Hermione
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Café, café, café…
Hermione ne pensait qu'au café en descendant les marches de l'escalier pour se rendre à la Grande Salle. Elle s'était, encore une fois, levée beaucoup trop tôt. Les cours ne commençaient pas avant deux heures, mais elle avait cette habitude de se lever toujours en avance, par peur d'arriver en retard.
En temps normal, elle n'aurait pas été si fatiguée, mais elle avait passé sa soirée de la veille à lire le livre que Malefoy lui avait trouvé à la Bibliothèque, si bien qu'elle ne s'était endormie qu'à 2h ou 3h du matin. D'habitude, elle ne lisait jamais aussi tard une veille de cours, mais elle avait été bien trop prise dans sa lecture pour s'en soucier, et maintenant, elle en subissait les conséquences.
Elle arriva dans la Grande Salle pratiquement vide. Hermione jeta un coup d'œil au plafond et vit que la neige avait été remplacée par des gros nuages gris, d'où s'échappaient des petits filets de pluie.
Hermione s'assit à sa place habituelle et se servit enfin le café qu'elle attendait depuis son réveil. À peine ses lèvres eurent-elles touchées le bord de sa tasse que Ginny s'installa en face d'elle.
"Bonjour Hermione !" lança-t-elle joyeusement.
"Hey Ginny." répondit-elle d'une voix enrouée. "Encore là si tôt ? Ne me dis pas que tu vas encore t'entraîner ?"
"Je vais essayer." dit-elle en haussant les épaules, indifférente au temps gris au-dessus de leurs têtes. "Et toi ?"
"Je pensais peut-être aller à la Bibliothèque avant les cours…"
Ginny lui lança un drôle de regard amusé par dessus le bord de sa tasse et Hermione pinça les lèvres :
"Arrête."
"Quoi ? Je n'ai rien dit." répliqua la rouquine avec son sourire malicieux. "Je dis juste que c'est une étrange coïncidence…"
"Oh, n'importe quoi." répliqua Hermione. "Je suis toujours allée à la Bibliothèque le matin avant les cours, depuis la première année."
"Oui, mais avant la première année, tu n'y allais pas avec… tu-sais-qui." dit Ginny à voix basse.
Bien que personne ne pouvait entendre autour d'elles, les poils de la nuque d'Hermione se hérissèrent en entendant ce nom déguisé. Elle n'avait toujours pas réalisé qu'elle passait du temps avec Drago Malefoy, son ennemi de toujours. C'était comme s'il s'agissait d'une autre personne. Son secret était bien gardé avec Ginny, elle le savait, mais l'entendre dire était aussi choquant que de le vivre.
"En réalité, ça ne change pas grand chose." dit Hermione, bien que c'était un pur mensonge. "Je ne fais que travailler, et lui aussi. Il s'assoit simplement à ma table, et on ne parle que de temps en temps, pour l'aider dans ses devoirs."
Ginny arqua un sourcil, visiblement pas dupe. Hermione préféra boire une grande gorgée de café noir plutôt que de se trahir encore plus.
"Tu sais, j'ai réfléchi à ce que tu m'as raconté." continua Ginny. "Et je pense que, même si ça m'a beaucoup étonné au début, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose de passer du temps avec lui."
"C'est vrai ?" s'étonna Hermione. "Tu penses ?"
"Oui, je pense qu'il est assez malheureux, et peut-être qu'en passant du temps avec toi, il va se rendre compte que les préjugés qu'il a depuis tout ce temps ne sont pas avérés." répondit Ginny. "En plus, avec Harry et Ron qui agissent comme des idiots ces derniers temps, ce n'est pas plus mal que tu passes du temps avec quelqu'un d'autre."
Ginny se retourna pour observer la table des Serpentards, mais Malefoy n'y était pas attablé. Seuls Théodore Nott et Blaise Zabini étaient déjà là, en train de lire silencieusement.
"En plus, ça ne doit pas être très réjouissant de passer tout son temps avec Crabbe et Goyle, ça doit lui faire du bien de parler avec quelqu'un d'intelligent." compléta Ginny avec une petite grimace.
"Il n'est pas ami qu'avec Crabbe et Goyle." dit Hermione en observant la table verte à son tour. "Il s'entend bien avec Pansy Parkinson, Théodore Nott, et Blaise Zabini."
Hermione regarda Théodore de loin, qui était en train de lire, les sourcils froncés. Il avait une tasse fumante à côté de lui et paraissait bien trop concentré pour se rendre compte qu'il était observé. Pendant une seconde, il lui fit soudain penser à elle.
Ginny, elle, ne regardait pas du tout le même garçon :
"Blaise Zabini… Il est pas mal."
"Je crois que je n'ai jamais entendu le son de sa voix." dit Hermione.
Ce n'était pas totalement vrai, parce qu'elle se souvenait que trop bien de s'être écoulée sur lui à cause de son épuisement, l'année précédente, mais elle avait préféré garder ce détail pour elle-même.
"Moi non plus." avoua Ginny. "Mais justement, ça le rend… Mystérieux, tu ne trouves pas ? On ne sait rien sur lui, il est toujours tranquillement en train de lire, ou d'observer les autres…"
Ginny était maintenant totalement retournée sur le banc et fixait sans gêne le garçon qui lisait un magazine, de l'autre côté de la Grande Salle. Hermione claqua ses doigts devant elle pour qu'elle revienne à elle :
"Hé, Ginny ! Et Harry, alors ?"
Ginny lui fit un petit sourire triste :
"Je n'arrive même pas à rester dans la même pièce que lui !"
"Je suis sûre que si tu lui parlais normalement, tu te rendrais compte que c'est un garçon parfaitement normal et accostable. Comment peux-tu regarder Blaise Zabini comme ça, et paniquer avec Harry ?" demanda Hermione, sidérée.
Ginny rit et acheva cette discussion dans un habile changement de sujet :
"La première épreuve arrive bientôt, est-ce qu'Harry se sent prêt ?"
Hermione fit non de la tête et la discussion enjouée des deux filles se changea soudainement en un silence pesant. Hermione mangea son porridge, soudain bien trop déconcentrée. À chaque fois qu'elle pensait à ce maudit tournoi, une peur panique lui prenait la tête. Et si Harry se blessait ?
Hermione était perdue dans ses pensées depuis plusieurs minutes, contemplant sans les voir les morceaux de flocon d'avoine qui flottaient dans son lait, quand Ginny étouffa un cri :
"Merlin, Hermione !"
