Hermione


.
.

"Granger, qu'est-ce que tu as fait à tes dents ?!"

Hermione leva une main automatique vers ses dents et posa ses doigts dessus, comme pour vérifier qu'elles étaient toujours bien là. Elles l'étaient, mais toujours aussi sensibles et courtes.

"Tu veux dire, depuis que tu les a allongées d'un mètre ?" dit-elle sarcastiquement.

"Non, elles ne sont pas pareilles qu'avant !"

Il semblait profondément choqué et ne quittait pas du regard la bouche d'Hermione, ce qui la mettait un peu mal à l'aise. Elle était tellement abasourdie qu'elle remarqua à peine le fait que Malefoy avait déplacé le sac d'Hermione et prit place en face d'elle.

Il avait visé juste. Hermione était tout simplement stupéfaite de voir que Malefoy avait remarqué le changement sur ses dents alors que personne ne lui avait fait le moindre commentaire depuis la veille. Ni Harry, ni Ron, ni Neville, ni Lavande, ni Parvati, ou n'importe qui d'autre. Il était le seul à l'avoir vu.

"Je les ai fait raccourcir." expliqua-t-elle.

"Quoi ? Mais pourquoi ?"

"Parce que je n'allais pas laisser ces affreux trucs dans ma bouche !"

"Non mais je veux dire, pourquoi ne pas les avoir laissées à la même taille ?"

Elle haussa vaguement les épaules.

"Je sais pas, je me suis dit que je pouvais profiter de ton affreux sort pour les réduire un peu."

Hermione n'arrivait pas à réaliser qu'elle était en train de parler de ça avec le garçon qui lui avait jeté le sort en question. Il plissa les yeux, toujours fixés sur sa bouche quand elle parlait, comme s'il jugeait son changement physique.

Elle avait préparé tout un discours dans sa tête au cas où il oserait venir à sa table, mais il s'effaça subitement de son esprit quand il se retrouva en face d'elle.

"Ça t'a fait mal ?" demanda-t-il, un peu plus doucement.

"Pourquoi, tu serais heureux si c'était le cas ?"

Il leva les yeux au ciel.

"Oui, j'adore écouter le récit de mes victimes après leur avoir infligé un sort d'agrandissement des dents, c'est bien connu."

Elle faillit sourire malgré elle.

"Oui, ça m'a fait mal." avoua-t-elle. "Et depuis que Madame Pomfresh les a remis à la même taille, elles sont très endolories, donc je ne peux boire que des thés et des soupes."

Il l'observa encore un peu, visiblement en proie à une réflexion intérieure intense. Gênée, elle balaya ses parchemins du regard pour éviter de le regarder de nouveau. Après de longues minutes de silence assez embarrassant, elle crut alors entendre un murmure :

"Je suis désolé."

Elle pensait avoir rêvé. Ça ne pouvait pas être Drago Malefoy qui venait de dire ça. Mais quand elle le regarda de nouveau, elle vit sur sa tête une expression penaude qu'elle n'avait jamais vu jusqu'alors.

"Pardon ?"

"Je suis désolé." répéta-t-il, toujours aussi bas. "Je ne voulais pas te jeter le sort, il a ricoché."

Hermione hésita un instant, puis détourna les yeux du visage de Malefoy.

"Tes excuses ne changent rien. Même si tu ne voulais pas me blesser, tu l'as fait quand même. Et tu voulais faire souffrir Harry, le fait que ça a été détourné sur moi ne change rien à tes intentions."

"Je sais." grinça-t-il.

"Pourquoi as-tu fait ça ?" demanda-t-elle. "Qu'est-ce qui t'as poussé à faire ça ?"

"Il m'a provoqué." se défendit Malefoy.

On aurait dit un enfant qui boudait. Elle s'impatienta :

"N'importe quoi. C'est toi qui l'a énervé. Tu as inventé ces badges horribles, qui sont par ailleurs inspirés de mon association, et tu m'as insultée devant lui. Tu ne mérites pas mon pardon."

"Je sais !" s'énerva-t-il.

Il avait un peu haussé le ton, comme s'il s'était senti humilié. Hermione fit les gros yeux et regarda autour d'elle pour vérifier que personne ne pouvait voir d'où provenait l'éclat de voix, mais heureusement, les bibliothèques autour d'eux les cachaient.

"Comment veux-tu que je te pardonne avec autant de torts à ta charge ?" siffla Hermione entre ses dents.

"Je… Je ne sais pas…"

Il bégayait un peu, gêné, se passant une main dans les cheveux en signe de frustration. Hermione eut alors une idée :

"Explique-moi sincèrement ce qui t'es passé par la tête à ce moment-là, et peut-être que je te pardonnerais."

"Quoi ? Pourquoi ?" demanda-t-il, surpris.

Hermione haussa les sourcils, attendant une réponse. Malefoy soupira bruyamment :

"Tu es tellement curieuse, Granger."

Pourtant, il réfléchit longuement à la question, ses yeux gris résolument fixés sur la table. Sa mâchoire était contractée, elle pouvait le voir de là où elle était assise.

"Parfois…" commença-t-il d'une voix hésitante. "Parfois, je ressens des élans de colère. Je ne sais pas trop pourquoi, mais ça me paralyse complètement, comme si j'étais dans une sorte de… transe ?"

