Drago


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"Dentesaugmento !"

Drago regarda son sort jaillir du bout de sa baguette et toucher violemment celui de Potter. Il ricocha, et atteignit Granger de plein fouet. Elle gémit de douleur et porta ses mains sur sa bouche.

Drago n'avait pas prévu de toucher Granger. Il n'avait pas du tout pensé que Potter puisse la protéger en lui jetant un sort, et encore moins l'atteindre avec le sien. Quand il embêtait Granger, il voulait simplement l'irriter, l'énerver un peu, la voir devenir toute rouge. Il n'avait jamais voulu lui faire physiquement mal.

Pendant une fraction de seconde, il fut tellement choqué qu'il ne cacha pas son inquiétude qui avait dû marquer ses traits. Comme dans un réflexe, il fit un pas en avant vers elle, avant de se souvenir subitement où il était, et il s'arrêta. Heureusement, personne n'avait remarqué son hésitation. Weasley se jeta alors sur Granger :

"Hermione !"

Il lui prit les deux bras. Lui aussi, il était inquiet. Drago sentit un rush de colère monter en lui en voyant Granger lever vers lui des yeux apeurés, comme si c'était un putain de prince charmant.

Drago vit alors l'effet de son sort se manifester qu'à cet instant. Derrière ses mains, Granger cachait ses deux dents de devant qui grandissaient de plus en plus. Ça avait l'air terriblement douloureux. Drago était sous le choc. Il n'arrivait pas à réaliser que c'était lui qui avait causé ça. Il avait envie de lui dire qu'il ne l'avait pas fait exprès, mais il était incapable de parler ou de bouger, et de toute façon, il était entouré de tous les élèves de Serpentard qui riaient et lui tapaient dans le dos pour le féliciter.

Drago fixait Granger. Ses dents avaient dépassé sa lèvre inférieure maintenant. Weasley essayait tant bien que mal de lui faire enlever ses mains de son visage, mais il était totalement impuissant, ne pouvant qu'observer les dents de Granger s'allonger de plus en plus.

"Qu'est-ce que c'est que tout ce bruit ?" demanda Rogue, qui venait de sortir de la salle de Potions.

Il s'approcha de la scène et tout le monde commença à lui expliquer d'une même voix. Le professeur se tourna vers Drago :

"Expliquez-moi." dit-il de sa voix grave.

"Potter m'a attaqué, monsieur."

Il pointa du doigt Potter, qui tremblait de colère. Goyle fit un malheureux petit cri de douleur et Drago grimaça en voyant son nez enflé et couvert de pustules :

"Nous nous sommes attaqués en même temps !" protesta Potter.

"Et il a touché Goyle… Regardez !" dit Drago.

Pendant que Rogue se penchait sur Goyle pour voir les dégâts sur son nez, Drago observa Granger. Ses dents avaient poussé jusqu'à son menton et elle avait les yeux embués de larmes. Weasley lui disait des mots à voix basse, probablement pour la consoler, ce qui énervait Drago encore plus.

"À l'infirmerie, Goyle." dit Rogue.

"Malefoy a frappé Hermione !" s'exclama Weasley. "Regardez !"

Granger tentait de cacher ses dents, mais ses mains n'arrivaient plus à couvrir ses deux incisives qui avaient maintenant atteint son cou. Drago entendit les rires moqueurs de Pansy et Daphné dans son dos.

"Je ne vois pas grande différence." dit calmement Rogue.

Même Drago, qui était habitué au favoritisme évident de Rogue, fut choqué de ses mots. Granger encaissa le coup et Drago fut persuadé de voir une larme couler avant qu'elle ne tourne les talons et parte en courant. Il la regarda fuir avec un pincement au cœur. Puis, il se tourna vers Pansy, qui était morte de rire, et essaya tant bien que mal de sourire. Mais il n'y arrivait pas. Sa tension devait avoir explosé, et les battements de son cœur étaient toujours aussi frénétiques.

Potter et Weasley hurlèrent en même temps un flot de paroles incompréhensibles teintées d'insultes, qui résonnèrent contre les parois humides des cachots.

"Voyons…" dit Rogue d'une voix mielleuse. "Cinquante points de moins pour Gryffondor et une retenue pour Potter et Weasley. Et maintenant, rentrez en classe ou je vous donne une semaine entière de retenue."

Ils rentrèrent dans la classe et Weasley bouscula Drago sur son passage. Pansy entra à son tour, suivie par Drago qui n'avait pas encore réalisé ce qu'il venait de faire. Quand il s'installa à son pupitre habituel à côté de Théo, ce dernier ne fit pas de commentaire, même si Drago pouvait discerner son expression désapprobatrice pendant qu'il sortait son chaudron.