Elle leva la tête et vit que la Salle était soudain beaucoup plus remplie, sans qu'elle s'en soit rendu compte. Neville et les jumeaux avaient rejoint la table des Gryffondors, Malefoy et Parkinson la leur.
Des centaines de hiboux volaient au-dessus des élèves pour apporter le courrier. Une vision extrêmement habituelle, sauf que cette fois-ci, tous les élèves de la Salle s'arrachaient le journal et s'exclamaient en regardant la couverture.
Hermione se concentra sur Ginny, qui avait une main posée sur sa bouche et les yeux exorbités. Elle lui montra la couverture de la Gazette des Sorciers sans un mot :
Une photo d'Harry était étalée en première page. Elle ne bougeait que très légèrement, mais on pouvait deviner qu'il n'était pas à l'aise : son sourire était crispé et il ne cessait de regarder à sa gauche, comme pour s'échapper. En dessous de l'énorme photo était écrit "Harry Potter, le plus jeune champion du Tournoi des Trois Sorciers, nous parle de sa vie pleine de drames et d'espoir." (pages 2, 7 et 8).
Hermione émit un son étranglé et prit son propre exemplaire du journal qu'elle venait de recevoir, sans faire attention aux coups de bec du hibou qui lui martelaient la main pour réclamer son paiement.
L'article ne parlait que d'Harry. Plus Hermione avançait dans sa lecture, plus elle était horrifiée. "Il m'arrive de pleurer en pensant à mes parents", "Ses yeux verts reflètent les fantômes de son passé", "Le traumatisme du garçon douloureusement inscrit sur son visage, marqué d'un éclair", "J'ai peu d'amis pour m'épauler, mais mes parents veillent toujours sur moi de là où ils sont…"
Hermione n'avait jamais entendu Harry prononcer la moindre phrase dans ce genre, elle était sûre que cette Rita Skeeter avait modifié tous ses dires. Ça n'empêcha pas la moitié des élèves de la Grande Salle à ricaner bêtement en citant quelques phrases dépourvues de sens.
Comme à chaque fois que quelque chose arrivait à Harry, Hermione sentit soudain de nombreux regards se tourner vers elle. Elle fit semblant de ne pas les voir et baissa davantage la tête sur le journal.
À sa gauche, elle entendit quelqu'un l'appeler :
"Hermione ! Hermione !"
Elle tourna la tête et vit George, qui tenait lui-même un exemplaire du journal, les sourcils froncés. Il lui indiqua simplement :
"Page 8, 9ème ligne."
Hermione tourna aussitôt les pages et passa son doigt sur les lignes pour trouver ce dont George parlait :
"Harry a enfin trouvé l'amour à Poudlard. Colin Crivey, un de ses très proches amis, nous a confié qu'on voit rarement Harry sans Hermione Granger, une jeune fille d'une beauté éblouissante, d'origine moldue, qui, tout comme Harry, est une des meilleures élèves de l'école."
Hermione sentit ses joues picoter et elle leva la tête violemment vers Ginny :
"Cette garce !" s'exclama-t-elle, outrée.
Sur la page, il y avait une petite photo prise sur le côté, où on pouvait apercevoir Hermione et Harry côte à côte en train de sortir de la classe de Sortilèges.
Hermione se justifia immédiatement :
"Ginny, ce n'est pas vrai du tout, je te le jure, je n'ai jamais vu Harry autrement que comme un frè…"
"Je le sais très bien, Mione." coupa Ginny d'un geste de la main. "Ce n'est pas cette pimbêche de Rita Skeeter qui va me faire douter de ça, sois tranquille."
"J'ai bien peur que ton frère ne soit pas de cet avis…" murmura Hermione.
Déjà que Ron était de mauvaise humeur en ce moment, il allait être furieux en découvrant cet article. Hermione entendait des bribes de l'article répétés par les élèves en face d'elle, qui lisaient le journal en riant.
Les Serpentards étaient ceux qui parlaient le plus fort. Les rires gras de Crabbe et Goyle se faisaient entendre par-dessus tout le brouhaha de la Grande Salle, ils se moquaient ouvertement d'Harry en imitant sa tête sur la photo. Pansy Parkinson et sa bande de copines riaient aussi, penchées sur le journal.
Hermione risqua un regard vers Malefoy. Il la regardait déjà. Il souriait, mais c'était un sourire faux, teinté de moquerie. Il avait l'air secoué, mais elle ne savait pas si c'était à cause de l'article ou pour autre chose.
Harry fit irruption dans la Salle à ce moment-là, comme par hasard. Il ignora soigneusement les regards braqués sur lui et s'assit en face d'Hermione, à côté de Ginny qui eut le courage de rester assise en évitant tout de même de le regarder.
"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" demanda Harry, déjà ennuyé. "Quelqu'un a balancé une rumeur sur moi pendant la nuit ? Je suis le descendant de quelqu'un ? Je suis un loup-garou ?"
"Pire que ça." répondit simplement Hermione en lui tendant le journal.
De toute façon, il allait l'apprendre, autant le faire assez tôt pour qu'il se prépare aux moqueries. En voyant son visage étalé en couverture, Harry fit une grimace et s'empressa de lire l'article dans son intégralité. Pendant sa lecture, Hermione pinça simplement les lèvres en attendant sa réaction, et en échangeant des regards inquiets avec Ginny.
"C'est complètement faux !" s'écria Harry vers la moitié de la page. "Je n'ai jamais dit ça, et encore moins à cette fraude de Rita Skeeter !"
"On sait, Harry." dit Hermione dans une tentative de rassurement. "Elle déforme tout ce qu'elle écrit."
"Je ne «pleure pas le soir en pensant à mes parents» ! Et «mes yeux ne reflètent certainement pas les fantômes de mon passé» !" corrigea-t-il d'un ton indigné.
Il se tourna vers les autres, comme pour vérifier qu'ils le croyaient bien. Neville, les jumeaux, Hermione et Ginny hochèrent tous la tête en même temps :
"On sait, Harry." répéta Hermione.
Harry tourna de nouveau les pages et tomba sur la photo d'Hermione et lui. Ses sourcils se froncèrent davantage :
"Oh, et nous sommes ensemble maintenant ?" demanda-t-il ironiquement. "Super. J'aurais aimé être au courant. Tu pourras me prévenir, la prochaine fois, Hermione ?"