Hermione l'écouta attentivement. C'était très rare d'entendre Malefoy s'exposer de la sorte, et vu comment il cherchait ses mots, ce n'était pas un sujet facile pour lui. Elle le laissa continuer tranquillement, sans le presser :

"Ça m'arrive souvent, plus souvent qu'avant. Et ça me fait faire des choses incontrôlées, ou dire des choses impulsivement sans réfléchir. Et… Je sais pas, je n'arrive pas à m'empêcher de les ressentir, comme si… Comme si j'en avais besoin pour vivre ?"

Il s'interrompit et se résolut à observer la réaction d'Hermione, qui n'avait pas cillé. Il continua, abrégeant sa confession :

"En tout cas, je n'avais pas prévu de te toucher avec mon sort. En réalité, je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça. C'était impulsif."

"J'ai du mal à y croire." avoua Hermione. "Est-ce que ça veut dire que je suis censée te pardonner, alors que tu risques de me rejeter un sort en utilisant tes accès de colère en guise de justification ?"

"Non !"

Ils se regardèrent, elle de manière posée et calme, lui complètement agité. Puis, il parut se souvenir de quelque chose :

"Tu te souviens, quand j'ai parié avec toi que je te battrais à l'examen de potions, l'année dernière ?"

"Oui, mais je ne vois pas en quoi…" commença-t-elle, surprise.

"Je te propose un deal." coupa-t-il. "Tu m'avais mis au défi, si je perdais, de ne plus jamais insulter Weasley ou Potter. Alors, je te propose ça : je n'insulte ni Potter, ni Weasley, ni toi pendant un mois. Et en échange, j'ai le droit de m'asseoir à cette table. Ça te va ?"

"Un mois ? Tu ne vas pas mourir dans ton sommeil sans avoir proféré d'insultes pendant aussi longtemps ?" demanda-t-elle sarcastiquement.

"Ça va être difficile." concéda Malefoy avec l'ombre d'un sourire. "Mais je peux essayer. C'est d'accord ?"

"Je ne te pardonne pas pour autant."

"D'accord."

Malefoy tendit sa main par-dessus la table, attendant qu'elle la serre. Elle hésita encore un peu, puis finit par le faire. Il se recula sur sa chaise, soudain satisfait de lui. Hermione n'avait plus aucune idée de ce qu'elle voulait lui reprocher avant qu'il n'arrive.

Il sortit un livre pour étudier. Hermione se sentait un peu stupide d'être passée à autre chose aussi rapidement, elle était supposée lui en vouloir.

Ils se mirent au travail en silence. Malefoy avait sorti son manuel de Métamorphose également, ils devaient être en train de lire le même chapitre. Ils ne parlaient pas, mais de temps en temps, Hermione jetait un coup d'œil discret dans sa direction, qu'il ne remarquait pas.

Il ressemblait à une statue de pierre, parce qu'il ne bougeait pas d'un centimètre, ainsi adossé à la table de la bibliothèque, contrairement à Hermione qui n'arrêtait pas de gesticuler sur sa chaise.

Elle sirota son thé distraitement, et grimaça un peu quand l'eau brûlante entra en contact avec son émail fragilisé. Malefoy s'enquit :

"Ça fait mal ?"

"Un peu."

Il sembla un peu tracassé par ça, alors elle changea de sujet pour apaiser sa conscience :

"Au moins, tu m'as fait économiser une opération."

"Une opération ?" répéta-t-il sans comprendre.

"J'ai toujours voulu me faire raccourcir les dents, mais chez les moldus, c'est une intervention très coûteuse et handicapante. Mes parents ne vont pas être contents, mais je suis soulagée de ne pas avoir eu à le faire avec eux."

Il avait froncé les sourcils, à la fois dépassé et curieux.

"Pourquoi est-ce qu'ils ne seraient pas contents ?" demanda-t-il.

"Ils sont dentistes." expliqua-t-elle. "Ce sont des médecins spécialisés dans les dents. Ils ont toujours refusé que je fasse ça."

Malefoy absorba ses explications, troublé. Il avait l'air un peu perdu, mais ne fit pas de commentaire sur l'origine de ses parents et se contenta de répondre :

"Si ça peut te rassurer, la mère de Goyle ne va pas être ravie de son nouveau nez non plus. On dirait un champignon vénéneux."

Elle ne put s'empêcher de rire en entendant ça, et il sourit très légèrement avant de retrouver son visage de marbre. Il continua de lire et Hermione fit de même, et ils se plongèrent tous les deux dans un silence concentré.

.
.


Drago


.
.

Granger était tellement captivante quand elle travaillait. Même si le chapitre de Métamorphose était intéressant, Drago n'arrêtait pas de s'interrompre dans sa lecture pour observer Granger du coin de l'œil. Il pouvait voir l'exact moment où elle basculait dans la concentration, le moment où tout s'effaçait autour d'elle et qu'elle entrait dans sa frénésie de travail. Soudain, elle devenait comme gluée au texte qu'elle lisait, complètement insensible au monde extérieur.

Elle avait des sortes de tics, aussi. Quand elle lisait, elle poussait des mèches de cheveux rebelles devant ses yeux dans un geste robotique. Parfois, elle passait ses doigts sur la page, sur une ligne précise qui l'intéressait. Et surtout, elle oscillait sur sa chaise en permanence, s'appuyant sur une jambe, puis l'autre, en avant, en arrière, sans pour autant quitter le livre des yeux.

C'était un spectacle vivant, et Drago était subjugué. Il ne comprenait pas comment on pouvait être aussi impliquée dans un texte sur les propriétés des écailles maritimes.

