TW : émétophobie (au début du chapitre jusqu'au troisième POV)
13 : tensions, questions, obsession
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Drago
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"Personne ne t'a demandé ton avis, à toi, espèce de Sang-de-Bourbe" siffla-t-il.
L'insulte glissa toute seule sur sa langue. C'était la première fois qu'il prononçait ce mot. Il l'avait déjà entendue des centaines de fois venant de ses parents ou de ses amis de Serpentard, mais il ne l'avait jamais dit lui-même. Peut-être n'en avait-il pas eu l'occasion jusqu'à présent.
L'effet fut immédiat : la tension qui s'était accumulée depuis que les Serpentards avaient fait irruption sur le terrain éclata. Les jumeaux Weasley se jetèrent sur Drago, les filles de l'équipe d'en face eurent des cris scandalisés, et Ron Weasley sortit sa baguette de sa poche. Flint eut juste le temps de s'interposer pour éviter que les jumeaux Weasley ne frappent Drago.
Il devait avouer qu'il ne pensait pas que l'injure était aussi révoltante que ça, il fut surpris de la réaction des Gryffondors. Il était habitué à ce mot, et ils savaient tous que Granger était une née-moldue, non ? Au lieu de regarder les visages effarés des Gryffondors, Drago fixa Granger. Elle avait un pli entre les deux sourcils, et regardait partout autour d'elle pour essayer de comprendre ce qu'il venait de dire.
Alors, elle ne savait pas ce que c'était, un Sang-de-Bourbe… Cette idée lui fit plaisir. Il adorait la voir humiliée de la sorte, remise à sa place.
Evidemment, Ron Weasley voulut défendre Granger et pointa sa baguette sur Drago. Une détonation retentit alors autour d'eux et un jet frappa Weasley de plein fouet qui s'écroula par terre. Pendant un instant, Drago crut qu'il avait tenu sa baguette à l'envers, mais c'était encore pire : la baguette de Weasley, qui était maintenant à côté de lui sur l'herbe, était cassée et retenue par du scotch, où des filaments de bois dépassaient tout de même malgré l'adhésif. Soudain, il se pencha et vomit par terre : une énorme limace tomba sur ses genoux, puis une seconde, troisième, et quatrième.
Drago éclata de rire, des larmes de joie perlaient au coin de ses yeux. Il n'aurait pas pu rêver mieux comme scénario. Granger et Potter l'attrapèrent par les bras et l'aidèrent à se relever, prirent sa baguette sur le sol, puis le transportèrent avec difficulté jusqu'au bord du terrain, avant de disparaître à l'horizon.
Drago essuya les larmes de rire qui avaient coulé. Maintenant qu'ils étaient partis, Flint se dirigea d'un pas assuré vers Dubois pour lui demander de leur donner le terrain. De toute façon, Potter n'était plus là, ils ne pouvaient plus s'entraîner. Le capitaine de Gryffondor capitula amèrement et s'empara de son balai pour retourner au Château en grommelant.
L'un des jumeaux Weasley s'approcha alors de Drago. Il le dominait par sa taille et avait une expression qui était loin du fou rire que venait d'avoir Drago : sombre, et furieuse.
"Toi. C'est la dernière fois que tu prononces ce mot devant moi, et surtout à Hermione. C'est clair ?" dit-il froidement.
"Pourtant, c'est bien ce qu'elle est, non ?" dit Drago d'une voix mal assurée.
Il n'avait pas peur des Weasley, mais de tous ceux qu'il avait déjà vu, les jumeaux étaient les plus menaçants d'entre eux : ils étaient super grands, et musclés grâce au Quidditch.
"Ecoute moi bien, espèce de connard prétentieux. Hermione est mon amie, et je ne veux plus jamais qu'elle se fasse insultée de la sorte. Elle ne t'as rien fait. Laisse la tranquille, ce n'est pas parce que tu es le fils de Lucius Malefoy que tu fais peur à quelqu'un ici."
Il jaugea Drago de son regard mauvais et il y eut un long silence où les deux se regardaient avec haine, jusqu'à ce que l'autre jumeau pose une main sur l'épaule de son frère :
"Allez, viens Fred, il n'en vaut pas la peine."
Drago regarda les deux rouquins regagner le Château, puis repensa à ce qu'il venait de se passer, et il eut un sourire machiavélique : il avait cloué Potter sur place, insulté Granger, et fait vomir des limaces à Weasley. C'était une excellente journée.
Hermione
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Hermione aida Ron à traverser la cour jusqu'à la hutte d'Hagrid. Il était tout pâle. Dès qu'il ouvrait la bouche, il crachait des limaces qui tombaient dans l'herbe. Quand ils arrivèrent devant la cabane d'Hagrid, la porte s'ouvrit, et le professeur Lockhart sortit en premier dans la cour.
"Vite, par ici." chuchota Harry en emmenant Ron derrière un buisson pour se cacher.
Hermione les suivit, même si elle aurait aimé parler à Lockhart. Elle ne l'aurait jamais avoué à Ron et Harry, mais elle le trouvait très intéressant, et surtout, très beau.
