chapitre spécial aujourd'hui! :)
tw : émétophobie (c'est moi ou tout le monde veut vomir dans cette fic?), allusions au sexe
note : merci pour tous vos commentaires sur le chapitre précédent! Je suis ravie qu'il vous ai plu! :)
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Pansy
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Pansy Parkinson était beaucoup de choses.
Elle était observatrice. Elle était passionnée. Elle pouvait être ingrate. Malpolie. Certains disaient qu'elle était jolie. Elle était cynique. Une fois, Drago l'avait traitée de pourrie gâtée. Elle était douée, dans certains domaines. Elle arrivait à identifier beaucoup d'étoiles, et lire des prédictions dans les tasses de thé. Elle était angoissée, parfois. Souvent. Une fois, Théo l'avait traitée de dépressive.
Une chose était sûre, Pansy Parkinson n'était certainement pas stupide.
Elle n'était pas aussi cultivée que Théo, pas aussi adroite que Blaise, et pas aussi intelligente que Drago. Mais Pansy Parkinson n'était pas stupide.
Elle inspira longuement sur sa cigarette, jusqu'à ce que sa gorge brûle. Elle était seule, dans la Salle Commune. Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, mais il devait être au moins 3h du matin, parce que ça faisait des heures que tout le monde était parti. Blaise s'était faufilé dans le dortoir de Daphné avec elle, en gloussant comme des idiots.
Comme si personne n'avait compris ce qu'ils étaient sur le point de faire.
C'était sa septième cigarette de la soirée. Le cendrier que Théo lui avait offert reposait précairement sur l'accoudoir du canapé, rempli de morceaux de mégots brûlés. Elle avait enlevé sa robe de Bal, qui ne formait plus qu'un tas pathétique de dentelles roses sur le sol, et n'était habillée que d'une culotte et d'un t-shirt qu'elle avait trouvé dans la Salle Commune. Il n'était pas à Drago, parce qu'il ne sentait pas comme lui, et elle se haïssait de connaître suffisamment son odeur pour savoir si c'était son t-shirt ou pas.
Elle était complètement allongée dans le canapé, si bien qu'elle pouvait à peine voir par-dessus le dossier pour apercevoir les dortoirs. Elle n'avait gardé que trois choses avec elle : son paquet de cigarettes dans sa main gauche, sa baguette posée sur son ventre, et la photo qu'elle avait prise avec Drago à la station photo, dans sa main droite.
Pansy observait la photo. Elle était couverte de larmes. Ils étaient beaux. Il avait le sourire qu'elle adorait, celui où on voyait ses dents, et il lui encerclait la taille avec son bras, un peu plus fort à chaque fois que la photo recommençait à bouger.
Pansy Parkinson n'était pas stupide.
Elle était dans le déni. Elle avait pensé, pendant quelques mois délirants, que Drago pouvait être amoureux d'elle. Qu'il avait réalisé, comme elle, que cette amitié d'enfance avait fait naître des sentiments insoupçonnés entre eux. Qu'il s'était attaché à elle comme elle à lui.
Que peut-être, ils avaient toujours été destinés l'un à l'autre.
Mais cet espoir s'était finalement éteint. En l'espace de quelques secondes, le monde de Pansy s'était écroulé.
Hermione Granger.
Quand elle avait descendu les marches, resplendissante, naturellement jolie, phénoménale, et que Pansy s'était tournée vers Drago pour partager une réaction avec lui, parce que c'était toujours comme ça qu'ils avaient vécu : quand l'un voyait quelque chose de scandaleux, ils se tournaient naturellement vers l'autre. Pansy cherchait constamment Drago quand il lui arrivait quelque chose de particulier, et il était toujours là pour partager un ricanement, ou arrondir ses yeux pour montrer sa surprise.
Comme la fois où Dobby s'était pris son torchon dans les pattes et s'était rétamé devant tous les invités de Narcissa Malefoy, et qu'ils avaient dû contenir leur fou rire.
Ou comme la fois où son cousin avait appris un sort pour exploser des objets, et que ça avait ricoché et détruit le chandelier du salon du Manoir.
Ou comme la fois où Blaise leur avait annoncé que son troisième beau-père était mort.
Ou quand Théo lisait des livres moldus.
Elle se tournait toujours vers lui.
Mais cette fois-là, il ne s'était pas tourné vers elle. Il avait gardé les yeux fixés sur Granger, ébahi, les prunelles arrondies, complètement fasciné par elle. Il l'avait regardée descendre marche par marche, la bouche légèrement entrouverte, et toutes les pièces du puzzle dans l'esprit de Pansy s'étaient soudain rassemblées.
Parce que Drago ne l'avait jamais regardée comme ça.
Toutes ces questions sans réponse. Pourquoi Drago agissait bizarrement ces derniers temps, pourquoi il s'était éloigné, pourquoi il disparaissait pendant des heures sans prévenir, pourquoi il avait oublié son anniversaire.
"C'est Granger, elle m'énerve. J'entends sa voix à côté de moi et ça m'empêche de me concentrer !"
"Je suis sûr que c'est Granger qui lui a soigné la main."
"Tu sais pourquoi Granger et Weasley ne se parlent plus ?"
"Et Granger ? J'ai entendu Weasley dire qu'elle avait un cavalier."
"Je promets que je vais faire souffrir Hermione Granger. Pire encore, je promets que je vais la détruire mentalement."
Pansy s'était tout pris, comme si quelqu'un était entré dans son cerveau pour lui mettre en évidence tout ce qu'elle avait raté. Tout ce qu'elle n'avait pas vu.
En l'espace de quelques secondes, d'un mouvement de tête, d'un regard, son cœur s'était brisé.
Drago ne pouvait pas être amoureux d'elle. Parce qu'il était déjà amoureux d'Hermione Granger.
Pansy laissa échapper un sanglot étranglé et s'étouffa sur sa cigarette. Pour apaiser sa toux, elle prit la bouteille de "Bièreaubeurre" de Blaise et prit une gorgée. Sa gorge était trop anesthésiée par le tabac et l'alcool pour sentir quelque chose.
Elle n'avait jamais été aussi misérable de sa vie. Elle n'avait jamais ressenti cette douleur. Cette plaie béante dans son cœur qu'elle ne pouvait pas atteindre. Elle ne pouvait pas l'apaiser avec une potion, ou un sort, elle était obligée de la sentir encore et encore, l'empêchant de penser à n'importe quoi d'autre que le putain de regard de Drago en voyant Granger descendre les marches.
C'était la première fois qu'elle le voyait faire ça. Pourtant, elle était très observatrice. Elle avait passé des journées entières avec lui et il n'avait jamais laissé échapper la moindre réaction qui aurait pu montrer son attirance pour elle. Il l'avait toujours insultée, religieusement haïe, rabaissée et traitée de Sang-de-Bourbe. Quand est-ce que ça avait changé ?
Des cendres chaudes tombèrent sur sa cuisse nue mais elle ne les chassa pas. Elle était trop épuisée pour faire le moindre mouvement, autre que de porter la cigarette à sa bouche et inspirer. C'était le seul remède qui apaisait un peu sa douleur.
Granger n'était même pas belle. Ses cheveux étaient constamment mal coiffés. Elle se tenait bizarrement, à cause de ses sacs trop lourds. Elle avait une voix insupportable, pleine de mépris. Avant, elle avait les dents trop longues, ça lui donnait une tête de castor. Elle était sale, impure, insignifiante.
Pourquoi elle ?
Pourquoi pas Pansy ? Pourquoi Granger ?
Elle ressassa cette question sans s'arrêter, en contemplant sans les voir les fenêtres qui donnaient sur le Lac Noir. Parfois, une créature étrange passait devant et assombrissait un instant la lumière tamisée de la pièce, mais Pansy n'y faisait plus attention.
Quand sa cigarette eut atteint le filtre, déversant un goût amer dans sa bouche, elle l'écrasa contre le rebord du cendrier et en ralluma une autre immédiatement. Son paquet commençait à rétrécir, et elle n'avait plus beaucoup de réserves. Elle grogna et leva sa baguette pour allumer le bout, puis inspira une énième fois, et recracha la fumée grise autour d'elle.
À ce moment-là, le silence dans lequel elle était plongée depuis plusieurs heures se brisa quand elle entendit le sifflement de quelqu'un qui sortait du dortoir des filles. C'était Blaise, elle le reconnaissait facilement parce qu'il avait cette fâcheuse habitude de siffler quand il était content.
Il arriva dans la Salle Commune et s'arrêta en la voyant. Il ne sembla pas particulièrement surpris de la voir là aussi tard.
"Insomnie ?" demanda-t-il en s'approchant du canapé.
"Daphné ?" demanda-t-elle, pleine de sarcasme.
