Chapitre 42 - Flashback 17
Août 2002
Hermione s'assit sur un rocher de la plage pendant qu'elle attendait que Kingsley la rappelle pour administrer la Goutte du mort vivant. Alors qu'elle était assise, elle ne cessait de se repasser la nuit précédente, encore et encore, cherchant quelque chose qu'elle aurait pu manquer.
Elle avait conclu après plusieurs passages en revue de la nuit que Drago était attirée par elle à un certain niveau. Après tout, il l'avait qualifiée d'adorable, l'avait comparée à une rose dans un cimetière, et revendiqué le fait d'avoir été ébloui. Elle renifla légèrement et se demanda s'il aurait admis une telle chose s'il n'en avait pas été à sa troisième bouteille de whiskey Pur-Feu.
Il manquait d'intimité dans sa vie. Qu'elle corresponde ou non à ses standards généraux en matière d'attirance physique, il était émotionnellement vulnérable face à elle.
Elle avait aussi déterminé qu'il était probablement pour le mieux qu'ils n'aient pas couché ensemble.
Son intérêt actuel était comme l'allumage d'une flamme ; trop de combustible et elle l'étoufferait. Maintenant qu'il semblait indéniable qu'elle avait son attention, elle devait agir précautionneusement. La clé serait de la cultiver avec attention pour qu'elle devienne quelque chose d'incontrôlable pour lui ; quelque chose qu'il ne pourrait s'empêcher de vouloir plus que tout.
Cela prendrait du temps.
Drago était patient. Il avait la volonté de mentir, manipuler, tuer et monter aussi haut que nécessaire pour obtenir ce qu'il voulait. La vengeance… l'expiation, ou ce qui était la base de son alliance avec l'Ordre… était quelque chose pour laquelle il était prêt à attendre ; il souffrirait et se sacrifierait tout le temps nécessaire.
Essayer de diriger son ambition et sa nature insidieusement obsessionnelle vers elle-même était un risque terrifiant. Comme Severus l'avait dit, elle avait autant de chance de détruire l'Ordre que de le sauver.
Elle put se sentir paniquer à cette pensée. Sa poitrine se serra, et elle eut l'impression que le vent de l'océan lui coupait le souffle. Elle laissa tomber sa tête entre ses genoux et se força à inspirer lentement.
Elle pouvait le faire. Elle pouvait le faire parce qu'elle devait le faire. Parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen de gagner la guerre.
La notion même d'être capable de le contrôler avait paru illusoire et théorique jusque là.
L'idée qu'elle puisse acheter la guerre avec son… intimité émotionnelle avait semblé fondamentalement absurde jusqu'à ce qu'elle se sente plongée dans le profond courant de l'attention sans retenue de Malefoy.
Il se contrôlait tellement, même ivre. Même quand il l'avait embrassée. Il ne s'était pas précipité ni n'avait été trop avide. Sa passion n'avait pas été explosive. C'était un feu qui couvait ; le genre qui grandissait secrètement, comme de la lave profondément enfouie sous terre, s'accumulant et attendant de jaillir, détruisant le monde au-dessus. Elle le suspectait de brûler pour les choses encore plus profondément que ce dont il était conscient.
Elle déroula attentivement sa campagne sans son esprit.
Il serait plus prudent la prochaine fois qu'il la verrait. Il la rejetterait sûrement pour récréer de la distance. Peut-être que ça serait à l'avantage d'Hermione.
Après tout, il n'y avait pas de plus grande tentation que le fruit interdit. Au plus il pensait à elle ; à être prudent à proximité d'elle, à comment il ne devrait pas s'approcher d'elle, au plus elle le consumerait. Au plus il la voudrait.
Le fait qu'elle le veuille en retour…
Hermione déglutit et rongea nerveusement l'ongle de son pouce.
Elle utiliserait ça également. Si la tension était réelle des deux côtés, cela rendrait la résistance plus difficile pour lui. Elle ne savait pas faire semblant de toute façon. Elle était trop inexpérimentée. La sensation de désir qu'elle ressentait serait incluse dans son répertoire.