"Il suffit de savoir s'y prendre !" lança Lockhart à Hagrid. "Si vous avez besoin d'aide, vous savez où me trouver ! Je vous enverrai un exemplaire de mon livre. Ça m'étonne que vous ne l'ayez jamais lu. Je vous en dédicacerai un ce soir et je vous le ferai porter. Allez, au revoir !"
Hermione suivit Lockhart du regard qui s'éloignait vers le Château, puis porta de nouveau Ron jusqu'à l'entrée de la cabane. Harry tambourina à la porte et Hagrid ouvrit. En les voyant, il eut un grand sourire :
"Je me demandais quand vous viendriez me voir !" dit-il. "Entrez, entrez. Je croyais que c'était le professeur Lockhart qui revenait."
Ils entrèrent dans la hutte, qui était beaucoup plus agréable que l'extérieur grâce au feu qui ronronnait dans la cheminée du garde-chasse. Harry aida Ron à s'asseoir sur une chaise en racontant à Hagrid ce qu'il s'était passé.
"Il vaut mieux qu'elles sortent." dit Hagrid en posant une grande bassine de cuivre devant Ron. "Vas-y, débarrasse-toi de ces sales bêtes."
"Je crois qu'il n'y a pas grand-chose à faire. Il faut attendre que ça passe." dit Hermione d'un ton inquiet en voyant Ron se pencher sur la bassine. "C'est déjà un sort difficile à jeter en temps normal, mais en plus avec une baguette cassée…"
Ron vomissait un peu moins, mais il était toujours aussi livide. Hagrid prépara du thé et déposa trois tasses devant eux, mais Ron la refusa d'un signe de tête avant de la replonger dans la bassine.
"Qu'est-ce que Lockhart faisait chez vous, Hagrid ?" demanda Harry.
"Il me donnait des conseils pour faire sortir des farfadets d'un puits." grogna Hagrid. "Comme si je ne savais pas le faire ! Il n'arrêtait pas de me casser les oreilles en me racontant comment il avait réussi à se débarrasser de je ne sais quel spectre. Je suis prêt à manger ma bouilloire si un seul mot de ce qu'il dit est vrai."
Hermione regarda Hagrid avec les yeux écarquillés : elle ne l'avait jamais entendu parler mal de quelqu'un, et encore moins d'un professeur.
"Je crois que vous êtes un peu injuste." dit Hermione. "De toute évidence, le professeur Dumbledore a pensé qu'il était le meilleur pour occuper ce poste…"
"Il n'était pas le meilleur, il était le seul." coupa Hagrid. "Le seul et unique. Ça devient très difficile de trouver un professeur de Défense contre les Forces du Mal. Les gens n'ont pas très envie de se lancer là-dedans. On dit que c'est un poste maudit. Personne n'a réussi à l'occuper très longtemps. Et maintenant, dites-moi un peu à qui il a essayé de jeter un sort ?"
"Malefoy a traité Hermione de je ne sais plus quoi." dit Harry pendant qu'Hermione se tassait sur sa chaise, gênée. "C'était sûrement une terrible insulte, tout le monde était furieux."
"C'était vraiment terrible." dit Ron d'une voix rauque en relevant la tête. "Malefoy l'a traitée de "Sang-de-Bourbe"…"
Ron replongea la tête dans la bassine pour y déverser un nouveau flot de limaces. Hagrid grogna, scandalisé, et regarda Hermione.
"Il n'a quand même pas dit ça !"
"Si…" dit Hermione d'une petite voix. "Mais je ne sais pas ce que ça signifie… C'est sûrement très grossier…"
Hermione se souvint du visage de Malefoy quand il avait prononcé ce mot. Elle n'avait jamais entendu cette expression, mais rien que la manière dont il l'avait crachée avec ses yeux emplis de rage l'avait figée sur place. Il avait vraiment l'air de la haïr.
"C'est la chose la plus insultante qu'on puisse imaginer." hoqueta Ron. "Sang-de-Bourbe, c'est une injure odieuse pour quelqu'un qui est né dans une famille de Moldus. Certains sorciers, la famille Malefoy, par exemple, sont persuadés qu'ils valent beaucoup mieux que les autres parce qu'ils ont ce qu'on appelle un sang pur. Les autres sorciers savent bien que ça n'a aucune importance. Regardez Neville Londubat, par exemple, il vient d'une famille au sang pur, mais c'est tout juste s'il arrive à faire tenir un chaudron debout."
Elle se doutait qu'il avait utilisé cette insulte pour parler de ses parents Moldus, mais l'entendre dire lui faisait mal. Hermione se sentit soudain honteuse, salie. Elle n'avait jamais été insultée de la sorte.
"Et ils n'ont jamais inventé un sortilège qu'Hermione soit incapable de refaire." dit Hagrid d'un ton fier.
Hermione regarda Hagrid avec un petit sourire. Il avait toujours les mots justes pour la réconforter.
"C'est une injure répugnante." dit Ron en s'épongeant le front. "Comme si on disait à quelqu'un que son sang est sale. Quelle folie ! De toute façon, de nos jours, la plupart des sorciers ont du sang de Moldu dans les veines. Si nous n'avions jamais épousé de Moldus, il y a longtemps que nous aurions disparu."
"Je comprends que tu aies essayé de lui jeter un sort, Ron." dit Hagrid. "Mais c'est peut-être une bonne chose que ta baguette magique ait eu des ratés. Si tu avais réussi à jeter un sort à son fils, Lucius Malefoy se serait précipité ici. Au moins, comme ça, tu n'auras pas d'ennuis."