Blaise eut un petit rire et haussa les épaules avec un sourire en coin.
"Ouais."
"Enfin." dit Pansy en tapotant sa clope contre le cendrier. "Elle ne parlait que de toi depuis Septembre. Je l'ai traitée d'obsessive."
"Elle peut être… Persuasive." dit Blaise, et Pansy grimaça.
"Eurk. Je ne veux pas entendre parler de tes histoires de sexe, Zabini. En plus, je vais avoir le droit à sa version des faits demain à l'aube, avec plein de détails qui vont me valoir des années de thérapie pour les effacer."
Le sourire de Blaise s'accentua et il prit place sur le canapé avec elle. Elle poussa ses jambes nues et il prit ses chevilles pour les poser sur ses cuisses à lui.
"Je peux en avoir une ?" demanda-t-il en montrant du doigt le paquet de Pansy.
Pansy ouvrit le paquet et lui tendit une cigarette, puis l'alluma avec sa baguette. Blaise posa sa tête en arrière sur le rebord et expulsa la fumée avec un soupir satisfait.
"Cigarettes after sex." dit-elle avec l'ombre d'un sourire. "Les meilleures."
"Hmm." dit-il évasivement, profitant de la sensation exquise de la première bouffée de fumée dans ses poumons.
Ils ne parlèrent pas pendant quelques minutes. Blaise devait avoir vu ses yeux gonflés et rouges, la bouteille d'alcool entamée par terre, mais il ne dit rien. Elle aimait Blaise pour ça. Théo aurait sursauté, paniqué, posé des centaines de questions. Blaise n'était pas comme ça. Il la laissait faire, tout en étant un soutien pour elle silencieusement. Elle avait atrocement besoin de lui, ce soir. Son état calme en permanence réussissait à la calmer aussi.
Très souvent pendant la nuit, Pansy se réveillait dans le lit de Drago. Elle ne faisait pas vraiment de cauchemars, mais elle se réveillait quand même. Parfois en sursaut. Dans ces moments-là, même les respirations de Drago à côté d'elle et son odeur réconfortante n'arrivaient pas à la rendormir.
Alors, elle finissait toujours par se lever pour aller fumer une cigarette dans la Salle Commune. Elle aimait le silence. Et presque à chaque fois, Blaise venait avec elle. Ils ne se parlaient même pas parfois, ils échangeaient juste une cigarette. Ils avaient appelé ça les cigarettes silencieuses.
Conscients que l'autre avait une insomnie, mais sans demander la raison. Ils partageaient simplement un moment, en secret.
Et à chaque fois, Pansy arrivait à se rendormir après.
Elle ne savait pas vraiment si c'était à cause de la cigarette ou de Blaise. Peut-être les deux.
Quand elle arriva à la moitié de sa cigarette, elle se pencha pour reprendre une gorgée de whisky. Sa tête était toute cotonneuse maintenant, comme si l'alcool avait enroulé son cerveau de coton, ce qui le ralentissait considérablement. Elle adorait cette sensation.
Elle proposa la bouteille à Blaise qui refusa d'un geste de la main.
Ils s'enveloppèrent dans un silence réconfortant teinté de fumée de cigarette. Pansy regarda Blaise fumer lentement, chaque geste calculé, les yeux perdus dans le vide. Elle repensa au regard de Drago plus tôt et la plaie de son cœur s'ouvrit davantage.
"Blaise, je peux te poser une question ?" demanda-t-elle en coinçant son mégot entre ses doigts.
"Bien sûr que tu peux." répondit-il calmement, sans la regarder.
"Pourquoi Granger ?"
Elle mit la faute sur le whisky. Le fait de dire son nom à voix haute était tellement douloureux qu'elle était obligée de le cracher. Blaise se tourna vers elle et plongea ses yeux caramel dans ceux de Pansy. Le fait qu'il ne soit pas surpris par la question confirma ses peurs.
"C'est à cause d'elle que tu bois ?" demanda-t-il en montrant la bouteille à côté d'elle.
"Peut-être."
Il la jaugea silencieusement, et ça l'énerva. Elle avait envie d'hurler ou de pleurer, pas de se faire observée de la sorte.
"Non mais sérieusement." continua Pansy en se repositionnant dans le canapé pour être en position assise. "Qu'est-ce qu'elle a de plus que moi ?"
"Rien du tout." répondit Blaise instantanément.
"Théo a dit qu'il la trouvait belle. En deuxième année, tu te souviens ?" dit-elle en ignorant la remarque de Blaise. "Il a dit qu'il la trouvait belle, alors qu'elle ne l'est pas du tout. C'est une intello qui traîne avec des gens douteux. C'est une Sang-de-Bourbe, le genre de personne qu'on nous a toujours interdit d'approcher. Alors, pourquoi elle ?"
"Tu ne penses pas que c'est parce qu'on leur a toujours interdit de les approcher qu'elle suscite un intérêt ?" proposa Blaise.
Pansy considéra ces propos.
"Peut-être."
Il posa sa joue contre le rebord du canapé sans quitter Pansy des yeux. Blaise portait toujours un masque pour déguiser ses émotions, et elle n'avait aperçu des failles que quelques fois. La colère, principalement. Mais là, c'était comme… De la pitié.
"J'ai toujours fait ce qu'il fallait." dit-elle, et elle se rendit compte qu'elle pleurait parce que sa voix était tremblante de sanglots. "J'ai fait ce qu'on m'a dit de faire. J'ai obéi à mon père. Je me suis transformée en cette fille parfaite, et jolie, et guindée, et sage, sans même savoir ce que j'étais réellement. Il m'a aidée à trouver. Ma personnalité."
Elle ne voulait pas prononcer le prénom de Drago, au risque que les sanglots qu'elle gardait dans sa gorge explosent et la fasse pleurer sans s'arrêter. Elle continua, la langue toujours aussi lourde à cause de l'alcool :
"Avec lui, j'étais libre. Je suis libre. C'est la première personne à qui je me suis confiée. La personne que j'avais envie de voir quand je me levais le matin. Un jour, j'ai réalisé que je ne ressentais ça que pour lui. Et j'ai réalisé que c'était de l'amour. Je pensais qu'il était comme moi. Qu'on ressentait toujours les mêmes choses, comme depuis des années, comme si on partageait le même cerveau. Et ce soir, je…"
Elle s'arrêta pour contenir les larmes. Elle ne devait pas se laisser aller. À la place, elle but une gorgée de whisky, et Blaise ne fit pas de commentaire.
"Je pensais que j'étais suffisante. Que ma vraie personnalité, c'était ce qu'il aimait. Pas la Sang-pure de mon père, pas la fausse image que j'ai crée, la vraie Pansy. Moi. Mais non. Il n'a jamais… Je ne suis pas…"
Pansy s'interrompit en jurant entre ses dents, incapable de retenir les trémolos dans sa voix. C'était pathétique. Pleurer pour ça. Elle essuya ses yeux honteusement et hésita à regarder Blaise, qui devait probablement se moquer d'elle en son for intérieur.
"Il t'aime, Pans'." dit Blaise.
Elle leva la tête. Ses sourcils étaient froncés et il s'était approché d'elle, comme pour essayer de juger si elle allait repousser sa main.
"Il t'aime, mais il ne t'aime pas comme tu aimerais qu'il t'aime. Il a essayé, crois-moi."
"Pourquoi elle, Blaise ? Pourquoi elle, de toutes les filles ?"
"Je ne sais pas." répondit-il sincèrement. "Je ne comprends pas non plus. Je te préfère toi."
Elle leva les yeux au ciel et répondit par un souffle entre ses dents, qui pouvait paraître comme un rire amer. Blaise fronça encore plus les sourcils et s'approcha d'elle sur le canapé :
"Non, Pans'. Écoute moi. Je sais que je ne suis pas… celui que tu veux, que mon avis ne compte pas. Mais je te préfère toi. La vraie Pansy, celle qui n'a pas de problème à dire ce qu'elle pense, qui s'habille comme elle le veut, et pas parce que quelqu'un lui a ordonné de porter quelque chose. J'aime la Pansy qui n'arrive plus à s'arrêter de rire. Qui s'endort en boule n'importe où. Qui défend l'astronomie et la divination comme si c'était elle qui les avait inventées, et qui en parle avec des étoiles dans les yeux. Je t'aime toi, tu le sais ça, non ?"
Pansy sentit ses épaules se secouer, elle était sur le point de fondre en larmes. Elle prit une dernière taffe de cigarette et l'écrasa contre le cendrier, puis resserra ses bras autour de ses jambes dans une tentative de réconfort.
"Pourquoi est-ce qu'il ne m'aime pas, Blaise ?" articula-t-elle difficilement.
