Chapitre 47 - Flashback 22
Décembre 2002
La maison de l'Impasse du Tisseur était remplie de chaudrons bouillonnants.
Hermione fit lentement le tour de la pièce et s'arrêta sous le coup de la surprise en remarquant un chaudron qui brillait dans un coin. Elle s'avança et regarda la vapeur en forme de spirale qui s'élevait de la surface. Elle la renifla subrepticement… la saveur épicée et terreuse de la mousse de chêne, des sous-tons fumeux de cèdre et de parchemin… non. Elle renifla de nouveau. De papyrus.
Elle eut l'impression de recevoir un diagnostic auquel elle s'était attendue mais à propos duquel elle espérait se tromper. Son ventre se noua brutalement. Elle recula brusquement et regarda les autres chaudrons qui l'entouraient. Il y avait une sensation douloureuse dans sa poitrine qu'elle essaya d'ignorer.
"C'est une sacré variété de potions d'amour que vous préparez," dit-elle, levant les yeux vers l'endroit où Severus était penché au-dessus d'un chaudron frémissant.
"Un nouveau projet du Seigneur des Ténèbres. Il s'est soudainement pris d'intérêt pour en faire une arme," dit Severus, jetant un regard méprisant au liquide sombre et luminescent sur lequel il travaillait.
Hermione sentit son sang se glacer. "C'est une possibilité ?"
Severus haussa les épaules avec un petit sourire. "Je suis à la fois sceptique et peu motivé, donc probablement que non. Je pense que c'est plus une idée passagère que quelque chose pour lequel il a un réel intérêt. Je mets au point un rapport complet à présenter au cas où il le demanderait. Et je le fais chez moi plutôt qu'au laboratoire pour m'assurer que personne n'offre d'idée révolutionnaire."
Hermione observa la pièce. Il y avait dix variétés de potions d'amour et quelques aphrodisiaques qu'elle reconnut, ainsi qu'une quinzaine d'autres qui apparaissaient être expérimentales.
"En quoi consiste une potion d'amour transformée en arme ?"
"Quelque chose d'exceptionnellement puissant qui ne demande pas de dose supplémentaire. Je pense qu'il se voit les utiliser pour les interrogatoires."
"C'est… obscène," dit finalement Hermione.
"En effet. Heureusement, ou peut-être malheureusement, il y a d'autres problèmes qu'il voit comme plus urgent sur lesquels doit se concentrer le Sussex."
Hermione resta plusieurs minutes à regarder en silence Severus écraser des oeufs de serpencendre.
"Drago dit que le Sussex essaye de développer une façon d'éviter plus de missions de secours."
Il y eut un silence avant que Severus ne se tourne vers elle et la regarde pensivement.
"Je n'avais pas réalisé qu'il en était conscient."
Hermione leva un sourcil. "Un excellent espion. N'est-ce ce que vous avez dit ?"
"Il semblerait bien," marmonna Severus, retournant à son pilon et son mortier. "Sais-tu déjà pourquoi il espionne ?"
Hermione baissa les yeux vers ses chaussures. "Non," admit-elle. "Il dit des choses qui semblent vraies, mais je n'arrive pas à discerner la motivation derrière."
Il y eut un silence, rempli par le frémissement des liquides et le frottement de la pierre.
"Es-tu consciente qu'il grimpe dans les rangs ?" dit Severus, se tournant vers son chaudron et versant la poudre de coquilles d'oeufs de serpencendre dans le liquide en formant des motifs en huit à la surface.
Hermione resta silencieuse pendant quelques secondes. "Je n'étais pas au courant."
"Je l'ai mentionné à Kingsley il y a quelques semaines. Il grimpe plus haut. Consolidant son pouvoir. Je ne prétend pas savoir ce que vous faites ensemble pendant vos… réunions hebdomadaires… mais je me demande parfois si tu te souviens seulement que quand il n'est pas avec toi, il passe son temps à tuer des gens."
