Hermione
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Hey Hermione,
Mauvaise semaine, hein ? Je suis désolé pour ta chute, ça a dû être très douloureux de se faire casser les deux dents de devant comme ça. Tu as prévenu tes parents ? Et l'appareil dentaire que l'infirmière t'a posé va pouvoir les remettre droites ?
Ou alors, tu voulais juste faire comme moi et avoir un plus beau sourire, c'est ça ? :)
J'ai relu tes dernières lettres et je t'avoue que je ne comprends pas très bien cette histoire de "tournoi". J'ai compris qu'il s'agissait d'épreuves sportives entre écoles françaises, mais je ne saisis pas très bien ce "ton" affolé que tu prends quand tu en parles. À te lire, on dirait qu'Harry va en mourir ! S'il perd, ce n'est pas bien grave, non ?
Est-ce que l'internat des filles avait le droit d'y participer aussi ? Tu n'as pas précisé si tu t'étais inscrite. Je sais que le sport, ce n'est pas ton truc, mais ça m'étonne de voir que tu ne prends pas part à un évènement scolaire, toi, Hermione Granger !
En tout cas, n'oublie pas de me raconter si Harry réussit la première épreuve, fin novembre. S'il est aussi doué que tu le laisses entendre, il devrait s'en sortir, j'en suis sûr ! Envoie lui du courage de ma part !
Ici, ce n'est pas du tout aussi mouvementé que chez toi. Il fait un froid glaçial, mais il ne neige pas, ce qui rend la ville encore plus déprimante. Il gèle, par contre, donc il y a des plaques de verglas par terre et je suis déjà tombé deux fois en chemin vers le collège. Encore un peu, et je vais me casser les dents, moi aussi ! (trop tôt, la blague ?)
L'école est aussi ennuyante que possible. Je sais que tu adores ça, alors tu ne vas pas être d'accord avec moi. Mais peut-être que les programmes français sont meilleurs, parce qu'ici, la science et la littérature, c'est franchement nul. Le seul point positif, c'est que je me suis fait une nouvelle amie depuis la rentrée. Elle s'appelle Samantha, mais tout le monde l'appelle Sam, et elle est super sympa. Mais ne t'en fais pas : tu restes toujours ma meilleure amie.
Sam est très drôle, elle fait passer le temps plus vite. Je ne la vois que pendant les récréations et en cours de musique, parce qu'elle est dans une autre classe qu'Adam et moi. J'aimerais dire que tu l'aimerais bien, mais je ne suis pas vraiment sûr. Elle est très casse-cou et adore trépasser toutes les règles, tout ton opposé.
Sinon, mis à part ça, rien de nouveau. Je continue toujours mes cours de dessin, en ce moment, on étudie le surréalisme, c'est intéressant mais pas du tout mon style. D'ailleurs, si tu as des idées de ce que je pourrais faire pour le prochain cours, je suis preneur.
Tu ne m'as pas trop parlé des cours, dans ta lettre de la semaine dernière, uniquement de ce "tournoi". Tes professeurs sont toujours aussi passionnants ? Quelle est ta matière préférée du moment ? Et celle que tu aimes le moins ? (la chimie, j'imagine ?)
Sache que j'attends toujours tes lettres avec autant d'impatience, elles représentent mon petit rayon de soleil du début de semaine dans ce temps tout gris.
Passe une bonne semaine !
Danny.
PS : Ta mère m'a dit que tu n'avais plus de confiture, alors je t'envoie un pot de confiture à l'orange. J'espère qu'il te plaira.
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Hermione sourit en relisant la lettre qu'elle avait reçue la veille, surtout la partie sur l'hiver. Elle n'arrivait pas à imaginer Danny dans un tel temps, pour elle, il avait toujours représenté le soleil. Quand elle se l'imaginait, elle le voyait bronzé et avec la pointe de ses cheveux blondis par l'été.
Elle descendit les marches de l'escalier pour entrer dans la Grande Salle, où elle aperçut Ginny qui était assise à la table des Gryffondors en train de prendre son petit-déjeuner. Elle s'approcha vers elle et risqua un coup d'œil à la table des Serpentards, où Zabini, Nott et Parkinson étaient déjà attablés. Malefoy était à côté d'eux, et mangeait en les écoutant discuter.
Quand elle s'assit en face de Ginny, cette dernière lui fit un sourire fatigué :
"Bonjour à toi. Qu'est-ce que tu fais là, un dimanche aussi tôt ?"
"Je n'arrivais pas bien à dormir. Et toi ?" demanda Hermione en se servant du porridge.
Ginny se pencha vers elle et cacha sa bouche avec sa main pour ne pas se faire entendre par les autres élèves :
"Je vais m'entraîner au Quidditch, mais je ne veux pas que mes frères l'apprennent, donc je le fais très tôt."
Hermione eut un petit rire et se mit à manger. Il n'y avait que quelques personnes dispersées sur la table des Gryffondors, et tous étaient encore trop dans les vapes pour parler. Ginny se servit une grande tasse de café noir à elle et Hermione et observa le papier qu'Hermione tenait encore dans sa main :
"C'est quoi, ça ?" demanda-t-elle gentiment.
Hermione apprécia le fait que Ginny lui demande, parce que Lavande et Parvati lui auraient probablement arraché des mains, trop avides de tout savoir.
"Oh. Une lettre, d'un ami de chez moi. Danny." répondit-elle.
"Danny ?"
"Oui, c'est mon voisin. On s'écrit toutes les semaines, et on passe nos étés ensemble."
"Il est comment ?" demanda curieusement Ginny, maintenant très impliquée.
"Euh… Il est grand, les cheveux châtains, avec un beau sourire."
"Ohh." dit Ginny à voix basse, avec un petit sourire malicieux soudain accroché aux lèvres. "Alors, Hermione Granger ne sait pas se décider entre Ron Weasley, Drago Malefoy et Danny ?"
"Chuuut !" intima Hermione en faisant les gros yeux, sous les éclats de rire de Ginny. "Danny est mon ami d'enfance, on a simplement une correspondance, ne vas pas t'imaginer des choses, Ginevra Weasley ! Et je ne ressens absolument rien pour Drago Malefoy !" ajouta-t-elle en chuchotant.
Elle se retourna discrètement vers le blond, comme s'il avait pu entendre ce que Ginny avait dit dans un chuchotement, alors qu'il se situait à trois tables de différence d'elles. Il était toujours plongé dans sa conversation avec ses amis et buvait distraitement son jus de citrouille.
"Tu es rentrée tard, hier soir." fit remarquer Ginny en buvant son café, toujours aussi taquine. "Où étais-tu ?"
"J'étais… Avec Drago Malefoy." lâcha lamentablement Hermione, après avoir vérifié que personne autour d'elles ne pouvaient entendre.
Cette fois, Ginny écarquilla grand les yeux et faillit recracher son café.
"QuOi ?" s'étrangla la rouquine. "Mais je plaisantais ! Je ne pensais pas que… Qu'est-ce que tu faisais avec Drago Malefoy à 22h hier soir ?"
"Rien, on… discutait simplement."
Les yeux marrons de Ginny inspectaient maintenant Hermione avec attention, la mettant dans un état mi-honteux mi-inconfortable très désagréable.
"Vous continuez vos séances de révisions à la Bibliothèque ?" demanda la rouquine.
Hermione entreprit alors de tout lui raconter, dans le murmure le plus bas jamais produit, si bien que Ginny devait se pencher de plus en plus pour entendre les confessions soufflées d'Hermione. À la fin, Ginny n'avait pas bu une goutte du café qu'elle tenait dans les mains depuis dix minutes et ses sourcils étaient considérablement froncés.
"Qu'est-ce que tu en penses ?..." demanda piteusement Hermione.
"Pour être honnête, je ne sais pas trop. Il a l'air très différent du Malefoy qu'on connaît, mais ça ne change pas le fait qu'il t'a insulté, et qu'il t'a blessée."
