Chapitre 49 - Flashback 24

Janvier 2003

Quand Drago arrêta de pleurer, Hermione retira sa main de son visage, s'adossa au mur et l'étudia sobrement.

Son expression devint gardée et amère alors qu'il lui rendait son regard.

L'autre main d'Hermione était toujours sur l'épaule de Drago. Ils se regardèrent l'un l'autre en silence pendant plusieurs minutes. Même l'air entre eux semblait à vif.

Il était à elle. Elle avait fait ce qu'on lui avait ordonné de faire. Mais elle n'avait aucune idée de comment le démontrer à Maugrey ou Kingsley. Comment diable était-elle censée démontrer qu'elle le contrôlait ?

"Si tu es loyal à l'Ordre, pourquoi continuer à grimper dans les rangs ?" demanda-elle finalement.

Les yeux de Drago étaient comme des miroirs. Son expression, de nouveau un masque. Il lui fit un petit sourire narquois. "Il était évident que ma proposition n'avait été acceptée que par désespoir. L'Ordre du Phénix en tant qu'organisation pouvait être liée par sa parole, mais Maugrey et Shacklebolt sont des stratèges. Clamer qu'ils pouvaient me gracier si l'Ordre gagnait était presque risible. J'ai supposé qu'une fois que j'aurais épuisé mon utilité, vous m'exposeriez pour que l'Ordre puisse exploiter le désordre qui suivrait ma mort. Par conséquent," il grimaça "j'ai essayé de me positionner au plus haut dans le but de maximiser les répercussions."

La main d'Hermione se resserra sur son épaule.

"Pourquoi tuer Gibbon ?"

Les yeux de Drago se plissèrent. "Je finissais une affaire que je n'avais pas terminée. Il avait offert des suggestions sur la façon dont ma mère devait être punie."

"Alors tu l'as démembré ?"

L'expression de Drago fut soudain aussi froide que la glace. "Combien d'espions avez-vous ?"

"Aucun qui nous apporte autant d'informations que toi. Pourquoi as-tu démembré Gibbon ?"

Il resta silencieux pendant plusieurs secondes. "Je voulais voir si je pouvais lui enlever sa Marque des Ténèbres. J'ai essayé de trouver un moyen de le faire avant que ma mère ne meure. Puisque de toute façon j'allais le tuer, j'ai decidé d'essayer encore. Ça n'a pas marché de toute façon. Je n'arrive pas à trouver un moyen de me débarrasser de cette putain de chose."

Hermione le fixa avec scepticisme pendant plusieurs secondes. Toute la vérité ? Demi-vérité ? Elle n'était pas sûre.

"Pourquoi m'embrasser ?" demanda-il brusquement. "Quel était le but… de tout ça ?"

Les yeux d'Hermione se baissèrent pendant un moment ; quand elle releva les yeux, il l'étudiait toujours.

"Je ne savais pas… que tu étais censé mourir de tes runes. Apparemment c'était évident, mais je ne m'en étais pas rendue compte."

Drago rit. C'était à rire mort.

"Ils ne s'attendaient pas à ce que je réussisse à te soigner. Une fois qu'il est devenu clair que tu ne mourrais pas, que tu continuais à grimper dans les rangs et que tu essayais apparemment de retirer ta Marque des Ténèbres, l'Ordre a conclu que tu essayais de te positionner pour renverser ton maître. Que tu aidais l'Ordre simplement pour faire jouer les deux camps l'un contre l'autre parce que tu voulais devenir le prochain Seigneur des Ténèbres."

Il eut un autre rire mort. "Le pensais-tu aussi ?"

"Non. Mais parce que je t'ai soigné, je suis vue comme compromise. Je… je…ne suis plus… je ne suis pas… mon opinion n'est plus considérée comme fiable. On m'a donné jusqu'à la fin du mois pour démontrer que je peux te contrôler. Je pense…" Hermione eut aussi un rire amer. "Je pense que c'était juste une façon de me laisser te dire au revoir."

