Drago


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"Alors, qu'est-ce que tu sens ?" demanda Théo dans un murmure surexcité.

"J'sais pas… De la fraise… Comme une potion à la fraise… Les livres de la Bibliothèque… Et du thé à la cannelle."

Il y eut un petit silence.

"Pansy ne sent rien de tout ça." dit Théo, légèrement déçu.

"Non."

"Tu as une idée de qui ça peut être ?"

Drago reprit une inspiration de l'odeur enivrante, mais ne reconnut personne.

"Non, aucune idée…"

"Les livres de la Bibliothèque…" répéta Théo dans un murmure, les sourcils froncés.

"Peut-être que je suis amoureux de toi, en fait." dit Drago avec un sourire.

"Ha-ha-ha. Très drôle. Bon, une chose est sûre, ce n'est pas Pansy."

"Non, rien à voir."

S'il avait senti la moindre odeur qui pouvait s'apparenter à Pansy, il l'aurait reconnue, mais aucune des trois senteurs de l'Amortentia ne lui faisait penser à elle. Il aurait probablement senti le tabac froid, ou le parfum chimique de ses rouges à lèvres.

"Ça ne marche pas, ton truc." dit Drago.

Tho haussa si haut les sourcils qu'ils se perdirent dans ses bouclettes châtains sur son front :

"N'insulte pas la potion d'amour la plus puissante du monde, s'il te plaît."

Il alla pour reboucher la fiole quand Drago s'exclama dans un murmure :

"Attends ! Toi, tu sens quoi ?"

"Moi ? Mais je ne suis pas amoureux, ça ne sert à rien."

"Et alors ? Moi non plus, et pourtant, je sens quand même des trucs. Ça doit vouloir dire que la femme de ma vie sent la fraise, selon toi. Vas-y, qu'est-ce que tu sens ?"

Théo fronça les sourcils et se pencha sur la fiole. Drago trouvait ça incroyable que Théo ne sente pas la fraise et la cannelle, parce qu'elles avaient complètement embaumé la pièce autour de lui, c'était presque étouffant. Théo, lui, dût se pencher sur la potion, comme si ses odeurs étaient atténuées.

"Je sens… Un feu de bois… L'odeur de l'encre, et la tarte à la mélasse."

"L'odeur de l'encre ?" répéta Drago en réprimant un rire. "T'es vraiment un putain d'intello, Nott."

"Ta gueule. C'est pas moi qui galère à savoir si j'aime une fille ou pas. Moi, au moins, je sais que ce n'est pas le cas."

Il referma la petite fiole et la rangea soigneusement dans le cabinet, puis murmura "Nox". Le faisceau de sa baguette s'éteignit et la pièce fut presque plongée dans le noir, exceptée la lumière que produisait encore Drago et qui éclairait à peine le visage de Théo en face de lui :

"Eteins ta baguette, sinon on va vraiment se faire repérer. Viens." lui lança Théo.

Et ils sortirent en douce de la salle de classe pour retrouver leurs lits.

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Hermione


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"Vous êtes sûre de vous, Miss Granger ?"

Hermione regarda le petit sablier doré posé sur le bureau. Cet objet magique qu'elle adorait et détestait à la fois, qui l'avait autant stimulée qu'épuisée.

"Oui, je suis sûre." finit-elle par dire.

La professeure McGonagall hocha la tête gravement et prit la chaîne dorée qu'elle rangea dans une enveloppe en velours pourpre.

"Alors, le Retourneur de Temps sera renvoyé dès demain au Ministère."

Hermione acquiesça. Elle n'était pas spécialement soulagée de le rendre, mais elle avait déjà l'impression d'avoir moins de poids sur ses épaules.

"Vous souhaitez donc arrêter l'Études de Moldus, c'est ça ?"

Elle repensa à la phrase de Malefoy : "Les promesses, chez les Malefoy, c'est sacré. Je veux ta parole." Elle n'aurait jamais pensé partager une promesse avec Malefoy, mais maintenant qu'elle s'y était engagée, elle devait la respecter.

"Oui, c'est ça."

"Très bien." dit McGonagall en ressortant le même formulaire qu'en avril de son tiroir. "Alors, sans ces deux options, votre emploi du temps sera considérablement allégé l'année prochaine."

"D'accord."

"Miss Granger…" dit McGonagall, dont les traits sévères s'allégèrent très légèrement. "Le Professeur Lupin m'a parlé de votre examen de Défenses contre les Forces du Mal."

Cette fois-ci, Hermione serra ses mains contre le bois de sa chaise. Elle sentit son rythme cardiaque accéléré :

"Oui ?"

Elle avait échoué. Lupin s'était trompé dans les notes, et elle était recalée. C'était sûr.

"Il m'a parlé de votre Epouvantard, plus particulièrement."

