Chapitre 55 - Flashback 30
Mars 2003
Hermione transplana au Square Grimmaurd. Son bracelet au charme protéiforme n'avait pas brûlé de la journée ; elle supposait que ça signifiait qu'on ne l'attendait pas urgemment.
"Saluez l'héroïque conquérante !" cria Angelina alors qu'Hermione passait à toute vitesse devant le salon. Hermione s'arrêta maladroitement alors qu'Angelina sautait de son siège et Angelina, Parvati, Susan, Neville, Dean et Seamus se rassemblaient autour, donnant à Hermione des tapes sur ses épaules.
"Je ne peux pas croire que tu sois retournée en mission."
"J'ai failli gifler Fred quand j'ai appris qu'il y était allé sans moi."
"Absolument incroyable que vous ayez réussi à récupérer Ron."
"Maugrey et Kingsley sont furieux," dit Neville, la regardant avec sérieux. "Kingsley a passé dix minutes à crier sur Remus quand il est venu faire son rapport sur la mission."
Hermione hocha la tête, appréhendant intérieurement. "Il faut que je fasse mon rapport. Où est-il ?"
"Salle de guerre."
Hermione hocha la tête. "Très bien. Merci tout le monde. C'était…" elle chercha quelque chose de positif à dire, "... plutôt excitant d'être de nouveau sur le terrain. Je suis juste heureuse qu'on ait récupéré Ron."
Kingsley se tenait devant une table couverte de rouleaux de parchemin. Hermione s'arrêta à la porte et attendit qu'il lève les yeux.
"Tu es de retour, alors ?"
"Je suis de retour. J'avais besoin de temps pour me remettre."
"Vais-je finalement avoir une version des événements qui n'implique pas un piège mortel dans lequel tout le monde sauf les victimes visées est mort d'une façon mystérieuse ?" Kingsley leva les yeux et Hermione put voir la rage sur son expression. Il fit fouetter sa baguette pour lancer un charme d'intimité dans la pièce.
Hermione avança et ferma la porte derrière elle, s'appuyant contre le cadre. "Je n'ai pas pu envoyer de message. Je ne connaissais pas l'endroit ni rien d'autre de concret. Harry ne m'a pas dit pourquoi il m'emmenait hors du Square Grimmaurd jusqu'à ce qu'on arrive à la maison des Tonks. Je pense qu'il suspectait que je puisse t'avertir. Je n'ai eu que quinze minutes pour récupérer mon kit de guérison. Tu étais parti. Maugrey était parti. Il n'y avait personne à avertir qui n'aurait pas juste voulu venir avec aussi."
"Tu es allée voir Malefoy." Kingsley contourna la table en la fixant.
"Les informations qu'Harry avait venaient de Rafleurs. J'ai essayé de l'avertir que c'était un piège, mais il allait y aller de toute façon. J'ai considéré l'idée de révéler Malefoy, mais je pensais que ça ne l'arrêterait pas. J'ai pensé que si je pouvais contacter Dra…Malefoy, il pourrait me donner plus d'informations. J'aurais pu les apporter à Harry et Remus. Je pensais que s'il y avait des informations contradictoires, ça pourrait nous faire gagner du temps. Mais Malefoy n'est pas venu quand j'y suis allée. Je lui ai laissé un mot avec toutes les informations que j'avais."
"C'était un piège."
Hermione hocha brièvement la tête. "Apparemment ils ne s'attendaient pas à ce qu'on tombe dans le panneau."
"Et ensuite ?"
"Nous avons été surpassés en nombre. Je ne pense pas que beaucoup de ces Mangemorts étaient expérimentés au combat. Drago a dit que c'était principalement des jeunes recrues. Mais il y avait un loup-garou, et leur nombre était absurde."
Hermione baissa les yeux et fit un petit soupir avant de lever de nouveau les yeux. "Rabastan Lestrange est mort. Le piège était son idée. Malefoy est arrivé quelques minutes après que Ron ait été mutilé."
L'expression de Kingsley ne montra pas de surprise. "Comment a-t-il tué tout le monde ?"
"Il en a tué au moins un tiers par duel. Puis il… il avait une sorte de sort de vide contenu dans un artefact. Il a traversé le terrain et l'a activé une fois qu'il me tenait. Le sort n'a pas affecté le porteur, et la protection a été étendue à moi par contact. Il a fait suffoquer tout le monde, réanimé Harry et les autres et leur a jeté un Oubliettes, puis il les a laissés à l'extérieur des protections. Il ne m'a pas laissé vérifier leur état.
