à moitié enlacés. Aucun d'entre eux n'était tombé du petit canapé. Ils s'étaient allongés et enfouis dans les bras l'un de l'autre. Si Hermione n'avait pas eu l'impression que sa tête était sur le point de se fendre en deux, elle aurait rapidement essayé de se retirer, mais à la place, elle resta juste coincée sous Drago dans un état d'horreur figé.

L'expression de Drago montrait une horreur similaire et presque de la panique quand il passa d'endormi à brusquement réveillé. Il essaya de tirer son bras de sous elle, et ils vacillèrent dangereusement au bord du canapé.

"Si tu me fais tomber de ce canapé, je vais vomir sur toi," lui dit immédiatement Hermione. Il se figea et ils se regardèrent l'un l'autre.

"Une solution ingénieuse alors, miss je-sais-tout ?" demanda-il finalement.

"Donne-moi une minute," dit Hermione, devenant écarlate et fermant les yeux en essayant de penser à une solution. Elle ignorait résolument Drago allongé sur elle. Drago, qui n'avait pas de chemise. L'air dans la pièce était froid mais sa peau était chaude, et son souffle qui lui caressait la joue était brûlant. Son corps entier était dur et confortablement pressé contre elle ; son bras dans le dos d'Hermione la faisait s'arquer contre lui. Il y avait quelque chose de distinct et de grandissant pressé contre la cuisse d'Hermione près de sa hanche, et après un moment de perplexité, elle le sentit légèrement tressaillir… oh mon dieu !

Elle n'y pensait pas. Elle n'avait rien remarqué. Elle ne pensait qu'à sa gueule de bois et à la façon de se démêler de Drago sans qu'aucun d'entre eux ne vomisse sur l'autre.

Drago pesait sur elle de tout son poids, mais son bras le plus proche du bord du canapé était enroulé autour de la taille d'Hermione à partir de son coude. Quand il essayait de l'enlever de sous elle, leur poids combinés risquaient de les déstabiliser au point de les faire tomber tous les deux du canapé.

S'il pouvait libérer son autre bras, il pourrait attraper le dossier du canapé et se libérer. Mais quand il essaya de bouger son épaule, cela résultat aussi en vacillement.

S'il pouvait bouger d'abord ses jambes du canapé, il pourrait alors s'agenouiller sur le sol et se libérer rapidement. Mais le processus, suspecta Hermione, résulterait en une grande quantité de frictions au niveau de leur taille.

"Je pense que si je bouge ma jambe gauche…" commença à dire Drago.

"Non !" aboya Hermione, sentant son visage rougir.

"Putain ! Granger, ne crie pas," dit-il avec colère, grimaçant.

"Laisse-moi juste… réfléchir," dit Hermione, regrettant amèrement de ne pas s'être endormie sur le sol.

"Putain d'incroyable," marmonna-il dans sa barbe.

L'irritation grandit à l'intérieur d'Hermione à côté de son embarras face à leur pétrin actuel.

"Ne rejette pas la faute sur moi. Je voulais rentrer chez moi hier soir. C'est toi qui a bloqué la porte et qui m'a demandé de boire avec toi," dit vivement Hermione.

"J'étais ivre. À cause de ta suggestion en tant que supposée professionnelle médicale, je dois préciser." Son expression était dédaigneuse.

"Je suis désolée de t'avoir recommandé un moyen de soulager la douleur pendant que je te soignais," dit Hermione, levant les yeux vers lui. "Si mon aide est un tel inconvénient pour toi, tu peux toujours aller voir ailleurs."

"J'en avais déjà l'intention", dit-il froidement.

Le souffle d'Hermione se coupa avec une vive douleur, et elle se raidit puis se débattit brusquement sous lui. Il perdit l'équilibre et bascula, et elle s'assit rapidement pour éviter d'être entraînée avec lui.

La tête de Drago heurta le parquet avec un craquement sonore.