Elle se sourit amèrement.
Elle avait prostitué son âme pour gagner la guerre. Utiliser ses sentiments comme monnaie d'échange devrait être aussi facile.
Devrait l'être…
D'une certaine façon, rationaliser les choses ne les rendait pas toujours moins douloureuses.
Le son crissant des pierres qui s'entrechoquaient attira son attention. Elle se retourna et vit Bill qui approchait.
"Kingsley m'envoie te trouver ; il a fini," dit Bill.
Hermione le fixa. La guerre avait fait vieillir le plus âgé des enfants Weasley. Le conjureur de sort cool et désinvolte s'était transformé en un homme à l'air dur et pensif.
Bill avait été celui qui était en mission avec Arthur quand Arthur avait reçu le maléfice. La culpabilité avait étouffé quelque chose en lui. Il était froid, fiable et mécanique dans son travail, et son travail était tout ce qu'il faisait. Hermione le consultait parfois pour la recherche sur les sorts. Il n'y avait jamais d'échanges de banalité ; pas de plaisanteries ou de remarques hors-sujet. Même Severus avait plus de conversation.
Hermione se leva et le suivit. Alors qu'ils marchaient le long de la plage, Bill s'arrêta brusquement et la regarda.
Hermione attendit.
"Gabrielle…" commença Bill, puis il hésita. "Fleur est inquiète."
Hermione ne dit rien. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle pouvait dire sur la jeune fille.
"Qu'est-ce qu'elle fait exactement ?" demanda Bill.
"Elle intercepte des messagers que Tom envoie dans d'autres parties de l'Europe," dit Hermione avec prudence.
"Je sais ça. Mais comment ?"
"Elle ne me l'a pas dit," dit Hermione. "Tu vas devoir lui demander, ou à Kingsley."
"Je pense qu'elle couche avec eux," dit brusquement Bill. Son visage entier semblait gravé dans la pierre. "Je pense qu'elle couche avec eux et quand ils sont endormis, elle les attache et les torture."
Hermione pinça les lèvres et ne dit rien.
"Je ne sais pas," dit finalement Hermione après une longue pause. "Je ne fais que soigner les cibles apportées ici. Je ne suis pas informée des méthodes."
Bill serra visiblement la mâchoire. "Beaucoup de soins ?"
Hermione bougea et se gratta le nez.
"Rien de permanent," dit-elle à voix basse.
Il resta silencieux pendant un moment avant de se tourner pour continuer à avancer. Hermione le suivit jusqu'à l'escalier sur la plage.
Le prisonnier était toujours sous haute influence du veritaserum quand elle entra dans la pièce. Il était affalé sur la chaise avec sa tête roulant sur le côté.
Hermione s'avança et lui lança un charme de diagnostic.
"Nous allons gagner… gagner. Vous allez mourir. Vous allez tous mourir…" marmonnait-il dans sa barbe.
Hermione examina le diagnostic et se rendit compte que Kingsley lui avait administré une sorte d'hallucinogène avec la potion de vérité. Elle regarda sévèrement vers le bureau où Kingsley était en train de prendre des notes.
"La réaction chimique des ces potions peut causer une manie permanente et un comportement obsessionnel," dit-elle en réprimande. "Tu aurais dû me consulter."
Kingsley leva les yeux vers elle.
"J'ai consulté notre autre maître des potions," dit-il calmement. "L'interrogatoire n'est pas ta spécialité. Celui-là connaissait l'occlumancie. Il a demandé des mesures additionnelles."
Hermione se mordit la langue et se retourna vers le prisonnier. Son cerveau montrait des signes extrêmes d'inflammation. Elle jura tout bas et fouilla dans son sac pour trouver quelque chose qui pourrait neutraliser les effets. C'était une réaction inhabituelle ; sans son stock complet de potions elle avait des options limitées pour la neutraliser.
