Chapitre 50 - Flashback 25

Février 2003

Le Square Grimmaurd était un endroit silencieux et sombre.

L'une des planques majeures avait été compromise. Elle avait hébergé plusieurs figures importantes de la Résistance, des membres de l'Armée de Dumbledore et de l'Ordre. Ils ne savaient toujours pas comment c'était arrivé. Un Patronus d'Alicia Spinnet avait surgi au Square Grimmaurd au milieu de la nuit. Le temps que l'Ordre puisse mobiliser une réponse, l'attaque était presque terminée.

Ça n'avait pas été une attaque de Mangemorts. Des harpies principalement et des loup-garous. La maison en avait été bondée. Selon Ginny, ça avait véritablement grouillé de harpies, plus d'une centaine. Beaucoup des survivants ramenés à l'hôpital avaient trop d'organes internes manquants pour être soignés.

Alicia Spinnet, Dedalus Diggle, Septima Vector, et à peu près trente autres personnes étaient morts.

Cela brisa brutalement la bonne humeur qui régnait parmi la Résistance. En essayant de retrouver des survivants, Kingsley et plusieurs autres membres de l'Ordre et de la Résistance avaient utilisé de la magie noire pour forcer l'entrée de la maison.

Cela avait résulté en une dispute explosive entre Harry et Kingsley. La maison entière était sur les nerfs.

La semaine suivante, quand Hermione retourna seule à la masure, elle avança dans l'incertitude de ce qui arriverait après. La pièce était vide. Elle attendit nerveusement.

Drago apparut une minute plus tard.

Ils restèrent à se regarder pendant plusieurs minutes. Il fit courir ses yeux sur elle, cataloguant son apparence d'une façon qui était habituelle à ce stade.

Elle ne savait pas quoi dire. Elle ne savait pas ce qu'il allait se passer.

"J'ai amené des couteaux d'entraînement," dit Drago comme si les deux dernières semaines n'étaient jamais arrivées.

"Oh."

Il les sortit de ses robes. L'un des couteaux était petit, de la même taille que la paire qu'il lui avait offert à Noël. Le second était plus grand.

Il pressa la lame contre sa main en guise de démonstration. "Ils ont des protections sur la pointe et la lame ; ils ne peuvent pas percer la peau. Bien qu'ils puissent causer des hématomes."

Il lui lança le plus petit couteau.

"Les couteaux deviennent de plus en plus courants sur le terrain. Les harpies en portent souvent. Les Mangemorts commencent à suivre la tendance. Ils sont une solution de secours convenable si tu perds ta baguette."

Hermione examina le couteau, passant ses doigts le long de la lame qui paraissait aiguisée comme un rasoir mais ressemblait au toucher à un couvert.

"Il est difficile de gagner dans un combat au couteau. Même si tu y survis."

"J'en suis consciente," dit Hermione avec raideur. Elle avait soigné des blessures au couteau avec une régularité croissante cette dernière année. En ce qui concernait les blessures non magiques, les couteaux étaient le pire. Organes internes mutilés, graves pertes de sang, poumons ponctionnés, hémorragies. Comme les plaies des sorts de découpe, mais toujours plus irrégulières et difficiles à refermer.

"J'imagine que tu l'es, oui." Il n'avait pas croisé son regard. Pas une seule fois. Depuis le moment où il avait fait le Serment, ses yeux s'étaient détournés d'elle. "Nous commencerons avec l'esquive des attaques. Puis je te montrerai comment attaquer avec les tiens. Utilise des sorts non-létaux pour m'arrêter. Ton but est de me faire tomber avant que j'arrive au contact, ou de me faire dévier si tu arrives à ma portée."

Il marcha vers elle. "Dans le but d'éviter une attaque au couteau, tu devrais utiliser le poids de ton adversaire et son élan contre lui. S'il se précipite, esquive et essaye de le désarmer."

Il fit la démonstration de plusieurs techniques au ralenti ; montrant à Hermione comment attraper son poignet, le guider sans risque au-delà de son corps puis essayer de tordre le couteau pour le faire lâcher prise.

"Où as-tu appris tout ça ?" demanda-elle après qu'il lui ait montré une dixième méthode pour désarmer quelqu'un qui impliquait de lui casser le bras.

Ses mains se figèrent. "Bellatrix. Je me suis formé sous ses ordres pendant plus de quatre ans. Elle avait une affection pour les couteaux."

"Est-ce qu'elle savait pour ta mère ?"

Il recula d'un pas et son expression se tendit. "Oui. Elle a toujours été loyale au Seigneur des Ténèbres, mais elle se souciait assez de sa petite sœur pour vouloir me voir réussir, plutôt qu'échouer comme attendu."

"E-est-ce que ton père sait ?" Elle ne put s'empêcher de poser la question.

