Hermione
Ce fut la mère d'Hermione qui invita la professeure McGonagall à entrer dans la maison d'une voix tremblotante de choc. Elle entra, pas dérangée le moins du monde par les trois visages apeurés devant elle.
"Je suis affreusement désolée de mon retard." dit McGonagall en entrant dans le hall d'entrée.
Hermione regarda l'horloge derrière elle : elle avait exactement 35 secondes de retard.
Les parents d'Hermione avaient l'air encore plus scandalisés qu'elle, ils étaient bouche-bées et ne faisaient que regarder McGonagall de haut en bas sans rien dire. La professeure ne semblait pas du tout offusquée par cet accueil, elle retira sa cape, son chapeau et les plaça dans l'entrée de la maison, à côté des parapluies.
Puis, elle releva la tête et s'adressa à eux comme si c'était une situation tout à fait normale :
"Je suppose que vous avez beaucoup de questions suite à la lettre que vous avez reçu hier. Pourrions-nous en discuter autour d'un thé ?" demanda-t-elle aimablement.
Cela sembla réveiller la mère d'Hermione de sa transe. Elle secoua la tête et s'excusa platement, avant de la diriger dans le séjour. McGonagall prit place autour de la petite table ronde et Hermione s'assit en face d'elle, n'ayant toujours pas prononcé le moindre mot depuis qu'elle était entrée dans la maison.
Elle n'arrivait pas à s'empêcher de regarder la professeure. Bien qu'elle était habillée normalement, elle dégageait une sorte de prestance qu'elle n'avait jamais connu auparavant, comme si elle avait une aura magique autour d'elle. Elle portait des petites lunettes au bout de son nez et ses cheveux étaient plaqués en arrière dans un chignon serré.
Le père d'Hermione prit place à côté d'elle, et ils se regardèrent tous les trois tandis que la mère d'Hermione s'affairait à faire le thé dans la cuisine.
"Vous avez une très jolie maison." commenta la professeure en observant le salon autour d'elle.
"Merci beaucoup." répondit John, bien que sa voix était bloquée au fond de sa gorge.
Finalement, la maman d'Hermione posa le plateau de thés et de biscuits sur la table et s'assit à son tour. McGonagall prit une tasse, un thé vert, remplit la tasse d'eau brûlante et ajouta un carré de sucre sous les regards intrigués de ses hôtes qui n'avaient pas bougé.
"Alors, je suppose que devez avoir de nombreuses questions." répéta la professeure une fois la préparation de son thé terminée. "Miss Granger, est-ce que vous savez pourquoi je suis ici ?"
La question était aimable, mais elle donna à Hermione la sensation que c'était une question de professeur à un élève et se sentit obligée de répondre en exposant ses connaissances :
"Selon la lettre que nous avons reçue, j'aurais été acceptée dans une école ?"
"Tout à fait. Vous rappelez-vous du nom de cette école ?"
"Poudlard. Mais je n'avais jamais entendu parler d'elle avant hier." dit-elle, un peu honteuse.
"C'est tout à fait normal, vous n'étiez pas censée connaître son existence en tant que moldus." expliqua McGonagall en sirotant son thé comme si elle lui parlait de la météo.
"Moldus…?" demanda la mère d'Hermione, visiblement aussi perdue que sa fille.
"Personne non magique."
"Je suis une moldue." dit Hermione. "Je ne suis pas…"
Elle n'arrivait pas à prononcer ce mot, ce mot qui rendrait réel ce qu'elle pensait au fond d'elle, ce qu'elle connaissait depuis des années secrètement et dont elle n'avait jamais parlé jusqu'à présent. McGonagall reposa son thé et regarda Hermione dans les yeux, l'air extrêmement sérieuse :
"Miss Granger, vous êtes une sorcière."
Si McGonagall n'avait pas une aussi grande prestance, Hermione aurait probablement éclaté de rire en entendant cela. Elle n'aurait jamais cru cette dame costumée qui s'amuse avec des hiboux. Pourtant, le fait de voir une personne aussi sérieuse confirmer ses craintes donna un électrochoc à Hermione.