Hermione approuva d'un signe de tête. Elle ne voulait pas qu'Harry ou Ron se batte contre Malefoy, il avait l'air désespéré pour avoir de l'attention, et il ne méritait pas d'en avoir. Elle avait pensé qu'ils pourraient devenir amis au début de l'année dernière, mais ce garçon était bien trop haineux et colérique pour mériter ça.
Cependant, Hermione avait beau penser ça, l'insulte qu'avait proféré Drago ne cessait de tourner en boucle dans sa tête. Il n'avait eu aucun mal à le dire, comme s'il le pensait depuis longtemps. Est ce qu'il la détestait depuis le jour où il avait appris qu'elle était née-moldue ? Ou depuis le jour où elle s'était liée d'amitié avec Ron et Harry ? Est ce qu'il pensait vraiment que son sang était sale, ou est ce que c'était une idée qu'il avait interné à cause de ses parents ?
Hermione n'écoutait plus la conversation autour d'elle, trop occupée à ressasser l'insulte de Drago. Quand Hagrid se leva pour leur montrer son potager, elle tenta de chasser ses pensées de sa tête pour observer les énormes citrouilles à leurs pieds :
"Un Sortilège de Gavage, j'imagine ?" demanda Hermione. "Vous avez fait un bon travail !"
Hermione rentra de nouveau dans la cabane et but son thé à la cannelle, mais ne prit pas part à la discussion. Malgré elle, elle avait toujours l'image de Malefoy dans la tête. C'était la première fois de sa vie que quelqu'un la détestait à ce point-là, et Hermione n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle avait fait pour mériter ça.
Drago
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"Alors ? Ces balais ?" demanda Pansy.
Drago et Blaise arrivèrent à la table de la Bibliothèque où Pansy et Nott travaillaient sur leurs essais de Métamorphose. Enfin, c'était plutôt Théo qui écrivait l'essai de Métamorphose de Pansy pendant que cette dernière appliquait une couche de rouge à lèvres noir sur ses lèvres en se regardant dans son petit miroir de poche.
"Incroyables." commenta Blaise. "On s'est entraînés avec toute l'après-midi."
Drago s'assit à la table de la Bibliothèque à côté de Nott qui murmurait ses phrases à voix basse en les écrivant à toute vitesse avec sa plume.
"Combien tu l'as payé pour faire tes devoirs à ta place ?" demanda Drago à Pansy avec un sourire en coin.
"Payé ? Il le fait uniquement par gentillesse, et parce que je suis jolie." répliqua-t-elle du tac au tac.
Théo eut un petit rire mais continua d'écrire. Il ne levait presque pas sa plume tellement il écrivait vite.
"Je m'ennuie." continua Pansy qui avait terminé de mettre son rouge à lèvre. "J'étais censée aller voir Daphné, mais elle traîne avec son copain."
Elle leva exagérément les yeux au ciel en disant ça pour montrer qu'elle n'approuvait pas du tout le copain en question. Drago avait l'impression que Pansy n'aimait pas beaucoup de monde, elle faisait toujours des commentaires négatifs quand elle parlait des autres. Puis, il se souvint de ce qu'il avait dit à Granger le jour-même et se fit la réflexion qu'il devait probablement faire la même chose.
"Tu pourrais faire tes devoirs, ça t'occupera." dit Théo sarcastiquement.
"Pourquoi je ferais ça alors que tu les fais si bien à ma place, Nott ?"
"Tu veux aller dîner ?" proposa Drago en regardant l'horloge.
"On devait y aller, je dois manger tôt ce soir. Ma retenue est à 20h." dit Blaise en se levant.
"Qu'est-ce que tu dois faire ?"
"Laver le sol de la volière."
"Outch." répondirent Drago et Pansy en même temps.
"Et le plus horrible c'est que je dois le faire avec Crabbe. J'aurais préféré le faire tout seul, ça aurait été plus long mais je n'aurais pas eu à l'ignorer." dit-il.
"Moi, je reste là." dit Théo sans lever la tête de ses parchemins. "Je veux avancer sur les devoirs de la semaine prochaine, allez-y sans moi."
"Tu as peur que je te dépasse, Nott ?" demanda Drago avec un petit rire mauvais.
"Même pas en rêve. C'est juste par précaution."
Blaise, Pansy et Drago sortirent donc de la Bibliothèque. Drago n'avait aucune chance de battre Nott, et encore moins Granger, ils étaient beaucoup trop motivés pour qu'il puisse espérer les dépasser. S'il restait dans les cinq premiers de l'école, ça lui allait.
En passant la grande porte de la Bibliothèque, ils croisèrent Neville Londubat qui avait une petite pile de livres dans les bras et trottinait jusqu'à la salle, probablement pour aller les rendre. Il était essoufflé et ses joues étaient rouges, comme s'il venait de courir autour du Château alors qu'il avait simplement monté quelques escaliers.
Drago sourit de toutes ses dents et regarda Pansy du coin de l'oeil, qui dû comprendre les intentions de son meilleur ami parce qu'elle s'approcha de Londubat et demanda d'une voix sournoise :
"Alors Londubat, on s'est perdu ?"