"Alors c'était une baise d'aurevoir ? Un paiement pour les services rendus ?" Il fit un sourire moqueur.

"Non. C'était…" La mâchoire d'Hermione tremblait, et ses yeux se baissèrent. "Je… c'était… ce n'était pas ce que c'était."

Ses doigts tordirent le tissu des robes de Drago et elle le regarda. "Pourquoi ne m'as-tu pas fait faire un Serment Inviolable quand je te l'ai proposé ?"

Le coin de la bouche de Drago tressaillit. "Je n'étais pas intéressé par le fait que tu ne me trahisse pas simplement parce que je t'en aurais rendue incapable. Après tout, Shacklebolt et Maugrey ont plus qu'assez pour me faire tomber sans toi."

Hermione fit un petit signe de tête. Elle avait l'impression que quelque chose était coincé dans sa gorge. Elle détourna les yeux un moment avant de le regarder de nouveau dans les yeux. "Je ne peux pas… je ne peux pas te choisir avant l'Ordre. Il y a… tant de gens qui comptent sur nous. La Grande-Bretagne est tout ce qu'il reste de la Résistance. Je ne peux pas te faire passer avant les nés-Moldus. Il n'y a rien à espérer pour eux si l'Ordre perd."

"Je sais." Sa voix était sèche. Ses yeux brillaient alors qu'il la regardait, son expression vicieuse, presque moqueuse.

Ce fut tout ce qu'il dit.

La prise d'Hermione sur les robes de Drago se détendit, et elle eut un rire incrédule.

Il n'avait même pas envie de vivre. Il voulait se venger ; il voulait mourir. Son attachement à elle était un retournement de situation décevant pour lui… ce n'était pas suffisant pour lui donner envie de vivre.

Elle avait juste empiré les choses. C'était tout ce qu'elle avait fait.

Parce que Severus, Maugrey et Kingsley ne lui avaient pas dit. Il lui avaient fait croire que c'était réel. Que c'était pour toujours.

Alors elle avait joué son rôle avec conviction.

Mais ça n'était pas important… ça n'avait jamais été important, parce que Drago l'avait toujours su.

Elle essayait de respirer alors qu'elle accusait le coup.

Elle ouvrit la bouche et la referma. Drago fit un rictus et détourna les yeux d'elle.

"Très bien," dit-elle finalement mécaniquement, hochant faiblement la tête. "Ils ont dit qu'ils me laisseraient t'avertir avant de t'exposer. Je viendrai. Je suis désolée."

Il ne réagit pas. Pas même un vacillement. Il était juste glacé.

Elle leva les yeux vers lui, saisissant tous les détails de lui qu'elle avait mémorisé ; ses cheveux et ses pommettes acérées, l'intensité de son regard, ses lèvres fines et ses dents droites et blanches, la ligne précise de sa mâchoire et sa gorge pâle qui disparaissait dans le col noir de sa chemise. Le tissu était de travers; elle tendit la main pour le redresser. "Je suis… tellement désolée, Drago."

Elle retira la main et commença à se retourner. Il n'y avait pas d'air dans la pièce. Elle continuait à essayer de respirer, et il n'y avait pas du tout d'oxygène.

Elle pensa qu'elle allait s'évanouir.

"Alors, que t'arrivera-il, Granger, après que tu aies choisi l'Ordre ?" La voix détendue de Drago l'interrompit.

Hermione cilla et et tourna la tête vers lui. "Moi ?"

"Oui." Drago attrapa le menton d'Hermione et avança son visage vers lui pour qu'elle regarde dans ses yeux d'argent froid. Ils se plissèrent alors qu'il l'étudiait. "Que va-il t'arriver ?"

"Si tu… meurs ?"

Il fit un petit hochement de tête.

Hermione ne s'était même pas posé la question. Elle s'était concentrée sur la façon de garder Drago en vie passé fin janvier. Elle n'avait même pas pensé à ce qu'elle ferait après si elle échouait.