Une teinture de bave distillée de billywig combinée avec une goutte de sirop d'hellébore aurait un effet refroidissant sur le cerveau, détermina-elle. Elle les mélangea rapidement dans une fiole puis pencha la tête du prisonnier en arrière pour le lui administrer.
Ses yeux étaient révulsés, et quand elle toucha ses lèvres avec la fiole, il ferma les yeux et la bouche.
"Allez," dit gentiment Hermione. "Ça va aider pour votre tête."
Il ouvrit un œil pour la regarder pendant un moment avant d'ouvrir l'autre. Elle le regarda alors que ses pupilles se dilataient soudain, et que son regard s'accrochait intensément à elle.
"Je me souviens de toi," dit-il, "tu es la garce de Potter."
"Il faut que vous preniez ça ou vous allez risquer des dommages cérébraux," dit Hermione, imperturbable.
Il écarta les lèvres et but la mixture puis siffla et secoua légèrement la tête. Hermione relança un charme de diagnostic et regarda l'inflammation se calmer rapidement.
Elle regarda de nouveau le visage du prisonnier et vit que ses pupilles s'étaient contractées en de tous petits points au centre de ses iris. Son regard était toujours accroché à Hermione d'une façon qui devint rapidement déconcertante.
"Comment vous sentez-vous ?" demanda-elle.
"Froid… Mon cerveau est froid, mais ta vision réchauffe le reste de mon corps," dit-il d'un ton vaguement chantant.
Il plongea soudain en avant et ses dents claquèrent dans l'air alors qu'Hermione reculait rapidement. Il rit.
"Que pensez-vous être ? Un loup-garou ?" dit-elle vivement. La question était rhétorique ; le diagnostic aurait indiqué une lycanthropie.
Il ricana. Son expression était toujours hébétée à cause du veritaserum; mais ses yeux demeuraient fixés sur Hermione.
"Je ne suis pas un loup-garou. Mais je vais me souvenir de toi," dit-il. "Quand vous perdrez cette guerre, je vais me souvenir de toi. Je vais tuer cette garce blonde, mais je pense que je vais demander au Seigneur des ténèbres si je peux t'avoir. Il pourrait vouloir te garder en vie. Je te garderai en vie."
Ses yeux rampèrent sur Hermione et elle frissonna. Elle était en train d'en arriver à regretter d'avoir soigné l'inflammation. Quelque chose dans la rapidité avec laquelle elle avait neutralisé l'hallucinogène avait apparemment verrouillé la tendance obsessionnelle dont elle s'était inquiétée directement sur elle.
"Assez, Montague !" dit vivement Kingsley, se levant et s'approchant.
Hermione jeta un coup d'œil au prisonnier, le reconnaissant finalement. Il avait été quelques années au-dessus d'elle à Poudlard. Graham Montague.
"Nous avons tout ce que nous avions besoin de lui," dit Kingsley, ressemblant plusieurs rouleaux de parchemin. "Tu peux lui administrer."
Hermione hocha la tête et stupéfixa Montague. Ses yeux étaient toujours fixés son visage quand il s'écroula en arrière.
Alors qu'elle finissait de le préparer pour sa stase, elle se consola en se disant que si l'Ordre perdait la guerre, il était peu probable que la grotte soit découverte. Elle ne le reverrait plus jamais.
Quand la Goutte du mort vivant fut administrée, Hermione passa Montague à Bill et retourna au Square Grimmaurd.
Drago n'avait pas laissé de parchemin de renseignements quand Hermione retourna à la masure ce soir-là. Elle y resta quelques minutes, se demandant s'il se montrerait pour qu'elle vérifie le tissu cicatriciel.
Après dix minutes d'attente, elle partit.
Elle ne savait pas ce que ça signifiait. Il était possible qu'il n'ait pas eu de nouveaux renseignements, mais elle ne pouvait pas étouffer sa peur que ça soit une punition pour ce matin-là. Elle essaya de ne pas se laisser stresser et de se rassurer en se disant que s'il y avait quoi que ce soit d'urgent, il l'aurait mentionné plus tôt.
