tw : petite allusion pour les émétophobes, lors de l'avant-dernier paragraphe du premier POV de Drago

PS : désolée :/

.
.


Hermione


.

.

Depuis que le Bal de Noël avait été annoncé par McGonagall, tout le monde ne parlait plus que de ça. C'était comme si le Château entier s'était mis à bavarder en même temps, diffusant un bourdonnement constant. Les robes, les invités, les cavaliers, la décoration, le groupe qui allait jouer… Elle n'avait entendu que ça de la journée.

Le soir de l'annonce, Hermione pensait être enfin tranquille dans le confort de la Salle Commune, mais c'était sans compter sur Ginny qui fonça sur elle avant même qu'elle ait passé un pied dans l'ouverture du portrait.

"Hermione ! Hermione ! Tu as entendu, pour le Bal ?"

Elle leva les yeux au ciel.

"À ton avis ? Comment aurais-je pu ne pas en entendre parler ? J'ai même entendu Flitwick demander à Madame Bibine quelle couleur il devrait porter pour la soirée." soupira-t-elle.

"Oh, super !" s'écria Ginny, surexcitée. Elle tournait autour d'elle comme une mouche, puis s'assit juste à côté d'elle sur le canapé. "Alors, qu'est-ce que tu en penses ?"

"Comment ça, qu'est-ce que j'en pense ?" répéta Hermione, un peu irritée.

"Rohh, tu sais ! Avec qui vas-tu y aller ?"

Hermione sortit un livre et l'ouvrit sur ses genoux, mais Ginny ne le perçut pas comme une demande polie de la laisser tranquille et continua de la regarder fixement. Hermione soupira une seconde fois :

"Je ne sais pas, ce ne sont pas censés être les garçons qui doivent inviter les filles ?"

"Si, mais toi, avec qui voudrais-tu y aller ?" demanda Ginny impatiemment.

Hermione réfléchit à la question. Ron, évidemment, était la première personne qui lui venait en tête. Elle l'imagina, stressé, lui demander de l'accompagner au Bal, et l'inviter à danser, et peut-être même l'embrasser sous le plafond étoilé de la Grande Salle…

Elle se ressaisit rapidement, ne voulant pas rougir sous les yeux interrogateurs de Ginny.

"Aucune idée." dit-elle, se plongeant faussement dans son livre.

"Menteuse." répondit Ginny. "Tu aimerais que ça soit Ron, pas vrai ?"

Comment faisait-elle pour deviner les pensées d'Hermione avant même qu'elle les pense elle-même ?

"C'est idiot, il ne le fera jamais." répondit Hermione.

"Et bien… Si ça peut te rassurer, celui que je voudrais ne m'invitera jamais non plus." dit Ginny, soudain moins enthousiasmée.

Hermione n'eut aucun mal à comprendre de qui elle parlait.

"Je suis sûre que quelqu'un d'autre qu'Harry t'invitera, Ginny."

"J'espère bien, sinon, je ne pourrais pas y aller !"

"Tu sais quoi ? Si aucun garçon ne nous invite, on a qu'à y aller toutes les deux." proposa Hermione. "Je t'inviterai, moi."

"Avec des fleurs ?" demanda Ginny avec un sourire.

"Des fleurs et une carte." conclut Hermione avec un sourire.

"Ça me va."

À cet instant, Harry et Ron rentrèrent du dîner à leur tour. Ron s'assit à côté d'Hermione dans le canapé et Harry se mit dans son fauteuil préféré, en face du feu qui crépitait.

Ginny finit par retrouver des amies Gryffondor de son année avec qui elle discuta à voix basse, probablement du Bal, encore. Hermione était heureuse d'être amie avec Harry et Ron à cet instant, parce qu'aucun des deux ne parlèrent de cavaliers ou de robes à acheter. Ils commencèrent une partie d'échecs pendant qu'Hermione lisait son livre dans le canapé, emmitouflée sous la couverture que sa maman lui avait faite, un thé à la cannelle dans les mains, savourant enfin la paix qu'elle avait attendu toute la journée.

.

.

.

.

Le lendemain de l'annonce de McGonagall, Hermione se rendit à la Bibliothèque directement après son cours d'Étude de Runes. Quand elle entra, Krum était déjà installé à sa table de prédilection, au centre de la Bibliothèque. Il releva la tête en la voyant et lui fit un léger signe de tête, si léger qu'elle se demanda si ça lui était bien destiné.

Son fan-club de filles était encore plus conséquent que d'habitude, probablement dans l'attente d'être invitées par le Bulgare au Bal de Noël. Hermione ignora les regards furieux qu'elle écopa sur son passage pour avoir suscité de l'intérêt auprès de Krum, et arriva à la table cachée derrière les étagères. Elle était vide.

Hermione essaya de se convaincre qu'elle s'en fichait. D'habitude, Malefoy était déjà assis là le vendredi, mais il ne venait pas à chaque fois. Il devait probablement passer des soirées avec les Serpentards, où les fêtes étaient toutes monumentales, de ce que l'on disait.

Elle s'assit tout de même à cette table, parce que toutes les autres étaient occupées et qu'elle n'avait pas envie d'être gênée par des gloussements intempestifs. Elle sortit ses livres empruntés de son sac pour aller les rendre à Madame Pince, puis alla au rayon des Créatures Magiques. Tous les livres avaient l'air intéressants, ce fut donc assez difficile d'en sélectionner trois ou quatre.

Quand ses bras furent chargés de cinq volumes, Hermione se retourna pour retourner à sa table, et sursauta violemment quand elle tomba nez à nez avec Viktor Krum. Elle ne l'avait pas entendu s'approcher. Il la regardait déjà, semblant hésiter à dire quelque chose, puis abandonna son initiative et fit semblant de chercher un livre, lui aussi.

Elle retourna à la table reculée en se demandant bien ce que Viktor Krum voulait lui dire. Malefoy n'y était toujours pas. Hermione essaya de dissimuler, encore une fois, sa déception, même si personne autour d'elle ne pouvait voir son visage. Elle s'assit, matérialisa sa tasse de thé, se fit un thé, et ouvrit le premier livre sur les Créatures Magiques.

Hermione adorait Hagrid, c'était l'une de ses personnes préférées à Poudlard, mais elle devait avouer que les Cours de Soins aux Créatures Magiques étaient un peu creux, alors elle lisait quelques livres sur le sujet pour combler son retard.

Elle était en train de lire une description intéressante des Niffleurs quand la voix traînante de Malefoy s'éleva à côté d'elle :

"Granger."