"Je l'ai raté, c'est ça ?" demanda-t-elle d'une petite voix.

McGonagall haussa les sourcils, clairement surprise par cette question :

"Non, Miss Granger. Loin de là."

Les poings d'Hermione se desserrèrent.

"Je voulais vous dire que je suis extrêmement fière de vous." dit la professeure. "Que vous ayez un Retourneur de Temps ou non, vous restez la meilleure élève de cette école, et probablement la sorcière la plus brillante de votre promotion. Ne pensez pas qu'en allégeant votre emploi du temps, vous perdez ce statut."

Hermione ne répondit rien, mais sentait que ses joues rougissaient un peu.

"Et le fait que vos parents soient Moldus n'enlève en rien vos capacités, au contraire, ça vous donne une richesse. Vous avez parfaitement votre place ici, au même titre que n'importe quel élève de cette école."

McGonagall contemplait Hermione avec attention, mais cette dernière ne savait pas quoi dire. McGonagall avait appuyé sur tous les points douloureux, ses complexes depuis qu'elle était entrée pour la première fois à Poudlard. L'entendre dire ça la rassurait énormément, et l'embarrassait à la fois. Heureusement, elle n'insista pas :

"En tout cas, félicitations pour vos résultats de cette fin d'année, ils sont tous excellents. Je vous souhaite de très bonnes vacances d'été, puissent-elles être reposantes après cette année difficile."

"Merci, Professeure McGonagall."

Et elle sauta de sa chaise pour sortir du bureau. Elle ouvrit la porte, sortit dans le couloir, se demanda si elle devait rejoindre Harry et Ron qui n'avaient pas encore fini leurs bagages quand une voix derrière elle la fit sursauter :

"Tu as tenu ta promesse, alors ?"

Elle se retourna, les yeux écarquillés :

"Malefoy, tu m'as fait peur !"

Il était adossé contre le mur, à côté de la porte du bureau de McGonagall, dans sa position nonchalante habituelle. En entendant sa voix qui était partie dans les aigües, il eut un rire moqueur.

"Tu me suis ?" demanda-t-elle, méfiante.

Il leva les yeux au ciel :

"Non, je me dirigeais vers la Bibliothèque. Ne pense pas que tu es le centre de l'Univers, Granger."

Elle fut rassurée, parce qu'elle avait eu peur que Malefoy ait entendu ce que McGonagall venait de lui dire. Elle se détendit un peu, mais resta tout de même sur ses gardes devant Malefoy, parce qu'il était trop imprévisible. Il continua de sa voix traînante :

"Alors, tu as abandonné l'Étude des Moldus ?"

"Oui. Ce qui est bête, vraiment, parce que je suis persuadée que tu as triché."

Il prit un air faussement outré :

"Triché ?"

"Oui. Tu as enrôlé Rogue pour avoir une meilleure note. C'est pour ça que tu as fait ce marché, tu étais déjà sûr de gagner en me le proposant."

Malefoy agita un doigt devant elle pour dire "non", la coupant dans son élan :

"Ta-ta-ta. Je savais que j'allais gagner, Granger, mais ce n'est pas parce que j'ai triché. Ça te tuerait de dire que j'ai été meilleur que toi sur ce coup-là ? Admets-le, j'ai eu une meilleure note que toi. Tu as perdu le marché. Ne rajoute pas Rogue dans tout ça, j'ai joué à la loyale."

Hermione n'y croyait pas vraiment, et il dû le voir parce qu'il insista, se rapprochant un peu d'elle :

"Je te l'ai dit. Je tiens mes promesses. Tu as perdu."

"J'ai compris !" s'écria-t-elle. "Et j'ai respecté le deal, j'ai abandonné l'option. Satisfait ?"

Il sourit, et c'était la première fois qu'elle le voyait sourire comme ça. Ce n'était pas son sourire en coin, ou son sourire moqueur, ou son faux sourire. Là, c'était un vrai sourire sincère, qui éclairait son visage.

"Merlin, Granger. Tu es pire mauvaise joueuse que moi." murmura-t-il.

"Je ne suis pas une mauvaise joueuse !" s'exclama-t-elle, irritée.

"Bien sûr."

Et il s'éloigna d'un coup. Elle le regarda partir, et quand il fut assez loin d'elle pour qu'elle ne saisisse pas très bien ce qu'il disait, il lança :

"Révise bien avec tes Moldus, cet été."

Elle tourna plusieurs fois cette phrase dans sa tête en rentrant dans la Salle Commune, ne sachant pas vraiment si c'était une injure, ou un "au revoir".

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Drago


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Pansy ne vint pas avec eux dans le compartiment du Poudlard Express. C'était la première fois qu'ils ne voyageaient pas ensemble.