Ne plus avoir besoin de soigner Drago chaque soir lui donnait l'impression de stagner dans ses progrès. Elle se surprit à penser souvent à lui. Pas stratégiquement. Elle se demandait comment il allait, si les cicatrices l'irritaient.
Elle continuait de ré-évaluer et ré-analyser leur session de baisers et ses suites jusqu'à ce qu'elle ait l'impression d'être un peu folle.
Son caractère non concluant irritait son esprit. Elle trouva difficile de se concentrer ou de dormir cette semaine-là.
Elle avait abandonné l'idée d'utiliser sa chambre pour dormir. Harry et Ginny l'occupaient régulièrement pour la nuit entière. Harry dormait quand il était avec Ginny. Il pouvait en fait dormir paisiblement. L'effet était spectaculaire. Son humeur s'était stabilisée comme elle ne l'avait pas été depuis des années, et Hermione le croisait rarement dans le salon la nuit. Le stress qui l'avait rongé pendant des années semblait s'être apaisé pour la première fois depuis la mort de Dumbledore.
Hermione s'était mise à dormir dans les lits vides qu'elle trouvait ou dans la salle d'entraînement. Elle continuait consciencieusement à s'exercer et à améliorer son endurance.
Le mardi suivant elle était si stressée qu'elle prit un philtre Calmant avant de transplaner à la masure. Elle n'avait aucune idée de ce que Drago pourrait faire.
Quand elle arriva dans la masure, elle bondit sur ses talons pendant qu'elle attendait. Puis elle réalisa qu'il y avait un rouleau de parchemin posé sur la table.
Elle le fixa pendant un moment avant de le prendre et de le dérouler. Les raids de la semaine qui arrivait. Des contre-sorts.
Rien d'adressé directement à Hermione.
… non qu'elle se soit attendue à ce qu'il lui laisse une note personnelle.
Elle soupira légèrement et partir.
Elle ne le vit pas pendant tout le mois d'août.
Cela la tracassa. Le silence intentionnel entre eux la rongeait. Elle ne cessait de se repasser ce qui était arrivé, remettant en question ses conclusions et en tirant de nouvelles. Peut-être qu'elle avait tout ruiné. Ou peut-être qu'il l'évitait parce qu'il avait peur d'à quel point elle le tentait.
Elle ne cessait de vaciller. Était-ce un bon signe ou un mauvais signe ?
Le pire dans tout ça était qu'il lui manquait. Elle détestait se l'admettre, mais elle se sentait forcée de le reconnaître. Traiter sa blessure était devenu un aspect significatif de sa vie quotidienne. Le voir brusquement s'arrêter lui en faisait durement ressentir l'absence. Il n'y avait pas beaucoup de gens qu'elle voyait régulièrement.
Elle ne cessait de se repasser toutes leurs interactions passées. Elle ne cessait de le ré-évaluer, lui et tous ses comportements. Elle était obsessionnelle, mais elle ne savait pas quoi faire d'autre. Elle avait besoin de lui pour l'Ordre.
Elle devait être obsessionnelle à son propos. C'était son travail.
Elle n'avait cependant pas besoin de ressentir le manque de lui, se disait-elle fermement. C'était une faille personnelle.
Septembre arriva et il continua de simplement laisser des rouleaux de parchemin sans apparaître.
Hermione commença à se sentir fracturée.
Elle ne savait pas ce qu'elle était censée faire.
C'était intelligent de sa part, bien sûr. Si elle était à sa place, c'était probablement ce qu'elle aurait fait. Mais ça ne résolvait pas le problème de ce qu'Hermione était censée faire à ce propos.
Elle continuait à faire ses récoltes et à visiter la masure avec un espoir déclinant peu à peu.
Comme Malefoy l'avait avertie, des parties plus en plus grandes de la campagne Anglaise s'étaient vues appliquer des protections anti-transplanage. Pendant des semaines, Hermione avait essayé d'éviter les zones en question et de faire ses récoltes ailleurs, mais finalement les protections avalèrent tous les endroits où elle avait besoin de faire ses récoltes. Elle essaya de trouver de nouveaux endroits, mais elle n'arrivait pas à obtenir des quantités suffisantes de certains ingrédients cruciaux.
