Chapitre 46 - Flashback 21

Noël 2002

Les Weasley passèrent Noël à la Chaumière aux coquillages. Quand Padma arriva pour prendre son tour de garde à l'hôpital, Hermione se changea et transplana pour les rejoindre.

Elle resta dehors dans la neige pendant quelques minutes en essayant de se préparer. La conversation avec Angelina l'avait déstabilisée, et elle avait l'impression d'être en quête d'une sensation de contrôle.

Elle fixa la porte d'entrée et se repassa mentalement la journée. Noël serait calme ; très loin des fêtes du passé. Chaque année, tout le monde était un peu plus silencieux et un peu plus ivre. L'année précédente, Arthur avait été submergé par le nombre de personnes présentes et avait fait une crise jusqu'à ce que Molly soit forcée de partir avec lui.

Hermione pouvait s'en sortir avec les gestes. Sourire. Chanter des cantiques. Prendre des nouvelles d'Arthur et George. Elle prit une grande inspiration et ouvrit la porte.

"Hé ! Hermione est là !" beugla Fred quand elle entra.

Tout le monde se tourna vers elle et lui tomba dessus. Ils étaient tous suprenament de bonne humeur, joyeux et bourdonnants. Une tasse de wassail fut fourrée dans ses mains avant qu'elle soit emportée à travers la pièce.

Tout le monde portait son pull de Noël fait par Molly.

Hermione aligna subrepticement des fioles de potions contre la gueule de bois sur le manteau de la cheminée.

Bill était assis dans un coin, silencieux parmi l'agitation. Fleur était assise sur le bras de son fauteuil, passant ses doigts dans ses cheveux.

Harry et Ginny étaient entassés sur un fauteuil à bras, chuchotant tous les deux. Harry et Ron étaient revenus d'une autre chasse aux Horcruxes seulement quelques jours plus tôt.

"Hermione, ma chérie, tellement contente que tu aies pu venir. C'est pour toi." Molly posa un cadeau, enroulé dans du papier de soie, dans les mains d'Hermione.

Hermione se percha sur un fauteuil ottoman et l'ouvrit. Un pull vert avec un H au milieu.

"Merci, Molly," dit-elle. "Il est beau."

"Maman ! Pourquoi tu habilles Hermione en vert Serpentard?" dit Ron, regardant par-dessus le fauteuil.

Molly lui donna une tape, affichant une expression offensée. "Ronald ! C'est du vert émeraude et c'est une jolie couleur qui lui va bien au teint. Ça me rappelle les yeux de Harry."

"Ça ressemble à du vert Serpentard pour moi." Ron grimaça alors qu'Hermione passait la tête dans le pull. "Eurk. Ça me donne des cauchemars rien qu'à le regarder."

La relation entre Hermione et Molly était quelque peu entachée. Quand Arthur avait été attaqué, il y avait eu beaucoup d'espoir qu'Hermione et Bill puissent collaborer pour inverser le sort ou le lever. Molly avait été effusive dans ses appréciations sur tous les efforts d'Hermione. Cependant, alors que le temps passait et que l'espoir s'amenuisait, Molly s'était retirée. Ce n'était pas un reproche en soi. C'était simplement douloureux. Hermione représentait un grand espoir qui avait échoué.

Leurs interactions étaient toujours chaleureuses, mais elles gardaient leurs distances.

On avait rapporté à Hermione que Molly avait de véhémentes objections sur son plaidoyer pour la magie noire, mais ce n'était pas une conversation qu'elles avaient eue entre elles.

Hermione ne savait pas si Molly avait choisi la couleur sur la base du teint de sa peau, ou si c'était une forme de reproche. Il ne valait pas vraiment la peine d'y réfléchir. Elle était trop fatiguée pour se disputer inutilement à ce propos.

Elle laissa Ron et Molly à leur débat et alla trouver Arthur.

Mr. Weasley était assis sur le sol dans un coin, lisant un livre à rabats. Hermione le regarda avec attention et lança un sort de diagnostic sur son cerveau. Arthur Weasley en tant qu'adulte était toujours enfermé quelque part. Le maléfice que Lucius avait utilisé n'avait pas rendu Arthur fou ou altéré ses souvenirs. La magie avait coincé l'esprit d'Arthur à un moment spécifique de sa petite enfance. Le reste d'Arthur était toujours à l'intérieur, attendant de pouvoir sortir. Hermione pouvait le voir dans le diagnostic. Mais elle ne savait pas comment forcer cette magie sans causer de réels et sévères dommages au cerveau.

