Chapitre 43 - Flashback 18

Septembre 2002

Quand Hermione revint à la masure la semaine suivante, il n'y avait pas de rouleau sur la table.

Il n'y avait également pas de table ni de chaises. Le peu de meubles qui avaient été présents avait disparu.

Son ventre se noua et elle sentit la poignée de porte cliqueter sans sa main.

Elle continua à fixer la pièce, souhaitant qu'un rouleau apparaisse. Elle regarda autour du reste de la pièce. Peut-être qu'elle avait manqué quelque chose.

Les meubles étaient partis.

Elle marcha lentement dans la pièce et regarda autour d'elle.

Peut-être qu'il était juste occupé. Peut-être qu'il l'apporterait dans la soirée, pensa-elle nerveusement.

Mais les meubles étaient partis.

Peut-être qu'il avait été blessé ou tué. Cela ne lui était jamais venu à l'esprit jusqu'à maintenant ; il pourrait mourir et elle ne le saurait même pas. Il disparaîtrait juste, et elle ne le reverrait plus jamais.

Severus le lui dirait sûrement si Drago mourrait.

En outre, les meubles avaient disparu.

Elle resta au milieu de la pièce, se demandant quoi faire.

Il ne mettrait sûrement pas fin à son arrangement avec l'Ordre juste parce qu'elle avait saigné sur ses meubles de seconde main. Il s'était fait écorcher le dos pour être un espion. Des traînées de sang dans sa planque ne pouvait possiblement pas être sa limite.

Peut-être qu'il avait juste brûlé les meubles.

Elle tourna sur elle-même une dernière fois puis fixa la porte. Elle reviendrait dans la soirée. S'il n'y avait rien d'ici la semaine suivante, alors elle s'autoriserait à paniquer. Elle n'allait pas se laisser paniquer maintenant. Il pouvait y avoir une autre explication.

Elle avait à moitié franchi la porte quand elle entendit un pop. Elle se retourna et vit Malefoy qui se tenait au milieu de la pièce.

Elle le regarda, les yeux écarquillés, incertaine. Il la regarda des pieds à la tête, comme s'il s'attendait à ce qu'elle soit de nouveau blessée.

"Nous devrions reprendre la formation," dit-il après un moment.

Hermione ne dit rien. Elle se sentait déchirée entre le désir de rire et de pleurer. Le coin de sa bouche se tordit et elle essaya de déglutir malgré une grosse boule dans sa gorge. Ses mains tremblaient légèrement et elle lutta pour garder toutes les choses furieuses qu'elle avait envie de dire.

Je suis venue chaque semaine. C'est toi qui a arrêté de venir. Je ne voulais même pas boire ce soir là. C'est toi qui m'a fait rester et qui m'a ensuite punie pour ça. Pourquoi est-ce que ça a seulement de l'importance pour toi ? Pourquoi es-tu là ? Pourquoi est-ce que tu espionnes pour nous ? Pourquoi ne peux-tu pas être cohérent, pour que j'arrête de me demander si tu es rachetable ou pas ? J'étais là. J'étais là et c'est toi qui n'est jamais revenu.

Elle ne dit rien. Elle resta juste sur le pas de la porte.

Elle avait juste envie de se retourner et de partir. De partir et d'essayer de comprendre pourquoi elle s'en souciait.

Elle s'en souciait. Elle se sentait trahie.

Il lui avait donné de sinistres avertissements, lui avait ordonné de faire des exercices, de s'entraîner au duel et d'être prudente. Il n'avait rendue paranoïaque et stressée à chaque fois qu'elle sortait faire une récolte jusqu'à ce qu'elle puisse à peine respirer quand elle était dehors ; jusqu'à ce qu'elle ne puisse même plus manger le soir précédant sa sortie parce que la nourriture ressemblait à de la cendre, et son estomac se nouait si fort à cause de l'anxiété qu'elle n'arrivait pas à avaler.

Il lui avait fait réaliser à quel point elle ne voulait pas mourir.

Elle ne voulait pas mourir.

Il lui avait dit qu'il la formerait, la ridiculisant parce qu'elle n'était pas assez impitoyable, et puis… il l'avait abandonnée.

