Chapitre 58 - Flashback 33
Mai 2003
Quand Hermione se réveilla, Drago était toujours à côté d'elle. Il avait une grande pile de livres qu'il consultait en même temps. Hermione cilla et plissa les yeux pour lire les titres et vit que sa recherche concernait les règles de Gringotts et les lois de l'héritage.
"Qu'est-ce que tu fais ?" demanda-elle après une minute.
Ses yeux se levèrent de la page qu'il lisait.
"Rodolphus Lestrange a été trouvé décorativement pendu en un certain nombre de morceaux alors qu'il voyageait en Bulgarie."
Hermione déglutit. Gabrielle. C'était typique d'elle. Les méthodes de Gabrielle étaient devenues impitoyables et extrêmes ces derniers mois.
"C'était la raison de ma convocation," dit Drago en fermant le livre dans un claquement. "Le Seigneur des Ténèbres est furieux de l'audace de l'assassinat et… assez curieusement… intensément préoccupé de qui aura accès au coffre des Lestranges à présent."
Hermione se figea, et ses yeux s'écarquillèrent. "Penses-tu que…"
Il fit un petit hochement de tête. "Les Lestrange seraient un choix évident pour confier un Horcruxe. Si mon père a été choisi, Bellatrix et son mari étaient tout aussi probables. D'anciennes familles avec un héritage et d'excellentes mesures de sécurité. Bellatrix a transféré son héritage en tant que Black dans le coffre des Lestrange. La fille d'Andromeda mise de côté, qui est actuellement une criminelle recherchée, je suis le dernier à avoir du sang Black. Il n'y a plus de Lestrange à moins qu'un bâtard ne sorte de sous le tapis. Je crois que par sang et technicité, je serai capable d'accéder au coffre."
L'esprit d'Hermione bondit. "Achète les gobelins. Ils sont hautement possessifs de tout ce qui a été créé par des gobelins. Si tu acceptes de leur donner certains objets de l'héritage des Black ou des Lestrange qui sont faits par les gobelins, ils cacheront le fait que tu sois allé là-bas. C'est comme ça qu'on a eu accès à certains coffres."
Les yeux de Drago brillèrent. "Utile."
Il agita sa baguette et fit venir plusieurs petites fioles depuis l'autre côté de la pièce. "Peux-tu bouger ?"
Hermione leva le bras et baissa le menton pour regarder sa poitrine. À un certain moment quand elle était endormie, Drago avait fait disparaître l'exosquelette. Les draps étaient soigneusement tirés jusqu'à ses clavicules toutes neuves. Les doigts d'Hermione agrippèrent le tissu, mais elle hésita et jeta un regard à Drago. "C'est moche ?"
Il haussa les épaules mais ses yeux étaient rivés sur le visage d'Hermione. "C'est mineur."
Hermione tendit légèrement sa mâchoire en soulevant les draps et en regardant sa poitrine.
On aurait dit qu'une minuscule bombe avait explosé depuis son sternum. Les cicatrices étaient concentrées au centre de son torse et des éclaboussures de minuscules cicatrices montaient jusqu'à ses épaules et descendaient au-dessus de ses seins.
Elle pouvait sentir le regard de Drago sur elle bien qu'il ne soit pas en train de bouger. Elle cilla en étudiant ses cicatrices.
Elle déglutit lentement.
Les cicatrices étaient plutôt mineures au vu de la blessure. Elle était à peine défigurée. Cela n'aurait pas de conséquences sur le long terme. Avec le temps, elles s'estomperaient. Elle savait qu'elle pourrait les traiter pour qu'elles s'estompent.
Elle était très chanceuse. Quelques cicatrices n'étaient rien en comparaison des blessures que d'autres gens de la Résistance porteraient à vie.
Ce n'était rien. Elle porterait juste des chemises avec un col haut.
Elle déglutit de nouveau et leva les yeux vers Drago, qui la regardait toujours attentivement. Elle se força à sourire. "Combien… combien de fioles de Dictame as-tu utilisées pour arriver à ça ?" Elle laissa tomber le drap et pressa ses mains dessus.
Drago leva les yeux au ciel. "Toujours pas autant que ce que tu as utilisé sur moi."
Elle fit un sourire tordu. "Tes cicatrices sont plus jolies que les miennes."
Il renifla audiblement. "J'ai eu une meilleure guérisseuse."