Ginny étouffa un petit rire et Hermione ébaucha un sourire compatissant :
"Ne t'inquiètes pas, tout le monde aura oublié d'ici demain. Mange un peu, prends des forces pour aujourd'hui. On va en avoir besoin."
"C'est pas comme si je n'avais pas autre chose à penser, ces derniers temps." dit Harry en piquant furieusement sa fourchette dans son omelette.
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Comme elle l'avait prédit, sa journée du lundi fut longue et difficile. Hermione dû affronter les remarques désagréables sur son chemin toute la journée. Ça commença dès son premier cours de la journée, Arithmancie, où un Poufsouffle lui avait demandé un autographe d'Harry entre deux exercices.
Mais ce n'était rien comparé à Harry. Partout où il allait, la photo de couverture de l'article le suivait, se retrouvant parfois par hasard sur son bureau ou entre deux pages de son manuel. Dès qu'Hermione osait lui adresser la parole en public, certains élèves faisaient des bruits de bouche bruyants, et ils étaient obligés de s'éloigner l'un de l'autre.
Le midi, ils ne mangèrent que quelques bouchées et décidèrent de passer la pause à la Bibliothèque, aussi bien pour réviser le sortilège d'Attraction que pour s'éloigner des remarques insistantes. Pendant une heure, ils s'entraînèrent à lancer Accio, mais Harry n'arrivait pas à faire avancer sa pomme sur la table malgré tous ses efforts, ce qui le rendait encore plus malheureux qu'en début de journée.
Fatiguée de subir les sifflements à chaque fois qu'elle se tenait à côté de son meilleur ami, Hermione décida de passer son cours de Défenses contre les Forces du Mal à côté de Ron. Ce dernier n'avait pas fait de remarque sur l'article de la journée, mais il profita de la démonstration du sortilège de Reducto de Maugrey pour lui glisser à l'oreille :
"Comment ça va ?"
Elle le regarda d'un drôle d'air, pas sûre s'il était véritablement inquiet ou si c'était de la colère dissimulée.
"Parfaitement bien, et toi ?" répondit-elle dans un chuchotement.
"Moi, ça va. Ce n'est pas moi qui me fait étaler ma vie privée dans un journal." fit remarquer Ron.
"Ce n'est pas ma vie privée, ce sont des mensonges." rectifia Hermione aussitôt.
"Je sais." dit Ron d'une voix calme. "Je te demandais juste comment tu allais. J'imagine que ça ne doit pas être très agréable de lire ça sur soi, et que tout le monde se moque de toi."
Hermione détendit ses traits en entendant ça :
"Merci, Ron. Mais ce n'est pas moi qui le vit mal, c'est Harry."
Elle se tourna vers ce dernier, qui était assis un peu plus loin, à côté de Neville. Il agitait mollement sa baguette entre ses doigts et ne tentait même plus de lancer un bon Reducto.
Hermione se retourna de nouveau vers Ron qui avait affiché un air perplexe, faisant froncer son nez plein de tâches de rousseur.
"Tu devrais aller lui parler, Ron." dit-elle doucement. "Il a besoin de toi, tu lui manques, et je suis sûre qu'il te manque aussi. Oublions toute cette histoire."
"Non." répondit-il, soudain beaucoup plus ferme. "Je lui en veux toujours, Mione."
Hermione leva les yeux au ciel et se reconcentra sur la tasse qu'elle était censée réduire en pièces à la fin du cours. Ron arrêta de lui parler de l'article, mais elle était secrètement flattée qu'il s'inquiète pour elle de la sorte.
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Le lundi soir, Hermione était particulièrement fatiguée de cette journée éprouvante. Elle avait hésité à se rendre à la Bibliothèque, mais la perspective d'être dans un endroit calme où personne ne pouvait se moquer d'elle ou d'Harry était tellement alléchante qu'elle décida de s'y rendre après le dîner.
Quand elle arriva dans la grande salle des livres, elle se sentit tout de suite en sécurité, bien plus que tous les endroits où elle avait posé les pieds pendant la journée. Elle lança un bonjour discret à Madame Pince et s'aventura entre les tables.
Krum était toujours là, assis à sa table habituelle. Il lisait un livre anglais en fronçant si fort les sourcils qu'on ne voyait presque plus ses yeux, pourtant, quand Hermione passa à côté de lui, il se redressa et lui fit son habituel petit mouvement de tête dans sa direction, auquel elle répondit.
Elle suspectait qu'il passait du temps ici parce qu'il n'avait pas d'autre endroit où aller. Elle avait subi les dommages de la "célébrité" toute la journée, et elle pouvait comprendre qu'il puisse avoir envie de se réfugier quelque part où personne ne pouvait lui parler. Son fan-club était pourtant toujours là, comme glué aux chaises de la Bibliothèque et gloussant à chaque fois qu'il faisait le moindre geste.
La table reculée sur laquelle elle s'asseyait depuis Halloween était occupée par Drago Malefoy. Elle arriva dans son dos, mais il ne se retourna pas pour vérifier que c'était elle. Hermione s'assit en face de lui et l'avertit directement :
"Je te préviens, tu as interdiction de faire mention de ce stupide article, ou alors je pars m'asseoir à une autre table."
"Bonsoir Granger." répondit-il d'une voix pleine de sarcasme. "Tendue ?"
Il ne put s'empêcher de sourire, révélant un instant ses dents blanches. Elle se rendit compte qu'elle était tellement habituée à voir son sourire en coin insupportable qu'elle ne voyait que très rarement les vrais sourires, ceux qu'il n'arrivait pas à contrôler.
"C'est à cause de toi." répliqua-t-elle en sortant son livre.
"Pardon ? Je ne m'appelle pas Rita Skeeter. Je suis Drago Malefoy, moi."
"Tu crois que je n'ai pas remarqué ton découpage de la photo d'Harry que tu as jeté en avion en papier, pendant le cours de Défense contre les Forces du Mal ?"
Il rit à ce souvenir, absolument pas intimidé par le regard noir d'Hermione.
"Ça me touche que tu puisses penser que c'était moi, mais c'était une idée de Goyle. J'ai simplement aidé pour le sortilège de Lévitation, en bon ami que je suis."
"Tu te souviens de notre deal, Malefoy ? Pas d'insulte pendant un mois, sinon, tu n'as plus le droit de t'asseoir à cette table." lui rappela-t-elle d'une voix un peu trop fluette à son goût.