Elle ne voyait pas ses regards en biais. Ses sourcils étaient froncés et ses mèches de devant étaient coincées derrière ses oreilles pour ne pas l'empêcher de lire.

Au bout d'un moment, elle sortit un parchemin de son sac et commença à écrire quelques notes sur ce qu'elle lisait, probablement en guise de fiches de révisions. Peut-être les relisait-elle avant de dormir ? Drago était désormais persuadé qu'il serait incapable de la dépasser en cours, elle était bien trop organisée.

Après de longues minutes de plume qui gratte contre le papier, Drago entendit les talons de Madame Pince retentir dans la Bibliothèque. Il leva la tête vers les fenêtres et fut stupéfait de constater qu'il faisait nuit dehors. La Bibliothèque allait fermer, alors que Drago avait l'impression de n'avoir passé que quelques minutes ici.

"Granger ?"

Sa voix mit du temps à s'insinuer dans la concentration de Granger, mais elle finit par lever la tête. Pendant un instant, elle eut l'air d'oublier que Drago était là aussi.

"Oui ?"

Il pointa du doigt la fenêtre :

"Ça va fermer."

"Déjà ?!" s'exclama-t-elle, les yeux ronds.

Elle posa sa plume et termina d'une traite le thé posé à côté d'elle, qui devait probablement être froid. Drago rangea ses affaires. Il n'avait pas envie de se faire voir par les autres en compagnie de Granger, mais heureusement, il ne restait plus personne à la Bibliothèque, mis à part Madame Pince et Viktor Krum.

D'habitude, il partait rapidement sans dire au revoir, mais cette fois-ci, il attendit que Granger range son sac à son tour. Elle rangea d'abord ses cahiers, ses parchemins, puis ses plumes, sa tasse, sa baguette, ce qui prit un temps fou. Enfin, elle s'éloigna de la table.

Elle ne parut pas surprise de voir Drago l'accompagner. En passant à côté de lui, Viktor Krum releva la tête et regarda les deux partir, comme s'il hésitait à leur dire quelque chose, avant de se raviser. Drago avait hâte de raconter ça à Blaise. Il serait sûrement jaloux.

Granger et Drago se retrouvèrent dans les couloirs du Château. Il n'y avait plus de bruit, tout le monde devait être dans leurs Salles Communes pour faire la fête. Un samedi soir, personne ne traînait là.

"Alors, il y a la fête, dans la Salle Commune des Serpentards ?" demanda Granger.

Il sourit : elle n'avait pas idée.

"Ouais. Mais probablement pas le même genre que celles des Gryffondors." dit-il, moqueur.

Elle ne releva pas la pique et haussa simplement les sourcils :

"C'est vrai ?"

Il se tourna vers elle. Elle avait l'air sincèrement curieuse, elle l'écoutait parler comme si chaque information qu'il dévoilait était précieuse. Comme ça, elle avait l'air tellement innocente.

"Ouais."

Drago n'était pas bavard dans la vie, mais c'était d'autant plus flagrant quand il était avec Granger. Elle avait un flot de paroles et de questions en continu.

Ils continuèrent de marcher. Granger avait l'air de bonne humeur, beaucoup plus que l'année précédente. Elle paraissait reposée, mais Drago pouvait tout de même percevoir le stress qu'elle ressentait, probablement à cause du Tournoi des Trois Sorciers qui approchait. Elle s'arrêta en bas des escaliers et fronça les sourcils en voyant Drago continuer son chemin :

"Tu ne descends pas aux cachots ?" demanda-t-elle.

"Non."

Il continua de marcher, mais il dû s'arrêter quand elle continua son interrogatoire :

"Ah bon ? Tu vas où ?"

"Tu es préfète, Granger ?" demanda-t-il sarcastiquement.

Elle se rapprocha de lui, les sourcils froncés et la tête haute. Comme ça, elle avait vraiment l'air d'une préfète. Ce qui était drôle, c'était qu'il la dépassait d'au moins une tête.

"Non, mais je compte bien le devenir. Et l'heure du couvre-feu est déjà passée." fit-elle remarquer.

Elle avait sa voix aiguë qu'elle prenait quand elle faisait un reproche, ou quand elle étalait sa science.

"Je vais me promener dans le parc du Château." dit-il. "J'aime bien faire ça avant de dormir. Tu as fini, avec ta curiosité malsaine ? Je peux y aller, préfète ?"

"Oh." couina-t-elle, perdant tout de suite son expression trop sérieuse.

Il tourna de nouveau les talons, et faillit ne pas entendre la petite voix de Granger dans son dos lui demander :

"Je peux venir ?"

Il se retourna. Elle se tenait là, ses cheveux bouclés qui caressaient ses joues, dans son uniforme de Gryffondor, se triturant les doigts comme si elle venait de lui demander l'impensable. Elle le fixait, attendant une réponse, ses yeux chocolats brûlants.

Il ne savait pas quoi dire. Réviser ensemble à la Bibliothèque était une chose, traîner avec elle en dehors en était une autre. Si quelqu'un venait à les surprendre sur un banc, dehors, il n'aurait plus aucune excuse.

Il passait beaucoup de temps sur ce banc à observer les fenêtres de Poudlard s'éteindre les unes après les autres, et il n'avait jamais été accompagné pour le faire. Il avait toujours menti quand ses amis lui demandaient ce qu'il faisait, le soir.

Pourtant, il se rendit compte qu'il n'avait pas envie d'être seul, à cet instant.

Alors, il marmonna :

"Tu vas avoir froid."