Il n'avait pas abandonné l'Ordre.

Il n'avait abandonné qu'elle-même.

Ce qui aurait dû être ok. Ça aurait dû être ok pour elle. Ça avait toujours été censé être à propos de l'Ordre. Mais ça l'avait blessée. Chaque semaine où il ne s'était pas montré, elle avait eu l'impression d'être abandonnée, encore et encore.

Était-ce donc si facile de l'abandonner ?

Sa poitrine trembla, et ses pommettes lui firent mal sous l'effort qu'elle dût faire pour ne pas pleurer.

Elle ne fit rien ; ne dit rien. Elle fit que le fixer avec des yeux écarquillés et continua à déglutir jusqu'à ce qu'elle ne se sente plus sur le point de fondre en larmes.

"Très bien," dit-elle. "Aujourd'hui ? Ou est-ce que c'est un avertissement pour la semaine prochaine ?"

"Aujourd'hui," dit-il. "À moins que tu n'aies d'autres obligations ce matin."

Elle n'avait pas d'autres obligations. Elle avait le temps. Avec Padma qui prenait progressivement de plus en plus du travail d'Hermione, Hermione avait rarement d'autres obligations. À moins que Kingsley n'ait besoin d'elle, ou qu'il y ait une blessure grave, elle était complètement à la disposition de Malefoy.

Elle suspectait qu'il le savait.

Elle était une guérisseuse de magie noire et une spécialiste des sorts. Elle avait un master en potion. Elle avait mis ses amis de côté et avait finalement renoncé à eux pour devenir tout ça ; pour devenir un atout dans l'effort de guerre.

Mais la contribution à l'Ordre dont on avait le plus besoin de sa part était qu'elle se glisse dans la peau d'une femme fatale capable de manipuler émotionnellemment Drago Malefoy pour qu'il soit dépendant d'elle ; pour essayer de pendre l'avantage de son manque d'intimité jusqu'à ce qu'elle le possède.

Parfois ça la mettait tellement en colère qu'elle pensait qu'elle pourrait en mourir.

Tout était de la faute de Malefoy. C'est lui qui avait demandé après elle. C'était lui qui leur avait fait ça à tous les deux, mais elle était actuellement celle qui en payait le prix.

Il y avait des moments où elle lui en voulait tant qu'elle avait l'impression que son cœur pourrait se transformer en poussière dans sa poitrine.

Elle retourna dans la masure et ferma la porte.

"Quand tu as échappé au vampire, comment as-tu fait ?" demanda-il après un moment.

"J'avais mon bras de baguette épinglé, alors je l'ai poignardé dans la tempe avec mon couteau de récolte en argent," dit-elle en frissonnant, essayant de ne pas le regarder.

Ça lui faisait mal… de le regarder.

Il hocha la tête, ses yeux ne quittant pas Hermione. "Est-ce que tu as habituellement un couteau sur toi ?

"Hé bien, c'est pour faire des récoltes donc oui, il est d'habitude dans ma sacoche."

"Tu devrais le porter sur toi. Tu gardes ta baguette dans un holster sur ton bras, non ?" Son regard se baissa et passa de haut en bas du corps d'Hermione comme s'il la cataloguait.

"Hé bien, parfois," dit-elle, croisant les bras contre sa poitrine, mal à l'aise de cette attention. "Elle fait presque vingt-huit centimètres. Mes avant-bras ne sont pas aussi longs. La porter ainsi restreint les mouvements de mon bras. Soit je perds en mobilité du poignet, soit je ne peux pas plier mon coude."

Elle sortit sa baguette de la poche de sa veste et la tint à côté de son avant bras en guise de démonstration.

Drago fronça les sourcils et fit rouler sa mâchoire.

"C'est problématique. Où est-ce que tu la gardes ?"

"Si j'ai une veste, je la garde dans ma poche intérieure. Sinon, je la mets dans ma sacoche ou dans ma poche."

"Ce n'est pas assez pratique. Si tu es attaquée, tu ne pourras pas la sortir à temps. Tu devrais au moins avoir un couteau. Tes vêtements sont protégés maintenant, non ?"