"Tu es une putain de garce," dit-il alors qu'il empoignait son visage.

Hermione ricana alors qu'elle se levait.

"Oui, je pense que c'est un fait plutôt bien établi à présent," dit-elle, pinçant durement les lèvres alors qu'elle saisissait sa sacoche et ouvrait la porte.

"Si tu as une information utile, laisse un rouleau de parchemin. Je viendrai le chercher plus tard," dit-elle, sortant et transplanant avant qu'il n'ait pu répondre quoi que ce soit.

Au moment où elle réapparut dans la rue du 12 Square Grimmaurd, elle se plia en deux et vomit dans une haie. Après qu'elle ait fait disparaître les saletés et essuyé sa bouche, elle fouilla dans sa sacoche et en sortit la fiole de potion contre la gueule de bois qu'elle s'était souvenue d'emporter pour Drago la nuit précédente.

Elle avala la potion et sa bouche grimaça légèrement alors qu'elle se tenait dans la rue déserte et essayait de ne pas pleurer alors qu'elle passait en revue la nuit précédente avec la perspective de la sobriété.

Elle avait embrassé Drago Malefoy. Plus qu'embrassé. Peloté. Volontairement.

Elle n'avait jamais embrassé quelqu'un d'autre que Viktor Krum en quatrième année.

Mais ce n'était pas ce qui la dérangeait.

Alors qu'elle se tenait dans la rue déserte, entortillant la sangle de sa sacoche, elle avait peur d'avoir compromis sa mission. Drago s'en était remis à elle. Il avait demandé sa compagnie et il avait voulu l'embrasser. Elle avait tout gâché en étant ivre, vulnérable et anxieuse.

Elle ne savait pas si coucher avec lui aurait été la bonne chose à faire, mais elle n'avait pas interrompu leur séance de baisers par calcul ou stratégie. Elle avait hésité et il l'avait vu.

Consentante. Il avait été clair là dessus. Au moment où elle avait hésité, il l'avait repoussée hors de ses murs.

Elle n'avait même pas pensé à sa mission. Il avait touché ses cheveux et lui avait dit qu'elle était adorable. Il avait semblé triste pour elle, et cela avait donné à Hermione l'envie de l'embrasser.

Si l'alcool ne l'avait pas rendue si anxieuse, elle aurait probablement couché avec lui. Elle avait ignoré qu'être touchée par quelqu'un pouvait sembler aussi significatif. Que l'entendre grogner et réagir à son toucher pouvait l'affecter aussi profondément.

Théoriquement elle comprennait le sexe et les relations amoureuses. Mais en pratique…personnellement… elle se retrouvait tellement au-delà de ses profondeurs qu'elle avait l'impression d'avoir été jetée dans un profond gouffre marin.

Il n'y avait jamais eu de temps ou d'opportunité pour aucune sorte de relation. Pas quand elle était en formation à l'étranger. Pas quand elle était revenue. La plupart des gens de son âge n'avaient même pas l'autorisation de la voir quand elle travaillait sur ses recherches ou ses potions, et les visites étaient soigneusement encadrées à l'hôpital. Le temps que la plupart des patients se remette suffisamment pour la remarquer, ils étaient transférés hors de sa salle d'hôpital pour aller dans une salle de convalescence ou un hospice.

Il n'y avait simplement jamais eu le temps.

Elle avait observé Ron et son cycle de partenaires et supposé que le sexe était impersonnel. Juste quelque chose de réconfortant et de physique. Qu'il était très facile d'être avec quelqu'un puis de repartir et de ne pas se soucier s'il trouvait quelqu'un d'autre le lendemain.

Elle avait pensé que si ce pas était franchi avec Malefoy, elle serait capable d'être indifférente. Que ça n'aurait pas à être personnel si elle rationalisait simplement assez les choses. S'allonger et penser à l'Angleterre. Les femmes le faisaient depuis des centaines d'années.