"Je sais, Granger. Je ne l'ai pas insulté de la journée, il s'est avéré qu'il se trouvait souvent sur mon chemin au moment où je lisais l'article à voix haute, c'est tout. Et puis, je tiens à te rappeler que cette Bibliothèque ne t'appartient pas, même si tu y passes plus de temps que Madame Pince elle-même." ajouta-t-il, railleur.
"Tu es de bonne humeur pour quelqu'un qui a récolté un Désolant en Arithmancie ce matin."
En entendant ça, le visage de Malefoy se décomposa légèrement.
"Ouais… En parlant de ça…" dit-il en pointant du doigt son manuel d'Arithmancie, justement ouvert à la page de l'exercice de la journée. "Théo m'a demandé plusieurs fois de lui expliquer le cours en me disant, je cite, «si tu as encore une meilleure note que moi, je te ferai manger les Scroutts à pétard d'Hagrid par le nez.»"
"Nerveux, ce garçon." fit remarquer Hermione.
"Ouais, on peut dire ça. Il ne supporte pas d'être moins bon quelque part et passe donc toutes ses journées à réviser l'Arithmancie. Ça fait carrément peur à Blaise. Et d'ailleurs, ça me rappelle quelqu'un…"
Il lui lança un regard très appuyé et Hermione sourit malgré elle.
"Je ne sais pas de quoi tu parles." dit-elle faussement. "Continue."
"Bref, j'avais bien compris ce que tu m'as expliqué, mais maintenant c'est une autre charte et je ne comprends plus rien, et Théo devient de plus en plus menaçant. Tu pourrais m'expliquer cet exercice ?"
"Comment on demande ?"
Il écarquilla les yeux légèrement, surpris par cette demande.
"Je sais pas, qu'est-ce que tu veux en échange ?"
"Rien, je te demandais simplement de dire "s'il te plaît."
Malefoy fit la moue, essayant probablement de comparer l'effort que pourrait procurer cette politesse contre la nécessité de comprendre l'exercice. Il finit par capituler :
"S'il te plaît, Granger, éclaire-moi de ta sagesse."
"Non." répondit-elle brusquement.
Elle ouvrit son livre que sa grand-mère lui avait envoyé pour son anniversaire et qu'elle avait presque terminé, ignorant le visage scandalisé de Drago Malefoy devant elle.
"Je t'ai dit "s'il te plaît" !" s'exclama-t-il, bien trop fort pour la Bibliothèque.
"Ce n'est pas parce qu'on demande qu'on obtient ce qu'on veut, Malefoy." dit Hermione. "Tes parents ne t'ont jamais appris ça ?"
Le visage de Drago s'assombrit soudain en entendant la référence à ses parents.
"Arrête d'être arrogante et explique moi cette putain de charte." demanda-t-il entre ses dents.
"Ça c'est de la politesse." dit Hermione, qui devait se retenir de rire. "Pourquoi est-ce que je t'aiderais alors que tu embêtes mes amis toute la journée ?"
"Ça ne t'a jamais dérangé avant." dit-il de son ton le plus perçant, celui qu'il prenait généralement pour lancer des piques méchantes.
"Aujourd'hui ça me dérange." répliqua-t-elle calmement.
Malefoy soupira et s'agita légèrement sur sa chaise. Hermione était étonnée de voir qu'il portait toujours son uniforme de Serpentard, d'habitude, il se changeait avant de venir. Était-il venu directement après le dîner ? Il desserra un peu sa cravate et sembla en proie à un dilemme mental des plus coriaces. Visiblement, il devait se retenir de l'insulter, et ainsi briser leur accord.
Hermione lut quelques lignes, indifférente au combat intérieur de Malefoy devant elle, et ne releva paresseusement la tête une fois qu'il se fut décidé :
"Granger, j'ai vraiment besoin d'aide."
Drago Malefoy n'était pas fait pour demander quelque chose, elle l'avait rarement vu si frustré. Il devait vraiment n'avoir rien compris à ce cours pour agir de la sorte.
"Très bien, alors tu arrêtes de porter ce badge immonde pour le reste de la semaine." dit-elle sans réfléchir.
Il haussa les sourcils :
"C'est du chantage, Granger."
"Non, ça serait du chantage si je te demandais de t'inscrire à la S.A.L.E, mais tu ne le feras jamais, alors je te demande quelque chose à ta portée."
"Bon, très bien." dit-il en se frottant les paupières pour montrer son impatience. "Pas de "À bas Potter" jusqu'à lundi prochain. Tu vas finir par me dépouiller de toute ma personnalité, Granger."
"C'est le but." dit-elle malicieusement. "Maintenant montre moi cette charte et passe-moi ta plume."
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Drago
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Le mercredi, en cours d'Histoire de la Magie, Drago essayait tant bien que mal de ne pas prolonger sa nuit de quelques minutes supplémentaires à moitié affalé sur son pupitre.
Le cours d'Histoire de la Magie étant le mercredi matin cette année, Pansy et lui n'y assistaient que très rarement, préférant plutôt dormir plus tard. Mais ce matin-là, Théo avait donné un gros coup de pied dans sa malle sans faire exprès, et après s'être fait réveillés aussi brutalement, ils n'avaient pas eu d'autre choix que de se lever aussi.
La voix du professeur Binns était toujours aussi lente et gutturale, ce qui avait le don d'assoupir les élèves. Même si le cours était partagé avec les Serdaigles, aucun de ces derniers ne s'était résolu à prendre des notes. Certains discutaient à voix basse, d'autres baillaient sans gêne. Blaise avait abandonné et dormait profondément, la joue contre la table. Théo, assis à côté de lui, était le dernier survivant du cours le plus soporifique jamais donné, et écrivait toujours sur son parchemin.
Et il n'était que 9h12.
Drago soupira bruyamment. Il avait déjà épuisé toute forme d'amusement possible : faire des tâches d'encre sur sa feuille, découper une plume, se balancer sur sa chaise en arrière, et jeter des bouts de parchemin vers Blaise en essayant d'atteindre son oreille.
Il se tourna vers Pansy avec qui il partageait son pupitre. D'habitude, elle s'endormait aussi, mais cette fois-ci, elle lisait quelque chose sous la table. Il se pencha en arrière pour voir ce que c'était, et reconnut sans difficulté les lignes de toutes les couleurs de son magazine préféré, Boule de Cristal.