"Oui," dit immédiatement Hermione. "Tout ce que je porte quand je suis en récolte a des charmes de protection."

George et les autres habitants des hospices qui avaient toujours les mains assez stables pour jeter des sorts passaient la plupart de leur temps à tisser des sorts dans les vêtements des combattants de la Résistance.

"Est-ce que tu préfères les capes ou les vestes ?" demanda-il après un moment, le ton étrangement désinvolte.

Les yeux d'Hermione se plissèrent.

"Les capes se fondent mieux dans le monde sorcier. Une veste sur une femme tend à signaler qu'elle est née-Moldue," dit-elle.

"Très bien alors," dit-il, tirant sa baguette de son poignet puis la faisant passer dans sa main droite. "Voyons si tu t'es améliorée depuis la dernière fois."

Hermione posa sa sacoche et la protégea avant de prendre une pose de duel.

Elle s'était dramatiquement améliorée depuis leur dernier entraînement quand il avait été blessé. Elle s'était exercée au point que son endurance était correcte, et Kingsley et Maugrey l'avaient tous les deux entraînée à plusieurs reprises.

Elle était aussi assez en colère pour avoir vraiment envie de lancer des maléfices à Drago.

Il dût vraiment bouger plusieurs fois pour éviter ses sorts et elle bloqua la plupart de l'eau qu'il lui envoya. Finalement il s'arrêta.

"Tu t'es améliorée,' dit-il.

"Je ne veux pas mourir," dit-elle avec un haussement d'épaules. Sa voix n'était que légèrement amère.

"Bien," dit-il avec un bref hochement de tête. Il rangea sa baguette et fouilla dans ses robes. Il sortit un rouleau de parchemin puis une grande bouteille qu'Hermione reconnut immédiatement comme remplie d'essence de Dictame.

Elle poussa une exclamation et tendit les mains sans réfléchir. L'essence de Dictame demandait une telle quantité de feuilles de Dictame qu'il était rare qu'elle en ait. Ils en avaient eu un stock quand l'Ordre avait attaqué la division des sorts, mais elle en avait utilisé la plus grande partie pour soigner les prisonniers. Ce qu'il restait, elle l'avait utilisé pour neutraliser le venin dans les runes de Drago.

Elle n'avait pas été capable d'en acheter ou d'en produire plus après ça. Une seule goutte demandait un boisseau de feuilles. Elle utilisait généralement sa dictame en poudre ou en décoction à la place. L'efficacité était moindre, mais ses réserves récoltées duraient plus longtemps de cette façon ; lui permettaient de soigner plus de gens.

"Ne va plus dans le Hampshire," dit-il. "Il y a des centaines de vampires là-bas. Tu as eu de la chance de survivre."

Elle accepta le flacon avec hésitation.

"Est-ce que ça va attirer les soupçons sur toi ?" demanda-elle, faisant courir ses mains sur le verre avec envie. "C'est une quantité suspicieuse. Un individu ne pourrait pas en utiliser autant sur toute sa vie."

Il fit un petit sourire dédaigneux. "Je suis général dans l'armée du Seigneur des Ténèbres, je peux demander ce que je veux. Ceux qui remettent mes actions en question se retrouvent sans leur langue."

Hermione pâlit et Drago leva les yeux au ciel.

"Je rigole, Granger. Je n'ai jamais coupé la langue de personne. Inutile de dire que je ne vais pas faire quoi que ce soit qui risquerait de m'exposer juste à cause de toi." Il lui jeta un regard méprisant en mettant le rouleau de renseignements dans la main d'Hermione.

"Continue à t'entraîner." Il disparut sans un bruit.

Hermione contempla l'espace vide pendant quelques minutes avant de partir.

Quand elle arriva au Square Grimmaurd, elle divisa subrepticement l'essence de Dictame dans des douzaines de minuscules fioles et les cacha précautionneusement. La plupart des membres de l'Ordre étaient trop ignorants à propos des potions pour remarquer ou se poser des questions si Hermione en avait subitement une réserve infinie, mais Padma saurait. Ils avaient essayé de trouver des moyens de faire durer leur maigre réserve de dictame pendant des semaines.