"Je ne sais pas," dit-elle avec une sorte de rire hystérique. Elle tira sur son menton pour le libérer. "Ils m'ont déjà presque complètement remplacée dans la salle d'hôpital." Elle haussa les épaules, écartant les doigts. "Peut-être qu'ils m'offriront au prochain espion qu'ils recruteront."

"Ne plaisante pas. Je veux une vraie réponse." Sa voix avait un côté furieux.

Hermione le regarda de nouveau et s'esclaffa. "Je me suis promise à toi, Drago. Je l'ai juré. Maintenant et après la guerre. Je n'ai pas d'autres plans."

Son expression vacilla alors qu'il lui rendait son regard, puis elle se durcit. "Je pensais que tu ne voulais pas mourir ; il y a sûrement quelque chose que tu attends avec impatience."

Elle sourit amèrement. "Il ne… me reste plus rien. Je suis foutue maintenant."

Drago resta silencieux. Hermione pinça les lèvres et commença à se lever. Elle avait envie de partir. La pièce devenait vaguement lumineuse.

"Je vais faire un Serment Inviolable," dit-il brusquement. "Toutes les foutues choses que voudra Maugrey. Est-ce que ça serait suffisant comme démonstration de contrôle ?"

Hermione tourna vivement les yeux vers lui. Son expression était froide, mais ses yeux brûlaient quand elle croisa son regard.

"Tu le ferais ?" demanda-elle, incrédule.

Il avait l'air épuisé, mais quelque chose semblait toujours bouillonner en lui. "Fais le savoir à Maugrey. J'imagine qu'il veut toujours jouer le rôle du Lieur."

Hermione hocha sèchement la tête, le regardant toujours les yeux écarquillés, incrédule. Il soupira et leva la main, caressant la gorge d'Hermione, son pouce glissant le long de son cou. Hermione sentit son souffle se couper.

"Pourquoi ? Pourquoi faire cette offre ?" demanda-elle, l'étudiant.

Il renifla et retira sa main. "Je le réalise à présent, je n'avais pas pris toutes les choses en compte. Il ne m'était pas venu à l'esprit que j'avais pu te rendre commercialisable."

Il détourna les yeux d'elle.

"Oh," dit Hermione.

Les Malefoy sont plus proches des dragons que des sorciers. Ils ne partagent pas. Ils sont obsédés par ceux qu'ils voient comme leur appartenant.

Elle fut tentée de rire. Elle déglutit difficilement.

"Très bien alors." Il y avait quelque chose d'autre qu'elle devrait dire. "Je… j'en informerai Maugrey."

Il fit un petit hochement de tête en signe d'acquiescement.

Il ne dit pas un mot alors qu'elle se levait et récupérait sa sacoche. La main de Drago eut un mouvement en avant alors qu'elle se tournait pour partir. Il ne la regarda pas alors qu'elle passait le pas de la porte. Quand elle referma la porte, il était toujours adossé contre le mur, fixant le sol d'un regard vide, si pâle qu'il aurait pu être un fantôme.

Hermione resta dehors sous la pluie pendant plusieurs minutes, essayant de retrouver ses repères. Elle prit une inspiration hachée.

Elle avait l'impression d'être au bord d'un précipice et elle ne savait pas si elle allait y tomber.

Elle prit une autre grande inspiration et transplana à l'Impasse du Tisseur. Les fenêtres de la maison étaient sombres. Elle s'assit sur la marche devant la porte d'entrée.

Elle était trempée jusqu'aux os quand la porte derrière elle s'ouvrit brusquement.

Severus avait les yeux baissés vers elle avec une expression froide. Elle se blottit contre le mur.

"Y a-t-il une raison pour laquelle vous essayez de contracter une pneumonie sur le pas de ma porte ?"

Hermione se leva et le regarda. De l'eau de pluie ruisselait sur son visage. "Les sorciers sont immunisés contre la pneumonie."

Il leva les yeux au ciel et ouvrit la porte plus largement. "Je vais supposer que c'est urgent. Étant donné l'absence d'invitation."

Hermione se lança un sort de séchage en passant la porte et suivit Severus dans son salon.