À sa gauche, sur le pupitre d'à côté, Drago pouvait entendre Pansy murmurer à Daphné :

"Tu as vu ses dents de castor ? C'était tellement horrible ! Je ne serais pas sortie de mon dortoir pendant des semaines si ça m'était arrivé…"

Il se tourna alors vers Potter, assis au fond de la classe. Il était enragé, et fixait déjà le dos de Drago comme s'il espérait lui faire mal télépathiquement. Drago cliqua sur son badge pour laisser apparaître le message "À bas Potter" une nouvelle fois.

Pourtant, il était moins fier de son idée des badges qu'il y a quinze minutes. Malgré le cours intéressant de Rogue sur les antidotes, Drago n'arrivait pas à se concentrer. Est-ce que Granger était-elle déjà à l'infirmerie ? Avait-elle déjà retrouvé ses dents, ou devait-elle rester là-bas quelques jours pour se faire soigner ?

Drago se rendit compte que sa main tremblait quand il coupa ses carapaces de scarabée pour sa potion. C'était lui qui avait fait ça. Et même s'il voulait se convaincre que ça ne lui faisait rien, que Granger le méritait, il savait pertinemment que c'était un mensonge.

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Hermione


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Hermione pleurait quand elle arriva devant l'infirmerie. Heureusement, elle n'avait croisé personne sur son chemin, et arriva étrangement avant Goyle. L'infirmière ouvrit la porte et fit un petit cri de stupeur en voyant les dents allongées d'Hermione :

"Miss Granger ! Qu'est-ce que…"

"J'oi vzousai roptiricr meptd…"

"Venez avec moi." dit l'infirmière, qui n'avait probablement pas compris un mot de ce qu'avait voulu dire Hermione.

Elle l'approcha vers un lit reculé de la salle et ferma les rideaux. Hermione voulut la prévenir que Goyle n'allait pas tarder, mais elle n'arrivait pas à prononcer correctement, alors elle laissa tomber.

"Sortilège de Dentesaugmento ?" demanda Madame Pomfresh. (Hermione hocha la tête.) "Je reconnais les effets, c'est un élève qui vous a fait ça ?"

Hermione hocha de nouveau la tête, et l'infirmière poussa un soupir agacé. Elle prit sa baguette qui était dans la poche de son tablier et un petit miroir dans un tiroir de la table de nuit. Quand elle le mit devant Hermione, cette dernière fit un cri étranglé : ses dents atteignaient son cou.

"Je vais arrêter l'agrandissement des dents et les faire rétrécir. Vous me dites stop quand elles auront atteint une longueur normale, d'accord ?"

Hermione acquiesça, mais le poids de ses dents était tellement handicapant que ce simple geste lui fit atrocement mal. Madame Pomfresh pointa sa baguette sur Hermione et murmura :

"Prohibere ac recusare."

Il y eut un flash blanc et Hermione sentit la poussée s'arrêter, et sa gencive se refermer. Puis, elle regarda ses longues dents rétrécir doucement. Son cou, son menton, sa lèvre…

Hermione vit le moment où ses dents étaient à la bonne taille, mais elle ne dit pas "stop" pour autant. Elle attendit le moment où elles étaient parfaitement alignées pour murmurer "C'est bon.".

"Ça ne vous fait pas trop mal ?" demanda Madame Pomfresh.

"Si."

Son nerf était horriblement sensible et elle ne cessait de passer sa langue dessus dans l'espoir de l'apaiser.

Madame Pomfresh partit un instant et revint avec un thé et un petit bâton de cannelle.

"Tenez, buvez, ça vous fera du bien. Et si la douleur ne passe pas, vous pouvez mâchouiller ce bâtonnet, ça détendra vos dents."

La porte de l'infirmerie s'ouvrit, et la voix de Goyle s'éleva dans la pièce, apeurée :

"Madame l'infirmière ?"

Elle hocha gravement la tête :

"C'est lui qui vous a fait ça ?" demanda-t-elle en montrant d'un mouvement de tête la porte d'entrée.

"Non, il s'est pris l'autre sortilège du duel."

"Oh, Merlin… Ces élèves, jamais capables de se tenir tranquilles… Qui vous a fait ça ?"

Hermione ne dit rien, et Goyle demanda d'un ton encore plus paniqué :

"Madame l'infirmière ?!"