Les parties perdues du cerveau d'Arthur se détérioraient lentement. Son activité cérébrale diminuait progressivement alors que les connexions neuronales inutilisées mouraient.

Il n'y avait rien qu'Hermione puisse faire pour ça.

"Arthur," Hermione s'accroupit à côté de lui. "J'ai un cadeau de Noël pour toi."

Il leva les yeux de son livre, dans l'expectative. À chaque fois que leurs yeux se croisaient, elle avait un pincement au cœur et un désir de s'excuser qui la submergeait et qu'elle ne pouvait pas comprendre. Je suis désolée. Je suis désolée de ne pas pouvoir te faire sortir. Je suis désolée de ne pas pouvoir réparer ça.

"Je n'allais pas acheter de cadeaux de Noël cette année, mais j'ai vu ça dans une boutique et j'ai su qu'il fallait que je l'achète pour toi." Hermione mit la main dans sa poche et en sortit le cadeau. "Ça s'appelle un canard en plastique. Ça flotte sur l'eau. Tu peux le prendre dans ton bain. Ou le mettre dans le lavabo."

Arthur lui arracha des mains et se leva brusquement. Hermione saisit sa baguette. Elle avait déjà été balayée à travers la pièce par lui à plusieurs occasions quand il était devenu trop excité ou en colère.

"Bill ! Bill, fais-le." Sa voix était celle d'un adulte, mais ses mots et son ton insistant étaient ceux d'un enfant. Il agita le canard au-dessus de sa tête. "Dans le lavabo!"

Bill prit une fausse expression joyeuse comme il le faisait toujours près de son père et se pencha en avant. "Qu'est-ce que tu as là ?"

Arthur le lui apporta et fourra le jouet dans le visage de Bill jusqu'à presque lui crever un œil. Hermione grimaça.

"Un canard ! Dans le lavabo."

"Bien, on va voir s'il flotte ?" Bill se leva. Arthur tourna les talons et fonça dans le couloir vers la salle de bain. "On ne cours pas, Arthur !"

Hermione avança plus loin dans la maison et trouva Fred et George dehors dans le jardin. George essayait de faire le poirier sur ses béquilles. Alors qu'Hermione ouvrait la porte, il perdit l'équilibre et tomba la tête la première dans une congère.

"George !" Hermione se précipita et l'en sortit, époussetant la neige en le tapant. "Si tu veux faire des choses pareilles, fais-le au moins sobre."

"Désolé, maman," dit George pour plaisanter en la laissant le redresser et s'affairer sur lui pendant que Fred récupérait les béquilles.

Hermione leva les yeux au ciel et il l'embrassa en plein sur la bouche.

Elle le regarda, stupéfaite.

"Joyeux Noël, Herms. Une jolie fille mérite un baiser de Noël. Fred a promis le sien à Angelina, alors j'ai tiré à la courte paille et j'ai dû embrasser la femme qui m'a sauvé la vie." Il plaça une main sur son cœur et fit un magnifique sourire.

Hermione secoua la tête. "Tu es horrible. Et si ça avait été mon premier baiser ?"

George produisit une expression de désespoir élaboré. "Ça ne l'était pas ? Tu as embrassé d'autres patients avant moi ?"

Hermione sentit les bout de ses oreilles chauffer et elle détourna le regard. "En fait, mon premier baiser était avec Viktor."

"Tu me brises le coeur." George trébucha dramatiquement en arrière avec ses béquilles. "C'est parce que je ne suis pas assez renfrogné, c'est ça ? Ou parce que tu n'aimes que les Attrapeurs."

Hermione secoua la tête et essaya de ne pas penser aux gens renfrognés ou aux Attrapeurs. "Je vais retourner à l'intérieur. Si tu veux risquer ton cou après tout ce que j'ai fais pour te soigner, fais-le au moins quand je ne regarde pas."

Elle retourna à l'intérieur et s'assit sur le canapé du coin, regardant les festivités avec un sentiment de perplexité.

Charlie taquinait Ginny et Harry, il jetait sa tête en arrière et riait. Hermione ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait vu Charlie rire. Ou Ron ou Harry.

Ils étaient tous joyeux. Plus joyeux qu'ils ne l'avaient été depuis des années.

Alors qu'Hermione les observait, un sentiment d'horreur se mit à ramper en elle.