Drago passa le trajet à contempler la place vide à côté de lui. D'habitude, elle s'allongeait là, dormait sur ses genoux ou sur le rebord de la fenêtre, ou observait le paysage. À midi, elle achetait un sandwich au beurre de cacahuètes qu'elle mangeait lentement en lisant un magazine, ou en discutant avec Blaise et Théo. Et dix minutes avant d'arriver, elle remettait son serre-tête, lissait ses cheveux avec sa main et s'appliquait du rouge à lèvres rouge ou noir sur les lèvres avant de retrouver son père. Drago avait toujours trouvé ça étrange que son père lui ordonne de porter un serre-tête, mais ne lui fasse pas de remarque sur ses rouges à lèvres.

Là, il ne vit rien de tout ça. Il était seul. En réalité, il y avait Théo et Blaise avec lui, mais Drago n'arrivait pas à en profiter autant qu'avant. Il avait l'impression que quelque chose de physique lui manquait, qui l'empêchait de vivre correctement. Pourtant, Pansy était juste à côté, dans le compartiment de Daphné et Astoria Greengrass. Elle ne lui avait jamais parue aussi loin.

Ses amis ne lui posèrent pas de question et le laissèrent se morfondre dans son coin. De toute façon, ils n'auraient rien pu faire. Drago était coincé dans une prison de sentiments, et Pansy avait la clé.

C'est fou comme quelqu'un nous manque quand elle part d'un coup. Il avait l'impression de ne pas avoir assez parlé avec elle cette année, d'avoir gâché des opportunités de la voir, ou de passer du temps avec elle, et maintenant qu'elle était partie, son absence était encore plus douloureuse. Il aurait dû insister pour qu'elle dorme avec lui, qu'elle lui dise ce qui la tracassait bien avant, pour qu'ils puissent s'en rendre compte ensemble. Elle avait dû tellement souffrir, toute seule…

"Quelque chose vous intéresse, mes chéris ?"

Drago tourna la tête. Il n'avait même pas remarqué que le chariot de nourriture était là. La dame qui servait leur fit un grand sourire.

"Dray, tu veux quelque chose ?" demanda Blaise.

Drago secoua la tête. Il voulait ruminer dans son coin et culpabiliser tout seul. Blaise insista :

"Allez, prends quelque chose. Tu n'as rien mangé de la journée."

"Non, merci." dit-il d'une voix dure.

Blaise soupira, et Drago l'entendit demander deux sandwichs. S'ils étaient au beurre de cacahuète, il n'y toucherait même pas. Théo, lui, demanda des bonbons, et dès que la dame fut partie, il les posa en évidence sur la petite table à côté de la fenêtre :

"Tiens, Drago."

Drago regarda les bonbons mais il n'avait pas assez faim pour les trouver appétissants.

"Non, merci."

"Bois au moins un peu de jus de citrouille." pressa Blaise qui lui tendit une bouteille.

"Qu'est-ce que vous avez, tous les deux ?" s'énerva Drago en rabattant sa veste sur lui en guise de couverture.

"On s'inquiète pour toi, c'est tout."

"Pas la peine, je vais bien." dit-il dans un grognement.

Théo et Blaise chuchotèrent quelque chose entre eux que Drago n'entendit pas. Il n'aimait pas trop ça, le fait qu'on parle de lui juste à côté. Il avait l'impression d'être un animal qu'ils étudiaient. Il se retourna sur la banquette et tenta de dormir, mais même avec les secousses berçantes du train, il n'arriva pas à plonger dans le sommeil.

"Dray ? Dray, on est arrivés."

Drago avait senti depuis longtemps que le train ralentissait, mais il n'avait pas envie de se lever. Il y fut contraint quand Blaise lui secoua l'épaule plus vigoureusement :

"Ok, Blaise ! Je me lève !"

Il se débarrassa de sa veste et prit sa valise qui était dans le filet à bagages au-dessus de la banquette. Le couloir du train était déjà bondé d'élèves qui voulaient descendre sur le quai en premier. Drago était sûr que Granger faisait partie de ces gens qui se levaient vingt minutes en avance pour être devant tout le monde. Sans savoir pourquoi, cette pensée le fit un peu sourire.

Blaise fit coulisser la porte du compartiment et les trois entrèrent dans la file d'élèves qui avançaient tout doucement. Crabbe et Goyle étaient devant. Drago ne répondit pas quand ils lui souhaitèrent de bonnes vacances d'été.

Par habitude, il se retourna pour chercher Pansy dans la foule. Il ne mit pas beaucoup de temps à la trouver, même si elle était la plus petite des têtes. Elle était juste derrière lui, à côté de Daphné Greengrass qui regardait par la fenêtre à la recherche de ses parents. Pansy, elle, ne cherchait pas son père : elle avait les yeux fixés sur Drago. Ses paupières étaient gonflées, comme si elle avait pleuré longtemps, et ses pupilles sombres étaient brillantes. Elle avait l'air tellement triste. Son coeur se serra en voyant ça.