"Je ne lui ai pas pardonné pour ça." coupa Hermione. "Et je ne dis pas que c'est devenu mon meilleur ami, loin de là, je ne sais même pas si je l'apprécie ou pas. C'est juste que…"
"Que…?"
"Avec Harry et Ron qui se disputent en ce moment, je suis constamment partagée entre les deux, et c'est épuisant." expliqua Hermione avec un soupir. "Avec Malefoy, je n'ai rien de tout ça, je suis différente avec lui. Il a des points de vue intéressants, et ça fait du bien d'écouter quelqu'un de nouveau…"
"Bonjour vous deux."
La voix de Ron à côté d'Hermione la fit tellement sursauter qu'elle se cogna violemment contre le rebord de la table, faisant valser son bol de porridge qui fit un drôle de bruit.
"Oh, Ron !" s'exclama-t-elle, les joues brûlantes. "Qu'est-ce que… Qu'est-ce que… Tu fais là ?"
Elle s'empressa de reprendre son bol de porridge et essaya de calmer son rythme cardiaque qui avait probablement décollé. Heureusement, il n'avait pas l'air d'avoir entendu ce qu'avait dit Hermione avant qu'il n'arrive, probablement encore trop endormi. Il s'assit à côté d'elle, les cheveux encore tout ébouriffés.
"Dean m'a réveillé, alors je me suis dit que j'allais descendre pour manger un peu. Ça te dit d'aller voir Hagrid après ? Ça fait longtemps qu'on y est pas allés." proposa Ron.
"Oui, d'accord."
"Et toi, qu'est-ce que tu fais là aussi tôt ?" demanda Ron à l'adresse de sa sœur en grignotant un toast.
"Pas tes affaires." répliqua Ginny du tac au tac.
Cependant, son ton cinglant se perdit rapidement quand elle aperçut Harry qui franchissait les portes de la Grande Salle, encore plus fatigué que jamais. Dès qu'il s'assit à gauche d'Hermione, Ginny se leva subitement, les joues rouges et évitant soigneusement de croiser le regard du garçon.
"J'y vais." dit-elle un peu trop rapidement. "Hermione, on se voit tout à l'heure."
Elle lui fit un hochement de tête grave et sortit de la Grande Salle. Harry, qui était habitué à ses fuites et son mutisme, ne releva pas et se servit une grande tasse de café.
"Bien dormi, Harry ?" demanda Hermione d'un ton inquiet.
"Oui, parfaitement. Désolé pour hier soir, je…"
"Ne t'en fais pas." coupa-t-elle, ne voulant pas que Ron entende ce qu'il allait dire.
La veille, Harry s'était endormi à moitié affalé sur elle, si bien qu'elle s'était endormie à son tour. Harry avait fini par la réveiller au milieu de la nuit et elle était remontée dans son dortoir, le dos endolori d'avoir dormi dans une telle position.
Hermione continua doucement :
"Harry, tu devrais vraiment te reposer aujourd'hui. Réfléchir à… La première épreuve, et tout ça…"
Les yeux verts de son meilleur ami se plissèrent.
"Comment veux-tu que je fasse ça ? Je n'ai aucune idée de quoi faire, puisque je ne sais même pas ce que je vais devoir affronter." dit-il froidement.
"Peut-être qu'on devrait réviser le cours d'Attraction ? Tu as encore du mal pour les Accio, non ?" insista-t-elle.
Ron s'éclaircit soudain la gorge et Hermione tourna la tête vers lui, sa droite, soudain irritée :
"Quoi ?"
"Peux-tu me passer le lait, s'il te plaît ?"
"Il est en face d'Harry. Demande-lui, plutôt." répliqua-t-elle sèchement.
Elle tourna de nouveau la tête vers Harry, mais avant qu'elle ne puisse parler, Ron avait sorti sa baguette de sa poche et prononça clairement :
"Accio lait."
La bouteille s'approcha de lui en glissant le long de la table. Hermione était sûre qu'il avait fait ça exprès parce qu'Harry n'arrivait toujours pas à les faire, ce qui l'énerva encore plus. Harry, lui, était exaspéré, la mâchoire crispée.
"Je disais donc…" reprit Hermione. "On pourrait réviser tous les deux, avant le déjeuner ? Qu'est-ce que tu en dis ?"
Avant qu'Harry n'ait pu ouvrir la bouche, cependant, Ron avala rapidement son bol de lait et se releva, tirant Hermione par la manche en même temps :
"Viens, Hermione. Il est temps d'y aller. À l'endroit où on devait aller tous les deux, tu te souviens ?" dit-il en insistant fort sur les derniers mots.
Hermione soupira bruyamment, mais se leva tout de même. Les garçons et leur égo…
"Ne t'en fais pas, vas-y." dit Harry doucement. "On se voit tout à l'heure."
Ron tournait déjà les talons pour se rendre chez Hagrid. Elle ne l'avait jamais vu aussi déterminé à y aller en quatre ans, il pouvait vraiment être immature quand il le voulait. Elle le suivit en soupirant, et tourna légèrement la tête vers la table des Serpentards pendant sa marche vers la porte.
Il la regardait déjà, son regard gris, bien que lointain, était toujours aussi perçant. Il avait un sourcil levé, très subtil, mais Hermione le remarquait de là où elle se tenait. Il n'avait pas l'air content, mais Hermione n'avait aucune idée de pourquoi. Pendant cette fraction de seconde, il l'observa, puis il tourna la tête vers Zabini et ne fit plus du tout attention à elle.
Ron la guida jusqu'au parc. Dans les escaliers vers la maison d'Hagrid, elle le rattrapa en lui prenant le bras :
"Qu'est-ce qui t'a pris ?" demanda-t-elle, l'exaspération piquant son ton.
"Quoi ?" demanda Ron.
"Là-bas, dans la Grande Salle ! Tu ne crois pas qu'Harry a déjà assez de problèmes pour que tu lui rajoutes ça ?" s'énerva-t-elle. "Pourquoi est-ce que vous ne vous expliquez pas, au lieu de vous chamailler comme des enfants ?"
"On ne se chamaille pas !" contesta-t-il, indigné. "Et pourquoi tu le défends en permanence ?"
Ils descendaient les marches du parc à toute vitesse, et étant donné que Ron était beaucoup plus grand qu'elle, elle peinait à suivre la cadence, manquant de trébucher à plusieurs reprises.
"Je ne le défends pas plus que toi !" s'exclama Hermione. "Je dis simplement que…"
"Tu passes tout ton temps avec lui ! Tu es de son côté !" coupa-t-il.
Hermione leva les yeux au ciel tandis que Ron avançait de plus en plus vite vers la hutte d'Hagrid.
"Il n'y a pas de côté, Ron ! Je suis amie avec vous deux, et je suis sans cesse partagée entre vous deux depuis que votre stupide querelle a commencé. Je ne prends pas parti, je veux simplement que vous mettiez votre rancœur de côté et que tout redevienne comme avant ! Harry est mon meilleur ami, je…"
Ron se retourna alors brutalement, l'interrompant d'une voix brusque :
"Ton meilleur ami ? Et moi je suis quoi, un pot de fleurs ?"
Il était maintenant en face d'elle, son visage teinté de colère et de fatigue. Elle plia ses bras contre sa poitrine, aussi bien parce qu'elle était indignée que parce qu'elle avait très froid.
"Bien sûr que non. Tu es mon meilleur ami aussi, je tiens à toi autant que je tiens à Harry, tu le sais très bien."
"Ah oui ? Tu as une drôle manière de l'exprimer." dit-il d'un ton narquois.
"Oh, arrête, Ron."
"C'est vrai, pourtant ! C'est déjà suffisamment douloureux de ne plus parler à Harry, si en plus je dois subir ton ignorance aussi, ça serait… Je veux dire, pour moi, tu es… tu es…"
Elle vit les joues de Ron devenir rouges et son cœur commença à accélérer anormalement en l'écoutant. Soudain, elle n'était plus remontée, elle était tout à coup un peu timide. Elle changea rapidement de sujet pour ne pas le forcer à finir sa phrase :
"D'accord. Je comprends, je suis désolée que tu aies pu avoir la sensation que je passais plus de temps avec Harry qu'avec toi. Je te rassure, c'est loin d'être le cas, Harry m'accompagne que très rarement à la Bibliothèque et j'y passe tout mon temps, en ce moment."