Quand son stock de dictame se tarit, elle abandonna et s'aventura dans une forêt protégée. Elle lança tous les sorts de détection qu'elle connaissait et resta alerte.
Elle avait récolté son troisième grand parterre de dictame quand la forêt devint anormalement calme. Elle rangea immédiatement sa récolte et se retourna vivement, lançant des sorts de détection dans toutes les directions. Rien.
Elle se fia à son instinct. Elle était à trente bons mètres de la limite de la zone d'anti-transplanage. Elle s'y avança calmement, essayant de ne pas laisser paraître son inquiétude. Elle tenait son couteau d'argent d'une main et sa baguette dans l'autre alors qu'elle traçait précautionneusement son chemin à travers les fougères.
Ils attendirent qu'elle soit assez proche de la limite pour espérer y arriver.
Des dents acérées comme des rasoirs se plantèrent soudainement à l'arrière de sa jambe droite. Elle cria légèrement et se retourna pour voir qu'un gytrash avait émergé des ténèbres et ouvert sa cuisse.
"Lumos !" aboya-elle. Le chien fantomatique relâcha promptement sa jambe et se fondit dans les ténèbres de la forêt. Hermione ne s'arrêta pas pour vérifier sa blessure. Elle leva sa baguette et chercha d'autres créatures. Les gytrash avaient tendance à se déplacer en meute.
Ils étaient aussi peu enclins à être agressifs avec les humains adultes.
Alors qu'elle se retournait avec méfiance, quelque chose tomba brusquement sur elle depuis un arbre au-dessus. Elle eut à peine le temps de lever les yeux pour voir la peau pâle et les longs crocs d'un vampire avant qu'il ne la fasse tomber. Le vampire ferma sa main autour du poignet de la main de baguette d'Hermione et l'épingla au sol en plongeant ses crocs dans son épaule.
Hermione ne réfléchit même pas. Elle fouetta l'air de son couteau de récolte et enfonça la lame d'argent dans la tempe du vampire, se libérant. Elle sauta sur ses pieds et fonça de l'autre côté de la protection anti-transplanage.
Elle réapparut et s'effondra presque au milieu du ruisseau de Whitecroft.
Ce n'était pas un endroit idéal pour transplaner. Elle regarda autour d'elle étourdiment et se demanda pourquoi diable ça avait été le premier endroit auquel elle avait pensé. Elle saignait abondamment. Les crocs des vampires injectaient un venin anticoagulant dans le sang au premier contact, et Hermione s'était méchamment déchiré l'épaule quand elle s'était libérée. Son épaule entière était trempée de sang quand elle se leva et essaya de retrouver ses repères.
Elle baissa les yeux vers sa jambe. Elle saignait méchamment de là aussi.
Elle n'avait pas l'énergie de retransplaner.
Une voiture arriva et Hermione plongea maladroitement sous le pont le temps qu'elle passe. Elle avait le matériel nécessaire pour se soigner mais elle n'avait pas particulièrement envie de le faire sous un pont obscur.
Elle vérifia l'heure. Il était une heure plus tôt que l'heure à laquelle elle était censée aller à la masure récupérer le message de Drago. Elle soupira. Le connaissant, il l'avait probablement laissé la nuit précédente de toute façon.
Elle lança un sort de Désillusion sur elle puis pressa sur son épaule pour ralentir le saignement et boita jusqu'à la masure.
Comme elle l'avait deviné, le rouleau était déjà sur la table quand elle ouvrit la porte. Elle leva les yeux au ciel et le fourra dans sa sacoche avec sa main la moins tachée de sang.
Hermione s'assit lourdement sur une chaise et lança un sort de diagnostic. Elle avait beaucoup saigné. Elle commencerait à se sentir étourdie si elle n'arrêtait pas rapidement les saignements. Elle sortit un bandage de son kit d'urgence et utilisa un sort pour l'enrouler fermement autour de sa cuisse. Elle soignerait la morsure du gytrash après avoir réparé son épaule.