"Que t'est-il arrivé ?" Kingsley l'étudiait attentivement ; ses yeux se posèrent sur les cicatrices de son poignet.
Hermione tira sur sa manche. "Rien qui ne puisse être soigné. J'ai utilisé le maléfice du Carbonescere pour tuer le loup-garou. Quand j'ai été frappée par le premier contrecoup dans ma magie, quelqu'un m'a poignardée." Elle détourna les yeux et pinça les lèvres pendant un moment. "Harry ne s'attendait pas à ce que ça soit un piège, alors il ne m'a pas donné de partenaire. Je pense qu'il croyait que Ron serait avec moi, mais… hé bien, Ron est le partenaire de Harry. Dès que les Mangemorts sont apparus, tout le monde s'est mis avec son partenaire par défaut, alors je me suis battue seule." La souffrance était audible dans son ton quand elle parlait, et elle baissa les yeux sur ses pieds. "Ce qui était probablement pour le mieux. Drago ne m'a pas formée pour me battre avec un partenaire de toute façon."
Il y avait toujours du sang sur ses chaussures. Elle prit une profonde inspiration. "Drago… Malefoy m'a dit de dire à Maugrey que son aide était conditionnée à ma survie."
"J'en suis déjà conscient." La voix de Kingsley était dure. "Tu ne retourneras plus jamais en mission ; je me fiche que quelqu'un te demande d'aller sauver Harry lui-même. Tu n'iras plus en récolte. Tu ne quitteras plus les planques à part pour assurer la liaison. Ton boulot, Granger, c'est de rester en vie et de garder Malefoy au pas."
Hermione prit une brève inspiration et sentit une rage de rébellion brûler en elle. Elle le regarda pendant quelques secondes avant de forcer ses murs d'occlumancie à se mettre en place et de ravaler ce qu'elle avait envie de lui jeter au visage.
Elle fit rouler sa mâchoire et détourna les yeux. "Tonks se pose des questions sur ma disparition et mon entraînement. Je lui ai dit d'aller parler à Maugrey."
"Je vais m'occuper de ça." Kingsley lissa ses robes.
Hermione fit un petit hochement de tête résigné et agrippa le cadre de la porte, sentant le grain du bois sous ses doigts. "Ron a été sévèrement mutilé. Il doit être isolé ce soir."
"On est aux prises avec un problème plus grand. Il a été marqué. Il y a une trace sur son poignet droit qu'on ne peut pas enlever."
Hermione eut la chair de poule et son estomac se noua. "L'entrave ? C'est l'entrave qu'il a, n'est-ce pas ? J'ai essayé de l'enlever en le soignant. Est-ce que… pensez-vous que ce soit ce que le Sussex développe ?"
"Ça semble probable. Ça explique pourquoi ils l'avaient plutôt que d'attirer Harry dans un bâtiment vide. Il est heureux que nous ayons su qu'il y avait une chance que ça arrive, et que Remus ait eu au moins le bon sens de ne pas l'amener au Square Grimmaurd. Alator surveille la situation. Il semble que les Mangemorts connaissent l'emplacement approximatif de la maison des Tonks à cause de ça. Jusqu'à ce qu'on puisse enlever la trace, on va compromettre nos planques. S'ils utilisent des créatures sombres pour contourner le Fidelitas, notre temps est compté."
Hermione déglutit difficilement. "As-tu contacté Severus ? Qui a analysé l'entrave ? Je ne l'ai pas fait… hier. J'aurais dû. C'était imprudent de ma part. Je peux y retourner."
Kingsley secoua vivement la tête. "Tu n'approcheras plus de cette maison. Severus est occupé au laboratoire. Il sera là dans une heure pour une réunion de l'Ordre."
"Très bien. As-tu besoin d'autre chose ?"
Kingsley regarda de nouveau vers la table. "Non. Tu pourras faire un rapport complet à Alastor plus tard."
Hermione se retourna pour partir. Elle avait à moitié passé la porte quand Kingsley parla.
"Granger."
Elle se retourna et vit que Kingsley la fixait.
"Tu vas bien ?"
Elle haussa les épaules. "Je vais bien."
"Je suis ravi de l'entendre. Je n'aurais jamais pardonné Harry s'il t'avait fait tuer pour sauver Ron."
Hermione eut un sourire amer, et sa prise sur la poignée de la porte se resserra. "Drago est vital, je sais. Je ferai plus attention."
L'expression de Kingsley vacilla. "Ce n'est pas ce que je voulais dire. Quand Remus m'a rapporté qu'ils pensaient que tu avais été capturée…" Kingsley prit une profonde inspiration et détourna les yeux. "J'aurais pleuré ta perte ; plus que je n'aurais pleuré celle de n'importe qui d'autre dans l'Ordre."