Ses parents se raidirent à côté d'elle, et John posa une main protectrice sur le dos de la main d'Hermione :
"Quoi ?" glapit Rachel.
McGonagall continua à s'adresser à Hermione, la fixant de son regard perçant :
"Vous n'avez jamais eu des comportements étranges, inexpliqués, paranormaux ? Lorsque vous avez ressenti de la colère, ou de la peur, ou de l'euphorie ?"
Hermione se souvint du feu sur la tête de Cassandra et ne répondit pas. McGonagall dû prendre ça pour un "oui" car elle s'affaissa légèrement sur la chaise, toujours aussi sûre d'elle.
"Il doit y avoir une erreur." constata le père d'Hermione. "Ce n'est pas possible, notre Hermione ne pratique pas la sorcellerie… C'est une petite fille tout à fait normale, elle va aller au collège Hampstead de Londres…"
McGonagall détourna enfin le regard d'Hermione pour s'adresser à ses parents :
"Hermione est une fille loin de l'ordinaire. Elle a des pouvoirs magiques, elle est capable de pratiquer la magie, et notamment lors de ces moments d'émotions fortes. Aujourd'hui, elle n'est pas encore apte à la contrôler, c'est donc pour cela que nous formons les jeunes sorciers à Poudlard, pour leur apprendre à le faire."
"Nous ne croyons pas en ce genre de choses." répliqua la mère d'Hermione.
"Et si je vous le montrais ?"
Ils restèrent interdits face à cette demande. La professeure McGonagall prit une gorgée de thé, se leva gracieusement et se mit debout devant la table. Il y eut quelques secondes de silence gênant, où la professeure resta fixée sur le sol avec tous les regards des Granger fixés sur elle, effrayés de voir ce qu'il pouvait se passer.
Puis, en une brève seconde, son corps s'étira, se courba, et Hermione vit un chat sur la table. Elle comprit que McGonagall venait de se transformer en chat sous ses yeux et elle sursauta en même temps que ses parents. Elle eut juste le temps de reconnaître la forme de ses lunettes avant qu'elle ne redevienne comme avant, assise à la table comme s'il ne s'était rien passé.
"Vous y croyez, désormais ?" demanda-t-elle d'un ton amusé.
Hermione regarda ses parents, qui étaient profondément choqués. Il était difficile de ne pas croire en l'existence de la magie après ça. Ils hochèrent lentement la tête, et McGonagall attendit qu'ils reprennent leurs esprits en dégustant un biscuit. Finalement, après que le choc soit passé, la mère d'Hermione demanda :
"Comment n'avons-nous jamais entendu parler de ça ?"
"Parce qu'en tant que personnes non magiques, sans vouloir vous offenser, vous ne pouviez pas faire partie de la communauté magique jusqu'à présent. Maintenant que votre fille a prouvé être une sorcière et qu'elle a été invitée à recevoir une éducation à Poudlard, vous pouvez entrer dans le Code International du Secret Magique, mais vous ne pouvez parler du monde magique à personne d'autre."
"Donc ça veut dire que si on la laisse aller dans cette… École, Hermione pourra faire des tours de magie comme ceux-là ?" demanda Rachel en indiquant la transformation en chat de McGonagall d'un mouvement de la main.
"Si Hermione réussit à apprendre la magie, oui, elle le pourra." dit simplement McGonagall.
Les parents d'Hermione se tournèrent vers elle, incertains, comme si elle allait subitement se transformer en animal elle aussi.
"Est-ce que tous les élèves de Poudlard ont appris qu'ils étaient des sorciers comme ça ?" demanda Hermione.
Les yeux de McGonagall se baissèrent légèrement en entendant cette question, mais elle répondit toujours de sa voix calme et assurée :
"Non. Certains sont également des nés-moldus, comme vous, et certains ont des parents sorciers."
"Donc cela veut dire que certains auront déjà des connaissances sur ça alors que j'ai seulement un mois pour tout connaître ?"
McGonagall eut un petit sourire. John coupa la question d'Hermione d'un air indigné :
"Hermione, tu crois vraiment à tout ça ? Tu es sûre que ce n'est pas une arnaque, ou une caméra cachée ?!"