Ils échangèrent un long regard, qui parut comme une éternité pour Drago, mais qui devait n'avoir duré qu'une dizaine de secondes.

"Avance, Drago !"

Marcus Flint le pressa et Drago réalisa que Théo et Blaise avaient déjà sauté sur le quai. Drago les suivit, et quand il se retourna, Pansy n'était plus derrière lui. Il essaya de distinguer son père, mais la foule des étudiants qui retrouvaient leurs proches l'empêchait de voir. La main de sa mère, aux longs ongles noirs, lui agrippèrent le bras :

"Te voilà !"

Elle lui souriait, et il essaya tant bien que mal d'y répondre sincèrement. Elle ne lui fit pas de câlin, mais elle garda sa main enroulée autour de son bras dans le geste le plus maternel qu'elle pouvait faire. Blaise et Théo arrivèrent à ce moment-là :

"Bonsoir, Mrs. Malefoy."

"Bonsoir vous deux ! Vous avez passé un bon voyage ?"

"Très bien." dit Blaise.

Drago chercha du regard Pansy dans la foule, sans la trouver. Il se maudit de ne pas l'avoir suivie, il aurait aimé lui parler avant de rentrer chez lui.

"Vous voulez prendre le thé à la maison ? Théo, ton père vient te chercher ici ?"

"Non, mon père ne va pas venir. En fait, je vais vivre chez Blaise pendant l'été."

Drago n'entendit pas la suite de la phrase de Théo, parce qu'à force de chercher Pansy dans la masse d'élèves, il trouva Granger. Il la vit se rapprocher d'un groupe de personnes aux cheveux roux, qu'il identifia aussitôt comme la famille Weasley. La mère, une petite femme replète aux cheveux flamboyants, la prit dans ses bras dans une longue étreinte. Drago fut étonné de voir qu'ils étaient aussi proches avec Granger, il ne pensait pas qu'ils se connaissaient si bien que ça. Est-ce que c'était cette femme qui lui avait envoyé le pull avec un "H", le même que portait les Weasley ? Pourquoi était-elle encore plus démonstrative d'affection que Narcissa alors que ce n'était même pas sa fille ?

"Alors, rentrez bien, les garçons ! Viens, Drago, nous allons essayer de nous frayer un chemin pour sortir du quai." annonça Narcissa.

Drago s'arracha de la contemplation de Granger pour suivre sa mère et dit un au revoir rapide à ses deux amis, qui allaient rentrer chez Blaise. De toute façon, il irait probablement chez lui dès le lendemain, lui aussi.

Juste avant de traverser la barrière 9 ¾ et partir pendant deux mois, il se retourna une dernière fois pour apercevoir les boucles de Granger et son sourire, avant qu'elle ne disparaisse de nouveau dans la foule.

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Hermione


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Hermione s'était placée tout devant, pour être pile en face des portes. Quand le train s'arrêta, elle sauta sur le quai bondé de parents impatients. Elle savait que ses propres parents l'attendaient derrière la barrière, comme chaque année.

Ron, Harry, Ginny, Fred, George et Percy arrivèrent à leur tour, et le petit groupe se précipita à la rencontre de Molly et Arthur. Dès qu'ils virent leurs enfants, ils poussèrent un cri de joie :

"Oh, vous voilà ! Vous nous avez tellement manqués ! Vous avez fait bon voyage ? Vous avez faim ? Oh, vous m'avez manqué !"

Molly serra tout le monde dans ses bras tour à tour, y compris Hermione. Elle avait la même odeur que Ron, une odeur un peu sucrée reconnaissable entre mille. Harry fut également emporté par les câlins d'Arthur et Molly, puis, ils traversèrent tous ensemble la barrière 9 ¾.

"Hermione, il faut que tu viennes aussi à la Coupe du Monde de Quidditch, c'est passionnant !" lança joyeusement Arthur Weasley. "Je suis sûr que je pourrais demander des places supplémentaires pour tes parents également, s'ils veulent bien venir."

"Oh, ne vous en faites pas Mr. Weasley… Le Quidditch, ce n'est pas trop mon truc."

"Mais Hermione !" protesta Ron en tirant leurs deux valises. "Ce n'est pas n'importe quel match, c'est la Coupe du Monde ! Je te jure que tu adorerais !"

En réalité, Hermione avait très envie d'y aller et de voir Harry et Ron en dehors de Poudlard, mais elle n'avait pas envie d'abuser de l'hospitalité des parents de Ron.

"Nous nous tiendrons au courant pendant l'été, mais nous serons ravis de t'accueillir au Terrier, Hermione." dit Molly gentiment.