Hermione pencha la tête sur le côté et ne le crut pas. Le coin de sa bouche se tordit légèrement et elle leva un sourcil. "Tu le ferais maintenant ?" Elle renifla, secouant la tête. "C'est pour ça que tu m'appelles Granger alors ? Parce que je suis si importante pour toi ?"
Kingsley lui fit un sourire triste. "Je t'appelle Granger pour me rappeler que je suis responsable de plus de gens que simplement ceux que j'aime bien." Il soupira et baissa les yeux vers la table pendant un moment avant de la regarder de nouveau. "Ça aurait été un privilège d'avoir été ami avec toi dans une autre vie, Hermione Granger."
Hermione l'étudia pendant quelques secondes. "Peut-être… que dans une autre vie on aurait pu être amis. Mais… je ne pense pas que je te pardonnerai un jour dans celle-là."
Kingsley hocha lentement la tête et détourna les yeux d'Hermione. "Au cas où l'opportunité ne se représenterait pas, je suis désolé… pour tout ce que je t'ai demandé de faire."
Hermione resta silencieuse pendant quelques secondes avant de soupirer légèrement. "Si tu n'avais pas demandé, j'aurais proposé." Elle haussa les épaules. "Tu ne m'as jamais forcée. Je suis coupable de mes choix."
Elle passa la porte et descendit le couloir.
Severus amena un rapport sur l'entrave quelques heures plus tard. C'était un nouveau prototype. Il fallait une Marque des Ténèbres pour l'enlever. Il y avait des designs plus complexes en cours de développement.
Il y eut un long silence face à cette révélation.
"Hé bien, ce n'est pas… ça pourrait être pire," dit Charlie après une minute. "Rogue peut l'enlever alors. Ou l'un de nos prisonniers. Certains sont marqués, non ?"
"Je peux retirer celles de Ron Weasley, mais quand je le ferai, le Sussex le saura, et la prochaine entrave pourrait requérir un mécanisme plus élaboré," railla Rogue avec un regard méprisant pour Charlie.
"Vous avez une meilleure idée ?" Charlie leva le menton et regarda Severus.
"Nous enlèverons la trace de Ron," dit Kingsley, posant ses doigts sur le bord de la table et les faisant tapoter pensivement. "Cependant, tant que nous n'avons pas plus d'informations sur les entraves, il n'y aura pas de nouveaux sauvetages. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de planques."
"Hé bien, Rogue ne devrait-il pas savoir ? Puisqu'il travaille là-bas ? Je pensais que c'était la raison pour laquelle on le gardait."
"Je ne fais pas tourner tout le laboratoire." Le ton de Severus était vicieux. "J'opère dans la division des potions et des sorts. Je ne suis pas celui qui fait des expériences sur les créatures sombres ou qui développe des entraves tracées." Ses yeux sombres se posèrent brièvement sur Hermione. "Je pourrais avoir de meilleurs renseignements la semaine prochaine."
"Nous emmènerons une équipe au cottage des Tonks et enlèverons l'entrave de Ron." Kingsley roula le parchemin d'informations que Severus avait apporté et le tendit à Hermione et Fleur pour qu'elles y jettent un œil. "Selon Alastor, les Mangemorts ont seulement une vague idée de l'emplacement du cottage à ce stade. Nous prendrons un groupe de vingt et nous diviserons en plus petites équipes. Fred et Charlie escorteront Severus et moi à travers le Fidelitas pour enlever la trace. Tous les autres agiront comme des leurres. Nous devrons probablement combattre pour sortir. Nous irons sous Polynectar. Cela causera une confusion sur qui viser. J'enverrai un mot à Potter et Maugrey pour leur dire de s'attendre à nous voir arriver. Granger, prépare les doses de Polynectar."
"J'aurai besoin d'identités et de la limite de temps," dit Hermione en se levant.
"Des doses de deux heures." Kingsley s'arrêta pour réfléchir un moment avant d'ajouter. "Utilise les cheveux de Harry. Ils s'attendront à ce qu'il soit là. Ils ne s'attendront pas à ce qu'il y en ait vingt quatre. La confusion nous fera gagner du temps. Nous devrons isoler Remus et Ron une fois qu'ils seront de retour au Square Grimmaurd. Fleur, prépare deux chambres protégées dans la cave."
Hermione hocha la tête et se rendit dans son cabinet de potions, laissant le reste de l'Ordre mettre en place la stratégie et débattre du reste de la logistique de la mission.