Elle ébaucha un sourire, un vrai sourire rayonnant, et s'empressa de fouiller dans son sac :

"C'est pas grave, j'ai de quoi me réchauffer."

Elle sortit un gros pot de confiture vide et pointa sa baguette dessus. Elle murmura un sort et soudain, une gerbe de flammes bleues illuminèrent le fond du pot, qu'elle referma avec le couvercle et serra dans ses deux mains. Elle expliqua :

"C'est un pot de confiture de ma maman. Elle m'en envoie souvent. Quand je les termine, j'utilise le sort des flammes bleues pour me réchauffer pendant l'hiver. Tu en veux un aussi ?"

"Non."

Granger fronça les sourcils en entendant ce refus sec, alors il ajouta :

"J'aime bien le froid."

Il se retourna pour aller dans la cour du Château et entendit la Gryffondor trottiner derrière lui.

"Tu viens souvent, ici ?" demanda-t-elle.

Cette fille ne s'arrêtait jamais de parler.

"Oui."

"Tu te balades ?" demanda-t-elle en contemplant le parc qui s'étendait sous leurs yeux.

"Non, généralement je m'assois là."

Il s'assit sur son banc habituel et Granger fit de même. C'était assez étrange d'être dans un endroit si familier avec quelqu'un d'autre, comme si elle envahissait un peu son espace. Il ne dit rien et fourra ses mains dans ses poches.

"Et… C'est tout ?" demanda-t-elle au bout d'un moment.

Il ricana.

"Ouais. Pourquoi ?"

Elle était déjà en train de gigoter sur sa partie du banc. Il pouvait passer des heures en étant immobile, à réfléchir. Mais Granger en était incapable, elle avait ce besoin obsessionnel de faire quelque chose, au risque de s'ennuyer. Elle posa le pot de confiture sur ses jambes et mit ses mains devant pour les réchauffer.

"Comme ça. Tu ne t'ennuies pas ?"

"Non. Je viens là pour me poser et réfléchir un peu."

"À quoi tu réfléchis ?"

Il ferma les yeux quelques secondes. Peut-être que ça n'avait pas été une si bonne idée de l'avoir invitée sur son banc.

"Merlin, Granger, comment Weasley et Potter peuvent-ils supporter tes centaines de questions par minute ?"

Il pensait l'avoir blessée, mais étonnamment, elle sourit un peu.

"Je pense qu'ils se sont habitués."

Puis, elle perdit son sourire et son regard alla se perdre contre la façade du Château. Elle murmura :

"Ou alors, ils n'ont pas le choix."

Il comprit qu'elle faisait référence au fait que Potter et Weasley ne se parlaient plus depuis quelque temps. Dès qu'il les voyait, c'était soit elle et Potter, soit elle et Weasley. Ils s'ignoraient royalement depuis l'annonce de Potter dans le Tournoi.

"C'est pour ça qu'ils ne se parlent plus ?" demanda-t-il d'un ton moqueur. "C'est parce que tu les a trop fatigués avec ta curiosité maladive ?"

Il reprenait son terme "maladive" qu'elle avait employé, une fois, en parlant de sa jalousie. Cette phrase n'avait pas cessé de tourner dans sa tête depuis.

"Non. Et toi, ils n'en ont pas marre, tes amis, que tu sois aussi silencieux et fermé ?" répliqua-t-elle.

"Je ne suis pas fermé, je suis mystérieux." dit-il avec un petit sourire.

"Ah, c'est ce que tu dis à Pansy Parkinson ?"

"Je n'ai pas besoin de lui dire, elle le sait déjà. Elle ne me pose pas cinq cents questions par minute, elle."

"Et bien, désolée." répondit Granger de son air fier. "Si tu veux qu'on devienne amis, tu vas devoir apprendre à t'ouvrir un peu plus aux autres, Malefoy."

Ce dernier s'esclaffa :

"Amis ? Depuis quand est-ce que je veux qu'on devienne amis ?"

Granger ne se dégonfla pas :

"On révise ensemble tous les jours, on passe du temps ensemble sur un banc, on parie, on discute, et tu m'as même demandé de te pardonner. C'est ce qu'on appelle de l'amitié."

"Je ne savais pas qu'il y avait des règles." dit-il avec un rictus.

"C'est évident. Je te vois plus que Ron et Harry, en ce moment."

Il la voyait plus que Pansy, Blaise et Théo, mais il ne voulait pas l'admettre.

"Et tu penses que Potter et Weasley seront contents de ta nouvelle amitié ?" demanda-t-il d'un ton froid.

Cette fois-ci, Granger se referma complètement, tout espoir venant subitement de s'écraser.

"Ils ne comprendront pas." dit-elle dans un murmure. "Et ils auraient sûrement raison, je veux dire, tu m'as jeté un sort pas plus tard qu'hier, après m'avoir insultée pendant trois ans." grommela-t-elle.

"Alors, s'ils ont sûrement raison, pourquoi tu t'obstines à rester avec moi ?" demanda-t-il.

Il faisait semblant d'être désintéressé, mais en réalité, il mourrait d'envie de connaître la réponse à cette question.

"Je ne sais pas." avoua-t-elle. "Peut-être que tu n'es pas aussi atroce qu'on ne le pense."

"Je pense que tu as tort."

Granger leva les yeux au ciel.

"Tu veux persuader tout le monde autour de toi que tu es méchant, mais en réalité, je pense que tu as vraiment besoin d'amis."