"Papa, tu sais très bien que je suis capable de faire des choses qu'on a jamais réussi à expliquer. Tu te souviens de la randonnée, quand tu n'as pas réussi à me faire bouger pendant des heures ?"
"Tu avais probablement ton pied coincé dans une racine !"
Hermione secoua la tête. Elle savait ce qu'elle était, maintenant que McGonagall lui avait dit, cela paraissait logique. La mère d'Hermione posa sa main sur l'épaule de son mari :
"John… Elles n'ont pas tort… Il se pourrait bien qu'Hermione soit une…"
"Mais enfin ! Comment peux-t-on en être sûrs ? On va laisser notre Hermione aller dans cette école sans avoir aucune idée de ce que c'est ? C'est dangereux, Rachel !" Il se tourna vers McGonagall : "Et si on refuse ?"
La concernée haussa vaguement les épaules :
"Vous pouvez tout à fait refuser, mais il faut qu'Hermione soit du même avis que vous. Si elle a envie d'intégrer Poudlard, c'est son choix, personne ne pourra décider à sa place."
John se tourna vers sa fille. Elle savait que son père ne la forcerait jamais à faire quoique ce soit, il lui demandait silencieusement son avis. Elle collecta ses pensées et regarda de nouveau la professeure :
"Avant que je prenne ma décision, est-ce que vous pouvez me parler de Poudlard ?"
McGonagall acquiesça et commença à expliquer. Elle lui parla d'absolument tout : du fonctionnement de l'école, du directeur Albus Dumbledore, des matières, des Maisons, de la Grande Salle, des vacances scolaires, et même des carrières possibles après Poudlard. McGonagall répondait à toutes les questions d'Hermione, et ses parents écoutaient attentivement, n'intervenant qu'à certains moments pour demander des précisions.
La professeure répondait honnêtement, et même si certaines de ses réponses pouvaient les choquer, elle ne ménagea aucun de ses mots. Elle prit soin de leur expliquer sincèrement, toujours avec sa voix posée et calme.
À la fin de son explication, la tête d'Hermione était à deux doigts d'exploser après avoir encaissé tant d'informations, et ses parents avaient l'air moins troublés qu'au départ. Il faisait désormais nuit noire dehors, Hermione ne s'était pas rendu compte que ses questions avaient pris autant de temps.
"Est-ce que vous voulez savoir autre chose ?" demanda gentiment McGonagall en finissant son troisième thé.
"Je ne crois pas…" dit Hermione qui était soudain épuisée d'avoir tant écouté.
"Très bien. Si vous souhaitez avoir d'autres informations, vous pouvez toujours m'envoyer une lettre, j'y tâcherai d'y répondre rapidement."
Elle se leva et sortit une baguette magique de la poche de sa robe. Elle était en bois, assez longue et dotée d'un embout rond qui embrassait sa main. Elle la fit tourner distraitement dans les airs et le plateau de thé disparut. Cela semblait être un geste anodin pour elle, mais les Granger eurent un mouvement instinctif de recul.
McGonagall reprit la parole comme si de rien n'était :
"Vous devez impérativement acheter toutes les fournitures de la liste, vous les trouverez sur le Chemin de Traverse. C'est une rue consacrée aux achats de sorciers, où vous pouvez vous rendre directement en passant par le pub du Chaudron Baveur sur la rue de Charing Cross. Une fois arrivés dans le pub, vous n'avez qu'à demander à l'un des gérants de vous indiquer le chemin. Je vous conseille d'acheter votre baguette magique au magasin Ollivander's. Pour ce qui est de l'argent, il vous suffira de vous rendre à la banque de Gringotts, un grand bâtiment blanc au bout du chemin pour échanger vos livres avec des Gallions. Une fois vos achats faits, vous serez attendue le 1er septembre au matin à la gare de King's Cross pour embarquer à bord du Poudlard Express."
McGonagall sortit de sa poche un billet doré qu'elle lui tendit.
"Voici votre ticket. Il faudra traverser le mur entre la plateforme 9 et 10 de la gare, cela peut paraître intimidant au début, mais je vous promets que vous ne vous heurterez pas contre le mur, vous allez simplement le traverser comme si c'était une barrière invisible."