Le concerné releva la tête et sursauta en voyant Drago et Pansy. Blaise s'était adossé contre la fenêtre du couloir, en retrait, peu intéressé par le fait d'embêter Londubat.
"Non, je vais à la Bibli… Bibliothèque." balbutia le garçon.
"Pourquoi ? Tout le monde sait que tu seras le dernier du classement, de toute façon." siffla Pansy avec un sourire.
Les épaules de Neville s'affaissèrent et Drago ricana.
"Ou alors tu cherches un livre sur les Cracmols ? Ne t'inquiètes pas Londubat, Rusard te laissera bientôt sa place de concierge."
"Avec un peu de chance, il te prêtera même son balai, c'est sûrement le seul sur lequel tu pourras monter." répliqua Pansy en riant.
"Arrêtez !" s'égosilla Londubat en baissant la tête.
Londubat fit alors quelque chose que Drago n'avait pas du tout prévu : il sortit sa baguette et l'agita dans les airs en direction de Pansy. Heureusement qu'il était aussi dégourdi que Crabbe et Goyle, parce que le temps qu'il prononce le sort, Drago avait déjà eu le temps de sortir sa propre baguette de sa poche et la pointa sur lui. Il lança alors le premier sort qui lui vint en tête :
"Imbrem scintillae !"
Sa baguette vibra dans sa paume et déversa alors une gerbe d'étincelles oranges qui ricochèrent sur le sol et frappèrent directement la main de Londubat qui hurla de douleur. Il lâcha sa baguette et se tint la paume de la main en sautillant.
Pendant une fraction de seconde, Drago avait la bouche ouverte et les yeux écarquillés. Il avait lu ce sort dans son livre de Sortilèges et ne l'avait jamais produit jusqu'à maintenant. Et il réalisa avec effarement qu'il n'avait aucune idée que ça allait faire ça.
Il déglutit et chassa vite son air choqué pour afficher son fameux rictus fier. Avant que Londubat ne puisse récupérer sa baguette par terre, il prit alors la fuite avec Pansy et dévalèrent les escaliers jusqu'à la Grande Salle. Quand ils arrivèrent, le dîner venait de commencer.
Blaise les rejoignit quelques minutes après :
"C'était quoi, ça ?" demanda-t-il d'un ton brusque.
"Un sort… Que j'ai lu, dans un bouquin." expliqua Drago en s'asseyant à la table des Serpentards.
"Tu savais que ça allait faire ça ?" demanda Pansy.
"Non…"
Blaise le regarda longuement, puis l'avertit en murmurant :
"Dray, je sais que t'aimes embêter Londubat mais… C'est dangereux, de prononcer des sorts comme ça sans savoir ce que ça fait. T'aurais vraiment pu le blesser."
"Ça va, c'est que Londubat." siffla Drago, gêné de se faire réprimander par son meilleur pote.
"Ouais, il n'a rien fait de mal, c'était juste un peu d'étincelles." coupa Pansy sèchement. "Arrête tes leçons de morale, Zabini."
Le concerné ne répliqua rien, mais Drago sentait son regard désapprobateur sur lui, qu'il tenta d'ignorer en mangeant et en essayant de calmer les battements effrayés de son cœur.
Hermione
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Quand Hermione finit de dîner, elle rentra seule dans la Salle Commune des Gryffondors, parce que Ron et Harry avaient tous les deux leurs retenues à faire.
"Rouge-gorge." dit Hermione au portrait de la Grosse Dame, qui la laissa passer.
Elle entra dans la Salle Commune et s'assit dans le canapé en face de la cheminée dans lequel le feu réchauffait toute la salle circulaire. Elle n'avait pas très envie de faire ses devoirs, ou même de lire. Sans vouloir se l'admettre elle-même, elle était encore blessée par l'insulte que lui avait dit Malefoy plus tôt dans la matinée. Hermione détestait le fait de se sentir touchée de la sorte par un garçon aussi vil, mais elle n'arrivait pas à s'arrêter d'y repenser. Et avec venait l'horrible sensation d'humiliation qu'elle n'avait jamais ressenti avant.
En primaire, des élèves lui avaient déjà fait des remarques sur ses cheveux broussailleux, ou ses dents un peu trop longues. Elle avait déjà eu des moqueries à son égard, mais elle avait toujours réussi à les ignorer ou ne pas se sentir affectée. Mais cette fois-ci, c'était différent. Quelque chose l'avait profondément heurtée quand elle avait entendu cette insulte, parce qu'elle n'était pas aussi dérisoire que son physique ou le fait qu'elle pouvait être une fayotte, c'était sur sa famille. Ses origines. Son sang. C'était violent, méchant, blessant. Elle n'aurait jamais pensé que Drago puisse vouloir lui faire mal à ce point.
C'était le pire anniversaire de sa vie.
"Hermione ?"
Elle leva les yeux et vit Neville qui se tenait debout devant elle dans le canapé. Elle tourna la tête et vit que la Salle s'était remplie, mais elle ne l'avait pas remarqué à cause de ses pensées maussades.
"Oh, hey Neville."
Il la regarda longuement, ce qui l'embarrassa un peu :
"Oui ? Tu as besoin de quelque chose ?"