"Si tu te poses la question, c'est qu'il ne mérite pas de t'aimer tout court, Pans'. Tu devrais être avec quelqu'un qui t'aime pour tout ce que je viens de dire. Tu ressens quelque chose pour lui parce que c'est la personne avec qui tu es la plus confortable. Est-ce que tu ne préférerais pas être avec quelqu'un qui t'aime pour ce que tu es ?"
"Je l'aime." souffla-t-elle tout doucement.
"Je sais que tu l'aimes. Ça va passer." répondit Blaise en lui caressant doucement le bras.
"Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?"
Il réfléchit à la question sans cesser ses caresses sur le bras pâle de Pansy.
"Je pense qu'on a grandi trop vite."
Elle lui lança un regard d'incompréhension et il s'expliqua de son ton calme et posé :
"On a des problèmes, Pans', tous les quatre. Drago, Théo, toi et moi. Je n'ai jamais eu de père. J'ai passé mon enfance à me demander lequel des hommes que ma mère m'a présenté était celui qui remplaçait le vide dans mon cœur. Aucun n'a réussi. Théo a grandi avec un père violent, qui malgré tous ses efforts, n'a jamais perverti son âme bien trop pure. Il a vu sa mère mourir devant ses yeux et en pleure encore la nuit. Drago a cru toute sa vie aux conneries que ses parents lui ont apprises, et maintenant qu'il doit prendre ses propres décisions, il est perdu et a l'impression de les trahir. Et toi… Tu as grandi sans ta maman, avec un père qui ne t'as jamais donné la moindre once d'amour. Alors que c'est tout ce que tu mérites."
Pansy avait les yeux écarquillés en écoutant Blaise, son cœur avait cessé de battre. La seule chose qui la retenait de ne pas bouger de choc était la main douce de Blaise contre sa peau. Il reprit doucement, comme pour ne pas la casser s'il parlait trop fort :
"Tu as passé ta vie à essayer de te perfectionner pour entrer dans un moule qui n'était pas le tien. Et quand tu réalises que l'image que tu renvoies n'est pas celle que tu voudrais, tu t'abandonnes dans des choses qui te donnent du confort. L'alcool. Les cigarettes. Drago…"
Le dernier mot lui donna un coup dans le ventre et elle sentit ses yeux brûler. Sa vision se flouta, elle respirait bizarrement, s'étouffant à moitié. Elle aperçut difficilement Blaise qui écrasait sa cigarette à son tour. Elle tâtonna avec sa main pour trouver la bouteille d'alcool, mais Blaise la prit avant qu'elle puisse la saisir et la posa à côté de lui.
"Viens. Tu te sentiras mieux, Pans'. Viens."
Elle obéit en voyant son ami tendre les bras vers elle. Elle s'accrocha à lui comme à une bouée de sauvetage et logea sa tête entre l'épaule et le cou de Blaise qui dégageait cette odeur ambrée réconfortante. Il la serra fort dans ses bras, si fort que sa cage thoracique était pressée contre sa poitrine, et que leurs respirations se mêlèrent ensemble.
Il passa une main le long de son dos, et l'autre caressait ses cheveux. Elle savoura ce contact avec un soupir de satisfaction. Elle ne voulait plus partir. Tout son corps s'était détendu.
La voix de Blaise résonna juste contre son oreille :
"Tu as le droit de pleurer. Personne ne va te l'interdire. Tu es en sécurité ici. Tu peux pleurer. Laisse-toi aller. Je ne te le dirai à personne. Je te le promets."
Comme s'il venait de prononcer un mot de passe, toute la tête de Pansy se vida et elle se laissa pleurer. Au début, c'étaient des larmes chaudes sur ses joues, puis son corps fut secoué de tremblements incontrôlables et elle se retrouva à sangloter de toutes ses forces contre l'épaule de Blaise. Elle tremblait et il resserrait ses bras de plus en plus, et l'étau qu'il créa était tellement réconfortant qu'elle pleurait encore plus. Elle s'étouffait presque, comme si son cœur s'était soudain retrouvé aux bords de ses lèvres.
Blaise ne dit rien, mais n'arrêta pas de lui caresser le dos. Il n'essaya pas de la réconforter, ou de la faire taire. Il la laissa pleurer autant qu'elle le voulait. Elle pleura pour Drago. Elle pleura pour Théo, elle revoyait ces longues coupures sur ses bras et sa peau couverte de sang. Elle pleura pour son père, l'homme froid et insipide qui ne la regardait jamais. Elle pleura pour sa mère. Son abandon. Auquel elle ne s'autorisait pas à penser.
Elle pleura tellement longtemps que quand elle arrêta, et que le silence de la Salle Commune revint, elle s'était trop habituée aux sons de ses propres sanglots. Elle laissa son menton sur l'épaule de Blaise. Il continuait ses caresses dans son dos, et quand elle se calma et essaya de reprendre une respiration normale, il la berça légèrement.
Finalement, elle se détacha de lui. Elle se mit devant lui et se sentit soudain gênée d'avoir tant pleuré.
"Merci Blaise, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu… de ça. J'en avais bien besoin."
Il hocha la tête et lui tendit un mouchoir. Puis, il glissa l'une de ses mèches noires trempée de larmes derrière son oreille.
"Tu ne dors pas avec Daphné cette nuit ?" demanda-t-elle en se mouchant.
Il secoua la tête.
"Non, je suis parti en pensant que tu aimerais dormir là-bas."
Elle n'avait certainement pas envie de dormir avec Drago. Elle hésita à rester sur ce canapé jusqu'au petit matin. Blaise surprit son regard gambader sur le canapé et intervint :
"Non, hors de question. Pas là. Tu as besoin de dormir, tu es épuisée."
Pansy soupira et hésita. Blaise proposa gentiment :
"Tu veux dormir dans mon lit ? Ça ne me dérange pas."
Elle était tentée, mais elle avait du mal à imaginer la réaction de Drago s'il se réveillait et voyait Pansy dans le lit de Blaise. Il s'imaginerait probablement des choses. C'était tellement insensé et compliqué.
"Non, merci Blaise. Je crois que je vais aller dormir avec Daphné."
Il l'aida à se relever du canapé d'un geste de la main. Il avait toujours ces manières de gentleman, comme lorsqu'il l'avait invitée à danser avec lui. Une fois debout, le sol commença à tanguer, l'alcool lui était soudain monté à la tête.
"Merci pour cette cigarette silencieuse." dit-elle avec un sourire.
"Avec plaisir. Je serai toujours là, tu le sais ? Toujours là quand tu as besoin de moi. Ne te tracasse pas trop avec lui, il n'en vaut pas la peine."
Elle sourit du coin de la lèvre, et lui aussi. Son t-shirt blanc était trempé de larmes, mais il n'avait pas l'air d'y faire attention du tout.
"Bonne nuit Pans'."
"Bonne nuit Blaise."
Et elle partit rejoindre Daphné qui dormait déjà à poings fermés, et s'allongea à côté d'elle. Elle se mit en boule, ses jambes complètement recroquevillées contre son ventre, et écouta les respirations de Daphné à côté d'elle.
Mais elles n'étaient pas aussi familières que celles de Drago. Elle ne sentait pas la douce odeur de menthe qu'il dégageait en permanence et qui embaumait toujours le lit quand il dormait. Elle ne faisait pas émaner cette chaleur corporelle écrasante qui irradiait de lui comme un feu de cheminée.
Pansy n'était pas aussi apaisée qu'avec lui, même après avoir calé sa respiration avec celle de Daphné plusieurs fois, même en fermant les yeux en imaginant que c'était lui. Elle s'endormit longtemps après, tremblante de froid et de fatigue.
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Pansy se réveilla en grimaçant. Elle avait mal à la tête, comme si quelque chose compressait contre ses tempes et l'espace entre ses deux yeux. L'alcool. Elle n'avait pas réalisé qu'elle en avait pris autant la veille. Elle était presque habituée à se réveiller comme ça désormais.
Elle roula sur elle-même et faillit faire un arrêt cardiaque en voyant le visage de Daphné à deux centimètres d'elle, les yeux grands ouverts. Pansy sursauta et mit une main sur son coeur, mais Daphné ne remarqua pas, trop pressée de raconter ce qu'elle avait vécu la veille :
"Pansy ! Ça y est ! Je l'ai fait !"
Pansy ferma les yeux et soupira. C'était le pire réveil qu'elle avait jamais eu.
"Ah oui ?" demanda-t-elle vaguement, bien qu'elle savait pertinemment de ce qui allait suivre.
"On l'a fait !" répéta Daphné dans un petit cri suraigu. "Blaise et moi, hier soir !"