"Tu fais quoi ?" marmonna-t-il.
"Je lis." dit-elle, comme si ce n'était pas évident.
"J'ai bien vu. Tu lis quoi ?"
"Nos horoscopes du mois de décembre." dit Pansy.
Elle posa franchement le magazine sur la table. De toute façon, même si elle se mettait soudain à danser sur la table, le professeur Binns ne remarquerait probablement pas.
"Mars sera en orbite dans la douzième maison en début de mois, ce qui peut faire ressortir les ascendants." expliqua-t-elle.
Drago ne comprenait pas un mot de ce qu'elle disait, mais c'était toujours plus passionnant que la biographie du gobelin Ranrok qui fut chef de la révolution des gobelins de 1890.
"Et donc, comment sera mon mois de décembre ?" demanda Drago.
Pansy fit défiler son doigt verni de noir sur les lignes du magazine pour trouver les Gémeaux, puis lut dans un murmure :
"Gémeaux : Votre dualité de personnalité se fera ressentir encore plus intensément que les mois précédents. Vous serez souvent partagé et plein de doutes, mais faites confiance à votre instinct primaire et cessez de vous laisser emporter par vos émotions. Santé : Le froid ne vous aura pas cette année, vous fêterez Noël sans aucune fièvre. Amour : Célibataires, il est temps pour vous de vous ouvrir à la possibilité d'un nouvel amour, surtout pendant la période des fêtes ! En couple, ne pensez pas que votre relation est acquise, offrez-lui un beau cadeau !"
Drago déglutit péniblement. Il ne s'était pas attendu à un compte rendu aussi réel de sa vie. Peut-être que Théo avait tort, peut-être que la Divination n'était pas aussi foireuse qu'il ne le pensait. Pansy tourna la page pour lire l'horoscope des Scorpions, dont il était sûr qu'elle ferait un résumé à Blaise après la classe.
Au bout d'une dizaine de minutes, Pansy ferma son magazine et déplia la Gazette du Sorcier, probablement pour comparer les deux horoscopes. Drago vit alors une photo d'Harry Potter parmi les pages, où il se tenait tout guindé et mal à l'aise.
"Encore Potter ?" siffla-t-il.
"Non, c'est toujours l'édition de lundi. Je n'ai pas pensé à lire mon horoscope, j'étais trop occupée à lire l'article sur Potter et Granger." répondit Pansy.
Elle s'arrêta sur la double page où l'on pouvait lire le titre "La vie romantique d'un héros tragique à Poudlard", où la photo de Granger et Potter qui marchaient tous les deux prenait une grande partie du centre de la page. Pansy ricana méchamment :
"Ça me dégoûte."
"Oh, Pansy." dit Drago impulsivement. "Tu ne vas pas me dire que tu y crois. Même toi qui est une grande fan de Rita Skeeter ne peut pas oser me dire que cet article n'est pas un ramassis de conneries."
"On s'en fout de si c'est vrai ou pas. Le plus important, c'est que ça foute la pression à Potter, pour qu'il perde le tournoi. Et regarde-la, cette Granger, complètement obnubilée par son Potter…"
Elle montra du doigt la photo où Granger marchait à la sortie de la classe. Objectivement, aucune expression sur son visage ne pouvait indiquer la moindre forme d'émerveillement à l'égard de Potter. Mais Drago fut obligé de rentrer dans le jeu de Pansy :
"Ouais. Pathétique."
Pendant que Pansy lisait son horoscope du journal, Drago osa demander :
"C'est quoi le signe des gens nés en septembre, déjà ?"
Elle arqua un sourcil et se tourna franchement vers Drago, le bas de sa frange frôlant dangereusement ses cils noirs :
"Vierge. Pourquoi tu me demandes ça ?"
Ses yeux étaient fendus, méfiants.
"Pour Théo, qui d'autre ?" répondit Drago.
"Oh !"
L'expression de Pansy changea en une fraction de seconde, elle était soudain beaucoup plus joyeuse à l'idée que Drago puisse s'intéresser à l'astrologie. Elle lui glissa le magazine de Boule de Cristal et il lut celui des Vierges :
"Vierge : Pour une fois, vous laissez le travail de côté pour vous focaliser sur des problèmes bien plus urgents. Un événement majeur ébranlera votre Décembre et une surprise inattendue vous comblera de joie ! Santé : Quelques maux de tête vous dérangeront pendant les chiffres pairs, mais le thé réussira à vous en épargner. Amour : Célibataires, la chance vous sourit ! N'hésitez pas à vous ouvrir aux inconnu(e)s. En couple, Noël sera synonyme de conflit."
Il ne savait pas quoi penser de cet horoscope, ni pour Granger, ni pour Théo. Il ne savait pas encore exactement s'il croyait à l'astrologie, même si Pansy avait l'air déterminée à le convaincre. Elle lui reprit le magazine des mains, puis murmura :
"Oh non, Sagittaires : vous aurez des problèmes d'argent ce mois-ci… Daphné est Sagittaire, elle ne pourra pas s'acheter ce sac à main dont elle me parle depuis des mois…"
Drago n'osa pas dire à Pansy qu'il n'en avait absolument rien à faire du sac à main de Daphné et hocha donc la tête sans répondre. Le flot de paroles de Pansy sur la vie de son amie devint très vite un bourdonnement semblable à celui de Binns, et Drago passa le reste du cours à regarder sans le voir Théo qui avait succombé aux effets du cours et s'était assoupi sur son bras.
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Les marches pour se rendre au cours d'Astronomie étaient encore plus épuisantes que d'habitude. Les mercredis soirs, il était toujours difficile de ressortir à 23h pour aller observer les étoiles, surtout après avoir quitté le confort de la Salle Commune.
Drago n'était consolé que parce qu'il savait que le cours d'Astronomie était partagé avec les Gryffondors, et que ça ajoutait toujours un peu plus de piment. Et puis, aussi, parce qu'il pouvait accessoirement regarder Granger, même s'il tentait de se convaincre de ne pas le faire.
Ils arrivèrent dans la salle circulaire de théorie d'Astronomie, sous le toit, où la professeure Sinistra distribuait des feuilles de cours avec sa baguette magique. Quand ils entrèrent, Pansy en tête de file, la professeure lui fit un grand sourire peu commun :
"Miss Parkinson ! Comment allez-vous ?"