Elle s'était trompée.

Embrasser Drago et être touchée par lui avait été la chose la plus personnelle qu'elle n'avait jamais expérimenté. Cela avait réveillé une envie quelque part au plus profond d'elle ; alors qu'elle restait seule dans la rue, elle se surprit à avoir envie de revivre ça.

Cela lui avait semblé sacré. Ça n'avait pas été quelque chose de stratégique ou d'impersonnel. Cela avait été elle qui s'approchait et embrassait quelqu'un qui était interessé par elle. Qui lui avait paru aussi seul qu'elle. Quelqu'un qui comprenait le monde sombre dans lequel elle était descendue. Qui n'était pas en colère contre elle pour avoir envie de gagner la guerre à tout prix.

Elle voulait que ça signifie autant pour lui. Le fait de savoir que cela n'avait probablement pas fracturé quelque chose en elle. Il était probablement comme Ron. C'était probablement simplement quelque chose de physique.

Le fait que ça ne soit… que ça ne puisse pas être comme ça pour elle lui semblait cruellement injuste. Le fait qu'elle le désirait toujours ardemment lui semblait pire que tout.

Elle se sentait vide. Elle se sentait physiquement et émotionnellement trahie par elle-même.

Elle ne voulait plus jamais être près de Drago. Elle avait l'impression que le voir lui ferait du mal à chaque fois.

Mangemort. Assassin. Espion. Cible. Outil.

Et pourtant elle voulait qu'il la touche. Qu'il enfouisse ses doigts dans ses cheveux, glisse ses mains le long de son corps et qu'elle le sente encore haleter contre ses lèvres quand elle lui rendait son baiser.

Elle n'avait jamais voulu une telle chose avant, et elle ne savait pas comment l'ignorer maintenant qu'elle existait. Elle ne savait pas comment la faire s'arrêter. Ce n'était pas un désir dans son esprit qu'elle pouvait occluder.

C'était quelque chose de plus profond.

Mais ça n'avait pas d'importance. Ça n'avait pas d'importance si elle ne voulait plus jamais le voir. La façon dont elle se sentait n'avait pas d'importance. Ça n'en avait jamais eu. Les instructions restaient les mêmes : maintenir son intérêt, le rendre loyal.

Elle ravala l'arrière goût amer de la potion et de son vomi et entra au Square Grimmaurd.

"Bon sang, Hermione !" dit Ron alors qu'elle passait par la porte.

Il était dans le salon avec les insomniaques.

Elle le regarda, perplexe.

"Qu'est-il arrivé à tes cheveux ?" demanda-il.

Elle leva la main et sentit qu'ils étaient tous emmêlés autour d'elle.

"Un roncier," mentit-elle promptement.

"On dirait que tu as perdu un combat avec un Fléreur," dit Ron d'un ton taquin.

Hermione hocha la tête d'un air absent.

"J'avais oublié qu'ils ressemblaient à ça," ajouta Ron après l'avoir fixée pendant un autre minute. "C'est joli, la façon dont tu les gardes tressés maintenant."

Hermione lui sourit, mal à l'aise et sentit sa mâchoire trembler légèrement.

"Oui. C'est mieux quand ils sont attachés," dit-elle. "Je sais difficilement quoi en faire quand ils sont comme maintenant."

Elle n'avait envie de parler à personne. Elle ne voulait surtout pas parler de ses cheveux.

Elle se pressa dans les escaliers jusqu'à une salle de bain et prit une douche. Elle se frotta violemment, essayant de se laver de toute mémoire physique des mains de Drago. L'eau était brûlante et elle ne pouvait pas se résoudre à l'éteindre. Quand elle eut fini de se laver, elle continua à rester là alors que les minutes s'écoulaient ; gâchant un temps qu'elle n'avait pas.

Elle ne pleurait pas, se disait-elle. C'était juste l'eau de la douche. C'était juste de l'eau sur son visage.