Daphné sautillait presque sur le matelas tant elle était heureuse. Pansy grimaça et se mit en position assise dans le lit pour éviter de croiser le regard trop surexcité de sa meilleure amie.
"Merlin, dis moi que ce n'était pas dans ce lit…" marmonna-t-elle.
"Si !" annonça Daphné avec un sourire fier.
"Putain. J'ai besoin d'une cigarette."
Pansy poussa la couette et se leva, mais Daphné fit de même dans des gestes précipités et la suivit jusque dans la salle de bains pour lui faire un compte-rendu détaillé de sa nuit.
"Putain, Daphné, je ne veux pas entendre ça !" s'écria Pansy en se bouchant les oreilles au moment où Daphné arrivait au moment où Blaise l'avait déshabillée.
"Quoi, mais pourquoi ?" demanda Daphné sans comprendre.
"Parce que c'est mon meilleur ami, et que tu es ma meilleure amie, et que je n'ai absolument pas envie d'avoir des images mentales de vous deux, tous nus, ensemble, ça me… Eurk !" s'exclama-t-elle.
Daphné lui fit un sourire en coin et s'adossa contre la porte de la salle de bains.
"Je m'en fous Parkinson, tu vas devoir t'y faire, parce que je compte bien te raconter."
La concernée leva les yeux au ciel et mouilla sa brosse à dents. Daphné se lança alors dans le récit le plus immonde que Pansy ait pu entendre de sa vie. Elle rentra dans des détails que Pansy n'aurait jamais voulu imaginer. Mais Daphné continua jusqu'à la fin, insensible au dégoût clairement affiché sur le visage de la brune et ses grincements de dents.
"Je suis tellement heureuse !" conclut Daphné avec un sourire niais. "J'avais tellement peur d'être la dernière à le faire ! Et avec Blaise en plus…"
"Je suis contente que tu sois heureuse, Daph'." soupira Pansy. "Même si je suis traumatisée."
"Oh, arrête un peu de faire ta prude. Je sais bien que tu l'as fait plein de fois avec Drago."
La gorge de Pansy se serra et la boule qui s'était logée dans sa gorge la veille revint subitement, l'étranglant à moitié avec son dentifrice. Elle se pencha pour se rincer la bouche et en se relevant, elle croisa alors son reflet déplorable dans le miroir.
"Merlin, je ressemble à rien." marmonna-t-elle en essayant tant bien que mal d'aplatir ses cheveux décoiffés par la nuit.
"Tori peut te filer des potions anti gueule de bois, si tu veux." proposa Daphné. "Elle a plein de trucs dans son dortoir."
Pansy s'habilla donc rapidement et alla toquer à la porte du dortoir d'Astoria. Quand elle ouvrit, Pansy fut surprise de voir que ses longs cheveux blonds, d'habitude parfaitement coiffés, étaient emmêlés. Elle avait des traces de maquillage noires sous les yeux et portait toujours sa robe du Bal, dans laquelle elle avait probablement dormi. Elle venait de se réveiller, visiblement.
"Hey, désolée de te réveiller." lui dit Pansy en voyant sa tête.
Elle ne pouvait pas réellement la juger, parce qu'elle devait avoir la même tête à ce moment-là. Astoria balaya son excuse de la main et se frotta les yeux avec l'autre :
"T'en fais pas. T'as besoin de quelque chose ?"
Sa voix était grave, plus grave que d'habitude. Elle devait avoir piqué une bouteille de Blaise, elle aussi.
"Daph' m'a dit que tu avais des potions anti-gueule de bois ?"
"Merlin, oui, plein. Je vais en avoir besoin aussi."
Elle ouvrit la porte pour inviter Pansy à entrer et se dirigea vers son lit. Les colocataires d'Astoria dormaient encore dans leurs lits. Certains contenaient plus de filles que prévu, et le quatrième lit avait les rideaux verts tirés.
Pansy rejoignit Astoria en essayant de ne pas marcher sur les tas de vêtements qui jonchaient le sol. Quand elle arriva vers son lit, elle vit que la table de nuit d'Astoria avait été entièrement refaite pour y loger un cabinet de potions impressionnant. La blonde fouilla dedans quelques secondes, puis lui tendit une dizaine de petites fioles :
"Tiens, la recette parfaite pour un lendemain de soirée."
"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Pansy, qui ne reconnaissait pas la couleur de la moitié des bouteilles.
"Anti-gueule de bois, arrêt de nausées, les yeux rouges, mal de tête…" chuchota Astoria en lui montrant du doigt les potions au fur et à mesure qu'elle les listait, "anti-vomitif, anti-vertiges, potion de mémoire au cas où tu as trop bu pour te souvenir de tout, et deux potions de beauté."
Pansy arqua un sourcil :
"De beauté ? Comme celles d'hier ?"
"Ouais." répondit Astoria. "La dorée est pour ton teint, enlever les cernes et tout ça. L'autre, la blanche, c'est pour étirer tes traits, te rendre plus jolie, pendant une journée environ."
Pansy hocha la tête en reconnaissant la fiole que Daphné lui avait donnée la veille, avant le Bal. Pansy avait aimé voir les effets sur son visage, comme si elle n'avait plus aucun défaut d'un coup.
"Merci Tori." dit Pansy en rangeant les potions dans son sac. "C'est une vraie collection que t'as là." dit-elle en indiquant le petit placard.
Astoria balaya une seconde fois la remarque avec sa main :
"Ça ? Non, juste une petite passion."
"Tu devrais les vendre, ça te ferait un business."
Astoria eut un petit rire.
"Pour toi, c'est cadeau. Offert par la maison."
Pansy la remercia et retourna dans le couloir. Daphné sortit du sien à cet instant et elles allèrent toutes les deux au petit-déjeuner. Pansy ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle avait mangé un vrai repas, elle s'était forcée à suivre un régime strict pour rentrer dans sa robe de Bal. Alors, après avoir pris quelques potions d'Astoria, elle essaya de manger, malgré son estomac réticent.
Blaise, Théo et Drago finirent par les rejoindre. Quand Drago entra dans la Grande Salle, Pansy ressentit cette montée de elle-ne-savait-quoi dans son corps qui l'énervait. Il la salua avec un petit sourire et commença à manger. De temps en temps, il jetait un regard furtif vers Granger. Pansy se demanda si c'était nouveau ou si elle n'avait jamais remarqué avant. Maintenant qu'elle le savait, elle ne voyait que ça.
Granger était assise trois tables plus loin. Elle avait retrouvé son look habituel, c'est-à-dire ses cheveux broussailleux. Pansy était étonnée qu'une potion puisse être assez puissante pour dompter cette chevelure. Elle avait dû en appliquer trois tonnes. Elle portait un pull en laine rouge et un pantalon de moldue. Banale.
Elle était assise à côté de Weasley et semblait particulièrement tendue, plus que d'habitude. Elle se tenait trop droite pour que ça soit naturel. Ils ne se regardaient même pas. Peut-être qu'ils ne se parlaient plus, après leur dispute de la veille.
Pansy s'arracha de cette vision ennuyante et son regard se posa sur Blaise, en face d'elle. Il était parfaitement frais et naturel, comme s'il n'avait pas bu une seule goutte d'alcool, ce qui était assez énervant. Il ne montra aucun signe qu'il avait pu coucher avec Daphné la veille, mais Pansy remarqua qu'il lui fit un clin d'oeil discret et que Daphné gloussa discrètement.
Pansy prit un toast et le posa dans son assiette. Sans même qu'ils se regardent, sans un mot, Drago prit alors le miel sur la table et le lui donna. Simplement. Sans même le réaliser, peut-être. Il la connaissait tellement qu'il savait déjà ce qu'elle cherchait avant même qu'elle le fasse. Ce geste lui donna envie de pleurer. Pathétique.
Elle ne dit rien et tartina son toast de miel. La table était plongée dans le silence. Pansy mangea son toast doucement. Blaise lisait la Gazette des Sorciers, comme tous les matins. Théo buvait son lait, perdu dans ses pensées. Daphné s'était éloignée pour aller voir Tracey un peu plus loin. Elle se força à ne pas regarder Drago, parce qu'à chaque fois qu'il levait la tête vers Granger, l'estomac de Pansy se tordait et menaçait d'expulser les potions.
Quand Drago leva encore une fois la tête vers Granger, Pansy se leva d'un coup. Elle récolta les trois regards interloqués des garçons.
"Tu vas où ?" demanda Théo.
"Fumer." répondit-elle d'une voix blanche.
"Tu veux m'attendre ?" proposa Blaise. "Je finis cet article et je te passe l'horoscope du jour."
Pansy secoua la tête.
"Non, merci."
Et elle s'en alla. Elle savait qu'ils devaient trouver ça bizarre, mais personne ne la retint. Pansy sortit précipitamment de la Grande Salle. Ses poumons étaient comprimés par la tension de la table.