Elle sursauta tellement qu'elle faillit renverser son thé sur les pages jaunies du livre qu'elle lisait. Entre Krum et Malefoy qu'elle n'entendait pas, était-elle devenue sourde en l'espace d'une après-midi ?

Il arqua un sourcil interrogateur en voyant cette réaction et elle toussota légèrement avant de le saluer à son tour :

"Bonsoir Malefoy. En retard ?"

"Retard ?" répéta-t-il en s'asseyant en face d'elle. "Depuis quand y a t-il des horaires ? Tu m'as pris pour Londubat ?"

"Non, c'est juste que le vendredi, tu viens plus tôt, d'habitude."

Il haussa les épaules et sortit un livre de Potions. Elle le regarda s'installer, fixant un peu trop longtemps ses mains. Elle n'avait jamais remarqué que sa bague arborait un écusson, probablement de sa famille car c'était un grand M noir, autour duquel était enroulé un serpent.

"Nouveau livre ?" demanda-t-il d'une voix teintée d'amusement.

Elle releva les yeux de ses mains pour se concentrer sur son visage. Elle n'avait pas dû comprendre assez vite, parce qu'il lui montra le livre qu'elle était en train de lire en ajoutant :

"Les elfes de maison ?"

"Oh." dit-elle, réagissant bien trop tard. "Oh, non. Enfin, oui, mais ce n'est pas pour ça que je le lis."

Il fut intrigué et jeta un coup d'œil aux pages, dont l'une où il pouvait voir un dessin de Niffleur.

"Tu lis les…"

Il sembla soudain comprendre et cessa de froncer des sourcils. Sa bouche s'étira dans le sourire moqueur, celui qu'il faisait quand il venait de comprendre quelque chose.

"Ah, je vois." dit-il en insistant sur chaque lettre pour la mettre mal à l'aise. "Une soudaine envie de réviser le cours de Soins aux Créatures Magiques, Granger ?"

"Euh… Oui, je fais quelques recherches… Pour des devoirs…" mentit-elle.

"N'importe quoi. On a pas de devoirs, on est toujours en train d'étudier les Larves Explosives, ou quel que soit leur nom." dit Drago en pointant sa plume sur elle. "Tu es en train de t'avancer dans le programme, parce que ton cher Hagrid est incapable de diriger un cours."

"Non." répondit-elle en évitant de le regarder.

"Granger, sois honnête." dit-il. "Tu ne peux pas me regarder dans les yeux et m'affirmer sans sourciller que tu penses sincèrement que les cours d'Hagrid sont instructifs."

Harry, Ron et Ginny lui avaient trop souvent dit qu'elle était incapable de mentir pour oser faire ce qu'il demandait. Elle balaya les pages du livre avec sa main, parce qu'elle ne savait pas quoi en faire quand il l'observait comme ça.

"Je les trouve très intéressants."

"Bien sûr." dit Malefoy le plus sarcastiquement possible. "Et Crabbe va bientôt être nommé Ministre de la Magie."

Elle ne put s'empêcher d'éclater de rire et finit par lever la tête vers Malefoy. Ses yeux l'inspectaient, comme des détecteurs de mensonge qui pouvaient lire en elle aussi facilement que dans un livre.

"Admets-le. Je ne le dirai à personne." murmura-t-il, ses yeux plongés dans les siens. "Je veux juste te l'entendre dire : Hagrid n'est pas un bon professeur."

Elle avala sa salive avec difficulté. Elle détestait quand on parlait mal d'Hagrid, même si, intérieurement, elle était un petit peu d'accord. Et puis, les yeux de Malefoy étaient trop intenses pour détourner le regard.

"Hagrid est très intéressant, et il est passionné par les Créatures Magiques, il s'en occupe très bien." bafouilla-t-elle.

"D'accord, mais ce n'est pas ça que je voulais savoir." dit Malefoy sans cacher son amusement.

"Et bien… Peut-être… Que les cours pourraient être un peu plus complets." finit-elle par avouer.

Drago sembla à moitié convaincu par cette réponse.

"Mouais. Je pense que tu sais parfaitement qu'Hagrid n'est pas un bon professeur, il ne sait pas enseigner, et ses cours sont presque dangereux, mais tu ne veux pas l'admettre. L'honnêteté ne fait pas partie des qualités d'un Gryffondor ?" demanda-t-il, railleur.

"Non, ça, ce sont les Poufsouffles." murmura-t-elle, ce qui équivalait à un aveu.

Drago ricana et finit par lire son livre de Potions, la laissant respirer un peu. Chaque échange avec lui devenait de plus en plus intense, surtout quand il la fixait de la sorte. C'était comme si elle était soudainement beaucoup plus vulnérable.

Ils étudièrent en silence tandis que les minutes s'écoulaient. Hermione feuilleta quelques livres sur les Créatures Magiques tout en écrivant des notes sur un parchemin de révisions, comme certaines définitions de créatures qu'elle n'avait jamais eu l'opportunité de voir dans la vraie vie.

Elle était sur le point de demander à Malefoy s'il avait déjà vu un Griffon, quand ce dernier fit un drôle de bruit. Elle releva la tête et croisa son regard, qui fixait ce qu'elle tenait dans ses mains.

"C'est quoi cette baguette ?" demanda-t-il, intrigué.

Elle baissa la tête sur le stylo qu'elle tenait entre ses deux doigts pour écrire des notes.

"Oh. Un stylo."

"Je n'ai jamais vu ça. C'est quoi ce truc ?" demanda-t-il.

"C'est normal que tu ne l'ai jamais vu, c'est moldu."

Malefoy tiqua et observa le stylo comme si c'était soudain devenu un instrument de torture.

"C'est pour écrire." expliqua-t-elle. "C'est comme une plume, sauf qu'il n'y a pas besoin de la tremper dans de l'encre, il y a un petit réservoir dedans, tu vois ?"

Elle lui montra le tube transparent à l'intérieur du stylo et Drago resta interdit. Elle passa la mine du stylo sur le parchemin, ce qui laissa une trace bleue qu'il inspecta longuement.

"Ça a l'air magique." dit-il, suspicieux.

"Non, c'est moldu. C'est juste une invention pour ne pas avoir à tremper sa mine dans de l'encre, c'est tout. C'est plus pratique."

"Pourquoi tu utilises un stypo alors que tu as des plumes ?" demanda-t-il, malgré le fait qu'elle venait de l'expliquer.