Elle soupira et se dirigea vers la porte d'entrée en prenant soin de fermer les rideaux autour du lit qu'occupait Hermione. Elle entendit Goyle se faire allonger dans un lit de l'autre côté, en bégayant de peur. Il avait du mal à se souvenir du sort qu'Harry avait lancé, et heureusement, il ne balança pas qui lui avait fait ça, probablement trop apeuré pour y penser à cet instant.

Hermione but son thé et mâchouilla le bâton de cannelle. Effectivement, ça apaisait pas mal, mais ses dents étaient toujours aussi douloureuses, comme si elle venait de subir une opération dentaire.

Hermione pensa à ses parents. Elle leur avait demandé une opération de rétrécissement de dents depuis toujours, mais surtout depuis qu'elle était à Poudlard. Ils ne seraient pas très contents de voir ce changement, mais en même temps, ça leur permettrait d'économiser une opération moldue coûteuse.

Hermione prit le miroir que Madame Pomfresh avait laissé sur la table de nuit et observa sa dentition. Quand elle souriait, ses dents étaient maintenant de la même taille. Au début, ça lui faisait bizarre, mais à force de faire des sourires bêtes, elle aimait vraiment bien son reflet. C'était le seul avantage à s'être pris un sortilège de Malefoy.

Madame Pomfresh l'obligea à rester allongée de longues heures, l'empêchant d'aller en cours. Elle loupa même une partie du dîner, alors elle se leva elle-même et alla la voir directement dans son bureau. En marchant dans l'infirmerie, elle vit Goyle à travers une petite ouverture des rideaux, qui était allongé dans le lit, les yeux fermés. Son nez était enflé et couvert de crème jaunâtre, mais Hermione pouvait clairement voir les furoncles en dessous. C'était vraiment dégoûtant.

Elle toqua à la porte du bureau de l'infirmière.

"Miss Granger ! Vous allez mieux ?"

Elle lui fit ouvrir la bouche pour inspecter ses dents sous une lampe et parut satisfaite du résultat :

"Vous êtes sûre que vous ne voulez pas dormir ici, vous reposer un peu ?" proposa-t-elle gentiment.

"Non, merci, je me sens bien."

Ce n'était pas tout à fait vrai, parce que sa gencive continuait de piquer, mais elle préférait largement avoir mal là-bas que dans cette salle où elle s'ennuyait et où elle devait subir le silence qu'elle haïssait tant. L'infirmière acquiesça :

"Très bien. Par contre, je vous préviens : pas de repas solide avant lundi. Vous pouvez boire de la soupe, ou du thé, et occasionnellement mordiller dans des bâtons de cannelle, mais c'est tout. Et quand vous vous brossez les dents, faites attention à ne pas être trop brusque, vos incisives sont encore très fragiles."

"D'accord, merci beaucoup Madame Pomfresh !"

Et Hermione quitta l'infirmerie. Les couloirs étaient vides, visiblement, tout le monde était déjà rentré aux dortoirs. Elle monta les escaliers en se massant les joues, pensive.

Elle pensait à Malefoy. Elle se trouvait stupide d'avoir pu penser qu'ils pouvaient être amis, désormais, juste parce qu'il s'était assis avec elle à une table de la Bibliothèque. Sa nature était revenue et elle se l'était prise dans la face, littéralement. À cet instant, elle le détestait. Exactement comme avant.

Hermione arriva devant le portrait de la Grosse Dame et devina qu'il n'y avait presque personne, parce qu'il n'y avait aucun brouhaha à travers. Quand elle entra, elle se rendit compte qu'il n'y avait que Ginny, Fred, et George. Ils se levèrent tous les trois quand elle arriva :

"Hermione, tu vas bien ?" demanda George.

"Ron nous a prévenus de ce qu'a fait Malefoy." enchaîna Fred.

"Ce gros connard." continua George.

"Comment tu te sens ?" demanda Ginny.

"Ça va." dit-elle avec un petit sourire. "Madame Pomfresh a rétréci mes dents, et j'ai poussé un peu pour qu'elles soient alignées…"

Elle s'approcha et leur fit un grand sourire forcé. Les trois Weasley la regardèrent longuement, puis Fred dit galamment :

"Tu as un sourire aussi joli qu'avant, Mione."

"Merci Fred."

"Tu as mal ?" demanda Ginny.

"Un peu. Depuis que Madame Pomfresh les a remis en place, elles sont fragiles, et me lancent un peu. Je vais boire un thé et aller me coucher."

Elle s'assit sur le canapé à côté de Ginny, pendant que Fred et George s'asseyaient sur les deux accoudoirs.