Quand elle ouvrit les portes pour sortir dans la cour, l'air frais lui fit du bien. Elle prit plusieurs grandes inspirations et traversa les jardins pour se retrouver dans la cour de Métamorphose. Elle aimait bien cette cour, elle était petite et il y avait rarement du monde. Elle pouvait fumer en toute tranquillité. Elle alluma une cigarette et s'assit sur un banc enneigé. Le goût familier du tabac sur sa langue la rassura. Elle posa sa tête sur le dossier du banc et ferma les yeux pour savourer la sensation de froid sur ses cuisses.
Le temps passa et le froid la paralysa de plus en plus. Ses cigarettes étaient les seules sources de chaleur. Pansy les enchaîna dans des gestes mécaniques. Le froid et le tabac parvinrent à la mettre dans cet état léthargique qu'elle aimait tant, parce qu'elle était enfin seule avec ses pensées.
Drago adorait les promesses. C'était lui qui avait inventé le serment des promesses avec leurs petits doigts, quand ils étaient petits. Pansy n'avait jamais considéré plus grande parole que ces promesses-là. Elle les avait toujours respecté religieusement. Parfois, Drago en faisait avec lui-même. Il se promettait des choses pour ne pas casser ses propres résolutions. Pansy ne l'avait jamais vraiment fait, mais ce jour-là, elle se demanda si elle ne devait pas se promettre à elle-même de ne plus ressentir de l'amour pour Drago.
Elle savait qu'elle devait le faire. Ressentir quelque chose pour lui lui apportait plus de douleur et de peine qu'autre chose. Mais c'était tellement difficile de se battre contre son propre esprit, contre ses propres émotions qu'elle n'arrivait pas à contrôler. Elle ne savait pas si c'était possible. Peut-être qu'Astoria avait une potion contre ça, dans son cabinet.
Pansy ouvrit son paquet de cigarettes et grogna. Elle avait épuisé son stock de cigarettes sans le réaliser. Elle se leva, jeta son paquet vide dans son sac et rentra de nouveau dans le Château. Elle se dirigea vers les escaliers qui menaient au sous-sol, près de la cuisine, et rabattit sa capuche sur sa tête. Pansy détestait cette partie du Château, trop jaune, trop faussement confortable.
Elle prit le premier couloir qu'elle vit et se dépêcha de traverser l'étage pour trouver la personne qu'elle cherchait avant que trop de monde se rende compte qu'elle était là. Elle n'avait aucune envie de se faire remarquer à l'étage des Poufsouffles. Elle chercha parmi tous leurs visages joviaux, mais Sullivan n'était pas là.
Pansy jura entre ses dents et remonta les escaliers vers le Hall. Sullivan était toujours dans ces parages-là, alors elle fit le tour pour le trouver. Elle l'aperçut enfin dans un couloir avec une bande d'amis. Plein de Poufsouffles.
"Sullivan ?" appela Pansy sèchement.
Le blond leva la tête et lui fit un sourire en croisant son regard. Pansy faillit lever les yeux au ciel. Il agissait comme si c'était les meilleurs amis du monde. Il s'excusa auprès de ses amis et s'approcha d'elle et de l'endroit reculé où elle s'était cachée pour ne pas se faire voir en compagnie d'un Poufsouffle.
"Salut Pansy, la forme ?"
S'il remarqua son état pathétique, il ne fit pas de commentaire. Elle ne répondit pas et alla droit au but :
"Je n'ai plus de cigarettes. Tu peux me refiler dix paquets ?"
Il haussa ses sourcils. Son visage était trop rond, trop grossier. Ses cheveux blonds étaient trop bouclés et personne ne semblait lui avoir dit que ça contrastait affreusement avec son visage.
"Déjà ?"
"Je t'ai pas demandé de faire de remarque, Sullivan." siffla Pansy. "Je te demande juste des cigarettes."
"Il va falloir que j'envoie un hibou à mon grand frère." dit le Poufsouffle. "Je ne pensais pas que tes réserves s'écouleraient si vite."
Pansy soupira d'exaspération.
"Mais j'en ai besoin… maintenant." dit-elle dans un murmure saccadé.
Elle était honteuse de quémander comme ça auprès d'un Poufsouffle, mais son désir de tabac était plus fort que son embarras. Sullivan haussa les épaules.
"Désolé." dit-il simplement, avec l'ombre d'un sourire moqueur.
Pansy soupira de nouveau et réajusta son sac sur son épaule dans un geste impatient. Elle dansa d'un pied sur l'autre.
"Qu'est-ce que tu veux ?" finit-elle par lâcher. "En échange, qu'est-ce que tu veux ?"
Sullivan fit semblant de réfléchir. Pansy était à deux doigts de sortir sa baguette et de mettre le feu à son nid d'oiseau qui lui servait de cheveux. Il finit par proposer avec un sourire commercial :
"Disons simplement qu'une petite augmentation aiderait probablement mon hibou à aller plus vite."
"Une augmentation ?! Encore ?!" s'écria Pansy. "Je paye déjà vingt-cinq Mornilles le paquet, ça doit être abominablement cher pour ton moldu de frère."
"Il faut aussi payer le fait d'y aller, le prix du paquet, la livraison, et la pénibilité du travail." dit Sullivan en comptant sur ses doigts.
"Combien tu veux ?" grinça Pansy.
"Trente cinq Mornilles le paquet."
"Quoi ? Mais ça fait presque vingt Gallions les dix !"
"C'est ça." dit Sullivan en croisant les bras. "Et je suis le seul né-moldu qui vend des cigarettes dans cette école, et tu n'es pas ma seule cliente. Il faut faire tourner le business, tu vois ?"
Pansy insulta mentalement le garçon pendant qu'elle fouillait dans son porte-monnaie et lui jeta les pièces agressivement.
"Voilà, vingt Gallions. Content ?"
Le Poufsouffle compta ses pièces et les rangea dans sa poche avec un grand sourire.
"Oh, tiens, j'avais oublié qu'il se trouve que j'ai quelques paquets dans mon sac."
Il fouilla dans ses affaires et lui tendit quatre paquets.
"Tiens. Je t'en dois six, je devrais les avoir à la fin de la semaine."
Pansy rangea les paquets au fond de son sac.
"Si je rajoute quelques Mornilles, je pourrais les avoir plus tôt ?" demanda-t-elle d'une petite voix.
Sullivan haussa les épaules et Pansy lui passa le reste des pièces de son porte-monnaie.
"C'est un plaisir de faire des affaires avec toi, Pansy Parkinson." décréta Sullivan sans cacher sa joie.
"Tu arnaques les gens, espèce de…"
"Très belle coupe de cheveux, tu as coupé ta frange ?" demanda-t-il pour l'interrompre. "Très réussi."
Il rit et s'éloigna avant que Pansy puisse l'insulter. Elle resta là quelques secondes, à deux doigts de taper du pied tant ce mec pouvait être insupportable, puis se retourna. Elle reprit le chemin en sens inverse et rentra brutalement dans quelqu'un.
C'était Théo. Il la regardait déjà, adossé contre le mur du couloir, un petit sourire malicieux dessiné sur ses lèvres. Il portait son sac en bandoulière et avait croisé ses jambes pour s'appuyer de tout son poids. Quand il vit l'air affolé de Pansy, il ricana doucement.
"Qu'est-ce que tu faisais ?" demanda-t-il innocemment.
"Rien." répondit-elle du tac au tac.
"Ça n'avait pas l'air d'être rien. C'était qui, ce Poufsouffle ?"
"À ton avis ?" demanda-t-elle en levant les yeux au ciel.
Elle avait envie de s'éloigner, mais Théo était décidé à rester adossé contre le mur et lui barrer le chemin.
"Ton amant secret ?"
Pansy fit une grimace qui fit rire Théo de nouveau.
"Certainement pas. On peut y aller ?" pressa-t-elle.
"Pourquoi ? Tu ne veux pas me présenter à tes nouveaux amis les Poufsouffles ?"
"Ce ne sont pas mes amis." grinça-t-elle en lui tirant le bras pour l'éloigner. Il resta là sans bouger.
"Dis moi ce que tu faisais, alors."
"Je… Je lui demandais quelque chose, c'est tout."
"Ahh…" dit Théo, comme s'il venait de réaliser quelque chose. "C'est pour ça que tu lui as jeté vingt Gallions à la gueule ?"
"Ce ne sont pas tes affaires, Nott."
"Arrête de m'appeler comme ça."
"Arrête de m'emmerder, alors."
Théo sourit et finit par se décoller du mur et marcha à côté d'elle le long du couloir.