Le cœur d'Hermione remonta dans sa gorge alors que Severus continuait sur le ton de la conversation. "J'ai rarement vu quelqu'un qui utilisait la magie noire sans ménagement comme il l'a fait récemment. Le Seigneur des Ténèbres est enchanté par l'outil exceptionnel qu'il s'est forgé. Ceux qui font l'erreur de se mettre en travers du chemin de Drago ont tendance à mourir de l'utilisation étrangement ingénieuse de sorts de la 'Résistance'. Il y a quelques semaines, l'un des Mangemorts marqué, Gibbon, a été trouvé démembré avec les membres écorchés. J'ai aidé à autopsier le corps ; il y avait une forme exceptionnelle de magie noire qui avait forcé Gibbon à rester en vie pendant presque un jour avant de mourir."
Hermione se figea et secoua vivement la tête. "Ce n'est pas… Drago n'aurait pas… vous avez dit vous-même qu'il n'était pas sadique."
Severus la regarda du coin de l'œil. "Pensiez-vous que ne pas être sadique signifiait qu'il ne torturait personne à mort ?" Son expression était méprisante. "Je suis sûr que vous avez lu ses runes. De quelle façon pensez-vous qu'il soit impitoyable et sans échec ?"
Hermione se raidit jusqu'à ce que son corps en tremble et que sa mâchoire ne tressaille. "Vous tuez des gens aussi et je n'ai jamais remis votre loyauté en question à cause de ça, Severus."
Il renifla légèrement et ses lèvres se retroussèrent. "Je n'ai qu'une loyauté ; au but de l'Ordre. Les horreurs que je suis obligé de commettre, je les commets par nécessité. Pensez-vous que j'aime sentir mon âme se déchirer lentement et m'empoisonner ? Tout ça en étant ridiculisé et mis en doute par ceux qui n'auraient jamais la volonté de faire un tel sacrifice ?" Il secoua légèrement la tête. "Cependant, ce n'est pas le sujet. Gibbon n'était pas une nécessité. Il n'était pas important. Il n'était pas puissant. Il n'y avait rien qui soit stratégique ou dans l'intérêt de l'Ordre de le tuer. Et rien ne nécessitait de le démembrer en le gardant en vie pendant le processus."
Hermione continua à fermement secouer la tête. "Ça aurait pu être quelqu'un d'autre. Vous ne savez pas si c'était Drago."
Severus se figea et se tourna lentement pour faire face à Hermione. "C'était Drago. Je sais que c'était Drago. La raison pour laquelle je le sais c'est parce qu'en disséquant le sort de magie noire, je suis tombé sur la signature d'un enchantement intéressant. Un enchantement que j'ai personnellement inventé. Un enchantement de contention que je n'ai appris qu'à une personne. Vous. Vous l'avez utilisé pour soigner ses runes, n'est-ce pas ?"
La pièce entière vacilla devant la vision d'Hermione, et elle se rattrapa au bord de la table pour ne pas tomber.
Severus baissa les yeux vers elle, l'expression menaçante. "Je suis un espion depuis presque plus longtemps que le temps que vous avez vécu, Miss Granger. Maintenant, arrêtez de le défendre et écoutez."
Hermione s'immobilisa.
Severus pinça les lèvres en l'étudiant. "Il s'est transformé en voyou. S'il a été loyal un jour, il ne l'est certainement pas maintenant. Quoi qu'il soit en train de faire, ce n'est pas seulement au nom de l'Ordre. Il est l'un des généraux les plus puissants de l'armée à présent. Il ne rend de comptes qu'au Seigneur des Ténèbres. Il a son propre réseau d'information dans l'armée, et il a utilisé ces informations pour que l'Ordre compte lourdement sur lui ; probablement pour l'empêcher de le trahir un jour."
Hermione avait l'impression de ne plus pouvoir respirer. Le bout de ses doigts picotait légèrement. Elle fit un hochement de tête tremblant.
"Je pense que je sais pourquoi il a tué Gibbon," ajouta Severus après un moment. "Il a maquillé le meurtre pour donner l'impression qu'il avait été torturé, mais une fois que j'ai remarqué l'enchantement, il y avait plusieurs indices qui ont rendu évident ce qu'il a essayé de faire. Drago essaie de trouver un moyen de retirer sa Marque des Ténèbres sans en mourir."