Elle sécha à peine ses cheveux avant de les tresser rapidement en deux french braid qu'elle coinça à l'arrière de son crâne. Net. Pas une boucle ne dépassait.

Elle faisait l'inventaire de ses potions quand Kingsley vint la trouver.

"Granger, on a besoin de toi à la Chaumière aux coquillages," dit-il.

Hermione se figea un instant avant de se tourner et de dessiner une rune sur un coffre très quelconque posé au sol. Il s'ouvrit et elle en tira un petit sac de cuir. Elle en leva le rabat et fit un rapide inventaire visuel.

"Je suis prête," dit-elle, essayant de calmer les battements rapides de son coeur et la froide sensation de nœud dans son ventre.

Kingsley ouvrit le chemin à travers le Square Grimmaurd puis transplana à la porte d'entrée.

Ils ne réapparurent pas à la Chaumière aux coquillages. Hermione avait su que ça ne serait pas le cas.

Ils se tenaient à l'ouverture d'une étroite grotte. Kingsley s'avança et tapota un gros rocher à côté de l'ouverture de la grotte.

Le sol aux pieds d'Hermione tourbillonna et un escalier s'enfonçant dans le sol apparut. Elle le regarda un moment, pressant les lèvres, avant de descendre.

En bas des escaliers se tenait Gabrielle Delacour, d'une beauté éthérée.

"'Ermione, j'en ai attrapé un autre !" annonça-elle triomphalement. "Il n'est pas marqué, mais je pense qu'il est important parce qu'il est très difficile."

Gabrielle était une recrue récente dans la Résistance britannique. L'une des quelques membres de la Résistance française qui s'étaient échappés dans d'autres parties d'Europe quand Voldemort avait finalement prit le contrôle de la France. Les amis et camarades de classe de Gabrielle étaient tous morts. Elle était arrivée avide de revanche.

Plutôt que de la présenter officiellement à la Résistance britannique ou à l'Ordre, Kingsley avait ajouté Gabrielle à son équipe de reconnaissance secrète ; une équipe dont la plupart des membres de l'Ordre ignoraient largement l'existence.

Les recrues de Kingsley étaient réparties dans l'Europe, rassemblant des renseignements. Ils étaient pour la plupart des agents libres. Kingsley leur laissait de vagues instructions et une grande marge de manœuvre sur les moyens qu'ils utilisaient pour trouver les renseignements. Tant que les renseignements étaient bons, il ne faisait rien pour leur serrer la bride ou remettre leurs méthodes en question.

Ils étaient censés ramener leurs cibles pour les emprisonner. Hermione était appelée pour les soigner avant qu'ils ne soient placés en coma artificiel.

Gabrielle était une collectrice d'informations exceptionnellement douée. Elle utilisait son allure de Vélane pour piéger ses cibles à dans un endroit où elle pouvait les interroger comme elle le voulait. Elle avait aussi tendance à ramener bien plus d'informations que de prisonniers.

Hermione la suspectait de tuer la plupart de ses cibles une fois qu'elle en avait fini avec eux. Il y avait une lueur froidement triomphale dans les yeux de la française qui montrait à la fois la douleur donnée et reçue. La belle jeune femme portait toujours de longues manches et se couvrait précautionneusement des pieds à la tête.

Quand Gabrielle ramenait quelqu'un, cela voulait dire qu'elle n'avait pas été capable de le briser. Dans ce cas, elle se résignait à le laisser aux traditionnelles méthodes d'interrogatoire de Kingsley ou Maugrey : légilimancie, veritaserum et pression psychologique.

À chaque fois que Kingsley amenait Hermione à la plage, elle n'était jamais sûre de ce qu'elle allait trouver.

Elle s'arma.

Elle ouvrit la porte et vit un jeune homme attaché à une chaise. De petites flaques de sang constellaient le sol autour de lui.