"Tu sais à quel point c'est indécent ? Vingt Gallions, pour des cigarettes ? Un paquet ne devrait pas coûter plus de cinq Mornilles, Pans'. Tu te fais avoir. En plus, c'est super mauvais pour la santé…"
"Je sais, Théo, tu me l'as déjà dit une centaine de fois." pesta Pansy. "Je ne suis pas d'humeur pour avoir une leçon de morale, là."
Théo tourna la tête vers elle et fronça les sourcils :
"Ah bon ? Pourquoi, qu'est-ce que tu as ?"
"Et toi, pourquoi tu étais là ?" demanda Pansy pour ne pas répondre à sa question.
Théo lui montra son sac plein de livres :
"J'allais à la Bibliothèque. Tu veux venir avec moi ?"
Pansy sourit légèrement. Il lui posait tous les jours la question, même s'il savait pertinemment qu'elle répondrait "non" à chaque fois.
"Non, merci." dit-elle.
"Des choses plus intéressantes à faire de prévu ?" demanda sarcastiquement Théo.
Elle voulut répondre sur le même ton mais fut soudain stoppée quand elle se sentit nauséeuse.
"Je vais aux toilettes." dit Pansy en changeant brutalement de trajectoire pour entrer dans les toilettes du premier étage.
Elle ouvrit la première porte du cabinet des toilettes et se pencha au-dessus de la cuvette. Elle avait eu l'impression qu'elle allait vomir, mais finalement, rien ne se passa. Elle massa son ventre. Elle n'avait peut-être pas assez mangé. Ou alors, les potions du petit-déjeuner avaient des effets secondaires. La brune attendit quelques secondes, puis quand son estomac cessa de lui faire mal, elle se releva et sortit des toilettes.
Dans le reflet du miroir, son visage lui faisait presque peur. Les potions avaient réussi à éliminer les signes de gueule de bois, mais qu'en transparence. Elle avait une tête bizarre, et ses cheveux étaient dans un état catastrophique. Elle essaya tant bien que mal de les coiffer en les mouillant un peu, puis se passa de l'eau sur le visage plusieurs fois, sans succès.
Elle se souvint à cet instant des potions de beauté qu'Astoria lui avait passées le matin-même et fouilla dans son sac pour les retrouver. Elle analysa les deux, la dorée et la blanche, sans se souvenir précisément de ce que lui avait dit Astoria. Elle dévissa la blanche et la but en entier. Le goût métallique coula sur sa langue.
Pansy regarda les effets transformer légèrement son visage. Ses yeux se plissèrent un peu, creusant ses paupières pour lui donner un regard de biche. Sa bouche gonfla légèrement, rendant ses lèvres pulpeuses. Puis, son visage s'étira, et ses pommettes ressortirent davantage sur sa peau pâle. Elle contempla le résultat et fut satisfaite de l'image qu'elle renvoya.
Elle jeta la bouteille à la poubelle et sortit de nouveau dans le couloir. Théo était toujours adossé, à l'attendre.
"Tu es sûre que tu ne veux pas venir travailler avec moi ?" dit Théo quand elle arriva à sa hauteur. "Tu n'as toujours pas fait ton essai de Botanique, et je te préviens, il est hors de question que je le fasse à ta place cette fois-ci, tu as eu largement le temps de…"
Théo s'arrêta de parler en croisant le regard de Pansy. Il fronça les sourcils en la détaillant.
"Qu'est-ce que…"
Avant qu'elle puisse lui expliquer, le regard de Théo glissa sur les mains de Pansy. Elle tenait toujours l'autre fiole de potion de beauté, la dorée. Les traits du garçon devinrent soudain durs et il lui arracha la potion des mains : elle vola et s'écrasa contre le mur, déversant le liquide doré sur la pierre.
"Théo ! Qu'est-ce que tu fous ?" s'exclama Pansy en regardant la potion explosée en mille morceaux. "Tu sais combien ça coûte, une potion comme ça ?"
"J'en ai rien à foutre !" hurla Théo, ce qui cloua Pansy sur place.
Son visage, d'habitude toujours enjoué et souriant, s'était transformé. Il était furieux. Ce qui était tellement rare que Pansy se retrouva muette en voyant ça. Ses yeux bleus et doux lançaient maintenant des éclairs, et sa bouche était retroussée de colère.
Il s'approcha d'elle, et le fait qu'il la dépasse en taille la força à lever la tête.
"Je tolère la cigarette." dit-il dans un sifflement, comme un murmure plein de colère et de menace. "Merlin, je tolère même l'alcool, même si ça me rend complètement fou de te voir te détruire comme ça tous les soirs. Je dis rien, je reste dans mon coin, alors que j'ai envie de t'arracher ton gobelet des mains. Je dis rien quand tu arrives le matin avec une gueule de bois pire que la veille. Je ne dis rien. Mais ça, Pansy ?"
Il pointa la potion dorée par terre. Elle n'osa pas la regarder.
"Ça, non. Une potion de beauté ? Qu'est-ce qui te prend ? Pourquoi tu as ça ?" demanda-t-il férocement.
"C'est Astoria qui me l'a donnée." dit Pansy d'une voix penaude qu'elle ne reconnaissait pas elle-même.
Théo se contint de crier en se passant une main sur le visage.
"Et pourquoi tu viens de la boire ?" demanda-t-il dans un sifflement. "Tu croyais sincèrement que je n'allais pas le remarquer sur ton visage ?"
"J'avais une tête horrible !" se défendit-elle.
"C'est dangereux." dit-il, la voix tremblante de colère. "Et tu n'en as pas besoin. Comme la cigarette, comme l'alcool. C'est débile, dangereux, et inutile. Pourquoi tu t'infliges ça ? Tu pensais que Drago allait te trouver plus belle si tu prenais cette horreur ?"
Les yeux de Pansy se fendirent en entendant son prénom.
"Hé." avertit-elle. "Je fais ce que je veux ! Tu n'es personne pour me dire ce que j'ai le droit de prendre ou pas, Nott !"
"Je ne suis personne ?!" s'écria-t-il. Il mêla ses mains dans ses cheveux pour tirer dessus de frustration. "Moi, je ne suis personne ?! Ok, je ne suis peut-être pas ton meilleur ami, je sais que tu as Drago, Daphné, et Blaise, et tous les gens dans les soirées, mais j'estime quand même être un ami à toi !"
"Tu l'es, mais…"
"Je suis un ami à toi." coupa-t-il, toujours aussi furieux. "Et je suis suffisamment ton ami pour pouvoir te dire que tu es putain de jolie, Pansy. N'importe qui le dirait. Merlin, t'es même super belle. Et tu n'as pas besoin de ça pour lui plaire. Si tu penses que ton visage naturel n'est pas assez bien pour lui, c'est qu'il ne te mérite pas. Je pensais que tu avais suffisamment confiance en toi pour ne pas avoir à te le dire !"
"Théo !"
"Je m'en fous !" répliqua-t-il. "Je m'en fous, tu n'as pas d'excuses ! J'ai rien dit pour le Bal, parce que je sais que toutes les filles ont prit ces potions de merde, mais il est hors de question que tu deviennes addict à ces trucs comme tu es addict au tabac, c'est clair ? C'est la dernière fois que je te vois avec ça dans les mains. Promets-le !" hurla Théo.
"D'accord, d'accord ! Merlin, je te le promets !" dit-elle, les yeux grands ouverts d'entendre son ami aussi énervé.
Il ferma la bouche et elle forma une ligne, sa mine désapprobatrice. Il détailla le visage de la brune une dernière fois avec une lueur de dégoût. Pansy n'aurait jamais pensé qu'il puisse remarquer la différence aussi vite.
"Tu connais les effets de ces potions de merde, ou tu veux que je te traîne à la Bibliothèque pour qu'on les étudie ensemble ?" grinça-t-il en se retournant pour continuer sa route.
"Je ne les connais pas." avoua-t-elle en le rattrapant. "Désolée, Théo, je ne savais pas."
"C'est pas grave." dit-il, même si son ton indiquait toujours le contraire. "Savoure bien les effets, parce que c'est la dernière fois que tu les verras."
Il était tellement furieux. D'habitude, c'était elle qui était comme ça, ou Drago. Théo était toujours le sage, le calme, comme Blaise. Il pouvait être facilement exaspéré, ou triste, mais rarement en colère. C'était tellement inhabituel que Pansy ne savait plus quoi dire. Elle était tellement sonnée par son comportement qu'elle se laissa traîner à la Bibliothèque pour la première fois depuis longtemps.
Il posa son sac dans un grand bruit sur la table et elle s'installa piteusement devant lui. Il tira un manuel de son sac, chercha la page et le posa abruptement devant elle.
Potions de beauté
Effets secondaires.
"Lis ça." ordonna-t-il.