Drago déglutit. "Non." Il détourna les yeux. "Mon père… il… il était très protecteur envers ma mère. S'il avait su…"

Drago resta silencieux un moment. "L'occlumancie n'est pas l'un de ses talents. Pas au niveau dont il aurait eu besoin. Il aurait été assoiffé de vengeance, et il nous aurait tous condamnés."

Le muscle de sa mâchoire se contracta. "Ma mère insistait pour qu'on lui cache son état. Il y avait une potion prescrite par un guérisseur de l'esprit danois ; elle masquait la plupart de ses symptômes. L'empêchait de paniquer quand elle devait faire des apparitions. Elle la prenait quand mon père lui rendait visite. Le Seigneur des Ténèbres a gardé mon père en France et en Belgique après sa libération. Il a supposé qu'elle était froide et distante parce qu'elle lui en voulait que j'aie dû prendre la Marque."

"Après le Manoir Lestrange ?

"Hé bien, je suppose que j'aurais juste pu lui dire à ce moment-là." Le coin de sa bouche tressaillit. "Mais j'ai pensé que pourrais faire plus pour la venger si j'avais plus de temps. Je ne savais pas comment il prendrait la nouvelle." Il fit un sourire amer en baissant les yeux vers ses mains. "Je suis sûr que l'Ordre regrette que je ne l'aie pas fait."

Hermione cilla en essayant d'imaginer dans quel état serait l'Ordre avec Arthur, Molly et George se battant encore ; mais sans Drago, sans mission de secours, sans renseignements sur les batailles qu'ils pourraient gagner, sans avertissement avant qu'ils ne soient attaqués. Elle fit tourner le couteau dans ses mains.

"Les Weasley sont ma famille, mais nous aurions probablement perdu maintenant… tu n'étais pas crucial dans l'armée à ce moment-là. Ta mort et celle de ton père n'auraient pas été assez pour affecter le cours de la guerre. Ils seraient probablement tous morts."

Il renifla légèrement et continua d'éviter ses yeux.

"Drago…" dit-elle timidement, commençant à tendre la main vers lui. Il recula vivement hors de sa portée.

"Nous devrions continuer la formation," dit-il d'une voix froide. "Etant donné que tu as maintenant été aux premières loges de la dévastation causée par les harpies."

Hermione déglutit. "Nous ne savons toujours pas comment elles sont entrées. Nous n'en avons aucune idée. Est-ce que tu sais quelque chose là-dessus ?"

"Les harpies ne dépendent pas de ma juridiction. Je n'en ai pas entendu parler avant que l'attaque ne soit terminée, ou j'aurais essayé de vous avertir." Il hésita. "Il est possible que quelqu'un au Sussex travaille sur une façon de contourner le charme de Fidelitas en utilisant des créatures sombres. S'ils suspectaient la localisation d'une planque, ça a pu être une expérience malheureusement réussie. Il y a des centaines de programmes au Sussex ; les branches ne collaborent pas souvent. Je n'ai pas de contact dans chacune d'entre elles. Vous devriez re-protéger vos planques et en bouger autant que possible."

"C'est ce qu'on fait."

"Bien," dit-il en faisant tourner le couteau dans sa main. "Continuons la formation."

Il la fit pratiquer les façons de faire et les techniques encore et encore.

"Très bien, voyons comment tu t'en sors avec une vraie attaque," dit-il après une heure de pratique au ralenti. Il s'éloigna d'elle.

Il fit pivoter le couteau dans sa main droite de la même façon dont il faisait pivoter sa baguette en traversant la pièce et se mit en position. Son expression était froide et résolue alors qu'il regardait vers elle.

Puis, sans avertissement, il se précipita.

Hermione esquiva et lança des maléfices peu offensifs alors qu'elle échappait à son attaque initiale. Il était rapide et impitoyable. Il tourna autour d'elle et amena le couteau sur sa gorge avant qu'elle ne puisse se rendre compte qu'elle devait arrêter de lui jeter des sorts et essayer de le dévier.

Ils se figèrent tous les deux. Leurs yeux se croisèrent un instant, et ce fut comme si le temps s'était arrêté. Le visage de Drago n'était qu'à quelques centimètres du sien, et Hermione oublia de respirer.

L'expression de Drago se durcit, et il s'éloigna brusquement d'elle.

"Encore. Le timing est crucial. Tu es encore trop réticente à bouger." Son ton était presque vicieux. Il marcha à grands pas à l'autre bout de la pièce et l'attaqua une fois de plus.

Après une heure, il s'arrêta.

"Très bien. C'est assez pour aujourd'hui," dit-il, s'éloignant d'elle. Il mit la main dans ses robes et en sortit un rouleau.

Hermione se mordit la lèvre, alla jusqu'à sa sacoche et en sortit une enveloppe. Elle l'agrippa nerveusement dans ses mains et se retourna pour faire face à Drago.