Hermione poussa un petit soupir, mais il se bloqua dans ses poumons. Elle essaya de respirer mais à la place elle toussa violemment jusqu'à cracher plusieurs caillots de sang dans sa main.
Drago fut immédiatement à côté d'elle. Il glissa sa main derrière sa tête et il y eut une fiole sur ses lèvres. "C'est pour nettoyer tes poumons."
Le premier instinct d'Hermione était de repousser la fiole et d'inspecter la potion pour la vérifier, mais elle faisait confiance au fait que Drago était assez paranoïaque pour deux. Elle écarta les lèvres et avala. La sensation étouffante dans ses poumons disparut.
Drago marmonna un sort, et elle sentit le sang dans sa main disparaître.
Drago fit venir plusieurs autres potions. Hermione les regarda et catalogua mentalement chacune. Anti-douleur. Fortifiant. Potions pour le tissu pulmonaire. Potion pour aider les tendons et les ligaments à se lier aux nouveaux os. Certaines étaient redondantes. Drago était excessivement méticuleux.
Elle avala chaque potion sans discuter, avec des hauts-le-cœur pour certaines.
Il embrassa le sommet de sa tête. "As-tu faim ?"
Elle renifla. "Pas après huit potions. Bien que j'apprécierais de l'eau. As-tu ma baguette ? Je pense… je la tenais quand on m'a fait transplaner, non ? Je ne… me rappelle pas complètement."
Drago sortit la baguette d'Hermione de ses robes et la glissa dans sa main. Elle pouvait sentir l'hésitation dans ses doigts.
"Je suis désolé. Je ne m'étais pas rendu compte que le transplanage briserait tes os."
Hermione tressaillit à ce souvenir. Elle baissa les yeux et se força à hausser les épaules. "Pression. C'est pour ça que je t'ai dit que tu ne pouvais pas utiliser ce moyen de transport avec une blessure au cerveau ou à l'œil. Ça peut être également le cas avec les os endommagés."
"Je suis désolé."
Hermione leva les yeux et lui fit un petit sourire. "Ce n'est pas de ta faute. C'était beaucoup de malchance."
Il se raidit, et son expression se figea avant qu'il ne s'esclaffe dans un souffle. "Ce n'était pas juste de la malchance. Est-ce que l'Ordre se rend compte d'à quel point il est devenu prédictible ? Les pertes d'hier ont été presque entièrement de votre côté. C'était un succès éclatant. Ça sera répété."
Il y avait une rage amère dans sa voix.
Hermione se figea et pinça les lèvres, hésitant pendant un moment. "C'était la tienne, n'est-ce pas ? L'attaque. C'est toi qui l'a planifiée."
Drago se tendit et il y eut un silence. Il détourna les yeux, et elle vit sa mâchoire se serrer.
"Je dois maintenir ma position pour faire tout ce qu'on me demande. Le Seigneur des Ténèbres sait qu'il y a des espions dans l'armée à présent. Il est bien conscient que l'Ordre s'est infiltré d'une façon où d'une autre. Kingsley a trop joué. Le Sussex et les différentes branches de l'armée deviennent confidentiels. Il y a des douzaines de mesures de contre-espionnage mises en place ; maintenir mon rang est la seule façon de rester informé."
Elle glissa une main contre celle de Drago. "Je ne te le reproche pas. Je ne l'avais juste pas réalisé."
Il y eut un long silence.
"Je n'ai pas eu le choix de tuer Shacklebolt," dit finalement Drago. "Il a été touché par un maléfice, comme tu le savais. Weasley était en train de faire un carnage parce qu'une fille était morte. Shacklebolt a fait sortir Potter et Weasley, mais il était condamné." Il y eut un battement. "La capture et l'interrogation auraient été pire."
Hermione hocha lentement la tête sans lever les yeux.
Les Mangemorts auraient su quelle était la valeur de Kingsley Shacklebolt. Ils auraient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour lui arracher le moindre renseignement qu'il possédait.
Ça aurait été une mort lente et horrible.
Ça aurait risqué l'Ordre. Ça aurait risqué l'entièreté de la Résistance.
Ça aurait risqué Drago.
"Ça a été rapide ?"
"Ça a été rapide."
Il n'y avait rien d'autre à dire.
Elle ignora le poids dans sa poitrine et agita sa baguette, se lançant un diagnostic.
Les os avaient bien repoussé, mais le tissu de ses poumons, les tendons et ses ligaments étaient toujours fragiles et convalescents. Le transplanage ne serait pas conseillé pendant quelques heures encore.