Pansy s'exécuta. Les effets secondaires potentiels étaient : une déformation permanente du visage, des gonflements, de la fièvre, des rougeurs. Elle évita de regarder les photos qui bougeaient dans des cadres des visages difformes causés par une utilisation quotidienne des potions.
"Ok, j'ai compris." murmura-t-elle à la fin de sa lecture. "Dernière fois. Promis."
Théo hocha gravement la tête. Puis, un petit sourire fier étira ses lèvres.
"Si j'avais su qu'il fallait être si énervé pour te faire arrêter quelque chose, je l'aurais fait bien assez tôt pour les cigarettes."
"Pas sûre que ça marche."
"Maintenant que t'es là, tu n'as qu'à faire ton essai de Botanique. Au moins, ça sera fait." conseilla le garçon.
Pansy haussa les épaules et sortit un parchemin de son sac. En réalité, elle mourrait d'envie de fumer, mais quelque chose lui disait que si elle le disait à Théo à ce moment-là, il pourrait la suivre pour l'en empêcher. Alors, elle obéit et commença son essai.
Théo, comme à son habitude, l'aida du début à la fin. Il lui expliqua chaque propriété des plantes qu'ils avaient étudiées et qu'elle pouvait utiliser dans son devoir. Il resta patient, même quand Pansy s'agaça, ou quand elle lui demanda de faire des pauses, ou de réexpliquer la même chose une troisième fois.
Quand elle termina son essai, c'était la fin de l'après-midi, et Pansy ressentait un sentiment de devoir accompli rare.
"Je suis lessivée." admit-elle en s'étirant.
Sa main était crispée à force d'avoir tenu la plume dans sa main. Elle se massa les phalanges en regardant Théo sortir un roman et une page de journal de son sac.
"Je vais lire un peu." dit-il en montrant son bouquin. "Tiens, je t'ai découpé ça. C'était ça que je voulais te donner avant de te croiser, toi et ton dealer."
Il insista sur le dernier mot avec un rire ironique. Pansy prit la page de journal et la déplia. C'étaient les horoscopes du jour. Elle se plongea tout de suite dedans, en commençant par les Béliers.
Quand elle arriva aux Gémeaux, elle leva la tête vers Théo. Il lisait, avec ce pli concentré qu'il avait toujours entre les deux yeux quand il était concentré. Ses pupilles sautaient rapidement, dévorant le texte qu'il avait sous les yeux. Il était définitivement calmé.
"Hey, Théo ?" appela-t-elle dans un chuchotement.
Il leva la tête vers elle et elle vit la concentration disparaître dans ses yeux bleus et se focaliser sur elle.
"Ouais ?"
"Tu n'es pas personne. Et tu n'es pas qu'un bon ami à moi. Tu es un des meilleurs, en fait. Et je suis reconnaissante de t'avoir dans ma vie."
Son regard s'adoucit en entendant ses mots. Il sourit, pas le genre de sourire sarcastique, le vrai sourire sincère qui éclairait ses traits.
"Toi aussi, Pans'."
"Et je ne dis pas ça parce que tu m'as aidée à faire mon devoir. Enfin, si, aussi. Mais surtout parce que… Je voulais que tu le saches."
Théo posa sa main contre le dos de celle de Pansy. Sa peau était chaude et réconfortante.
"Je sais, Pans'. Et je veux que tu restes ma Pans'. Pas cette version bizarre et superficielle de toi. Tu sais que Drago détesterait ça aussi."
Elle grimaça en entendant ça. Il lui fit un sourire compatissant.
"Il te mérite pas, Pans'."
Elle se fit la réflexion que c'était la seconde fois qu'on lui disait ça en moins d'une journée. Blaise, et maintenant Théo. Elle sentit les larmes monter, encore une fois. Est-ce qu'elle allait finir par arrêter de vouloir fondre en larmes tout le temps ?!
"Je sais." articula-t-elle difficilement.
Il lui tapota la main amicalement et reprit sa lecture. Pansy essuya discrètement ses yeux et se focalisa sur l'horoscope de Théo pour penser à autre chose que Drago.
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Blaise ne fit pas de commentaire sur la potion de beauté qui modifiait toujours le visage de Pansy, même s'il devait l'avoir remarqué parce qu'il lui fit un drôle de regard quand elle arriva au dîner. Théo n'en reparla pas de la soirée.
Ils mangèrent silencieusement. Vers le milieu du repas, une fille de cinquième année, Emily, s'approcha de Pansy :
"Hey Pansy, y a une soirée de prévu ce soir ?"
Théo releva la tête en entendant ça et arqua un sourcil vers Pansy, comme pour la défier silencieusement. Pansy réfléchit quelques secondes et revint sur Emily :
"Non, pas que j'ai entendu."
La fille fit une moue déçue et retourna s'asseoir. Plusieurs autres filles lui demandèrent, et Pansy répondit toujours la même chose, à leur désarroi. Depuis quelques temps, Pansy avait le rôle de l'organisatrice de soirée. Pourtant, elle n'avait rien à faire, elle répondait simplement "oui" et tout le monde s'y mettait pour apporter la musique, l'alcool, et les gens. Il suffisait qu'elle dise oui à une ou deux personnes, et elle pouvait être sûre qu'une soirée aurait lieu le soir-même.
Mais ce jour-là, elle n'avait pas envie de boire. Après le dîner, elle suivit Blaise et Théo jusqu'à leur dortoir, et ils discutèrent tous les trois jusqu'à ce que le soleil se soit couché. Puis, se plaignant de ne pas avoir assez dormi la veille, ils s'endormirent assez tôt. Pansy attendit dans le lit de Drago, roulée en boule.
Il finit par rentrer, bien après que Théo et Blaise se soient endormis. Ses épaules étaient couvertes de particules de neige et ses joues étaient rouges. Il avait passé la soirée dehors, comme il le faisait souvent.
Il remarqua qu'elle était toujours réveillée et haussa les sourcils sans rien dire. Il alla dans la salle de bains pour faire sa toilette et se changer, puis vint la rejoindre dans le lit. Même s'il était frigorifié, le lit devint soudain plus chaud et réconfortant quand il s'allongea dedans.
"Qu'est-ce que tu as au visage ?" demanda Drago instantanément.
Pansy se passa une main au visage. Malgré l'obscurité, il pouvait le voir.
"Allergie." répondit-elle tout doucement.
Il fronça les sourcils.
"Tu mens. C'est une potion de beauté, c'est ça ?"
Pansy sentit son coeur se gonfler dans sa poitrine. Il l'avait remarqué. Elle hocha la tête.
"Pans', tu sais que tu n'as pas besoin de ça. Tu es beaucoup plus jolie sans."
"C'est vrai ?" demanda-t-elle, pleine d'espoir.
"Évidemment." dit-il, étonné qu'elle puisse demander. "Pourquoi as-tu pris ça ? Je n'aime pas ce que ça fait à ton visage."
Elle haussa les épaules.
"Je sais pas, je me préférais avec. J'avais une tête horrible. Gueule de bois."
"Tu devrais arrêter de boire autant. Nott a raison."
Il secoua la tête et remonta la couette sous son menton en bâillant.
"Bonne nuit Pans'." dit-il dans un murmure fatigué.
Il s'endormit et Pansy le regarda dormir à travers ses paupières à moitié fermées.
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Cette routine continua sur plusieurs jours. Pansy passa une grande partie de ses journées avec Théo. Parfois, il l'accompagnait même dehors pour qu'elle puisse fumer, après quelques commentaires sur sa santé, ses poumons et son argent dépensé inutilement. En échange, elle l'accompagna à la Bibliothèque, et lut quelques bouquins sur l'Astronomie pendant qu'il avançait sur ses devoirs interminables.
Elle mangea normalement, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps. Elle ne but pas d'alcool, refusant toutes les soirées proposées. Elle se couchait tôt. Elle ne reprit pas une seule potion de beauté, plus par peur de la réaction de Théo que des véritables effets secondaires.
Elle limita ses interactions avec Drago. Quand il lui posait des questions sur elle, elle changeait de sujet. Elle évitait de le regarder. Elle se forçait à ignorer les frissons, les papillons dans le ventre, les regards. Elle élimina Drago Malefoy de ses pensées, déterminée à garder sa promesse à elle-même.
Le soir du Nouvel An, elle craqua. Elle se mit à côté de Daphné dans le canapé de la Salle Commune et fit semblant de ne pas sentir le regard réprobateur de Théo dans son dos quand elle but son whisky à la vanille. Elle observa tous les danseurs devant l'immense cheminée en fumant ses cigarettes. Vers 22h, Daphné se leva du canapé pour partir discrètement avec Blaise. Drago prit sa place.