Malefoy était silencieux et renfrogné quand il la formait. Il ignorait ses questions et ne parlait que pour la réprimander furieusement quand elle faisait mal quelque chose.

Elle aurait presque pensé qu'il la détestait, excepté qu'à chaque fois qu'elle passait la porte il apparaissait immédiatement et la regardait comme s'il s'attendait à la retrouver blessée ; ses yeux la couvraient de la tête aux pieds comme pour se rassurer.

Les sessions de duel continuaient de devenir de plus en plus longues.

Hermione faisait semblant de ne pas le remarquer.

Plusieurs semaines plus tard, Malefoy sortit une cape enchantée. Elle la regarda avec attention.

"Tous mes vêtements sont déjà protégés." Elle tint la cape devant elle et remarqua qu'elle était parfaitement ajustée à sa taille.

"Elle est imprégnée de sang de manticore."

Elle leva vivement les yeux vers lui. "Est-ce que ça veut dire que tu l'as tuée ?"

"Non. Il est surprenamment difficile de trouver une bonne excuse pour les tuer. Mais il semble que la mienne soit étrangement léthargique. McNair ne comprend pas pourquoi," dit-il avec un rictus.

"Tu la saignes," dit Hermione, regardant de nouveau la cape.

Il hocha la tête. "Elles ne s'acclimatent pas bien au temps froid. Peut-être qu'elle trouvera une fin malheureuse cet hiver. Si j'ai de la chance elle sera assez mature pour produire du venin avant de succomber au froid."

"J'espère que tu ne la torture pas," dit Hermione, le regardant. "Elles sont sensibles. Et même si elles ne l'étaient pas, tout ce qui vit devrait être humainement traité."

"Je ne la torture pas. Bien que la décrire comme sensible parce qu'elle peut parler soit très généreux," dit Drago avec un petit reniflement. "Tout ce qu'elle fait c'est chantonner à quel point elle veut me manger vivant."

"Si tu me gardais prisonnière et me drainait de mes compétences magiques, je chanterais la même chose," dit Hermione.

Drago rit sans joie.

"Merci, pour la cape," dit Hermione après l'avoir regardée attentivement. Elle était joliment faite. Elle était tissée de charmes de régulation thermique pour qu'elle puisse la porter toute l'année et elle était garnie de douzaines de poches extendues et indétectables pour qu'elle puisse y mettre son stock. L'ourlet était enchanté pour qu'on ne puisse pas trébucher dessus. Même sans la protection du sang de manticore, la cape devait valoir une petite fortune.

"Considère la comme un remerciement pour avoir soigné mon dos," dit-il sans la regarder.

Elle leva les yeux vers lui et il regarda avec détermination par la fenêtre. "Est-ce qu'elles sont…" hésita-elle. "Est-ce que le tissu cicatriciel s'est établi correctement ? Je… tu… tu n'es jamais venu… quand je suis venue pour les vérifier."

"Elles vont bien," dit-il d'une voix raide. "Physiquement, je peux à peine les sentir. Je n'ai pas besoin de plus d'attention."

Sa mâchoire roulait légèrement, ondulant alors qu'il la serrait. Hermione le regarda pendant un moment avant de baisser de nouveau les yeux vers la cape.

"Hé bien, c'est bien," dit-elle. "Je… je n'avais jamais utilisé cette procédure sur une zone aussi grande précédemment. J'étais inquiète que…"

"Ne le sois pas ! Je n'ai pas besoin de l'inquiétude de quelqu'un comme toi."

Hermione le regarda avec des yeux écarquillés. Il serrait les poings en la regardant.

"Je voulais juste dire…" commença-elle.

"N'insiste pas, Granger." dit-il d'une voix dure. Il arracha un rouleau de ses robes et le fit tomber sur le sol avant de disparaître.

Hermione ramassa le rouleau pensivement, se tapotant le menton une fois qu'elle eut tout mit dans sa sacoche.

Elle quitta la masure et marcha vers le ruisseau perdue dans ses pensées.