Elle leva les yeux vers Drago. "As-tu besoin de travailler ? Je peux t'aider dans tes recherches sur les lois de l'héritage."
"J'ai trouvé ce dont j'avais besoin."
Hermione regarda autour de la pièce. Elle était stérile. Presque nue. Le lit, une haute garde-robe, un bureau et une chaise.
"Est-ce que c'est une chambre d'amis ?"
La bouche de Drago se tordit dans une grimace. "Non. C'est la mienne. Je ne viens pas souvent ici."
Hermione regarda plus attentivement autour d'elle.
Elle était aussi impersonnelle que ses chambres d'hôtel ; elle ne pensait pas l'avoir jamais vu avec quoi que ce soit qu'elle puisse qualifier de possession personnelle. "J'aurais pensé que ta chambre serait plus vert et argent."
Drago eut un rire qui sonnait vide.
Elle prit sa main, entrelaçant leurs doigts. "Je suis désolée, Drago, que tu aies dû venir ici à cause de moi."
Ses doigts se serrèrent sur ceux d'Hermione en guise de réconfort. "Je serais venu pour les livres."
Hermione s'illumina, et ses yeux s'écarquillèrent alors qu'elle levait le regard vers lui. "Est-ce que… est-ce que je peux voir ta bibliothèque ?"
Les yeux de Drago scintillèrent et il s'esclaffa. "Je me suis demandé combien de temps ça pendrait avant que tu le demandes."
Les joues d'Hermione chauffèrent, et elle baissa les yeux. "C'est juste que… je n'ai pas eu accès à beaucoup de textes magiques depuis que je suis revenue de mes études à l'étranger. On en a ramené de Poudlard, et la bibliothèque des Black est très bien. J'en ai lu la plupart à présent… il n'y a plus d'endroit où je puisse obtenir facilement des livres."
"Je vais te montrer la bibliothèque, Granger."
Elle s'habilla, et Drago prit sa main. Ils s'arrêtèrent brièvement à la porte. Drago prit une brève inspiration, comme s'il s'armait, avant d'ouvrir la porte.
Ils sortirent de la chambre pour se retrouver dans un long couloir sombre. Alors qu'ils le remontaient, plusieurs des portraits murmurèrent. Drago se figea puis se retourna et fixa le pâle ancêtre au traits fins qui les regardait.
"Un mot contre elle et je te réduirai en cendres. Passe le mot." La voix de Drago était mortellement calme.
L'ancêtre verdit et hocha la tête avant de se précipiter hors du cadre.
La bibliothèque était énorme. Des allées et des étagères de livres en forme de spirales menant à un second étage où des chemins couraient le long d'autres étagères.
"Drago…" Hermione avait l'impression qu'il y avait des étoiles dans ses yeux alors qu'elle la découvrait. "C'est…"
Elle hésita. Il détestait la maison. Être ici avec elle devait ressembler à un cauchemar.
"C'est une belle bibliothèque," dit-elle finalement.
Drago eut un petit rire. "Tu es autorisée à aimer la bibliothèque, Hermione. Tu n'as pas à détester le manoir pour me faire plaisir."
Elle s'approcha d'une étagère et fit courir ses yeux le long de toutes les reliures. Les doigts planèrent à un souffle des tomes reliés de cuir avant qu'elle ne se reprenne. "Je peux les toucher ?"
"Bien sûr. Je ne te montrerais pas des livres si tu ne pouvais pas les toucher."
Elle haussa les épaules. "Certaines bibliothèques sont protégées contre les nés-Moldus."
Drago s'appuya contre une étagère. "Je ne pense pas que les Malefoy ait jamais imaginé qu'une née-Moldue serait invitée sur le domaine." Il lui fit un sourire tordu. "Qu'est-ce que tu veux voir ?"
Hermione regarda longuement autour d'elle avant de parler. "La théorie des âmes, si tu en as. Ils sont habituellement une sous-section de la magie théorique. Je n'ai pas beaucoup de temps."
L'expression de Drago vacilla alors qu'il se tournait et la guidait à travers les allées.
Elle perdit la notion du temps à se pencher sur les livres. Il y avait tant de livres qu'elle n'avait jamais vu ou dont elle n'avait jamais entendu parler. Elle parcourait à toute vitesse livre après livre jusqu'à ce que ses yeux la brûlent, et elle dut pencher la tête en arrière pour se débarrasser de la crampe qu'elle avait. Quand elle leva les yeux, elle vit que Drago l'observait.