Drago n'avait jamais entendu la professeure aborder un ton aussi doux, elle qui d'habitude pouvait être extrêmement stricte. Pansy s'approcha d'elle et elles discutèrent un long moment, avant qu'elle n'aille s'asseoir à côté de Daphné.
Les Gryffondors arrivèrent et prirent place autour de la table circulaire. Granger s'installa entre Weasley et Potter et sortit sa carte d'Astronomie, ses parchemins et sa plume blanche.
"Bonsoir à vous tous." dit la professeure Sinistra en se positionnant au centre de la pièce. "Aujourd'hui, nous ferons un peu de théorie dans cette classe, puis nous monterons sur la tour pour observer ce dont je vais vous parler, d'accord ?"
Théo, assis à côté de Drago, produisit un son étranglé sans le vouloir et la professeure Sinistra se tourna sèchement vers lui :
"Oui, Monsieur Nott, je sais qu'il fait froid, mais les meilleurs astronomes du monde ont pourtant réussi à détecter de nombreuses étoiles même en novembre."
Théo hocha la tête et la professeure reprit son exposé :
"Comme vous le savez, nous étudions en ce moment la constellation de la Lyre, et plus particulièrement l'étoile de Véga. Quelqu'un peut-il me rappeler la particularité de cette étoile ?"
Personne ne fut étonné quand la main de Granger se projeta dans les airs.
"Oui, miss Granger ?"
"C'est la cinquième étoile la plus brillante du ciel, la deuxième de l'hémisphère nord, juste après Arcturus." répondit-elle fièrement.
"Très bien !" s'exclama Sinistra. "Cinq points pour Gryffondor !"
Comme à chaque fois qu'un professeur la félicitait, Granger baissa la tête sur sa carte pour cacher un sourire gêné. C'était presque agaçant. Il aurait aimé qu'elle se trompe, pour une fois.
"Facile." grinça Pansy depuis son pupitre.
Drago n'était pas d'accord, il n'avait aucune idée de ce qu'était Arcturus, ou la Lyre, ou quoique ce soit. Il copiait toujours les devoirs de Pansy.
"Aujourd'hui, nous allons nous déplacer un peu plus vers le Nord, plus précisément vers le pôle nord céleste." expliqua la professeure en écrivant sur le tableau d'un coup de baguette magique. "Nous allons nous intéresser à une constellation qui frôle la Petite Ourse, et qui s'appelle la constellation du Drago."
En entendant ça, Drago leva brutalement la tête, et Granger et lui échangèrent le plus bref des regards avant de détourner les yeux. "Ton nom vient d'une constellation." avait-elle dit, à la Bibliothèque, le premier soir où ils s'étaient véritablement parlés. Elle devait penser au même souvenir. Elle entoura la constellation en question sur sa grande carte, probablement parce qu'elle savait déjà où elle se trouvait.
Drago écoutait le cours désormais. La professeure Sinistra se lança dans une grande explication du mythe du Dragon, puis reproduisit la constellation sur le tableau en inscrivant le nom des étoiles qui la composait. Granger notait tout soigneusement, et sans savoir pourquoi, il en était flatté.
À la fin de la théorie, Sinistra demanda aux élèves de se lever et de prendre leur télescope pour aller observer la constellation en question. Quand Drago se leva, Pansy l'intercepta :
"Tu as vu ? C'est ta constellation !"
Drago se rappela des nombreuses fois où Pansy lui avait montré la constellation de Drago depuis son jardin, à côté de la fontaine. Elle lui avait proposé de le faire réviser s'il était trop nul en Astronomie avant qu'ils soient à Poudlard.
Si on lui avait dit à ce moment-là que ça serait une née-moldue qui l'aiderait pour ses devoirs, aurait-il pu y croire ?
Ils montèrent tout en haut de la tour d'Astronomie, la plus haute de Poudlard. Théo avait raison de se plaindre, parce qu'à peine étaient-ils arrivés sur la plateforme qu'un froid glacial les frappèrent de plein fouet.
Drago s'installa derrière l'un des postes d'observation avec un Théo qui grommelait, un Blaise inexpressif et une Pansy bien trop heureuse de ce cours.
Granger lança son sort de flammes bleues dans ses pots de confiture qu'elle fit passer à Londubat et Potter. Puis, elle se concentra sur son télescope et chercha la constellation de Drago dans le ciel. La sienne.
Drago n'écoutait plus les conseils de Sinistra sur le réglage de la lunette du télescope, qui étaient de toute façon balayés par le vent. Il se laissa guider par Pansy qui chercha pour lui, puis il regarda à travers le télescope la suite d'étoiles. Pansy avait eu beau lui montrer une centaine de fois, il n'avait jamais vraiment réussi à démêler cette constellation-là des autres. Pour être honnête, il peinait encore à voir une forme de dragon là-dedans.
Il passa le reste du cours à observer Granger en biais, qui avait du mal à trouver la Drago. Parfois, il aurait pu jurer qu'elle se tournait vers lui, avant de revenir brutalement sur sa carte.
Sinistra annonça la fin du cours bien plus tôt que ce qu'il aurait imaginé. À peine eut-elle fini sa phrase que Théo descendait déjà les marches de l'escalier de la Tour, complètement frigorifié. Tandis que Granger pliait son télescope en discutant avec Potter, Pansy se rapprocha de Daphné, Millicent Bulstrode et Tracey Davies dans un coin de la plateforme.
Drago n'avait pas remarqué ce qu'elle tenait dans la main jusqu'à ce qu'il entende :
"Harry Potter a enfin trouvé l'amour à Poudlard !"
C'était la Gazette des Sorciers, et Daphné lisait d'une voix sournoise l'article que Drago avait déjà entendu une centaine de fois. Potter passa à côté d'elles à ce moment-là et Pansy fixa Granger, juste derrière lui, de ses yeux sombres :
"D'une beauté éblouissante ?" Elle ? Par rapport à qui, à un castor ?" cria Pansy.
Drago vit Granger contracter sa mâchoire, mais elle leva haut la tête et passa à côté des filles qui gloussaient, indifférente :
"Ne fais pas attention, Harry." dit-elle. "Ne fais pas attention à elles."
Potter et elle descendirent les marches à leur tour, tandis que Pansy éclatait de rire, son rire le plus mauvais, qui donnait des frissons dans le dos à Drago qui n'avaient rien à voir avec le froid.
