Joyeux Noël à tous!

J'espère que vous serez gâtés cette année! Et pour ceux qui ne fêtent pas Noël ou qui se sentent un peu seuls, je vous envoie plein d'amour! :)

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Drago


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Cher Drago,

Je te souhaite une excellente année. J'espère que tu as bien profité des festivités de Noël à Poudlard. Pansy a dû adorer le Bal, elle qui adore ce genre d'évènements. La photo que tu m'as envoyé de vous deux est magnifique. Pansy est splendide dans cette robe, et vous formez un très beau couple tous les deux. Tu me fais penser à ton père, lorsqu'il était à Poudlard.

Une année s'est écoulée. La neige est tombée autour du Manoir et la fontaine que tu aimes tant a gelé pendant la nuit. Le lac à côté du domaine est presque gelé aussi, peut-être encore quelques nuits. Te souviens-tu quand tu allais patiner avec Blaise, quand vous étiez petits ? J'étais morte d'inquiétude que l'un de vous tombe là où la glace n'était pas encore figée. Mais Blaise s'est toujours bien débrouillé, un vrai patineur artistique.

Pardonne mes instants de mère nostalgique. Je suppose que te lire me donne cette impression que tu as grandi sans que je le remarque. Maintenant, tu as une cavalière au Bal, et tu es loin de moi. Tu me manques beaucoup. Mais je suis ravie de pouvoir lire tes lettres chaque semaine, je les lis avec mon café au petit-déjeuner et je souris en découvrant les dernières nouvelles de Poudlard.

Je t'envoie une boîte de chocolats, une nouveauté de Honeydukes. Je ne sais pas si tu aimeras la praline à l'intérieur. Peut-être que tu es devenu trop grand pour les chocolats, désormais ? En tout cas, j'espère qu'ils te feront plaisir tout de même. Je t'ai également envoyé un autre hibou, c'est une autre boîte de chocolats noirs. Ceux-là sont pour Théodore.

Avec amour,

Maman.

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"Tiens, c'est pour toi." annonça Drago en balançant la boîte de chocolats noirs à Théo, de l'autre côté de la table de la Grande Salle.

La boîte cogna contre le verre de lait de Théo qui sursauta légèrement. Il regarda son cadeau avec un air de méfiance.

"C'est de ma mère." expliqua Drago en lui montrant la lettre qu'il venait de recevoir.

Théo prit le parchemin et lut la lettre, en grimaçant à la comparaison avec Lucius quand il était jeune, comme Drago quelques secondes plus tôt. Quand il arriva à la dernière ligne, son visage s'éclaira de joie.

"Il ne fallait pas !" s'exclama-t-il en ouvrant hâtivement la boîte.

À l'intérieur, il y avait trois compartiments de petits chocolats noirs. Théo les observa comme s'il s'agissait de centaines de pièces de Gallions.

"Comment est-ce qu'elle savait que j'aimais ça ?" demanda-t-il, estomaqué.

"Tout le monde sait que tu adores ça." répliqua Blaise, qui était en train de lire sa Gazette des Sorciers, à côté d'eux. "Tu peux manger ton poids en chocolat noir sans sourciller. C'est presque flippant."

Théo referma précieusement la boîte et s'adressa à Drago :

"J'enverrai une lettre à ta mère pour la remercier."

Il continua de manger son petit-déjeuner, sans cesser de jeter des petits coups d'œil furtifs à la boîte que Drago venait de lui donner. Drago n'avait pas réalisé qu'une si petite attention, à laquelle il s'était habitué depuis toutes ces années, puisse avoir autant d'effet sur quelqu'un d'autre. Mais il supposait que pour Théo, tous les gestes maternels à son encontre devaient être appréciés.

Soudain, Blaise reposa son journal, les sourcils froncés.

"Attends une seconde… Je t'ai offert une boîte de chocolats d'Honeydukes, pour Noël. Ne me dis pas que tu l'as déjà terminée ?"

Drago sourit malgré lui, et les oreilles de Théo rougissèrent subitement.

"Euh… Si… Peut-être bien…" répondit-il évasivement.

"Merlin, Théo ! Tu as déjà terminé la boîte ?! En cinq jours ?"

"J'ai des petits creux quand je lis !" se défendit le garçon.

"Tu es pire que Crabbe et Goyle !" décréta Blaise, estomaqué.

Théo écarquilla grand les yeux dramatiquement en entendant ça.

"Retire ce que tu viens de dire, Blaise Zabini !"

Ils continuèrent de se chamailler, et Drago secoua la tête de dépit en continuant de manger son porridge. Il était vrai que Théo pouvait manger des quantités impressionnantes de chocolats, ces derniers temps. Il avait pris l'habitude d'avoir toujours une boîte à côté de lui quand il lisait, et il les dévorait tous sans le réaliser. Il ne pensait pas pour autant que c'était assez grave pour en faire toute une histoire.

Pansy arriva à la table du petit-déjeuner à ce moment-là, en face de Drago. Elle avait une capuche sur la tête, preuve qu'elle n'avait pas encore coiffé ses cheveux. Blaise et Théo ne s'arrêtèrent pas de parler pour la saluer, mais Blaise lui donna la page du journal des horoscopes sans la regarder, dans un réflexe. Pansy le remercia d'une petite voix et commença sa lecture, en évitant de croiser le regard de Drago.

Depuis le Nouvel An, Drago n'avait aucune idée de comment se situer avec Pansy. Elle n'avait pas l'air de vraiment lui en vouloir, et ils avaient même couché ensemble une dernière fois pour marquer la fin de leur… "relation." Pourtant, elle n'était toujours pas comme avant. Elle était distante, et encore plus froide que d'habitude. Cette situation le mettait mal à l'aise, parce qu'il ne savait pas comment agir avec elle. Il profita du fait que Blaise venait de suggérer à Théo d'acheter une trentaine de boîte de chocolats à Pré-Au-Lard pour sauter sur le sujet :

"D'ailleurs, ça vous dirait d'aller à Pré-Au-Lard, ce week-end ?"

Blaise et Théo cessèrent enfin de se disputer pour se tourner vers Drago et haussèrent les épaules dans un geste synchronisé.