Ses yeux étaient sombres alors qu'il la fixait. La peau d'Hermione eut la chair de poule, et un frisson courut le long de sa colonne vertébrale alors qu'elle posait son livre et croisait le regard de Drago.
Il bougea comme de l'eau en avançant vers elle. Il l'embrassa et elle but en lui. Il glissa ses bras autour de la taille d'Hermione, et elle recula sa bouche juste assez pour parler.
"Il faut qu'on fasse attention. Tout est encore un peu fragile."
Il hocha la tête et l'embrassa de nouveau.
Il était précautionneux. Lent et doux. Il la toucha comme si elle était de verre entre ses mains.
Quand il lui enleva sa chemise et baissa les yeux sur elle, elle tressaillit et ses mains se levèrent pour couvrir son sternum.
"Elles vont s'estomper," dit-elle rapidement.
Soudain, elle comprenait pleinement les larmes de Ginny sur sa cicatrice. La blessure sur son torse semblait bien plus proéminente que celle de son poignet. Elle ne pouvait pas la cacher ; ne pouvait pas la dissimuler sous les draps, ou derrière son dos, ou hors de vue pour que les cicatrices ne soient pas constamment visibles.
Elle ne pensait pas qu'elles pourraient affecter la façon dont Drago la regardait… mais peut-être que ça serait le cas. Les cicatrices étaient si présentes. Déposée en plein milieu de son corps. Peut-être qu'après un moment, à se faire constamment remémorer la guerre à leur vue, cela changerait les choses ; il voudrait peut-être finalement quelque chose qui n'avait pas la guerre si ouvertement dessinée dessus. Un jour, si ça se terminait, il pourrait vouloir quelque chose qui ne soit pas un tel rappel constant du passé.
La pensée la coupa comme une lame. Elle se mordit la lèvre et pressa ses mains plus fermement contre son sternum.
"Je vais les traîter… pour qu'elles s'estompent plus." Elle déglutit, et ses doigts papillonèrent alors qu'elle essayait de toutes les couvrir et les faire paraître moins… présentes.
Drago se raidit pendant un moment, puis il attrapa les mains d'Hermione et les retira. Il baissa les yeux, ses yeux d'argent l'étudiant intensément jusqu'à ce qu'elle sente la chaleur lui monter aux joues et aux oreilles et couler lentement jusqu'à son cou.
"Est-ce que tu vois mes cicatrices de cette façon ? Quand tu me regardes, est-ce qu'elles sont tout ce que tu vois ?" demanda-il.
Hermione tressaillit. "Non."
"Je ne te vois pas comme ça non plus. Tu es à moi." Il lâcha la main d'Hermione, et sa main droite courut le long de sa gorge, de ses clavicules puis de son sternum, là où les cicatrices étaient le plus concentrées. "Tu es à moi. Et ce qui t'arrive n'a pas d'importance. Tu seras toujours mienne." Sa tête plongea lentement vers elle, et il captura ses lèvres en disant le dernier mot.
Elle libéra son autre main et emmêla ses doigts dans ses robes, le tirant plus près d'elle. Elle l'embrassa et se tint à lui si fermement que ses mains tremblèrent.
Quand elle passa ses doigts le long de son corps et qu'elle sentit les cicatrices sur son torse et ses omoplates, son cœur se serra, et elle l'embrassa à ces endroits. Elle souhaiterait qu'elles disparaissent pour le bien de Drago, mais il ne lui était jamais venu à l'esprit de ne pas les aimer comme siennes.
Il était à elle. Elle ne l'aimait pas parce qu'elle voulait le changer en quelque chose de plus facile. Il était à elle.
Il se poussa en elle, et elle attrapa son visage dans ses mains et parla presque.
Je t'aime.
C'était sur le bout de ses lèvres, mais elle hésita et ravala les mots.
Il y avait une partie d'elle qui avait l'impression qu'elle pourrait les condamner si elle le disait. S'il restait des choses importantes non dites, alors peut-être que demain viendrait.
Elle l'embrassa à la place.
Je t'aime. Elle le lui dit dans la façon dont elle pressa ses lèvres contre les siennes ; dans la manière dont sa langue glissa sur le point qui pulsait sous sa mâchoire ; dans la façon désespérée dont elle emmêla ses doigts dans ses cheveux et dans les motifs qu'elle dessina sur ses épaules.
