tw : crises d'angoisse
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Drago
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Drago était assis sur l'un des bancs du parc de Poudlard, où il avait réussi à trouver une place qui n'était pas encombrée de neige. Il était frigorifié, mais pourtant, il ne se leva pas. Il avait besoin d'être un peu seul et avait décidé de ne pas aller dîner avec ses amis.
Il regardait sans voir le paysage enneigé devant lui, plongé dans ses pensées. Il avait enfoncé ses mains dans les poches de son blouson, mais il n'arrivait pas à les réchauffer, et songeait presque à se lever pour aller dans son dortoir quand il vit de la lumière provenant de la hutte d'Hagrid. De la fumée s'échappait de la petite cheminée sur le toît et même si les rideaux étaient tirés, Drago pouvait clairement discerner des silhouettes à travers.
Au bout d'une dizaine de minutes, la porte s'ouvrit et quelqu'un sortit de la petite maison, salua le demi-géant et remonta vers le Château. Drago pouvait reconnaître Granger entre mille, surtout à cause de ses cheveux ébouriffés autour d'elle. Elle se tenait bizarrement, probablement gênée par le poids de son sac qu'elle avait passé autour de son épaule et qui menaçait de craquer tant il avait l'air lourd.
Elle remonta lentement sur le chemin enneigé, et même si elle avait serré une écharpe épaisse autour d'elle, elle grelottait de froid. Elle n'avait pas dû le remarquer, mais quand elle fut suffisamment proche de son banc pour qu'elle puisse le voir, il lui lança d'une voix forte :
"Bravo à toi Granger, tu as réussi à devenir amie avec la personne la plus pathétique de tout Poudlard."
Elle sursauta en l'entendant et se tourna vers lui brusquement. Elle avait un bonnet, mais il ne servait à rien parce que toute sa chevelure dépassait quand même. Elle avait l'air épuisée, encore plus qu'avant : ses yeux étaient vitreux, et elle avait des poches violettes en dessous qui contrastaient avec sa peau atrocement pâle. Drago ne l'avait jamais vue aussi fatiguée qu'à cet instant, il avait l'impression de la revoir pétrifiée.
"Je ne te considère pas comme mon ami, Malefoy."
Il fronça les sourcils. Même épuisée de la sorte, elle avait toujours de la répartie. Drago se demanda pourquoi il lui avait adressé la parole, alors qu'il s'était promis de ne plus jamais le faire pour la centième fois de l'année. C'était comme s'il était poussé par une force qu'il ne comprenait pas, comme s'il était obligé d'avoir son attention quand elle passait près de lui. Granger croisa les bras sur son uniforme et lui jeta un regard noir :
"Tout est de ta faute, Malefoy."
"Que tu n'aies pas d'amis ?" répliqua-t-il froidement.
Il vit qu'il venait de toucher un point sensible parce que le temps d'une seconde, elle grimaça légèrement. Sa bouche se tordit, puis elle retrouva son visage habituel teinté de colère. Il savait qu'elle souffrait, parce qu'elle ne traînait plus avec Potter et Weasley, sans qu'il sache pourquoi.
"Non, que tu condamnes un pauvre hippogriffe." dit-elle.
Drago mit du temps à comprendre de quoi elle pouvait parler, et pendant un instant, il pensa même qu'elle avait perdu complètement la boule à cause de ses remontées dans le temps. Puis, il fit le lien en regardant la cabane d'Hagrid, et la pochette bleue qui dépassait de son sac, et il éclata de rire :
"Quoi ? Ne me dis pas que tu essaies vraiment de défendre le maudit pigeon d'Hagrid ?"
À en avoir son visage révolté, il avait clairement la réponse à sa question.
"C'est pour ça que tu vas chez lui ? Pour l'aider à créer une défense ?" demanda-t-il.
"Oui." répondit-elle fièrement en poussant une mèche de cheveux devant ses yeux.
"Mais Granger… Tu ne crois tout de même pas que cet ivrogne a une chance de gagner face au Comité ? Mon père en fait partie !"
Il n'essayait même pas de se moquer, il était sincèrement choqué qu'elle puisse penser rivaliser contre ça. Evidemment, elle prit cette remarque comme une provocation et ses joues prirent une teinte rouge foncée :
"N'insulte pas Hagrid d'ivrogne ! Tu ne sais rien de lui, et tu déverses ta haine juste pour te sentir exister !"
"Non, et je suis sûr que tu sais autant que moi que je dis vrai."
"Il n'est pas un ivrogne !" répliqua Granger de sa voix la plus suraiguë. "C'est de ta faute s'il est malheureux, et tu jubiles pour ça, tu es vraiment odieux."
"Il m'a blessé, Granger. Son putain d'hippogriffe est dangereux, et tu le sais aussi bien que moi. Au fond de toi, tu sais que j'ai raison, mais tu te surmènes de travail juste pour ignorer cette vérité. Que pour une fois, tu puisses être d'accord avec moi."
Il ne s'était pas rendu compte qu'il s'était levé, et il ne savait même plus quand il l'avait fait. Ils s'étaient rapprochés l'un de l'autre en criant, et d'ici, Drago pouvait voir les yeux d'Hermione qui étaient très rouges. Il se demanda si elle avait pleuré, ou si c'était le froid qui avait causé ça. Elle leva un sourcil impertinent :
"Comment peux-tu penser que je suis puisse être d'accord avec toi ? Ou pire, que je puisse être intéressée par ton opinion ? Tu n'es qu'un connard, Malefoy. Tu suis aveuglément ton père et tu te caches derrière sa puissance sans te rendre compte que tu blesses des gens au passage. Hagrid ne t'avait rien fait, et tu as provoqué son hippogriffe en sachant qu'il allait te blesser. Tu voulais simplement lui faire du mal gratuitement ! Tu es pathétique !"
"Si moi je suis pathétique, qu'est ce que ça fait de toi ? À passer tes soirées dans une cabane avec un garde-chasse ? Regarde toi ! Tu tiens à peine debout, tu ressembles à Mimi Geignarde. Le Retourneur de Temps ne te fait pas du bien, visiblement."