Hermione prit une grande inspiration, plaça son sac de cuir sur la table et l'ouvrit, en sortant du matériel et le posant sur la table. Quand tout fut en place, elle s'approcha et lança un sort de diagnostic.

Rien de sévère. Rien qui ne puisse le tuer. Beaucoup de petites blessures dans des endroits qui comportaient beaucoup de nerfs. Elles étaient concentrées sur ses mains et… Hermione déglutit… ses parties génitales.

Il était conscient mais ignorait Hermione, ce qui était normal.

Le travail d'Hermione était de le soigner avant que Kingsley ne l'interroge. Ce n'était pas tant une courtoisie qu'une vis supplémentaire à serrer pendant que le prisonnier s'inquiétait de ce qui allait arriver.

Occasionnellement, la terreur était suffisante pour qu'ils craquent pendant qu'elle travaillait et qu'ils commencent à offrir leurs informations à Hermione.

La première fois qu'Hermione avait été amenée là et avait découvert que l'Ordre autorisait tacitement la torture, elle évait été enragée. Il y avait une différence, une profonde différence, entre utiliser la magie noire pour se défendre et torturer quelqu'un. Accepter de soigner ces prisonniers signifiait qu'elle le permettait.

Kingsley n'avait pas été touché par la conscience d'Hermione. Il n'y avait personne d'autre dans l'Ordre disposant de temps et des compétences pour le faire. Si Hermione ne les soignait pas, les prisonniers seraient laissés dans les conditions où ils étaient quand il leur administrerait la Goutte du mort vivant, les laissant blessés en coma artificiel.

Elle avait essayé plusieurs fois de dissuader Kingsley de laisser à ses recrues tant de marge de manœuvre. Elle avait offert de fabriquer plus de veritaserum. Il l'avait regardée et avait répondu que les membres de la reconnaissance ne voulaient pas de veritaserum, ils voulaient se venger. En les recrutant, il canalisait simplement ça aussi efficacement qu'il le pouvait. L'Ordre avait besoin d'espions qui étaient volontaires pour faire ce qu'il fallait ; ils ne pouvaient pas envoyer des gens qui hésiteraient ou se retiendraient à un moment crucial.

Il lui rappela qu'ils avaient besoin des renseignements, et que ce qui arrivait aux membres de la Résistance capturés par les Mangemorts était pire. Bien qu'Hermione n'ait pas besoin qu'on le lui rappelle ; elle était celle qui avait guéri ce qu'il restait de ces prisonniers.

Mais elle se sentait comme un monstre à chaque fois qu'elle était amenée là pour soigner quelqu'un attrapé par l'équipe de reconnaissance, se demandant si elle permettait de futures victimes en coopérant.

Même s'ils étaient des Mangemorts, vouloir les voir morts sur le champ de bataille était différent de les laisser se faire torturer.

"Je vais soigner vos mains d'abord," dit-elle doucement à l'homme.

Elle s'agenouilla à côté de lui et plaça légèrement sa main sous sa main droite et la leva à la lumière.

Avec un sort rapide, elle pulvérisa une potion analgésique et guida la brume autour des doigts et du pouce. Il y avait eu des aiguilles plantées sous les ongles à répétition.

Quand la peau eut absorbé la potion, elle prit légèrement la main dans les siennes et commença à appliquer les sorts pour réparer les dommages des tissus.

Elle avait fini les trois premiers doigts quand il parla.

"Je te connais," dit-il, levant la tête.

Elle leva les yeux. Il avait l'air vaguement familier. Solidement bâti. Des cheveux foncés avec une barbe épaisse. Ses bras et ses mains étaient poilus.

"Tu es la garce de Sang-de-Bourbe de Potter," dit-il.

Hermione haussa un sourcil et continua avec le doigt suivant.

"Tu as bien grandi," dit-il en la lorgnant. "Je n'aurais jamais pensé qu'une tête touffue comme toi aurait fini par ressembler à ça."