"Non. J'ai trois amis, et ils me suffisent amplement."

"Trois amis ? Parkinson, Zabini et Nott ?" devina-t-elle.

"Oui."

"Je ne pensais pas que tu les considérais comme des amis."

Il fronça les sourcils :

"Ce sont mes meilleurs amis." corrigea-t-il.

"Ça ne se voit pas vraiment. On dirait qu'eux trois sont amis, et que toi, tu traînes avec eux sans le vouloir."

"Si tu penses ça, c'est que tu es une très mauvaise observatrice, Granger." dit-il, légèrement irrité.

"Ron et Harry pensent que tes meilleurs amis sont Crabbe et Goyle." dit-elle, comme pour lui montrer qu'elle était meilleure qu'eux.

Il éclata de rire :

"Quoi ? Vraiment ?"

"Oui. Mais ça, je sais que c'est faux." dit-elle, les yeux brillants de malice. "Je sais que tu les utilise comme larbins, pour faire ton sale travail, probablement celui que tes amis ne veulent pas faire avec toi. Je sais que Parkinson est ton amie d'enfance, que vous êtes très proches, vous passez tout votre temps ensemble, peut-être même que vous habitez à côté l'un de l'autre. Je sais que Zabini est un ami d'enfance aussi, et que lui non plus ne parle pas beaucoup, c'est peut-être pour ça que vous vous entendez bien. C'est toujours vers lui que tu te tournes quand tu ris ou quand tu apprends quelque chose d'intéressant. Et enfin, je sais que tu connais Nott que depuis la première année, et qu'au début, tu ne l'aimais pas beaucoup, mais qu'avec les années vous vous êtes rapprochés et que c'est devenu un ami à qui tu peux parler quand tu as besoin, parce que c'est le plus tolérant des trois. J'ai raison ?"

Il regarda Granger, subjugué. Elle avait eu bon sur toute la ligne, du début, à la fin. Il l'avait mal jugée : elle était très observatrice, il n'avait aucune idée de comment elle avait pu deviner tout ça.

"Euh, ouais, pas mal."

Elle se repositionna sur le banc, visiblement fière d'elle. Elle ne laissa pas le silence les envelopper, cependant, parce qu'elle enchaîna directement :

"Et je sais aussi que tu as arrêté de parler à Parkinson pendant un moment, l'année dernière."

"Et tu sais pourquoi ?"

Elle fronça les sourcils.

"Non. Pourquoi ?"

"Bien essayé." répondit-il simplement.

Il n'avait aucune envie de lui dire que Pansy avait des sentiments pour lui. Elle sourit légèrement.

"Tu vois, fermé. Pas mystérieux."

"Et toi, trop curieuse."

Elle tapotait contre le verre du pot, sans cesser de se dandiner sur le banc. Au bout d'un moment, il devina :

"Stressée, Granger ?"

Elle arrêta de bouger, comme s'il avait réussi à la démasquer, alors que c'était plutôt évident.

"Je sais pas, tu ne serais pas stressé si un de tes amis se retrouvait dans le Tournoi ?" demanda-t-elle.

"Non, parce que cet ami m'aurait dit avoir mis son nom dans la Coupe. Il aurait pesé le pour et le contre avant." asséna Drago.

"Je te dis qu'Harry n'a pas mis son nom dans la Coupe !"

"Bien sûr. C'est pour ça que Potter ne parle plus à Weasley ?"

Granger s'apprêta à parler, mais se retint au dernier moment et plissa les yeux de méfiance :

"Si je te le raconte, est-ce que tu vas le balancer devant eux pour les blesser ? Est-ce que tu vas utiliser ce que je dis pour te moquer d'eux ?"

"Non."

Elle était toujours méfiante.

"Comment je peux te faire confiance ?"

"J'ai fait un deal avec toi que je ne les insulterai pas pendant un mois."

"Tu crois vraiment que je ne suis pas assez expérimentée en Malefoy pour savoir que tu risques de le faire quand même sans les insulter, pour contourner ta promesse ? Ou que tu le fasses après un mois ?"

Drago sourit sans la regarder. Effectivement, elle connaissait ses stratagèmes tordus.

"Ok, alors laisse tomber, ne me dis rien."

Il pouvait voir qu'elle avait envie d'en parler, mais qu'elle était toujours méfiante. Il la laissa mijoter quelques secondes, il pouvait la voir réfléchir sans même tourner la tête vers elle.

"Donne moi ta promesse." finit-elle par dire.

"Quoi ?"

"Le truc des "chez les Malefoy, une promesse, c'est sacré", ou je sais pas quoi. Donne moi ta promesse que tu ne le répéteras pas et je te croirai."

"Je promets que je ne le répéterai pas." dit-il d'un ton monocorde.

"Ce n'est pas vraiment une question de savoir s'il a mis son nom dans la Coupe ou pas." expliqua aussitôt Granger, comme si les mots débordaient de sa bouche sans qu'elle le contrôle. "Ron est jaloux, parce qu'Harry a toute l'attention sur lui sans le vouloir, et qu'il se retrouve dans son ombre en étant son meilleur ami. Il a déjà de la concurrence dans sa propre famille, alors le fait de voir Harry se faire couvrir d'honneur en devenant Champion, ça l'a énervé et il s'est retourné contre Harry."

Drago ne fit aucun geste pour montrer qu'il écoutait ce que racontait Granger. Pourtant, il écoutait avec attention.