"Maugrey m'a dit de te donner ça," dit-elle, regardant le sol. Il avait l'air d'avoir été soigneusement nettoyé.

Elle leva les yeux à temps pour voir son expression vaciller.

"Bien sûr, mes ordres pour la semaine." Sa bouche se tordit brièvement alors qu'il la lui arrachait des doigts.

Elle accepta le rouleau de la main de Drago puis hésita. "Drago…"

"Rentre chez toi maintenant, Granger. J'ai du travail." Son ton était froid. Il se détourna d'elle et ouvrit l'enveloppe.

Hermione resta là pendant une autre minute, étudiant son dos. Il ne lui rendit pas son regard. Il disparut sans un bruit.

La semaine suivante, il ne croisa toujours pas son regard. Il lui parlait à peine. Il la formait pendant exactement deux heures par semaine, lui tendait le rapport des renseignements, prenait ses ordres de Maugrey et partait.

Mais il était en vie ; elle pouvait le voir et savait qu'il était toujours en vie.

Cependant, être en vie n'apparaissait pas être quelque chose dont il se souciait. Il avait juste l'air fatigué. La rage autour de lui semblait étouffée. Il apparaissait n'exister que par pure obligation.

Après trois semaines elle l'attrapa par le poignet au moment où il acceptait l'enveloppe des mains d'Hermione. "Drago, s'il te plait… regarde moi," dit-elle, la voix suppliante.

Il recula sa main et leva les yeux vers elle. Son visage et ses yeux étaient froids. "Tout ça n'est-il pas assez pour toi, Granger ? Y a-t-il autre chose que tu désires ?"

"Non. Je suis juste… je suis désolée."

Il renifla. "Peut-être qu'un jour quand j'aurai du temps je pourrais te faire une liste de toutes les choses que les excuses ne réparent pas."

La main d'Hermione retomba. "Drago, je…"

Il était parti.

Elle retourna au Square Grimmaurd. Sa poitrine lui semblait creuse.

Tout semblait vide.

Elle avait envie de se débarrasser de ses livres, ses carnets, tout ce qui était relatif à Drago. Il semblait vindicatif et cruel d'avoir un carnet avec listé :

Mains sensibles - traitement du doloris, contexte utile pour contact physique

Épaules et cou

Cicatrices - très sensibles

Bas de la mâchoire, près des oreilles.

Pommettes

Ainsi que des notes pour elle-même :

Intérêt définitif pour les cheveux

Desserrer les tresses après la récolte, libérer quelques boucles

Contact facile des poignets - trouver un contexte pour remonter les manches

Aime cou/gorge. Trait possessif ?

Porter des chemises au col partiellement déboutonné ou des cols en V. Emprunter le t-shirt col bateau de Ginny.

Tous les livres de psychologie. Tous les livres sur les traumatismes émotionnels. Ou les troubles de l'attachement. Sur le langage corporel et les indices physiques involontaires. Elle avait envie de tout brûler.

Elle monta dans la chambre qu'elle partageait avec Ginny. Harry était actuellement en mission en Ecosse. L'Ordre essayait de trouver un moyen d'entrer dans Poudlard. C'était le seul endroit où ils étaient à peu près certains que se trouvait un Horcruxe, mais le château était impénétrable. Les Mangemorts avaient été minutieux quand ils l'avaient transformé en prison.

Pré-au-lard avait été presque rasé dans les premières années de la guerre. Il n'y avait pas de passage secret dans la Cabane Hurlante ni de tunnel via la bosse de Gunhilda de Gorsemoor. L'Ordre ne cessait d'essayer de trouver un moyen de passer les protections, en vain. C'était la troisième mission de Harry là-bas. Harry, Ron, Terry Boot et Zacharias Smith avaient été envoyés.

Harry n'avait pas parlé à Hermione depuis Noël.

Elle lança les sorts de déverrouillage sur la porte de sa chambre et l'ouvrit. Alors qu'elle entrait, elle entendit une exclamation.

Ginny était blottie près de son lit et sanglotait silencieusement. Elle se tourna brusquement quand Hermione entra dans la pièce. L'expression de Ginny alors qu'elle se tournait et apercevait Hermione était angoissée ; sa poitrine se soulevant et s'abaissant vivement alors qu'elle haletait rapidement, la bouche ouverte. Même ses cheveux roux étaient trempés de larmes.

"Ginny," dit Hermione. "Ginny, qu'est ce qui ne va pas ? Que s'est-il passé ?"

"Je ne sais pas…" Ginny força les mots à sortir et recommença à pleurer plus fort.

Hermione s'agenouilla près de son amie et l'enlaça.