Hermione prépara les potions et regarda une pièce pleine de personnes se transformant en son meilleur ami avant de se désillusionner et de partir du Square Grimmaurd.
L'attente était le pire. Hermione resta dans l'entrée et regarda les aiguilles de l'horloge se déplacer lentement sur le cadran.
Elle détestait attendre.
Kingsley et Maugrey, Harry, Ron, Severus, et la plupart des Weasley et de l'Ordre. Ils étaient tous au cottage des Tonks. Hermione était laissée derrière. Peut-être que Drago y était, coincé entre maintenir sa couverture et préserver l'Ordre.
Tout pouvait arriver.
En grandissant, elle n'aurait jamais pensé qu'elle serait le genre de personne qui accepterait de rester derrière quand d'autres se battaient. Gryffondor. Elle avait pensé que sa bravoure l'aurait toujours placée en ligne de front.
Le pragmatisme avait volé toute lueur d'héroïsme en elle.
Elle pressa ses mains contre la fenêtre et fixa la rue mal éclairée. La pleine lune se lèverait dans une demi-heure.
L'horloge continua à mesurer l'impitoyable écoulement du temps.
Elle s'arma à l'aide de l'occlumancie. Elle rassembla tous ses plus récents souvenirs, les tria méticuleusement et les repoussa jusqu'à ce que son esprit soit clair.
Les Mangemorts qui attendaient au cottage des Tonks n'étaient pas des nouvelles recrues. Fred trébucha par la porte avec la main pressée sur le côté de sa tête. Son oreille avait été découpée par un sort. Maugrey revint avec un bras et une épaules si sévèrement mutilés qu'Hermione crut initialement qu'il allait le perdre. Remus était en train de se transformer quand Tonks surgit par la porte et le traîna dans la cave.
Deux Harry passèrent la porte quelques minutes plus tard. L'un grognait et s'appuyait lourdement sur l'autre.
"Allez Ron. On y est. Quelqu'un, donnez-lui une potion contre la douleur !" dit le vrai Harry, tombant à moitié alors qu'il tirait le Harry-qui-était-Ron plus loin dans l'entrée.
Hermione tomba à genoux à côté d'eux et fit fouetter sa baguette. Ron était brûlant et seulement à moitié lucide. La combinaison de la lycanthropie latente et de la pleine lune le faisait se tordre d'agonie.
"Putain ! Putain de merde." Ron sanglotait en s'arquant en arrière jusqu'à ce que sa colonne vertébrale ait l'air sur le point de se briser. "Faites que ça s'arrête. Faites que ça s'arrête !"
Il enfonça les ongles dans son épaule, se griffant. Harry lutta pour faire baisser les bras de Ron et l'empêcher de se mutiler lui-même.
Les bras, les jambes et le corps de Ron ondulaient et claquaient alors que le Polynectar cessait de faire effet. Même une fois que ses traits eurent ré-émergé, les claquements et les ondulations de son corps ne cessèrent pas. Les os dans ses épaules et ses bras ne cessaient de se casser, de s'étirer puis de retourner en place dans un claquement. Ses doigts étaient recourbés en griffes, et il les traînait sur le parquet, hurlant, s'arrachant les ongles. Grognant de l'agonie de son corps qui luttait contre la transformation partielle.
Hermione et Harry lui lancèrent tous les deux un stupéfix à la tête. Ron tressaillit à peine. Il se retourna et sauta à la gorge d'Hermione, mais elle lança un bouclier un moment avant qu'il ne frappe.
"Stupéfixez-le ! Tout le monde, stupéfixez-le !"
Hermione revint précipitamment aussi vite qu'elle le pouvait alors que Ron se retournait dans une embardée et chargeait de nouveau.
Il fallut dix stupéfix pour l'assommer.
Hermione s'assit au milieu de la pièce, pantelante, alors que Neville, Seamus et plusieurs autres amenaient le corps inconscient de Ron dans la cave.
Harry était sur le sol à côté d'elle, agrippant sa main si fermement qu'elle pensait que ses os pourraient craquer.
"Je ne savais pas. Je ne savais pas qu'il serait comme ça." Harry avait l'air perdu.
Hermione baissa les yeux sur ses mains. "Il ne peut pas sortir. Le loup ne peut pas sortir." Elle fixa le sang et les traces de griffes sur le sol. "Nous pourrions avoir besoin de discuter le fait que Remus le morde vraiment."
Ils étaient toujours assis sur le sol quand Kingsley passa la porte, l'air fatigué.