Il agita sa baguette d'un geste insouciant sans regarder Hermione et un feu se mit à ronfler dans la cheminée. Puis il se mit à rassembler des livres éparpillés ; il y en avait des piles sur le canapé et les bras des fauteuils. Il commença à les remettre à leur place sur les étagères bondées.

Les mains d'Hermione étaient douloureuses à cause du froid, et elle les tendit vers les flammes pendant quelques instants avant de parler.

"C'était Narcissa," dit-elle finalement. "Elle était la raison."

"Vraiment ?" Le ton sceptique de Severus venait de quelque part dans son dos.

"Tom la gardait dans une cage quand Drago est rentré de l'école après la cinquième année. Il ne l'a pas laissée sortir avant que Drago ne tue Dumbledore. Est-ce vrai qu'elle a failli mourir pendant sa grossesse ?"

Il y eut un silence. Hermione écouta le frottement des couvertures de livres les unes contre les autres et le léger cognement des livres qui heurtaient le bois de l'étagère.

"C'est vrai," dit Severus après un moment. "C'est arrivé au sommet de la guerre. Lucius pensait qu'il allait la perdre. Même après la naissance de Drago, il y a eu une période où il n'était pas sûr qu'elle allait survivre."

Hermione hocha la tête. "Drago a dit que Lucius l'avait fait jurer de toujours prendre soin d'elle. Il a dit qu'il avait essayé de l'emmener dans un endroit sécurisé, mais elle ne voulait pas partir sans lui. Est-ce que d'autres Mangemorts marqués sont morts de manière étrange, comme Gibbon, avant que le Manoir Lestrange ne brûle ?"

Le bruit des livres dans l'étagère cessa.

"Maintenant que vous le mentionnez, il y en a quelques-uns qui ont disparu. Travers, Pettigrow, et Jugson sont les plus notables." La voix de Severus provenait de l'autre côté du salon.

Hermione regarda dans le feu. "Il essayait de trouver un moyen de se débarrasser de sa Marque pour pouvoir s'enfuir avec elle. L'espionnage n'a toujours été qu'une vengeance."

Severus ne dit rien et continua à ranger ses livres. Hermione se demanda s'il la croyait.

Compromise. Pas digne de confiance. Il pensait probablement qu'elle était juste là pour le supplier.

"Il a dit qu'il ferait un Serment Inviolable ; tout ce que voudra Maugrey."

Il y eut un silence. Puis une main se posa sur son épaule, et Severus la retourna pour qu'elle lui fasse face. Ses yeux d'onyx reflétaient la lumière du feu. Il parut remarquer l'apparence d'Hermione pour la première fois. Son expression était atterrée.

"Qu'avez-vous fait ?"

Hermione leva les yeux vers lui, le regard stable. "J'ai accompli ma mission : je l'ai rendu loyal."

Severus toucha le côté de la tête d'Hermione. Ses tresses avaient été malmenées et des mèches pendaient an désordre. Elle rougit et éloigna sa tête de la main de Severus. Il serra plus fort son épaule, et il la conduisit dans un endroit plus lumineux, lui fit lever la tête et la fixa, les narines dilatées.

Hermione ne voulait pas qu'on la regarde. Elle essaya de se libérer. "Puis-je utiliser votre salle de bain ? Je n'ai pas pu retourner au Square Grimmaurd dans cet état, et je n'avais… je n'avais pas d'autre endroit où aller."

La main de Severus resta serrée sur son épaule un moment, comme s'il hésitait. Ses lèvres étaient pincée dans une ligne dure.

Hermione détourna la tête pour éviter de regarder son visage, courbant défensivement les épaules. La main de Severus la relâcha, et il recula lentement, faisant un geste vers le couloir.

Hermione se retourna sans un mot, et sortit du salon pour aller dans la petite salle de bain près de la cuisine. Alors qu'elle verrouillait la porte, elle se regarda dans le miroir ; elle avait l'air si pâle qu'elle était presque grise, mais ses lèvres étaient rouges et contusionnées. Ses tresses ressemblaient à un nid d'oiseau. Sa chemise était déchirée ; elle ne l'avait pas remarqué quand elle s'était rhabillée.