"Oh mon dieu, Hermione…" haleta Ginny. "Je ne sais pas comment…"

Ginny se tut comme si elle luttait pour respirer. Des sons de hoquet provenaient des profondeurs de sa gorge alors qu'elle luttait contre ses poumons agités de spasmes.

"Tout va bien. Respire. Il faut que tu respires. Puis tu me diras ce qui ne va pas et je t'aiderai," promis Hermione alors qu'elle faisait glisser ses mains le long des épaules de Ginny de haut en bas et de bas en haut. "Inspire juste. En comptant jusqu'à quatre. Retiens ta respiration. Puis expire par le nez en comptant jusqu'à six. On va continuer comme ça. Je vais respirer avec toi. D'accord ? Allez, respire avec moi. Je suis là."

Ginny ne fit que pleurer plus fort.

"Tout va bien," continua à dire Hermione alors qu'elle commençait à prendre de longues respirations en exemple pour Ginny. Elle tint Ginny fermement dans ses bras pour que la jeune fille puisse sentir la poitrine d'Hermione se gonfler et se dégonfler lentement comme un signal inconscient.

Ginny continua à pleurer pendant plusieurs autres minutes avant que ses sanglots ne ralentissent et que sa respiration commence doucement à suivre celle d'Hermione.

"Veux-tu me dire ce qui ne va pas ou veux-tu que j'aille chercher quelqu'un d'autre ?" demanda Hermione quand elle fut certaine que Ginny n'allait plus recommencer à hyperventiler.

"Non… tu ne peux pas…" dit immédiatement Ginny. "Oh mon dieu ! Je ne…."

Ginny recommença à sangloter sur l'épaule d'Hermione.

"Je ne voulais pas…," Ginny sanglota, "Je ne voulais pas. Je ne sais pas quoi faire."

"Ginny, qu'est-ce qui ne va pas ?" Hermione devenait glacée de terreur. Qu'était-il possiblement arrivé pour que Ginny pleure autant ?

Ginny resta silencieuse pendant plusieurs secondes. Puis elle prit une grande inspiration et retint sa respiration un instant. "Je suis enceinte."

Ginny éclata de nouveau en sanglots.

Hermione recula et fixa Ginny, frappée d'horreur. Elle avait l'impression d'avoir été brusquement frappée dans la poitrine.

"Comment ? La potion de contraception ne fonctionne pas ?" Hermione se sentait elle-même au bord de la panique. Oh mon dieu.

Si la potion de contraception ne fonctionnait pas…

Si Hermione était enceinte… elle devrait avorter. Elle ne pouvait pas être enceinte pendant une guerre. Le risque ne valait pas le coup. La grossesse causerait une instabilité de sa magie. Elle utilisait régulièrement certains contre-sorts qui flirtaient avec la magie noire. L'effet était cumulatif et l'exposition pouvait résulter en des anomalies foetales. Ça pouvait déjà avoir été le cas - si elle était enceinte. Maintenant que Padma l'avait à peu près remplacée, développer des contre-sorts était la chose la plus vitale qu'Hermione faisait dans la salle d'hôpital.

Si Drago découvrait qu'elle l'avait séduite quand elle était fertile, il penserait probablement qu'elle l'avait fait exprès. Il… Il…

Il la haïrait pour toujours.

Encore plus qu'actuellement.

Le bout des doigts d'Hermione commençait à picoter comme si des aiguilles s'y enfonçaient.

L'expression de Ginny se rida. Elle fixa l'expression figée d'Hermione en essuyant ses larmes du dos de sa main. "Non. Je ne l'ai… Je ne la prenais seulement quand Harry était là. À cause du goût, tu sais. Mais le mois dernier quand j'étais en Irlande et que Ron et lui sont arrivés à la planque, je n'avais pas la potion avec moi. Je pensais que si ce n'était que pour une fois, le charme serait suffisant."

Ginny renifla et enfouit son visage dans ses mains.

Hermione s'effondra presque de soulagement. Il n'y avait pas de problème avec ses potions de contraception.

Hermione repoussa ces pensées et mit ses murs d'occlumancie en place, se forçant à se concentrer sur Ginny. Elle serra Ginny contre elle pour la rassurer et pressa un baiser sur ses cheveux.

"Ça ira. Il ne me faudra que quelques jours pour rassembler les ingrédients pour faire une potion abortive."

"Je ne peux pas," Ginny s'étouffa avec ses mots et recommença à pleurer.

Les mains d'Hermione se serrèrent sur les épaules de Ginny alors qu'elle la fixait. Elle prit une petite inspiration. "Tu veux le garder."

Ginny hocha la tête, reniflant. "Je le dois. Harry… il ne fait que parler d'avoir une famille. Comme après la guerre nous aurons des enfants. Des garçons appelés James, Sirius ou Colin, ou des filles appelées Lily et Luna. C'est… C'est… tout ce dont il rêve. Si j'avorte… ça lui brisera le cœur. Il dirait que c'est ok mais il serait dévasté. Pour lui ça voudrait dire que je pense qu'il ne peut pas gagner. Et je ne peux pas garder une telle chose secrète toute ma vie. Sachant qu'il aurait le cœur brisé s'il savait, et juste faire semblant."