"Malefoy est vraiment un connard." dit Fred. "Te jeter un sort comme ça devant Rogue…"

"Ce n'est pas vraiment Malefoy, il ne l'a pas fait exprès, il a tiré sans viser…" dit Hermione d'une petite voix.

"Il a bien lancé le sort, non ? Il voulait atteindre Harry, il t'a atteint toi, dans tous les cas, c'est un connard." décréta George.

Ginny avait froncé indescriptiblement les sourcils en entendant Hermione le défendre, mais changea de sujet :

"On ne t'a pas vue au dîner, tu as mangé à l'infirmerie ?"

"Non, je ne peux pas manger de solide à cause de mes dents…"

"Tu n'as pas mangé ?!" s'indigna George.

Sans se concerter, ils se levèrent synchroniquement et sortirent par le portrait. Hermione leva les sourcils et se tourna vers Ginny, qui haussa les épaules :

"J'ai appris à arrêter de leur demander ce qu'ils ont derrière la tête."

Hermione lança un Accio et sa tasse lui sauta dans les mains.

"Tu es vraiment douée avec ces sorts." dit Ginny, impressionnée. "J'ai appris qu'Harry avait du mal."

"Oui, il y a une sorte de blocage, je pense que c'est à cause de Ron… D'ailleurs, où est-il ?"

"Il est parti se coucher il y a une vingtaine de minutes. Il a l'air vraiment déprimé, en ce moment."

"Et Ron aussi ?"

"Oui. Je pense que les deux sont trop bornés pour se rendre compte que l'un est aussi triste que l'autre. Tout le monde le remarque à part eux."

"Ils sont idiots. Ils vont finir par se réconcilier, j'espère."

"J'espère aussi, tu dois te sentir bien seule en ce moment." dit Ginny d'une voix compatissante.

"Plutôt débordée à jongler entre les deux."

Ginny eut un petit rire et Hermione lui proposa un thé.

"Non merci, je n'aime pas la menthe." dit Ginny.

Hermione hocha la tête et but une gorgée de thé. Elle regarda Ginny, dont les cheveux roux avaient des éclats flamboyants grâce au feu de cheminée qui l'éclairait. Ses jambes étaient étendues, pour qu'elle puisse poser ses pieds sur le fauteuil en face d'elle, et sa tête était tranquillement posée sur le dossier du canapé.

De toutes les personnes qu'il y avait à Poudlard, la personne à qui elle arrivait le plus à se confier, c'était elle. Ginny avait toujours des bons conseils, et ne répétait jamais ses secrets. Alors, elle se lança maladroitement :

"Tu sais… Je ne suis pas vraiment seule, ces derniers temps."

"Ah oui ?" demanda distraitement Ginny.

"Quelqu'un vient souvent s'asseoir avec moi, à la Bibliothèque."

"Neville ?" demanda Ginny.

Hermione étouffa un rire.

"Non, un peu plus scandaleux."

Les yeux de Ginny s'agrandirent et elle fit rouler sa tête sur le dossier pour regarder Hermione :

"Non… Krum ?!"

"Non plus…"

"Je ne sais pas qui peut être plus scandaleux que lui, Mione."

"Drago Malefoy."

Cette fois, Ginny leva brutalement la tête.

"QUOI !"

"Oui… Il est venu s'asseoir avec moi, quand les admiratrices de Krum prenaient toute la place dans la Bibliothèque."

"Oh… Ma pauvre, ça a dû être une séance de révisions particulièrement horrible."

"Non, pas tant que ça." dit Hermione dans un murmure. "Il était… Pas gentil, mais plutôt, décent. On a même ri ensemble."

"Pardon ?! Hermione, si c'est une blague…"

"Non, je te le promets."

Ginny avait toujours les yeux trop écarquillés et la bouche grande ouverte :

"Et ce n'était pas qu'un soir !" ajouta Hermione. "Il est venu s'asseoir toute la semaine !"

"Mais vous avez parlé de quoi ?"

"Oh, il ne parle pas beaucoup. J'ai démarré la conversation en premier, il y a quelques jours. Avant ça, c'était à peine s'il m'adressait un regard. Et depuis… On discute souvent."

Ginny fronça soudain les sourcils :

"Mais alors, pourquoi est-ce qu'il t'a lancé un sort ?"

"Il n'a pas fait exprès… Enfin, il a jeté le sort, mais il voulait atteindre Harry. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça. Maintenant, je ne sais plus quoi penser de lui."

"Tu ne penses pas qu'il faisait ça pour amuser les Serpentards ?"