Elle arqua le cou pour essayer de voir les entailles. Le mouvement tordit la blessure ; elle siffla et fit apparaître un miroir. Le vampire l'avait mordue à la jonction entre son cou et son épaule. Quand elle s'était libérée, les crocs avaient creusé de longues et profondes lacérations le long de sa clavicule, manquant de peu sa veine jugulaire et son artère carotide.
Hermione déchira sa chemise et lança un sort de nettoyage. Utilisant le miroir et travaillant maladroitement à l'envers, elle écrasa et pétrit des feuilles de dictame fraîche puis les fourra dans les entailles. La dictame n'était pas très efficace fraîche, surtout entière, mais elle n'avait pas de pilon sous la main. Elle mâcha quelques feuilles pendant qu'elle travaillait.
Tenant sa chemise en boule fermement contre les entailles d'une main, elle entreprit de travailler à mélanger ensemble une infusion qui pourrait fonctionner comme coagulant. Elle ne pouvait pas faire de potion, mais elle avait de l'achillée mille-feuille et de l'essence de murlap. Elle les combina avec quelques mouvements experts de baguette et les avala rapidement. Après une minute, le saignement de son épaule commença à ralentir.
Elle était couverte de sang, et il y avait une bonne flaque accumulée sur le sol en-dessous d'elle. Elle l'ignora. Elle nettoierait la masure quand elle en aurait terminé.
Elle utilisa le miroir pour commencer à enlever les feuilles de dictame des entailles, puis elle relança un sort de nettoyage sur la zone et réévalua les blessures. L'avantage des morsures de vampire était qu'elles guérissaient facilement sans laisser de cicatrices.
Elle débuta près de sa clavicule, là où les lacérations étaient les moins profondes et commença à marmonner les sorts pour refermer la peau.
Elle en était à la moitié de son épaule quand Drago apparut brusquement dans la pièce.
Il blanchit légèrement quand il la vit et Hermione rougit et regretta immédiatement d'avoir déchiré sa chemise. Puis elle renifla, parce qu'elle était couverte de sang ; à moins que Drago n'ait un fétiche bizarre il n'accordait probablement pas d'attention aux vêtements qu'elle portait ou ne portait pas.
"Que s'est-il passé ?" demanda-il après l'avoir fixée pendant plusieurs secondes.
"J'étais en train de faire ma récolte," dit Hermione avec affabilité, se reconcentrant sur son reflet dans le miroir et reprenant sa guérison. "Désolée. Je nettoierai le sol avant de partir."
"Est-ce que tu vas bien ?" demanda-il.
Hermione rit. Elle était passée plus proche de la mort qu'elle ne l'avait été depuis un long moment et elle était légèrement étourdie de la perte de sang et qu'on lui pose une telle question alors que son sang gouttait sur le sol du bâtiment délabré de Drago était juste étrangement hilarant pour elle.
"Hé bien, non," dit-elle. "Mais ce n'est rien que je ne puisse arranger."
Drago se mit visiblement en colère.
"Je t'avais dit d'être prudente," dit-il finalement.
"Je l'ai été," dit Hermione, son amusement disparaissant soudain. C'était lui qui avait dit qu'il lui apprendrait à se défendre puis avait refusé de ne serait-ce que poser les yeux sur elle depuis qu'elle avait fini de le soigner. "Mais comme tu en es conscient il y a des protections anti-transplange partout en Angleterre. Je suis tombée à court de dictame. C'est un ingrédient crucial pour nous. J'ai jeté des sorts de détection et j'ai essayé de partir dès que j'ai détecté quelque chose. Mais comme tu l'as toi-même remarqué, c'est grâce à la bienveillance du Destin que je suis encore en vie à ce stade." Sa voix se fit amère. "Ma chance devait bien s'épuiser."
"Pourquoi ne pas juste l'acheter comme une personne normale ?" demanda-il comme si elle était obtuse.