"C'était déjà la semaine dernière, avant le Bal, non ?" demanda Théo.

"Si, mais vu que les cours ne reprennent que la semaine prochaine, ils ont autorisé les élèves à y retourner ce week-end. Et moi, je n'y suis pas allé la dernière fois, et il me faut absolument de nouvelles plumes." insista Drago. "Et puis, on pourrait aller se prendre des Bièreaubeurres aux Trois Balais, non ? Pans' ?"

La concernée leva la tête et échangea le plus bref des regards avec Drago, avant de le détourner.

"Pourquoi pas." dit-elle mollement. "Pas jusqu'à tard, par contre. Il y a une soirée à la Salle Commune, samedi soir."

"Il y a une soirée tous les soirs, Pansy." dit Théo d'un ton un peu sec.

"Oui, mais celle-ci est spéciale." corrigea-t-elle, bien qu'elle disait ça pour toutes les fêtes. "C'est Daphné et moi qui avons décidé du thème vestimentaire."

"Il y a un thème vestimentaire ?!" demanda Blaise.

"Oui, tout le monde devra s'habiller en noir. Et vous aussi !" dit-elle en pointant les trois garçons avec sa fourchette.

Drago haussa les épaules. Il était toujours habillé en noir, de toute façon. Blaise et Théo acceptèrent aussi, d'une voix morne. Drago avait le pressentiment que Théo n'approuvait pas du tout le rythme récent de Pansy, qui passait pratiquement tous ses soirs en train de boire et de danser pendant les fêtes. Il ne fit pas de commentaire, cependant, et Pansy croqua dans sa pomme sans faire transparaître quoi que ce soit.

"Alors, c'est d'accord pour Pré-Au-Lard ?" demanda encore une fois Drago, plus à l'adresse de Pansy que de Théo et Blaise.

S'il te plaît, supplia-t-il intérieurement, arrête d'être distante. J'ai besoin de ma meilleure amie.

Pansy hocha la tête, et Drago s'entendit lâcher un soupir de soulagement. Il avait eu peur qu'elle refuse parce qu'elle ne voulait plus le voir, ce qui l'aurait vraiment peiné.

"À une seule condition." intervint Théo.

"Quoi donc ?"

"Pas de Crabbe et Goyle." dit-il, d'un ton décidé.

"Quoi ? Pourquoi ?" demanda Drago.

"J'en peux plus de les voir tout le temps, derrière toi, comme ton ombre ! On dirait des gardes du corps ! Quand vous emmerdez les premières années, ou Potter et sa bande, je ne dis rien, mais quand on est tous les quatre, j'en peux plus qu'ils nous suivent partout !" s'indigna Théo en piquant dans son omelette avec vigueur.

Blaise acquiesça, pour soutenir Théo. Drago soupira.

"Ok, je leur dirai de ne pas venir."

"Merci." grommela Nott.

Le reste du repas fut suivi par un silence assez gênant. Pansy était fermée comme une tombe, refusant toujours de regarder Drago. Ce dernier évitait de se tourner vers la table des Gryffondors, et personne n'osait parler, et la tension grandit, grandit, grandit, jusqu'à ce que Théo la brise en demandant avec un sourire :

"Alors Blaise, tu ne nous avais jamais dit que tu étais un patineur artistique ?"

Le concerné sursauta :

"Quoi ? Comment tu sais ça ?"

Ils éclatèrent tous de rire, y compris Pansy.

"Je vous ferais dire que j'étais particulièrement doué !" se défendit Blaise avec entrain, redoublant leurs rires. "La mère de Drago m'avait dit que j'avais un physique de patineur ! J'étais souple, et je suis sûr que ça m'a aidé pour le Quidditch ! Arrêtez de rire !"

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Contrairement à ce que Drago aurait pu penser, sa vie ne fut pas bouleversée. La réalisation intérieure qu'il puisse avoir des sentiments pour Hermione Granger, une Gryffondor, une née-moldue, avait été tellement un choc pour lui qu'il s'était attendu à ce que tout le monde puisse le lire sur son visage. Il pensait que tout le monde comprendrait son plus profond et sombre secret. Qu'on l'insulte de traître, et que son père soit contraint de venir le chercher à l'école pour le punir en personne, l'envoyer à Durmstrang, ou pire, le rayer de la lignée familiale des Malefoy.

Mais non. La vie reprit son cours à Poudlard, tous les élèves profitaient des derniers jours des vacances, la neige continuait de tomber, Théo lisait toujours autant, Granger allait toujours à la Bibliothèque, Potter était toujours insupportable, et rien n'avait changé.

Si. Quelque chose avait changé. Pansy. C'était la seule qui avait compris, qui avait réussi à voir à travers son masque de marbre, à entrevoir sa faiblesse. Drago s'attendait à être mort de honte, ou de ne plus pouvoir la regarder dans les yeux. Mais étonnamment, Pansy fit comme si elle ne savait rien. Tellement bien, d'ailleurs, que Drago se demanda même s'il n'avait pas rêvé de cette conversation. Il avait eu tellement peur de la perdre qu'il n'avait pas pensé à la probabilité qu'ils puissent redevenir amis, malgré son secret.

Évidemment, tout n'était pas aussi simple. Pansy était toujours aussi distante pendant la dernière semaine des vacances. Elle faisait toujours attention à ne jamais être seule avec Drago, et quand c'était le cas, elle trouvait une excuse pour s'en aller. Elle ne dormait plus avec lui, et surtout, elle ne l'avertissait plus d'un danger probable dans son horoscope, comme elle le faisait avant. Elle était à côté de lui, mais paraissait étrangement loin.

Donc, Drago attendit avec impatience le dernier samedi des vacances d'hiver, pour pouvoir passer du temps à Pré-Au-Lard avec ses amis. Il espérait qu'être en dehors des murs étouffants du Château puisse remonter le moral de Pansy, qui semblait vraiment mal depuis le Nouvel An.