"En mourir ?"
"S'il était possible d'enlever la marque en l'écorchant ou en se coupant le bras, Igor Karkaroff serait en vie aujourd'hui. Il y en a quelques-uns qui ont essayé de s'enfuir ou de retourner leur veste pendant les deux guerres et qui ont découvert à leur dépends ce qui arrivait. La Marque est une connexion entre le Seigneur des Ténèbres et ses serviteurs ; la couper mène à une blessure enchantée. La personne saigne à mort, de façon inarrêtable. Il n'y a aucun sort ni aucune potion pour l'empêcher. Pourtant il semble que Drago soit déterminé à trouver un moyen, si c'est possible."
Un détail horrifiant frappa Hermione. "Il était gaucher. Mais maintenant, il est ambidextre."
Severus haussa pensivement un sourcil. "Ce serait la chose logique à faire, pour un homme qui aurait l'intention de finir par s'amputer le bras. Savez-vous depuis combien de temps il est ambidextre ?"
"Depuis aussi longtemps que je le vois. Je l'ai rarement vu utiliser sa main gauche." Il y avait une sensation brûlante dans le creux de son estomac.
Severus prit l'air pensif. "Alors il le prévoit depuis des années."
Hermione était ébranlée ; essayant de réévaluer les choses qu'elle savait. Drago jouait un jeu au long court. Elle était à peine un détail dans ce jeu, ou un outil. Elle ne le savait même pas.
Severus la fixa avec l'expression la plus tendue qu'Hermione ne lui avait jamais vue. "Il serait plutôt mortel pour tous ceux qui sont impliqués si les menottes de sa servitude étaient un jour enlevées."
Hermione hocha la tête. Sans la Marque des Ténèbres pour restreindre Drago, il ne serait plus nécessaire pour lui d'inciter l'Ordre à maintenir sa couverture. S'il était en concurrence pour le pouvoir, enlever sa Marque était l'étape suivante.
Surtout depuis qu'Hermione avait admis qu'Harry n'avait pas l'intention de tuer Voldemort.
Severus fit un petit soupir et eut soudain l'air vieux alors qu'il regardait Hermione. "Je dois l'admettre, je m'étais attendu à ce que l'attaque de juin soit le début de la fin pour lui. Avec la punition à laquelle il a été soumis, j'avais supposé que son temps serait compté." Il lui jeta un regard prudent. "Le fait que ça ne soit pas le cas, je suppose, doit être attribué à vos soins exceptionnels."
Il y eut un silence. Pendant un moment, elle eut l'impression que le monde s'était figé autour d'elle, puis il se brisa.
"Vous saviez qu'il prendrait le blâme pour l'attaque de juin," dit lentement Hermione, regardant Severus avec les yeux écarquillés. "Vous, Kingsley et Maugrey. C'est pour ça que vous vouliez rendre l'attaque si élaborée et utiliser autant de renseignements. Vous n'étiez pas inquiets qu'il soit démasqué. Vous vous attendiez à ce qu'il soit tué pour ça."
Severus ne dit rien.
"Pourquoi… pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?" dit-elle finalement. Sa voix tremblait légèrement de rage.
"Nous ne pensions pas que vous aviez besoin de savoir." Severus haussa les épaules. Hermione se sentait si enragée qu'elle avait l'impression qu'elle pourrait incinérer la pièce autour d'elle. "Nous nous attendions à ce que vous finissiez par le découvrir. Quand il est devenu clair que vous ne l'aviez pas réalisé… que vous aviez développé une sorte d'attachement, ou que vous vous sentiez redevable envers lui… nous en avons conclu qu'il serait une bonne chose de vous laisser le soigner, étant donné que vous sembliez vouloir le faire. Nous pensions que c'était le moins que nous puissions faire, après ce que nous vous avions demandé."
"Vous vous attendiez à ce que j'échoue. Qu'il serait trop tard au moment où j'arriverais."
Severus prit un bocal d'aile de fées sur une étagère. Hermione ne pouvait plus respirer. Chaque son semblait soudainement cent fois plus fort. Le bouillonnement des potions. Ses propres exclamations horrifiées et silencieuses. Elle pouvait entendre le battement de plus en plus rapide de son cœur.