Il s'attendait à voir son visage se décomposer en entendant ça, mais ses traits restèrent aussi durs qu'avant :
"Je n'en ai rien à faire de tes menaces, Malefoy. Si tu avais voulu me dénoncer, tu l'aurais déjà fait il y a plus d'un mois. Le fait que tu ne l'as dis à personne montre que tu t'es rendu à l'évidence, et que tu crois pas toi-même à ta théorie farfelue."
Il leva les yeux au ciel. Il n'avait aucun doute sur le fait qu'elle possédait un Retourneur de Temps, il était même sûr qu'elle le portait sous son écharpe de Gryffondor en ce moment-même. Mais il ne savait pas vraiment pourquoi il ne l'avait pas encore dit à tout le monde. Il aimait bien l'observer, et il n'avait pas envie de n'avoir plus de raison de le faire, probablement.
"Je sais que j'ai raison. Et je sais que Potter et Weasley ne le savent pas." dit-il en s'approchant d'elle encore un peu, avec un sourire en coin.
En réalité, il n'en savait rien, mais il préférait jouer la carte de celui qui savait pour lui faire avouer. En plus, il mourrait d'envie de savoir pourquoi les trois ne se parlaient plus.
Granger soupira et enfonça son nez tout rouge de froid dans son écharpe pour tenter de se réchauffer :
"Je ne veux pas entrer dans ton jeu. Je ne suis pas assez intéressée pour te parler, et je sais que tu veux mon attention parce que tu n'as personne à qui parler."
"J'ai plein de gens à qui parler. Pas toi, apparemment, puisque tu passes tes soirées avec Hagrid."
Granger ne répliqua pas, poussa un autre soupir et se retourna pour retourner au Château. Elle traversait la cour avec ses grosses bottes de neige, et Drago réfléchissait à quelque chose, n'importe quoi, pour la faire revenir. Il voulait lui parler, il voulait qu'elle s'énerve encore et qu'il se délecte de sa voix aiguë de frustration. Alors, il dit la première chose qui lui vint à l'esprit :
"Tu as enfin compris, pour Sirius Black ?"
Elle se retourna lentement. Au début, elle avait les sourcils froncés, et le regardait juste dubitativement, sans comprendre. Puis, ses yeux s'écarquillèrent quand elle réalisa de quoi il voulait parler. Elle traversa la cour en sens inverse à toute vitesse pour se planter de nouveau vers lui, le choc imprimé sur son visage.
"Tu savais !" s'exclama-t-elle, abasourdie.
"De quoi ?" demanda-t-il d'un ton faussement intéressé.
"Pour Sirius Black… Tu savais ! Tu me l'as dit en cours d'Arithmancie, le lendemain d'Halloween !"
"Pour une première de la classe, je te pensais plus perspicace, Granger. À moins que tu sois fatiguée ? À cause d'un Retourneur de Temps, peut-être ?"
Elle haussa les sourcils et soudain, son regard chocolat s'anima d'une petite étincelle malicieuse :
"Si tu avoues sincèrement et honnêtement que tu as provoqué Buck, alors je te dirais si ta théorie est vraie."
Il hésita une seconde, mais se ravisa et secoua la tête. Elle haussa les épaules :
"Tant pis, j'aurais essayé."
Et elle traversa de nouveau la cour en tremblant de froid.
Hermione
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Hermione était en train de rentrer dans la Salle Commune, mais elle ne regardait même pas où elle allait tant son cerveau retournait dans tous les sens la phrase que Malefoy venait de prononcer. Il connaissait le lien entre Sirius Black et Harry, et il le savait depuis bien plus longtemps qu'eux. Comment l'avait-il appris ? Ses parents ? Elle avait le pressentiment que Théodore Nott était derrière tout ça. Il n'avait jamais réussi à la battre scolairement depuis la première année, mais il avait l'air d'avoir toujours une longueur d'avance sur elle.
Hermione donna le mot de passe au portrait et entra dans la Salle Commune, qui était presque vide. Les élèves étaient doucement en train de rentrer du dîner, alors elle prit place à la table en face du feu pour tenter de se réchauffer et sortit ses cahiers qu'elle étala sur la table. Elle préféra ne pas penser à la quantité de travail qu'elle devait faire ce soir. Elle devrait peut-être même utiliser son Retourneur de Temps tant elle croulait sous les devoirs.
En ouvrant son livre d'Arithmancie, une lettre de Danny tomba sur la table. Elle soupira en la rangeant dans son sac. Elle n'avait pas répondu aux trois dernières, trop débordée de travail pour écrire la moindre ligne sans culpabiliser de ne pas étudier. C'était sûrement la fatigue, mais elle était beaucoup plus sensible que d'habitude, alors elle sentit les habituelles larmes monter en voyant l'écriture de Danny et se concentra sur son manuel.
Sa main tremblait en écrivant. Elle savait qu'elle avait une mine affreuse, parce qu'elle avait croisé son reflet dans la fenêtre de la cabane d'Hagrid et avait été presque effrayée par son propre visage. Elle avait des cernes qui lui creusaient la peau. En plus, comme si le stress et la fatigue n'étaient pas suffisants, Hermione subissait depuis le début du mois de février quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant : des crises d'angoisse. Dès qu'elle pensait à ses devoirs, ou les cours, elle ressentait des bouffées de chaleur étouffantes qui accéléraient dangereusement ses pulsions cardiaques. Elle n'arrivait plus à dormir correctement, et ne finissait par se reposer que trois ou quatre heures par nuit à cause de l'angoisse.
Elle était en train de rédiger un paragraphe important de traduction d'Études de Runes quand elle entendit des éclats de voix. Elle leva les yeux et vit Harry qui tenait fièrement son Eclair de Feu dans les mains, et le montrait à une foule d'admirateurs qui le contemplaient comme si c'était une œuvre d'art dans un musée. Elle sentit son estomac se contracter douloureusement. McGonagall devait avoir rendu le balai après avoir décrété qu'il n'y avait rien. Harry, Ron et Hermione s'étaient donc disputés pour rien, et Ron allait s'amuser à répéter qu'elle avait eu tort.