Elle baissa son pantalon et sa culotte et fit disparaître le mélange de sang et de sperme qui s'y était accumulé. Il était devenu froid contre sa peau, et elle n'avait pas été capable de l'ignorer. Pas dans la masure. Pas dans la pluie en attendant Severus. Il était juste là, comme un rappel froid contre sa peau.

Ses mains tremblaient presque violemment alors qu'elle remontait son pantalon. Elle répara la déchirure de sa chemise puis leva les bras pour enlever les épingles qui tenaient toujours ses cheveux.

Ses lèvres tremblaient, et les coins de ses yeux picotaient alors qu'elle défaisait rapidement ses tresses puis les refaisait avec soin. Elle n'allait pas pleurer. Certainement pas. Elle continua à se répéter cette résolution. Elle essaya d'occluder tout ce à quoi elle ne voulait pas penser, mais ses murs ne tenaient pas en place. Elle se mordit la lèvre en enroulant les longues tresses à la base de son crâne et en les épinglant.

Elle regarda de nouveau son reflet. Elle était plus maigre que quand elle avait vu Drago pour la première fois en mars. Ses joues étaient plus creuses, et ses clavicules saillaient plus franchement. Elle se faisait facilement des ecchymoses.

Le stress l'avait creusée, peu à peu.

Elle mit la main dans sa sacoche et en sortit un petit pot d'essence de Murlap, qu'elle étala sur ses lèvres en regardant la couleur lentement disparaître. Puis elle en tamponna sur quelques endroits le long de son cou.

Elle ressortit de la salle de bain. Severus était dans la cuisine ; il y avait plusieurs petits chaudrons qui bouillonnaient. Quand il se retourna et la vit, il attrapa immédiatement plusieurs fioles et avança vers elle.

"Prenez ça," lui ordonna-il.

Hermione regarda les fioles placées dans ses mains. Philtre de Paix pour arrêter les tremblements de ses mains, une potion contraceptive et une potion anti-douleur.

"Je n'ai pas besoin de celle-là," dit-elle, lui rendant la potion contraceptive. "J'en ai déjà prise."

L'expression de Severus vacilla à peine alors qu'il la reprenait et la glissait dans une poche.

"Que s'est-il passé ?" demanda Severus après qu'elle eut bu le philtre de Paix. Son ton était soudain meurtrier.

Hermione évita son regard perçant et déboucha la potion anti-douleur. "Je ne sais pas pourquoi vous êtes bouleversé. Ne vous attendiez-vous pas à ce que ça arrive dès le début ?"

Severus resta silencieux quelques instants. "J'ai été de garde, le soir où vous y êtes allé la première fois, et chaque mardi matin jusqu'à mon affectation au laboratoire.'

"Oh. Je ne le savais pas." Elle regarda autour de la pièce, se demandant pourquoi personne ne le lui avait dit. Encore une fois, ils ne lui disaient apparemment pas tout. Un outil utile.

Elle avait pensé qu'au moins Severus la voyait comme plus que ça. Elle pinça les lèvres.

Il y avait un petit baril de limon de griffe de dragon sur le plan de travail ; elle s'avança et le regarda. C'était du Dent-de-Vipère du Pérou : cher, bon pour les potions de restauration, les fortifiants, et donnait un coup de fouet additionnel quand on avait la grippe du chat noir.

Elle enleva le couvercle et le renifla.

"Hermione, que s'est-il passé ?"

Elle se figea et remit le couvercle. Severus ne l'appelait presque jamais par son prénom.

Elle leva froidement les yeux vers lui, mais sa mâchoire tremblait de façon incontrôlable. "Je vous ai dit qu'il avait envie de moi. Aujourd'hui il a cédé." Ses yeux se baissèrent. "C'était juste… brusque. Il ne savait pas que je… n'avais jamais… avant. J'avais peur qu'il s'arrête s'il le savait. La dernière fois… quand il m'a embrassée et que j'ai… hésité… il… il n'est pas revenu pendant un mois. Donc je n'ai pas pu recommencer. J'avais peur qu'il ne revienne jamais si je lui disais."