"On en a perdu au moins trois," dit Kingsley. "Nous ne saurons pas qui avant que tout le monde soit revenu."
Sturgis Podmore, Susan Bones et cinq autres combattants de la Résistance ne rentrèrent pas au Square Grimmaurd. Ils furent présumés morts.
Il était plus facile d'espérer leur mort plutôt que de craindre qu'ils aient été capturés.
Hermione tomba sur Tonks après le débriefing de l'Ordre. Leurs yeux se croisèrent et Hermione étudia l'expression de Tonks. L'inquiétude et la suspicion qui avaient été visibles le jour précédent avaient disparu.
Maugrey ou Kingsley lui avaient jeté un sort d'Oubliettes avant qu'elle ne quitte le cottage.
Hermione resta dans son lit cette nuit-là, fixant le plafond. Kingsley avait ramené un rouleau de parchemin confidentiel sur l'entrave enlevée de Ron. Ils ne pouvaient pas ramener l'entrave sans amener la trace.
Hermione avait fait une étude préliminaire de la magie. C'étaient des sorts solides. L'entrave était faite de tungstène, solide mais conduisant la magie. Le détail des sorts qui faisaient reconnaître à l'entrave si quelqu'un portait la Marque des ténèbres était basé sur une formule arithmantique complexe et ingénieuse et une technique de sortilège qu'Hermione n'avait jamais vues auparavant.
Elle retourna les informations encore et encore dans son esprit sans savoir quoi faire. Les informations étaient déjà partiellement obsolètes. La prochaine entrave serait améliorée. Plus difficile ou même impossible à enlever pour l'Ordre.
Même si elle trouvait une faille à exploiter, l'Ordre ne serait pas nécessairement en mesure d'en tirer avantage. Ils devaient décider de mettre l'information de côté jusqu'à ce que ça devienne vital, ou de l'utiliser immédiatement. Toute faille qu'ils exploiteraient conduirait le Sussex à améliorer de nouveau les entraves.
C'était comme le code Enigma : si l'Ordre réussissait à briser les enchantements, ça ne résulterait qu'à ce que les Mangemorts les perfectionnent plus rapidement.
Elle roula sur le côté et se demanda si les entraves auraient été inventées si Drago n'avait pas conduit l'Ordre à attaquer autant de prisons ; si l'Ordre n'avait pas mené des attaques aussi élaborées en juin ni détruit la division des sorts originelle.
Était-ce inévitable ? Ou l'avaient-ils causé ? S'ils ne l'avaient pas causé, y aurait-il eu une autre façon pour la Résistance de durer si longtemps ? Ou est-ce que la guerre aurait déjà été terminée ?
Elle ne savait pas.
Elle ne pouvait que se demander.
Son lit semblait plus froid qu'il ne l'avait jamais été.
Elle dormit pendant deux heures avant de ne plus y arriver. Elle descendit à la cuisine du Square Grimmaurd et fit du thé.
Elle regarda de nouveau le parchemin des analyses puis fixa la pleine lune par la fenêtre. De l'argent froid et lumineux. Elle avait adoré la lune quand elle était petite. L'évolution mensuelle et la beauté subtile l'avaient toujours ravie. Depuis qu'elle avait rencontré Remus en troisième année, la lune était devenue tragique et sinistre. Sa beauté, un présage de douleur.
Ron allait finir par détester la lune.
Elle enroula ses mains autour de son mug et sentit la chaleur pénétrer ses mains.
Elle avait froid. À l'extérieur. À l'intérieur. Elle avait froid.
Elle aurait toujours froid maintenant. Il y aurait toujours une trace en elle.
Elle posa la tête sur la table et caressa le grain du bois du bout de ses doigts. Drago lui manquait. Elle voulait le toucher. Elle voulait s'enfouir dans ses bras et oublier tout le reste.
La guerre l'avait rongée jusqu'à ce qu'elle ait l'impression qu'il ne reste que les plus maigres lambeaux d'elle. Comme si ses serres s'étaient enfoncées dans sa poitrine, et qu'elle ne pouvait pas plus se libérer que s'arracher les poumons et espérer survivre. Avec Drago, elle se sentait en vie. Comme si elle respirait de nouveau après des années à avoir oublié comment tout faire sauf survivre.
Elle serra le mug plus fort jusqu'à ce que la chaleur commence à s'estomper.
Elle ne savait même pas comment le contacter. Pas à moins que ça ne soit pour le compte de l'Ordre. Elle lui avait donné sa parole qu'elle ne le convoquerait plus sinon.
Elle fit tourner l'anneau autour de son doigt.