"Hey Pans'."
"Salut Drago." dit-elle sans le regarder.
"Sérieusement ?"
Elle fronça les sourcils et tourna la tête vers lui.
"Quoi ?"
""Salut Drago ?" Est-ce que tu peux être plus froide que ça ?"
"Je te salue simplement. Cigarette ?"
Elle lui tendit le paquet. Il sembla hésiter, mais fit "non" de la tête.
"Pans', qu'est-ce qui t'arrive ?"
"Rien." mentit-elle.
"C'est un mensonge." dit-il, sûr de lui. "Dis moi ce qu'il se passe, s'il te plaît."
"Rien, Drago. J'agis comme d'habitude."
"Comme d'habitude ?" répéta-t-il avec un rire jaune. "Tu ne me parles pas, tu t'endors avant que je rentre, tu n'arrives même pas à me regarder. J'essaie de voir ce que j'ai pu faire de mal, et je ne trouve pas. C'est par rapport aux potions de beauté, c'est ça ? Tu l'as mal pris ?"
Pansy ressentit un petit pincement au cœur de pitié pour lui. Il n'avait véritablement aucune idée de ce qu'elle traversait depuis le Bal. Peut-être qu'elle était aussi fermée que lui, finalement.
"Non, c'est pas ça."
"C'est quelque chose que j'ai fait ?"
Elle se tourna vers lui. Il avait l'air vraiment peiné. Inquiet. Elle sentit les fameux frissons sur son bras, ceux qu'elle avait tenté d'ignorer pendant des jours.
"Pas vraiment."
"Explique-moi, Pans'. S'il te plaît. Je déteste quand on est comme ça."
"Comme quoi ?" demanda-t-elle.
La musique était particulièrement forte, ce soir. Le Nouvel An était toujours une grosse soirée, mais Pansy ne se souvenait pas qu'elles avaient été aussi intenses les années précédentes. La moitié de la Salle Commune dansait.
"Comme ça." dit-il en désignant l'espace entre eux deux. "Quand tu es toute distante avec moi. Tu ne me parles pas. Je déteste ça."
"Pourquoi ?" demanda-t-elle, d'une voix pleine de défi.
Il parut hésiter, puis il s'approcha d'elle de quelques centimètres pour lui murmurer :
"Parce que je n'aime pas quand on ne se parle pas, Pans'. Tu es ma meilleure amie, ça me fait mal quand tu es mal, et surtout quand je ne sais pas pourquoi. Dis-moi, je ne me moquerais pas, promis."
Pansy se repositionna dans le canapé pour ne pas être aussi proche de lui et but une gorgée de whisky.
"Je ne sais pas quoi te dire, Drago."
Il soupira, un soupir plein de frustration et de colère réprimée.
"Pansy !" s'impatienta-t-il. "Qu'est-ce qu'il se passe ? Je peux t'aider ! Tu sais que je t'aim…"
"Non !"
Pansy se tourna subitement vers lui et posa son doigt sur sa bouche pour éviter de terminer sa phrase. Il lui fit un drôle de regard, et elle retira prestement sa main.
"Ne dis pas ça." avertit-elle.
"Pourquoi ?"
"Parce que c'est faux." dit-elle, en le regardant droit dans les yeux. "Tu ne m'aimes pas. Tu essaies peut-être de te convaincre que c'est le cas, mais ça ne l'est pas. Arrête d'utiliser ce mot."
"Quoi ?" demanda-t-il d'une petite voix, les sourcils froncés.
"Tu ne m'aimes pas moi, Drago." dit-elle doucement, sans cesser de le regarder. "Parce que tu ne m'as jamais regardée moi comme tu la regardais elle."
Pendant une fraction de seconde, Pansy vit les yeux de Drago s'écarquiller, très légèrement. Elle le connaissait suffisamment pour savoir qu'elle avait percé son secret. Ses pensées honteuses. Pendant une seconde, sa carapace se fissura assez pour qu'elle puisse apercevoir la peur survenir sur son visage à l'idée qu'elle puisse savoir. Puis, il reprit son expression confuse.
"Qu'est-ce que tu veux dire ?" questionna-t-il.
"Je sais, Drago. J'ai compris."
Ils se regardèrent fixement plusieurs secondes, silencieux. Sa confusion se changea doucement en inquiétude. Ses yeux gris reflétaient la tempête intérieure qui se cachait derrière. Finalement, il céda et soupira. À quoi bon nier l'évidence ?
"Je suis désolé, Pans'." admit-il d'une voix penaude.
Pansy avait pensé que son coeur avait été suffisamment brisé depuis le Bal pour ressentir encore quelque chose, mais il fallait croire qu'il restait assez pour qu'il se brise en morceaux de nouveau. Elle sentit le poids qui pesait dans son estomac depuis des jours l'écraser davantage. Mais elle ne voulait pas pleurer devant lui. Elle avait assez pleuré pour lui.
"Tu n'as pas à être désolé, ce n'est pas de ta faute." dit-elle simplement.
"Je…" Il hésita sur ses mots et jura quelque chose que Pansy n'entendit pas. Il posa sa tête entre ses mains et se massa les tempes, comme s'il choisissait précautionneusement sa prochaine phrase. Quand il releva la tête, la douleur transperçait clairement sur ses traits. "Putain ! Je sais pas quoi faire. Je t'aime vraiment, Pans'. Pas comme tu le voudrais. Mais je t'aime. Et je ne veux pas que tu partes. Ça me briserait."
"Je ne vais nulle part."
Il plongea ses yeux pleins d'espoir dans les siens.
"C'est vrai ?"
"Je ne pourrais jamais faire ça. Je te l'ai promis, tu te souviens ? De rester amis. Malgré les disputes et les obstacles, même les plus difficiles."
Elle leva son petit doigt vers lui et il l'observa avec soulagement. On aurait dit qu'il allait se mettre à pleurer. Il prit son petit doigt dans le sien et ne l'enleva pas. Ils restèrent là, dans le canapé de la Salle Commune, leurs deux mains entremêlées, au milieu des danseurs et de la musique.
"Est-ce que je peux…?" demanda-t-il en s'approchant.
Elle acquiesça et il la prit dans ses bras. C'était rare, mais tellement réconfortant. Plus que ceux de Blaise. La manière dont ses bras se croisaient autour de sa nuque, et qu'elle sentait sa respiration contre sa joue, cette odeur mentholée qui lui collait la peau. Elle inspira et passa ses mains autour de son cou.
"Ça va passer." assura-t-elle dans un souffle. "C'est juste un crush."
"Je serai toujours là, Pans'. Je suis désolé."
Soudain, elle eut une idée. Elle releva la tête de l'épaule de Drago.
"Tu veux le faire… une dernière fois ?"
Il fronça les sourcils et elle lui fit un sourire suggestif. Elle vit ses yeux osciller, puis comprendre et s'écarquiller.
"Tu es sûre ? Ça ne va pas te…?"
"Disons que ça sera notre au revoir. Une dernière fois pour passer à autre chose."
Elle voyait l'hésitation sur ses traits. Elle avait désespérément envie de l'embrasser une dernière fois, d'être aussi proche de lui que possible.
"S'il te plaît, Drago." dit-elle d'une petite voix.
Il hocha la tête. Il se leva et lui tendit la main :
"Une dernière fois."
Elle prit sa main et traversa la foule de danseurs en le suivant. Elle ignora soigneusement de regarder Théo en passant près de lui. Ce n'était pas forcément une bonne décision, mais c'était sa dernière requête. Elle passerait à autre chose demain. Elle demandait juste ce dernier petit caprice.
Quand il ouvrit la porte du dortoir, Pansy fut ravie de voir qu'il était vide. Drago pointa sa baguette sur la porte et la verrouilla, puis il l'embrassa. C'était la première fois qu'il l'embrassait comme ça. Un baiser d'excuse. Elle se laissa faire et s'allongea dans son endroit préféré de Poudlard : le lit de Drago.
Ils restèrent allongés dans le lit de longues heures, sans parler. Il avait entrelacé ses doigts avec son petit doigt, comme pour se rappeler de leur promesse de quatre ans auparavant. Pansy ne fuma pas. Elle n'en avait pas envie. Elle était complètement sereine avec lui dans son lit. Elle n'avait besoin de rien d'autre que ça.
Au loin, ils entendirent soudain les exclamations des autres élèves. Puis, un compte à rebours. 10, 9, 8, 7… Pansy avait presque oublié que c'était bientôt le Nouvel An. Elle ferma les yeux et pria pour que l'année 1995 soit mieux que celle qui venait de s'écouler.
3, 2, 1…
Juste avant que minuit ne sonne, Drago se tourna vers elle et l'embrassa doucement.
Un baiser d'au revoir.