"Un stylo." corrigea-t-elle. "C'est plus pratique pour écrire, plus rapide. J'ai demandé à ma mère de m'en envoyer, c'est utile quand j'écris des notes. Tiens, essaye."

Elle lui tendit le stylo mais il eut un geste de recul, comme si elle était en train de lui donner une bombe.

"Non !" s'écria-t-il, les yeux soudain écarquillés. "Non, je ne veux pas toucher à ça."

"Oh, arrête Malefoy. C'est juste un stylo."

"C'est Moldu." dit-il, en crachant presque le mot.

"Tu sais, ce n'est pas parce que c'est moldu que c'est contaminé." dit-elle avec un soupir. "Comme tu voudras, embêtes-toi avec tes plumes qui tâchent tout, alors."

Elle continua d'écrire, en ignorant le regard méfiant de Drago qui suivait la trace d'encre sur la feuille. Au bout de plusieurs minutes de réflexion, il continua :

"Je ne savais pas qu'il existait des objets moldus. Je veux dire, j'avais compris que certains objets existaient dans les deux mondes, comme le piano, mais je ne savais pas qu'il existait des objets que moldus."

Hermione abandonna l'idée de lui expliquer la fonction d'un ordinateur avant même qu'elle soit formée dans son esprit. Elle hocha simplement la tête :

"Tu sais, l'Étude des Moldus est fascinante. Les Moldus peuvent créer des objets très utiles, et sans magie pour s'aider. Tu aurais dû prendre cette option l'année dernière, tu aurais appris plein de choses."

Drago laissa échapper un rire mesquin entre ses lèvres, toujours sans quitter le stylo des yeux.

"Ouais, bien sûr. Je me vois bien revenir de Poudlard et annoncer à mon père que j'ai pris option moldue, il serait ravi."

Hermione ne savait pas quoi répondre à ça, parce qu'il devait probablement avoir raison. Elle ne s'imaginait pas vraiment Lucius Malefoy demander à Drago la fonction d'une pile, comme pourrait le faire Arthur. Elle se contenta de continuer à écrire.

.

.


Drago


.

.

Le bruit du stylo contre le parchemin était insupportable. Ça grattait le papier, et ça le déconcentrait dans sa lecture. Il ne cessait de revenir dessus avec ses yeux pour le regarder se déplacer de long en large, suivant l'écriture ronde de Granger. On aurait dit de la magie, quoi qu'elle en dise.

À 17h30, elle changea de matière et passa à l'Arithmancie. Drago avait décidé d'ignorer cette matière jusqu'à ce qu'elle devienne trop urgente, auquel cas il demanderait à Théo de lui faire ses exercices.

Un bruit de chaise contre le sol résonna dans la Bibliothèque, suivie de plusieurs dizaines d'autres à la suite. Krum devait sans doute quitter la Bibliothèque. À la fin du boucan et des gloussements des filles qui n'étaient pas camouflés par les étagères entre elles et eux, Granger grommela.

"Un problème, Granger ?" demanda Malefoy sans lever la tête de son livre.

"Non, simplement agacée par ces filles. Elles n'ont pas quitté la Bibliothèque une seule fois depuis Septembre, et je ne les ai jamais vues avec un livre devant elles !"

"Et alors ? Elles ont le droit d'être là."

"Peut-être, mais elles me dérangent. Elles ne sont là que pour Krum, juste pour se faire remarquer par lui." ronchonna-t-elle.

"C'est normal, Granger. C'est une star internationale." expliqua Drago, qui devait se retenir de rire face à l'entêtement de la fille en face de lui.

Elle leva gravement les yeux au ciel :

"Je sais que c'est un joueur connu, Ron me l'a assez répété comme ça !" dit-elle, soudain très irritée, comme si elle avait déjà eu cette conversation des dizaines de fois. "Je dis simplement qu'elles ne sont là que pour ça. Il n'est même pas beau, un peu grincheux, et absolument pas loquace !"

Drago dû réunir toutes ses forces pour ne pas se moquer de l'emploi du mot "loquace".

"S'il est aussi grincheux que toi maintenant, vous formeriez un très beau couple." fit-il remarquer.

Elle leva de nouveau les yeux au ciel, ce qu'elle faisait souvent quand elle était exaspérée par quelque chose, surtout par ce qu'il disait.

"N'importe quoi. Il a des centaines de filles qui le suivent partout et il ne parle à aucune d'entre elles. Il doit être gay."

Cette fois-ci, Drago éclata de rire. Il devait absolument partager cette théorie avec Blaise.

"Je ne pense pas." dit Drago. "Mais tu devrais t'inquiéter pour ton mec, c'est lui qui bave en le regardant dès qu'il passe."

Granger fronça les sourcils en posant son livre sur la table.

"Qui ça ?" demanda-t-elle.

"Weasley."

Elle fit une grimace, mais il remarqua qu'elle avait l'air moins choquée à l'idée que Weasley puisse être son copain que Potter. Sa curiosité prit le dessus.

"Ce n'est pas mon mec." dit-elle d'un ton ferme.

"Pourtant, tu as l'air de bien baver sur lui, toi." dit-il avec un sourire moqueur.

Cette fois, elle fit une vraie grimace.

"N'importe quoi ! Je n'ai jamais bavé sur Ron."

"Bien sûr, Granger. Dis ça pour te convaincre."

En réalité, il était un peu soulagé de l'entendre dire ça. Il était terrifié à l'idée qu'elle puisse sortir avec Weasley. Mais il n'était pas complètement convaincu de sa réponse non plus, parce que Granger avait une capacité de mentir aussi basse que Théo de ne pas se plaindre, ou que Pansy de ne pas ragoter. Il insista, faussement narquois :

"Je suis sûr qu'au fond, tu es comme ces filles." dit-il en montrant derrière lui avec son pouce. "Tu fais semblant de les haïr, mais tu es comme elles. Tu attends Weasley comme le prince charmant qu'il est."

Granger lâcha un faux rire déguisé.

"Ha-ha-ha."

Pourtant, elle avait bien rougi, ce qui devait dire qu'il avait dit au moins une chose vraie là-dedans.

"Avoue-le. Depuis que tu as tes nouvelles dents, et que tu as appris à te coiffer un minimum, tu attends que Ronald Weasley te fasse danser."

"Ce que tu dis n'a aucun sens, Malefoy." décréta-t-elle en prenant soin de regarder partout, sauf lui. "Si tu connaissais un tant soit peu Ron, tu saurais qu'il est loin d'être comme ça. On ne ressent rien l'un pour l'autre."