Elle se demanda s'il avait été au cottage des Tonks. S'il avait été blessé ou avait blessé quelqu'un.
Elle sursauta légèrement et fit une note mentale. Il avait utilisé sa potion analgésique sur son poignet. Même s'il pouvait remplacer tout le reste, il était peu probable que Severus ait partagé sa potion avec l'armée des Mangemorts. Elle devrait lui donner une fiole de remplacement quand elle le reverrait.
Elle avait aussi besoin de plus d'herbe à flux. Elle commença à cataloguer les endroits où elle pourrait en trouver. Puis elle s'arrêta, le cœur lourd.
Plus de récoltes.
Hermione se mordit la lèvre et baissa les yeux sur ses mains. Les récoltes avaient été les siennes. Ça avait été terrifiant et dangereux, mais ça lui appartenait. Une chance de s'échapper du Square Grimmaurd pendant quelques heures ; de sentir le vent sur son visage et la fraîcheur de la rosée du petit matin sur ses mains ; de regarder les saisons émerger lentement.
Elle regarda avec nostalgie par la fenêtre du Square Grimmaurd.
Elle se sentait comme un oiseau dont les ailes avaient été progressivement coupées de plus en plus courtes jusqu'à avoir été presque rasées.
Elle soupira et se détourna de la fenêtre. Elle regarda encore le parchemin, prenant des notes sur des ressources potentielles à consulter.
Le mardi suivant, elle se rendit à la masure sans aller récolter des ingrédients avant pour la première fois. Elle se sentait nerveuse en regardant la porte. Elle n'était pas sûre…
Il était toujours impossible de prédire ce que ferait Drago après.
Sa mâchoire tremblait et ses doigts hésitèrent à un souffle de la poignée de la porte. Elle retira sa main, la serrant en un poing et se forçant à prendre une profonde inspiration.
C'était son travail, se rappela-elle. Ce qui était arrivé d'une semaine à l'autre n'avait pas d'importance. Ça n'en avait jamais eu. C'était toujours son travail.
Elle déglutit et pinça fermement les lèvres en tendant la main et en ouvrant la porte.
Drago apparut alors qu'elle passait la porte.
Il apparut presque sur elle, l'attrapa fermement et la colla contre le mur alors que ses lèvres s'écrasaient sur celles d'Hermione. Elle put sentir son désir ardent ; dans ses mains alors qu'il les faisait courir sur son corps ; dans son souffle alors qu'il haletait irrégulièrement contre la bouche d'Hermione.
Les yeux d'Hermione s'écarquillèrent de surprise alors qu'elle était écrasée contre lui. Ses doigts attrapèrent les robes de Drago. Ses yeux se fermèrent et elle lui rendit son baiser.
Les mains de Drago se levèrent et il captura sa mâchoire, juste sous son oreille. Ses doigts s'enroulèrent autour de la nuque d'Hermione, lui faisant pencher la tête en arrière alors qu'il l'embrassait plus passionnément.
Elle s'agrippa à lui, et il l'attira plus près, enroulant son bras autour de la taille d'Hermione. Le monde entier s'éloigna. Hermione l'embrassa voracement. Elle avait envie de se fondre en lui.
Il la souleva et elle enroula ses jambes autour de ses hanches. Les doigts de Drago s'emmêlèrent dans les cheveux d'Hermione, et elle sentit ses dents contre ses lèvres et sa langue.
C'était comme tomber. Il l'avait épinglée contre le mur. Elle savait à peine où elle finissait et où il commençait. Ses poumons étaient en feu mais elle n'arracha pas sa bouche à celle de Drago.
Puis elle tomba réellement. Le mur derrière elle disparut et elle fut sur un matelas sous un baldaquin. Elle avait à peine senti le transplanage.
Elle ne retira sa bouche de celle de Drago que le temps de regarder autour d'elle avant d'écraser de nouveau ses lèvres sur les siennes. Il lui arracha sa chemise, et elle ouvrit vivement son pantalon.
Vite. Fort. Elle était prête pour lui. Elle passa ses ongles contre son dos alors qu'il plongeait en elle.
Il n'y avait de la place pour rien d'autre dans son esprit. Le toucher. Bouger contre lui. Le sentir. Le monde s'était réduit à un seul point : Drago, ses yeux et ses mains, le battement de son cœur. Elle enroula ses bras autour de lui en l'embrassant, encore et encore.
Après, ils restèrent entrelacés pendant plusieurs minutes, leurs fronts posés l'un contre l'autre, pantelants.