Elle fit exprès de les ignorer en continuant d'écrire. Au bout d'une dizaine de minutes, Harry et Ron se détachèrent de la foule, et elle fut surprise de voir qu'ils s'approchaient d'elle.
"Je l'ai récupéré." lui dit Harry en lui montrant le balai.
"Tu vois, Hermione ? Il est parfaitement normal !" s'exclama Ron.
Hermione faillit s'énerver en entendant cette remarque. Elle était persuadée que Ron planterait encore plus le couteau dans la plaie en soulignant le fait qu'elle avait tort.
"Il aurait pu ne pas l'être." répliqua-t-elle sèchement. "Au moins, maintenant, on est sûrs qu'il n'est pas dangereux !"
"Oui, sans doute." concéda gentiment Harry. "Je ferais bien d'aller le ranger."
"Je m'en occupe !" cria Ron. "Il faut que je donne son médicament à Croûtard."
Hermione leva discrètement les yeux au ciel en voyant tant d'euphorie pour un balai en bois, qu'il tenait comme s'il était particulièrement fragile.
"Je peux m'asseoir à côté de toi ?" demanda Harry.
Hermione ne voulait pas le montrer, mais elle était tellement heureuse d'entendre sa voix. Elle avait l'impression qu'ils ne s'étaient pas parlés depuis des mois, et si on rajoutait toutes les heures où elle était retournée dans le passé, c'était probablement le cas. Il s'assit à côté d'elle, et regarda les livres qui prenaient toute la place sur la table.
"Comment tu t'y prends pour réussir à faire tout ça ?" demanda-t-il.
Il était sincèrement intéressé, pas dédaigneux comme Ron qui se serait probablement moqué d'elle pour travailler autant.
"Il suffit de travailler dur." répondit-elle.
"Pourquoi est-ce que tu ne laisserais pas tomber une ou deux matières ?" proposa-t-il.
"Je ne pourrais jamais faire une chose pareille !" s'indigna-t-elle.
En réalité, elle avait déjà imaginé abandonner une option, mais elle n'arrivait pas à se résoudre à aller voir McGonagall et lui expliquer qu'elle avait échoué. Elle imaginait tout de suite son air déçu, et elle préférait travailler deux fois plus plutôt que de subir ça.
"L'Arithmancie, ça m'a l'air horriblement ennuyeux." commenta Harry en plissant le nez devant le manuel.
"Oh non, c'est passionnant ! C'est même ma matière préférée ! C'est…"
Hermione voulut lui expliquer la science de l'Arithmancie, et peut-être même lui faire quelques calculs de prédiction de la météo du lendemain, mais elle fut interrompue par un hurlement étranglé. Elle releva la tête, et vit Ron descendre en trombe les escaliers du dortoir du garçon. Pendant un instant, elle pensa qu'il s'était blessé, mais elle réalisa quand il s'approcha de sa table qu'il était en fait dans un état de fureur qu'elle avait rarement vu sur le visage du rouquin.
"REGARDE ! REGARDE !" hurla-t-il à son adresse en lui tendant un drap.
"Ron, qu'est ce que…" commença-t-elle, gênée de subir les regards des autres élèves de la Salle Commune.
"CROÛTARD ! REGARDE !"
Hermione se pencha en arrière de peur que Ron lui jette le drap à la figure sous le coup de la colère. Elle baissa le regard de ses yeux enragés et tomba sur une énorme tâche de sang, au milieu.
"DU SANG !" hurla Ron. "CROÛTARD A DISPARU ! ET TU SAIS CE QU'IL Y AVAIT PAR TERRE ?"
"N-non…?" balbutia Hermione.
Ron jeta alors ce qu'il avait dans son poing fermé, et Hermione vit avec horreur des poils orangés sur son manuel ouvert.
"Pattenrond ?"
"NON, BIEN SUR QUE NON ! QU'EST CE QUI TE FAIT DIRE ÇA ?"
Ron se propulsa en avant pour jeter le drap sur la table, mais Fred et George arrivèrent soudain derrière lui et il se fit tirer brutalement en arrière par ses deux frères.
"Wow, Ron ! Calme toi !"
"Calme ? Tu veux que je me calme ?!" s'écria Ron, révolté. "Son chat a tué mon rat et je suis censé ne rien faire ?"
Il ne regardait même plus Hermione, à présent, comme s'il était trop dégoûté pour poser son regard sur elle. Quant à elle, elle ressentait à la fois de la colère, mais aussi une profonde tristesse de voir son meilleur ami s'énerver de la sorte.
"Qu'est ce qui te fait dire que c'était Pattenrond, d'abord ? Tu n'as aucune preuve que ces poils datent d'aujourd'hui, ils peuvent très bien être là depuis Noël !" s'écria-t-elle.
"Je les aurais vus depuis longtemps !" s'indigna Ron, qui était toujours retenu par Fred et George. "Tu ne veux juste pas assumer que ton horrible chat s'en soit pris à Croûtard !"
"Tu n'en sais rien, Ron !" s'énerva Hermione en se levant à son tour. "Tu dis ça juste pour blâmer quelqu'un, tu ne sais même pas s'il est mort ! Il se cache sûrement sous un lit, ou…"
"N'essaie pas de retourner la situation, Hermione !" coupa Ron, furieux. "C'est ton chat qui n'est pas bien élevé, il s'attaque à Croûtard sans raison depuis le début de l'année !"
George finit par lâcher Ron, mais Fred laissa sa main fermement accrochée à la manche de son pull, de peur qu'il ne se précipite sur elle. Hermione savait très bien qu'il ne ferait jamais ça, mais il avait l'air tellement furieux que ce n'était pas plus mal s'ils avaient une bonne distance entre eux.
"Ok, ok, on va monter." décida Harry en se levant pour prendre Ron par le bras à son tour. "Viens, Ron…"
Le rouquin lui lança un dernier regard brûlant de colère avant de remonter dans le dortoir. La Salle Commune fut alors plongée dans le silence, et tout le monde regardait Hermione avec des yeux ronds. Elle sentit la panique monter dans sa poitrine. Heureusement, George lança à l'assemblée à ce moment-là :
"Allez, tout le monde retourne à ses occupations ! Le spectacle est fini, notre frère est un idiot, on le savait déjà depuis longtemps !"