Alors, le samedi après-midi, Drago pressa ses amis de se couvrir pour rejoindre les calèches. Théo grommela sur tout le chemin à cause du froid, alors qu'il était couvert avec trois couches de vêtements, un bonnet et des gants. Pansy regarda le paysage à travers la fenêtre de la calèche, rêveuse. Blaise était le seul à être aussi enthousiaste à l'idée d'aller à Pré-Au-Lard que Drago, bien que ce n'était pas du tout pour la même raison : il voulait observer le nouveau balai qui venait de sortir dans la vitrine de la boutique de Quidditch.

"Il y a de la neige partout !" se lamenta Théo dès qu'ils arrivèrent dans la rue principale du village.

"C'est le principe de l'hiver, Théo." dit Blaise en levant les yeux au ciel.

Pansy regardait les toîts des maisons recouverts de neige, tout le long de la rue. Drago suivit son regard et apprécia la vue magnifique du village, sa rue sinueuse, occupée par des silhouettes emmitouflées et l'odeur caractéristique de Noël qui émanait d'Honeydukes.

Ils avancèrent le long de la rue de Pré-Au-Lard. La neige épaisse sur laquelle ils devaient marcher contrastait avec les cheveux noirs encre de Pansy. Drago s'acheta trois nouvelles plumes, dont une en plumes de paon à un prix excessivement élevé. Puis, ils allèrent observer le nouveau balai qui venait de sortir. Blaise et Drago bavèrent dessus pendant une bonne dizaine de minutes avant que Théo doive les menacer de geler sur place pour les faire bouger.

Comme Théo était dans une sale humeur à cause du froid, Blaise lui proposa d'aller à Honeydukes pour acheter du chocolat. Cette proposition ravit Théo, qui acheta non pas une, mais trois boîtes de chocolats noirs. Drago, Blaise et Pansy lui payèrent une chacun, parce que Théo n'avait plus de coffre à Gringotts, ce qui sembla le mettre terriblement mal à l'aise, bien que Drago ne comprenait pas vraiment pourquoi. Ils avaient de l'argent, pourquoi ne pas le dépenser ?

Drago acheta aussi une pomme d'amour, sa confiserie préférée d'Honeydukes. Le caramel coulait sur ses doigts et se mélangeait délicieusement bien avec l'acidité de la pomme dans laquelle il croquait. Ils finirent leurs courses en trouvant une table aux Trois Balais, et commandèrent trois Bièreaubeurres, une boisson qu'il n'avait pas goûté depuis très longtemps et qui lui rappelait les Noëls au Manoir avec Pansy.

En somme, c'était une excellente journée. Pansy avait l'air beaucoup plus enjouée, elle riait même en écoutant Blaise mimer Crabbe qui était tombé la veille en entrant dans la Salle Commune. Drago sirotait sa bière en ricanant, satisfait d'avoir réuni tous ses amis et de profiter de leur compagnie, comme il l'avait espéré. Blaise proposa une deuxième tournée de Bièraubeurres, et quand il retourna à la table, ils s'aperçurent avec stupeur qu'il avait également réussi à rapporter quatres verres de shot de Whisky Pur Feu. Il refusa catégoriquement de révéler comment il avait fait pour convaincre Madame Rosmerta de lui donner ça.

Ils trinquèrent donc tous les quatre et burent d'une traite le shot, excepté pour Théo qui s'étouffa dramatiquement et recracha la moitié. Pendant que Blaise lui donnait des tapes dans le dos en riant, Drago jeta un coup d'œil vers les autres tables du pub.

Il s'étrangla un peu sur sa Bièraubeurre en apercevant Granger, au fond de la salle. Il n'avait pas du tout remarqué qu'elle était là, et en la voyant, son cœur fit un petit bond anormal dans sa poitrine. Elle était avec Weaslette et les jumeaux Weasley, et elle avait un petit film de mousse au-dessus de la lèvre, mais elle était trop occupée à parler avec des grands gestes des bras pour l'enlever.

Drago fut, un instant, hypnotisé par elle : ses cheveux étaient attachés avec une pince, elle portait un pull à rayures trop grand, ses joues étaient rouges à cause du froid, ou de la Bièraubeurre qu'elle était en train de boire, et elle était belle, sans même s'en rendre compte. Il ne pouvait pas discerner ce qu'elle disait à cause du brouhaha du pub, mais il essayait désespérément de lire sur ses lèvres pour saisir quelques mots.

Il revint à la réalité rapidement, comme si quelqu'un avait claqué ses doigts à côté de son oreille, et retourna subitement la tête vers ses amis. Blaise et Théo étaient en train de parler. Drago tenta d'écouter ce qu'ils disaient, et de ne pas se tourner de nouveau vers Granger, même si c'était difficile, comme si sa tête était magiquement attirée par elle, maintenant qu'il savait qu'elle était là.

Pansy avait surpris son changement d'humeur et se tourna dans la direction qu'il venait de regarder. Quand elle vit Granger, son sourire s'effaça et son visage se ferma complètement. Elle ne parla plus beaucoup après ça.

À leur troisième Bièreaubeurre, le ciel devenait de plus en plus noir dehors. Granger et la bande de Weasley qui l'accompagnait sortirent assez rapidement, et elle ne montra aucun signe qui puisse prouver qu'elle l'avait vu. Son ignorance lui faisait mal. Ils ne s'étaient pas parlés depuis le Bal, et il n'avait aucune idée de ce qu'elle ressentait à cet instant. Mais il fit exprès de ne pas la regarder pour ne pas contrarier Pansy.

Ils sortirent du pub pour retourner dîner au Château. Théo s'empressa de nouer son écharpe en frissonnant exagérément. Ils remontèrent le long du chemin pour retrouver les calèches, en se guidant grâce aux lampadaires qui éclairaient les pavés, bien que Drago faillit glisser une fois ou deux à cause du givre.

Quand ils arrivèrent devant une auberge au bout de la route, la porte s'ouvrit et une femme en sortit. Elle portait une robe verte bien trop brillante, qui jurait affreusement avec les tenues des autres passants. Pansy lâcha alors une exclamation étranglée au fond de sa gorge et s'arrêta d'un coup.

"Madame Skeeter ?!" appela-t-elle dans un couinement surexcité.