Il l'embrassa entre les yeux, et sa paume caressa son visage. Puis il se retira et fit courir ses doigts le long de son corps, regardant attentivement son torse et ses bras. Elle leva la tête pour voir ce qu'il faisait.
"Tu n'étais pas à la bataille du cottage, n'est-ce pas ? Je ne pense pas qu'un des Potter se battait comme toi, mais il était impossible d'en être certain." Il effleura ses doigts le long de son oreille puis de son épaule.
Hermione reposa sa tête et secoua la tête, le regardant de la même façon, faisant courir ses doigts le long de son torse. Il n'avait pas de blessure visible.
"Je n'y étais pas. C'était un raid organisé ; Kingsley ne m'aurait pas amenée." Sa mâchoire trembla, et elle détourna les yeux. "Tu n'auras plus besoin de t'inquiéter. Je ne suis…" les mots se tordirent dans sa bouche, "Je ne suis plus autorisée à quitter les planques, sauf pour la liaison. Donc tu n'as plus besoin de t'inquiéter."
Drago eut un soupir de soulagement audible et s'allongea à côté d'elle, pressant un autre baiser sur le front d'Hermione.
Hermione ferma les yeux et pinça les lèvres.
"Qu'est-ce qui ne va pas ?"
Elle leva les yeux et vit que Drago la regardait intensément, l'expression fermée.
Le coin de la bouche d'Hermione se tordit. "J'aimais faire des récoltes. C'était… la seule chose supportable que je faisais, parfois." Les yeux d'Hermione se baissèrent et elle entrelaça ses doigts avec ceux de Drago. Elle fixa la main de Drago dans les siennes. "Ma vie ne fait que devenir plus petite et plus sombre."
Il y eut une pause.
"Je suis désolé."
Elle haussa les épaules sous lui. "Ce n'est pas comme si tu l'avais ordonné. Tu as dit rester en vie ; Kingsley est celui qui a décidé que ça voulait dire que je n'étais plus autorisée à faire les récoltes ou quitter les planques. Je comprends. Il est responsable de tout l'effort de guerre. Je ne vais pas lui demander de le structurer autour de mes sentiments personnels. C'est juste que…" Elle fit une pause, inspirant. "Je suis toujours en train de m'y habituer."
"Je n'avais pas réalisé que c'était important pour toi."
Elle resta silencieuse un moment, hésitante. "Certains jours… c'était ce que j'avais de plus proche de la liberté."
Elle sentit tout le corps de Drago se figer.
"Jusqu'à… jusqu'à la fin de la guerre," dit-il d'un ton qui était à moitié celui un plaidoyer, à moitié celui d'un serment.
Hermione renifla. "Seulement jusque là ? Quand cela sera-il ?" Elle lui fit un sourire amer. "Quelle fin de la guerre penses-tu pouvoir bien se passer pour l'un ou l'autre d'entre nous ? Si l'Ordre gagne d'une façon ou d'une autre, je suis sûre que la Confédération Internationale sera subitement avide de s'en mêler. Ils présideront tous les procès. Je te l'ai déjà dit, beaucoup de mes activités sont grandement condamnables, et l'Ordre est censé être démocratique. Quand tout ça sera révélé au grand jour…" elle détourna les yeux, incapable de soutenir son regard, "... ça ne dépeindra pas une jolie image." Elle haussa les sourcils et fit un petit soupir. "Si j'ai de la chance ils me prendront juste ma baguette pendant quelques années. Il y a certaines choses…"
Sa poitrine se serra alors qu'elle pensait à la petite pièce dans la grotte sur la plage. Le sang. Les pieds et les mains écorchés. Au cours de l'année, Gabrielle était devenue plus cruelle et plus créative. Les blessures étaient à présent rarement réversibles, et Kingsley ne la bridait pas parce que l'Ordre avait besoin des informations.
Le nom d'Hermione résidait à côté de celui de Kingsley dans le dossier de chaque prisonnier. Son écriture cataloguant en termes précis et cliniques les blessures qu'elle avait soignées, la condition exacte de chaque prisonnier quand elle les avait placés sous stase.
J'étais là. Je savais. J'étais complice.
Elle déglutit. "Je ne suis pas une bonne personne comme tu le penses. Je… je pourrais très bien finir à Azkaban."
Drago resta silencieux pendant un moment en la regardant. Ses doigts tressaillirent et se resserrent autour de ceux d'Hermione. "Enfuie-toi. Un seul mot et je te fais partir. Tu n'es pas obligée de rester ici."
Une partie lâche d'elle-même s'éveilla et se déploya à ces mots. Partie. Libre. Loin de la guerre.