"Pourquoi as-tu fait ça ?" demanda Drago une fois qu'il avait rattrapé Pansy dans les escaliers.
"Parce que j'en avais envie." répliqua-t-elle amèrement. "Elle ressemble à un castor, c'est la pure vérité."
Drago voulut lui faire remarquer que ses dents avaient changé, avant de se retenir. Il ne pouvait pas dévoiler ce genre d'informations à Pansy, elle serait capable d'enquêter pour savoir comment il avait fait pour savoir ça.
Théo se plaignit sur tout le chemin vers les cachots, insensible au fait que personne d'autre n'avait si froid que lui. Quand il annonça le mot de passe, la porte apparut et Drago l'ouvrit. Ils se firent accueillir par un flot d'élèves de toutes les couleurs qui dansaient sous la musique qui réverbait contre les murs de pierre.
"Encore ?" s'écria Théo. "Un mercredi ?!"
"Tu dis ça tous les mercredis depuis au moins deux ans !" contesta Pansy.
Elle se dirigea directement vers son canapé préféré où elle allongea ses longues jambes pâles. Drago s'assit à côté d'elle, Blaise prit le fauteuil miraculeusement vide, et Théo accepta de rester "cinq petites minutes".
Pansy s'alluma une cigarette, et Drago fut surpris de voir que Blaise lui prit des doigts pour prendre plusieurs taffes dessus. C'était la première fois qu'il voyait Blaise fumer, mais ça n'avait pas l'air d'être si nouveau parce qu'il inspira normalement et rendit sa cigarette à Pansy l'air de rien.
"Théo ?" proposa-t-elle en lui tendant son mégot.
"Non merci."
"Allez, ça te réchauffera."
"Non, merci." répéta le garçon.
Plusieurs autres personnes, dont Daphné, insistèrent pour que Théo fume. Drago trouvait ça assez puéril. S'il n'avait pas envie de fumer, il ne voyait pas pourquoi il devait y être obligé. Finalement, Théo se fit convaincre et il toussa pendant une bonne demie-heure après avoir inspiré la fumée de la cigarette moldue de Pansy.
Pansy lui tendit la fin de sa cigarette, et Drago accepta, surtout parce que tout le monde l'avait fait et qu'il ne voulait pas être exclu. Il regardait les corps des danseurs en face de lui se trémousser au rythme de la musique cassante qui résonnait dans la Salle Commune. Il se demanda comment des élèves d'autres Maisons que Serpentard pouvaient venir. Les préfets devaient être vraiment nuls pour laisser passer autant de personnes pratiquement tous les soirs.
Drago devait avouer que fumer était un bon exutoire, mais il ne supportait pas le goût âcre de la cigarette dans sa bouche. Il redonna le mégot à Pansy avec une grimace et elle le reprit tout en discutant avec Daphné.
La musique changea, plusieurs filles se levèrent pour rejoindre la piste de danse, et une Serdaigle que Drago n'avait jamais vu vint s'asseoir à côté de Théo.
"Salut." dit-elle par-dessus la musique. "Je suis Maïa, troisième année."
"Salut." répondit Théo qui avait toujours les yeux qui pleuraient à cause de la cigarette. "Théo."
Il parut surpris de l'intrusion de cette fille, surtout que quand quelqu'un venait leur parler, c'était surtout à Blaise. Mais la fille sourit encore plus et continua :
"C'est toi qui fait les devoirs des autres en échange d'argent ? J'ai entendu dire que tu avais toujours des bonnes notes, et j'aurais bien besoin d'un peu d'aide…"
La fille, Maïa, avait deux longues nattes qui tombaient jusqu'à son cou et un sourire charmeur. Drago espérait que Théo avait réalisé qu'elle le draguait uniquement pour avoir des faveurs, mais ça ne sembla pas l'ennuyer parce qu'il répondit d'un ton fier :
"Ouais, c'est moi."
"Cool." répondit la Serdaigle. "Tu penses que tu pourrais me faire mon essai d'Histoire de la Magie ? Je te paierai, bien sûr."
"Euh… D'accord, ça marche. C'est 7 Gallions par copie."
Crabbe et Goyle, assis sur un autre canapé un peu plus loin, levèrent la tête avec des airs indignés en entendant le prix, beaucoup plus bas que pour eux deux. Heureusement pour Théo, ils n'osèrent pas contester et Maïa accepta d'un vigoureux hochement de tête :
"Merci Théo ! Tu me sauves la vie !"
"Pas de problème."
Théo et Maïa continuèrent de parler pendant de longues minutes, mais Drago n'entendait plus rien à cause de la musique qui avait magiquement augmenté de volume. Blaise se pencha vers lui et lui montra Théo du doigt :
"Quelque chose me dit qu'il ne va pas rester 5 minutes…"
Drago éclata de rire, et Théo, bien trop focalisé sur sa conversation, ne releva pas.
Plus la soirée continuait, plus la surface sombre du Lac Noir semblait s'obscurcir de plus en plus. Drago observait les fenêtres et réussissait parfois à voir des créatures passer. Il était gêné par le goût métallique de la cigarette qu'il avait sur la langue, alors il se leva pour se diriger vers la table des boissons.
Il arriva devant l'étendue des bouteilles et en prit une au hasard, comme à chaque soirée. Il ne connaissait pas assez les alcools pour les différencier, il les prenait simplement pour avoir un verre dans la main et siroter. Blaise était bien plus connaisseur, il était capable de citer chaque bouteille sans même goûter.
Il était en train de dévisser une bouteille d'un alcool bleu quand une fille s'approcha de lui. Il ne l'avait jamais vue, et ne savait pas non plus dans quelle Maison elle se trouvait. Elle s'appuya sur la table et lui fit un sourire en coin :
"Malefoy, c'est ça ? Drago Malefoy ?"
Elle avait un accent très prononcé, il pouvait le déceler malgré la musique tonitruante.
"C'est ça." dit-il. "Et tu es ?"
Il s'en fichait de ses bonnes manières. Il versa le contenu bleu de la bouteille dans son verre.
"Ophélia."
Drago fit un petit signe de la tête et porta le gobelet à ses lèvres, mais la jeune femme l'arrêta avec un sourire :
"Je ne boirais pas ça, à ta place. C'est immonde."