Hermione l'ignora.

"Granger, c'est ça ? Je vais dire à tout le monde que je t'ai vue. Nous pensions que tu étais morte."

Il se pencha en avant jusqu'à ce que son visage soit trop proche de celui d'Hermione.

"Je vais te dire un secret, Sang-de-Bourbe," murmura-il. "Vous allez perdre cette guerre. Et quand ça sera le cas, je vais tuer la garce blonde là-bas si lentement qu'elle me suppliera d'en finir."

Hermione continua à l'ignorer alors qu'elle refermait les fines lacérations de lames de rasoir qui avaient été faites sur ses paumes.

Elle termina la première main puis commença la seconde. Elle redoutait la pensée d'en avoir terminé, mais finalement il n'y eut plus rien à faire sur ses mains et elle ne put plus l'éviter plus longtemps.

"Je vais avoir besoin que vous vous asseyiez, si vous voulez que je soigne ce qui vous a été fait aux parties génitales," se força-elle à dire calmement.

Son corps entier lui semblait glacé. Son ventre était si douloureusement noué qu'elle se demandait si elle serait capable de digérer de nouveau de la nourriture.

Il s'adossa à la chaise à laquelle il était attaché et ouvrit les genoux. Son expression était taquine, comme s'il était celui qui avait le pouvoir.

Elle avait envie de le stupéfixer.

Elle était censée les laisser conscients quand elle les soignait. Ça faisait partie de la psychologie que Kingsley employait.

Elle fit un mouvement de baguette pour déboutonner son pantalon puis elle s'approcha et l'ouvrit.

Gabrielle avait utilisé une sorte de lame fine pour graver des mots sur la longueur de son pénis. Hermione ne pouvait pas lire les mots français sous les incisions irrégulières et le sang. Elle eut un bref moment de gratitude que ce ne soit pas des runes.

Puis elle se mit au travail.

Elle était déterminée à essayer de ne pas le toucher, ce qui rendait le travail avec sa baguette plus élaboré. Elle fit disparaître le sang et lança un charme de nettoyage doux.

Le jeune homme gémit de douleur pour la première fois. Puis elle siphonna de l'essence de Murlap depuis une fiole et l'appliqua magiquement. C'était moins précis et moins doux mais Hermione refusait de s'en soucier.

Hermione marmonna les sorts de guérison nécessaires et lança un second diagnostic. Il avait beaucoup d'alcool dans son organisme. C'était probablement comme ça que Gabrielle s'était rapprochée de lui. Hermione sortit une potion de sobriété et la versa dans sa gorge. Il reconnut la potion parce qu'il ne lutta pas comme elle s'y attendait.

Puis elle fit un pas en arrière et l'observa.

Il leva les yeux vers elle alors qu'elle fouillait dans son sac et en sortait une potion contre la gueule de bois et la lui offrait.

Après qu'il l'ait avalée, il ricana.

"Tu me répares pour le deuxième round ?" devina-il. "Et moi qui pensais que vous étiez des cœurs tendres avec une politique de non-meurtre."

Hermione lui fit un petit sourire qu'elle avait appris de Malefoy.

"Nous n'allons pas vous tuer."

Puis elle tourna les talons et sortit. Alors que la porte se fermait derrière elle, elle se tint là un moment pour se ressaisir.

Elle se sentait comme une putain de garce.

Elle avait menti à Malefoy la première fois qu'elle avait été saoule ; il ne lui restait aucune décence. La guerre l'avait complètement emportée.

La seule chose qu'il lui restait était sa détermination à sauver Harry et Ron. À gagner la guerre.

Elle grimperait sur les corps torturés, se vendrait, et arracherait le cœur de Drago Malefoy si c'était nécessaire pour y arriver.

Quand ses amis seraient en sécurité, elle se tiendrait silencieusement aux côtés de Kingsley et Maugrey, et elle encaisserait sa damnation sans un mot.