L'agitation joyeuse dans le cottage était plus que la joie de Noël et de l'alcool. La maison éclatait, vibrait presque d'un sentiment d'espoir.

Hermione ne l'aurait pas compris sans la conversation avec Angelina.

Ce n'était pas juste la Résistance. Les membres de l'Ordre croyaient qu'ils étaient sur le point de gagner la guerre.

Alors qu'Hermione restait assise dans un coin à absorber ce fait, elle avait l'impression d'être piégée dans un charme de rêverie pendant que le monde autour d'elle brûlait.

L'Ordre ne changerait jamais de tactique maintenant ; ils n'accepteraient jamais d'utiliser la magie noire. Elle en était la cause.

Si jamais Drago se retournait contre eux, ou réussissait l'expiation dont il était à la poursuite et mettait fin à son service, la Résistance commencerait à tomber en chute libre, et il n'y aurait rien pour les rattraper.

Et si l'Ordre apprenait pour Drago, dans quel contexte que ce soit… ça briserait probablement l'organisation entière. La confiance en Kingsley et Maugrey serait ébranlée.

Hermione avait l'impression qu'elle allait être malade. Elle voulait partir.

Elle resta assise dans le coin comme une statue.

Harry vint s'asseoir dans le canapé à côté d'elle. Ils observèrent la pièce. Ginny était avec Arthur. Ron, Fred et George étaient au milieu d'une farce de quelque sorte. Molly s'agitait autour d'eux, leur proposant de la nourriture et Charlie l'aidait.

"Ceci… est tout ce que j'ai toujours voulu," dit Harry après une minute. "C'est ce qui me permet de continuer. Jour après jour."

Hermione resta silencieuse.

"Est-ce que tu penses parfois à ta famille ?" Harry l'étudia attentivement. Hermione fit un petit hochement de tête. Harry enroula un bras autour de l'épaule d'Hermione et l'attira vers lui. "Un jour tes parents seront là aussi avec nous."

Hermione regarda Molly s'arrêter pour presser un bisou sur le front d'Arthur et admirer son canard.

"Ils… non ; ils ne rentreront jamais d'Australie," dit-elle à voix basse. Harry la regarda avec confusion. Le regard d'Hermione tomba sur ses genoux. "L'Oubliettes étendu a seulement une certaine fenêtre d'inversion. Sinon il y a un grand risque de graves dommages cérébraux. Si je voulais inverser le charme de mémoire, j'aurais dû le faire avant Noël de l'année dernière ; avant la limite des cinq ans."

Il y eut un long silence.

"Tu ne me l'as jamais dit." La voix de Harry était dévastée.

Hermione joua avec la manche de son pull et ne leva pas les yeux vers lui. "C'était plus facile de juste me concentrer sur le travail et ne pas y penser. Je connaissais le risque quand j'ai décidé de les cacher."

"Je suis désolé." Harry pressa sa main. "Je suis tellement, tellement désolé, Hermione."

"Ce n'est rien. Je suis en paix avec le fait que protéger les gens peut signifier les perdre."

"Hé bien, pas moi. Tu seras toujours ma famille."

Avant qu'Hermione ne puisse dire quoi que ce soit, Molly surgit, tenant un appareil photo et traînant Ron derrière elle. "Faisons une photo de vous trois. Hermione, recule un peu ma chérie, pour que Ron puisse s'asseoir à côté de toi. Voilà. Les bras autour des épaules. Harry, essaye de lisser tes cheveux. Oh, laisse tomber. Souriez…"

Hermione ne pouvait pas réussir à sourire. Les coins de sa bouche se soulevèrent légèrement alors que les bras de Ron et Harry pesaient sur ses épaules. Il y eut un flash aveuglant.

"Ça va être adorable. Nous n'avons pas fait de photo de vous trois ensemble depuis des années." Molly s'éloigna pour prendre une photo de Bill et Fleur.

Ron renifla en regardant sa mère faire poser Fleur puis tira sur l'une des boucles d'Hermione qui s'était échappée de ses tresses. "Un cheveux qui n'est pas en place ; j'imagine que tu n'es pas une Serpentard après tout."

Hermione fit un léger sourire. "C'est sûrement pour ça que le Choixpeau m'a placée chez Gryffondor. C'est aussi probablement pour ça qu'Harry n'y a pas été envoyé non plus."