Severus ne dit rien.

Hermione pressa sa main contre ses clavicules. "Il était si bouleversé après que je pensais qu'il allait s'évanouir. Puis tout s'est déversé de lui. Je ne pense pas qu'il l'ait jamais dit à quelqu'un avant. Il a commencé à pleurer quand il m'a parlé de Narcissa. Il attendait qu'on l'expose. C'est pour ça qu'il continuait à grimper dans les rangs : il s'est dit qu'au plus il était important, au plus grandes seraient les répercussions pour Tom quand il mourrait."

Il y eut un silence seulement interrompu par le léger bouillonnement des chaudrons.

Hermione ne savait pas où regarder. Elle ne savait pas quoi faire. Elle pouvait sentir Severus la regarder sceptiquement.

Compromise. Pas digne de confiance. Elle se mordit les lèvres et se détourna.

Après une minute, Severus soupira. Hermione le regarda de nouveau, son rythme cardiaque s'accélérant.

"S'il est suicidaire, pourquoi offre-il de faire un Serment Inviolable ?" L'expression de Severus était indéchiffrable.

La bouche d'Hermione tressaillit, et elle tordit l'ourlet de sa chemise entre ses mains. "Hé bien, maintenant qu'il ne peut plus fermer les yeux sur son obsession, je ne pense pas qu'il sache comment s'en débarrasser. Maintenant qu'il a cédé. Je ne pense pas qu'il ait quelque modération que ce soit à sa possessivité, même avant qu'il ait ses runes. Je n'ai peut-être pas fait de Serment Inviolable, mais je me suis jurée à lui. Il me voit comme sienne. Je pense… je pense que c'est ce qui a changé les choses." Hermione détourna les yeux, se tordant les doigts. "Pourrez-vous… pourrez-vous le dire à Maugrey ? Je ne pense pas qu'il croira tout ce que je dis à présent. Mais… j'ai fait ce qu'on m'a dit de faire. Alors, vous ne devriez pas… vous ne pouvez pas… ne me faites pas…"

Ses mains recommencèrent à trembler.

"Je parlerai à Maugrey," dit Severus. "Vous en avez assez fait. Je ne m'attendais pas à ce que vous…" Sa voix s'éteignit pendant un moment. "S'il a accepté de faire un Serment Inviolable, c'est plus que suffisant."

Hermione hocha la tête plusieurs fois, regardant aveuglément autour d'elle. "Très bien. Très bien. Je vais m'en aller alors."

"Attendez," dit fermement Severus.

Hermione resta où elle était, se sentant gênée et pas à sa place, et il la regarda en semblant être sur le point de dire quelque chose. Il tendit la main vers elle mais s'arrêta quand il fut à un centimètre de son épaule. Il ferma le poing et le retira, le regard toujours fixé sur elle.

"Est-ce que… vous souhaitez…" hésita-il pendant un moment. "Est-ce que voulez en parler ?"

Hermione le fixa, horrifiée. "Non."

Il parut visiblement soulagé, fit un petit hochement de tête et regarda autour de lui. "Vous n'êtes pas blessée… n'est-ce pas ? Avez-vous besoin que je…"

"Il n'a pas été violent," dit-elle vivement, interrompant la question de Severus. Elle croisa les bras et recula la tête. Sa voix était très tendue, comme si sa gorge ne pouvait pas se détendre. "C'était juste…brutal."

Severus baissa les yeux et lissa les plis de ses robes pendant quelques secondes. Puis il se retourna brusquement et avança jusqu'aux chaudrons, agitant sa baguette au-dessus de plusieurs d'entre eux puis remuant leur contenu avec une tige. Il les observa.