Elle avait ignoré à quel point elle en avait envie jusqu'à ce qu'elle entende l'offre de quelqu'un qui le pensait vraiment.
L'idée de vivre sans la guerre… elle en avait envie.
"Tu sais que je ne le ferai pas," dit-elle, le regardant dans les yeux.
Son expression était amère, et ses yeux vacillèrent, montrant une résignation lasse. Il hocha la tête. "L'offre demeure. Un mot et je te fais partir."
Elle l'étudia. "Et toi ?"
Il eut un rire amer. "Si je pouvais m'enfuir, j'aurai disparu quand ma mère était en vie."
Hermione hocha lentement la tête. Il ne serait pas là s'il avait eu le choix. "Bien sûr. Partirais-tu, si tu le pouvais ?"
Il la fixa, ses yeux d'argent fondu et inébranlables. "Avec toi, oui."
"Alors, nous irons ensemble. Après la guerre." Elle pressa les mains de Drago contre sa poitrine et sentit son cœur battre contre elles. "Quand la guerre sera finie. Nous nous enfuirons dans un endroit où personne ne nous connaîtra. Nous… disparaitrons. Quand ça sera fini."
Les yeux de Drago vacillèrent un moment avant qu'il ne croise le regard d'Hermione et sourie légèrement. "Bien sûr, Granger."
Il mentait.
Ils mentaient tous les deux.
C'était une illusion de penser qu'ils pourraient s'enfuir ensemble. Que les choses pourraient finir assez bien pour ça.
Elle pressa plus fort ses mains et croisa son regard jusqu'à ce que l'illusion se dissipe.
"Il y avait une trace sur Ron," dit-elle après une minute. "Du Sussex. Serais-tu capable d'obtenir plus d'informations sur leur fonctionnement ? Et sur les prototypes sur lesquels ils travaillent ?"
"Je vais voir ce que je peux faire." Son ton était un peu irrité. Il se recula et bougea son cou pour le faire craquer.
Hermione le fixa. Il était impossiblement élégant mais trop maigre. Presque décharné. Sa peau était pâle comme du marbre, et dans la lumière pâle du matin, il aurait pû être un personnage de peinture. Ses cicatrices rendaient la scène macabre.
Elle ne pouvait pas le regarder sans voir la guerre. Elle était gravée en lui.
Elle s'assit et attacha ses épingles dans ses cheveux.
"Je déteste tes cheveux comme ça," dit-il brusquement.
Hermione le regarda et haussa un sourcil. "Je pourrais les couper à la place."
Son expression se fit offensée. Elle lui fit un sourire ironique et haussa les épaules. "Je dois les garder hors de ma vue quand je travaille. Je suis toujours d'astreinte. Ça fait plus de sens de les garder comme ça."
Il détourna les yeux pendant plusieurs minutes. "Je veux te voir plus souvent."
Le coin de la bouche d'Hermione se tordit alors que son cœur s'arrêtait sous le soulagement. "Très bien. Tu as un horaire ?"
Il se tourna pour la regarder, et elle put voir le désir ardent dans ses yeux. Possessif. Vorace.
Il la tirerait hors de la guerre et la cacherait dès l'instant où elle le laisserait faire. Elle pouvait voir le conflit dans ses yeux. La vue de Drago qui se retenait alors qu'il la regardait et évaluait ses options était familière.
Envie. Envie. Envie. Elle le sentait comme le battement de son cœur.
S'il ne pouvait pas la cacher, il la thésauriserait autant qu'il le pourrait.
Elle était tombée amoureuse d'un dragon.
"J'ai toujours été d'astreinte pour toi aussi. J'ai des gardes de six heures dans la salle d'hôpital chaque après-midi, mais le reste de mon travail est flexible. Tu peux m'appeler, et je viendrai dès que possible."
"Je t'appellerai alors, quand je peux. Si l'anneau s'active une seule fois, ce n'est pas relatif à l'Ordre."
Drago ramassa sa cape sur le sol et en sortit un rouleau de parchemin.
"De nouveaux ordres cette semaine ?" demanda-il alors qu'il le lui tendait. Il grimaça avec dérision en posant la question. "À part les informations sur la trace ?"
Elle secoua la tête. "C'est la principale priorité."
Alors qu'elle tendait la main et attrapait le rouleau de parchemin, il tira dessus, l'attirant vers lui. Il ferma une main autour du poignet d'Hermione.
Elle sentit le parchemin glisser de ses doigts alors que l'autre main de Drago glissait sur sa gorge et qu'il l'embrassait.
Il l'embrassa, et elle l'embrassa.