La colère de Ron sembla disparaître en l'écoutant et il lâcha un petit soupir soulagé :
"Oh. Je vois. Je pensais que vous…"
"Non." coupa Hermione d'un ton qu'elle voulait rassurant. "Je vois même plus Ginny que lui, pour tout te dire."
Ce n'était pas totalement vrai, mais elle ne pouvait pas lui dire avec qui elle passait ses journées. Il hocha la tête :
"D'accord. Désolé, je pense que je suis fatigué et que je deviens parano."
"Ne t'en fais pas, c'est oublié." le rassura Hermione en posant une main affective sur son bras. "On va voir Hagrid ?"
Il hocha la tête et ils reprirent leur route, beaucoup plus doucement cette fois. Hermione resserra son manteau contre elle, elle sentait des petits flocons de neige lui frôler les joues.
Ron frappa plusieurs fois à la porte et Hagrid ouvrit, Crockdur à ses pieds.
"Oh, Ron, Hermione !" s'exclama-t-il, enjoué. "Je suis content de vous voir, venez, entrez ! Harry n'est pas là ?"
"Non, il ne pouvait pas venir…" mentit Hermione d'une petite voix en entrant dans la petite maison.
"Il doit être sacrément occupé, avec cette première tâche qui approche !"
Ron et Hermione prirent place dans les fauteuils d'Hagrid, et heureusement, il ne parla pas plus d'Harry après ça. Il fit du thé, donnant à Hermione celui à la cannelle qu'elle aimait tant, et bientôt, la pièce fut vite embaumée de cette odeur si apaisante.
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Ils ne quittèrent la maison d'Hagrid que pour l'heure du déjeuner. Il neigea sur tout le chemin vers le Château, assez pour que la neige reste en fine couche sur le sol qui craquait doucement sous leurs pas. Quand ils passèrent les portes, Ron et Hermione grelottaient et ils accueillirent la chaleur de la Grande Salle avec plaisir.
Harry n'était pas là. Hermione ne savait pas s'il avait déjà mangé ou s'il avait sauté son déjeuner, mais elle n'osa pas demander à Ron au risque qu'il s'énerve. La visite d'Hagrid l'avait mis dans une meilleure humeur, alors elle ne voulait pas saper son moral. Ils mangèrent tous les deux en tête à tête en discutant joyeusement de la semaine qui venait de s'écouler.
Ils parlaient de tout, sauf du Tournoi, comme s'il n'existait pas. Ron ne voulait pas parler du quatrième champion et Hermione ne voulait pas penser à ce qu'Harry allait devoir affronter lors de la première épreuve.
Derrière l'épaule de Ron, elle pouvait jeter des regards vers la table des Serpentards, mais Malefoy n'y était pas. D'ailleurs, il n'y avait pas non plus Parkinson, ni Nott, ni Zabini. Elle se concentra plutôt sur sa conversation avec Ron et se surprit à rire, ce qu'elle n'avait pas fait depuis trop longtemps.
Quand Hermione eut terminé son dessert (tarte à l'orange confite), Ron lui demanda :
"Tu vas à la Bibliothèque ?"
"Oui. Tu veux venir avec moi ?"
Ron fit la même tête que si elle lui avait proposé un pique-nique avec Aragog.
"Non ! Certainement pas."
Elle se leva et enfila son écharpe autour du cou.
"D'accord, à tout à l'heure !"
Il lui fit un signe de la main et se tourna vers Seamus tandis qu'elle sortait de la Grande Salle.
Sans vouloir réellement se l'avouer, elle était un peu préoccupée de ne pas voir Malefoy aux alentours. Elle se demandait s'il était déjà à la Bibliothèque, ou s'il avait préféré passer son dimanche à faire autre chose que de réviser. En réalité, cette probabilité n'était pas exclue, elle comprenait que tout le monde ne veuille pas travailler en permanence.
Mais elle devait avouer qu'elle préférait quand il était là, même sans parler, sa présence à sa table était devenue habituelle, familière.
Elle arriva dans le couloir de la Bibliothèque qu'elle aimait tant, où elle pouvait déjà sentir l'odeur des livres qui flottait dans l'air. Elle fit un léger signe de tête à Madame Pince, puis alla s'asseoir à sa table habituelle.
Viktor Krum était là, et quand elle passa à côté de lui, il lui fit un petit sourire discret auquel elle répondit, non sans surprise. Son fan-club de filles était toujours là, mais beaucoup plus petit que les dernières fois, comme si la moitié s'était lassé. Pourtant, Hermione s'assit tout de même à la table reculée qu'elle occupait seulement quand elle était seule.
Elle sortit ses affaires, mais commença par lire la longue lettre que ses parents lui avaient envoyée, puis elle y répondit en utilisant tellement de parchemin qu'elle se demanda si la chouette qu'elle allait utiliser n'aurait pas trop de mal à transporter sa lettre.
Quand elle sortit son carnet de la S.A.L.E, elle entendit les pas de Malefoy s'approcher de la table. Elle ne releva pas la tête quand il arriva, mais elle était secrètement soulagée de le voir.
Il s'assit, murmura un "bonjour" et sortit ses livres sans un mot de plus.
Elle ne savait pas comment il faisait pour savoir qu'elle était déjà assise, et seule, à chaque fois. C'était comme s'il avait la Carte du Maraudeur, lui aussi.
Hermione se plongea dans le seul livre qu'elle connaissait sur les elfes de maison. Après plusieurs minutes, Malefoy laissa échapper un rire moqueur :
"Non, ne me dis pas que tu continues ta saleté ?"
"C'est S.A.L.E !" dit-elle pour la millième fois depuis la rentrée. "Et évidemment que je continue, tu croyais vraiment que j'allais abandonner au bout d'une semaine ?"
Malefoy leva les yeux au ciel mais il avait toujours ce sourire en coin aux lèvres. Avant qu'il n'ait pu répliquer, cependant, elle lui rappela :
"Tu te souviens de notre deal, Malefoy ? Pas d'insultes pendant un mois, je te rappelle."
"Oh. Je sais." dit-il sans perdre son sourire en coin. "Je n'allais pas t'insulter, j'allais dire que c'était une merveilleuse idée et que les elfes de maison doivent être très contents de ton travail."
Son ton était tellement ironique. Hermione feignit un pauvre rire :
"Bien sûr, Malefoy. Alors, tu acceptes de t'inscrire ?"
"Non. Je ne voudrais pas ajouter mon nom à une telle liste d'adhérents, je ne mérite pas cette place." dit-il, encore plus railleur.
Il pointa du doigt le petit carnet d'Hermione qui ne comportait que cinq ou six noms d'adhérents. Elle ne se laissa pas abattre pour autant :
"Et puis, tu n'as plus de place pour mon badge, celui que tu as déjà prend trop de place."
Elle montra du menton le badge horrible qu'il avait sur son pull, "À bas Potter", en vert néon. Malefoy portait une chemise bleue pâle un peu trop large, par-dessus laquelle il avait ajouté un pull sans manches. Ses tenues ne ressemblaient en rien à des tenues moldues, et pourtant, elles contrastaient beaucoup avec ce qu'elle avait l'habitude de voir sur lui.
Il fit descendre son regard vers ce dernier, semblant un instant se rappeler qu'il était accroché à son pull.
"Magnifique, n'est-ce pas ?" commenta-t-il.
"Pas vraiment, et copié de mon idée. Tu peux l'enlever, s'il te plaît ?"
Contrairement à ce qu'elle aurait pu penser, il obéit et jeta son badge dans son sac à ses pieds. Puis, il continua de travailler et Hermione fit de même.
Plongée dans les conditions de travail des elfes de maison, le temps s'accéléra sans qu'elle le veuille. Bientôt, son petit carnet fut rempli de nouvelles idées et son cerveau bouillonnait.