"Merci beaucoup Mrs. Weasley."

Ils traversèrent la barrière un par un. De l'autre côté, Hermione ne vit pas tout de suite ses parents, qui attendaient probablement dans le hall d'entrée. Harry les saluèrent et se dirigea vers son oncle Vernon, qui avait l'air encore plus fermé que la dernière fois qu'Hermione l'avait vu. Il n'ébaucha pas le moindre sourire quand Harry vint à sa rencontre.

"A bientôt, Hermione !" dit affectueusement Ron.

"Passe un bon été !" lança George.

"On se voit en août !" dit Fred avec un clin d'œil.

"Envoie-nous des lettres !" s'exclama Ginny qui marchait avec ses parents.

Elle leur fit au revoir de la main jusqu'à ce qu'ils sortent de la gare. Puis, Hermione prit son chariot et le fit rouler jusqu'au hall d'entrée, pour chercher ses parents. Tandis qu'elle remontait le long des quais de trains, elle entendit une femme qui marchait à côté d'elle, et le nom qu'elle prononça attira son attention :

"Drago, tu n'es pas descendu avec Pansy ? Où est-elle ? Nous pourrions peut-être l'inviter à dîner dans les jours à venir."

Hermione remarqua Drago Malefoy, qui marchait juste derrière la femme. Hermione la détailla discrètement, et comprit directement que ça devait être sa mère. Elle était grande, élancée, et très soignée. Ses cheveux avaient la même couleur blond pâle que son fils, excepté l'autre moitié de sa tête qui était presque noire. Ses traits de visage ressemblaient beaucoup à ceux de Malefoy, assez marqués, et son visage était pâle. Hermione avait rarement vu une femme aussi belle de sa vie.

Sa question fit grimacer Malefoy, même si sa mère ne le remarqua pas. Il mit du temps à répondre, les yeux fixés sur le chariot qu'il poussait à bout de bras et dans un marmonnage qu'elle ne comprit pas très bien :

"Non, elle est avec son père."

"Oh. Et bien, tu pourras lui dire qu'elle est invitée pour dîner au Manoir quand elle le souhaite. Oh, cette gare est remplie de Moldus ! Viens, Drago, je ne veux pas traîner dans cet endroit, rentrons vite à la maison."

Le garçon n'accéléra pas le rythme imposé par sa mère, qui avait soudain plissé son nez dans une grimace de dégoût en observant les gens qui marchaient à côté d'elle. Hermione ralentit un peu, pour ne pas se faire remarquer par Malefoy ou mère Malefoy. Elle les laissa passer devant et les suivirent du regard pendant qu'ils empruntaient la porte de sortie la plus proche, probablement pour transplaner loin des regards indiscrets.

Soudain, son attention fut portée par quelque chose de bien plus réjouissant que la triste famille des Malefoy. Elle vit son père au loin qui lui faisait des grands signes de la main. Sa mère était à côté de lui, et elle tenait une grande pancarte blanche avec écrit : "Bienvenue à la maison, Hermione."

Hermione sourit de toutes ses dents en les voyant, et son sourire s'agrandit davantage quand elle vit la personne qui les accompagnait…

"DANNY !"

Elle se précipita sur eux pour les prendre dans ses bras. Sa mère fit tomber la pancarte par terre pour pouvoir libérer ses bras et serrer sa fille contre elle.

Hermione embrassa ses parents, puis étreignit Danny, et inspira cette odeur si familière qu'il avait, celle qui lui rappelait sa maison.

"Oh, vous m'avez tellement manqué ! Vous avez fait une pancarte !" s'écria-t-elle en se détachant d'eux.

"Evidemment ! On ne voulait pas que tu nous rates."

"Tu as fait bon voyage ?" demanda Danny.

Elle avait failli ne pas le reconnaître en le voyant de loin. Il avait considérablement grandi, et ne ressemblait définitivement pas au Danny qu'elle avait laissé, l'année précédente. Il la dépassait en taille, et sa mâchoire autrefois ronde était maintenant marquée et ses cheveux plus dégradés qu'avant. Il n'avait plus d'appareil dentaire, ses dents étaient maintenant parfaitement alignées. En fait, il ressemblait de plus en plus à son frère Thomas.

"Super, mais je meurs de faim. Je n'ai mangé qu'un petit sandwich au beurre de cacahuètes." répondit Hermione.

"Alors viens, on rentre ! J'ai préparé un poulet rôti, qui n'attend que toi pour être dévoré." lui dit son père en prenant son chariot des mains.

Elle accompagna ses deux parents et Danny jusqu'au parking. Ça faisait tellement longtemps qu'elle eut du mal à retrouver leur voiture, oubliant soudain la marque. Au moment d'ouvrir le coffre, son père poussa alors une exclamation :

"Mon Dieu ! C'est lui, Pattenrond ?"