Qu'avait-il dit sur l'influence des runes ?

"Elles n'affectent pas la façon dont je me comporte, mais c'est comme si un nouvel élément avait été ajouté. C'est plus facile d'être impitoyable. Plus difficile de lutter contre mes impulsions. Non pas que j'aie été particulièrement distrait par le passé, mais maintenant tout le reste paraît avoir moins de conséquences."

Elle avait mémorisé le serment runique, elle avait passé tant de soirées à le regarder. Sûr de lui, rusé, infaillible, impitoyable et inflexible ; déterminé à réussir.

Mais ce qu'il était déterminé à réussir était indéterminé ; gardé à sa discrétion.

Il avait envie d'elle.

Elle était presque certaine de ça. Il était actuellement déchiré entre sa détermination à la repousser et son désir de la posséder.

C'était pour ça qu'il avait été si furieux qu'elle ait été blessée.

Il ne pouvait pas se dissuader au point de ne plus se soucier qu'elle meure, mais il était déterminé de à ne pas se laisser avoir envie d'elle et se compromettre. Les Malefoy étaient possessifs comme des dragons, avait dit Severus.

Il savait ce qu'elle faisait ; ce pour quoi elle avait été envoyée. Elle pouvait le voir dans la façon amère dont il la regardait. Il y avait une rage vicieuse dans ses yeux qui n'avait pas été là auparavant.

Mais il avait été acculé par la prise de conscience qu'elle mourrait probablement s'il ne la formait pas. Elle avait eu de la chance avec l'attaque du vampire. Si elle avait voulu le mettre en scène, le résultat n'aurait pas été meilleur.

Si elle le gardait près d'elle, ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne dérape finalement ; il avait trop envie d'elle pour se retenir. Les runes s'en assureraient.

Quand ça arriverait…

Hermione soupira.

Quand ça arriverait elle le possèderait.

À moins qu'il ne soit assez désespéré de se libérer de son obsession pour la tuer.

À certains moments, quand elle sentait ses yeux sur elle alors qu'ils se battaient en duel, elle avait l'impression qu'une pièce était lancée entre les deux. Comme s'il pesait constamment ses options.

Aussi confiante qu'elle était sur le fait qu'elle avait son attention, elle ne l'était pas assez pour dire si elle y survivrait. Il y avait tant de choses à propos de Drago Malefoy qu'elle ne savait pas ou ne comprenait pas. Quand elle le regardait, elle ne pouvait que se demander s'il était le genre de personnes qui détruisait ce qu'il aimait.

Quelque soit ce qu'il voulait - sa motivation pour espionner - il avait déjà tué d'innombrables personnes pour essayer de l'obtenir. S'il pensait qu'elle était en travers de son chemin… elle pourrait être la suivante.

Sûr de lui, rusé, infaillible, impitoyable et inflexible ; déterminé à réussir.

Hermione tordit la sangle de sa sacoche en réfléchissant.

Elle devait privilégier la formation de Padma pendant tout le temps libre qu'elle avait.

Padma était assez douée pour la guérison, elle restait calme sous la pression et avait une bonne mémoire pour retenir tous les sorts et leurs variations. Elle avait des problèmes avec la précision exigée par certaines guérisons, et elle avait tendance à se fier à ce qu'elle avait appris par cœur plutôt que d'embrasser la créativité nécessaire pour inventer des contre-sorts. Mais Hermione espérait que, avec l'aide de Poppy, Padma serait capable de remplacer suffisamment Hermione.

Hermione avait commencé à emmener Padma récolter des ingrédients avec elle. Quelqu'un d'autre devait savoir comment rassembler les ingrédients de potion locaux ; avec l'hiver qui approchait ils avaient besoin d'essayer de faire du stock. Mais Hermione faisait attention de ne pas laisser Drago savoir qu'elle avait une partenaire de récolte. S'il le découvrait, il arrêterait probablement de la former.

Elle faisait sa récolte avec Padma le jeudi matin. Le mardi elle y allait toujours seule, mais plus prudemment.

Hermione avait besoin de tout mettre en place avant d'essayer d'aller plus loin avec Drago.