La femme qui venait de sortir de l'auberge se tourna vers Pansy. Ses cheveux étaient bizarrement coiffés, comme si elle avait fait plusieurs chignons qui s'amassaient sur sa tête à la manière d'un nid d'oiseau. Elle portait des lunettes vertes incrustées d'émeraudes, qu'elle avait placé au bout de son nez, et qu'elle utilisa pour jauger Pansy.

"Oui ?" demanda-t-elle, aussi snob que possible.

"Je… Madame Skeeter, je suis une grande fan !" s'exclama alors Pansy, qui trépignait presque sur place. "Je lis vos articles et vos horoscopes tous les matins, et j'ai lu tous vos livres ! J'ai même fait dédicacer votre livre sur les secrets des familles de Sang-purs à Fleury et Botts !"

"Oh, mais bien sûr !" répondit la femme, affichant soudain un sourire commercial.

Drago se fit la réflexion que Skeeter avait vite changé d'attitude en se rendant compte que Pansy était une fan, mais il préféra rester silencieux. De toute façon, Pansy était bien trop émue pour le réaliser : elle avait les larmes aux yeux. Elle serra la main de Skeeter avec ferveur, en la regardant comme si c'était Merlin en personne.

"Vous êtes mon idole !" répéta-t-elle sans s'arrêter. "Mon idole ! Je vous adore !"

"Merci, merci. C'est toujours un plaisir de rencontrer des fans." répondit fièrement Skeeter.

Elle lui faisait penser à Gilderoy Lockhart. Drago se tourna vers Théo et vit qu'il ne cachait pas son visage dégoûté derrière son écharpe.

Pansy se lança alors dans une tirade rocambolesque sur ses différentes lectures. Elle cita tous les travaux de Skeeter un par un, en les encensant bien plus que nécessaire, et la journaliste reçut les compliments avec des sourires vaniteux. Drago était sur le point de proposer aux garçons de rentrer sans Pansy (Théo tremblait comme une feuille et lâchait des soupirs exaspérés toutes les dix secondes pour montrer qu'il avait froid), quand Skeeter dit soudain quelque chose qui piqua sa curiosité :

"Je suis en fait ici pour apprendre le plus de choses sur le Tournoi des Trois Sorciers. Auriez-vous quelques informations à me communiquer sur le sujet ? Êtes-vous familiers avec l'un des Champions ?"

Pansy fit une moue déçue.

"Pas vraiment… Mais on déteste Potter. On pense que c'est un imposteur !"

Rita Skeeter avait ouvert son sac si vite que Drago n'avait même pas remarqué son mouvement. Une plume verte en sortit, et lévita pour se retrouver au niveau de l'épaule de la journaliste, accompagné d'un bloc-note. La plume commença aussitôt à griffonner dessus.

"Un imposteur ? Vraiment ?" répéta Skeeter.

Soudain intéressé par la conversation, Drago fit un pas en avant pour l'intégrer. En le voyant s'approcher, Skeeter l'observa à travers ses lunettes.

"Et vous êtes ?" demanda-t-elle avec délectation.

"Drago Malefoy, Madame. Le fils unique de Lucius Malefoy et Narcissa Malefoy, née Black. Serpentard."

Les yeux de Rita Skeeter brillèrent d'enchantement sous les lumières du lampadaire, et elle se lécha inconsciemment les lèvres. La plume griffonna d'un rythme encore plus effréné.

"Drago Malefoy ! Mais bien sûr, je connais déjà tout de toi, et de ta famille ! Très influents, très nobles… Un pouvoir extrêmement utile au sein du monde des sorciers…"

La poitrine de Drago se gonfla de fierté en entendant ça.

"Dis-moi, Drago, aurais-tu des informations sur Potter ? Ou peut-être sur ses fréquentations ? J'ai entendu dire qu'il sortait avec cette fille, Granger ? Es-tu au courant de ça ?"

Soudain, la fierté qu'il ressentait quelques secondes plus tôt éclata et se transforma en une boule coincée dans sa gorge. Il ne pouvait pas parler de Granger, elle ne lui parlerait plus jamais si elle lisait une citation de lui dans la Gazette des Sorciers sur son compte. Il décida d'orienter la conversation sur un autre sujet :

"Je ne sais pas pour sa petite amie, mais je peux vous dire qu'il traîne avec des gens douteux." dit-il de sa voix la plus teintée de mépris.

"Vraiment ? Qui donc ?"

"Pour commencer, les Weasley !"

La plume ne nota pas le nom. Skeeter fit un geste de la main pour chasser cette dernière phrase :

"Plus croustillant, Drago, plus croustillant… Nous parlons du Garçon-Qui-A-Survécu, il me faut quelque chose…"

Drago fit défiler les personnes avec qui Potter traînait. Londubat ? Finnigan ? Ce né-moldu avec une caméra, qui le suivait partout ? Lupin ?

Il était sur le point d'ouvrir de nouveau dans la bouche quand Pansy s'écria :

"Hagrid ! Il est toujours fourré chez lui, dans sa cabane !"

Les yeux de Rita Skeeter s'agrandirent tellement qu'ils dépassèrent du verre de ses lunettes incrustées de bijoux. La plume à Papote s'anima de nouveau et écrivit furieusement de longues phrases à toute vitesse.

"Hagrid ? Vraiment ?" dit la journaliste d'un ton enjoué. "C'est parfait, je comptais justement écrire un article sur lui et sa véritable nature ! Auriez-vous des précisions à ajouter ? Quelques détails intéressants ? Une relation particulière avec Potter, vous disiez ? Dans quel sens ?"

Drago et Pansy s'empressèrent de déballer tout ce qu'ils savaient sur le garde-chasse. C'était assez déconcertant de parler à une plume, mais la perspective d'énerver Potter était trop réjouissante. Drago ajouta même quelques détails pas totalement vrais, et Rita Skeeter paraissait au bord du malaise tant elle était heureuse.

"Merci beaucoup pour toutes ces précisions !" dit-elle une fois qu'ils eurent terminé. "Ça va beaucoup m'aider pour mon prochain article… Il sortira bientôt, et je n'ai aucun doute que vous le lirez le jour-même…" dit-elle à l'adresse de Pansy, qui hocha aussitôt la tête avec ardeur :

"Bien sûr, Madame Skeeter !"