Hermione regarda le panier de son chat attaché à sa valise. Elle avait parlé de nombreuses fois de Pattenrond dans ses lettres, mais elle réalisa qu'à cet instant qu'ils ne l'avaient jamais vu en vrai.

"Oui, c'est lui."

"Il est…"

Sa mère et son père regardèrent le chat à travers les mailles du panier avec deux mines intriguées, hésitant visiblement entre le mot "mignon" et "horrible". Danny opta pour un "original !", et Rachel et John approuvèrent.

Le père d'Hermione mit ses affaires dans le coffre, ainsi que Pattenrond, puis Hermione et Danny s'assirent à l'arrière. Il faisait presque nuit dehors, mais elle pouvait encore apercevoir les paysages de Londres derrière la vitre de la voiture. Ils passèrent devant la British Library, où Hermione était allée quelques fois en sorties scolaires avec sa classe, Regent's Park, la jolie rue colorée de Primrose Hill, puis les endroits plus familiers de son quartier. Au moment où ils passèrent devant Hampstead Heath, Danny posa la question fatidique :

"Alors, comment s'est passée ton année d'internat ?"

Hermione avait bien conscience que la question allait survenir à un moment ou à un autre, mais elle ne pouvait évidemment pas parler de Poudlard en présence de Danny, alors elle fit attention de ne pas parler de magie :

"Super ! Je suis arrivée première du classement."

"Pas étonnant ! Mais félicitations." dit Danny avec un sourire.

"Nous sommes très fiers de toi, Mimi." dit son père depuis le siège conducteur.

"Et tu es bilingue en français, maintenant ?"

"Euh… Oui, je pense."

"Vas-y, dis une phrase !" s'exclama Danny.

Hermione répéta la seule phrase de français qu'elle connaissait en priant pour que Danny ne lui demande pas plus de précisions :

"Je meurs de faim."

"Trop cool. Ça veut dire quoi ?"

"Ça veut dire qu'on arrive bientôt à la maison." mentit Hermione.

Probablement pour ne pas que Danny pose plus de questions délicates, la mère d'Hermione s'empressa d'allumer la radio.

"Qu'est-ce que tu as dans ta poche ?" demanda Hermione.

Danny sortit un papier qui dépassait de sa poche et le déplia. Dessus, il y avait un magnifique dessin au crayon, qui représentait Superman en train de voler.

"C'est un dessin que j'ai fait pendant le chemin pour aller à la gare." expliqua le garçon.

"Quoi ! Tu t'es vraiment amélioré, c'est magnifique Danny !"

"Oh, merci. Je suis content parce que j'ai réussi à convaincre mes parents pour intégrer une option art dans mon école, l'année prochaine."

"C'est super !"

"Oui, j'espère que ça me fera remonter ma moyenne. Tu veux voir les autres dessins que j'ai fait cette année ?"

"Oui !"

Danny sortit un petit carnet de sa poche et lui montra quelques dessins qu'il avait faits. Ils étaient tous magnifiques. Danny avait toujours eu un don pour le dessin, mais Hermione n'aurait jamais pensé qu'il avait tant progressé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et dans ses lettres, il n'avait jamais envoyé autre chose que des petites illustrations dans les coins du papier. Pendant que les deux étaient penchés sur le carnet de Danny, la voix robotique de la radio annonça alors :

"Nous vous rappelons que nous cherchons toujours un homme en cavale, du nom de Sirius Black. C'est un homme frêle, d'une trentaine d'années, aux cheveux longs et noirs. Il est armé et extrêmement dangereux. Si vous l'apercevez ou avez des informations concernant cet individu, merci de nous appeler au numéro vert…"

"Ils recherchent toujours ce psychopathe ?" commenta Danny. "Ça fait quoi, un an qu'ils le cherchent ? Il est sûrement mort à l'heure qu'il est."

Hermione acquiesça doucement mais ne réagit pas. C'était extrêmement étrange de parler de Sirius de la sorte.

Elle croisa alors le regard de sa mère dans le rétroviseur de la voiture. Elles se jaugèrent longtemps, mais comme elles ne pouvaient pas en parler, aucune des deux ne firent de commentaire, et observèrent plutôt le parc qui s'étendait à perte de vue à gauche de la route.

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Drago


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Le Manoir lui semblait encore plus hostile qu'avant. Il avait l'impression de ne pas y avoir mis les pieds depuis des années, de ne pas reconnaître cet endroit qu'il appelait "maison". Tout était gris, froid, soigné. Et surtout, il y avait un silence constant. Drago pouvait marcher des minutes entières sans entendre le moindre bruit. Les salles étaient immenses, mais vides. Ou peut-être était-il trop habitué aux bavardages des couloirs de Poudlard qui bourdonnaient en permanence.