"N'écoute pas ce qu'il dit." lui conseilla Fred à voix basse. "Il agit sous le coup de la colère, il est impulsif, mais il n'est jamais méchant…"
"Je n'ai pas le temps pour gérer ce genre de drama !" s'écria Hermione en rangeant soudainement ses affaires. "J'ai tellement de choses à faire, je n'ai pas le temps de me faire hurler dessus par Ron qui n'a aucune idée de ce qu'il…"
Elle fit tomber l'un de ses manuels par terre qui s'ouvrit bruyamment dans sa chute, et sans qu'elle sache pourquoi, ça fit pleurer Hermione. La colère redescendait et elle n'arrivait plus à contrôler ses larmes de frustration qui coulaient de ses yeux sans qu'elle le veuille. Elle n'arrêtait pas de pleurer en ce moment, c'était tellement énervant ! Elle se pencha sur le livre avant que Fred puisse l'atteindre et le fourra dans son sac.
"Hermione, tu vas bien ?" demanda-t-il, la mine inquiète de la voir pleurer. "Tu as l'air vraiment…"
"Crevée ? Horrible ? Pathétique ?" dit-elle furieusement. "Ne t'inquiètes pas, je suis au courant. Je vais me coucher."
Elle contourna la table et monta les marches du dortoir des filles deux par deux pour éviter de se retourner. Elle n'était même pas énervée contre Fred, mais c'était le premier à lui avoir adressé la parole et elle s'était déchaînée sur lui sans raison. Dès qu'elle fut hors de vue, elle se sentit tout de suite horriblement mal. Il avait essayé de l'aider, et elle lui avait répondu comme une tarée.
Hermione posa son sac au bout de son lit et ne retira même pas ses vêtements avant de se coucher. Elle était tellement épuisée, elle rêvait de s'endormir maintenant et de faire partir toutes les pensées et sentiments qui lui serraient la gorge. Mais comme d'habitude, elle n'arrivait pas à se calmer.
Lavande et Parvati entrèrent dans le dortoir une heure plus tard, et même si les rideaux du lit d'Hermione étaient fermés, elle était certaine qu'elles étaient en train de parler d'elle dans des murmures saccadés. Hermione pressa son oreiller contre ses paupières, gonflées d'avoir tant pleuré.
Bien plus tard, alors que les lumières étaient éteintes et qu'Hermione pouvait entendre les respirations endormies de ses colocataires, Hermione renonça à essayer de dormir et attrapa son sac pour terminer son essai d'Études de Runes à l'aide de la lumière de sa baguette magique.
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Hermione n'avait pas dormi du tout. Elle attendit patiemment que les heures passent avant de sortir discrètement de son lit. Il devait être six ou sept heures du matin. La Salle Commune était vide, mais elle n'avait plus envie de lire, alors elle sortit dans les couloirs faiblement éclairés par la lumière du matin.
Elle décida d'aller chez Hagrid, là où elle passait le plus clair de son temps. Elle sortit dans le froid glaçial et s'empressa d'aller vers la cabane pour ne pas attraper froid. Hagrid était déjà en train de travailler dans son jardin. Quand il la vit arriver, il écarquilla grand les yeux :
"Hermione ? Qu'est-ce qui t'arrive ?"
"Je venais simplement vous rendre visite. Jolies carottes." commenta-t-elle en regardant le potager d'Hagrid.
"Hermione, tu portes un cardigan avec un temps pareil ! Rentre, tu vas attraper la mort !"
Il lui ouvrit la porte de sa maison et Hermione prit tout de suite une grande inspiration de l'odeur de cannelle qui avait envahi l'espace.
"Pourquoi es-tu là si tôt ? Quelqu'un a des ennuis ?" demanda Hagrid en l'invitant à s'asseoir à la table.
"Non, pas vraiment…"
"Malefoy t'as encore fait un commentaire ? Ce garçon est presque aussi méprisable que son père, et ce n'est pas peu dire."
Le garde chasse s'assit en face d'elle, son visage tordu dans une expression inquiète. Hermione voulut répondre "oui", mais elle n'avait aucune envie d'expliquer ce que Malefoy lui avait dit la veille, alors elle préféra secouer la tête.
"Ron m'en veut…" dit-elle d'une petite voix, les yeux fixés sur la table en bois en face d'elle.
"Encore ?"
"Oui… Il dit que Pattenrond a tué Croûtard, alors il m'a hurlé dessus hier, devant toute la Salle Commune. Et… Je suis tellement épuisée Hagrid, je ne sais pas si je vais pouvoir tenir plus longtemps avec ce rythme…"
Pour la centième fois de la semaine, elle éclata en sanglots. Elle avait honte de pleurer, mais elle se sentait beaucoup mieux de le faire en compagnie d'Hagrid que devant toute la Salle Commune. Elle essaya d'expliquer la situation entre deux pleurs, mais sa voix partait dans des aigües et des couinements étranglés, si bien qu'Hagrid ne devait avoir saisi qu'un ou deux mots de son explication. Pourtant, il tapota gentiment l'épaule d'Hermione jusqu'à ce qu'elle termine son récit incompréhensible.
"Ne t'en fais pas, Hermione. Personne ne t'en voudra de ne pas être la meilleure dans quelque chose." dit-il d'un ton rassurant.
Hermione hocha la tête, mais elle n'en pensait pas un mot. Même si ça faisait trois ans qu'elle était là, elle avait toujours l'impression de ne pas mériter sa place, et le fait que le Retourneur de Temps lui prenne tant d'énergie en était la preuve. Elle n'était pas à la hauteur.