"Oh, je t'en prie, appelle-moi Rita." dit la journaliste en tendant de nouveau sa main vers Pansy pour la serrer. "Si j'ai besoin d'un complément d'informations, je n'hésiterai pas à te joindre."

"Avec plaisir ! N'hésitez pas !" approuva Pansy qui ne croyait pas sa chance.

Rita Skeeter lui fit un dernier sourire et s'éloigna sur la route de Pré-Au-Lard. Pansy se tourna vers les garçons, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés.

"Oh. Merlin. Putain. Putain ! Je viens de rencontrer Rita Skeeter !" hurla-t-elle en sautant sur place. "Rita Skeeter ! La vraie ! Qui m'a demandé de l'appeler par son prénom !"

"Calme-toi Pans', tu vas t'évanouir." commenta Blaise avec un sourire amusé.

"Et moi, je vais m'évanouir de froid." répliqua Théo, bien qu'il avait lui-même du mal à contenir son propre sourire en voyant la joie de Pansy.

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Drago, Blaise, Théo et Pansy se hâtèrent de dîner pour retourner dans la Salle Commune le plus tôt possible, surtout à cause de Pansy qui insistait sur le fait qu'ils devaient se changer avant de venir à la soirée. Drago, qui était déjà habillé tout en noir, leva les yeux au ciel à cette indication, mais étant donné qu'ils étaient sur une passade froide avec Pansy, il obéit.

La fête était, comme Pansy l'avait prédit, grandiose. Drago ne savait pas comment c'était possible d'organiser des évènements aussi vertigineux avec si peu de moyens et toujours en surpassant la précédente, mais il fallait dire que Pansy était une excellente organisatrice. L'alcool coulait à flots, la musique était parfaitement adaptée au rythme endiablé des danseurs, et tout le monde avait respecté le thème vestimentaire, ce qui donnait une foule noire partout où Drago posait le regard.

Drago n'avait pas spécialement envie de danser, il était trop épuisé de son après-midi à Pré-Au-Lard. Il préféra rester assis dans son canapé de prédilection, un gobelet de liqueur à la pomme à la main. Théo était assis à côté de lui, et n'arrêtait pas de faire des remarques sur le fait qu'il buvait beaucoup trop, mais Drago ne l'écoutait pas vraiment. Il regardait Pansy danser avec Tracey en riant.

Quand elle était comme ça, loin de lui et inconsciente du regard de Drago sur elle, elle pouvait presque paraître heureuse.

Blaise, quant à lui, était en train d'embrasser Daphné à pleine bouche sur le canapé d'à côté. Drago n'avait pas vraiment compris quand ces deux-là s'étaient tant rapprochés, en tout cas, il fallait croire qu'ils sortaient ensemble, dorénavant. Il ne savait pas vraiment quoi en penser, mis à part le fait que les voir se rouler des pelles si près de lui lui donnait un peu envie de vomir.

"Elle va le regretter, demain." grommela Théo à côté de lui.

Drago suivit son regard et vit Pansy boire d'une traite la fin de son verre en dansant.

"Ouais." dit Drago. "Je comprends pas comment elle peut boire ce truc immonde à la vanille."

Théo désapprouva par un bruit de langue réprobateur.

"Tu crois que si sa précieuse Skeeter écrivait dans son horoscope qu'il ne fallait pas boire autant, elle l'écouterait ?" demanda Théo sans lâcher Pansy du regard.

Drago haussa les épaules en riant.

"Je sais pas. Tu peux lui envoyer un hibou pour lui demander, Pansy doit être la seule personne qui lit ces foutus horoscopes, de toute façon."

"Bizarre, cette Skeeter, tu ne crois pas ?" demanda Théo en se tournant alors vers Drago. "Mon père la déteste. Dit que c'est une abomination, qu'elle devrait arrêter d'écrire."

Drago fouilla sa mémoire pour essayer de se rappeler de ce que ses parents pensaient de cette journaliste. Il avait un souvenir flou de sa mère qui la traitait d'"harpie".

"Aucune idée. De toute façon, c'est pas comme si on avait dit quelque chose de mal. On a juste dit les faits sur ce stupide Hagrid, et il mériterait d'être renvoyé de toute façon."

Théo fronça les sourcils, perdu dans ses réflexions. Drago savait que Théo n'aimait pas Hagrid non plus, et qu'il serait content de savoir qu'il était renvoyé, mais il avait la fâcheuse tendance à prendre pitié pour les gens, comme les moldus ou les elfes de maison.

Un peu comme Granger.

Il déglutit et avala une gorgée de liqueur pour penser à autre chose.

Il chercha Pansy dans la foule, mais ne la trouva pas à la place qu'elle occupait quelques secondes plus tôt.

"Où est Pans' ?" demanda Théo au même moment, en scannant la pièce aussi.

"Aucune idée."

"Oh. Oh… Elle est là-bas."

Théo désigna d'un mouvement de tête un coin de la pièce. Pansy était adossée contre le mur, en train d'embrasser un garçon, qui était de dos à Drago. Les mains pâles de Pansy étaient perdues dans la chevelure bouclée du garçon, et leurs corps collés l'un contre l'autre comme s'il voulait la faire rentrer dans le mur.

"C'est quoi ce bordel ?" demanda Drago d'une voix un peu éteinte.

Il ne parlait pas spécifiquement à Théo, c'était plutôt une question rhétorique. Le garçon qui embrassait Pansy se décala un peu sans cesser de l'embrasser, et Drago reconnut alors Léo Hills, celui que Pansy avait embrassé lors d'un défi.

"Wow. Euh… Ça va, Drago ?" demanda Théo doucement.

"Hein ?"

"Tu n'es pas… Jaloux, ou un truc comme ça ?" continua Théo.

Drago se tourna vers lui. Il était inquiet, ses sourcils étaient froncés et marquaient un léger pli sur son front. Il regardait Drago prudemment, comme s'il s'attendait à ce qu'il explose soudainement de colère.

"Oh. Non." dit Drago en tripotant le bord de son gobelet distraitement. "On a… Pansy et moi ne sommes plus… Ce qu'on était, avant."