"Et Harry…" continua-t-elle tristement. "Harry en veut à Ron de ne pas se rendre compte qu'il ne veut pas de cette attention, que c'est un fardeau qui lui rappelle ce qui lui est arrivé quand il était petit et qu'il ne cessera jamais de se coltiner contre son gré."

Drago devait avouer que de ce point de vue là, il comprenait mieux. Les deux partis avaient leurs torts et leurs raisons, et le tout se mélangeait dans une ambiance tendue à cause des épreuves du Tournoi. Drago comprenait mieux pourquoi Granger était aussi stressée.

Il ne savait pas comment formuler ce qu'il pensait sans paraître trop impliqué là-dedans, alors il marmonna simplement :

"C'est compliqué."

Granger haussa les épaules, avide soudain de changer de sujet :

"Maintenant que je t'ai dit pourquoi Ron et Harry ne se parlent plus, tu dois me raconter pourquoi tu ne parlais plus à Parkinson l'année dernière."

"Je t'ai promis de ne rien dire, pas de te déballer toute ma vie privée au passage."

Elle fit un petit bruit impatient mais n'insista pas.

Granger grelotta soudain : il fallait dire qu'elle ne portait que des collants noirs et que la nuit était devenue glaciale. Elle contempla encore un peu Poudlard depuis l'extérieur, il pouvait voir ses yeux se balader sur les différentes fenêtres. Elle inspira plusieurs fois l'air de l'hiver. Ses joues éclairées par les flammes de son pot étaient rosées.

"Je crois que je vais aller dormir." dit-elle au bout d'un moment. "Merci de m'avoir acceptée sur ton banc. Tu avais raison, c'est bien de se poser ici et de réfléchir un peu."

Elle se leva et épousseta sa jupe.

"L'heure du couvre feu est bien dépassée, maintenant." fit remarquer Drago. "Pour une future préfète, ce n'est pas très raisonnable."

"Je trouverais bien quelque chose à dire." dit-elle avec un sourire en haussant les épaules. "Tu veux mon pot de confiture ? Tu dois être frigorifié."

C'était le cas, il ne sentait même plus ses mains. Il secoua la tête :

"Non, merci."

"Allez, je sais que tu le veux. Ne t'inquiètes pas, j'en ai plein."

Elle lui tendit le pot et en le saisissant, la sensation de chaleur fut instantanée. Elle avait visé juste. Il hocha la tête en guise de remerciement et la regarda s'éloigner pour rentrer dans le Château. Ses pas étaient feutrés par l'herbe fraîche sur laquelle elle marchait. Vers le milieu du chemin, elle tourna très légèrement la tête pour lui lancer :

"Bonne nuit, Drago."

Elle entra dans le Château et il se surprit à contempler l'endroit où elle se trouvait quelques secondes plus tôt, le cœur vacillant dans sa poitrine : c'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom.

.
.


Hermione


.
.

Hermione remonta dans la Salle Commune des Gryffondors tout doucement, mais son esprit était encore trop focalisé sur la conversation qu'elle venait d'avoir avec Malefoy pour se préoccuper de ne pas faire trop de bruit.

C'était la première fois qu'ils s'étaient parlés aussi longtemps, et c'était comme si elle avait rencontré une nouvelle personne. Elle avait du mal à lier le Malefoy méchant et insultant qu'elle connaissait avec ce garçon-là. En tout cas, une chose était sûre : elle préférait largement celui-là. Elle avait hâte d'en faire part à Ginny pour avoir son opinion, pour le moment, elle se sentait un peu perdue.

Elle ne croisa personne sur le chemin, pas même Peeves. Elle arriva devant le portrait de la Grosse Dame, murmura le mot de passe, et s'engouffra dans l'ouverture.

Il y avait une petite fête dans la Salle Commune, ce qui était assez habituel les samedis soirs. Ron n'était pas là, probablement déjà en haut, mais Harry était assis à l'un des canapés, en retrait. Elle s'approcha de lui et vit qu'il était en train de lire quelque chose.

Pendant une seconde, son coeur tomba brutalement dans son estomac en pensant qu'il était en train de lire la Carte du Maraudeur, et qu'il avait pu voir Hermione assise à côté de Drago Malefoy sur un banc. Mais heureusement, en s'asseyant à côté de lui, elle vit qu'Harry était en train de lire un livre de Sortilèges et elle soupira malgré elle.

"Salut." dit Harry en la voyant. "Je croyais que tu étais déjà montée. Où étais-tu ?"

"J'étais dehors." dit-elle évasivement.

"Dehors ?" répéta Harry, surpris.

Il avait des gros cernes sous les yeux, accentués par ses branches de lunettes noires. Même ses yeux verts, d'habitude éclatants, étaient ternis par la fatigue et le stress. Elle l'avait rarement vu aussi perturbé.

"Oui, je me baladais après être restée à la Bibliothèque."

"Si tard ?" demanda Harry, cette fois-ci vraiment étonné.

"Euh… Oui, pourquoi, il est quelle heure ?"

"22h."

Hermione ouvrit grand les yeux. Elle avait perdu toute notion du temps.

"En tout cas, je suis content que tu sois là." dit Harry en reposant son livre sur la table en face d'eux. "J'ai des nouvelles…"

Il lui tendit un bout de parchemin plié de sa poche, qu'elle déplia. Elle reconnut l'écriture de Sirius directement et parcourut les lignes qui lui donnaient rendez-vous le 22 novembre dans la Salle Commune.

"Oh Harry ! C'est super, il a sûrement des informations à te donner !"