"Probablement. Mais à quoi ça sert de bien s'entendre en privé, s'il est aussi bête en public ?"

Ginny haussa les épaules, mais avant qu'elle n'ait pu argumenter, le portrait coulissa de nouveau et elles se turent. Les jumeaux revinrent dans la pièce, et Hermione vit avec stupéfaction qu'un bol lévitait entre eux dans les airs.

"Une soupe de châtaigne pour madame !" lança George tandis qu'il posait le bol sur la table. "Fais attention, c'est brûlant."

"Oh, merci les garçons ! C'est adorable !"

Hermione prit le bol en faisant attention à ne pas se brûler et le porta à ses lèvres, mais juste avant de goûter, elle s'arrêta :

"Attendez un peu… Vous êtes allés à la cuisine, c'est ça ? Vous avez demandé aux elfes de faire cette soupe ?"

Fred et George avaient fermement refusé de s'inscrire à la S.A.L.E.

"Oui." dit Fred sans ciller. "Mais ils ont été ravis de la préparer."

Hermione fronça les sourcils, hésitante. George continua :

"Allez, Mione. De toute façon, si tu la jettes, ça sera du gâchis. Ils l'ont déjà faite, autant en profiter."

"En plus, tu imagines, si tu laissais le bol ici et que les elfes tombaient dessus pendant la nuit, en rangeant la Salle Commune ? Tu imagines leurs gros yeux embués de larmes, pendant qu'ils nettoient ta soupe faite avec amour ?" demanda Fred avec une moue.

"Et surtout, on a monté sept étages pour te l'apporter. Ça mérite de la boire." compléta George avec un petit sourire.

Hermione contempla la soupe, qui avait l'air parfaitement veloutée, et dégageait une odeur alléchante.

"Bon, d'accord… Merci."

Et elle but une grosse gorgée, qui apaisa tout de suite ses dents endolories, et la réchauffa instantanément. Cette soupe à la châtaigne était délicieuse.

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Drago


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Il sentit le poids de son lit s'affaisser légèrement quand Pansy s'allongea à côté de lui. Drago n'avait pas parlé depuis le cours de Potions, mais ça n'empêchait pas ses amis de discuter joyeusement à côté de lui, l'interrompant sans cesse dans ses réflexions.

"Très bonne idée ces badges, Drago." dit Pansy en montrant le badge qu'elle avait retiré de sa robe pour l'observer de près. "Je vais le porter tous les jours. Potter était furieux."

"Ouais." enchaîna Blaise qui s'allongeait dans son propre lit, lui aussi. "Comment t'as eu l'idée, déjà ?"

Drago marmonna des mots incompréhensibles. Il n'avait pas l'énergie de mentir. Blaise et Pansy n'y firent pas attention et continuèrent comme s'ils ne l'avait pas entendu :

"Et ce sort… Quelle bonne idée !" dit Pansy en souriant. "Tu l'as parfaitement réussi, Granger était défigurée. Tu avais prévu de la toucher elle ?"

"Non." lâcha Drago.

Il n'avait pas pu se retenir, la culpabilité lui rongeait déjà les entrailles pour entendre de nouvelles éloges sur ce qu'il avait fait. Pansy haussa les sourcils et continua :

"En tout cas, c'était excellent. Elle ne fera plus la maline avec ses dents de castor. Vous avez vu sa tête ? Je serais morte de honte, à sa place."

"C'était complètement stupide." asséna Théo.

Lui non plus n'avait pas beaucoup parlé. Il était allongé dans son lit depuis longtemps et lisait un livre, mais son ton était dur, sec. Drago leva une tête intéressée vers lui pour l'observer, mais son livre lui cachait le visage.

"Qu'est-ce que ça peut te faire, Théo ? C'est pas comme si elle ne l'avait pas mérité." dit Pansy.

Elle était en train de s'appliquer de la lotion sur ses deux jambes nues qu'elle avait étendu sur la couette, et l'odeur du produit était assez écoeurante. Théo posa son livre sur sa couette et lui jeta un regard froid :

"Mérité ? Pansy, dis-moi sincèrement à quel moment elle l'avait mérité."

"Elle est amie avec Potter et Weasley, elle fait toujours sa Miss-Je-Sais-Tout, elle est insupportable…"

"Toi aussi tu peux être insupportable, et pourtant je ne t'ai jamais déformé le visage pour autant." siffla Théo.

Drago fut étonné de sa réaction. Il avait l'air furieux. Il n'aurait jamais pensé qu'il puisse défendre Granger à ce point. Drago se demanda vaguement si son ami ne ressentait pas quelque chose pour elle, mais cette idée l'énerva et il préféra l'éloigner rapidement avant de faire une insomnie.