Hagrid, toujours aussi gentil, lui proposa de prendre son petit-déjeuner avec lui plutôt que dans la Grande Salle, ce qu'elle accepta volontiers. Elle finit par calmer sa crise de larmes et but son thé le plus lentement possible pour ne pas affronter les cours et le regard noir de Ron toute la journée. Hagrid lui parla de Buck, du fait qu'il avait joué dans la neige toute l'après-midi la veille, et bien trop vite à son goût, il fut l'heure de partir. Elle enfila de nouveau son écharpe de Gryffondor et remercia Hagrid de l'avoir accueillie, mais juste avant qu'elle ne ressorte dans le froid, il lui dit :
"Tu sais, Hermione, parfois, être parfaite ne suffit pas."
Elle repensa à cette phrase sur tout le chemin vers le cours de Sortilèges, puis tout le reste de la journée.
Drago
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"Oh. Putain."
Drago leva paresseusement la tête vers Théo, qui venait de parler. Ils étaient en train de manger le petit-déjeuner à la table des Serpentards, mais ni Blaise, ni Pansy, ni Théo, ni Drago n'avaient prononcé le moindre mot depuis qu'ils s'étaient assis. Drago était en train d'examiner le ciel en espérant qu'il soit orageux pour le match Gryffondor contre les Serdaigles, avant d'être interrompu par l'exclamation chuchotée de Théo.
"Quoi ?" demanda-t-il.
Théo ne dit rien, et se contenta juste de pointer du doigt l'entrée de la Grande Salle. Drago plissa les yeux : c'était Potter, Weasley, Londubat et deux autres Gryffondors qui marchaient fièrement vers la table pour manger.
"Bah quoi ?" demanda de nouveau Drago.
"Regarde ce qu'il tient." dit Théo avant de boire son verre de lait.
Drago retourna sa tête vers la table des Gryffondors et soudain, il comprit. Potter était en train de mettre un balai à côté de lui, de telle sorte à l'exposer à tout le monde.
"C'est un Éclair de Feu !" dit Blaise en voyant le balai à son tour.
"Non, impossible." asséna tout de suite Drago.
Pourtant, en regardant le peu du manche qu'il pouvait apercevoir de là où il était, il reconnaissait le bois familier de l'Eclair de Feu, qu'il admirait depuis des mois dans le magazine Attrapeur-Hebdo de Quidditch.
"Impossible." répéta Drago en se levant, poussé par la curiosité.
Crabbe et Goyle se levèrent à leur tour, mais personne d'autre ne fut intéressé pour aller regarder l'Eclair de Feu. Drago ne savait même pas pourquoi Crabbe et Goyle venaient, ils n'étaient même pas intéressés par le sport qu'était le Quidditch, contrairement à Blaise qui lisait avec la même ferveur son magazine hebdomadaire. Ce dernier continuait simplement de manger en regardant le balai de loin.
Quand il s'approcha de la table des Gryffondors, d'autres élèves de Serdaigles et de Poufsouffles étaient déjà en train d'admirer le balai. Drago ressentit une jalousie brûlante en voyant le manche parfaitement astiqué du balai de ses rêves. C'était un vrai Eclair de Feu, en chair et en os.
"Tu es sûr que tu sauras piloter ce balai, Potter ?" demanda-t-il au garçon.
Il avait conscience que sa voix était amère, mais il ne corrigea pas son ton. Potter tenta tant bien que mal de cacher son sourire arrogant :
"Je pense que oui."
Drago était sûr qu'il ne connaissait même pas la moitié des fonctionnalités de ce balai. Il n'avait même pas entendu parler de Quidditch avant la première année de Poudlard ! Drago le connaissait par cœur, il avait supplié ses parents de lui offrir pour Noël. Il saurait parfaitement guider l'Eclair de Feu, contrairement à Potter.
"Il a beaucoup d'accessoires, n'est-ce pas ?" continua Drago. "Dommage qu'il n'ait pas de parachute… Au cas où un Détraqueur passerait par là…"
"Dommage que tu ne puisses pas te greffer un troisième bras." répliqua Potter. "Il pourrait peut-être attraper le Vif d'or à ta place."
Drago lui fit un sourire mauvais et observa quelques secondes Granger, qui était assise un peu plus loin. Elle feignait de lire, mais Drago était sûr qu'elle était en train d'écouter leur conversation. Ils n'avaient pas l'air de se reparler, encore pire : elle jetait des regards noirs à Weasley, qui répondait de la même manière. Alors, c'était les deux qui s'étaient disputés ?
Drago tourna les talons et retourna s'asseoir à la table des Serpentards, et dès qu'il fut assis, Théo et Blaise se jetèrent sur lui :
"Alors, c'est un vrai ?"
"Oui."
"Ça n'a pas de sens !" s'écria Blaise. "Qui aurait pu offrir un balai de ce genre à Potter ? Ça coûte une fortune."
"Même mes parents ont refusé de m'en offrir un." chuchota Drago sans cacher son mépris. "En tout cas, une chose est sûre, ce n'était pas Lupin. Il est sûrement plus pauvre que tous les Weasley réunis."
Il montra le professeur d'un coup de menton, dont les vêtements pendaient misérablement. Sa cape de sorcier miteuse traînait par terre. Blaise et Théo jetèrent un coup d'oeil vers Lupin, haussèrent les épaules et continuèrent de manger en observant l'Eclair de Feu :
"Je veux dire, même moi qui n'en ai rien à faire du Quidditch, je sais à quel point les Éclairs de Feu sont rares et super chers." commenta Théo. "Ça ne devrait pas être interdit par l'école, de posséder un balai aussi puissant ? C'est complètement injuste."
"Potter a toujours ce qu'il veut." grinça Drago.
"Tu lui as dit ?"
"Je lui ai dit qu'il allait devoir utiliser le balai pour se protéger des Détraqueurs. J'espère qu'ils reviendront sur le terrain, et qu'ils le feront tomber vraiment, cette fois."
Théo eut un frisson, mais Drago l'ignora. Tout à coup, Marcus Flint, qui semblait avoir écouté toute leur discussion, se tourna vers eux :
"J'ai une idée !" murmura-t-il.
"Hm ?"
"Et si on se déguisait en Détraqueurs pour faire peur à Potter ? Ça le déconcentrerait, et comme ça, Serdaigle gagnerait. Si Serdaigle gagne, les Gryffondors seront troisièmes dans le classement, donc on pourra remonter !"