"Vous avez rompu ?" demanda Théo en levant un sourcil perplexe.

"Pas vraiment, parce qu'on était pas ensemble, mais on a décidé… Elle, a décidé d'arrêter. Elle disait que ça lui faisait trop de mal."

"Oh." répondit Théo, probablement parce qu'il ne savait pas quoi répondre à ça. "D'accord."

Il y eut un silence, où Drago observa Pansy embrasser Léo, en essayant de déterminer ce qu'il ressentait en voyant ça.

"Au moins, ça voudra dire que je ne risque pas de tomber sur vous en train de coucher ensemble dans le dortoir." résuma Théo, une touche de satisfaction dans la voix.

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Le dimanche matin, la veille de la rentrée, Pansy et Léo annoncèrent officiellement qu'ils sortaient ensemble. Ou plutôt, Léo l'annonça fièrement dans la Salle Commune, et Pansy se contenta de sourire timidement. Puis, toute la journée, ils restèrent collés l'un à l'autre, en s'embrassant à intervalles réguliers.

Tout le monde savait que c'était un prétexte pour oublier Drago. Blaise le savait, Drago le savait, Théo le savait, Daphné le savait, tous les Serpentards le savait, excepté peut-être Léo, qui n'avait aucune idée des vrais sentiments de Pansy et qui profitait simplement d'être devenu l'élu de son cœur. En tout cas, personne n'émit la moindre objection, tout le monde agit comme si c'était une nouvelle tout à fait banale.

Le dimanche après-midi, tout Poudlard était déjà au courant. Pansy étant la personne la plus renseignée du Château sur tous les potins, il ne fut pas difficile de diffuser la nouvelle en utilisant ses sources habituelles. L'annonce fut répétée, multipliée, et les murmures dans les couloirs quand ils passaient s'intensifiaient de plus en plus à chaque fois. Au dîner, Drago suspectait même que Dumbledore en personne soit au courant.

Étrangement, Drago n'en ressentait qu'une simple irritation. Il avait un peu de peine pour le pauvre Léo qui se fait utiliser par Pansy pour détourner l'attention, mais les voir s'embrasser partout ne lui procurait aucune forme de jalousie. Simplement un léger dégoût, mais c'était le cas pour Blaise et Daphné aussi, donc il estimait que ce n'était pas lié à sa relation avec Pansy.

La seule personne qui avait l'air véritablement dérangée par ça était Théo, mais ils étaient tous tellement habitués à l'entendre se plaindre ou s'exaspérer que personne ne lui prêta beaucoup d'attention. Il se contenta donc de lire sur son fauteuil toute la journée, en poussant des soupirs dès que Pansy et Léo s'embrassaient à moins d'un mètre de lui.

Mais Drago repoussa rapidement son intérêt pour le nouveau couple et se concentra plutôt sur la fille qui l'intriguait beaucoup plus : Granger. En ce dimanche, elle portait un cardigan tricoté vert et un pantalon blanc, et malgré la banalité de sa tenue, Drago ne cessait de revenir dessus. Elle portait très rarement du vert. Drago le savait, parce qu'il adorait cette couleur, et que Granger ressemblait maintenant à une Serpentard, ce qui était… troublant.

Granger dîna en compagnie de Weasley et Potter, comme d'habitude, mais ces derniers devaient être en train de discuter d'un sujet qui n'intéressait pas Granger, parce qu'elle avait posé son manuel d'Histoire de la Magie sur la carafe pour pouvoir lire en mangeant. Drago se demanda comment il était possible de tenir une conversation si peu captivante pour préférer lire son manuel d'Histoire de la Magie, ou de ne pas être offensé de la voir lire quelque chose pendant qu'ils parlaient. Mais Weasley et Potter ne semblaient pas remarquer qu'elle lisait.

Elle devait être en train de lire un paragraphe difficile, parce qu'elle avait les sourcils froncés, et ne mangeait que distraitement, sans même voir ce qu'elle mettait dans sa fourchette. Cette vision fit sourire Drago.

Finalement, elle reposa sa fourchette et glissa un mot à Weasley et Potter, avant de quitter la table, avant même que le dessert ne soit arrivé, son manuel glissé sous le bras. Elle se dirigea d'un pas décidé vers les portes de la Grande Salle et disparut. Drago était persuadé qu'elle allait à la Bibliothèque.

Il finit rapidement son repas et attendit que Blaise et Théo se lèvent pour les suivre. Pansy était assise avec Léo, et ne prêta pas vraiment attention aux garçons qui partaient. Arrivés vers les escaliers des cachots, Drago s'arrêta.

"Je vais aller faire un tour dehors, ok ?"

Théo et Blaise hochèrent la tête et se rendirent aux cachots, pendant que Drago faisait demi-tour. Il ne passa pas les portes vers les jardins, cependant, et se dirigea vers le couloir de la Bibliothèque. Ça faisait tellement longtemps qu'il n'était pas venu (deux semaines, mais ça paraissait beaucoup plus long) qu'il sursauta un peu en reconnaissant l'odeur familière de l'entrée de la Bibliothèque : une odeur agressive de vieux livres, de parchemins, et de bois.

Il entra et reçut un regard virulent de la part de Madame Pince, et observa la salle devant lui. Il n'y avait presque personne dedans, mis à part quelques premières années vers l'entrée, et ce foutu Viktor Krum, assis à sa place habituelle. Le cœur de Drago loupa un battement à l'idée que Granger puisse s'être assise à côté de lui, mais heureusement, Krum était seul à sa table, plongé dans un livre bulgare.

Granger n'était pas là. Drago fronça les sourcils, persuadé de la voir. Peut-être était-elle retournée dans la Salle Commune des Gryffondors ?

Il secoua la tête à cette idée. Granger passait tous ses dimanches soirs à la Bibliothèque, jusqu'à la fermeture. C'était le cas depuis des années, elle était forcément là. Drago avança entre les tables et se retrouva au fond, vers les fenêtres. Il était en train de songer à passer par tous les rayons pour la trouver, en commençant par celui des Créatures Magiques Inférieures, quand il eut soudain une idée. Il rebroussa chemin et s'aventura au fond de la salle, à la table reculée qu'ils partageaient avant qu'ils ne se disputent.