Elle regarda l'eau passer sous le pont et se demanda si elle traînait.

Elle ne voulait pas mourir.

Ces dernières semaines, elle s'était surprise à penser à sa mort autant qu'à Drago.

Après avoir senti les crocs du vampire plonger dans son épaule, elle avait été brusquement confrontée au fait qu'à un niveau primitif elle avait une détermination absolue à ne pas mourir. Elle n'avait pas réalisé à quel point cette impulsion la submergeait.

Rationnellement, elle avait toujours vu la mort comme quelque chose auquel elle pouvait faire face. Pour une bonne raison, elle mourrait avec joie.

Mais dès l'instant où elle avait ressentit la terreur de voir ses mains épinglées au sol et des dents s'enfoncer dans sa chair, son instinct de se libérer et de tuer tout ce qui se trouvait sur le chemin avait englouti son esprit. Elle n'avait pas réalisé à quel point son instinct de survie surpassait tout le reste.

Elle n'avait pas réalisé à quel point elle ne voulait pas mourir.

Mais si on en revenait à Drago et elle, elle mourrait probablement. Il pouvait la tuer si facilement. Un autre cadavre pour son décompte. Elle se fondrait probablement avec toutes les autres de ses morts au bout d'un moment.

Elle se sourit amèrement en pensant au contraste entre eux.

Le décompte des morts d'Hermione était une représentation de ses échecs. Tous ceux qu'elle n'avait pas pu sauver.

Le décompte des morts de Draco était une illustration de ses réussites. Tout ce qu'il était et ce pourquoi il avait de la valeur pour Voldemort et l'Ordre.

Leur relation - quelle qu'elle soit et où qu'elle se dirige - ressemblait à une cruelle forme d'ironie. C'était comme s'ils étaient l'inverse de l'autre.

Yin et yang. Ils tournaient infiniment en rond.

D'une certaine façon, la guerre les avait liés.

Elle retourna au Square Grimmaurd et alla trouver Kingsley.

Généralement elle parlait seulement à Maugrey, mais Alastor était en Irlande pour former de nouvelles recrues pour Remus et Tonks.

Kingsley se tenait dans la salle de guerre, regardant une carte sur le mur. Hermione savait qu'il était conscient de sa présence, mais il ne la salua pas immédiatement.

"Kingsley," dit Hermione en fermant doucement la porte, "est-ce que je peux te dire un mot ?"

Il pivota vivement, ses robes flottant autour de lui et il lança un sort d'intimité sur la porte avant de parler.

"Granger," dit-il, "de nouveaux renseignements ?"

Hermione déboucla sa sacoche et lui tendit le rouleau. Kingsley le déroula et fit courir ses yeux dessus pendant une minute avant de le fourrer dans ses robes et de regarder à nouveau Hermione.

"As-tu besoin de me parler de quelque chose, Granger ?"

Hermione le fixa pendant un moment. Depuis que Drago l'avait demandée, Kingsley avait cessé d'utiliser son prénom. Elle l'avait remarqué. Il se référait à Harry et Ron et la plupart des membres de l'Ordre par leur prénom, mais il utilisait toujours son nom de famille pour s'adresser à elle. Pour la dépersonnaliser à ses yeux, avait-elle conclu.

"Je pense que Severus fait part à Maugrey et toi de son inquiétude à propos de Malefoy," dit-elle.

Kingsley hocha la tête, son expression ne trahissant rien. "Oui, nous avons parlé."

Hermione hocha la tête. "La façon dont les choses se passent… je commence à penser qu'il y ait une chance pour que Malefoy me tue."

Kingsley la regarda directement et lissa ses robes. "Es-tu en train de nous demander de te retirer, Granger ?"

Hermione détourna les yeux ett fixa une peinture de nature morte sur le mur. "Non. Nous avons besoin de ces renseignements. Nous serions probablement déjà tous morts sans Malefoy. Je veux juste… je veux savoir ce que je devrais prioriser pendant que je forme Padma à me remplacer. Elle n'a pas deux ans comme j'ai pu avoir, et il a toujours trop de guérison basique qu'elle doit apprendre avant que je puisse lui enseigner une guérison de la magie noire plus avancée. Et il y a les potions et les récoltes. Je ne suis pas sûre… Elle n'est pas aussi motivée que je l'étais. Je sais qu'elle voulait rester sur le terrain avec Parvati. Alors j'ai besoin de savoir ce que Maugrey et toi voyez comme les plus grandes priorités."