"Vous pouvez imaginer notre surprise de découvrir qu'à la place il est devenu encore plus dangereux qu'avant. Notre espion à la loyauté douteuse. Alors dites-moi, qu'avez-vous fait à Drago Malefoy ?"
Hermione pinça les lèvres pendant plusieurs secondes.
"C'est pour ça que Maugrey m'a envoyée ? Pour que vous puissiez me le demander ?" demanda-elle finalement.
Severus ne dit rien.
Hermione détourna les yeux et joua avec l'ourlet de sa manche. "Vous avez aidé à l'empoisonner, droit dans son âme. La magie runique corrompt toujours ; elle ne s'enlève pas. Si j'étais arrivée plus tôt… si vous aviez mentionné ce qui était arrivé… j'aurais pu être capable de le traîter de manière non drastique. Mais le temps que je m'en rende compte, je n'avais plus ces options. Mes consignes étaient de le tenir le plus longtemps possible. Quand j'en ai parlé à Maugrey, il m'a clairement dit de faire tout ce que je pouvais. Si vous n'aviez pas voulu que le je soigne, vous auriez dû me le dire."
"Et qu'est-ce que vous avez fait, précisément ?"
Hermione déglutit avec difficulté. "J'ai sauvé son âme."
"Qu'avez. Vous. Fait ?" dit lentement Severus.
Hermione resta silencieuse puis leva la main pour jouer avec la chaîne vide autour de son cou.
"Quand… quand j'étudiais en Egypte… avant que je parte… le directeur de l'hôpital m'a donné un Cœur d'Isis. Il pensait que je pourrais en avoir besoin pour Harry."
Il y eut un silence assourdissant alors que Severus se figeait en plein mouvement au-dessus de son chaudron.
"Vous n'avez pas fait ça," dit-il, la voix vibrant presque d'incrédulité. "En connaissez vous la valeur ? Si vous l'aviez vendu, vous auriez pu nourrir la Résistance pendant une décennie. La chose la plus proche d'une Pierre Philosophale, et vous l'utilisez sur Drago Malefoy ?"
Hermione ne cilla pas. "J'ai pris une décision calculée. Je n'aurais pas pu le vendre au marché noir. Pouvez-vous imaginer si Tom avait mis la main dessus ? En moins de quatre mois, Drago a sauvé des centaines de personnes. Des centaines. Et des centaines d'autres à qui il a au moins épargné une mort atroce. Il a sauvé Caithness, et il n'y avait aucune stratégie là-dedans. Il n'est pas un monstre." Sa voix se fit plus amère. "Vous avez aidé à l'empoisonner, et vous ne m'avez même pas laissé une chance d'essayer de le sauver. Les sauvetages n'étaient pas assez. Ce n'était pas assez pour nous assurer la victoire. Nous étions en train de mourir à petit feu avant qu'il n'arrive."
La rage de Severus avait l'air presque explosive. Son teint cireux était devenu encore plus pâle et ses yeux lançaient des éclairs. "Il s'est joué de vous, et encore plus adroitement que je ne l'avais pensé possible. Un orphelinat et quelques runes dans son dos et vous étiez convaincue qu'il valait le coup de lui donner un Cœur d'Isis. Vous êtes encore plus idiote qu'Harry Potter." Il la toisa avec mépris.
Hermione tressaillit. "Il ne s'est pas encore coupé le bras."
"Pensez-vous qu'il vous informera avant de le faire ?" Il est létal. Il n'est loyal à personne, et vous lui avez donné le pouvoir de devenir un mage noir capable de réduire à néant le Seigneur des Ténèbres."
"Il n'est pas que ça," dit Hermione, levant le menton en croisant le regard de Severus. "Ce n'est pas comme s'il savait que je l'avais quand il m'a demandée. Ou qu'il avait planifié sa punition. Vous auriez dû le voir, Severus ; il savait qu'il allait en mourir. Il s'y était résigné."