Il faillit bondir de joie en la voyant assise là. Elle ne l'avait pas encore vu, trop focalisée sur son bouquin d'Histoire de la Magie. Même d'ici, il pouvait sentir son thé à la cannelle.

Il prit un instant pour l'observer, juste avant qu'elle ne le voit, s'énerve, et lui jette probablement un livre au visage. Il avait l'impression de ne pas l'avoir vue depuis des semaines. Là, c'était la vraie Granger : celle qui étudiait, avec un thé oublié, un gros bouquin, ses cheveux décoiffés, et ses sourcils froncés par la concentration.

Puis, elle leva la tête, et ses yeux s'écarquillèrent très légèrement, avant de s'assombrir :

"Va-t'en, Malefoy."

"Bonsoir à toi aussi, Granger." dit-il, sans cacher un sourire amusé.

"Il n'y a pas de "Bonsoir Granger". Tu n'as plus ta place à cette table, et je ne veux plus jamais te parler." asséna-t-elle.

Elle avait sa voix fluette, suraiguë, celle qu'elle employait quand elle était fâchée ou quand elle réprimandait quelqu'un, celle que Drago adorait, et qu'il mourrait d'envie d'entendre depuis bien trop longtemps.

"J'ai le droit de m'asseoir ici, tu n'es toujours pas propriétaire de cette Bibliothèque, Granger." dit-il en s'approchant.

Granger sauta de sa chaise et posa son sac sur la chaise de libre, en face d'elle.

"Non." dit-elle, déterminée. "Mais j'ai le droit de refuser ta compagnie. En plus, il y a plein de tables disponibles, tu n'as qu'à en choisir une autre."

Elle termina sa phrase par un levé de sourcil qui n'invitait pas à la discussion. Drago soupira :

"Écoute, Granger, je suis désolé, ok ? Je n'aurais jamais dû te parler comme ça. Je regrette."

Granger leva les yeux au ciel :

"Bla-bla-bla. Ce n'est pas la première fois que j'entends ça. Faut changer de disque, Malefoy."

Drago n'avait aucune idée de ce qu'était un disque, mais décida de ne pas demander.

"Je sais que ce n'est pas la première fois, mais j'ai été con. Je suis désolé. Vraiment."

Granger le regarda, les sourcils froncés et sa bouche formant une ligne droite. Drago avait envie de lui dire à quel point c'était difficile de prononcer ce mot, "désolé", qu'il n'avait dit qu'une dizaine de fois à Pansy et que Granger avait déjà reçu beaucoup trop de fois.

"Ça ne va pas suffire, Malefoy." trancha-t-elle. "J'en ai assez de te donner des secondes chances. Tu ne les mérites même pas."

Cette dernière phrase le piqua suffisamment pour qu'il réplique tout de suite :

"Je t'ai dit que j'étais désolé ! Qu'est-ce que tu veux de plus, que je m'incline et te supplie de me pardonner ?"

"Je ne vois même pas pourquoi tu voudrais ça, je croyais que tu ne voulais plus qu'on soit amis ?" dit Granger, la voix la plus aiguë que jamais. "Qu'on n'était même pas amis, que tu me détestais toujours autant, selon tes dires !"

"Nous ne sommes pas amis !" riposta Drago, se rapprochant de la table d'un pas vers l'avant. "Nous ne l'avons jamais été ! On s'entend bien, secrètement, mais la vérité reste la même : tu es une Gryffondor, je suis un Serpentard, tu es née-moldue, je suis un Sang-Pur, on est pas censés se parler !"

"Alors, pourquoi tu viens ici ?"

"Et toi, pourquoi tu t'assois à notre table ?"

Granger fut soudain à court de mots. Elle ouvrit la bouche, la referma, regarda la table et se mordit la lèvre en voyant qu'elle n'avait pas d'argument. Drago sentit une bouffée de fierté exploser en lui à l'idée que Granger se soit vraiment assise là en espérant qu'il vienne lui parler.

"Tu m'as traitée de butée." dit Granger après un moment, la voix soudain moins convaincue qu'avant.

"Et toi de lâche. Ce qui est pire." rétorqua Drago.

"Tu m'as insultée de Sang-de-Bourbe." dit-elle, plus doucement.

"J'ai dit ça uniquement pour te faire partir."

"Et comment je dois t'insulter pour te faire partir, maintenant ?"

"Est-ce que je peux te proposer un deal, pour me faire pardonner ?"

Granger leva les yeux au ciel, encore une fois.

"Tu penses sincèrement qu'un deal va changer ça ? T'en as pas marre de négocier ?"

"Écoute au moins ce que c'est !" s'impatienta Drago en croisant les bras.

Elle soupira bruyamment, visiblement ennuyée par cette conversation. Mais Drago la connaissait suffisamment pour savoir que ça avait piqué sa curiosité malsaine.

"Je t'écoute ?" dit-elle après plusieurs secondes de réflexion.

"Est-ce que j'ai le droit de m'asseoir, au moins ? J'ai mal aux jambes à force de rester debout."

"N'importe quoi. Tu fais du Quidditch !" s'égosilla Granger.

Elle se pencha en avant pour bouger son sac tout de même. Drago sourit fièrement et prit place à sa chaise de prédilection, juste en face de Granger, caché par les étagères dressées tout autour d'eux, dans sa bulle secrète et parfumée de cannelle.

"Je te propose mon deal : tu as le droit de me poser cinq questions." proposa-t-il. "Sur moi, ma vie, ma famille, peu importe, ce que tu veux, et je te répondrai honnêtement."

Les yeux chocolats de Granger brillèrent soudain d'un éclat de curiosité, et son visage s'anima immédiatement. Drago était toujours aussi étonné de constater à quel point il était facile de lire ses émotions sur ses traits.

"Qui me dit que tu ne mentiras pas ?" demanda-t-elle.

"Je te promets que je ne mentirai pas." dit-il en montrant ses deux paumes de main, pour prouver son honnêteté. "Parole de Malefoy."

"N'importe quelle question ?" demanda-t-elle.