Pourquoi rougissait-elle à ce point ? S'il avait vraiment tort, elle n'aurait eu aucun mal à le rembarrer. Sa réaction l'inquiétait.

"Je n'y crois pas." dit-il, obstiné.

"Alors n'y crois pas !" s'exclama-t-elle, un peu plus impatiemment. "Ron est mon meilleur ami, je l'aime beaucoup, mais c'est tout. Il n'a même pas remarqué que mes dents avaient changé. Et est-ce que je te demande si tu aimes Pansy Parkinson, toi ? Laisse-moi tranquille !"

"Quoi ?" intervint Drago.

Granger fit semblant de retourner à son livre, comme si elle n'avait pas prévu de dire ça à voix haute.

"Quoi, quoi ?" répéta-t-elle.

"Qu'est-ce que tu viens de dire ? Weasley n'a pas remarqué tes dents ?"

Enfin, elle leva la tête, affrontant son regard. Le sien était illisible, simplement perplexe. Quand il parla de ses dents, elle passa sa langue dessus sans s'en rendre compte, peut-être pour vérifier qu'elles étaient bien toujours aussi courtes.

"Euh, non." dit-elle, pour clore la conversation.

Mais Drago n'avait aucune envie de clore la conversation.

"Comment est-ce que Weasley n'a pas pu remarquer ton changement de dents ?"

C'était impossible. Weasley ne devait pas voir clairement. Drago ne voyait que ça depuis qu'elle était revenue de l'infirmerie. Dès qu'elle ouvrait la bouche, la différence de la longueur de ses dents était flagrante, ça avait modifié son sourire, ses mimiques. C'était plus joli, même si parfois, ses dents un peu longues d'avant lui manquaient un peu.

Comment Weasley, qui passait tout son temps avec elle, n'avait pas pu remarquer ce changement ?

Elle haussa les épaules.

"Je ne sais pas, ça ne doit pas être très visible."

Rien qu'en disant cette phrase, il pouvait voir le changement : avant, ses lèvres se retroussaient sur ses dents, alors que là, il ne pouvait pas les voir.

"Il est aveugle. Ou vraiment idiot, encore plus que Crabbe et Goyle."

Elle sourit un peu. C'était si étrange de savoir qu'il avait remarqué dès le lendemain, alors que Weasley l'avait vue tous les jours depuis, lui avait parlé, peut-être même vue sourire, et qu'il n'avait pas notifié la différence de ses dents. Il était abasourdi par cette nouvelle information.

"Serais-tu jaloux, Malefoy ?" demanda-t-elle malicieusement.

Il se reconcentra sur leur conversation.

"Non. Je dis simplement que tu es amie avec deux abrutis, et tu me le prouves tous les jours. Et c'est toi qui est jalouse, tu crois que je n'ai pas entendu quand tu m'as demandé si je sortais avec Pansy ?"

"Je ne t'ai rien demandé." dit-elle en cachant son visage avec son livre, probablement pour l'empêcher de la voir rougir.

Il sourit malgré lui. Elle n'arrivait peut-être à cacher ses rougeurs, mais elle était incapable de contenir sa curiosité. Drago réussissait à réunir les informations dont il avait besoin sans paraître intrusif, mais son air désintéressé à elle ne trompait personne. Elle voulait savoir s'il sortait avec Pansy, mais n'osait clairement pas lui demander.

Il décida de lui donner ce qu'elle voulait :

"Je ne sors pas avec Pansy." dit-il. "On est juste très amis."

Il ne pouvait pas l'apercevoir derrière son bouquin, simplement quelques mèches bouclées qui dépassaient. Pourtant, il était persuadé qu'elle avait souri.

.

.
.

Cher Drago,

Le Manoir est toujours aussi vide sans toi. Nos dîners à deux me manquent, ceux où tu me racontais les dernières nouvelles de tes amis et tes nouvelles figures au Quidditch. Je me sens bien seule ces derniers temps, car ton père s'absente beaucoup, particulièrement au Ministère. Je ne sais quelles affaires il traite en ce moment, mais ça a l'air suffisamment important pour y consacrer tout son temps.

Ainsi, je m'occupe en lisant, ou en invitant des amies pour le thé. Te souviens-tu d'Isidora, que tu as rencontré quand tu devais avoir 8 ou 9 ans ? C'est une cousine éloignée scandinave, que j'ai eu le plaisir de recevoir au Manoir il y a quelques jours.

Mis à part cela, il n'y a pas beaucoup de nouvelles à t'apporter dans cette lettre hebdomadaire. Je présume que tu passeras Noël à Poudlard exceptionnellement, étant donné qu'un bal d'hiver a lieu cette année ? N'oublie pas que ta tenue de soirée est dans le compartiment gauche de ta valise, demande aux elfes de te la repasser avant le Bal. Inviteras-tu Pansy ? Ou peut-être une autre cavalière ?

Donne moi des nouvelles de Pansy, Théodore et Blaise je te prie, cela fait bien longtemps que tu ne m'as pas tenu au courant.

Je te souhaite une bonne semaine,

Maman.

"Viens Drago, on va être en retard." dit Pansy en se levant du banc des Serpentards.

Drago termina la lecture de la lettre de sa mère, finit son café d'une traite et enjambea le banc. Théo et Blaise firent la même chose silencieusement, un peu trop fatigués en ce lundi matin pour faire la conversation. Pansy était déjà aux portes de la Grande Salle, elle était visiblement inquiète d'arriver en retard au cours de Botanique.

Ce fut quand Drago prit la lettre de sa mère sur la table qu'il remarqua une deuxième lettre qui avait glissé de l'enveloppe. Il la regarda avec un froncement de sourcils : il n'avait pas remarqué qu'Ébène lui avait apporté deux courriers.

"Viens, Drago !" pressa Pansy.

"Une seconde !"

Il prit la seconde lettre et l'examina en marchant. Elle ne portait que son prénom, alors il l'ouvrit et fut surpris de reconnaître l'écriture de son père. Il ne lui écrivait que très rarement, généralement pour lui annoncer quelque chose, ou lui envoyer un article de journal découpé. Il suspectait sa mère d'avoir ordonné à son père d'écrire à Drago.

Tout en se dirigeant aveuglément vers le cours de Botanique derrière Pansy, Théo et Blaise, Drago commença sa lecture :

"Cher Drago,

J'ai entendu parler d'un Bal, qui aurait lieu le jour de Noël à Poudlard. J'aurais aimé me rendre disponible pour y assister, mais je suis particulièrement chargé de travail ces derniers temps. Je ne sais pas dans quelle ambiance Poudlard est plongé en ce moment, mais je peux t'assurer qu'au Ministère, la tension est palpable.