Hermione remarqua que ses parents avaient encore les yeux très écarquillés en entendant ce que disait McGonagall, mais la jeune femme écoutait attentivement de peur d'oublier. McGonagall hocha doucement la tête pour saluer les trois personnes devant elle :
"Je comprends que cela soit beaucoup à encaisser. N'ayez crainte, énormément de familles moldues sont confrontées à cette découverte assez brutale. Vos dons, Hermione, sont précieux, votre magie ne doit en aucun cas être gâchée."
"Professeure ?" demanda Hermione d'un ton hésitant.
"Oui ?"
"Vous ne me demandez pas si j'ai pris ma décision ? Si j'accepte d'aller à Poudlard ?"
McGonagall eut un autre petit sourire amusé :
"Je ne crois pas que cela soit nécessaire, Miss Granger. Je pense que vous avez déjà pris votre décision, et depuis plusieurs années déjà."
Hermione considéra ces paroles avec étonnement. Elle se rendit compte qu'elle avait raison. Qu'à l'instant où cette femme étrange et mystérieuse était apparue sur son palier, elle avait su.
McGonagall se retourna pour aller dans le hall d'entrée :
"Je vous souhaite une très bonne soirée, et merci encore pour le thé."
Les parents d'Hermione saluèrent McGonagall, à la fois sympathiques et terrifiés. Elle quitta la pièce, et le séjour fut soudain plongé dans le silence. Hermione se remémora toute la conversation qu'elle venait d'avoir, toutes les informations qu'elle venait d'entendre.
Soudain, elle se précipita dans le hall d'entrée. La professeure venait d'enfiler sa cape qu'elle serrait autour de son cou :
"Oui, Miss Granger ?"
"Professeure… est-il possible d'avoir des livres ? Que je puisse m'informer avant d'aller à Poudlard, que je puisse apprendre le maximum avant la rentrée, s'il vous plaît ?"
Les yeux de McGonagall s'illuminèrent quelques secondes, et elle mit quelques secondes à répondre. Elle enfila son chapeau tordu, puis, regarda Hermione avec ses yeux perçants :
"Je ne pense pas me tromper en vous disant que vous allez être une sorcière extrêmement douée et talentueuse, Miss Granger."
Et sur ces mots, McGonagall sortit de la maison.
Drago
Une fois rentrés de leur matinée de shopping, Drago s'empressa de se rendre chez son meilleur ami Blaise Zabini pour essayer son nouveau balai. Tout comme Pansy, Blaise habitait à côté du Manoir des Malefoy, même s'il fallait marcher un peu plus longtemps. Sa maison, ou plutôt sa demeure, était plus grande que le Manoir, alors qu'il n'y avait que deux personnes qui y vivaient : Blaise, et sa mère.
Drago s'entendait extrêmement bien avec Blaise, mais il ne se souvenait pas vraiment quand leur amitié avait débuté, comme avec Pansy. Il avait des souvenirs flous de dîners interminables entre sorciers importants où Pansy et lui s'échappaient discrètement pour aller jouer quand ils étaient petits, mais Blaise n'en faisait pas partie. Peut-être était-ce grâce à l'amitié entre Narcissa et Mrs. Zabini que les deux s'étaient rapprochés, il ne se rappelait plus.
Pourtant, il considérait Blaise comme son ami le plus proche, celui vers qui il allait quand il avait besoin de calme.
Drago monta les escaliers de l'immense demeure des Zabini et frappa à la porte. Cooky, l'elfe de maison, ouvrit la porte et invita Drago à entrer, ce qu'il fit aussitôt et se dirigea vers la porte du fond, qui donnait sur les jardins.
L'avantage d'aller chez Blaise était que sa maison était tellement immense qu'ils étaient très souvent seuls dedans. L'autre avantage considérable était que les jardins abritaient aussi un terrain de Quidditch grandeur nature que la mère de Blaise lui avait offert pour ses six ans.