Hermione hocha lentement la tête et détourna les yeux. "Très bien." Elle déglutit. "Tu peux probablement rester ici jusqu'à ce que Harry rentre de sa mission actuelle. Et ensuite tu pourras déménager dans l'un des hospices. Tu voudras être avec ta mère, non ?"

Ginny secoua vivement la tête, essuyant les larmes de son visage. "Non. Je dois le cacher. Personne ne doit savoir. Ni maman, ni Harry, ni personne."

Hermione regarda Ginny avec stupeur.

Ginny baissa les yeux et sa poitrine tressauta. "Harry… Harry ne va pas très bien en ce moment. Tout le monde est devenu si joyeux qu'on approche de la fin, qu'on soit dans la dernière ligne droite. Et il est heureux - il pense que ça pourrait être vrai mais… ça le brise également. Tout repose sur lui mais… il ne sait pas comment gagner. Comment c'est censé marcher. Il a peur que si quelqu'un s'en rend compte, toute la Résistance s'effondrera. Il recommence à faire des cauchemars. Même avec moi. Je ne pense pas qu'il sache comment fonctionner sans Ron. Nous sommes tout ce qui le maintient sur pied. S'il apprend que je suis enceinte… j'ai peur que le stress finisse par le briser complètement. Ce n'est pas comme s'il manquait de motivation pour que tout se termine. Penser qu'il a un enfant qui dépend de lui… ça empirerait probablement les choses."

Hermione déglutit avec difficulté, essayant de déterminer s'il valait le coup d'essayer de dissuader Ginny. Elle étudia le visage de Ginny. La ligne obstinée de sa bouche et de sa mâchoire et le feu de détermination dans ses yeux.

Hermione laissa s'échapper un long soupir las. "Que veux-tu faire ?"

"Je ne sais pas. Peut-être que je peux prétendre être malade et me cacher dans l'un des hospices."

Hermione haussa les sourcils avec scepticisme, mais après un moment elle pencha pensivement la tête sur le côté. "Je pense que je peux mettre ça en scène. Mais… Ginny, tu vas devoir rester isolée. Ça peut durer des mois. Et si tu accouches alors que la guerre n'est pas terminée ? Est-ce que tu vas aussi cacher le bébé à Harry ?"

Ginny secoua la tête. "Non. Si la guerre dure si longtemps, je lui dirai. Mais si je suis enceinte, Harry ne fera que s'inquiéter. Être enceinte ce n'est pas comme réellement avoir un bébé. Si tu me fais paraître malade d'une maladie contagieuse mais non mortelle, il sera bouleversé mais ça ira. Il te fait confiance. Si tu lui dis qu'il me faudra quelques mois pour guérir mais que je vais m'en sortir, il te croira. Il sait que tu ne lui mens pas, même quand il aimerait que tu le fasses."

Hermione baissa les yeux et elle tordit l'ourlet de sa chemise entre ses doigts. Ginny attrapa sa main.

"Tu m'aideras, Hermione. Tu m'aideras à protéger Harry, n'est-ce pas ?"

Hermione hocha lentement la tête. Son corps entier semblait en plomb. "Je vais t'aider. Je vais avoir besoin de quelques jours pour voir comment faire."

"Merci, Hermione." Ginny se remit à pleurer. "Mon dieu, j'étais si précautionneuse. Je n'ai jamais voulu que ça arrive."

Hermione la serra contre elle avec raideur et laissa Ginny pleurer contre son épaule pendant plusieurs minutes de plus. Elle dessinait l'air absent des cercles sur le dos de Ginny pendant qu'elle dressait une liste mentale. "Nous allons trouver quelque chose. Je sais que tu n'essayais pas de tomber enceinte."

Ginny hocha la tête contre le cou d'Hermione. "Merci. Je le pense vraiment, Hermione. Tu es la seule personne à qui je puisse faire confiance pour ça." Elle se redressa et essuya son visage. "Mon dieu, ces hormones, tout sent mauvais. Je ne me souviens même pas de la dernière fois que j'ai autant pleuré. Je pense que je vais juste devoir me cacher ici. Je suis passée devant la cuisine tout à l'heure et j'ai presque vomi dans le couloir."

Hermione hocha la tête en passant mentalement en revue les maladies au long cours. "Ça ira. Je dois faire des recherches." Elle se leva. "Reste là. Dis-moi si tu as besoin de quelque chose."

Hermione sortit de la chambre et descendit à la salle de bain. Elle ferma soigneusement la porte derrière elle et, baissant les yeux sur son ventre, lança un sort de détection de grossesse. Ses mains tremblaient légèrement.