Il agita sa baguette, faisant venir un ensemble de fioles depuis un placard et versa les potions dans les fioles avec une louche, les rebouchant avec l'aisance que conférait l'habitude. Severus se tourna vers elle et son expression vacilla, révélant un chagrin qu'Hermione n'avait jamais fait qu'apercevoir.

Il marcha vers Hermione et s'arrêta à moins de trente centimètres d'elle.

Il y eut un silence. Il baissa les yeux et secoua les fioles dans ses mains. "Ça devrait soulager tout inconfort résiduel suite à… l'introduction."

Hermione sentit son visage brûler et regarda les potions dans les mains de Severus. Elle les reconnut. Des anti-douleur coûteux.

"Ce n'est pas… si douloureux," dit-elle, évitant ses yeux. "En outre… je peux faire mes propres potions, Severus."

Son expression se fit froide. "Vous avez le droit de laisser d'autres personnes prendre soin de vous. Je vous connais assez bien pour savoir que vous ne feriez jamais de telles potions pour vous-même, parce que trop des ingrédients sont importés. Prenez-les, à moins que vous ne préféreriez que j'envoie un mot à Minerva sur ce que vous avez fait aujourd'hui."

Face à la menace, Hermione arracha les fioles des mains de Severus et les fourra dans sa sacoche. Elle leva les yeux pour voir que Severus la regardait toujours. Son expression était indéchiffrable.

"Quoi ?"

"Est-ce que vous allez bien ?" Sa voix était douce.

Hermione resta à le regarder. Non. Elle n'allait pas bien. Elle n'avait pas bien été depuis… elle ne souvenait pas de la dernière fois où elle était allée bien. Elle ne savait plus comment aller bien.

L'expression de Severus était visiblement inquiète, et cela fit tressaillir et se hérisser intérieurement Hermione. Elle avait des parents. Des parents qui étaient en vie et heureux, même s'ils ne se souviendraient jamais qu'ils avaient eu une fille. Elle avait des parents. Elle n'avait pas besoin d'en avoir de nouveaux. Elle n'avait pas besoin de nouvelles personnes qui se "souciaient" d'elle en lui disant qu'elle prenait les mauvaises décisions. Elle avait déjà Minerva, Harry, et la plupart des Weasley pour ça.

"Je vais bien," dit-elle avec raideur. "Je n'essayais pas de faire passer ce que j'ai fait comme quelque chose de monumental. J'avais juste besoin d'une salle de bain pour me recoiffer."

Il soupira. "Vous…" Il hésita et resta silencieux.

"Quoi ?" demanda-elle, la gorge se contractant d'appréhension quand il resta silencieux et ne fit que continuer à la fixer avec une expression conflictuelle dans les yeux.

N'était-ce pas assez ? Peut-être qu'un Serment Inviolable ne serait toujours pas assez. Y avait-il quelque chose d'autre qu'elle pouvait faire ? Elle déglutit à plusieurs reprises et essaya de réfléchir, enroulant la sangle de sa sacoche autour de ses doigts. Peut-être…

"Vous êtes sans aucun doute l'atout le plus exceptionnel que l'Ordre possède. J'en suis désolé."

Les mains d'Hermione se figèrent, et elle le fixa pendant un moment. Puis elle s'étouffa et éclata en sanglots.

Il resta à la regarder pendant plusieurs minutes avant de poser une main hésitante sur son épaule.

La semaine suivante, Maugrey accompagna Hermione à Whitecroft.

Ils restèrent ensemble silencieusement sous la pluie jusqu'à ce que la porte s'ouvre et que la masure apparaisse lentement à la vue.

Drago se trouvait dans l'encadrement de la porte, la regardant.

Hermione marcha vers lui, les bruits des pas inégaux de Maugrey derrière elle. Quand elle atteignit les marches, elle s'arrêta et regarda Drago.

Il ne croisa pas son regard en reculant pour les laisser entrer.

Il avait l'air décharné. Fatigué. Mais elle pouvait sentir son regard sur elle.