"Vous êtes sûre ? Cela ne vous est jamais venu à l'esprit qu'il ait pu vous manipuler tout ce temps ? Après tout, que gagne-il exactement à vous posséder ? Vous ne couchez pas avec lui. Il vous apprend à vous battre ; il vous enseigne l'occlumancie. Quel bénéfice en tire-il ?"
Hermione pâlit légèrement, mais elle continua à s'entêter. "Il est seul. Il n'a personne. Je suis la chose la plus proche d'une amie intime qu'il ait. Ce n'est pas moi qui prolonge sans cesse nos séances d'entraînement. Il sait que je deviens une vulnérabilité pour lui, et il ne peut pourtant pas s'en empêcher. C'est comme ça que fonctionnent les runes."
"Vous êtes à cours de temps," dit Severus, l'expression dédaigneuse. "Vous avez jusqu'à la fin du mois prochain pour démontrer que vous avez une forme de contrôle sur lui. Si vous ne pouvez pas, vous donnerez le souvenir le plus incriminant que vous avez de lui à Kingsley."
Hermione regarda Severus, stupéfaite.
"Vous ne pouvez pas l'exposer." Sa voix tremblait. "Nous avons besoin de lui. La Résistance pense qu'on est en train de gagner, et c'est à cause de lui. Harry pense qu'on est en train de gagner. Si nous perdons ses renseignements, l'Ordre ne s'en remettra pas."
Cela ne toucha pas Severus. "Heureusement pour la Résistance, Drago est devenu une figure cruciale dans l'Armée du Seigneur des Ténèbres. Sa mort va dramatiquement déstabiliser les choses."
"Vous ne pouvez pas… lui faire ça."
"Pourquoi ? Parce qu'il est votre… ? Que diriez-vous que vous êtes pour lui ?"
Hermione déglutit amèrement et refusa de répondre à la question. "Il sera torturé à mort de la façon la plus horrible qui soit, et vous le savez. Les victimes de la division des sorts seraient chanceuses comparé à ce qui serait fait à Drago. Vous… ne pouvez pas…"
Severus se tourna et la regarda froidement. "Refusez-vous d'obéir aux ordres, Miss Granger ? Choisissez-vous Drago plutôt que Mr. Potter et l'Ordre ?"
Hermione se figea et elle eut l'impression que le temps s'était arrêté alors qu'elle luttait pour respirer. Elle était en train de s'effondrer intérieurement. Il ne restait rien à l'intérieur d'elle.
"Non." Sa voix semblait défaite. "Non. Je suis loyale à l'Ordre."
Severus se détourna. "S'il n'avait pas été si confiant, il pourrait s'être protégé avec un Serment de votre part. L'ego est toujours ce qui provoque la chute d'un mage noir." Il renifla légèrement en remuant la potion.
Hermione secoua la tête.
"Vas-y. Tu es déjà plus que capable de me faire tuer n'importe quand s'il t'en prend l'envie."
"Vous avez tort. Ce n'était pas une erreur à cause de son égo. Il l'a toujours su. Il a toujours su que mes souvenirs pouvaient le faire tuer. Il savait que l'Ordre s'était joué de lui en juin, même si j'ai été trop naïve pour le voir. Il y a quelque chose d'autre sous tout ça, et on ne sait pas quoi," dit-elle fermant les poings jusqu'à ce qu'elle sente ses ongles s'enfoncer dans ses paules.
Severus la regarda par-dessus son épaule, l'air triste. "Il vous a compromise. On ne peut plus faire confiance en votre opinion sur le sujet."
Hermione gronda. "C'est faux ! Maugrey a dit que je devais faire tout ce que je pouvais pour soigner Drago. J'ai suivi les ordres et je l'ai soigné." Elle prit une vive inspiration. "Drago veut que je reste en vie. Ma vie est, pour je ne sais quelle raison, importante pour lui. Quoi qu'il fasse d'autre, mon bien-être est devenu une obsession pour lui et il le ressent. Il est furieux à cause de ça la moitié du temps parce que ça interfère avec les plans qu'il avait à l'origine, mais il ne peut pas s'en empêcher. Il sait qu'il atteint un point de non retour. Je peux le faire. Donnez-moi juste plus de temps. S'il vous plaît…"
Severus resta de marbre. "Vous avez eu du temps. Vous avez jusqu'à la fin du mois prochain."