Drago trouva Blaise là, allongé dans l'herbe du jardin. Il avait posé sa tête entre ses bras et avait les yeux fermés, comme s'il dormait au soleil. Drago se demandait souvent ce que Blaise faisait quand il n'était pas là, étant donné que sa mère était toujours absente. Drago serait profondément ennuyé. Peut-être que Blaise l'était, mais qu'il aimait l'être, ou qu'il était juste habitué à vivre seul.
"Hé Blaise ! Regarde ça !" s'exclama Drago de l'autre côté du jardin.
Le concerné ouvrit un œil et observa le balai que Drago tenait dans ses bras. Quand il fut suffisamment près, il répondit :
"Un Comète 260 ?"
"Oui ! Ma mère me l'a acheté ce matin. T'en penses quoi ?"
Blaise haussa simplement les épaules et se leva. Drago laissa passer la petite piqûre de déception de ne pas voir son ami être jaloux de sa nouvelle acquisition. Il aurait dû s'y attendre, Blaise était toujours calme et posé dans n'importe quelle situation, il était beaucoup trop sage pour son âge. Drago ne s'en plaignait pas, ça lui permettait de ne pas trop prendre la grosse tête à ses côtés.
"On s'entraîne avec ?" demanda Blaise.
Drago acquiesça et aida son ami à sortir l'équipement de Quidditch du placard à côté du terrain. Puis, Drago enfourcha son Comète 260 pour la première fois et sentit l'excitation lui piquer l'estomac. Il s'élança dans les airs, profitant de la sensation de fluidité que procurait toujours un nouveau balai avant de parcourir tout le terrain à toute vitesse pour le tester. Quand il fut de nouveau à côté de Blaise, ce dernier souriait :
"Alors, il te plaît ?"
"Ouais ! Il est super rapide, il prend de la vitesse en hauteur j'ai l'impression !"
Blaise ricana en enfilant ses gants, puis s'accrocha au manche de son balai :
"Alors on a intérêt à t'entraîner avant Poudlard si tu veux toujours intégrer l'équipe."
Drago et Blaise commencèrent alors à jouer sous la chaleur du mois de juillet. Le balai de Drago était vraiment rapide et beaucoup plus confortable que ses anciens.
Blaise était très fort au Quidditch, surtout en tant que Poursuiveur, mais il n'était pas intéressé à l'idée d'intégrer l'équipe de Poudlard. Drago n'avait pas cherché plus loin, peut-être par rassurance de ne pas être en compétition avec lui. Mais maintenant qu'il voyait Blaise lancer le Souafle aussi précisément, il se demandait vraiment pourquoi il ne voulait pas mettre ses talents au service de l'équipe de Serpentard.
Après plus de trois heures d'entraînement, Drago arrêta le jeu et ils regagnèrent la terre ferme, et s'en allèrent grignoter quelque chose dans les cuisines de Blaise. Puis, un peu trop vite pour Drago, ce fut l'heure du dîner, et il dit au revoir à Blaise pour rentrer chez lui.
Drago remonta l'allée principale du village avec son balai sous le bras. À peine la porte du Manoir des Malefoy passée, l'ambiance changea complètement. Drago avait passé une si bonne après-midi avec Blaise à rire et à manger qu'il se prit comme une douche froide quand il arriva dans le hall de chez lui. Il entendait des éclats de voix de ses parents qui provenaient de la salle à manger pendant qu'il posait son balai dans le hall.
Il prit soin de ne faire aucun bruit pour ne pas alerter ses parents de sa présence et monta rapidement les escaliers jusqu'à sa chambre pour se changer.
Après une bonne douche et des vêtements nettement plus propres, Drago était toujours aussi maussade à l'idée de dîner avec ses parents. Quelqu'un frappa à la porte, et quand Drago ouvrit, il ne fut pas étonné de voir Dobby.
"Quoi ?"
"Monsieur Malefoy est demandé dans la salle à manger pour dîner, Monsieur." couina Dobby.
"D'accord."
Dobby voulut dire quelque chose d'autre, mais se força de ne rien dire et s'écarta pour laisser passer Drago. Quand il arriva dans la salle à manger, l'ambiance était massacrante. Ses deux parents ne se regardaient pas, et son père était encore rouge d'avoir crié. Vraisemblablement, ils s'étaient disputés. Drago s'assit discrètement à sa place et les salua :
"Mère, Père."