"Olala, Théo…" s'exclama Pansy. "Tu ne serais pas en train de tomber amoureux, par hasard ?"

Drago se tendit sans le vouloir. Pansy continua de sa voix mielleuse :

"C'est quoi qui t'as fait succomber ? Le fait qu'elle lise autant de livres que toi ? Ses dents de lapin ? Sa voix aiguë ? Ou son sang impur ?"

Théo leva exagérément les yeux au ciel.

"Ta gueule, Pansy." marmonna-t-il. "Je dis juste que c'était inutile."

"Peut-être, mais c'était drôle."

Ils ne parlèrent plus après ça. Drago regarda Pansy sortir un paquet de cigarettes noir du tiroir de la table de chevet et s'allumer une cigarette. Il trouvait ça complètement répugnant de fumer avant de dormir, mais personne dans le dortoir ne lui fit de commentaire, alors il préféra se taire.

Pansy fuma toute sa cigarette jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un morceau brûlé entre ses doigts, qu'elle écrasa dans le cendrier, puis s'allongea.

Elle ferma les rideaux d'un coup de baguette sans dire bonne nuit aux autres et jeta un sortilège de silence en même temps. Puis, elle s'allongea, et caressa lassement le bras de Drago sous la couette. Mais il était bien trop perturbé pour y porter la moindre attention. Est-ce que Granger souffrait encore ? Il ne connaissait pas les effets réels de ce sort, en réalité, il l'avait jeté sans savoir ce qu'il allait causer.

"À quoi tu penses ?" demanda doucement Pansy, le sortant de ses pensées brutalement.

"Rien."

Il y eut un silence, puis Drago lui demanda :

"Tu connaissais le sort de Dentesaugmento ?"

Pansy retira vivement sa main du bras de Drago.

"Non. Pourquoi ?"

"C'est le sort que j'ai lancé à Potter."

"Tu ne savais pas que ça faisait agrandir les dents ?" demanda Pansy.

Drago évita de se tourner vers elle et lui répondit honnêtement :

"Si, je veux dire, je connaissais le principe, je ne pensais pas que ça serait si… littéral."

Il repensa aux dents de Granger qui avaient poussé jusqu'à son col et ses yeux pleins de larmes.

"Tu as peur qu'elle te dénonce, c'est ça ?" questionna Pansy.

Drago réalisa qu'il n'avait jamais envisagé le fait d'être puni pour ça. Il avait tellement ressassé son geste encore et encore dans sa tête depuis l'après-midi qu'il avait oublié que c'était interdit, et qu'il risquait une punition. En réalité, il s'en fichait éperdument. Aucune punition infligée par un professeur ne pouvait être aussi pénible que la culpabilité qu'il ressentait à cet instant.

"Non, pas vraiment."

Pansy haussa les épaules, puis ajouta d'un ton amer :

"C'est drôle que ce sort ait ricoché et qu'il ait atteint Granger, parce que c'était très approprié. Je suis sûre qu'elle a un complexe dessus. Moi, je l'aurais, à sa place."

Drago tourna la tête vers sa meilleure amie. Son visage reflétait le ton acerbe qu'elle venait d'employer. Drago ne l'avait jamais vraiment remarqué, mais Pansy avait toujours été particulièrement véhémente envers Granger. Là, c'était clair, elle était jalouse. Ses grands yeux sombres étaient plissés dans une grimace de haine.

Il réalisa qu'il comprenait pourquoi. Pansy prenait des heures à se rendre parfaite, à soigner son apparence dans les moindres détails, alors que Granger était naturellement jolie. Granger était solaire, et Pansy était de glace. C'était sûrement pour ça qu'elle avait tant de rancœur envers elle.

Heureusement, elle s'arrêta de parler et le lit devint silencieux. Drago se questionna encore sur Granger et les effets de son sort, puis abandonna en se disant que de toute façon, ça ne servait à rien d'émettre des hypothèses plus dramatiques les unes que les autres. Il le saurait le lendemain, à la Bibliothèque. Il se tourna dans son lit pour tenter de s'endormir et décala légèrement le rideau de son lit à baldaquins pour observer l'heure sur son réveil :

00h07.

"Au fait, bon anniversaire, Pans'." murmura Drago.

"Merci." répondit-elle d'une voix ensommeillée.

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"Joyeux anniversaire, Pans' !" s'exclamèrent Théo et Blaise le lendemain.