"Parce que," dit Hermione la voix tendue avec côté strident et légèrement moqueur, "je suis une terroriste connue. Peut-être que tu as oublié. Et…" elle eut un hoquet "... je… n'ai… plus… d'argent."
Il resta silencieux et se tint juste à la regarder pendant une minute.
"Que s'est-il passé ?" demanda-il encore.
"Je récoltais dans le Hampshire. La forêt est devenue silencieuse donc j'ai lancé des sorts de détection mais ils n'ont rien montré. J'ai cependant décidé de partir quand-même. J'étais presque sortie quand j'ai été mordue par un gytrash, puis quand je l'ai fait fuir un vampire m'a attaquée. Je l'ai tué et j'ai transplané. Je ne sais pas pourquoi mais je suis venue à Whitecroft. Ce n'était pas volontaire. Mais j'avais perdu trop de sang pour transplaner de nouveau et je n'ai pas… j'ai utilisé toute mon essence de dictame. Et sans feuilles de dictame je ne peux pas faire de potion de régénération sanguine non plus. Donc j'ai dû venir ici pour réparer ça manuellement."
La voix d'Hermione tremblait alors qu'elle finissait de parler, et elle se retrouva au bord des larmes. Alors qu'elle racontait ce qu'il s'était passé, cela avait brusquement cessé d'être drôle et avait commencé à être traumatique et horrible et trop proche de la mort.
Elle commença à hyperventiler alors qu'elle prenait conscience d'à quel point elle avait été proche de mourir seule dans une forêt. Personne n'aurait même su où la chercher, et le temps qu'ils y pensent elle serait morte depuis longtemps.
Elle ferma la bouche et hoqueta plusieurs fois alors qu'elle essayait de respirer calmement.
"Je pense que je suis en état de choc," dit-elle.
Sa voix semblait bizarrement petite et enfantine. Elle eut du mal à déglutir.
Elle avait envie de pleurer, mais elle refusait de se laisser aller. Elle avait déjà pleuré plusieurs fois devant Malefoy. Elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle était quelqu'un qui pleurait juste sur tout.
Elle était si en colère qu'il soit là. De toutes les fois où il aurait pu décider de se montrer, il avait fallu que ça soit ce jour-là. Elle regretta de ne pas avoir transplané ailleurs.
"Je ne vais pas mourir. L'Ordre n'est pas en crise. Alors tu peux juste partir. Je nettoierai avant de partir, tu ne sauras même pas que j'étais là," dit-elle.
Ce n'était pas la chose stratégique à dire, mais elle ne voulait pas le regarder. Il l'avait embrassée puis l'avait traitée de garce. Il l'avait laissée le soigner pendant des semaines et ne l'avait remerciée que quand il était ivre puis lui avait dit qu'il avait l'intention d'aller voir un autre guérisseur à la minute où il était redevenu sobre.
Il l'avait évitée.
Il lui avait fait ressentir le manque de lui comme une idiote alors qu'il était probablement parti coucher avec autant de prostituées aux seins et aux courbes généreuses que son cœur le désirait.
Elle le détestait. Et elle ne voulait pas qu'il la voie quand elle était couverte de sang, hystérique et traumatisée.
Pourquoi ne pouvait-il pas la laisser seule quand elle le lui demandait ?
Après une minute elle retourna à la guérison de son épaule dans le miroir. Il continua à rester là et à la regarder.
En quelques minutes, les entailles furent refermées et seules de légères cicatrices subsistèrent. Elles s'estomperaient une fois qu'elle aurait une décoction de dictame à appliquer dessus.
Elle fit venir la seconde chaise, leva le pied et commença à déballer sa jambe. Puis elle découpa son jean au niveau du genou et le fit tomber avec les restes de sa chemise dans la flaque de sang.
Elle examina la morsure de gytrash. Il était difficile de voir les perforations à l'arrière de sa cuisse. Elle bougea les hanches pour mieux voir. Deux longues entailles et plusieurs perforations. Elle lança un sort de nettoyage sur la zone pour enlever le sang. Aucune d'entre elles n'étaient très profondes. Elle ne pensait pas que ça laisserait de cicatrice.