Elle lisait vite, tournant frénétiquement les pages du livre épais. Elle avait presque oublié où elle se trouvait, quand elle fut brutalement ramenée sur Terre par la voix de Malefoy, qui avait soudain perdu toute trace d'amusement :
"La lettre à Elise ?!"
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Drago
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Pansy était particulièrement guillerette ce dimanche matin, ce qui était assez rare pour que tout le monde le remarque dans le dortoir. Elle se coiffait dans la salle de bains, une coiffure bien trop raffinée pour un dimanche, en fredonnant une musique entre ses lèvres.
"Pansy a mangé un lutin de Cornouailles ou quoi ?" demanda Théo en s'habillant.
Pansy tenta de lui jeter sa brosse dans la tête à travers l'ouverture de la porte de la salle de bains mais échoua.
"Qu'est-ce que tu as ? C'est rare de te voir aussi joyeuse." dit Blaise.
Pansy ne répondit pas, mais Drago se doutait de la raison. Il était persuadé que c'était lié à ce qu'il lui avait dit la veille, ce mensonge qu'il regrettait déjà amèrement. Quand elle sortit de la salle de bains, elle avait un grand sourire, coiffée d'un chignon des plus sophistiqués.
Sur tout le chemin vers la Grande Salle, Drago se mit légèrement à l'écart du groupe. Il avait du mal à voir Pansy aussi heureuse, parce qu'il culpabilisait atrocement. Elle devait probablement déjà s'imaginer des choses.
Ils prirent place à la table des Serpentards. Drago se servit et mangea sans trop d'appétit, pendant que ses amis discutaient autour de lui de la soirée de la veille. Blaise ne cessait de répéter que c'était l'une des meilleures fêtes qu'il avait vécu, et même Théo, qui détestait ça, ne faisait qu'approuver.
Granger n'était pas encore assise, mais Weaslette était là, vêtue d'un pull rouge moulant. Théo lui lança alors :
"Et toi, Drago, t'étais où hier ? On t'a pas vu, à la soirée."
"À la Bibliothèque." répondit-il.
"Ah bon ?" continua Théo en fronçant les sourcils. "C'est bizarre, j'y suis passé dans l'après-midi et je ne t'ai pas vu."
"Je devais probablement chercher un livre dans les rayons." mentit Drago sans regarder son ami.
Théo parut convaincu.
"Qu'est-ce que tu travailles, en ce moment ?" demanda Blaise. "Tu es tout le temps en train de réviser, tu dois être en avance sur tous les devoirs !"
"Ouais, j'ai pas mal avancé. Mon père m'a mis la pression, je dois absolument être dans le classement général à la fin du semestre." continua Drago en mangeant.
"Tu vas sûrement y être, t'es plus à la Bibliothèque que moi ces derniers temps !" grommela Théo. "En plus, avec les devoirs de Crabbe et Goyle que je dois faire aussi, j'ai l'impression que je vais perdre ma place…"
"Pourquoi tu continues leurs devoirs, si ça te prend autant de temps ?" demanda Pansy.
"Parce que j'ai besoin d'argent, et que ces deux abrutis ont l'air d'en avoir beaucoup trop."
Théo réfléchit quelques minutes, puis demanda à Drago :
"Je vais à la Bibliothèque cette après-midi, tu veux venir ?"
"Non, je n'y vais pas cette aprem. On est dimanche." s'exclama Drago.
En réalité, il comptait y aller, mais sur la table reculée qu'il partageait avec Granger.
À ce moment, cette dernière entra justement dans la Grande Salle. Elle était vêtue de manière moldue, il était tellement habitué à la voir en uniforme que la voir en pantalon était extrêmement bizarre. C'était un pantalon bleu, d'une matière étrange qu'il ne connaissait pas, comme si c'était de la toile, et un pull tricoté.
Elle s'assit à la table des Gryffondors, en face de Weaslette et dos à lui. Il regarda ses boucles tomber dans son dos en cascades. Elle se plongea rapidement dans une conversation avec la rouquine à messes basses.
Quelques hiboux s'engouffrèrent alors dans la Grande Salle pour déposer le courrier. Granger ne sembla même pas l'avoir remarqué, trop impliquée dans sa discussion. Elle ne reçut aucune lettre, seulement la Gazette du Sorcier qui tomba à côté d'elle sans qu'elle le voit. Drago, lui, reçut la lettre hebdomadaire de sa mère apportée par Ébène qu'il remercia en lui donnant la fin de son toast.
Pendant que tout le groupe finissait leurs petits-déjeuners en discutant, Drago observa Weasley qui entrait dans la Salle. Il avait une sale tête. Il arriva à droite de Granger, qui sursauta violemment en le voyant, faisant tomber son bol. Elle se redressa complètement, et si elle était face à lui, Drago était persuadé qu'il aurait pu voir des rougeurs sur ses joues.
Potter entra et s'assit à son tour, et Weaslette s'en alla, les joues cramoisies.
Il ne savait pas si c'était parce que Granger lui avait raconté la dispute entre Weasley et Potter, mais Drago trouva que l'ambiance était cassante, même s'il se trouvait assez loin. Les deux garçons étaient assis des deux côtés de Granger, tous deux s'ignorant royalement.
"Krum est là ! Krum est là !" s'exclama soudain Blaise, surexcité.
En effet, le bulgare venait d'entrer aussi et cherchait une place où s'asseoir pour manger son petit-déjeuner. Drago était tellement focalisé sur la scène devant lui qu'il n'avait même pas remarqué l'entrée de Krum, alors que des dizaines de filles avaient poussé un petit cri commun. Certaines d'entre elles se trémoussaient pour leur laisser de la place sur leur banc, et Blaise faisait de même. Mais Krum opta pour une place à la table des Serpentards, la plus éloignée possible. Blaise ne cacha pas sa déception :
"Pourquoi il ne veut pas parler aux autres ? Il a peur des élèves de Serpentards, ou quoi ?" demanda-t-il, dépité.
"Peut-être parce que tu fais encore plus peur que les filles qui s'évanouissent sur son passage." commenta Théo avec un sourire. "Pourquoi est-ce que tu réagis comme ça dès que tu le vois ? C'est juste un joueur de Quidditch !"
Blaise le regarda avec un air de profond dégoût :
"C'est le meilleur joueur de Quidditch du monde, je te l'ai déjà dit."
"Il n'est même pas si beau que ça." ajouta Pansy qui regardait Krum manger avec indifférence.
Drago retourna à sa contemplation de Granger, qui venait de se lever subitement. Elle suivait Weasley à contrecœur, visiblement furieuse. Ses cheveux étaient retenus par son oreille, Drago pouvait voir ses joues rouges de là où il se tenait.
Elle partait avec Weasley. Cette constatation lui lança une petite épine dans la poitrine, une légère douleur qu'il encaissa difficilement. Elle n'avait vraisemblablement pas envie de le suivre, mais pourtant, elle le faisait quand même. Cette amitié avec Weasley était incompréhensible, et ce depuis la première année. La Granger de la Bibliothèque ne suivrait jamais un garçon pareil si elle n'en avait pas envie.
L'idée qu'il puisse être son petit ami effleura son esprit et il serra davantage sa prise sur sa cuillère. Granger le chercha du regard à ce moment-là, baladant ses yeux vers la table des Serpentards. Son air colérique se changea quand elle le vit. Il savait qu'il la fusillait du regard, mais il ne le détourna pas, pour bien qu'elle enregistre son état. Puis, il tourna la tête vers Blaise.
S'il était honnête avec lui-même, il ne savait pas vraiment pourquoi il était énervé contre elle. Il s'était imaginé qu'elle se rendrait à la Bibliothèque et qu'il allait la rejoindre, mais elle avait décidé autrement, et c'était ça qui l'importunait. En plus, avec Weasley. On aurait dit qu'elle n'avait aucune volonté avec lui, qu'elle se pliait à ses exigences. Ce lien entre eux deux l'agaçait.
"Tu as des choses de prévu ce matin, Drago?" demanda Pansy.