Si Maugrey avait une réaction à propos de la masure, elle n'était pas visible sur son expression. Il regarda les murs autour de lui puis étudia le sol pendant un moment étrangement long.

Hermione baissa les yeux ; alors que son regard traversait la pièce, elle remarqua avec horreur qu'il y avait des tâches de sang sur l'une des lames de parquet. Elle n'en était pas certaine, mais elle pensait que c'était approximativement là où elle avait été sur le sol quand Drago et elle avaient couché ensemble. Elle leva vivement les yeux. Drago regardait aussi le sol et semblait l'avoir juste remarqué également. Il pâlit remarquablement, et son expression se fit sombre quand il leva les yeux vers Maugrey, qui étudiait toujours silencieusement le sol.

Hermione se sentait prête à mourir d'embarras, alors que Drago semblait être sur le point d'exploser de rage au moment où Maugrey leva les yeux du sol pour fixer Drago.

L'atmosphère était tendue. Mortellement. Comme une forêt qui devient soudain silencieuse. Définie par ce qui était absent. L'air entre Drago et Maugrey était mortellement froid. Le cœur d'Hermione tambourinait alors qu'elle se tenait entre les deux. Aucun d'entre eux n'avait sa baguette de sortie, mais Hermione avait l'impression que le moindre bruit pourrait la leur faire sortir à tous les deux et jeter un Avada Kedavra à l'autre.

"Tu vas faire un Serment ?" demanda Maugrey après quelques instants de silence.

"N'est-ce pas ce pourquoi vous êtes là ?" dit Drago, lui jetant un regard méprisant.

Maugrey fit un bref hochement de tête puis, avec une lenteur délibérée, sortit sa baguette. L'expression de Drago se tendit encore plus, mais il resta parfaitement immobile.

"Prenez-vous chacun la main droite," leur demanda Maugrey d'une voix rauque.

Hermione leva la sienne, et Drago tendit sa main pour la prendre. Ses yeux brillaient d'argent alors que ses doigts entouraient ceux d'Hermione.

"Agenouillez-vous," dit Maugrey après un moment.

Hermione tomba à genoux, et Drago en fit de même en face d'elle. Maugrey abaissa sa baguette et en posa le bout contre leurs mains jointes.

Hermione fixa Drago et sa main trembla dans la sienne. "Vas-tu, Drago, aider l'Ordre du Phénix à vaincre Lord Voldemort du mieux que tu peux ?"

Les yeux de Drago croisèrent ceux d'Hermione. "Oui."

À ces mots une fine langue de flammes rouges sortit de la baguette de Maugrey et s'enroula autour de leurs mains. C'était assez chaud pour brûler, mais aucun d'entre eux ne vacilla.

"Et après sa défaite, promets-tu de ne jamais revendiquer son pouvoir ou devenir un Seigneur des Ténèbres ?"

Drago n'hésita pas. "Oui."

Une seconde flamme s'entortilla autour de leurs mains.

Hermione agrippa sa main pendant un moment de plus puis la lâcha. Les langues de flammes se resserrèrent autour de leurs mains pendant un instant puis fondirent dans leur peau. Alors qu'Hermione retirait sa main, elle sentit presque des fils qui les reliaient se rompre alors que leurs mains se séparaient.

Il y eut un silence, et Drago se leva et fixa de nouveau Maugrey.

"Tu peux y aller, Granger. Je pense que Maugrey et moi avons des choses à discuter," dit Drago sans la regarder.

Hermione hésita.

"Vas-y Granger," dit Maugrey. "Tu peux retourner à la planque."

Hermione se retourna à contre-coeur et partit. Drago ne la regarda pas pendant qu'elle fermait la porte. Il regardait Maugrey.

Maugrey revint au Square Grimmaurd une heure plus tard. Hermione l'attendait sur les escaliers. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui dise de quoi Drago et lui avaient discuté en son absence, mais elle espérait qu'il lui donnerait au moins quelques indications.

Il la fixa pendant un moment après avoir fermé la porte. "Bon boulot, Granger."

Puis il avança dans la maison sans un autre mot.