Le Tournoi a éveillé des craintes pour les dirigeants du monde des sorciers, et particulièrement à cause de Potter et son entrée illicite. Les journalistes de la Gazette des Sorciers pensent que Potter a réussi à y entrer tout seul pour la gloire, mais j'en crois le contraire. Si Potter est aussi stupide que tu le prétends, je doute qu'il ait réussi à tromper Dumbledore de la sorte. Non, je pense que des plans bien plus ingénieux ont pris place.

Ne fais lire cette lettre à personne à Poudlard, je te fais confiance pour garder ces informations confidentielles. Mais je veux te le dire avant que tu l'apprennes de quelqu'un d'autre. Je pense que nous entrons dans une nouvelle ère. Je pense que les temps vont redevenir comme ils étaient supposés l'être, que le monde va être purifié de nouveau. Les rumeurs courent, Drago, et elles sont vraies. Je sens Son retour.

Ta mère refuse que je t'en parle, mais je pense qu'il est capital que tu le saches. Tu représentes notre lien direct avec Poudlard et Dumbledore, et je veux que tu me reportes tous les événements anormaux qui auront lieu dans les prochains mois. Parce qu'il y en aura, crois-moi, et surtout cette seconde tâche du Tournoi. Envoie-moi une lettre dès que tu le peux.

Fais attention à toi et à ton honneur, Drago. Il est entre tes mains, il est plus important que jamais que notre famille brille et contraste des autres.

Tout va changer, maintenant.

Réponds moi vite,

Lucius Malefoy.

Drago ressentit un frisson désagréable qui partit de sa nuque jusqu'en bas de sa colonne vertébrale. Il relut la lettre une seconde fois, et les mots "ère", "purifié", "anormaux" le frappèrent de plein fouet, bien plus que le vent hivernal qu'il affronta en sortant dans la cour. Il s'arrêta sur la phrase "je sens Son retour." Qu'est-ce que ça pouvait bien dire ?

"Ça va Drago ?" demanda Théo qui l'attendait un peu plus loin.

Il ne s'était pas rendu compte qu'il s'était arrêté de marcher. Il rejoignit son ami en quelques enjambées, et son visage devait témoigner de sa crainte parce que Théo fronça les sourcils et insista :

"Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est de qui, cette lettre ?"

"Mon père." répondit Drago d'une voix blanche, et Théo fronça encore plus les sourcils. "Tiens."

Théo prit la lettre et la lut silencieusement. Ils n'étaient pas très loin des serres, Drago pouvait voir Pansy s'installer à travers les baies vitrées transparentes. Il attendit que Théo termine sa lecture en ignorant le nœud qui s'était formé dans son estomac.

Égoïstement, Drago était légèrement soulagé. Il avait cru, en voyant que son père lui avait écrit une lettre, que Lucius avait été mis au courant pour ses entrevues avec Granger. S'il avait appris ce qu'il faisait, il lui aurait sans doute envoyé une Beuglante, ou pire, il se serait rendu sur place pour le confronter directement.

Mais cette lettre était tout aussi menaçante. Drago en pesait les conséquences au fur et à mesure que les phrases qu'il avait écrites s'imprègnaient dans son esprit.

Théo releva finalement la tête. Il avait toujours l'air perplexe, mais bien plus pâle.

"Tu y crois ?" finit-il par dire d'un ton grave.

"J'en sais rien." avoua Drago. "Mais ce n'est pas très rassurant, dans tous les cas. Si mon père a raison… Il pourrait être derrière l'inscription de Potter."

Il repensa à ce que Granger lui avait dit, quand Potter avait été nommé comme le second Champion de Poudlard. Que ça pouvait être un présage au retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Il n'y avait jamais trop repensé depuis.

Théo eut un frisson, à l'instar de Drago quelques secondes plus tôt. Ils se regardèrent dans les yeux le temps d'une seconde, et Drago pouvait lire la peur dans les yeux bleus de Théo, probablement la même que celle qu'il pouvait lire dans les siens aussi.

"Viens, on va la montrer à Blaise et Pansy." lui dit Théo, la voix soudain beaucoup moins assurée qu'avant.

Ils continuèrent de marcher, tous les deux sans parler. Pour une fois, Théo ne se plaignit pas du froid, ou de la neige dans laquelle il enfonçait ses pieds. Il était trop plongé dans ses propres réflexions pour le remarquer.

Le cours de Botanique commença au moment où Drago s'installa sur le tabouret à côté de Pansy, alors il décida de leur montrer la lettre à la récréation. Ça ne l'empêcha pas d'y repenser pendant tout le cours, cependant. Il n'écouta pas un traître mot sur l'exposé de Chourave sur les Voltiflors, ni les bavardages de Pansy sur ses préparatifs pour le Bal de Noël.

Il repensait à la lettre de son père et la peur montait en lui, petit à petit. Contrairement à la colère qu'il ressentait habituellement, la peur était froide, sournoise. Elle ne se déversait pas comme un feu en lui, elle le glaçait tout doucement. Et il détestait cette peur, parce qu'elle n'était pas familière comme ses colères, il ne savait pas comment la gérer pour l'empêcher de se propager.

D'habitude, il aimait bien le cours de Botanique, parce qu'il était partagé avec les Gryffondors et il pouvait observer Granger couper ses plantes ou regarder Londubat avec cet air de jalousie qu'elle pensait dissimuler. Mais ce cours-là, il ne jeta même pas un regard dans sa direction, trop distrait. Théo ne participait pas non plus, probablement tout aussi retourné par ce qu'il venait de lire que Drago.

La lettre resta dans son esprit toute la journée. Pansy et Blaise y furent plus indifférents, ils pensaient tous les deux que son père exagérait pour l'impressionner. Pourtant, Drago savait au fond de lui que ce n'était pas le cas. Le fait qu'il lui envoie ces nouvelles était assez parlant. Drago la relut au déjeuner, et tourna toutes les lignes dans tous les sens durant ses cours de l'après-midi pour essayer de dénicher un sens caché, un code secret que Lucius aurait pu lui communiquer.

Lors de son dernier cours de la journée, Métamorphose, il réalisa quelque chose.