Ron et elle regardèrent tous les deux vers les cheveux décoiffés de Harry. Il avait l'air d'avoir été électrocuté et d'avoir essayé de le cacher avec de la cire coiffante. La moitié de ses cheveux paraissait avoir été peignée, mais le reste rebiquait, pointant dans diverses directions.

"Qu'est-ce que tu leur a fait ?" dit Hermione, secouant la tête avec incrédulité.

Harry rougit. "Je les avais peignés. Et puis Ginny et moi nous sommes… hem… embrassés."

Ron fit un bruit de haut-le-cœur. "Embrassés." Il s'étrangla. "C'est ma petite sœur. Le simple fait de penser à vous deux me donne envie de m'arracher les yeux."

"Crois-moi, je l'ai voulu aussi," marmonna Hermione. "Je te jure, aucun d'entre eux ne connaît de sort basique d'intimité ou de verrouillage."

Harry eut l'air horrifié.

"Ronald," dit Molly depuis l'autre côté de la pièce. "Je veux prendre une photo de tous les frères et soeurs ! Viens là près du sapin. Mets-toi près de Ginny."

Hermione et Harry regardèrent Ron y aller et poser pour la photo de famille. Hermione avait l'impression que quelque chose pressait sur sa cage thoracique.

Harry regarda vers Hermione, et elle remarqua son expression légèrement changer avant qu'il ne parle. "Quand ça sera fini, j'espère que les choses redeviendront comme avant."

Il la fixa, ses yeux étaient jeunes et vieux à la fois. Une vie entière de souvenirs paraissait dans ces yeux. Le cœur d'Hermione lui remonta dans la gorge alors qu'elle regardait vers lui.

Elle commença à ouvrir la bouche pour dire qu'elle l'espérait aussi. Parce que c'était vrai. Elle ferait n'importe quoi pour que d'une certaine façon ils sortent de la guerre et qu'il leur reste quelque chose.

Mais avant qu'elle puisse le dire, Harry attrapa une de ses mains et l'agrippa. "Tu es ma famille. Et je serai toujours la tienne. Je sais qu'on s'est beaucoup disputés dernièrement. Mais je sais que tout ce que tu voulais faire était pour essayer de nous protéger. Je ne peux juste pas supporter la pensée de voir ce que la magie noire te ferait. Je ne sais pas comment me battre pour gagner cette guerre sans que toi, et Ron, et la famille Weasley soyez à mes côtés quand on en sortira. Je regrette de ne pas te l'avoir dit avant, mais je veux qu'on arrange les choses maintenant. Tu as toujours veillé sur moi, mieux que quiconque. Je veux que tu saches que je le sais."

Les yeux d'Hermione étaient remplis de larmes et son corps entier tremblait.

Harry, tu ne sais même pas tout ce que je suis prête à faire pour toi.

Elle ouvrit la bouche puis la referma, ravalant ce qu'elle avait envie de dire.

"Nous n'avons pas encore gagné, Harry," dit-elle finalement d'une voix rauque.

"Je sais. Je sais qu'il reste encore un long chemin à parcourir, mais je ne veux pas attendre pour te le dire." Harry prit une grande inspiration. "Je n'ai pas veillé sur toi, et j'en suis désolé. J'ai été si inquiet pour tous ceux qui partaient dans les raids, je ne me suis jamais arrêté pour penser à comment c'était pour toi. Ginny et moi avons parlé, et elle a mentionné à quel point c'était horrible dans ta salle d'hôpital ; que tout ce que tu vois c'est le pire de chaque bataille, encore et encore, et je suis vraiment désolée, je ne m'en suis jamais rendu compte… quand Ron et moi nous sommes battus dans le passé, il avait toujours eu sa famille et je t'avais toujours eue, mais avec cette dispute sur la magie noire, lui et moi étions si concentrés sur la Résistance que nous n'avons pas pensé à toi. On a toujours été plus forts ensemble tous les trois. Je veux qu'on soit de nouveau comme ça. Qu'est-ce que tu en penses ?"

Hermione fixa Harry et hésita.

Son ami. Son meilleur ami. Son tout premier ami. Elle ferait n'importe quoi pour lui. N'importe quoi pour le protéger.

N'importe quoi.

Même renoncer à lui.

Tu as déjà fait ton choix. Si tu essaies de faire ça, tu ne feras que le blesser davantage quand il découvrira ce que tu as fait. Tu ne vas que te faire plus de mal si tu te laisses croire que c'est vrai.