"Non, pas ce matin." grinça-t-il.
Il n'allait pas y aller alors qu'elle était là-bas avec lui. Pansy jubila silencieusement, mais il l'ignora. Ce n'était pas pour Pansy qu'il n'y allait pas, c'était à cause d'elle.
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Comme ils ne savaient pas quoi faire après le petit-déjeuner en cette journée de dimanche, Pansy, Blaise et Théo décidèrent d'aller aux bords du Lac Noir. Il faisait froid, mais ça ne semblait pas déranger le groupe de Serpentards, alors Drago les suivit sans rien dire. Il était toujours agacé pour Granger, mais il ne trouvait pas de justification valable pour cet excès de colère, alors il tâchait de l'ignorer en passant du temps avec ses amis.
L'air était frais contre ses joues, mais il n'avait pas spécialement froid. Pourtant, l'herbe avait gelé pendant la nuit, craquant sous chacun de leurs pas. Ils arrivèrent à leur endroit habituel, sous l'un des arbres qui bordaient le lac et ils prirent place en dessous. Drago n'avait aucune idée de comment Pansy pouvait ne pas grelotter dans ses collants et sa jupe.
Le Lac Noir avait gelé par endroits, rendant la surface lisse et craquelée. Théo se frotta les mains après trente secondes, le nez déjà tout rouge :
"Il fait trop froid !"
Il était pourtant le plus couvert des quatres, mais il avait toujours été le plus frileux. Pansy lui proposa un sort de réchauffement, mais Théo préféra le faire lui-même. Drago pouvait sentir l'onde chaude qui émanait de son corps, à quelques centimètres de lui.
Théo sortit un livre et Blaise s'allongea sous l'ombre de l'arbre, prêt à faire une sieste. Drago et Pansy restèrent côte à côte, fixant tous les deux le Lac Noir immobile devant eux. Ils étaient habitués au silence, se confortant dedans de la même manière. Ils avaient passé des années assis de la sorte, sans parler.
Pansy était pensive, ses yeux noirs fixés sur le paysage devant elle. Drago se demanda à quoi elle pensait. Parfois, un léger sourire contractait les coins de sa bouche, qu'elle chassait rapidement.
Drago était perdu. Il repensait à son aveu de la veille, son mensonge qu'il avait proféré sans aucun mal. "Je t'aime aussi." Il n'avait jamais dit "je t'aime" de sa vie, à personne. Les deux personnes qu'il aimait le plus au monde, c'était sa mère et Pansy, mais pourtant, le dire de la sorte était faux, mauvais, comme de l'acide sur sa langue.
Il se sentait mal vis-à-vis de Pansy, qui avait l'air si euphorique à l'idée qu'il puisse ressentir la même chose qu'elle. Mais il ne pouvait pas reprendre ce qu'il avait dit, au risque qu'elle l'ignore de nouveau. Il ne pouvait pas faire ça.
Il était coincé. Et surtout, en colère contre lui-même. Pourquoi ne pouvait-il pas aimer Pansy ? Sa vie serait tellement plus facile. Il imagina son existence, dénuée de problèmes, amoureux de la fille qui lui était destinée.
Et un autre problème subsistait, un problème qu'il ne s'autorisait pas à penser, qu'il frôlait de temps en temps avant de se reprendre mentalement. Granger. Pourquoi était-il aussi fasciné par elle ? Pourquoi analysait-il tout ce qu'elle faisait, comptait le temps qu'il passait avec elle, ces précieuses minutes qu'il repassait en boucle dans sa tête avant de s'endormir ?
Pourquoi ressentait-il plus de sensations auprès d'elle et pas avec Pansy, celle dont il était le plus proche ?
À chaque fois qu'il osait se poser ces questions, il les rembarrait au fond de son esprit. Il les ignorait soigneusement, et se contentait de suivre ses envies. S'il était raisonnable, il n'irait plus à la Bibliothèque, arrêterait de parler à Granger, cesserait de penser à elle en permanence.
Mais voilà, Drago Malefoy n'était pas un garçon raisonnable.
"Il neige ?!" s'exclama Théo, alarmé. "Sérieusement ? Je ne reste pas ici s'il neige."
Il se leva. Drago remarqua à cet instant que le soleil avait bougé, il était maintenant presque au centre du ciel. Pansy avait écrasé quelques mégots entre eux, recouverts maintenant d'une fine pellicule de neige qui brûlait à leur contact.
"Mais tu as un sortilège de chaleur autour de toi !" s'exclama Pansy.
"Il ne protège pas de la neige, et j'ai quand même froid ! Pourquoi rester ici alors qu'il y a des salles parfaitement réchauffées juste là-bas ?" dit Théo en montrant du doigt le Château.
"Ok, on rentre alors." dit Pansy en se relevant.
Elle retira les quelques flocons de neige de sa jupe, ne montrant aucun signe qu'elle avait froid.
"Dray, tu viens ?" demanda Blaise qui s'était levé à son tour.
"Non, je vais rester un peu là. J'aime bien cet endroit." dit-il dans un souffle.
Ses amis acquiescèrent et le laissèrent seul. Il pouvait entendre leurs éclats de voix s'éloigner, le rire de Pansy raisonner contre les arbres jusqu'à ce qu'il disparaisse.
Il resta là longtemps. Il ne savait pas s'il aimait vraiment bien cet endroit, mais en tout cas, il était reposant. Il pensa à son dilemme longuement, parce que dans un endroit aussi reculé, il s'autorisait à y penser, comme s'il avait peur qu'en étant à proximité de quelqu'un, on puisse lire dans ses pensées.
Pansy, Granger, ses parents, leur table de la Bibliothèque, le banc où ils avaient discuté, le "je t'aime aussi", Weasley…
Drago ressassa jusqu'à ce qu'il soit épuisé. Quand il se leva, il était trempé. Il n'avait pas remarqué qu'il neigeait autant, désormais. On ne voyait même plus les mégots de Pansy, ensevelis sous la nouvelle couche de neige.
Il jeta un sort pour sécher ses vêtements et remonta vers le Château. Il avait raté l'heure du déjeuner, mais il n'avait pas faim. Il avait décidé de ne pas aller à la Bibliothèque, de suivre le chemin le plus sage. Pour ses parents, pour lui.
Il faillit tourner les talons pour aller aux cachots quand il la vit. Elle sortait de la Grande Salle, et ne l'avait pas vu. Elle se dirigea d'un pas assuré vers la Bibliothèque, son sac bien trop chargé pour un dimanche. Il pouvait voir son petit carnet de son association dépasser.
Sa résolution s'évanouit avant même d'être exécutée. Il la regarda s'éloigner, attendit un peu, puis la suivit, essayant tant bien que mal de taire son esprit désapprobateur.
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Il attendit quelques minutes dans la Bibliothèque en marchant aléatoirement parmi les rayons. Le soleil passait à travers les grandes fenêtres de la pièce et éclairait quelques tranches de livres que Drago lisait rêveusement. Il fit quelques tours avant de se diriger vers la table de Granger. Elle était assise à sa place habituelle, en train de sortir des livres de son sac.
"Bonjour." marmonna-t-il.
Il sortit ses affaires, mais en réalité, il était plus intéressé par ce qu'elle faisait que ses propres devoirs. Il n'avait jamais autant travaillé que depuis la rentrée, il était en avance sur toutes les matières.
Granger lisait un énorme livre, si lourd qu'elle avait presque du mal à tourner les pages. Il ne pouvait pas voir le titre, mais en apercevant les images sur les pages d'elfes de maison, il comprit immédiatement ce que c'était.
"Non, ne me dis pas que tu continues ta saleté ?" se moqua-t-il.
"C'est S.A.L.E !" corrigea-t-elle impatiemment. "Et évidemment que je continue, tu croyais vraiment que j'allais abandonner au bout d'une semaine ?"
Il leva les yeux au ciel, amusé de l'entendre aussi impliquée dans son projet. Elle surenchérit :
"Tu te souviens de notre deal, Malefoy ? Pas d'insultes pendant un mois, je te rappelle."