La phrase que son père avait utilisé et qui lui glaçait le sang depuis le matin-même, "Je sens Son retour", n'était pas métaphorique. Son père sentait le retour du Seigneur des Ténèbres. Sur son bras. Sur la marque noire, incrustée dans sa chair, celle qui donnait des cauchemars à Drago quand il était petit parce que Lucius l'utilisait comme une menace, une punition. Elle avait dû frémir à plusieurs reprises, indiquant son retour. Cette pensée lui donnait envie de vomir.

Drago se coucha très tôt, ce soir-là. Il avait envie de dormir pour oublier ce qui l'avait hanté toute la journée et passer à autre chose. La lettre était restée sur son bureau, il pouvait l'apercevoir lorsqu'il ouvrait les yeux, éclairée par les faibles rayons de la lune, comme une menace tangible que son monde allait bientôt s'écrouler.

Cette nuit-là, pour la première fois de sa vie, il rêva d'Hermione Granger. Et à son réveil, il réalisa à quel point ce rêve lui faisait peur.

.


Hermione


.

.

Cinq jours. Drago Malefoy n'était pas venu à la Bibliothèque depuis cinq jours.

C'était la première fois qu'il ne venait pas aussi longtemps depuis qu'ils avaient commencé à réviser ensemble. Hermione était allée à la Bibliothèque tous les soirs de la semaine, seule, et la table reculée était restée étrangement vide.

Le lundi, elle s'était dit qu'il devait être trop fatigué. Le mardi, elle s'était dit qu'il n'avait peut-être pas eu envie de quitter ses amis. Le mercredi, elle s'était dit qu'il anticipait sûrement le cours d'Astronomie et voulait donc se reposer avant.

Le jeudi, elle se dit qu'il n'avait peut-être plus envie de la voir.

La dernière fois qu'ils avaient étudié ensemble, c'était le dimanche dernier, et Hermione avait beau repasser l'après-midi dans sa tête de nombreuses fois, elle ne comprenait pas ce qui avait pu l'énerver. Il avait agi exactement comme d'habitude : il l'avait taquinée, s'était moqué de la S.A.L.E, d'Harry, de Ron, de Neville, il avait ri quand Hermione lui avait expliqué qu'elle préparait déjà ses BUSES de l'année suivante, et lui avait même dit "au revoir" en partant. Il avait été parfaitement plaisant, du moins, aussi plaisant que Drago Malefoy pouvait l'être.

Et puis, elle ne savait pas si c'était parce qu'elle le remarquait que maintenant, mais il était beaucoup moins présent qu'avant. D'habitude, elle le croisait tout le temps : dans les couloirs, à la Grande Salle, dans la cour… Il s'asseyait toujours en face d'elle pendant les repas, trois tables plus loin, et ils s'échangeaient des regards discrets de temps en temps, ou à la table à côté d'elle en Potions… Cette semaine, ce n'était plus du tout le cas.

C'était comme s'il l'évitait. Il ne lui jetait même plus un regard, plus une seule remarque cinglante. Normalement, il se moquait d'elle quand elle passait à côté de lui, et elle répliquait un petit commentaire pour l'agacer, et ils se charriaient comme ça, sans que personne ne sache autour d'eux qu'ils passaient des heures ensemble dans un coin de la Bibliothèque.

Mais son silence et son ignorance étaient extrêmement pesants. Hermione essayait de croiser son regard, de lui envoyer un signal discret, mais c'était comme s'il ne la voyait pas. Comment avait-il pu changer d'attitude si vite, sans mise en garde ? Surtout qu'il agissait comme avant avec Pansy Parkinson, il riait toujours avec elle dans les couloirs.

Le vendredi, après le cours de Potions où Malefoy avait passé les deux heures le dos tourné et un dîner à parler avec Blaise Zabini, elle trouva encore une fois la table de la Bibliothèque vide. Elle s'y attendait, évidemment, mais ça n'empêcha pas Hermione de ressentir un fourmillement désagréable dans son estomac : la déception.

Elle essaya de travailler, mais se rendit compte que sa déconcentration l'empêchait d'être efficace. Elle n'arrêtait pas de relever la tête au moindre bruit, espérant secrètement le voir arriver, avec son rictus et son "Bonsoir Granger". Mais non. Il ne se montra pas de la soirée, et Hermione n'avait absolument pas avancé sur ses révisions tant cette constatation lui faisait mal.

Elle finit par abandonner et quitta la Bibliothèque avant qu'elle ne ferme. Même Madame Pince haussa les sourcils en la voyant passer à côté du bureau pour partir, parce que d'habitude, elle était obligée de la chasser pour qu'elle consente à quitter la Bibliothèque.

Hermione vagabonda dans les couloirs, profitant du fait qu'ils étaient vides parce que tous les élèves avaient déjà regagné leurs Salles Communes pour commencer le week-end. Elle n'avait pas spécialement envie de rentrer, elle était encore trop soucieuse. Elle n'arrêtait pas de se demander, encore et encore, ce qui avait bien pu se passer dans la tête de Drago Malefoy pour renoncer à ces séances de révisions.

Elle marcha aléatoirement et se retrouva par hasard dans les cachots. Elle resserra son gilet contre elle pour la protéger du froid humide qui se répandait toujours dans cette partie du Château, qu'elle détestait. C'était froid, terne, maussade, tout ce qu'elle haïssait, et l'exact opposé de la chaleureuse tour des Gryffondors.

Elle se demanda lequel de ses murs gris s'ouvraient pour entrer dans la Salle Commune des Serpentards. Elle n'avait jamais eu l'occasion d'y entrer, ni même de voir des élèves s'y rendre. En tout cas, il n'y avait aucun bruit qui pouvait laisser entendre une fête, même si elle se doutait que les murs devaient être insonorisés, parce qu'il y avait toujours des fêtes chez les Serpentards le vendredi soir.

Hermione remonta les escaliers, parce qu'elle n'avait pas très envie de se faire surprendre par un Serpentard en train de traîner dans les cachots. De toute façon, Drago était probablement en train de faire la fête, il n'y avait aucune raison qu'elle puisse le voir seul ce soir pour lui demander ce qu'était son problème.

Soudain, elle s'arrêta brusquement sur la marche d'escalier. Une phrase qu'il avait prononcé quelques semaines plus tôt lui revint en mémoire : "Je viens là pour me poser et réfléchir un peu."

Elle continua sa marche, mais au lieu de continuer les escaliers pour aller à la Salle Commune des Gryffondors, elle vira à gauche et ouvrit la lourde porte de la cour arrière. Le froid s'empara d'elle immédiatement, son pauvre gilet en laine ne la protégeait pas du tout du mois de Décembre. Elle marcha tout de même le long du chemin en prenant les endroits où la neige avait fondu par terre.