Hermione avait l'impression qu'elle allait mourir. Ses poumons se racornissaient, s'atrophiant à l'intérieur d'elle. "Vous mettez sa mort sur mes épaules, Severus."
"C'est vous qui l'avez fait. J'ai fait tout ce que je pouvais pour vous donner une porte de sortie il y a six mois," dit Severus, détournant les yeux.
Hermione eut une exclamation enragée.
Severus s'arrêta et ajouta d'une voix plus douce. "Si et quand Kingsley et Maugrey décideront d'exposer Drago, nous nous donnerons une heure pour le prévenir ; une opportunité pour une sortie plus humaine, si vous souhaitez la lui offrir."
Hermione serra les poings et regarda Severus. "Si vous pensez que c'est une consolation, vous ne me connaissez pas très bien." Sa voix tremblait.
Severus ne répondit pas.
Un sanglot se coinça dans sa gorge, étouffant Hermione alors qu'elle essayait de le ravaler. Elle prit une inspiration rauque et se retourna pour fuir l'Impasse du Tisseur.
Dès qu'elle passa les protections de Severus, elle transplana.
Elle réapparut à Whitecroft. Elle finissait toujours ici. Elle resta sur la route et regarda avec mélancolie le chemin vers la masure qui apparaissait lentement à la vue.
Elle avança et regarda la porte. C'était jeudi. Il n'y avait pas de raison pour qu'elle soit là un jeudi. Ça serait suspect et illogique. Drago serait probablement enragé si elle activait les protections un jeudi sans raison valable.
Elle ouvrit la porte.
Drago apparut avant qu'elle ne soit entrée dans la pièce.
Il la regarda attentivement de haut en bas et elle le fixa. Elle avait eu l'impression de mourir de faim jusqu'à ce qu'elle le voit.
"Qu'est-ce que tu fais là ?" demanda-il finalement.
Elle cilla.
"Je…," elle lutta pour trouver une excuse. "L'escarmouche de la veille de Noël. Je… j'étais inquiète."
Il haussa un sourcil. "C'était il y a deux jours, Granger."
"Je n'ai pas pu m'échapper. Nous avons perdu beaucoup de combattants," dit-elle. "J'ai dû rester dans la salle d'hôpital."
"Alors tu es venue à la première opportunité." Il la regardait avec une expression de doute.
Hermione fit un petit hochement de tête et avança vers lui. Elle leva les yeux vers lui, l'étudiant, essayant de trouver le signe de quelque chose en lui. Quoi que ce soit. Elle voulait juste savoir ce qu'il était. "Est-ce que tu vas bien, Drago ?"
"Granger…" Son ton était un avertissement. "Qu'est ce qui ne va pas ?"
"Rien…" Les yeux d'Hermione se baissèrent sur les mains de Drago. Il l'avait touchée avec ces mains. Il avait fait courir ses doigts dans ses cheveux et sur sa peau. Il avait enroulé sa main autour de la gorge d'Hermione, et ça l'avait excitée.
Il avait démembré un Mangemort avec ces mains, tué des douzaines et des douzaines - possiblement des centaines - de gens qu'elle connaissait, assassiné Dumbledore.
Il était ambidextre, parce qu'il prévoyait depuis des années de s'amputer le bras pour devenir un agent libre. Quelqu'un qui n'aurait pas besoin de l'Ordre pour vaincre Voldemort pour lui.
Elle arracha son regard de ses mains.
"Je voulais juste… je voulais juste savoir si tu allais bien," dit-elle, regardant ses chaussures.
Il s'avança plus près, et elle leva vivement les yeux vers lui. Ses yeux étaient froids. Elle commença à reculer, mais il attrapa son poignet avec sa main gauche et la tira fermement vers lui, puis il la poussa vers le mur jusqu'à ce qu'elle soit coincée contre lui.
"Depuis quand est-ce que tu t'inquiètes pour moi ?" dit-il avec un regard méprisant. Ses yeux étaient durs et brillaient comme du mercure.