"Merci les garçons." dit-elle avec un sourire. "Je vois que vous n'avez pas oublié…"

"Comment pourrions-nous oublier ?" fit remarquer Blaise. "Ce n'est pas comme si tu avais noté la date à l'encre ineffaçable dans tous nos cahiers."

Le sourire de Pansy s'élargit encore plus.

"On va prendre le petit-déjeuner ?" proposa Théo.

Ils se tournèrent vers Drago, qui était toujours silencieux. Il n'avait pas envie de se lever, et n'avait absolument pas faim, mais hocha tout de même la tête à l'adresse de ses amis :

"J'arrive."

Ils attendirent qu'il ait fini de se préparer pour sortir du dortoir, puis de la Salle Commune, et entrèrent dans la Grande Salle. Quand ils prirent place à leur siège habituel, Drago fut étonné d'entendre le nombre de personnes souhaiter un bon anniversaire à Pansy. Il n'avait pas remarqué qu'elle était si populaire auprès des Serpentards, probablement grâce aux nombreuses soirées auxquelles elle avait assisté.

"Merci tout le monde !" lança Pansy.

Elle avait mis un ruban rose dans ses cheveux, qui tombait élégamment sur ses épaules. Elle avait aussi coupé sa frange elle-même, pour qu'elle entoure plus ses yeux noirs.

La Grande Salle était beaucoup plus vide que d'habitude en ce samedi matin. Drago remarqua que Granger n'était pas à table, ni Weasley, ni Potter. Il se demanda si elle était toujours à l'infirmerie, ou si elle avait pris son petit-déjeuner plus tôt.

Il grignota un quartier de pomme, quand soudain, une centaine d'hiboux s'engouffrèrent par les fenêtres de la Grande Salle. Drago vit Pansy jeter un coup d'œil plein d'espoir vers eux, mais aucun ne se posa devant elle. Son père ne lui avait pas écrit pour son anniversaire, et même si c'était la quatrième année consécutive qu'il ne le faisait pas, elle semblait toujours aussi déçue.

Théo dû remarquer sa peine parce qu'il lança :

"Tiens, la Gazette du Sorcier. Alors, c'est quoi, ton horoscope du jour, qu'on rigole un peu ?"

Pansy fit un petit sourire et déballa le journal :

"Scorpion - Mettez vous en valeur, c'est une journée très importante pour vous. Vous serez tellement occupée que vous ne verrez pas le temps passer. Attention à ne pas trébucher, vous pourriez vous infliger une blessure particulièrement douloureuse."

Théo éclata de rire :

"Ah oui, parce que c'est vrai que demain, tu n'as plus du tout besoin de faire attention à ça."

"Je vois bien ce que tu essaies de faire, Théodore." répondit-elle d'un ton mystérieux. "En réalité, tu es vraiment intéressé par mon horoscope, mais tu n'oses pas l'avouer parce que tu as trop craché dessus, j'ai pas raison ?"

"Mais oui, bien sûr…" répondit-il.

"Tu veux que lise le tien, c'est ça ?"

"Non, ça va…"

"Vierge." coupa Pansy, ce qui fit rire Théo. "Profitez de cette journée calme pour vous reposer, parce que vous semblez un peu surmené en ce moment. Si vous êtes en couple, profitez de cette pause pour montrer à votre partenaire à quel point vous tenez à elle ou lui. Et n'oubliez pas d'aller couper vos cheveux, parce qu'ils deviennent vraiment trop longs."

"N'importe quoi, c'est toi qui a ajouté ça !" s'indigna Théo.

"Non !" s'exclama Pansy en lui fourrant le journal sous le nez. "Regarde, c'est Rita Skeeter qui l'a écrit ! C'est elle qui rédige les horoscopes, je l'adore."

"Elle n'a pas tort, Théo." pointa Blaise qui mangeait ses œufs, amusé par la conversation. "Tes cheveux n'ont jamais été aussi longs."

Théo passa une main dans sa masse de cheveux bouclés et châtains, qui tombaient presque devant ses yeux tant ils étaient longs.

"Je les aime bien comme ça. Et ce n'est certainement pas Rita Skeeter qui va m'empêcher de les faire pousser à ma guise." trancha-t-il.

Drago ricana, surtout en voyant l'air indigné de Pansy.

Après le petit-déjeuner, Drago passa la matinée avec ses amis. Il était content d'être avec eux, mais au fond de lui, il avait hâte d'aller à la Bibliothèque. Si Granger était sortie de l'infirmerie, il était pratiquement sûr de la trouver là-bas. Il pensait y aller pendant l'après-midi, ne voulant pas attirer les soupçons sur lui en s'absentant toute la journée d'anniversaire de Pansy.