Elle déglutit et retira doucement sa main. C'était comme s'écraser au sol au ralenti. Le savoir et le faire quand même.

"Je ne pense pas savoir comment être encore ton amie, Harry." Sa voix était basse et ferme.

Harry la fixa, les yeux écarquillés, assommé. "Qu'est-ce que tu veux dire ?"

Hermione baissa les yeux sur ses mains. Une sensation froide et rampante se répandait en elle. "Nous… nous n'avons plus été amis depuis des années, Harry," dit-elle factuellement. "Quand exactement m'as-tu traitée comme ton amie pour la dernière fois . Quand es-tu venu dans la salle d'hôpital sans que ça ne soit pour rendre visite à quelqu'un ?"

"Je…"

"Je suis devenue guérisseuse pour essayer de te protéger et tu m'as abandonnée pour ça."

"Je… non. Hermione, j'admets que j'aurais pu faire mieux, mais ce n'est pas comme si Ron et moi avions passé du bon temps sans toi."

"Bien…sûr." Hermione ne pouvait plus respirer. Elle continuait à parler de la voix cruelle et impitoyable qu'elle avait apprise de Drago. "Tu n'as pas eu le temps. Apparemment les membres de l'Armée de Dumbledore sont prioritaires ; au nom de la cohésion d'unité. Si tu n'avais pas été si occupé, je suis sûre que tout aurait été différent. Tu aurais été capable de montrer une sorte de reconnaissance au fil des années. Mais comme tu n'as pas le temps, tu n'as pas eu d'autre choix que de taper sur l'épaule de Ron après qu'il m'ait traitée de garce devant tout l'Ordre. Après tout, il est ton partenaire de duel." Son ton était acide.

"Tu disais qu'on devrait utiliser le sort de mort." La voix de Harry était amère et incrédule.

Hermine eut un rire forcé. "Je le veux toujours."

Il y eut un silence assommant. Toute la pièce était devenue silencieuse. Harry resta sans voix pendant une minute entière. "Toujours ?"

Hermione fit un bref signe de tête.

Harry secoua la tête comme s'il ne pouvait pas y croire.

"Je suis réaliste, Harry. Je veux que cette guerre se termine. Je ne veux pas que l'Ordre pense que c'est gagné et qu'on doive tout recommencer dans quatorze ans comme la dernière fois." Son ton était dur. Las.

Elle savait exactement où frapper.

Son coeur lui faisait mal, sa poitrine aussi. Elle avait l'impression que quelque chose était en train de brûler dans son ventre. Si Harry avait encore été en train de tenir sa main, il aurait senti qu'elle tremblait.

"Est-ce que tu as une idée de ce que la magie noire fait à une personne ?" La voix de Harry était furieuse.

Hermione garda une expression froide. "Bien sûr que je le sais ; je suis une guérisseuse. Ça fait partie de ma spécialité. Et je te le dis, ça en vaut la peine. Je ne te dis pas d'utiliser des rituels de magie noire ou de boire du sang de licorne, je te dis juste de tuer les gens qui essaient de te tuer. Penses-tu vraiment que tu peux juste le mettre en prison ? Penses-tu vraiment que tu peux le vaincre avec un expelliarmus ? Est-ce que tu veux parier ta vie là-dessus ? Celle de Ron ? Celle de Ginny ? De la Résistance entière ? Ça vaut le coup de le tuer ainsi que tous ses supporters. Est-ce que tu ne les hais pas encore assez pour y arriver ?"

"Non. Parce que ça n'en vaudra jamais le coup," aboya Harry. "Nous ne gagnerons pas comme ça. Je ne peux pas me battre de cette façon. Quand je me bats je pense à tous ceux que j'aime. À comment je les protège et à quel point je veux les revoir. Quel est l'intérêt de tout ça si gagner signifie juste te regarder et regarder tous les autres mourir à petit feu ? Chaque bataille est un test. Ne pas sombrer dans la haine est un choix. Tu ne peux pas choisir à la fois l'Amour et la Haine. Je ne serais pas comme Tom Jedusor pour gagner. La leçon à tirer est que l'Amour triomphe toujours quand les gens y croient. Nous devons choisir entre ce qui est facile et ce qui est bien. Si nous nous trompons, nous ne le vaincrons jamais."

"Tu m'accuses de vouloir faire des choix faciles ?" Hermione était légitimement assommée.