"Je ne sais pas." Hermione avait envie de pleurer en admettant. Il s'esclaffa.
"Et maintenant… ? Tu ne peux soudain pas t'en empêcher ?"
"Je voulais juste te voir."
Sa bouche tressaillit. "Pourquoi ?"
"Parce que j'ai peur qu'un jour je vienne et pas toi…" sa voix se brisa légèrement, et elle tordit assez son poignet capturé pour pouvoir enrouler ses doigts autour du poignet de Drago.
Les yeux de Drago vacillèrent. Sa main resta enroulée autour du poignet d'Hermione, et son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien.
Il l'étudia pendant un moment, et son expression vacilla ; quelque chose d'indéchiffrable y passa alors qu'elle le regardait.
Il prit une petite inspiration, et eut un rire bas. "C'est un aurevoir alors, Granger ?"
La prise d'Hermione se resserra. "Non !"
Le souffle d'Hermione se coupa. Le regardant, elle attrapa les robes de Drago de son autre main en essayant de respirer. Elle laissa tomber sa tête contre le torse de Drago. Il sentait la mousse de chêne et le cèdre.
Elle tremblait. "Je voulais juste… te voir."
Elle sentit la main droite de Drago venir se poser sur son épaule, et sa chaleur pénétra lentement dans ses os alors que son pouce courait doucement le long de sa clavicule. Elle continua d'agripper son autre poignet.
"Ne… meurs pas, Drago."
"Qu'est-ce qui ne va pas, Granger ?"
"Rien. J'ai juste… passé beaucoup de temps à te faire un kit de guérison. Ça serait plutôt ingrat de ta part de mourir maintenant. Alors… ne meurt pas."
Il eut un rire creux, et sa prise sur le poignet d'Hermione se resserra. Puis elle sentit son front se poser au sommet de sa tête pendant quelques secondes avant qu'il ne l'enlève.
"Seulement parce que tu me le demandes," dit-il. Le tranchant de son sarcasme semblait émoussé. Il avait l'air presque amer.
Elle serra son poignet plus fort. Elle voulait…
Elle voulait…
Ça n'avait pas d'importance. Ce qu'elle voulait n'avait pas d'importance. Ça n'en avait jamais eu.
Pour Harry. Pour Ron. Ça en vaudrait le
Elle s'était fait cette promesse des milliers de fois, mais elle semblait soudain creuse.
Drago n'était pas innocent, mais il ne méritait pas la peine que lui infligerait Voldemort pour sa trahison. Soulager sa conscience et l'euthanasier serait une réparation dérisoire.
Elle serait un héros, alors, réalisa-elle amèrement. Elle se disculperait face au monde et se maudirait en privé. Elle ne se le pardonnerait jamais. Ça serait impardonnable. La culpabilité la rongerait.
Elle siffla à travers ses dents en essayant de réfléchir.
"Qu'est-ce qui ne va pas Granger ?" demanda Drago quand elle fut restée silencieuse pendant une minute.
"Rien. C'était juste un Noël étonnamment mauvais." dit-elle d'une voix tendue.
Il renifla et libéra sa main. Il l'étudia en reculant. Il poussa un profond soupir.
"L'activation des protections, c'est pour les urgences," dit-il. "Pas parce que tu es inquiète ou que tu passes une mauvaise journée. Tu vas risquer ma couverture, et je serai forcé de deviner s'il vaut la peine de répondre immédiatement."
Hermione se sentit pâlir. Si ou quand Kingsley et Maugrey décideront d'exposer Drago, nous vous donnerons une heure pour l'avertir.
"Je suis désolée. Je ne t'appellerais plus à moins que ça ne soit urgent," dit Hermione. Il eut l'air sceptique. "Je te le jure," dit-elle avec force. "Si jamais je les active encore, ça sera pour une bonne raison."
Il fit un bref hochement de tête. "Tu as donné ta parole, je te fais confiance pour la tenir."
Elle fit un petit hochement de tête en réponse, et il disparut sans un bruit.
Hermione resta dans la masure ; fixant l'endroit d'où il avait disparu. Se demandant quoi faire.