Au déjeuner, Pansy souffla sur les bougies que Blaise avait planté dans un petit muffin et se fit applaudir par une bonne partie de la table. Puis, ils lui donnèrent leur cadeau : Blaise lui offrit un livre de Divination intitulé "Les Scorpions dans les Étoiles", et Théo un cendrier en argent sculpté.

"Comme ça, tu arrêteras de foutre des cendres sur le parquet du dortoir." dit-il d'un ton moqueur.

Drago lui tendit ensuite le sien, qu'elle déchira avec excitation. Puis, elle poussa un petit cri de joie en voyant ce que c'était : un kit avec plein de lotions et de crèmes. Drago avait remarqué qu'elle s'arrêtait souvent devant la vitrine du Chemin de Traverse pour le contempler. Et en plus, Drago avait ajouté un rouge à lèvres noir onéreux.

"Merci Drago, ça me fait trop plaisir !"

Il sourit. Il savait qu'elle adorait les cadeaux, surtout ceux choisis avec soin pour elle. Elle avait gardé précieusement tous les présents qu'il lui avait offerts, même les plus nuls.

La conversation dévia vers un autre sujet, une soirée prévue bientôt, et Drago en profita pour regarder à la table des Gryffondors discrètement. Granger n'était toujours pas là, brillant par son absence grâce à son siège habituel qui était vide. Weasley était là, cependant, mais avait l'air particulièrement maussade.

"Dray, entraînement ?" proposa Blaise en se levant de table.

"Euh… Non, je ne peux pas, je dois faire quelque chose." répondit-il.

Son meilleur ami fronça les sourcils :

"Ah bon ? Quoi donc ?"

"Je dois absolument finir un devoir, je suis super en retard. Ça va sûrement me prendre toute l'après-midi. Mais on se voit ce soir, ok ?"

Blaise acquiesça. Pansy avait l'air déçue, mais elle ne dit rien, et Drago s'éclipsa rapidement.

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Hermione


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Hermione était de très mauvaise humeur. Elle avait faim, mais ne pouvait rien manger à cause de ses dents trop sensibles, elle était agacée du comportement de Ron qui insistait lourdement sur sa dispute avec Harry, et surtout, elle avait du mal à réviser. Le chapitre de Métamorphose qu'elle voulait lire n'était pas assez intéressant pour empêcher ses pensées de partir dans tous les sens.

Elle était arrivée à la Bibliothèque de bonne heure, et avait fait exprès de poser son sac sur le siège en face d'elle et d'occuper la plupart de l'espace de la table avec ses nombreux parchemins. Elle avait même demander à Harry de se joindre à elle (pour empêcher Malefoy de s'asseoir), mais il avait refusé.

Son ventre gargouilla, alors elle but une gorgée de thé pour calmer sa faim. Penchée sur son livre de Métamorphose, elle feigna de lire encore un peu, se demandant vaguement si elle n'allait pas plutôt aller réviser dans la Salle Commune, quand elle entendit des pas à côté de sa table. Sans même relever la tête de son livre, elle savait déjà de qui il s'agissait. Elle reconnaissait dans ce bruit la démarche vaniteuse de Drago Malefoy.

Il se posta devant la chaise en face d'elle mais elle ne leva toujours pas la tête et marmonna :

"Dégage, Malefoy."

"Granger, il n'y a pas une seule place de disponible."

"Je m'en fous, Malefoy. Va autre part, je ne veux pas te parler."

"Oh, arrête un peu. Je n'ai pas fait exprès de te jeter le sort, tu le sais très bien."

Cette fois-ci, elle plongea méchamment son regard dans le sien :

"Le problème, c'est que tu aies jeté ce sort en premier lieu, Malefoy."

Il était encore habillé tout en noir, et il avait les cheveux un peu plus aplatis que d'habitude, comme s'ils avaient été écrasés par un bonnet. Peut-être était-il allé dehors dans le froid quelques minutes plus tôt.

"Je visais Potter." grommela-t-il.

Son regard gris était perçant. Hermione hocha plusieurs fois la tête :

"Et c'est censé me rassurer ?" demanda-t-elle ironiquement.

Soudain, les yeux de Malefoy s'agrandirent dans une expression de choc qui ne lui ressemblait pas du tout. Hermione en fut tellement décontenancée qu'elle abandonna son air indigné pour froncer les sourcils :

"Quoi ?"

"Granger, qu'est-ce que tu as fait à tes dents ?!"