"Euh…"
Il lui montra une pile de livres qu'il portait et Hermione réalisa quel jour où on était.
"Oh, pardon Neville, j'avais complètement oublié que nous étions samedi !"
Neville et elle avaient instauré un jour de soutien aux devoirs pour aider Neville sur les essais à rendre, ou les leçons à apprendre, surtout en cours de Potions, tous les samedis. Avec la retenue des garçons et cette journée étrange qu'ils avaient eu, elle avait oublié qu'elle était censée lui faire réviser le cours sur les propriétés de la rosée de lune.
Elle se releva vivement sur le canapé et esquissa un mouvement pour se lever et aller chercher ses livres, mais Neville l'arrêta en lui posant une main sur l'épaule :
"Ne t'inquiètes pas, on le fera demain. Ça n'a pas l'air d'aller, tu vas bien ? Où sont Harry et Ron ?"
"Ron est dans la salle des trophées en train d'astiquer avec Rusard, et Harry est avec Lockhart en train de répondre au courrier de ses admirateurs."
"Ah… Il fallait bien qu'ils paient leur arrivée en voiture volante, je présume. Pourquoi tu es si triste, alors ? Ta famille te manque ?"
Hermione regarda Neville s'asseoir à côté d'elle sur le canapé avec un visage compatissant. Elle soupira :
"Non… Enfin, si, mais ce n'est pas pour ça que je suis triste. Malefoy m'a insultée. Il m'a dit… que… que j'étais une Sang-de-Bourbe…"
Neville ouvrit les yeux en grand et afficha la même tête horrifiée qu'Hagrid. Ça donna encore plus mal au ventre à Hermione : ça devrait vraiment être une insulte très grossière pour que tous les sorciers réagissent comme ça.
"Quoi ! Quel imbécile !"
"Oui… Ron m'a expliqué ce que ça veut dire, et depuis, je me sens… un peu humiliée."
"Tu n'as aucune raison de l'être, Hermione, tu es la sorcière la plus intelligente que j'ai pu rencontrer."
"C'est gentil, Neville. Merci beaucoup."
Hermione appréciait beaucoup les compliments d'habitude, mais là, elle se sentait presque plus honteuse qu'avant. Parce que Malefoy n'avait pas seulement insulté ses compétences, mais aussi ses origines. Il remettait en cause sa place ici, cette idée qui s'était insinuée en elle et qui la poussait à réviser pour être première partout : mériter sa place à Poudlard auprès de tous ces sorciers extraordinaires.
"Si ça peut te consoler, Malefoy est horrible avec tout le monde, pas seulement les nés-moldus. Ça montre que c'est un idiot, parce qu'il est méchant sans raison."
"Tu veux dire avec Ron et Harry ?"
"Oui, entre autres. Et moi aussi."
Neville leva alors la paume de sa main et Hermione vit avec horreur qu'il avait une grosse brûlure rouge qui traversait sa paume.
"C'est lui qui t'as fait ça ?!"
"Oui, il y a juste une heure."
"Comment ?"
"Il a jeté un sort qui a provoqué des étincelles et qui m'ont brûlé la main, mais je ne le connaissais pas et je ne me souviens plus de l'incantation. Il était avec Parkinson et Zabini."
Hermione ferma les yeux quelques secondes. Elle connaissait ce sort, elle l'avait lu dans le livre de Sortilèges, et il était fortement déconseillé de l'utiliser en face de quelqu'un parce que ça pouvait brûler, mais Malefoy devait l'avoir utilisé exprès pour blesser Neville. Elle sentit la colère lui serrer la gorge.
"Et Parkinson et Zabini l'ont aidé, je suppose ?"
"Parkinson était à côté de lui, mais elle ne devait pas s'attendre à ce qu'il jette ce sort parce qu'elle a eu peur, et Zabini était en retrait. J'ai l'impression qu'il n'aime pas trop Malefoy."
Hermione avait remarqué que Blaise Zabini ne prenait jamais part dans les confrontations de Drago, il restait toujours à l'écart. Généralement, c'était Crabbe et Goyle qui se chargeaient de l'escorter.
"Tu dois le dire au Professeure McGonagall."
"Ça ne servirait à rien, j'ai aucune preuve que c'était lui, et je n'ai pas envie de lui dire. J'ai un peu honte de ne pas avoir réussi à me défendre." ajouta-t-il piteusement.
"Tu ne devrais pas ! J'aurais été incapable de me défendre non plus, tu devais avoir tellement peur !"
Neville lui fit un petit sourire timide :
"Et toi, tu ne devrais pas te sentir mal après avoir entendu ce qu'il a dit. Tu ne devrais pas le laisser t'atteindre comme ça, il ne mérite pas ton chagrin."
Hermione regarda Neville dont les joues étaient un peu plus rosées que d'habitude. Il évita un peu son regard après avoir dit ça, mais elle lui prit tout de même la main pour le remercier :
"Merci Neville."
Elle tourna la paume de la main de Neville et observa la brûlure qui s'étalait sur toute sa main en fronçant les sourcils :
"Tu devrais mettre de l'Essence de Dictam là-dessus. Ça atténuera la brûlure."
"Tu t'es blessé, Neville ?" demanda Ginny Weasley qui s'assit sur le canapé à côté d'Hermione.