Elle les répara rapidement.
La pièce semblait tourner légèrement. Elle s'adossa et ferma les yeux pendant une minute. Puis elle les rouvrit et jeta un nouveau charme de diagnostic sur elle. Elle avait perdu un peu plus d'un demi litre de sang, ce qui aurait dû être une perte acceptable, mais elle était suffisamment en sous-poids pour que ça dépasse 15% de son volume sanguin.
Elle cilla devant le diagnostic pendant plusieurs instants puis fit apparaître un verre d'eau. Ses lèvres picotaient légèrement.
Elle fouilla dans son sac, essayant de voir si elle avait de la nourriture et trouva une barre de céréales dont elle n'avait aucun souvenir. Elle but l'eau et entreprit de manger, ignorant obstinément la présence continue de Drago. Il se tenait toujours là à la regarder.
Quand elle eut fini son troisième verre d'eau et chaque miette de céréales, elle leva les yeux vers lui avec irritation.
"Je vais être là pendant un moment avant de pouvoir de nouveau transplaner," dit-elle en le regardant.
"Pourquoi ne peux-tu pas transplaner ?" demanda-il.
Elle le fixa pendant un moment puis fit un geste vers le sol.
"Perte de sang. J'ai dû marcher du pont jusqu'ici. Il y a probablement une trace, d'ailleurs. Comme je l'ai mentionné, j'étais à cours de dictame, donc je n'ai pas de potion de régénération sanguine sous la main dans mon kit d'urgence. Je vais devoir attendre de me sentir assez stable pour transplaner. Si je me lève maintenant, je vais probablement juste m'évanouir."
Drago pâlit de rage. Sa mâchoire ne cessait de se contracter et de se relâcher de la même façon que Ron quand il était sur le point d'exploser. Il continua à la fixer comme s'il était contrarié de sa simple existence.
Il avait clairement réussi à surmonter l'intérêt passager qu'il avait eu pour elle. Elle s'était languie de lui et il avait apparemment passé les six dernières semaines à se souvenir qu'il la détestait, qu'il l'avait toujours détestée et que son existence de Sang-de-Bourbe dans le monde était une offense pour lui.
Il était en effet un bien meilleur occlumens qu'elle.
Elle devrait admettre auprès de Maugrey qu'elle avait fait un faux pas et avait failli à son devoir.
Sa lèvre tremblait, et elle détourna les yeux pour commencer à nettoyer le sang sur le sol avec l'aisance que conférait la pratique. Les tâches ne s'en iraient pas de sa chemise alors elle la fit disparaître plutôt que d'essayer de la réparer.
Elle leva les yeux et se rendit compte que Malefoy avait transplané sans un bruit. Elle grimaça. Elle avait ignoré qu'il était capable de transplaner silencieusement.
Elle se retrouva à la fois soulagée et dévastée qu'il soit vraiment parti. Elle secoua vivement la tête et ne laissa s'échapper qu'un sanglot, très doucement, avant de retourner au nettoyage du sol.
Alors qu'elle fouillait dans sa sacoche pour trouver quelque chose à transformer en chemise, il réapparut brusquement.
"Potion de régénération sanguine," dit-il d'une voix froide alors qu'il lui tendait une fiole.
Elle la fixa. Elle reconnaissait l'écriture pointue de Severus sur l'étiquette. Elle la déboucha et avala le contenu.
La pièce cessa immédiatement de bouger, et ses lèvres arrêtèrent de picoter.
"Merci," dit-elle. Elle métamorphosa un chiffon en un t-shirt blanc et, après avoir nettoyé son épaule, son bras et son torse, l'enfila. Puis elle rassembla son matériel dans son kit et se leva pour partir.
"Tu vois ?" dit-elle avec un geste vers le sol. "Je n'ai jamais été là."
Il ne dit pas un mot alors qu'elle passait la porte.