Je t'aime.
Je t'aime.
Je t'aime.
Elle le lui dit dans la façon dont elle se laissa aller et dont elle s'accrocha à lui à la place. Je t'aime. Je t'aimerai toujours.
Finalement, ce fut le moment de partir. Il n'y eut plus d'excuses pour rester plus longtemps. L'Ordre avait subi une attaque sévère, et Hermione devait aller y faire face.
Elle regarda la bibliothèque une dernière fois avant de se retourner pour partir.
"Je t'y amènerai encore. Dès que tu le voudras," dit Drago alors qu'ils passaient les portes.
Elle s'arrêta et lui fit un petit sourire. "Non, tu n'as pas besoin de faire ça."
Ils marchèrent jusqu'à une entrée dans laquelle ils étaient passés sur le chemin de la bibliothèque. C'était une pièce vide et immaculée, mais sombre et froide pour la saison qui approchait de l'été. Hermione regarda autour d'elle.
"Est-ce qu'il fait toujours si froid ?"
Drago leva les yeux. "Je pense qu'il faisait plus chaud avant. Dans mes souvenirs il faisait plus chaud. Les lignes telluriques sont corrompues maintenant. Ça affecte la maison. Il y a des protections que je pourrais utiliser pour réduire ça." Il haussa les épaules. "Il y a toujours eu des choses plus importantes à faire."
Il glissa une main autour de la taille d'Hermione et les fit transplaner à Whitecroft.
Hermione fit un pas en arrière et resserra sa prise sur sa baguette. Avant qu'elle ne puisse transplaner, la main de Drago surgit et il captura son poignet.
Il l'attira de nouveau vers lui. "Hermione, s'il te plait…" Sa voix se brisa alors qu'il l'agrippait plus fort et hésitait. Elle le regarda dans les yeux.
Elle savait ce qu'il voulait lui demander.
Il déglutit. "Ne te fais plus blesser. Ne…"
Elle se mit sur la pointe des pieds et l'interrompit avec ses lèvres. Il tint ses épaules et elle pouvait sentir son envie de transplaner ; de l'emmener et de la supplier de rester.
Elle attrapa son visage dans ses mains et lui donna un lent baiser avant de poser son visage contre le sien pour que leurs joues s'effleurent.
"Soit prudent, Drago," murmura-elle contre le coin de sa bouche. "Soit prudent. Ne meurs pas."
Les doigts de Drago sur son poignet se resserrent et tremblèrent presque. Puis il poussa un petit soupir et la lâcha.
Elle l'embrassa encore et se força à s'éloigner. Leurs regards étaient plongés l'un dans l'autre quand elle disparut.
Le Square Grimmaurd était tendu quand Hermione entra. Il y avait une sensation palpable de désespoir dans la maison. Elle resta quelques secondes dans l'entrée, l'absorbant. Maintenant qu'elle n'avait plus l'interférence de la rage meurtrière de Drago, elle avait la place de réaliser qu'elle avait sa propre fureur.
Elle alla jusqu'à la salle d'hôpital, la mâchoire tendue, en cherchant Padma.
Padma fondit en larmes à sa vue. "Tu es toujours en vie. Je me suis retournée, et tu avais disparu."
Padma se précipita et lança des sorts de diagnostic sur Hermione.
Hermione chassa la main de Padma. "Je vais bien. Je me suis remise. Si j'étais toujours en danger, je ne me tiendrais pas là. Non que tu le saches, puisque tu as apparemment oublié d'utiliser un sort de diagnostic correct hier. As-tu réellement diagnostiqué à vue ?"
Padma se figea et pâlit. "Je ne l'ai pas fait ? Non. Attends… d'abord j'ai utilisé le…" Sa voix s'interrompit alors que ses yeux s'écarquillaient d'horreur. "Tu as raison. Je suis désolée. Je suis si habituée à ce que ça soit toi qui fasses le diagnostic avancé quand je suis avec toi. J'en ai utilisé un basique… ensuite… ensuite je crois que j'ai paniqué."
Hermione la fixa en secouant la tête, incrédule. "J'avais du venin de vampire dans mon organisme, Padma, et malheureusement je n'étais pas en état de m'en souvenir. C'est une chose si facile à réparer, si seulement tu avais utilisé un meilleur diagnostic. Si on ne m'avait pas emmenée pour être soignée, je serais probablement morte au milieu de l'entrée."