Ça devait faire une heure que Drago était rentré qu'il se sentait déjà seul. Après avoir fait le tour de sa chambre, déballé ses derniers cadeaux de Noël qu'il avait jeté dans un coin, fait sa toilette et marché de long en large dans l'étage, il n'eut déjà plus d'idées de quoi faire pour s'occuper l'esprit. Que faisait-il, avant Poudlard ? Comment passait-il ses journées ? Il s'ennuyait, ça c'était sûr. Il passait son temps chez Blaise, et quand il n'était pas là-bas, il se sentait seul dans son grand Manoir.

En fait, non. Il avait des cours à domicile, et ils étaient partagés. Avec Pansy. Il ne se sentait pas seul, parce qu'elle avait toujours été là.

Penser à Pansy était le meilleur moyen pour déprimer en ce moment, et l'été n'avait même pas encore commencé. Drago décida donc de pousser ça dans un coin de sa tête et de s'occuper en allant à la bibliothèque du Manoir. Il monta les escaliers et entra dans la pièce immense, où il n'allait pas très souvent. Il y avait des étagères sur tous les murs de la salle, remplis de livres anciens et triés par catégories. Drago se promena dans les rayons sans but précis, lisant quelques titres de livres ou en promenant son doigt sur les reliures poussiéreuses. Certains livres étaient en latin, en grec, en français, et même en italien.

Il se fit la réflexion que Granger aurait été en adoration dans cette pièce. Elle l'aurait probablement élu meilleur endroit du Manoir, sans même qu'elle ait regardé les autres. Elle se serait extasiée en voyant la collection impressionnante de livres que sa famille possédait. Elle en aurait choisi une pile immense et se serait assise dans ce fauteuil vert avec un thé fumant qu'elle oublierait de boire en lisant…

Non. Drago ne devait pas penser à ça, pas ici. Il ne pouvait pas imaginer Granger se balader dans son Manoir, c'était dangereux. Il était censé la détester. Merlin, il la détestait ! C'était une Sang-de-Bourbe, et les Malefoy ne devaient jamais traîner avec ce genre d'êtres infâmes.

Rayant ainsi ses deux premières pensées qui surgissaient tout le temps dans son esprit, Pansy et Granger, Drago fut à court d'idées de quoi penser et prit donc le premier livre de potions sur lequel il tomba. C'était un vieil ouvrage, abîmé, avec des feuilles jaunies et arrachées par endroits. Il s'assit dans le fauteuil vert et commença sa lecture. Au début, il se força à lire sans intérêt, puis au fur et à mesure, il fut emporté. Les Potions avaient toujours été sa matière préférée, mais il n'avait jamais vraiment creusé le sujet plus que ça. Pourtant, c'était véritablement passionnant. Il apprenait des nouvelles choses et avait même hâte de tester les nouvelles techniques pour ses préparations de l'année suivante.

Il était tellement focalisé sur le texte qu'il lisait qu'il ne vit pas tout de suite l'elfe de maison qui s'approchait du fauteuil. Quand il toussota pour montrer sa présence, Drago faillit faire voler le livre en sursautant :

"Putain ! Faut frapper à la porte !"

"Pardon, maître Malefoy. Je voulais simplement vous dire que le dîner était servi."

"Mon père est là ?"

L'elfe hocha la tête lentement. Visiblement, lui non plus n'aimait pas quand son père était dans le Manoir. Il l'avait probablement châtié quelques minutes plus tôt, à en voir ses oreilles brûlées par endroits.

"D'accord." répondit Drago en refermant le livre.

"Voulez-vous un thé, maître ? Pour vos lectures ?"

Drago jaugea Chubby. Il préférait Dobby, qui le connaissait bien mieux, mais il était tout de même serviable. Il haussa les épaules :

"Ouais, pourquoi pas."

Il sortit de la pièce et descendit rapidement les nombreuses marches pour aller dans la salle à manger. La table était mise comme s'il s'agissait d'un dîner de cérémonie, alors qu'ils n'étaient que trois. Lucius était en bout de table, l'air troublé, et Narcissa lisait le journal. Quand Drago arriva dans la pièce, elle ferma la Gazette du Sorcier et le regarda s'asseoir avec un sourire.

"Bonsoir Père."

"Bonsoir Drago. Comment s'est passé ton dernier semestre ?"

"Bien, je suis arrivé cinquième du classement général…"

Le repas apparut devant eux et Drago se saisit des deux cuillères pour prendre de la salade. Quand il posa quelques feuilles dans son assiette, il entendit sa mère pousser un petit cri, et Lucius faire tomber sa fourchette. Il regarda ses deux parents, interloqué, qui étaient tous les deux scandalisés.

"Drago ! Enfin !" s'écria sa mère.