Kingsley resta silencieux pendant une minute.

"J'en parlerai avec Alastor et je regarderai les rapports de l'hôpital. Peut-être que je ferai une liste des domaines pour lesquels nous n'avons pas de redondance. Je te donnerai une réponse la semaine prochaine."

"Très bien," dit Hermione, hochant la tête. Sa voix semblait guindée et mécanique.

"Granger. Dis-moi, quelle est exactement la stratégie que tu essaies d'employer ?"

Elle regarda de nouveau vers Kingsley et se sentit lasse.

"Il me veut. Il est obsessionnel et il me veut. Mais il sait ce que je fais. Je peux le voir à la façon dont il me regarde. Je ne sais toujours pas ce que sont ses objectifs à long terme. Il ne dit jamais rien qui puisse le trahir. Si je continue de l'attirer, et qu'il s'avère que j'interfère avec son ambition première, il pourrait se résoudre à me tuer. Mais, s'il ne me tue pas… selon Severus les Malefoy tendent à être à la fois obsessionnels et possessifs. Je ne pense pas qu'il laisserait tomber l'Ordre à ce stade. Le consentement semble critique, et il sait que le mien dépend de la survie de l'Ordre."

Puis elle haussa les épaules. "Ou je pourrais avoir tort et il se retournerait contre l'Ordre, ce qui est ce que craint Severus. Honnêtement, je ne sais pas. Ce n'est pas… je ne sais pas comment utiliser les gens comme ça."

Kingsley resta silencieux.

"S'il devient obsédé par toi… c'est plus que ce que j'avais espéré," dit-il, jetant un œil à la table, posant ses doigts sur le bord et le tapotant pensivement.

Hermione eut l'impression qu'elle aurait dû ressentir quelque chose en réaction à ces mots ; de l'offense, de la satisfaction ou… quelque chose. Mais elle ne ressentit rien. C'était comme si son cœur se rétractait à l'intérieur de sa poitrine, devant de plus en plus petit jour après jour.

"Je ne…" commença-elle, et elle s'arrêta pour pincer les lèvres. Elle tordit légèrement la tête en sentant la tension de son cou irradier dans ses épaules. "Je ne lui mens pas, Kingsley. Je ne suis pas malhonnête. La connexion émotionnelle entre nous est réelle."

Les doigts de Kingsley se figèrent, et il l'étudia avec des yeux plissés. "J'espère qu'il ne te compromettra pas, Granger. L'Ordre dépend du fait que tu restes sur cette mission."

Hermione hocha la tête avec raideur. "Ma loyauté ira toujours d'abord à l'Ordre."

L'expression de Kingsley ne se détendit pas. "Harry… tu sais que je ne peux le tenir à l'écart des pires combats seulement si je sais lesquels ça va être."

Hermione tressaillit. "Je sais. Je fais tout ce que je peux, Kingsley. Je fais vraiment, vraiment du mieux que je peux. Je ne suis pas… je ne ferais rien qui puisse risquer Harry."

"Continue comme ça, alors," dit Kingsley, se retournant vers la carte sur le mur.

Hermione regarda son dos pendant quelques instants avant de se retourner et de poser sa main sur la poignée de la porte ; en l'agrippant, elle rit doucement.

"Quelque chose d'autre à me dire, Granger ?" La voix de Kingsley était légèrement coupante.

Hermione regarda par-dessus son épaule. Il lui tournait toujours le dos.

"Je me rends juste compte," dit-elle à voix basse. "Si je réussis… vous m'utiliserez pour contrôler Malefoy de la même façon que vous êtes capables d'utiliser Harry pour me contrôler. Ça… ça me rend presque désolée pour lui."

Kingsley resta silencieux un moment. "Hé bien, il le mérite considérablement plus que toi."