Le visage de Padma se décomposa. "Je n'ai aucune excuse. Je suis désolée."
"Être désolée ne ramène pas les morts à la vie," dit Hermione, sa voix tremblant alors qu'elle essayait de maîtriser la rage venimeuse qu'elle ressentait. Son cou et sa mâchoire étaient tendus de l'effort qu'elle faisait pour garder une posture neutre. "Il y a des choses que tu devais savoir par coeur. Quelqu'un est blessé, tu lances un diagnostic avancé et tu t'assures de connaître l'étendue exacte des dégâts. Tu ne lui demandes pas ce qui lui est arrivé. Tu étais une guérisseuse de terrain ; je ne peux pas croire que j'aie cette conversation avec toi."
"Je sais. Je sais. Je suis vraiment désolée." Padma se mit à pleurer plus fort.
La langue d'Hermione se tordit de toute la frustration qu'elle voulait déverser sur Padma. Elle était si furieuse qu'elle pouvait sentir la magie crépiter dans le bout de ses doigts.
Elle glissa ses mains derrière son dos et serra lentement les poings en se forçant à ravaler sa fureur.
Hermione prit une vive inspiration et détourna les yeux de Padma. "Où est Alastor ?"
Padma renifla et s'essuya les yeux. "Salle de guerre. Il l'a à peine quittée depuis que l'Ordre a débriefé. On a perdu Kingsley hier. Harry dit que Drago Malefoy l'a tué."
Hermione se figea. "Harry a vu Kingsley mourir ?"
Padma hocha la tête, son épuisement transparaissant sur son visage. "Beaucoup… beaucoup de gens sont morts hier. Je me suis chargée de faire la plupart des enregistrements pour toi. Ron est dévasté. Lavande a été tuée aussi. Ils étaient proches, tu sais. Depuis qu'il a été mutilé, ils étaient devenus très sérieux. Quand il l'a vue mourir il a perdu les pédales. Harry a essayé de l'éloigner, mais… Ron était…apparemment il a tué le Mangemort qui a tué Lavande, et il a cassé le bras de baguette de Harry quand Harry a essayé de l'arrêter. Kingsley les a fait partir tous les deux, mais alors que Harry tirait Ron au-delà des protections anti-transplanage, il a regardé en arrière. Il dit qu'il a vu Malefoy devant Kingsley, et il savait que c'était Malefoy parce Malefoy a enlevé son masque et lui a souri avant de jeter le sort de mort."
Hermione déglutit et sentit ses jambes menacer de la lâcher. La salle d'hôpital autour d'elle tourna légèrement.
Padma lui toucha le bras. "Désolée, j'aurais dû te le dire plus gentiment. Je sais que vous étiez proches."
Hermione cilla et se sentit étourdie. "Quoi ?"
"Shacklebolt. Vous étiez amis, non ? Vous sembliez vous voir beaucoup."
"Oh… nous… nous…" Elle déglutit. "C'était surtout pour la logistique de la salle d'hôpital."
Il y avait un vide dans sa poitrine là où devaient se trouver les émotions liées à sa mort. C'était un coup terrible pour l'Ordre de le perdre ; elle avait une sincère admiration pour ses compétences de stratège, pour sa capacité à faire des choix impossibles. Et pourtant les choses qu'il avait faites… avec lesquelles il l'avait rendue complice… son autorisation tacite pour la torture, son mépris pour ses conseils en tant que guérisseuse, sa façon d'exploiter Drago. Il avait été un maître marionnettiste, qui avait trouvé des ficelles à manipuler pour faire danser l'Ordre. Il les avait gardés en vie par pur génie, mais Hermione se surprenait à être soulagée d'être libérée de lui.
Elle ne savait pas quoi ressentir face à sa mort.
"Je ne pense pas que Kingsley voyait quiconque comme un ami," dit-elle finalement, détournant les yeux de Padma.
"Hé bien, Ron est plutôt dévasté par tout ça. Pour Lavande et pour tout le reste qui s'ajoute à ça."
Hermione hocha la tête d'un air absent. Elle avait ignoré que Ron et Lavande étaient devenus un couple sérieux. Elle avait été si préoccupée par ses recherches et ses potions expérimentales, à s'inquiéter pour Drago, à s'occuper de Ginny ; elle avait à peine fait attention aux relations du Square Grimmaurd. Cela n'avait pas semblé important. Elle n'avait pas le temps ni l'énergie pour que les relations des autres soient importantes pour elle.