"Bonsoir Drago." asséna Lucius d'une voix forte.
Drago sursauta presque sur sa chaise. Quand les assiettes apparurent devant eux, Lucius attaqua son repas furieusement et Narcissa et Drago attendirent sagement qu'il prenne sa première bouchée.
"Alors, j'ai appris que tu avais reçu ta lettre de Poudlard ce matin." dit sèchement Lucius.
"Euh, oui…"
"J'espère pour toi que tu ne me feras pas honte. Il en est hors de question, c'est clair ?"
Drago déglutit difficilement. Il aurait aimé être à la place de Blaise à cet instant et manger tout seul sans parent pour lui crier dessus.
"Oui, Père."
"Et je ne veux pas apprendre que tu traînes avec… la vermine. Même si ça ne m'étonnerait pas que Dumbledore laisse passer des Sangs de Bourbe à Serpentard, maintenant qu'on y est."
"Lucius !" s'exclama Narcissa.
"Quoi ? Ce n'est pas vrai ? Tu t'attends à quoi, en laissant notre fils aller dans l'école de Dumbledore ?"
"Drago connaît les valeurs de cette famille." siffla sa mère.
"Comment peux-tu le savoir ? Qu'est ce qui te fait dire qu'il ne va pas se lier d'amitié avec des sangs-mêlés ou pire, dès qu'on aura le dos tourné ?"
"Je ne ferais pas ça !" s'écria Drago.
Lucius lui jeta un regard furieux, et le garçon se dégonfla un peu.
"Si tu allais à Durmstrang, comme je l'avais suggéré au départ, nous n'aurions pas cette conversation." continua Lucius, bien qu'il regardait fixement Narcissa en parlant et ne s'adressait pas du tout à son fils. "Là-bas, ils t'auraient éduqué convenablement, ils t'auraient appris la vraie magie, pas les tours de fanfaron de ce cinglé de Dumbledore."
"Je t'ai déjà dit que Durmstrang n'était pas possible, je ne supporterais pas d'avoir Drago aussi loin." répondit Narcissa, la voix calme mais pourtant pleine de colère. "Et je ne veux pas qu'il devienne un fanatique de Magie noire. Il aura une éducation à Poudlard, tout comme toi et moi, et il sera excellent, comme à son habitude."
Drago mâchait sa pomme de terre mais il n'avait plus d'appétit. Il n'aimait pas quand ses parents se disputaient de la sorte à cause de lui, et encore moins en face de lui. Il ne cessait de jeter des regards en biais à son père pour évaluer ses réactions.
Lucius se tourna subitement vers lui, le visage dur :
"Ne me déçois pas, Drago. Je ne supporterais pas que mon nom soit sali par tes agissements à Poudlard. Tu as intérêt à briller en classe. Si on te met dans cette école, c'est une faveur, tu devrais être le meilleur vu le niveau de ces imbéciles. Ne traîne qu'avec des Sangs-Purs, et des Serpentards, ou des Serdaigles à la rigueur. Je veux que tout le monde te connaisse."
Lucius pointa sa fourchette en direction de Drago qui hocha la tête, sentant la pression lui écraser les épaules.
"Oui, Père…"
"Je veux que tu sois brillant. Ta mère et moi, nous te donnons tout ce que tu veux, mais ça s'arrêtera à l'instant où j'apprends la moindre chose négative à ton égard. Plus de Comète 260 pour te féliciter d'avoir reçu une pauvre lettre !"
"Lucius !" hurla Narcissa.
Son père l'ignora, toujours focalisé sur Drago qui luttait pour ne pas trahir le moindre signe de peur ou de faiblesse sous son regard :
"Trouve ce "Harry Potter" et essaye de fraterniser avec lui. Je ne sais pas ce qu'il a à voir avec le Seigneur des Ténèbres, mais je veux que tu obtiennes le plus d'informations sur lui, il sera sûrement un adepte des Forces du Mal. Il faut que tu trouves des gens pour bien te faire voir, que tu t'entoures de Sangs-purs naïfs en permanence. C'est compris ?"