Elle était sûre de le trouver là, sur son banc, et effectivement, elle avait eu raison. Drago était assis et regardait la façade de Poudlard sans la voir. Derrière lui, le ciel se dégradait, laissant apercevoir le soleil en train de se coucher sur la vallée.

Il mit du temps à la voir, ce ne fut que quand elle fut arrivée aux trois quarts du chemin qu'il tourna la tête, et sursauta. En arrivant devant lui, elle se rendit alors compte qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle voulait lui dire. Il attendait, les sourcils froncés, l'air passablement énervé, et elle se tenait là devant lui comme une idiote.

"Bonsoir Malefoy." fut la première chose qu'elle réussit à prononcer.

Drago soupira bruyamment, un soupir plein d'agacement et de rancœur.

"Tu as décidément du mal à comprendre les signaux, Granger." dit-il froidement.

Elle fronça les sourcils à son tour.

"Pardon ?"

"Rien. Je n'ai rien à te dire, vas-t-en." lâcha-t-il sans la regarder.

Son ton était aussi froid que le vent qui la glaçait sur place. Elle l'ignora et s'assit sur le banc, il glissa jusqu'à l'extrémité.

"Tu n'as pas entendu, Granger ? Dégage." lâcha Drago.

"Non." répondit-elle.

"Tu es tellement butée." dit-il, les yeux toujours rivés sur le Château.

"Et toi, tu es un lâche."

Elle avait dit ça sans réfléchir, mais ça suscita une réaction immédiate chez Drago. Il tourna sèchement la tête vers elle, ses yeux gris étaient glacés, son visage contracté par l'aigreur :

"Ce n'est pas vrai." siffla-t-il.

"Si, c'est vrai." continua Hermione. "Tu agis normalement la semaine dernière, et d'un coup, tu m'ignores ? Tu m'évites, sans rien me dire en guise d'explication ?"

"Je ne te dois rien, Granger."

"Parkinson a découvert ton petit secret ? Nott ? Zabini ?" risqua-t-elle.

"Non." dit-il en reportant son attention sur les fenêtres de Poudlard. "Rien de tout ça, je l'ai simplement décidé moi-même. Maintenant, vas-t'en."

"Et tu ne penses pas que je mérite d'être au courant ?!" s'impatienta-t-elle face à son mutisme. "Tu croyais que je n'allais pas remarquer, que je n'allais pas te demander où tu étais passé ?!"

"Tu es tellement curieuse, Granger !" explosa-t-il. "Tu n'en a pas marre, de fouiner partout ?! Tu ne veux pas juste comprendre que je n'ai pas envie de te voir ? Que j'en ai eu marre ?"

"Je ne suis pas trop curieuse, je cherche juste à comprendre !" s'exclama-t-elle, énervée à son tour. "Tu ne peux pas disparaître du jour au lendemain sans prévenir !"

"Si, je peux ! Et c'est ce que je fais, d'ailleurs. Maintenant, pour la dernière fois, dé-ga-ge !"

Il lui fit un geste de la main, comme pour la balayer loin de lui. Mais Hermione n'allait pas partir sans avoir ce qu'elle voulait :

"Je partirai quand tu m'auras expliqué clairement ce qui t'énerve."

Il soupira et se pinça l'arête du nez. Hermione attendit, et chaque respiration qu'elle faisait laissait un nuage de froid. Elle patienta le temps que Drago choisisse ses mots avec précaution, qu'il cracha enfin d'une voix cassante :

"Je ne veux pas me faire voir avec une Sang-de-Bourbe."

L'insulte lui fit mal, bien plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle l'avait entendue plusieurs fois de sa bouche désormais, mais le fait qu'il la prononçait sans même la regarder la faisait frissonner.

"D'accord." dit-elle simplement, la gorge nouée.

Elle était encore plus confuse que quand elle était arrivée. Elle se leva, chercha une dernière fois son regard, mais il était toujours résolument tourné. Elle tourna les talons, remonta le chemin, puis changea d'avis et fit brusquement demi-tour.

"Non, Malefoy." dit-elle fermement. "Ce n'est pas une explication. Si tu crois que je vais me contenter de ça après avoir passé des dizaines de soirées à la Bibliothèque avec toi, c'est que tu me connais mal, finalement. Je ne te crois pas."

Elle se rasseya et le fixa :

"Je sais que je n'étais pas la seule à aimer nos séances à la Bibliothèque. Tu as beau faire semblant de t'en ficher, je sais pertinemment que quelque chose te tracasse, sinon tu n'aurais jamais arrêté de venir. On commençait à devenir amis, nous deux, et tu…"

"Amis ?" coupa-t-il avec un rire mauvais. "Nous n'avons jamais été amis, Granger. Je te déteste toujours autant."

"Je sais que c'est faux." dit-elle. "Sinon, tu me le dirais en me regardant dans les yeux."

Il se tourna en entendant ça et croisa enfin son regard. Ils se faisaient face, pourtant, elle avait l'impression qu'il était très loin d'elle. En la regardant, il se dégonfla un peu, comme s'il n'arrivait plus à être méchant tout à coup.

"C'est trop dangereux." souffla-t-il, plus à lui-même que pour elle.

"Qu'est-ce qui est dangereux ? On révise juste ensemble, et personne ne l'a vu."

"Non, tu ne comprends pas." chuchota-t-il. "J'ai beaucoup en jeu."

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

Il parlait si bas qu'elle était obligée de se pencher pour saisir tout ce qu'il disait.

"On ne pourra jamais être amis, toi et moi. Je sais que tu crois que c'est possible, mais ça ne l'est pas. Tu vois trop le bon chez les gens, Granger. Je ne peux pas être celui que tu veux que je sois."

"Mais comment peux-tu savoir ce que je veux ?"

"Parce que tu es une putain de Gryffondor, tu espères me faire changer de camp !" siffla-t-il entre ses dents, ses paroles étaient presque inaudibles. "Tu veux me changer, me faire devenir ce que je ne suis pas. Mais la réalité est là : tu es une Gryffondor, je suis un Serpentard. Tu es amie avec Potter, et je suis le fils de Lucius Malefoy. Je suis censé te haïr !"

"Et ce n'est pas le cas ?" demanda Granger.

Son œil gauche tiqua un peu, mais il soutint son regard.