Drago réfléchit à ce stratagème quelques secondes pendant que Blaise et Théo se retenaient de rire.
"Ce n'est pas une mauvaise idée." dit Drago après plusieurs secondes.
Théo se tourna vivement vers lui, l'air hagard :
"Hein ? Ne me dis pas que tu considères vraiment faire ça ?"
"Pourquoi pas ? Personne ne saurait que c'est nous, on aura qu'à se déguiser en Détraqueurs, et on s'échapperait avant qu'on nous voit !"
Pansy laissa échapper un rire moqueur entre ses dents. C'était le premier son qu'elle produisait depuis qu'elle s'était assise, mais dès lors qu'elle le fit, elle regarda de l'autre côté de la table d'un air désintéressé.
Théo se pinça l'arête du nez et laissa tomber sa cuillère dans son bol :
"Drago… Comment quelqu'un d'aussi intelligent et sensé que toi puisse accepter ce genre de défi aussi débile ?"
"Ce n'est pas débile !" se défendit-il.
"Les Détraqueurs volent." expliqua patiemment Théo. "Ils ont une aura autour d'eux qui empêchent leurs victimes de se défendre, ils sont effrayants, et ils font plus de deux mètres de haut. Comment est-ce que tu peux penser que vous pouvez leur ressembler ?"
"Tu peux monter sur mes épaules." dit Goyle, qui avait les sourcils tellement froncés que ça lui faisait des rides sur le front. "Comme ça, on ferait la bonne taille."
Marcus Flint approuva cette idée d'un signe de tête, puis proposa :
"Zabini, tu fais presque deux mètres, tu n'as qu'à venir aussi !"
Blaise se tourna vers le capitaine de l'équipe avec le visage le plus fermé possible, ce qui fit tout de suite taire Flint. Même s'il n'était qu'en troisième année, Blaise avait la capacité d'intimider des gens bien plus âgés que lui en un simple regard, et il était clair qu'il ne voulait pas être impliqué dans ce plan.
"Drago." dit Théo une dernière fois sur un ton de reproche mêlée d'impatience. "Drago, regarde moi. C'est une idée profondément stupide, vous allez vous faire attraper, et tu vas le regretter. Ne laisse pas ta colère et ton égo surdimensionné prendre le contrôle sur ta raison, s'il te plaît."
Drago fit valser son regard entre les yeux suppliants de Théo, l'Eclair de Feu de Potter, et les deux visages enjoués de Marcus Flint et de Goyle. Il s'adressa à eux, soudain décidé :
"Ok, je suis partant."
Ils célébrèrent leurs victoires en riant tandis que Théo posait son front sur la table des Serpentards en murmurant :
"Espèces d'idiots."
Marcus Flint commença à élaborer son plan en plein milieu de la table des Serpentards, mais Théo et Blaise ne prenaient plus part à la conversation. Drago, lui, trouvait que cette idée était certes un peu bancale, mais pouvait être extrêmement efficace. Potter perdrait tout de suite ses moyens et feignerait sûrement de tomber pour avoir toute l'attention sur lui.
"Ok, je vais aller chercher des longues robes noires dans les vestiaires pour qu'on puisse se couvrir." lança Flint en se levant de table.
Drago se tourna vers Potter. Il mangeait toujours, et avait laissé son Eclair de Feu au milieu de la table pour attirer tous les regards dessus. Parfait Potter avec son petit air supérieur.
À côté de lui, Weasley regardait le balai avec admiration. Il n'avait probablement jamais vu un objet aussi précieux de sa vie, même sa maison devait être moins chère que ça. Drago remarqua aussi que Granger l'observait en biais, non pas le balai, mais le rouquin. Elle avait l'air furieuse, presque autant que quand elle parlait à Drago. Ce dernier se tourna alors vers Pansy :
"Pans' ?"
"Ouais ?" demanda-t-elle sans lever la tête.
"Tu sais pourquoi Granger et Weasley ne se parlent plus ?"
Pansy chassa une de ses mèches de cheveux noires pour prendre une cuillère de porridge avant de répondre :
"Nan."
C'était faux, évidemment, Pansy connaissait tous les ragots de l'école. Drago arqua un sourcil et attendit qu'elle déballe ce qu'elle savait, ce qu'elle fit quelques secondes plus tard, comme si elle n'était pas capable de se retenir :
"Une histoire de merde. Le chat de Granger a mangé son rat. Apparemment, ils se sont engueulés devant toute la Salle Commune des Gryffondors."
Drago ricana. C'était vraiment une raison stupide. Pansy mangea de nouveau un peu de porridge avant de continuer sur un ton las :
"Je pense qu'il n'y a pas que ça, c'est impossible de s'engueuler pour une raison aussi merdique. Peut-être que Granger a réalisé qu'elle était amoureuse du garçon le plus stupide de Poudlard, finalement. Ou qu'il a compris qu'elle était une Sang-de-Bourbe et qu'il ne valait mieux pas se mettre avec elle s'il voulait continuer sa lignée de rouquins."
Drago fronça les sourcils :
"Amoureuse ? Ils sont ensemble ?"
Pansy fit un son proche du soupir :
"J'en sais rien, ouais, je crois."
Et elle se tourna vers Daphné pour lui parler d'autre chose. Drago n'avait jamais réalisé que Granger et Weasley puissent être ensemble. Ils n'avaient jamais démontré le moindre signe d'affection en public, mais en même temps, il ne le faisait pas non plus avec Pansy, et personne ne pouvait dire à quel point ils étaient proches d'un point de vue extérieur.
Il continua d'observer Granger avec attention. Non, c'était impossible. Elle était bien trop intelligente pour éprouver des sentiments pour un mec aussi lamentable, même si elle ne méritait pas mieux.
Il décida de chasser cette idée de son esprit : sans savoir pourquoi, cette information le dérangeait.
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Au moment où il vit un éclair argenté foncer droit vers lui, Drago comprit que Théo avait raison. Cette idée était complètement stupide. Il fut projeté en arrière par le sort de Potter, tomba des épaules de Goyle et s'éclata violemment contre la terre. La cape qu'ils s'étaient mis sur la tête n'avait pas vraiment atténué sa chute.