Drago hocha encore une fois la tête, incapable de prononcer le moindre son. Lucius se tourna de nouveau vers son repas, et avant que ses parents ne puissent hurler de nouveau, Drago demanda la permission de se lever de table et s'échappa dès que sa mère lui fit le signe de partir.
Il sortit par la porte de la cour et s'enfuit dans l'obscurité. Il traversa le jardin, ignorant le vent froid qui lui fouettait le visage jusqu'à ce qu'il atteigne la fontaine. Pansy était déjà là, à moitié allongée en se tenant sur ses coudes.
Drago avait conscience qu'il avait les yeux rouges et gonflés, mais il ne le cacha pas. Pansy eut l'amabilité de ne pas le faire remarquer, même si c'était plutôt évident, et Drago s'assit à côté d'elle sans parler. Il replia ses jambes pour poser son menton sur ses genoux et arracha furieusement l'herbe autour de lui en petites poignées.
Elle ne parla pas, habituée à ce genre d'entrée de sa part quand la colère avait eu raison de lui. Il essuya rageusement les larmes sur ses joues et balança froidement :
"Je déteste mes parents."
Pansy se tourna vers lui, les sourcils froncés :
"Pas seulement Lucius ?"
Drago hocha rageusement la tête. Ses mains tremblaient de colère.
"Non, tous les deux."
"Pourquoi ? Qu'est-ce que ta mère a fait ?"
"Rien ! Justement ! Elle a laissé mon père me hurler dessus, comme toujours. Juste parce que j'ai été accepté à Poudlard."
Pansy ne répondit pas tout de suite, peut-être pour laisser à Drago quelques secondes pour se calmer un peu. Ça fonctionna, il profita de l'air frais pour soulager ses yeux qui piquaient et prit quelques inspirations. Elle continua doucement :
"Moi aussi j'ai reçu ma lettre. Dans un mois, tout sera fini, Drago. On sera à Poudlard, on sera libres de faire ce qu'on veut, on n'aura plus à les voir tous les jours."
"Mon père m'a mis la pression pour que je sois le meilleur et que je respecte les valeurs des sangs-purs…"
Pansy fit un signe de la main pour l'empêcher de continuer :
"Moi aussi mon père m'a fait ce discours. Ne t'en fais pas, tant qu'on reste dans notre coin et qu'on a des bonnes notes, ils seront contents."
"Ton père t'as parlé d'Harry Potter ?"
Pansy haussa vaguement les épaules :
"Oui, brièvement. Pourquoi ?"
"Mon père est obsédé à l'idée que je devienne ami avec lui. Il pense que ça sera un Seigneur des ténèbres, ou quelque chose comme ça."
"Peut-être. C'est la seule personne qui a survécu au Sortilège de la Mort, et de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom en personne, en plus. S'il est aussi fort que ça, il sera certainement à Serpentard, ça ne sera pas difficile d'être amis avec lui après ça."
Drago fut rassuré. Il cessa de prendre les poignées d'herbe et regarda le ciel, qui n'avait pas beaucoup d'étoiles ce soir-là. Il repensa à ce que son père avait dit et aux mots de Pansy. Il avait juste à avoir un bon comportement et son père serait fier de lui.
Au bout d'un moment, il se tourna vers elle. Elle avait les joues un peu rouges à cause du vent glacé mais sa peau était toujours aussi blafarde. Ses cheveux étaient lâchés et parfaitement lissés, comme à leur habitude, dans un carré noir qui tombait sur ses épaules et dont elle écartait les mèches qui se mettaient devant ses yeux de temps en temps. Elle regardait les étoiles, mais ses yeux étaient voilés, elle pensait à autre chose. Drago se demanda quoi.
Ils restèrent de longues minutes comme ça, sans rien se dire. Drago pensait à Poudlard. Il n'avait jamais eu besoin de se faire des amis jusqu'à présent, parce que ses deux meilleurs amis, Blaise et Pansy, étaient là depuis toujours. Il connaissait d'autres personnes de son âge grâce aux dîners organisés par les familles de Sangs-purs auxquels il avait dû assister. Mais Drago n'avait jamais rencontré d'autres gens de son âge en dehors de ces circonstances précises.