Négatif.

Elle ferma les yeux et s'écroula de soulagement contre la porte.

Elle resta là pendant une minute de plus jusqu'à ce que ses mains cessent de trembler, puis elle se pressa hors de la salle de bain pour aller à la bibliothèque.

Hermione passa presque deux jours de suite à faire des potions expérimentales et à s'entraîner aux charmes de glamour, essayant de s'assurer que chaque petit détail était parfait. Elle rassembla un sac complet de potions et se rendit à la salle de bain. Elle but une fiole et regarda la potion faire effet.

Cela prit quelques minutes. Puis une sensation similaire à une forme modérée de Polynectar chatouilla sa peau et elle se regarda se transformer. Sa peau se couvrit de grappes serrées de pustules violettes à l'air douloureux sur tout son corps. Elle grimaça et s'inspecta sous tous les angles. C'était une transformation affreusement convainquante. Elle pressa et titilla plusieurs pustules et ne sentit rien. Le glamour était sans douleur.

Elle avala l'antidote et sentit sa peau picoter de nouveau alors qu'elle la regardait se lisser.

Elle rassembla les potions et alla dans sa chambre.

Ginny était assise sur son lit, plongée dans un magazine. Hermione s'assit, et Ginny leva le regard, les yeux écarquillés et curieux.

Hermione joua avec le sac entre ses mains. "J'ai développé une potion qui imite les symptômes extérieurs d'une éclabouille."

Ginny grimaça. "Vraiment ? C'est obligé que ça soit ça ?"

Hermione leva les yeux au ciel. "C'est la meilleure option que je peux offrir qui rassemble tous tes critères. C'est contagieux ; c'est connu pour nécessiter jusqu'à une année pour s'en remettre, donc tu peux rester cachée aussi longtemps que nécessaire. Ça a l'air convainquant ; si tu n'as pas l'air horriblement malade, les gens pourraient être dubitatifs. Personne ne va penser que tu simules. Et possiblement plus important, ce n'est pas mortel. Harry ne va pas devoir s'inquiéter que tu puisses en mourir. Puisque ce n'est pas une complète transformation physique - juste un glamour extérieur - j'ai réussi à mettre la potion en suspension dans du sang de dragon, ce qui veut dire que chaque dose durera des semaines. Tu n'auras pas besoin de la reprendre constamment pour maintenir le glamour."

Ginny hocha la tête.

Hermione joua avec la ficelle du sac. "L'éclabouille est hautement contagieuse. Si quelqu'un de la Résistance la contractait, il serait placé immédiatement en quarantaine pour prévenir le risque que toute la Résistance l'attrape. Même si ça n'est pas létal. Je… je vais devoir informer Kingsley de la situation réelle pour te mettre en quarantaine.

Ginny ouvrit immédiatement la bouche pour contester, mais Hermione leva la main pour la faire taire.

"Si je ne lui dit pas, il ne m'approuvera pas comme ta gardienne. Je te le promets, si je lui explique, il ne se sentira pas obligé de le dire à Harry. Mais il a besoin de le savoir pour qu'il puisse maintenir le mensonge. Et… de cette façon si quelqu'un de ta famille, ou Harry, essaie de demander à te voir… il a plus de pouvoir de veto que moi. Maugrey l'appuiera. Nous avons besoin de Kingsley."

Ginny hocha la tête avec réticence.

Hermione sortit un livre avec un marque page qu'elle tendit à Ginny. "Les premiers symptômes de l'éclabouille sont des démangeaisons et un mal de gorge. Tous les gens avec qui tu interagis vont être placés en quarantaine pendant quelques jours. Alors évite Poppy et Padma." Hermione grimaça légèrement. "Si tu penses que des gens ont besoin de quelques jours de repos, c'est eux que tu devrais aller voir."

Le coin de la bouche de Ginny se souleva. Ses yeux se firent brumeux.

Hermione se leva. "Je dois aller parler à Kingsley. Je vais te donner une dose avant que tu ailles te coucher. Pour que tu te réveilles avec."

La 'maladie' de Ginny plongea le Square Grimmaurd dans le chaos. La chambre d'Hermione et Ginny fut placée sous une montagne de sorts de contention et de quarantaine. Seule Hermione pouvait rentrer dans la chambre sans déclencher une absurde quantité d'alarmes hurlantes.

Kingsley et Hermione coordinèrent les détails autant que possible. Une fois que le diagnostic fut posé, Hermione et une poignée d'autres habitants du Square Grimmaurd furent également placés sous une quarantaine de trois jours dans une autre chambre.