Kingsley était mort. Perdu pendant une bataille dans laquelle l'Ordre n'aurait jamais dû se laisser piéger.
La guerre touchait à sa fin, et l'Ordre n'en avait rien tiré après six ans. Tout ce qu'ils avaient fait ces dernières années c'était survivre. Sans la manipulation habile de Kingsley sur Harry et la Résistance, elle ne savait pas s'ils allaient seulement réussir à continuer à survivre.
Drago serait le suivant.
Elle pouvait le sentir gravé dans le futur.
Ça avait été dans ses yeux quand il l'avait regardée transplaner.
Padma récitait la liste des morts, des blessures… Hermione n'écoutait le rapport qu'à moitié.
"Il faut que je parle à Maugrey. Assure-toi que tout soit noté, Padma ; je vérifierai les rapports plus tard."
Maugrey était assis derrière une pile de papiers. Son expression se durcit quand il vit Hermione. Il lança une douzaine de sorts de confidentialité avant de parler.
"Tu es en vie. Je croule sous les rapports, Patil a dit que tu avais été blessée puis que tu avais disparu, et ce maudit elfe est venu, envoyé pour 'm'informer' que tu avais été retirée pour ta protection. Depuis quand Malefoy l'utilise-il ?"
Hermione déglutit et prit une petite inspiration. "Avril dernier. C'est ce qu'il m'a dit."
Maugrey fit une grimace. C'était l'homme le plus paranoïaque qu'elle n'avait jamais rencontré. Découvrir que le Square Grimmaurd avait hébergé un espion latent immédiatement après avoir perdu Kingsley avait dû être un choc.
"Je pensais qu'il était lié à Potter."
Hermione regarda le sol. "La magie des elfes de maison est compliquée. Je n'ai pas fait de recherches approfondies… la plupart des livres n'étudient que comment les exploiter. Les elfes de maison tirent dans l'accumulation naturelle de magie. Quand les anciennes familles ont un domaine qui puise dans les lignes telluriques et utilise des protection de sang, ça entrelace la magie. Ils deviennent hautement liés à sa signature."
Sa gorge se serra à la pensée de tous les elfes qui étaient restés à Poudlard. McGonagall leur avait offert de briser le lien qu'ils avaient avec le château ; Hermione les avait suppliés de tous partir quand l'école avait été évacuée. Certains avaient accepté, mais les autres avaient décliné. Poudlard et sa magie étaient leur foyer.
Elle se savait pas s'ils étaient toujours en vie dans la prison ou si les Mangemorts les avaient tous tués quand l'école avait été purgée de sa "magie non coopérative".
Elle étouffa cette pensée. "Ma théorie est que quoi que Sirius ait fait pour forcer l'héritage du Square Grimmaurd à Harry, ça a séparé en deux le lien de Kreattur. Kreattur est lié au Square Grimmaurd comme lieu de résidence de la famille, mais il est aussi lié à la signature magique de la famille Black. Lucius détenait le titre et le manoir avant Drago à la mort de Narcissa. Si Drago lie le domaine à lui avec des protections de sang, alors Kreattur appartient autant au Manoir Malefoy qu'au Square Grimmaurd ; possiblement plus, puisque Harry n'a jamais utilisé de protection du sang au Square Grimmaurd pour renforcer les liens. Il était inévitable que dès que la signature des Black sur le Square Grimmaurd s'affaiblirait, Kreattur serait attiré à un endroit où il pourrait la retrouver. Les instructions que lui donne Drago auraient plus d'influence que les ordres de Harry."
"Je veux qu'il s'en aille."
"J'allais le suggérer. Son lien avec Harry est si faible que je pense pouvoir le briser moi-même. Il perdra le lien et la connexion avec le Square Grimmaurd."
"Que va-t-il lui arriver ensuite ?" L'œil de Maugrey tourbillonnait suspicieusement.
"Son lien ne sera plus qu'avec le Manoir Malefoy."
Maugrey sembla réfléchir. Finalement, il s'éclaircit la gorge. "Bien. Parti d'ici ce soir, ou c'est moi qui vais m'en occuper."
Les épaules d'Hermione se tendirent alors qu'elle faisait un bref hochement de tête. "J'ai quelque chose d'autre à rapporter. Rodolphus Lestrange a été tué en Bulgarie. Drago a été appelé pour ça. Au vu de la réaction de Tom à l'information, Drago suspecte qu'il pourrait y avoir un Horcruxe dans le coffre des Lestrange."