"Pansy ?"
"Hm ?"
"Tu crois qu'on se fera des amis, là-bas ?"
Pansy réfléchit quelques secondes à la question avant de répondre :
"Je ne sais pas, j'espère."
"Toi, tu as des amies."
Il pensait à Millicent Bulstrode ou Daphné Greengrass, que Drago connaissait de vue, sans plus.
"Oui, mais je n'en ai pas vraiment besoin. Je suis très bien toute seule, avec toi."
Drago se releva en entendant ça et se plaça en face de Pansy, qui fronça les sourcils mais se redressa à son tour en demandant :
"Quoi ?"
"On se fait une promesse ?"
Les yeux de Pansy s'illuminèrent.
Drago et elle avaient une sorte de jeu, qui datait de quand ils étaient petits. Ils avaient inventé ça après avoir entendu le père de Pansy parler du Serment Inviolable. Ils avaient appelé ça "les promesses". Il suffisait de promettre quelque chose, n'importe quoi, quand l'autre le réclamait. Si l'on promettait, on était obligés de le faire, sinon, l'autre ne lui parlait plus jamais.
Aucun des deux n'avaient jamais brisé la moindre promesse dans leur vie, ils considéraient ça comme la plus grande marque de confiance et d'amitié possible. Quand ils étaient petits, c'était surtout des promesses de garder des secrets de l'autre, puis en grandissant, c'était devenu des "promesses de rendez-vous", et l'autre faisait tout pour ne pas les rater.
Drago avait pris l'habitude de promettre à Pansy dès qu'elle le demandait, mais aussi à lui-même, comme "je ne pleurerais pas devant mon père", ou "j'enverrai des lettres à ma mère de Poudlard une fois par semaine". Il était interdit de briser une promesse dès qu'elle était actée.
"Est ce qu'on peut se promettre de rester amis ?"
Pansy pencha la tête sur le côté. Comme ça, elle n'avait rien à voir avec la fille tirée à quatre épingles pendant les dîners de leurs parents : sa robe était froissée et remontait presque à sa taille tant elle l'avait retroussée sans faire attention, et surtout, elle avait un air malicieux dans les yeux que seul Drago connaissait.
"Parce qu'on ne comptait pas déjà le faire ?" dit-elle d'un ton ironique.
"Là, on sera obligés de rester amis. Je ne te parle pas des petites disputes stupides qu'on va avoir, parce que c'est sûr qu'on va s'embrouiller. Je te parle d'une vraie amitié, celle qui résiste à toutes les disputes, même les plus difficiles. On ne se séparera jamais, on sera toujours là l'un pour l'autre, toute notre vie. Promis ?"
Drago tendit son petit doigt en attendant la réponse de sa meilleure amie. Elle sembla réfléchir quelques secondes, puis scella la promesse en attrapant son auriculaire avec un sourire.
Drago s'allongea de nouveau dans l'herbe. Quand il était comme ça, à côté de Pansy dans la nuit avec de l'air frais, c'était beaucoup plus facile d'être apaisé. Ils étaient tous les deux plongés dans leurs propres pensées, et le moment s'étira le plus longtemps possible jusqu'à ce que Pansy se lève pour rentrer chez elle à cause de l'heure tardive.
"Bonne nuit Drago."
"Bonne nuit Pans'."
"Et, Drago ?"
"Oui ?"
"Ne dis pas que tu détestes ta mère. Ce n'est pas vrai, je sais que tu l'aimes, et qu'elle t'aime aussi. J'aimerais avoir ma mère, moi aussi."
Elle ne dit pas ça d'un ton méchant, mais plutôt comme un conseil. Drago ne répondit pas, mais Pansy devait probablement s'y attendre parce qu'elle repartait déjà vers la haie du fond du jardin pour rentrer chez elle.
Drago ressassa les paroles de Pansy longtemps. Puis, bercé par le bruit de la fontaine à côté de lui, il s'endormit à la bonne étoile.