Il vit Potter atterrir par terre, et il tenait le Vif d'Or dans la main. Déjà qu'ils s'étaient ridiculisés, et en plus, ils n'avaient pas du tout réussi leur plan. La professeure McGonagall s'approcha d'eux, le visage contorsionné par la colère :
"Un stratagème lamentable !" hurla-t-elle à plein poumons, devant tout le monde. "Une tentative lâche et abjecte pour déstabiliser l'Attrapeur de Gryffondor ! Vous aurez tous une retenue ! Et j'enlève cinquante points à Serpentard ! Soyez certains que je parlerai de cette histoire au professeur Dumbledore ! Ah, justement, le voilà !"
Dumbledore arriva devant eux également, mais ce n'était pas lui qui effrayait le plus Drago, c'était le professeur Rogue, juste derrière lui. Il n'avait pas la même expression de fureur sur le visage que McGonagall, mais pourtant, son visage en était encore plus menaçant.
"Relevez-vous." ordonna Dumbledore. "Et suivez-nous, je vous prie."
Drago réussit enfin à se débarrasser de la cape noire qui s'était empêtrée dans ses jambes et se releva, tout boueux. Il suivit les trois professeurs, la tête baissée jusqu'au bureau de Rogue dans les cachots. Marcus Flint, Crabbe et Goyle étaient derrière lui, et Crabbe avait le visage entièrement recouvert de boue, tandis que Marcus Flint tenait toujours la cape contre lui.
"Qui a eu cette idée ?" demanda calmement Dumbledore.
Crabbe et Goyle pointèrent tout de suite du doigt le capitaine, mais Drago resta immobile. Il n'osait pas regarder le professeur Rogue, à côté de la cheminée, et son cœur battait à tout rompre. Comme pour l'enfoncer encore plus, il ne cessait de répéter la phrase de Théo dans sa tête : "Ne laisse pas ta colère et ton égo surdimensionné prendre le contrôle sur ta raison, s'il te plaît." Il avait raison, il s'était laissé emporter par sa colère, encore une fois.
Maintenant qu'il se trouvait là, il n'avait aucune idée de comment il avait pu accepter un plan aussi merdique. Se déguiser en Détraqueurs ?
"C'est une honte !" clama McGonagall de sa voix la plus perçante. "Lamentable ! Expliquez-vous, tout de suite."
Drago n'ouvrit même pas la bouche pour parler, il était bien trop honteux pour ça. Crabbe et Goyle regardaient stupidement autour d'eux, et ce fut finalement Flint qui osa s'exprimer :
"On voulait faire peur à Potter… Il n'a pas le droit d'avoir un Éclair de Feu, c'est injuste !"
Rogue le coupa d'une voix grave :
"Mr. Flint, dois-je vous rappeler que vous êtes dernier du classement de votre promotion, alors que vous avez déjà redoublé votre septième année ? N'avez-vous pas mieux à faire que de vouloir faire peur à Mr. Potter, comme par exemple… réviser vos ASPICS ?"
Flint ne répondit rien et baissa simplement la tête. L'intervention de Rogue jeta un froid dans la pièce déjà glaciale, et Dumbledore dût penser que les réprimandes étaient suffisantes car il invita tout le monde à sortir. Au moment où Drago allait franchir la porte, cependant, la voix de Rogue s'éleva une seconde fois :
"J'aimerais garder Mr. Malefoy un moment, je vous prie."
Dumbledore et McGonagall acquiescèrent et Drago sentit son rythme cardiaque accélérer davantage. Rogue lui fit un geste de la main pour qu'il prenne place sur le fauteuil en face du bureau et il fit de même, en face de lui. Crabbe, Goyle, Flint, Dumbledore et McGonagall sortirent par la porte du bureau. Quand elle se referma, un silence glaçant s'empara de la pièce.
Drago, qui n'osait pas regarder le visage de son professeur, posa ses yeux sur le feu de la cheminée.
"Malefoy." commença Rogue, la colère perçant son ton plus doucereux. "Dois-je vous rappeler ce dont nous avons parlé, lors de votre première année ? Au sujet de Potter, et sur la nécessité que vous ne vengiez plus ?"
Drago garda ses yeux résolument fixés sur le feu presque noir sans répondre. Il savait que ce le professeur Rogue allait dire, et il préférait ne pas réagir pour ne pas attiser encore plus sa colère. Il continua :
"Je suis obligé de parler à vos parents de ce que vous avez fait, Malefoy. J'ai essayé de vous couvrir une fois déjà, et visiblement, vous n'avez toujours pas compris. Les informations concernant votre retenue vous seront communiquées dès demain."
La gorge de Drago se serra mais il refusa de tousser, ou même de signaler par n'importe quel moyen à quel point il avait peur de son père. Rogue prit une plume et commença à écrire, puis fit un vague signe de la main à Drago pour qu'il sorte de son bureau. Il déguerpit rapidement, et se retrouva dans les cachots, dont le vent froid le fit frissonner.
Devant le bureau se trouvait Théo, lassement adossé contre la pierre en train de lire. Quand il vit Drago sortir du bureau, il ferma son livre qu'il rangea dans sa poche et s'approcha de lui :
"Qu'est ce que te voulait Rogue ? Pourquoi Crabbe et Goyle sont sortis avant toi ?"
"Il voulait me dire qu'il allait prévenir mes parents." dit Drago d'une voix légèrement étranglée.
Théo le regarda sans expression, et sans rien dire. Pendant plusieurs longues secondes, ils se regardèrent simplement, et soudain, Drago lâcha sans le vouloir :
"Tu avais raison. C'était stupide."
"Merci." répondit Théo sans ébaucher le moindre sourire. "Je suis désolé pour tes parents."
Drago hocha juste la tête, et ils retournèrent à la Salle Commune sans un mot de plus.