"Quoi ? Qu'est ce que j'ai fait ?"

Il regarda son assiette remplie de salade. Et il se souvint, une minute trop tard, des traditions des Malefoy. Toujours laisser le père de famille se servir et manger en premier. Il se tourna vers Lucius, qui n'avait pas commencé à manger. Son visage s'était soudain transformé en une grimace de colère.

"Où sont passées tes manières, Drago ?" siffla-t-il entre ses dents.

"Désolé, je ne suis plus habitué… À Poudlard…" commença Drago.

"À Poudlard, visiblement, on t'apprend à te comporter comme un rustre." coupa sèchement Lucius.

"Allons, Lucius…" intervint Narcissa.

"Quoi ?" vociféra Lucius en se servant un peu trop brusquement. "Tu vas encore le défendre, c'est ça ? Comment peux-tu expliquer ça ? Tu te rends compte que notre fils unique, le seul de la lignée des Malefoy, est en train de briser nos valeurs familiales instaurées depuis des années…"

"Arrête un peu, il a simplement oublié. Il est fatigué, il a passé la journée à voyager. Il connaît parfaitement les valeurs de notre famille…"

Drago se tut, ne voulant pas intervenir pour envenimer son cas. De toute façon, une fois que Lucius avait changé de visage, il était impossible qu'il redevienne comme avant, du moins pas avant plusieurs heures. Drago se fit donc tout petit, un peu honteux d'avoir oublié une règle aussi stricte que celle-ci, et attendit sagement que son père ait déjà dévoré la moitié de son steak pour oser manger. Ses parents se disputèrent pendant tout le reste du repas et aucun des deux ne lui posèrent la moindre question supplémentaire.

Drago sauta le dessert et demanda la permission pour sortir de table. Une fois sorti de la salle à manger, il laissa échapper un soupir. Deux mois comme ça…

Par habitude, il sortit dans la cour. Il traversa le jardin et se dirigea vers la fontaine. Il chercha la silhouette de Pansy quelque part, allongée dans l'herbe, mais une fois arrivé à leur point de rendez-vous, il réalisa qu'il était seul. Cette douloureuse constatation lui donna un coup au cœur. Elle n'était pas là, elle n'était pas venue. D'habitude, ils se retrouvaient à côté de la fontaine tous les soirs, même les soirs où ils ne s'étaient pas donnés rendez-vous.

Drago resta debout, comme pétrifié. Pansy et lui s'étaient déjà disputés de nombreuses fois, des petites querelles sans queue ni tête. Et Pansy était aussi têtue que lui, alors ils pouvaient bouder des jours avant que l'un des deux ne mette sa rancœur de côté pour arranger les choses. Mais ils avaient toujours fini par le faire. Là, il était impuissant, forcé à rester dans sa solitude, parce qu'elle ne voulait pas qu'il vienne.

Il s'allongea dans l'herbe et contempla les étoiles dans le ciel. Sans Pansy pour lui montrer chaque constellation, il arrivait à n'en reconnaître aucune, même pas la sienne. Il repensa à leur promesse de rester amis pour toujours et s'accrocha à l'espoir que Pansy ne puisse pas la briser. C'était juste une passade, une embrouille qui allait bien se finir un jour.

Drago resta allongé là longtemps sans bouger. Parfois, il confondait le bruit du clapotis de l'eau de la fontaine pour des bruits de pas et il levait brusquement la tête, espérant apercevoir la silhouette de Pansy s'approcher de lui. Mais à chaque fois, l'excitation de la voir se transformait en déception, et il se rallongeait.

Il avait envie de pleurer. Il voulut se laisser aller, mais il se souvenait de ce que son père lui disait quand il était petit : "Les Malefoy ne pleurent pas. Ce sont les faibles qui pleurent."

Il maudit son père, parce que c'était à cause de lui qu'il n'arrivait pas à exprimer ses putain d'émotions, ou qu'il ressentait ses accès de rage, ou qu'il n'arrivait pas à pleurer. Il attendit de longues heures, et quand la brise d'été se changea en un vent plus frais qui collait sa chemise à sa peau, il se leva et retourna au Manoir.

Tout était plongé dans le noir et aucun bruit ne trahissait la présence de quelqu'un d'autre que lui. Drago monta lentement les escaliers, tremblant, puis s'arrêta à la bibliothèque hasardeusement pour récupérer le livre qu'il avait déjà commencé. De toute façon, il n'arriverait pas à dormir, autant trouver une occupation. Il s'approcha du fauteuil et trouva le vieux livre dessus.

Il y avait aussi un thé à la menthe sur l'accoudoir du fauteuil, mais il était devenu froid. Drago regarda longuement la tasse. Puis, il la balança d'un geste de la main, et elle alla s'éclater contre l'étagère violemment.