Padma alla en récolte à la place d'Hermione et emmena Parvati avec elle. Les jeunes femmes tombèrent dans un piège des harpies. Elles réussirent à s'échapper, mais Parvati finit avec des lacérations dans le dos, et le pied droit de Padma était presque entièrement mâché. Poppy consulta Hermione à travers les protections de la quarantaine, mais rien ne put être fait pour restaurer le pied de Padma.

Une fois que tous ceux sous quarantaine temporaire eurent été libérés, Kingsley plaça Hermione en charge de surveiller l'état de Ginny. Elle rendrait visite à Ginny tous les quatre jours. Le reste du temps, Ginny devrait rester en isolation. Personne ne pourrait entrer dans sa chambre. Dobby avait pour charge de prendre soin de Ginny jour après jours et de lui apporter des repas.

Quand Molly Weasley se fut remise de son indignation envers Kingsley pour ne pas être autorisée à voir sa fille, elle fut effusive dans son appréciation envers Hermione pour avoir si méticuleusement planifié les soins de Ginny.

Faire des recherches en douce sur la maïeutique fut ajouté à la liste infinie de choses qu'Hermione faisait secrètement quand elle n'était pas dans la salle d'hôpital à couvrir Padma.

La Résistance avait trop à faire pour que la nouvelle de la maladie de Ginny ne fasse de vagues très longtemps. Une fois que la panique initiale que la maladie puisse se répandre avait été calmée, les choses reprirent leur cours tendu habituel. Hermione n'avait plus qu'à appréhender la réaction de Harry et Ron quand ils rentreraient d'Ecosse.

Sa vie entière semblait tendue sans signe de soulagement. Elle se sentait déchirée, étirée de tous les côtés jusqu'à en être presque transparente.

Elle s'inquiétait quotidiennement pour Drago, mais le voir n'était qu'une forme différente d'agonie. Il était maussade et sur les nerfs. Il la regardait à peine ; il lui parlait à peine. Il la formait. Il lui donnait ses renseignements. Il acceptait ses ordres de Maugrey. Il partait.

Quand elle essayait de lui parler, il ne faisait qu'être plus froid.

Après plusieurs semaines de plus, il s'arrêta et la regarda de nouveau au lieu de juste partir. "Dis à Maugrey de te nourrir. Tu as l'air d'un cadavre."

Il disparut avant qu'Hermione ne puisse dire quoi que ce soit.

Quand elle retourna au Square Grimmaurd, Angelina leva les yeux d'une partie d'échecs sorcier avec Katie, l'expression neutre. "Harry, Ron et Terry sont rentrés. L'Ordre débriefe maintenant. Personne ne leur a encore dit pour Ginny."

Hermione hocha la tête et se rendit dans la salle à manger.

"Le château a tellement de protections que c'est difficile de simplement le trouver," disait Harry d'une voix réticente quand Hermione ouvrit la porte. Il était affalé sur sa chaise. Ses yeux étaient soulignés par de telles ombres qu'elles ressemblaient à des ecchymoses. "Nous sommes allés dans les ruines de Pré-au-Lard pour essayer de trouver d'anciens passages secrets. Nous avons essayé de creuser le tunnel de Honeydukes, mais il s'est effondré. Donc on a eu l'idée d'essayer d'approcher par le Grand Lac. Mais quand on y est allés, les Inferi ont commencé à en sortir et… c'est…c'est à ce moment là que Zacharias…"

"Ce n'était pas la faute de Harry. Le lac était mon idée," avança Ron dès que la voix de Harry se brisa. "Quand il a essayé d'aller après Zacharias, je l'ai arrêté."

Ron avait une légère expression hébétée, comme s'il était en état de choc. Harry refusait de lever les yeux vers Ron.

"C'était la bonne décision, Ron. Les Inferi dans l'eau sont presque impossible à combattre puisqu'on ne peut pas leur mettre feu," dit Remus, posant une main sur l'épaule de Ron.

"Ce n'est pas une raison suffisante pour laisser Zacharias se noyer," dit Harry d'une voix amère, l'expression tordue de frustration. Il tenait une plume tordue et caressait calmement les barbes de chaque côté alors qu'il la faisait tourner encore et encore autour de ses doigts. "Il y aurait eu quelque chose à faire si Ron n'avait pas perdu du temps à m'empêcher d'y aller et laissé Terry y aller seul."

"Te garder en vie est le travail de Ron, Harry," dit Kingsley. "Ce sont ses ordres ; si tu es belligérant à ce propos, je le réassignerai et prendrai personnellement ta protection en charge. Est-ce que tu as des objections sur ton partenaire, Harry ?"

Harry regarda Kingsley, écrasant la plume dans sa main. "Non."

"Bien. Autre chose à rapporter ?"

Harry resta silencieux.

"Nous sommes partis après avoir perdu Zacharias," dit Ron d'un ton morne, son corps entier semblant flasque. "La plupart de la mission a été consacrée à la surveillance et là creuser le tunnel."