Elle ressentait un grand soulagement à l'idée que Sirius parle à Harry, et ce dernier semblait aussi rassuré qu'elle.

"Oui. Mais comment peut-on être sûrs que personne ne remarquera Sirius ? Regarde, il reste encore tellement de monde dans la Salle Commune !"

Hermione balaya du regard les fêtards de Gryffondor qui dansaient ou discutaient autour des tables et des fauteuils. Elle enleva ensuite son manteau et sortit deux tasses de son sac, dans lesquelles elle versa du thé.

"Nous avons simplement besoin de trouver une solution pour les faire partir, si besoin. Nous devons réfléchir à un plan. Tiens, prends du thé."

Harry prit la tasse et sourit un peu en voyant que celle d'Hermione était celle qu'il lui avait offert pour son anniversaire, en septembre dernier. Il but quelques gorgées, puis ils passèrent une bonne heure à élaborer un stratagème pour rendre la voie libre à Sirius. Si quelqu'un l'aperceverait, ils seraient vraiment dans le pétrin.

"Donc," résuma Hermione à la fin de leurs murmures. "À 00h30, si je vois qu'il reste des gens dans la Salle Commune, j'annonce que j'ai entendu Professeure McGonagall venir pour les réprimander du bruit. Si ça ne marche pas, je peux faire croire aux premières années que je suis préfète et je les menace de leur enlever des points, et si ça ne marche toujours pas, j'imite la voix de McGonagall pour faire déguerpir les retardataires."

"Exactement." confirma Harry. "Et si tout ça ne marche pas, ton dernier recours sera d'utiliser des Bombabouses."

Hermione approuva d'un signe de tête. Harry s'allongea à moitié dans le canapé après avoir terminé son thé et bâilla un peu.

"Harry, je crois que tu devrais aller dormir. Tu es épuisé."

"Je n'arrive pas bien à dormir, en ce moment." dit-il d'une voix pleine de sommeil.

"À cause de Ron ?"

Il ne répondit pas, mais son silence comptait comme un "oui". Il lui rappelait le moment où elle faisait des insomnies à cause du Retourneur de Temps. Elle hocha la tête, compréhensive, et proposa :

"Tu veux un autre thé ?"

"Non, merci, je crois que je vais simplement reposer un peu mes yeux…"

Au bout de quelques minutes, la tête d'Harry roula contre son épaule. Il s'était endormi. Malgré la musique et les voix autour de lui, il dormait, la jambe enroulée contre celle d'Hermione comme pour vérifier qu'elle était toujours à côté de lui.

Elle ne bougea pas et regarda son meilleur ami dormir profondément.

.
.


Drago


.
.

Drago resta longtemps sur le banc, réchauffé par les flammes bleues de Granger qui dansaient toujours dans le pot. Il regardait les fenêtres de la tour des Gryffondors, encore allumées. Il essayait de deviner celle qui correspondait au dortoir de Granger, estimant qu'elle devait être éteinte. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était.

Il resta là longtemps, enfin tranquille dans son havre de paix. Il repensa à sa première année, avant de savoir que Granger était une née-moldue. Il l'avait trouvée en train de pleurer à cause de Weasley, dehors, et il réalisa qu'elle s'était en fait assise sur le même banc qu'il occupait actuellement.

Était-ce un hasard, ou avait-il toujours préféré ce banc parce que c'était le sien ?

Quand il repensait à cette Granger qui chouinait pour Weasley, il fut surpris de voir à quel point elle avait changé. La Granger des premières années était assez insupportable, à pleurer tout le temps, et sa voix haut perchée qu'il avait haï. Elle n'avait plus rien à voir avec ça, désormais.

Bien sûr, elle était toujours aussi chiante avec ses questions et sa voix aiguë qui ressortait de temps en temps. Elle était bien trop sérieuse, trop sensible, trop préoccupée par des trucs sans intérêt.

Mais elle avait aussi grandi. Ses réparties d'enfant s'étaient transformées en répliques cinglantes, elle s'était affirmée, elle avait pris confiance en elle. Il aimait bien passer du temps avec elle à la Bibliothèque, parce qu'elle pouvait se révéler être intéressante, parfois même drôle.

Cette constatation était bizarre. S'il était tout à fait honnête avec lui-même, il n'avait jamais cessé d'être intrigué par cette fille qu'il détestait. Mais c'était ce soir, assis sur son banc en plein milieu du parc de Poudlard, qu'il réalisa qu'il ne la détestait plus vraiment. Ce n'était pas son amie, ni son ennemie jurée, c'était juste… Granger.

Il refusa de penser à ce que ses parents pouvaient penser de ça. Il savait d'avance. Mais si Granger était remontée dans son estime, son père était bien descendu, il arrivait maintenant à voir que les valeurs de son père n'étaient pas toutes fondées. Ce qu'il avait fait à la Coupe du Monde de Quidditch le prouvait.

Drago se leva subitement pour mettre court à ses pensées sur son père. Il n'avait aucune envie de se plonger là-dedans ce soir, il voulait simplement profiter de la légèreté qu'il ressentait après avoir passé autant de temps avec Granger. Il éteignit les flammes bleues d'un coup de baguette et rangea le pot dans sa poche, puis se fraya un chemin pour rentrer à son dortoir.

Ses pas résonnaient dans le Château, alors il se hâta de rentrer sans se faire attraper. Il descendit les escaliers des cachots et marcha sur la pointe des pieds devant le bureau de Rogue au cas où il travaillerait tard, prononça le mot de passe à voix très basse et entra dans la Salle Commune.