"Tu veux utiliser la magie noire parce qu'elle est plus 'efficace'. Ouais, je dirais que c'est clairement choisir la facilité plutôt que la droiture." Harry était pâle, ses poings serrés à en avoir les phalanges blanchies. "Le combat entre le Bien et le Mal est un test. Tu n'y as pas juste échoué, Hermione, tu essaies d'entraîner toute la Résistance avec toi. J'ai pensé un moment que c'était parce que tu passais trop de temps avec Rogue. Mais je réalise maintenant que c'est toi. Tu y crois vraiment."

Hermione n'avait plus à prétendre être enragée ou amère. Elle s'esclaffa. "Bien sûr que j'y crois. Pense à Colin, Harry. Pense à comment Colin est mort devant toi et multiplie le. Multiplie le pour ajouter toutes les victimes de chaque bataille et de chaque raid des TROIS DERNIÈRES ANNÉES. Ça…" elle fit un geste vif autour d'elle, "a été ma vie depuis le moment où je suis revenue de formation. C'est comme ça que meurent tes amis."

"Tu n'as pas besoin de me le dire, Hermione." La voix de Harry tremblait, et il se pencha vers elle, les dents découvertes. "Ils étaient mes amis. Je les ai formés. Je me suis battu avec eux. Je les ai portés pour les ramener. Je mourrais pour eux. Je ferais tout pour les sauver. Mais quand on en vient à la magie noire ou blanche, ça compte. Il ne vaut jamais la peine de tomber dans la magie noire, peu importe ce que tu penses en obtenir. L'Ordre va rester dans la Lumière."

Quelque chose céda en Hermione. "Tu n'es pas dans la Lumière si tu laisses les gens se sacrifier pour que tu puisses garder les mains et l'âme propre." Elle lui jeta un regard méprisant.

Harry pâlit.

"Comment oses-tu ?" dit-il finalement d'une voix vibrante de rage. "Putain, comment oses-tu ? Je n'ai jamais… je ne demanderai jamais… à personne de mourir pour moi. Tout ce que j'ai toujours voulu c'est que les gens arrêtent de mourir à cause de moi. Je ne veux pas être l'Élu. Je ne veux pas de cette putain de guerre. Tout ce que j'ai toujours voulu c'est une famille. Les gens dans cette pièce sont tout ce que j'ai. Mes parents sont morts. Ils se sont sacrifiés en croyant à l'Amour plutôt qu'à la Haine, et tu me dis ça ? Qu'ils avaient tort ? Que s'ils avaient été aussi intelligents que toi, ils seraient toujours là ? Mon parrain est mort. Au moins tes parents sont toujours en vie quelque part. Je n'ai même pas cette maigre consolation. Je mourrais avec le sourire pour gagner cette guerre. Je me battrai tant que ça durera. Mais je ne laisserai pas les gens s'empoisonner l'âme. Je ne leur dirai pas d'en arriver là. Je ne montrerai pas ce genre d'exemple à la Résistance."

Il regarda Hermione et elle put sentir les vagues de rage qui émanaient de lui. Cela lui rappelait Drago, d'une horrible façon.

"Ron avait raison," ajouta Harry après un moment. La rage de son ton avait brusquement disparu, il semblait plus proche de la dévastation. "Tu es une garce. Tu ne comprends vraiment pas le but de l'Ordre."

"Protéger le monde des sorciers et celui des Moldus de Tom Jedusor et de ses Mangemorts," dit Hermione à voix basse. "C'est le but de l'Ordre du Phénix."

Elle se leva et baissa les yeux vers Harry ; mémorisant son visage et ses yeux pendant un moment avant de détourner le regard. "Mais je suppose que tu as raison, je suis une garce. Je ne pense pas qu'il soit utile de le nier à ce stade." Elle eut un rire étranglé. "Ça semble être la seule chose que tout le monde consent à me dire. J'espère que tu as raison à propos de la guerre, Harry. J'espère vraiment que ce que tu fais est suffisant."

Hermione tourna les talons et sortit de la Chaumière aux Coquillages.

Elle marcha à travers le jardin et les collines au-delà. Elle continua à marcher. Son cœur battait si fort qu'il lui faisait mal. Le sang battait si fort dans ses oreilles qu'elle pouvait à peine entendre le vent ; bien qu'elle en sente le froid lui glacer les joues.

Elle s'arrêta finalement et regarda autour d'elle l'infinité de blanc qui l'entourait. C'était un beau Noël. Hermione ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait neigé le jour de Noël.