Kingsley hocha lentement la tête. "Entrer dans Poudlard est vital pour mettre fin à cette guerre. Vous aurez quelques jours pour vous remettre, puis nous enverrons une plus grande équipe."

"Je voudrais me porter volontaire pour la prochaine mission," dit Remus, se penchant en avant. "J'ai du temps avant la prochaine pleine lune. Je connais bien la Forêt Interdite ; j'ai quelques idées qui peuvent valoir le coup d'être exploitées."

"Moi aussi," approuva Tonks.

"Très bien. Harry, Ron, Remus et Tonks de l'Ordre. Maugrey et moi regarderons la liste de service et choisirons deux autres équipes."

Harry hocha la tête et regarda distraitement vers la porte. "Très bien. Autre chose ?"

"Oui…" dit lentement Kingsley.

Hermione se crispa intérieurement. Harry regarda vivement vers Kingsley. "Qu'est-ce qu'il y a ?"

"Pendant que tu étais parti, Ginny Weasley a contracté l'éclabouille…"

"Est-ce qu'elle va bien ? Il faut que je la voie." Harry sauta sur ses pieds, les yeux écarquillés et paniqués.

"Elle a été placée en quarantaine," dit Kingsley avant qu'Harry ne puisse se précipiter dans la salle d'hôpital. "L'éclabouille n'est pas mortelle mais hautement contagieuse ; une épidémie pourrait avoir un effet dévastateur sur l'Ordre. Elle ne peut pas avoir de visiteurs avant qu'elle ne se remette."

Harry déglutit et agrippa le dos de sa chaise. "Bien. Combien de temps ça prend ? Quelques semaines ?"

La pièce se tourna vers Hermione près de la porte. L'expression de Harry se fit prudente quand il croisa ses yeux.

"L'éclabouille peut être une maladie au long cours. Ça prend normalement des mois, mais ça peut même monter à des années avant que les éléments contagieux ne finissent par disparaître. Il est impossible de dire combien de temps elle sera en quarantaine," dit calmement Hermione.

"Des mois ? Un an ?" Harry avait l'air prêt à tomber à la renverse. "Vous…vous ne pouvez pas l'isoler aussi longtemps. C'est de la torture. Il doit y avoir un moyen pour que je lui rende visite. Une sorte de potion. Ou un sort."

"Granger, en tant que notre personnel médical le plus qualifié, est la seule autorisée à lui rendre visite pour surveiller son état. Dobby lui apporte ses repas, puisque les elfes de maison sont immunisés contre les maladies et connus pour ne pas en être porteurs. Tu peux envoyer des lettres et des messages. Ce sont les seuls qui sont autorisés dans sa chambre. Si tu tentes quoi que ce soit pour entrer en contact avec Ginny, tu mettras potentiellement en danger tout l'effort de guerre. Je ne le dirai qu'une fois, Harry. Si tu essaies de violer la quarantaine, elle sera déplacée dans un endroit secret jusqu'à ce qu'elle guérisse. Si tu as des questions, pose-les à Granger. Réunion terminée."

Tous les autres filèrent. Après quelques minutes, Hermione resta seule avec Harry.

"Elle… elle va s'en sortir, n'est-ce pas ?" dit Harry une fois la pièce vide. "Est-ce qu'elle a mal ?"

"Avec le temps, elle ira bien," dit Hermione, jouant nerveusement avec ses mains dans son dos. "Elle n'a pas mal. Elle prend des potions fortifiantes et elle passe beaucoup de temps à dormir. La guérison de l'éclabouille est très dépendante d'une bonne santé, je fais tout mon possible pour m'assurer qu'elle soit confortable et heureuse."

"Ok." Harry hocha répétitivement la tête. "C'est… c'est bien. Sais-tu comment elle l'a attrapée ?"

Hermione secoua la tête. "C'est fongique. Personne d'autre ne l'a attrapée. C'était peut-être juste de la malchance."

Harry hocha la tête et avança plus près, son expression se faisant plus sérieuse. "Est-ce que je peux la voir ? Juste une fois ? Juste une minute. Je veux juste m'assurer qu'elle sait que je l'aime."

Le coin de la bouche d'Hermione tressaillit alors qu'elle secouait la tête. "Je suis désolée Harry, elle est en quarantaine. Il n'y a pas de 'juste une minute'. Personne ne peut entrer."

Les yeux de Harry s'agrandirent. "Je serai prudent. Tout ce qu'il faut faire, je suivrai toutes tes instructions. Juste une fois." Sa voix était à la fois suppliante et conspiratrice.

Elle ne connaissait cette voix que trop bien.

Hermione lui sourit tristement en serrant les poings derrière son dos. "Je suis désolée, Harry. Je ne peux pas enfreindre les règles. Pas même pour toi."