Il arqua un sourcil et but tout de même une gorgée. Elle avait raison, c'était ignoble, mais comme il ne supportait pas de ne pas avoir raison, il haussa vaguement les épaules :
"Peu importe."
Il fit un pas vers le canapé mais la fille l'arrêta une seconde fois en lui touchant le bras :
"Tu viens souvent à ce genre de soirées ?" demanda-t-elle.
"Et bien, étant donné qu'elles se passent dans ma Maison, je n'ai pas vraiment le choix. Et toi ?"
Ophélia tourna la tête pour observer les danseurs, agitant au passage sa longue chevelure blonde.
"Pas vraiment."
"Tu es dans quelle Maison ?" demanda-t-il, intrigué.
"Aucune." dit-elle avec un sourire mystérieux.
Les cheveux blonds, l'accent, la Maison… Drago comprit enfin :
"Tu viens de Beauxbâtons, c'est ça ?"
"Il t'en as fallu, du temps." dit-elle en riant. "Tu as bu combien de ça ?"
Elle pointa du doigt le gobelet de Drago.
"C'est mon premier." dit-il. "Si tu viens de Beauxbâtons, comment peux-tu connaître mon prénom ?"
"Tu as une bonne réputation." répondit-elle simplement.
"Ah oui ?"
Maintenant qu'il lui parlait, Drago se rendit compte à quel point la fille était belle. Elle n'arrêtait pas de se toucher les cheveux, ou de les placer derrière son oreille.
"Oui. Les filles avaient raison à ton sujet, tu es définitivement l'un des plus beaux garçons de Poudlard."
Ses yeux brillèrent sous la lumière artificielle qui se baladait sur les murs de la Salle Commune.
"Et bien… Au moins, on peut dire que tu es directe, Ophélia." dit-il avec un rire gêné.
Il s'était déjà fait draguer, mais ça n'avait jamais été aussi rapide. Ophélia émit un petit rire et posa soudain sa main sur celle de Drago, qu'il avait mis sur la table.
"Oui, on me le dit souvent." dit-elle, soudain beaucoup plus bas. "Tu n'as qu'à me servir un verre et je le serais encore plus."
Par réflexe, Drago tourna la tête vers le canapé pour essayer d'intercepter Pansy. Ophélia retira prestement sa main.
"Oh." murmura-t-elle. "Tu es avec elle ? La fille aux cheveux noirs, dans le canapé ?"
Drago n'avait jamais été bon pour décrire la relation qu'il avait avec Pansy, et encore moins quand c'était une inconnue qui demandait. Il bredouilla :
"Non, pas vraiment, enfin si… C'est… C'est compliqué."
"Je vois ça." dit-elle. "Sinon, tu n'aurais jamais mis autant de temps à répondre."
"C'est ma meilleure amie, mais…"
"Je vois." coupa-t-elle en reculant légèrement. "Désolée de t'avoir dérangé. À bientôt, peut-être."
Et elle disparut dans la foule. Pendant une seconde, Drago se demanda s'il n'avait pas rêvé de cet échange, peut-être était-ce cette boisson dégueulasse qui lui faisait voir des choses ? Il secoua la tête et retourna s'asseoir sur le canapé. Il n'était même pas encore assis que Pansy lui demanda d'une voix sèche :
"Qu'est-ce qu'elle te voulait, Ophélia ?"
Drago était toujours estomaqué de la capacité de Pansy à connaître tous les noms des autres. Il haussa les épaules :
"Rien."
"Ça n'avait pas l'air d'être rien, elle te touchait la main." répliqua-t-elle froidement.
Drago se tourna vers elle, et il fut étonné de voir qu'elle ne paraissait pas vraiment énervée, juste curieuse. Il répondit honnêtement :
"Je ne sais pas, elle m'a dragué, je crois."
Pansy arqua un sourcil et ne dit rien de plus. Elle sortit une cigarette et alluma sa baguette d'un sort imprononcé, puis la consuma entièrement sans rien dire. Pourtant, elle regardait fixement la foule de danseurs de ses yeux perçants. Ophélia n'y était pas.
"Je vais me coucher." déclara Drago au bout d'une dizaine de minutes.
"Je viens avec toi." dit aussitôt Pansy en se levant.
Ils firent signe à Blaise et Théo, qui semblaient maintenant décidés à rester dans la soirée, et prirent la route vers les dortoirs. Il était plongé dans le noir. Drago fit une toilette rapide et se mit au lit rapidement, très vite rejoint par Pansy qui ferma les rideaux verts d'un coup de baguette.
Elle ne parlait pas, et comme la chambre était éteinte, il ne pouvait pas vraiment discerner son visage. Drago soupira et finit par dire :
"Je suis désolé Pans'."
"Désolé ? De quoi ?" demanda-t-elle.
"De… Je sais pas." avoua-t-il. "Mais tu as l'air triste, alors…"
"Drago, tu as tout à fait le droit de draguer d'autres filles." dit-elle.
Il fronça les sourcils. Il n'aurait jamais pensé qu'elle puisse dire ça. Il se retourna dans le lit et se retrouva à quelques centimètres d'elle, son odeur de tabac froid emplissant ses narines.
"Quoi ?" demanda-t-il dans un souffle.
"On s'est dit qu'on coucherait ensemble, pas qu'on serait un couple." lui rappela-t-elle. "Nous ne sommes pas exclusifs, si tu veux coucher avec une autre, je n'ai rien à te dire là-dessus."
"Je ne veux pas te blesser."
"Je savais dans quoi je me lançais quand j'ai accepté ce marché."
Tout redevint silencieux. Drago réfléchissait à ce que Pansy venait de dire.
"Mais…" commença-t-il, soucieux de ne pas la froisser. "L'autre nuit, quand tu m'as dit…"
"Je n'aurais pas dû." interrompit-elle d'une voix ferme. "C'était une seconde d'égarement. Ça ne change rien."
Il repensa à la manière dont elle avait prononcé son "je t'aime", avec une voix si sincère. Pensait-elle vraiment ce qu'elle était en train de dire ? Cette phrase qui lui avait retourné l'estomac, était-ce vraiment que de l'égarement ?
Il préféra ne pas répondre, il ne savait pas comment réagir, alors il prit simplement Pansy dans ses bras. Elle se blottit contre lui avec un soupir et s'accrocha à son t-shirt de pyjama, et ils s'endormirent ensemble, laissant planer au-dessus d'eux toutes leurs confessions inavouées.