Neville retira vivement sa main de celle d'Hermione en rougissant :
"Je me suis éraflé en tombant." mentit-il d'une petite voix.
"Comment ça va, Ginny ?" demanda Hermione en se tournant vers la rouquine. "Comment se passent tes cours ?"
"Bien, bien."
Hermione remarqua que Ginny aussi avait l'air de mentir. Elle ne ressemblait plus trop à la fille qu'elle avait rencontré à bord du Poudlard Express : elle était pâle, avait des grands cernes violets sous ses yeux voilés et tenait un coussin contre elle, comme une bouée dans l'océan.
"Tu es sûre ?" insista Hermione.
"Oui, oui. Juste un peu malade, j'ai un rhume."
"Tu devrais aller à l'infirmerie, Madame Pomfresh donne de la potion, la Pimentine, ça marche à tous les coups." conseilla-t-elle.
"Ça va, ça va." répondit Ginny d'un ton absent.
Ils furent rejoints par Dean Thomas et les jumeaux Weasley et discutèrent longtemps, jusqu'à ce que le feu s'éteigne tout seul et que tous les élèves de la Salle Commune soient partis un à un dans les dortoirs. Il faisait nuit noire dehors.
"Pauvres Harry et Ron, ils n'ont toujours pas fini leurs retenues ?" demanda George.
"Non. Je voulais les attendre, mais je suis trop fatiguée." dit Hermione en se levant. "Désolée encore pour ce soir Neville, on révise demain à la Bibliothèque après le petit-déjeuner ?"
"D'accord, merci Hermione."
"Bonne nuit Hermione !" lancèrent les élèves restants quand elle les salua.
Hermione monta les escaliers de son dortoir en bâillant. Quand elle entra, les deux lits de Lavande et Parvati étaient vides. Les filles passaient souvent du temps dans les autres dortoirs de l'étage et rentraient après qu'Hermione soit couchée, alors elle ne fut pas étonnée de leur absence.
Hermione s'approcha du petit bureau dans le coin de sa chambre et prit du papier et sa plume et commença à écrire :
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Cher Danny,
Comment vas-tu ? J'ai l'impression que ça fait des mois qu'on s'est quittés, alors que ça fait à peine deux semaines. J'espère que ta rentrée s'est bien passée et que tu as fini ton exposé de sciences dont tu m'as parlé cet été. Si non, je serais ravie de t'aider, j'ai lu quelques livres sur la cristallisation.
Ici, c'est un peu la folie. Les cours ont repris et les professeurs n'ont pas hésité à nous donner des devoirs notés dès la première semaine. Je suis tous les jours à la Bibliothèque de l'internat en train de réviser.
Harry et Ron vont très bien, je les vois souvent en dehors des cours et pendant les temps libres. Ils ont réussi à avoir une retenue dès le premier jour ! J'étais furieuse contre eux, mais bon, on ne peut pas rester très longtemps énervée contre ces deux-là.
Il y a aussi un autre garçon… Tu le détesterais. Il est arrogant, et plein de préjugés sur les filles et passe son temps à nous insulter. Je pense qu'il est juste jaloux que je sois plus forte que lui dans certaines matières, alors il se venge en étant méchant.
Bref, à part ça, c'est la routine. Vous me manquez beaucoup, toi et Mary. J'espère qu'elle va bien aussi, et qu'elle a bien profité de ses vacances. Je lui écrirai une lettre la semaine prochaine, quand j'aurai un peu plus de choses à raconter. Mis à part les cours, je ne fais pas grand chose de mes journées pour le moment. Comment va ta famille ? Et tes amis de l'école ?
J'ai hâte de te revoir, à Noël probablement.
J'attends ta réponse avec impatience,
Amitiés,
Hermione.
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Hermione relut sa lettre plusieurs fois pour essayer de détecter si tout concordait avec ce qu'elle avait inventé de l'école, et quand elle fut satisfaite, elle plia la lettre qu'elle mit de côté et commença celle de ses parents. Elle leur parla de sa semaine de rentrée, mais évita de parler de Drago Malefoy pour ne pas les inquiéter. Elle avait juste envie d'en parler avec Danny, une personne complètement extérieure à Poudlard en qui elle pouvait se confier sans problème.
Elle termina d'écrire, posa les deux lettres sur sa table de chevet pour les poster dès le lendemain, et s'endormit peu de temps après.
Drago
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""Piètre" ? "Piètre" ? C'est une blague ?" glapit Drago.
Il se tourna pour voir la note qu'avait eu Nott à son essai de Métamorphose, et jura quand il vit un "Optimal". Malheureusement, McGonagall devait avoir entendu son juron parce qu'elle se retourna et lui jeta un regard froid par-dessus ses lunettes posées au bout de son nez :
"Quelque chose à dire, Monsieur Malefoy ? Votre note ne vous plaît pas ?"
"Si, Professeure…"
"Parce que vous devez probablement savoir ce que vous devez faire pour l'améliorer et dépasser l'excellent travail de monsieur Nott, je présume ? En travaillant, par exemple ?" coupa-t-elle avant de continuer sa distribution des essais.
"Tu as entendu ?" chuchota Théo avec un sourire. "Travailler pour dépasser mon excellent travail, c'était ça qu'elle a dit ?"