"Oh. Je sais." dit-il ironiquement. "Je n'allais pas t'insulter, j'allais dire que c'était une merveilleuse idée et que les elfes de maison doivent être très contents de ton travail."
"Bien sûr, Malefoy. Alors, tu acceptes de t'inscrire ?"
"Non. Je ne voudrais pas ajouter mon nom à une telle liste d'adhérents, je ne mérite pas cette place." dit-il en pointant du doigt son petit carnet ouvert.
De là où il était assis, le carnet était à l'envers, pourtant il n'avait aucun mal à déchiffrer les deux premiers prénoms, en haut de la page : Harry et Ron. Il se demanda si ses deux meilleurs amis soutenaient Granger dans son association, ou s'ils se moquaient d'elle tout comme il le faisait.
"Et puis, tu n'as plus de place pour mon badge, celui que tu as déjà prend trop de place." asséna-t-elle sèchement.
Il ne comprit d'abord pas de quoi elle parlait, jusqu'à ce qu'elle pointe du doigt sa poitrine. Il avait oublié son badge "À bas Potter", accroché à son pull depuis le matin. Il eut soudain un peu honte de le porter devant elle.
"Magnifique, n'est-ce pas ?" dit-il.
"Pas vraiment, et copié de mon idée en plus. Tu peux l'enlever, s'il te plaît ?"
Il s'exécuta, étonné de voir qu'elle ne s'énervait pas plus que ça. Elle devait penser que c'était une idée puérile, et en quelque sorte, ça l'était. Il leva de nouveau la tête vers elle, mais Granger s'était replongée dans sa lecture et Drago comprit que ça ne servait à rien de la déranger plus longtemps.
Il prit son manuel d'Histoire de la Magie et commença à lire le chapitre du cours prochain. C'était la première fois qu'il lisait un chapitre de cette matière en avance. En fait, c'était peut-être même la première fois qu'il ouvrait ce manuel tout court, la reliure du livre craquait légèrement quand il le feuilletait tant il était neuf.
Les minutes s'écoulèrent. Même avec toute la volonté du monde, aucun des chapitres de ce manuel n'était intéressant. Drago fut vite déconcentré pendant sa lecture de la rébellion des gobelins de 1612 et préféra plutôt regarder la neige tomber à travers la fenêtre de la Bibliothèque. La pièce était plongée dans le silence.
Le seul bruit que Drago percevait était celui que Granger faisait, sans s'en rendre compte, en tapotant le bout de ses doigts contre la table en bois. Il avait remarqué qu'elle faisait souvent ça en lisant, mais n'avait jamais compris pourquoi. Il se mit à regarder ses doigts, et se rendit compte qu'elle les tapotait toujours dans le même ordre, comme une sorte d'air de musique.
Il se concentra dessus sans s'en apercevoir, maintenant attentif au son que produisait le tapotement des doigts de Granger. C'était étrangement familier. Comme s'il avait déjà entendu plusieurs fois cet air de musique…
la – mi – la – la – mi – la – do – si – la…
Soudain, il reconnut la musique. Elle lui rappelait un souvenir très précis, celui de son cours de piano, dans le Hall du Manoir, avec les deux portes grandes ouvertes et le soleil qui pénétrait à l'intérieur de sa maison si froide, éclairant le visage juvénile de Pansy à côté de lui.
"La lettre à Elise ?!" s'exclama-t-il, choqué.
Granger sursauta légèrement, il avait parlé fort sans s'en rendre compte. Il entendit un lointain "chut", mais l'ignora et fixa Granger, éberlué.
"Pardon ?" demanda-t-elle.
"Tu connais La lettre à Elise ?"
"Quoi ? De quoi tu parles, Malefoy ?" demanda-t-elle, toujours dans l'incompréhension.
"Tu jouais, avec ta main." expliqua-t-il en lui montrant ses doigts toujours posés sur la table. "Tu pianotais avec tes doigts, tu jouais la Lettre à Elise."
"Ah." dit-elle en observant sa propre main. "Oui, ça m'arrive. Je ne m'en rends jamais compte."
"Mais comment peux-tu connaître cette musique ? Tu joues du piano ?" demanda-t-il, éberlué.
"Oui, j'en ai joué toute mon enfance." répondit-elle calmement.
Drago écarquilla les yeux et elle ébaucha un petit rire.
"Comment as-tu pu jouer du piano ?" demanda-t-il. "C'est un instrument de sorcier."
"Non." contredit-elle avec un sourire. "Le piano, c'est moldu. Ce sont les sorciers qui l'ont retravaillé pour en faire un instrument plus facile."
Il était persuadé que c'était dans l'autre sens, mais peu avide de lancer un débat sur la rivalité entre moldu et sorcier, il enchaîna :
"Tu avais des cours ?"
"Oui, j'allais au conservatoire après l'école. Mes parents m'ont proposé de faire une activité extra-scolaire, alors ils m'ont demandé de choisir entre gymnastique et piano. Comme tu as pu le voir lors de nos cours de Vol sur balai, le sport, ce n'est pas du tout mon truc. Alors, j'ai opté pour le piano."
Drago était véritablement abasourdi d'entendre ça. Il n'aurait jamais pu penser que Granger puisse connaître le piano, cet art que ses parents prisaient tant et qu'il avait dû apprendre toute sa vie.
"Oh. Je ne savais pas que les moldus…" commença-t-il.
"Et oui, on peut être intéressants, si tu te renseignais un minimum là-dessus." coupa Granger malicieusement. "Tu as pris des cours, toi aussi ?"
"Oui. Toute ma vie."
"C'est vrai ? Est-ce que ça fait partie des cours obligatoires des jeunes sorciers ?"
Elle avait maintenant l'air très intéressée, elle s'était même redressé sur sa chaise et avait poussé son livre.
"Non, mais mes parents estimaient que ça l'était pour nous." expliqua Drago.
"Nous ?"
"Moi et Pansy." dit-il. "On avait des cours avec un professeur à la maison. J'ai étudié l'anglais, le latin, le français, les mathématiques, la calligraphie, la géographie, l'histoire de la magie, la danse, le piano…"
"La danse ?" répéta Granger avec un petit sourire aux lèvres.
"Pas la danse avec un tutu. La vraie danse, la valse." dit Drago, comme s'il se justifiait.
"Et c'était quoi, ta matière préférée ?" demanda Granger.
Comment cette fille pouvait poser autant de questions ? Il faillit lui faire la remarque, avant de se rappeler que c'était lui qui avait parlé du piano en premier lieu. Il s'efforça donc de répondre :
"Le piano, justement. C'était le dernier cours de la journée. Et… J'aimais bien. Je trouvais que ça faisait une jolie musique."
Granger acquiesça, confirmant ce qu'il venait de dire.
"J'aimais beaucoup le piano aussi." dit-elle. "J'ai appris toutes sortes de partitions, mais j'ai arrêté avant ma dernière année de primaire."
"Pourquoi ?" demanda-t-il, un peu curieux de connaître la vie de Granger antérieure à Poudlard.
"Parce que j'avais trop de travail."
"À l'école ?" railla-t-il.
Elle fronça les sourcils :
"L'école moldue n'a rien à voir avec vos apprentissages à domicile. J'avais beaucoup de choses à étudier : l'anglais, la grammaire, l'algèbre, la géométrie, les calculs, la science, la géographie, l'histoire, la physique, la chimie…"
Drago n'avait jamais imaginé que les moldus puissent avoir autant de choses à apprendre, il ne connaissait pas la moitié de ces matières. Il ne put cacher sa surprise, ce qui fit sourire Granger.
"C'est quoi, un conservatoire ?" demanda-t-il.
"C'est un lieu pour apprendre la musique. Ce n'est pas lié à l'école, c'est un enseignement en plus, comme un loisir. Là-bas, j'avais des cours de piano et de solfège, pour apprendre les partitions."
Il n'aurait jamais pensé que la vie avant Poudlard puisse être aussi occupée pour les moldus. Soudain, il eut envie de lui poser plein de questions sur le fonctionnement des écoles, mais il n'osa pas, ne voulant pas ressembler à Granger et ses centaines de questions.