Elle était, comme d'habitude, assez bruyante. Il n'avait toujours aucune idée de l'heure qu'il était, mais vu que les élèves étaient en train de ranger leur soirée et qu'il ne restait plus grand monde, il devina qu'il était très tard.

Il entra dans son dortoir et le trouva plongé dans le noir. Il marcha à tâtons jusqu'à son lit et trouva Pansy, faiblement éclairée par les rayons de la lune, filtrés par l'eau contre la fenêtre.

"Pans' ?" appela-t-il doucement.

Elle était appuyée contre les oreillers de son lit, stoïque, les bras croisés. Elle ne se tourna pas pour le regarder, le regard fixé droit devant elle.

Ce fut seulement quand il s'allongea dans son lit qu'elle prit la parole, la voix aussi froide qu'elle :

"C'est à cette heure là que tu rentres ?"

Drago haussa les sourcils : son ton était sec. C'était la première fois qu'elle lui faisait une remarque sur ses arrivées tardives, d'habitude, elle faisait encore la fête, ou elle dormait déjà.

"Qu'est-ce que ça peut te faire ?"

Elle se tourna vers lui, il fut étonné de voir qu'elle avait les yeux un peu brillants, comme si elle se retenait de pleurer.

"C'était ma soirée d'anniversaire, Drago." dit-elle d'un ton dur.

Il faillit se frapper le front en comprenant sa propre bêtise. Il avait complètement oublié que c'était l'anniversaire de Pansy, trop occupé à discuter avec Granger et à rester assis sur son banc ensuite.

"Ah. Euh…"

"Tu avais oublié ?" demanda-t-elle.

Elle sortit une cigarette de son paquet noir et la mit entre ses lèvres, puis agita sa baguette pour en allumer le bout. Il fut surpris de voir que sa cigarette s'embrasait sans même qu'elle prononce le sort. Elle avait déjà tellement fait ce geste qu'elle était capable de faire des sortilèges informulés, désormais.

Il se reconcentra sur leur discussion :

"Non, pas du tout. J'étais simplement parti me balader."

"Pourquoi tu n'es pas venu à ma fête ? Tout le monde était là, même Théo."

"Je n'avais pas compris que tu organisais ça ce soir, je croyais que c'était demain." mentit-il.

Elle leva les yeux au ciel et tira sur sa cigarette. Il se demanda depuis combien de temps elle l'attendait, allongée comme ça.

"Et puis, je croyais que ça allait durer beaucoup plus longtemps que ça. D'habitude, ça finit à 2h du matin, les soirées du samedi."

"Tout le monde était crevé." répondit-elle froidement.

Elle fit tomber les cendres de sa cigarette dans le cendrier que Théo lui avait offert le matin même, et qui était déjà rempli de particules noires.

"Tu t'es amusée, quand même ?" osa-t-il.

"Bof. Tu m'as manqué."

Elle écrasa son mégot dans le cendrier qu'elle reposa sur la table de nuit, puis ferma les rideaux autour d'eux. Quand elle s'allongea, Drago la prit dans ses bras. Elle se laissa faire.

"Je suis désolé de ne pas être venu. Je vais me rattraper, d'accord ?" dit-il dans un souffle.

En réalité, il avait peur qu'elle lui en veuille tellement qu'elle se remette à l'ignorer, comme à la fin de l'année précédente. Il en avait tellement peur qu'il était prêt à lui parler et lui montrer ses sentiments, le plongeant dans un état de vulnérabilité qu'elle ne connaissait que très peu.

"Tu me saoules, Drago." répliqua-t-elle, mais d'une voix beaucoup plus douce.

"Je sais. Qu'est-ce que je peux faire pour me faire pardonner ?"

Il savait déjà la réponse à cette question. Alors, sans qu'elle ait le temps de lui répondre, il la fit basculer et l'embrassa doucement. Ses lèvres étaient fraîches, il pouvait sentir l'odeur du tabac froid s'imprégner en lui, comme à chaque fois qu'il l'embrassait. Elle répondit à son baiser sur le champ.

"Sortilège de silence ?" proposa Drago.

"Déjà mis." siffla Pansy entre deux respirations.

.

.

.

.

Juste après qu'ils eurent terminé, Pansy sembla hésiter entre fumer de nouveau et s'endormir. Elle fit son choix en se blottissant contre Drago qui la prit dans ses bras aussitôt. Elle posa sa tête contre sa poitrine et Drago retira doucement le ruban qu'elle avait dans les cheveux pour les lâcher.

Ils ne dirent rien pendant plusieurs minutes, Drago était déjà presque endormi quand il entendit Pansy murmurer :

"Je t'aime."

Il se figea. C'était la première fois que Pansy prononçait ces mots. Pourtant, il le savait. Il savait ce qu'elle ressentait, il savait qu'elle avait des sentiments. L'entendre dire aussi clairement était inattendu.

Il ne savait pas quoi répondre. Elle savait qu'il l'avait entendu, il était obligé de dire quelque chose. Faire semblant de dormir n'était pas croyable, répondre autre chose que ce qu'elle voulait entendre était blessant.

Il aimait Pansy. Il l'aimait tellement. Mais pas comme elle l'aimait. Il ne connaissait pas grand chose en l'amour, mais il savait que ce n'était pas ça.

Pourtant, il répondit doucement :

"Je t'aime aussi."

C'était un mensonge.