"Non. Ce n'est pas le cas." dit-il dans un murmure. "Mais peu importe. Je ne peux pas risquer ma vie pour quelques heures à la Bibliothèque."

"Tu agis toujours comme si tu étais le seul concerné dans l'histoire ! Comme si je n'avais pas mon mot à dire !" cingla-t-elle.

"Parce que ton avis ne change rien. Je dois arrêter. Ces moments à la Bibliothèque, ou même sur ce banc, c'est dangereux."

Il voulut lui dire quelque chose de plus mais s'abstint de le faire au dernier moment, puis tourna de nouveau la tête vers le Château. Hermione sentit la phrase comme si elle lui avait traversé le corps, à l'image d'une aiguille dans sa chair.

"Alors quoi, on ne peut plus être amis parce que tu l'as décidé un lundi matin ? Tu avais oublié que j'étais une née-moldue entre-temps ?"

Il émit un rire sans joie.

"Non, crois-moi, ça je ne l'ai pas oublié."

Soudain, la tristesse qu'elle ressentait à l'idée d'avoir perdu la seule personnalité de Malefoy qu'elle appréciait se changea en rage. Elle regardait ce garçon insipide et fermé en face d'elle, et elle sentit la colère bouillir dans ses veines.

Hermione se leva brusquement du banc, et il ne tourna même pas la tête vers elle.

"Tu sais quoi Malefoy ? Tu es vraiment un lâche. Tu l'as toujours été, je ne sais pas pourquoi j'ai été aussi stupide de penser que tu pouvais te comporter décemment. Merci de me l'avoir fait réaliser."

Et elle s'éloigna, remontant cette fois-ci bien le chemin vers le Château. Elle fulminait, tellement qu'elle ne ressentait même plus le froid qui avait engourdi ses membres.

Quand elle arriva au milieu du chemin, elle entendit un faible "Granger." dans son dos, mais elle ne se retourna pas. Elle n'avait pas envie de savoir ce qu'il voulait dire, elle voulait s'éloigner de lui le plus rapidement possible.

Il n'insista pas. Il la laissa parcourir tout le chemin, et de toute façon, ses paroles étaient probablement balayées par le vent.

.


Drago


.

.

Drago resta longtemps assis sur le banc, mais toute la conversation qu'il venait d'avoir à Granger lui donnait trop mal au ventre pour pouvoir ignorer la sensation plus longtemps. Il aurait dû le faire bien avant, se détacher d'elle avant qu'ils s'attachent trop à leur amitié. Elle était vouée à l'échec, de toute façon.

Il repensa aux paroles de Blaise : "Moi, je dis que tu devrais en profiter. Si tu l'aimes bien, et qu'elle t'aime bien, ne laisse pas ta famille t'interdire ça. Ils ne sont même pas au courant. Te prends pas la tête avec ça."

Il aurait tant aimé suivre ce conseil. Il s'était persuadé lui-même que c'était possible. Mais c'était avant la lettre de son père.

Quand il arriva aux cachots, ses doigts étaient toujours bleus. Il les fourra dans ses poches pour tenter de les réchauffer et murmura le mot de passe.

La Salle Commune était encore enfumée. Il trouva vite la personne qui en était la cause : Pansy était allongée dans le canapé vert habituel, à moitié sur Daphné qui fumait, elle aussi, l'une de ses cigarettes moldues.

Il regarda Pansy discuter et cracher sa fumée et faire des formes avec. Au moment où un "O" se dessina dans les airs, il prit une décision impulsive.

Il s'approcha du canapé rapidement. En le voyant, Pansy se redressa légèrement.

"Hey Drago, tu veux de la place ?" proposa-t-elle.

Il prit une grande inspiration et demanda :

"Pansy, tu veux être ma cavalière, pour le Bal ?"

Pansy ouvrit de grands yeux ronds, à moitié interrompue dans son mouvement pour lui donner de la place dans le canapé. Daphné s'étrangla dramatiquement sur sa fumée de cigarette.

Drago eut de nouveau les conseils de Blaise dans son crâne, la voix de la sagesse : "Arrête de la faire espérer. Dis lui honnêtement que tu ne l'aimes pas, mais que tu veux rester son ami. Pansy est grande, elle comprendra."

Il ajouta donc dans une phrase précipitée :

"Tu es la seule personne avec qui j'ai envie d'y aller."

Ce n'était pas totalement vrai, mais l'autre personne était complètement inenvisageable en tous points, et de toute façon, il voulait y aller avec Pansy. En tant qu'amis. Avant qu'il n'ait pu préciser ça, Pansy écrasa sa cigarette dans un cendrier improvisé et sourit.

C'était le premier vrai sourire qu'il avait vu depuis une semaine, il lui réchauffa le cœur et lui apporta un peu de réconfort dans cette journée horrible.

"Bien sûr que oui, je veux l'être. Je ne pensais pas que tu me demanderais, je pensais que c'était déjà le cas…" dit Pansy.

Ses yeux étaient brillants, comme ceux de Granger un peu plus tôt.

"Je me suis dit que tu voulais une invitation officielle." dit-il.

Il eut soudain conscience des dizaines d'élèves autour de Pansy qui observaient la scène. Daphné, qui était la plus proche de son cercle de vision, était toujours aussi stupéfiée. Drago s'éclaircit la gorge et dansa d'un pied sur l'autre :

"Alors voilà." conclut-il sur une note assez gênante. "Je vais me coucher."

"D'accord." répondit Pansy, qui avait l'air surprise par ce comportement totalement inhabituel.

Il se rendit aux dortoirs en essayant de ne pas écouter les murmures des filles quand il se retourna. Il traversa la Salle Commune bondée, et aperçut Blaise dans la foule. Même s'il n'avait pas pu entendre ce qu'il venait de dire à Pansy, Drago eut l'impression que son meilleur ami le jugeait.

Drago s'allongea dans son lit tout habillé, reconnaissant que Théo avait déjà ses rideaux fermés. Il fit de même avec les siens et se tourna pour regarder le plafond en tissu vert de son lit à baldaquin.

Il avait invité Pansy, tout était comme c'était supposé l'être. Il était un Sang-Pur respectable, qui irait au Bal d'Hiver avec une fille respectable, au sang pur, avec des bonnes manières, que ses parents appréciaient. Il avait des amis Serpentards, et ne traînait pas avec la racaille, les Gryffondors, les raclures que son père insultait quotidiennement.

"Oui." dit la petite voix dans sa tête, celle qu'il essayait désespérément de faire taire. "Mais alors, pourquoi es-tu aussi triste ?"