"C'est là-bas que tu as appris la Lettre à Elise ?" demanda-t-il plutôt.
"Oui, c'est ça."
"Mais comment un moldu a-t-il pu t'apprendre ça ? Beethoven était un sorcier."
Granger fronça les sourcils dans une grimace mi-confuse mi-amusée.
"N'importe quoi. Beethoven était moldu."
"Je te demande pardon ?" s'insurgea Drago, cette fois-ci sûr de lui. "Tu oses insinuer que Beethoven, le célèbre compositeur, étudiant à Durmstrang, était un moldu ?"
"Beethoven n'était pas un…"
Drago coupa court à la phrase de Granger en se levant subitement de sa chaise. Il marcha vite vers le rayon "Personnalités du monde magique" de la Bibliothèque, sectionné en plusieurs parties, où il trouva le livre rouge qu'il cherchait. Il le rapporta à la table et le positionna devant Granger qui lut le titre à voix basse :
"Célèbres personnalités sorcières du monde de l'Europe du Nord ?"
Il ouvrit le livre, qu'il connaissait déjà pour l'avoir emprunté en seconde année, et chercha la bonne page. Granger eut un petit hoquet de surprise en voyant le visage de Beethoven qui bougeait dans son cadre.
"Ça alors ! Je n'en avais aucune idée…" dit-elle, surprise.
Elle lut la page avec avidité, et Drago se sentit fier d'avoir pu apprendre quelque chose à Granger, qui semblait déjà tout savoir.
"Je ne savais pas." répéta-t-elle, ébahie. "C'est l'un des compositeurs les plus célèbres du monde des moldus également, sa musique est connue dans nos deux mondes, je suppose."
Ils continuèrent de parler de musique et de compositeur, et Drago était de plus en plus étonné de voir à quel point Granger s'y connaissait. Pansy n'avait jamais trop aimé les cours de piano, elle préférait l'Astronomie, mais lui avait été très intéressé par ces derniers. C'était étrange de partager cette passion secrète avec quelqu'un qui n'avait rien à voir avec ça. Elle avait un autre point de vue.
Il apprit que son compositeur préféré était Jean-Sébastien Bach, mais qu'elle aimait aussi écouter les musiques au violon, comme celles de Vivaldi, que Drago ne connaissait pas. À la fin de leur discussion, Drago avoua :
"Je ne pensais pas que ton éducation moldue était aussi… riche."
S'il était tout à fait honnête, il aurait même pu préciser qu'elle s'y connaissait mieux que lui là-dessus, mais il ne voulait pas l'admettre. Il avait été tellement persuadé d'être un prodige en piano, mais voir Granger aussi passionnée remettait tout en question.
"Ah, Malefoy… Je pense qu'avec toutes les choses que tu ne sais pas sur moi, tu pourrais écrire au moins deux livres comme ça."
Elle désigna du doigt les deux épais volumes des livres devant elle, l'un sur les créatures magiques inférieures, et l'autre sur les personnalités célèbres. Elle s'étira et regarda l'heure, puis soupira :
"Je vais aller dîner."
Il hocha la tête et fit mine de continuer à lire, alors qu'il avait arrêté de lire le paragraphe de la révolution des gobelins depuis longtemps déjà. Granger se leva, alla ranger le livre sur les elfes de maison, mais garda celui que Drago avait pris du rayon dans ses bras.
"Je vais emprunter celui-là." dit-elle avec un sourire. "Peut-être que je reconnaîtrais d'autres personnes, là-dedans."
"D'accord." dit-il simplement.
"À plus tard, Drago."
Et elle partit vers l'entrée de la Bibliothèque. Drago la regarda partir avec le livre rouge serré contre elle, et un sourire se dessina sur ses lèvres sans qu'il puisse le contrôler. C'était vraiment bête. Il souriait juste parce qu'elle avait prononcé son prénom. Mais c'était tellement inhabituel, tellement réconfortant. Elle avait une manière de le prononcer différente des autres, ou peut-être qu'il n'était simplement pas habitué à entendre son prénom avec sa voix à elle.
Pourquoi ressentait-il plus de choses quand Granger l'appelait Drago que lorsque Pansy lui disait "je t'aime" ?
Il finit par ranger ses affaires également, juste avant que Madame Pince ne lui demande de sortir. Le dîner était presque terminé, alors Drago prit plutôt le chemin vers son banc, dehors.
Il faisait toujours aussi froid. Il aurait aimé connaître le sort que Granger jetait à ses pots de confiture, il n'avait pas réussi à ranimer les flammes de celui qu'elle lui avait donné la veille. Il s'assit et contempla le Château encore allumé, les mains dans les poches pour tenter de se réchauffer.
Il ne voulait pas penser à ses problèmes, mais comme à chaque fois qu'il était seul, ils lui revinrent en plein dans la figure. Il était sans cesse tourmenté, ces derniers temps. Sa résolution de ne pas aller voir Granger s'était volatilisée, il avait même passé l'après-midi avec elle. Ses valeurs, sa raison, tout s'effaçait quand il la voyait, remplacées par son envie qui gagnait toujours.
Il décida d'en parler à quelqu'un. Il avait besoin de partager ça, et surtout, de connaître un avis extérieur, de savoir si ce qu'il faisait était mal. D'habitude, il se serait confié à Pansy sans hésiter, mais il ne pouvait évidemment pas lui parler de ça.
Théo était quelqu'un de bon conseil, en qui Drago avait donné sa confiance depuis déjà plusieurs années. Mais Drago craignait qu'il rende ça encore plus compliqué que ça ne l'était déjà en lui posant trop de questions.
Un peu comme Granger, en fait. Ces deux-là se ressemblaient beaucoup trop.
Crabbe et Goyle étaient une bonne alternative pour être sûr de ne pas se faire questionner, mais Drago ne se voyait pas du tout étaler ses sentiments à ces deux idiots.
Il restait Blaise. C'était la deuxième personne qui le connaissait le mieux, il avait confiance en lui, il savait qu'il ne répéterait jamais ses problèmes à quelqu'un, ou qu'il ne le jugerait pas, et il avait des bons conseils. Ils ne s'étaient jamais vraiment confiés vraiment l'un à l'autre de la sorte, mais Drago allait devoir prendre sur lui.
Drago se leva subitement, décidé, et se rendit aux cachots des Serpentards. Il murmura le mot de passe, et quand il ouvrit la porte, il ne fut pas vraiment surpris d'entendre de la musique et des éclats de voix. Les Serpentards faisaient la fête, buvaient et dansaient à côté de la grande cheminée. Certains élèves travaillaient encore un peu, dont Théo qui s'était assis à l'une des tables d'étude de l'autre côté de la salle. Quand il vit Drago, il lui fit un signe de la main.
"Hey." dit Drago en s'approchant.
"Hey ! Si tu cherches Pansy, elle est assise sur le canapé juste là-bas, avec Daphné." lui dit-il en lui montrant l'un des canapés verts, dos à eux.
"Non, c'est bon. Blaise est là ?" demanda Drago.
"Dans le dortoir."
"Pourquoi tu n'étudies pas dans la chambre ? Il y aura moins de bruit, comment peux-tu te concentrer dans ce boucan ?"
"Oh, ça ne me dérange pas. Parfois, je préfère avoir plein de bruit autour de moi, ça m'aide. Tu n'es pas venu au dîner, je crois ? Tiens, ils sont allés chercher des trucs des cuisines tout à l'heure, si tu as faim." lui dit Théo, avant de reprendre sa plume pour continuer ses devoirs.
Drago le remercia, se servit de quelques trucs à grignoter sur la table et se dépêcha d'aller au dortoir avant que Pansy ne l'aperçoive. Quand il entra, Blaise sortit, déjà en pyjama, de la salle de bains où des vapeurs d'eau chaude s'échappaient par l'ouverture.
"Salut Dray. La douche est libre, si tu veux." lui dit son meilleur ami en se dirigeant vers son lit.