Ses mains et ses pieds étaient engourdis de froid. Elle voulait rester là. Rester là et geler. Ça ne pouvait pas être pire que ce qu'elle ressentait déjà.

Elle ne voulait pas penser à à quel point elle se sentait horrible. À quel point sa tête lui faisait mal. Et son coeur. Elle avait l'impression d'avoir un gouffre dans la poitrine. Comme si quelqu'un avait découpé son sternum et repoussé les os sur les côtés avec un rétracteur, comme les Moldus le faisaient pour les opérations du cœur. Elle était déchirée et ça lui faisait juste…mal. Une agonie froide comme l'hiver à l'intérieur d'elle.

Si elle baissait les yeux, il y aurait du sang dans la neige.

"Hermione !" La voix de Ginny coupa dans le vent.

Hermione se retourna.

"Hermione…" Ginny pataugea dans la neige vers elle. "Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce que tu fais ?"

Hermione regarda platement vers Ginny. "Ce que je fais ?"

"Tu as fait ça exprès… on aurait dit… pour que Harry se mette en colère et te laisse partir. Pourquoi ? Ron et lui sont tout ce que tu as. Ils l'oublient peut-être la moitié du temps, mais je le sais. Qu'est-ce que tu fais ? De quoi as-tu peur ? Même avant qu'Harry vienne te voir. Tu étais assise sur le canapé avec l'air de te rendre à nos funérailles. Qu'est-ce qui ne va pas ?"

Hermione regarda Ginny sans voix ; frissonnant en vert Serpentard.

Ginny tendit la main et lança un sort de réchauffement sur elle.

"Je…" la voix d'Hermione se brisa et resta éteinte pendant quelques secondes.

"Je ne peux plus faire ça, Ginny. Je ne peux plus faire comme si tout allait bien. Même si on gagnait demain matin, je ne vais pas changer d'avis sur le fait qu'on aurait pu faire mieux. La magie noire pourrait abréger la guerre et sauver les combattants de la Résistance. Si Harry s'attendait à ce que je me tienne à côté de lui à sourire quand ça sera terminé, il valait mieux briser cette illusion maintenant."

Ginny fixa Hermione. Des cristaux de glace étaient coincés dans ses cils, brillant dans la lumière. Ses cheveux étaient rejetés en arrière par le vent, exposant la cicatrice qui courait le long de son visage ; les mois l'avaient atténuée, mais le froid la faisait paraître plus vive sur sa peau pâle. La défiguration faisait paraître la beauté de Ginny plus surprenante. Le contraste des éléments la rendait frappante. Un type tragique d'hypnose.

"Tu… tu ne t'attends pas à être avec nous," dit lentement Ginny, ses yeux étaient écarquillés et sobres. "Après la guerre."

"Je me suis donnée dans cette guerre, Ginny. Quand elle sera terminée… il ne restera rien de moi."

Ginny secoua la tête et tendit la main vers Hermione. "Ne dis pas ça… Hermione…"

"Ginny, si on m'offre encore un mot d'encouragement vide, je vais craquer." La voix d'Hermione était plate. Elle prit une vive inspiration, puis souffla et regarda la condensation se dissiper dans le ciel. "Je ne peux pas… je n'ai pas l'énergie de faire semblant pour vous. Je suis trop fatiguée."

Ginny ouvrit la bouche pour répondre, mais Hermione transplana.

Elle retourna au Square Grimmaurd et se cacha dans la bibliothèque.

Elle se sentait glacée les jours suivants en travaillant. Elle ne voulait parler à personne. Elle avait l'impression que son cœur était brisé. Elle pouvait en occluder l'aspect mental, mais elle ne s'était pas rendue compte que le chagrin pouvait faire mal physiquement.

Maugrey la trouva en train de travailler sur des potions.

"Granger, Severus veut te voir ce soir."

Hermione se tourna pour regarder Maugrey avec une expression réservée. "Pourquoi ?"

"Pour discuter de tes progrès."

Les yeux d'Hermione se plissèrent. "Je pensais que vous le teniez informé."

L'expression de Maugey ne changea pas. "Il a des questions auxquelles il veut des réponses."

Hermione sentit son ventre se nouer. "À quelle heure ?"

"Dix-neuf heures."

"Très bien, j'y serai." Elle retourna à son chaudron. Elle ne regarda pas Maugrey pendant qu'il restait à l'observer pendant quelques secondes avant de se retourner pour partir.