Hermione
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Hermione était en train de lire un chapitre de Potions avec la faible lueur de sa baguette, dans son lit. Elle essayait tant bien que mal de comprendre ce qu'elle était en train de réviser, mais ses paupières étaient très lourdes, elle clignait des yeux tellement de fois qu'il lui était impossible de lire plus de trois mots consécutifs. Sa tête se posa sur son oreiller, elle sombra doucement dans le sommeil… Quand tout à coup…
"AAAAAHHHH ! NOOOON !"
Le hurlement perçant qu'elle venait d'entendre à travers le mur la fit tellement sursauter qu'elle projeta son livre qui tomba par terre dans un grand bruit. L'une des lumières du dortoir s'alluma et Hermione entendit la voix ensommeillée de Parvati demander :
"C'était quoi ?"
"Je sais pas…" répondit Lavande en bâillant. "Ce n'était pas la voix de Ron ?"
Elle sentit la crise de panique monter en elle comme un ouragan, et sans s'y attendre, elle n'arrivait plus à respirer. Lavande et Parvati se levèrent et sortirent en trombe du dortoir pour voir ce qu'il se passait, mais Hermione était incapable d'esquisser le moindre geste. Elle avait l'impression d'être dans un cauchemar, parce que le hurlement de Ron continuait de lui marteler la tête encore et encore.
Elle passa sa main sous la manche de son pyjama et se pinça plusieurs fois. Ce n'était pas un cauchemar, c'était bien Ron qui venait d'hurler à plein poumons. En réalisant ça, elle se dégagea rapidement de sa couette et sortit dans les escaliers du dortoir. La Salle Commune était pleine de gens qui criaient de toutes parts :
"Formidable ! On continue la fête ?" demanda l'un des jumeaux Weasley, dos à elle.
Ron était au milieu de la pièce, avec Harry. Il était livide et ses mains tremblaient. Hermione voulut s'approcher d'eux, mais elle resta plantée là, dans les escaliers.
"Tout le monde dans les dortoirs !" hurla Percy qui prit place au centre de la pièce.
"Percy !" s'écria Ron, terrorisé. "Sirius Black ! Dans le dortoir ! Avec un couteau ! Il m'a réveillé !"
Le coeur d'Hermione sembla exploser dans sa poitrine. En fait, elle ne ressentait plus rien, comme si tout le sang de son corps était descendu dans ses jambes. Elle ne pouvait plus bouger, plus respirer, juste regarder le visage crispé de peur de Ron en face d'elle sans comprendre.
"Absurde !" lança Percy après plusieurs secondes de silence pesant. "Tu as trop mangé, Ron... C'était un cauchemar, tout simplement…"
Hermione connaissait assez Ron pour dire que ce n'était pas un cauchemar. Elle ne l'avait jamais vu aussi apeuré de toute sa vie. Sirius Black était réellement venu dans le dortoir, probablement à la recherche d'Harry.
"Je te dis que non !" hurla Ron, au comble du désespoir.
Soudain, le professeur McGonagall entra dans la Salle Commune, entièrement vêtue de sa robe de chambre écossaise, visiblement agacée d'avoir été réveillée par les cris des élèves. En la voyant, Hermione soupira de soulagement sans s'en rendre compte : si McGonagall était là, tout irait mieux. Tout serait plus logique, plus raisonné, comme ses parents avaient tendance à le penser.
"Ça suffit !" s'agaça la professeure en regardant sévèrement les élèves assemblés. "Je suis très heureuse que Gryffondor ait gagné le match, mais ça devient ridicule ! Percy, j'attendais beaucoup mieux de vous !"
"Je n'ai absolument pas autorisé ce qui vient de se passer, professeure !" répliqua Percy, piqué d'être ciblé par sa professeure. "J'étais en train de leur dire de remonter se coucher ! Mon frère Ron a fait un cauchemar…"
"CE N'ÉTAIT PAS UN CAUCHEMAR !" s'écria Ron. "PROFESSEURE, JE ME SUIS RÉVEILLÉ, ET SIRIUS BLACK SE TENAIT DEVANT MOI, UN COUTEAU À LA MAIN !"
Le professeur McGonagall le regarda, et Hermione pouvait voir qu'elle le croyait plus que Percy ne l'avait fait jusque là.
"Ne soyez pas ridicule, Weasley, comment aurait-il pu franchir le portrait ?"
"C'est à lui qu'il faut le demander !" répliqua Ron en pointant le Chevalier du Catogan. "Demandez-lui s'il a vu…"
McGonagall lança un dernier regard méfiant vers Ron et ouvrit le portrait pour lui faire face. Toute la Salle retint son souffle, dont Hermione qui avait perdu le sien depuis que Ron avait crié.
"Chevalier du Catogan" énonça-t-elle clairement. "Avez-vous laissé entrer un homme dans la tour de Gryffondor il y a quelques instants ?"
"Sans aucun doute, gente dame !" s'écria le chevalier immédiatement en bombant le torse.
"Vous... Vous avez fait ça ?" s'indigna le professeur McGonagall. "Mais... le mot de passe !"
"Il les avait tous !" assura fièrement le chevalier. "Tous ceux de la semaine ! Écrits sur un morceau de papier. Il me les a lus l'un après l'autre !"
Le professeur McGonagall se tourna vers les élèves amassés dans la petite salle circulaire. Elle était devenue beaucoup plus pâle, et regardait maintenant chaque visage les uns après les autres, une main sur son coeur :
"Qui…" commença-elle d'une voix éteinte. "Qui a été assez stupide pour noter tous les mots de passe de la semaine et les laisser traîner n'importe où ?"
Hermione n'eut même pas besoin de se tourner pour deviner l'air coupable de Neville, situé juste à côté d'elle. Il laissa échapper un petit cri entre ses dents, preuve de sa culpabilité, et le professeur McGonagall modifia sa peur en colère noire.
Pendant qu'elle s'énervait sur Neville, Hermione se tourna vers Harry. Lui aussi était plus pâle que d'habitude, mais il avait l'air plus inquiet pour Ron que pour lui-même. Pourtant, c'était évident que Sirius Black était venu le chercher lui, et qu'il s'était trompé de lit.
Il avait un couteau… Que se serait-il passé s'il avait ouvert le bon lit ? Si elle avait perdu son meilleur ami, sans même pouvoir lui dire au revoir ?