Maugrey sursauta, la regardant vivement. "Tu as parlé des Horcruxes à Malefoy ?" Sa voix était un grognement.
Hermione croisa calmement son regard. "Oui."
"Tu n'as pas eu l'autorisation de le faire."
Elle fit rouler sa mâchoire. "Il a fait un serment, Maugrey. Il ne va pas trahir l'Ordre. On sait pour les Horcruxes depuis cinq ans, et on n'a pas réussi à en trouver un seul. Drago est plus efficace que quiconque" sa voix se tendit, "et tu le sais, parce que la liste de demandes que tu lui fais s'allonge chaque semaine."
Maugrey se leva. "Surveille ta façon de parler, Granger."
Hermione ne surveilla pas sa façon de parler. Sa voix se fit plus basse, et elle vivra d'intensité en croisant le regard de Maugrey. "Tu l'as trop utilisé. Si j'étais une guérisseuse de moindre calibre, il serait mort dix fois au cours des deux derniers mois ; je te l'ai dit, je l'ai dit à Kingsley, et vous l'avez tous les deux ignoré. Le fait qu'il essaie de faire tout ce que vous demandez ne veut pas dire qu'il faut continuer de demander jusqu'à ce qu'il ne reste rien de lui à exploiter. Tom sait qu'il y a un espion dans son armée. Ce serait miraculeux qu'il ne l'ait pas remarqué depuis le temps. Il teste la loyauté des Mangemorts. Kingsley a poussé trop loin, et hier en a été la conséquence."
Elle se pencha au-dessus de la table vers Maugrey. "Nous avons perdu Kingsley parce qu'il a autorisé l'Ordre à se jeter dans un piège au nom de la solidarité. J'ai dit que la Résistance ne devait pas y aller." Elle était si en colère que sa poitrine lui faisait mal, comme si son sternum allait de nouveau se fracturer. "J'ai dit que nous ne devrions pas y aller, et on m'a dit que faire passer la Résistance en premier était la même chose que dire "les sorciers d'abord" et qu'il n'y avait qu'un petit pas pour arriver à "les sang-purs d'abord", et on m'a rappelé que chaque vie humaine a la même valeur et vaut le coup d'être sauvée ; comme si je n'étais pas celle qui essayait de les sauver." Elle lutta pour respirer à travers la rage brûlante et déglutit amèrement. "Hé bien, ils savent qu'on va marcher droit dans les pièges mortels par principe maintenant, alors combien de vie qui en valent le coup imagines-tu que l'héroïsme d'hier va nous coûter sur le long terme ?"
Elle raffermit ses murs d'occlumancie et relâcha brièvement son souffle.
Elle agrippa le bord de la table, et sa bouche se tordit alors qu'elle croisait le regard de Maugrey. "J'en ai fini de surveiller mes paroles."
Elle se redressa et regarda dans la pièce. "Je suis la seule personne que tu as au Square Grimmaurd. J'ai été un bon petit soldat obéissant. J'ai fait l'impensable pour l'Ordre, et je ne sais pas ce qu'on en a tiré." Sa bouche se tordit et son cœur se serra. "On est pas plus près de la victoire qu'il y a un an. J'ai suivi les ordres sans jamais me plaindre. Je l'aurais accepté si c'était juste moi… parce qu'à ce stade, quel bien cela ferait-il de s'arrêter ? Ou si je pensais qu'on gagnerait finalement la guerre à cause de ça. Mais je n'y crois pas. Je ne pense pas que tu y croies non plus."
Elle croisa le regard de Maugrey et fit un petit sourire. "Si tu as un meilleur allié restant dans l'Ordre, montre le moi."
Maugrey ne dit rien.
Elle relâcha sa respiration. "Drago et moi allons essayer de trouver les Horcruxes. J'ai besoin de l'accès à l'épée de Gryffondor. Je peux…" Sa gorge se serra, et elle baissa les yeux sur le bureau. "… aider à coordonner et gérer l'équipe de reconnaissance, puisqu'ils me connaissent tous, et je peux gérer la distribution de nourriture dans les planques ; je peux le faire en même temps que la distribution des potions dont je suis déjà responsable." Elle étudia les documents sur la table entre eux. "Fais moi savoir ce dont tu as besoin d'autre."