"Ta gueule, Nott."
Drago se retourna pour regarder Pansy qui était assise sur le pupitre derrière lui, à côté de Blaise. Elle lui montra sa copie sans un mot : "Effort exceptionnel".
"Quoi ? Comment t'as pu avoir plus que moi ?"
Pansy afficha un air outré.
"Pardon ?" siffla-t-elle. "Parce que c'est étonnant que je puisse être meilleure que toi quelque part, Malefoy ?"
"Non, mais…"
Drago croisa le regard amusé de Nott et se souvint qu'il avait en réalité écrit entièrement l'essai de Pansy. Il contracta la mâchoire et se tourna vers Blaise, qui haussa les épaules en murmurant :
"Effort exceptionnel."
Drago lâcha de nouveau un juron entre ses dents, que McGonagall n'avait heureusement pas entendu parce qu'elle était en train de réprimander Crabbe et Goyle qui avaient tous les deux eu la misérable note de "Troll", et qui en plus avaient rendu la même copie au mot près.
Drago rumina jusqu'au dîner. Il pensait vraiment avoir réussi ce devoir, il s'attendait à recevoir au moins un Acceptable.
"Arrête de faire la gueule, Dray." dit Blaise en piquant dans son omelette. "C'est qu'une note, ça va rien changer à ton classement."
"Oui, tu vas te rattraper facilement." ajouta Théo.
"Facile à dire, tu es deuxième dans pratiquement toutes les matières." maugréa Drago d'une voix rauque.
"Fais comme moi !" proposa Pansy. "Arrête de travailler, et arrête d'en avoir quelque chose à faire de ta place dans le classement !"
Elle coupa son omelette frénétiquement. Nott fronça les sourcils :
"Ton père ne va pas t'engueuler, Pans' ?"
"Non." dit-elle en haussant les épaules. "Il m'a dit que tant que j'avais une bonne réputation et que je ne traînais pas avec des gens impurs, il s'en fichait des notes."
"C'est bizarre, non ?" continua Théo.
Pansy soupira.
"Mon père est persuadé que si je trouve un bon mari, s'il est Sang-pur et respecté, alors ma vie sera probablement terminée. Il n'en a rien à faire de mon éducation, il veut juste que je porte un stupide bandeau sur mes cheveux et que je sois polie, et élégante."
"Pour la politesse, ce n'est pas ça…" railla Blaise.
Pansy lui jeta sa serviette sur la tête et lui fit un doigt d'honneur, et Blaise éclata de rire :
"Ah si pardon, excuse-moi, tu es parfaitement raffinée."
"Je m'en fous de ce que veut mon père." dit Pansy en dissimulant un sourire. "Tant que je me ramène à la maison avec des vêtements décents et que je ferme ma gueule, il me laisse tranquille, et c'est le principal."
"Moi, mon père me prend la tête là-dessus. Il veut absolument que je sois premier partout." se lamenta Drago.
"C'est impossible d'être premier partout. Oublie. Et ton père n'est pas là maintenant, ne te mine pas pour une note. Je t'aiderai pour le prochain essai, si tu veux." dit Théo avant d'engloutir son verre d'eau.
Drago grommela et regarda par-dessus l'épaule de Pansy qui était assise en face de lui. De là, il pouvait parfaitement voir le visage joyeux de Granger s'animer pendant qu'elle parlait avec Londubat. C'était possible d'être premier, la Sang-de-Bourbe l'était, et il ne savait même pas comment.
Il ne parla pas sur tout le trajet retour vers la Salle Commune. Pansy prononça le mot de passe, "Viridis", et la porte s'ouvrit dans le mur pour les laisser passer. À l'intérieur, il faisait aussi froid que dans les cachots, et ils pouvaient entendre les clapotis du lac contre les murs de pierre autour de la cheminée.
Pansy et Drago s'installèrent dans l'un des canapés, Blaise sur un fauteuil et Théo sur un autre. Drago n'écoutait pas la conversation que ses amis avaient, ses pensées cogitaient, comme très souvent. Il avait la mauvaise habitude de ruminer ses propres pensées en boucle quand il était stressé, ou énervé.
"Est-ce que Londubat s'est plaint de ce que tu lui as fait, Dray ?" demanda Blaise, ce qui l'arracha subitement de ses préoccupations.
"Quoi ?"
"Londubat ? Il s'est plaint ?"
"Non." répondit Pansy à la place de Drago. "Il ne s'est pas plaint, arrête de t'inquiéter, c'était rien."
"Quoi donc ?" demanda Nott qui avait le nez plongé dans un livre.
"Drago s'est amusé à jeter un sort sur Londubat pour l'embêter et il a ricoché, ça lui a éraflé la main." expliqua Pansy d'un ton irrité.
"Pas juste éraflé, ça lui a brûlé toute la paume." corrigea Blaise.
"Comment tu le sais, tu l'as guéri après ? Tu l'as rejoint dans son lit et tu l'as embrassé pour le consoler ?" railla Pansy.
Blaise fit une tête dégoûtée :
"N'importe quoi. Je dis juste que ça aurait pu mal finir pour Drago, c'est tout."
"C'était quoi le sort ?" demanda Théo.