"Non merci. En fait, j'ai besoin… J'aimerais bien te parler, si tu veux bien."
Blaise parut surpris mais accepta d'un hochement de tête. Il s'assit sur son lit et Drago s'assit sur celui de Théo, juste en face de Blaise.
"Qu'est-ce qu'il se passe ?" demanda le brun, légèrement inquiet.
"Je dois te parler." répéta Drago en évitant de regarder Blaise, gêné. "Je dois te raconter, parce que sinon je vais exploser, mais ce n'est pas bien, personne ne doit le savoir, mes parents… Mais il faut que je te raconte, sinon je vais devenir fou, et j'ai besoin de ton avis, tu vois ?"
"Non." répondit sincèrement Blaise. "Je n'ai rien compris."
Drago soupira et se passa une main dans ses cheveux. Il n'avait jamais fait ça, étaler ses sentiments de la sorte. Parler, en fait. Ce n'était pas du tout son truc, de dévoiler des choses qu'il ressentait, qu'il ne s'autorisait même pas à penser réellement. Il prit plusieurs grandes inspirations et déballa tout :
"Pansy m'a dit qu'elle m'aimait, hier soir."
"Ok…" continua Blaise, hésitant. "Mais… Tu étais déjà au courant, non ?"
"Oui, elle me l'avait déjà dit… Enfin, non. Elle ne me l'avait pas vraiment dit, pas explicitement, pas comme ça ! Et hier, elle me l'a annoncé, de nul part !"
"Et qu'est-ce que tu as fait ?"
"J'ai répondu que je l'aimais aussi." dit Drago, le poids de son mensonge pesant soudain beaucoup plus lourd dans son estomac.
Il y eut un silence, où Blaise regardait tranquillement Drago de ses yeux caramel. Il annonça doucement :
"Mais ce n'est pas le cas."
Ce n'était pas une question. Drago se prit franchement la tête entre ses mains :
"Non." gémit-il.
"Alors, arrête de la faire espérer." dit Blaise. "Dis lui honnêtement que tu ne l'aimes pas, mais que tu veux rester son ami. Pansy est grande, elle comprendra."
"Mais j'ai peur… Imagine qu'elle arrête de me parler, comme cet été ?"
"De toute façon, tu ne peux pas continuer comme ça. Tu ne peux pas faire semblant d'être amoureux d'elle, de coucher avec elle en secret, ça va la détruire, et toi aussi."
Drago savait qu'il avait raison, mais l'entendre était difficile. Blaise reprit, les sourcils froncés :
"Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Tu dis que personne ne doit le savoir, surtout pas tes parents. Tu penses vraiment qu'ils seraient aussi furieux de savoir que tu ne veux pas finir ta vie avec Pansy ?"
Drago soupira encore une fois. Peut-être qu'il aurait dû en parler à Crabbe et Goyle, finalement.
"Il n'y a pas que ça." admit Drago d'une petite voix. "Je crois que j'aime bien… Une autre fille."
"Ah." dit Blaise avec un sourire à peine dissimulé. "C'est donc ça, ton véritable problème."
Drago hocha la tête et fixa plutôt ses doigts pâles posés sur ses jambes plutôt que le regard énigmatique de son meilleur ami.
"C'est avec elle que tu passes tes journées, ces derniers temps ?" demanda Blaise.
Drago hocha encore une fois la tête.
"Et tes parents ne l'approuveraient pas ?"
"Non, pas du tout. Je ne suis même pas sûr de l'approuver moi-même. Elle est différente, complètement opposée à nous, à ma famille. C'est le contraire de Pansy. Et je ne sais même pas si je l'apprécie, je ressens juste ce besoin constant de lui parler, de la connaître, de la regarder."
"Tu es amoureux d'elle ?" coupa Blaise.
"Non !" s'exclama Drago en relevant la tête brutalement. "Non, pas du tout. C'est juste que je la vois souvent, c'est tout."
"Hm. C'est une Poufsouffle ?" demanda Blaise, plus pour rire qu'une vraie question.
Drago émit un petit rire.
"Pire que ça." dit-il tout bas.
"Écoute." reprit Blaise d'un ton assuré. "Tu es à Poudlard, en quatrième année. Ce n'est pas comme si tu allais te marier demain. Je suppose que si tu la présentais à tes parents, ils ne seraient pas ravis, mais si tu traînes avec elle à l'école sans que personne le sache, ça ne fait pas de mal, si ? Moi, je dis que tu devrais en profiter. Si tu l'aimes bien, et qu'elle t'aime bien, ne laisse pas ta famille t'interdire ça. Ils ne sont même pas au courant. Te prends pas la tête avec ça."
Drago sentit les effets de cette phrase salvatrice lui détendre les épaules immédiatement. Il avait besoin d'entendre ça plus qu'il ne l'aurait cru.
"Ouais, t'as raison."
"Par contre, mets les choses au clair avec Pansy. Dis lui ce que tu ressens. Je suis sûr qu'elle comprendra."
Drago se releva et tapota gentiment la jambe de Blaise :
"Merci, Blaise. J'avais bien besoin de ça."
"Quand tu veux." dit-il. "Tu sais, parfois, on ne peut pas toujours être avec la personne avec qui on voudrait être. Profite d'elle tant que tu le peux."
Drago regagna son lit, et quand il se retourna, Blaise contemplait pensivement les rideaux de son lit. Drago se demanda si cette phrase s'adressait vraiment à lui, ou s'il ne parlait pas plutôt de ce qu'il ressentait, lui.
Il voulut lui demander, mais il se dit que si Blaise avait envie de se confier, il l'aurait déjà fait.
Il repensa longuement à la discussion qu'ils venaient d'avoir. Soudainement, son problème n'était pas aussi inatteignable qu'il ne l'avait envisagé plus tôt dans la journée. Il fallait simplement être franc avec Pansy, et continuer de parler avec Granger. Ils ne faisaient rien de mal en discutant simplement à la Bibliothèque, ou sur un banc, si ?
Blaise ne fit plus de commentaire sur leur discussion, fort heureusement. Drago savait qu'il avait probablement compris de qui il parlait. Blaise était malin, il allait forcément lier les escapades de Drago à la Bibliothèque avec Granger, celle qui y passait le plus de temps, sans parler du fait qu'elle était née-moldue, et à Gryffondor. Peut-être même avait-il déjà compris depuis plusieurs mois.
Théo finit par revenir au dortoir avec ses cahiers sous le bras. La musique était toujours aussi forte quand il ouvrit et referma la porte.
"Fini pour aujourd'hui !" déclara-t-il dans un soupir fatigué. "Je vais me coucher, je suis lessivé. Pansy va dormir avec Daphné, Drago."
Ce dernier fit un léger signe de tête pour montrer qu'il avait entendu. Théo alla vers son bureau pour ranger ses affaires. À côté de son lit, il avait installé une petite bibliothèque, où plusieurs dizaines de livres étaient tous empilés les uns sur les autres. La plupart était des livres moldus, que Théo ne cachait plus, parce qu'aucun de ses colocataires ne lui avaient fait de remarque depuis le jour où ils avaient découvert ce qu'il lisait secrètement.
"Hé, Théo…?" appela Drago en observant les étagères pleines.
"Ouais ?"
"Je peux te prendre un livre ?"
Ce dernier haussa les sourcils, mais accepta. Drago s'accroupit et lut plusieurs couvertures, dont certaines qui ne lui disaient rien du tout. Il s'arrêta finalement sur "Musiques et Arts de la Renaissance."
Il regagna son lit et ferma les rideaux après avoir souhaité une bonne nuit à Théo et Blaise, alluma le bout de sa baguette et commença à feuilleter le livre. Il y avait des centaines de noms de personnes qu'il ne connaissait pas, et même des partitions de musiques qu'il n'avait jamais entendues.
Il s'arrêta sur le chapitre sur Vivaldi et observa la petite photo qui le représentait. Elle ne bougeait pas.
Il se demanda si, un peu plus haut dans le Château, Granger était en train de lire la même chose que lui.