"Tu pourrais au moins nous regarder quand tu nous parles, Théo ?" grinça Pansy. "Ça te tuerait de lever la tête de ton livre ?"
"Pourquoi ? J'arrive très bien à lire et écouter ta voix mielleuse en même temps, Parkinson."
"Je suis sûr que c'est Granger qui lui a soigné la main." dit Drago.
Pansy soupira et Blaise leva les yeux au ciel :
"Allez ! Encore !"
"Quoi ?" demanda le blond.
"Granger par-ci, Granger par-là. Tu n'arrêtes pas de parler d'elle !" dit Pansy, soudain énervée. "Tu te rends compte que tu n'as parlé que d'elle tous les soirs de cette semaine ?"
"Quoi ?" répéta Drago, révolté. "N'importe quoi."
"Granger est première dans les classements, Granger a réussi sa potion, Granger a une touffe de cheveux monstrueuse, Granger est probablement partie pleurer quand je l'ai traitée de Sang-de-bourbe…" dit Pansy en imitant la voix traînante de Drago. "Tu es obsédé par elle !"
"Pas du tout !" contesta Drago.
"Et quand ce n'est pas elle, c'est Potter, ou Weasley !" intervint Blaise. "Il faut que tu arrêtes d'être aussi haineux envers ces gens, Dray, ça va te ronger de l'intérieur."
"Mais ils sont…"
"Horribles, on sait." dit Pansy en levant une nouvelle fois les yeux au ciel. "On a compris. On est d'accord avec toi, mais il faut passer à autre chose !"
Drago regarda avec effarement ses amis. Pansy était irritée, Blaise avait sa tête d'adulte avisé qui voulait donner des conseils, et Nott était toujours plongé dans son livre. Il ressentit soudain une vague de colère monter en lui et il se leva en leur jetant un regard glacé :
"Bien. Puisque vous êtes tous contre moi."
Et il se dirigea tout droit vers la porte de la Salle Commune pour sortir prendre l'air. Derrière lui, il entendit les vagues protestations de ses amis ("rohh, reste, Drago !", "arrête de faire la gueule", "on t'écoute Dray !") mais il les ignora et se retrouva dans le couloir.
Tout était silencieux, même si le couvre-feu n'était pas encore passé.
Drago adorait sa Salle Commune dans les cachots, mais il se sentait vite étouffé. Il avait besoin d'air frais. Il monta rapidement les marches de l'escalier jusqu'au Hall, passa les grandes portes du Château et se retrouva dans la cour. Il s'assit sur l'un des bancs les plus reculés et frappa les petits tas de feuilles mortes sous ses pieds pour se défouler.
Parfois, il ressentait des vagues de colère. Elles arrivaient, sans prévenir, pour des raisons plus ou moins valables, et s'écrasaient en lui, détruisant tout sur leur passage, l'empêchant de penser correctement et en le faisant voir rouge. Il avait déjà piqué des crises comme ça devant Pansy, et ça se transformait souvent en dispute sans queue ni tête parce qu'elle détestait se faire crier dessus de la sorte, alors il préférait partir quand il les sentait arriver. Il avait pris l'habitude de prendre la fuite et de revenir quelques heures plus tard, une fois calmé. Alors, ses amis prétendaient que rien n'était arrivé et changeaient de sujet.
Dans le calme de début de nuit d'automne, Drago inspira plusieurs fois et sentit la rage redescendre en lui comme des vagues après une tempête. Il inhala de longues minutes l'air frais autour de lui et resta assis sur son banc.
Les minutes passèrent. Il regardait les lumières du Château s'éteindre une à une, et sans savoir pourquoi, cette vision le détendait. L'heure du couvre-feu était largement dépassée désormais, mais Drago ne se leva pas. Il n'avait pas envie d'aller de nouveau dans l'ambiance renfermée de la Salle Commune, il se sentait trop bien dehors. Il pouvait voir le ciel noir et les milliers d'étoiles qui lui faisait penser à Pansy. Il aurait aimé qu'elle soit à côté de lui pour partager le silence.
Quand ses muscles s'étaient engourdis à cause du froid, il finit par se lever. Il entra de nouveau en utilisant une porte dérobée pour ne pas se faire repérer à une heure aussi tardive et se retrouva dans un couloir qu'il n'avait jamais vu. Un peu perdu, il gambada quelques minutes pour trouver son chemin et descendre aux cachots.
Soudain, alors qu'il allait tourner dans un nouveau couloir peu éclairé, il entendit des bruits de pas. Drago s'arrêta brusquement et se colla contre le mur pour éviter de se faire voir. Les pas se rapprochaient dangereusement, et il n'avait aucun endroit où se cacher autour de lui. Il risqua un regard pour voir si c'était Rusard ou un préfet, mais quand il vit qui c'était, il soupira de soulagement : c'était Granger. Elle marchait dans le couloir en lisant un livre.
Soudain pris d'une impulsion, comme celle qu'il avait eu quand il avait croisé Londubat à la sortie de la Bibliothèque, Drago attendit que Granger soit le plus proche possible pour sortir de sa cachette et se planter devant elle pour lui faire peur.
Quand elle faillit tourner dans le couloir où s'était terré Drago, il fit un pas en avant et lui barra le chemin brutalement.
"Alors Granger, on se balade toute seule dans le Château aussi tard ?"