"N'importe laquelle." confirma Drago. "Tu as enfin le droit de laisser ressortir ta curiosité mal placée, Granger, profites-en bien. Par contre, tu as jusqu'à ce soir."

"Ce soir ?!"

"Oui, tu dois poser tes cinq questions ce soir, avant minuit." dit Drago en consultant l'heure : 19h30.

"D'accord…" dit-elle, déjà en train de réfléchir à sa première question.

"En attendant que tu trouves ce que tu vas demander, je vais travailler."

"Travailler sur quoi ?" demanda-t-elle en jetant un coup d'œil autour de lui.

"Je n'ai pas avancé sur mes devoirs, pendant les vacances."

En entendant ça, Granger ouvrit grand la bouche de stupéfaction, et ses yeux s'écarquillèrent considérablement, comme si elle venait d'entendre le plus gros outrage de toute sa vie.

"Quoi ?!" s'étrangla-t-elle. "Mais on a un essai à rendre pour demain ! En Histoire de la Magie !"

"C'est justement ce que je m'apprête à faire maintenant." dit Drago, qui tentait de dissimuler son sourire en voyant le visage contorsionné par la stupeur de Granger en face de lui. "Tu veux bien m'aider ?"

Aussitôt, son visage se referma.

"Certainement pas. Tu n'es pas encore pardonné." répliqua-t-elle sèchement.

"Ok, très bien. Aurais-tu au moins l'obligeance de me passer un rouleau de parchemin ? Je n'ai pas mes affaires."

Granger hésita un moment, visiblement tentée de lui faire faire un aller-retour juste pour aller chercher son sac dans son dortoir, mais consentit finalement à lui donner une plume, un rouleau de parchemin, et son manuel d'Histoire de la Magie. Drago commença à écrire le titre "Les stratégies mises en place par les Gobelins lors de la Grande Rébellion de 1612."

"Tu sais que tu n'auras jamais le temps de terminer ça avant ce soir ?" dit Granger, les lèvres pincées en l'observant écrire.

Il venait à peine de terminer le "r" de "grande", et elle l'interrompait déjà.

"Si tu m'aidais, j'y arriverai encore plus vite." commenta Drago sans lever la tête de son parchemin.

Granger claqua sa langue et préféra boire une gorgée de thé.

Très vite, l'atmosphère calme et relaxante de la Bibliothèque prit possession de Drago, et il se retrouva dans cet état de tranquillité qu'il n'avait pas ressenti depuis des jours. Il écrivit beaucoup plus vite que d'habitude, soudain pris d'inspiration par son essai qu'il n'avait pas réussi à commencer depuis le début des vacances. Granger ne cessait de lire des phrases ici et là, en pensant qu'il ne la remarquait pas.

Quand il commença le troisième paragraphe, Granger s'éclaircit la voix et attendit qu'il lève les yeux pour parler :

"J'ai ma première question."

Drago posa sa plume et attendit patiemment.

"Qui aimes-tu le plus au monde ?" demanda-t-elle, les joues rouges mais les yeux déterminés.

Drago réfléchit sérieusement à la question. Il était tenté de répondre "moi-même", mais il était sûr que Granger n'y croirait pas.

"Ma mère." répondit-il. "Et Pansy."

"Ça fait deux personnes." dit-elle, pointant l'évident.

"Les deux seules personnes à qui j'ai dit "je t'aime"." expliqua-t-il sincèrement.

"Oh."

"Peut-être à Blaise aussi, mais sous l'influence de l'alcool, je m'en rappelle plus." ajouta-t-il avec un sourire.

Granger eut un tout petit sourire, et replongea dans ses propres réflexions. Drago continua d'écrire son essai.

Il était en train de lire un passage sur la trêve de Décembre 1613 dans le manuel quand Granger reprit la parole :

"Quelle est ta plus grande peur ?"

Drago releva la tête et son regard se perdit dans la contemplation des étagères derrière Granger, le temps de réfléchir. Il détestait les chauves-souris, mais ce n'était pas sa plus grande peur. Il avait toujours peur de Fol Oeil quand il le croisait dans les couloirs. Il avait très peur des Détraqueurs, mais pas autant que Théo. Et surtout, il était terrifié par le Seigneur des Ténèbres, mais il ne pouvait pas vraiment répondre ça, parce qu'il s'agissait presque plus d'une légende que d'une vraie personne.

Il trouva une réponse et eut du mal à la formuler sans passer pour une mauviette :

"Je dirais… De décevoir mes parents."

Granger haussa les sourcils :

"Pourquoi ? On s'en fiche de ce qu'ils pensent."

Elle répondait si vite à une question qui tracassait Drago depuis des années.

"Pas vraiment. Ils m'ont éduqué à leur manière, et pas tout le temps justement, mais je leur en suis reconnaissant de m'avoir fait comme je suis, en grande partie. J'aime les valeurs qu'ils m'ont transmis. Surtout celles de ma mère. Je pense que si je la décevais, je m'en voudrais toute ma vie."

Granger considéra ces paroles, puis demanda :

"Est-ce que tu es d'accord avec tout ce qu'ils te disent ?"

"Est-ce que c'est ta troisième question ?"

Elle hocha la tête.

"Non. Plus maintenant. J'ai compris que certaines traditions des Sang-Purs n'étaient qu'un tas de conneries. Mes amis m'ont aidé à voir les choses différemment. Et… toi, aussi."

"Moi ?!" demanda-t-elle, les yeux ronds.

"Oui, avec la S.A.L.E, et tes origines. J'ai compris en te côtoyant que les Nés-Moldus n'étaient pas les monstres dégénérés dont mes parents m'ont parlé. Même s'ils peuvent s'avérer être affreusement curieux." ajouta-t-il avec un clin d'œil dans sa direction.

Le cou de Granger se parsema de petites tâches rouges en entendant ça.

Il continua son essai, et Granger termina son thé, perplexe. Au bout d'un certain temps, Madame Pince éteignit les torches de la Bibliothèque, signe que ça allait bientôt fermer, alors ils se levèrent tous les deux d'un même mouvement. Drago rendit la plume et le manuel à Granger.

"Comment vas-tu terminer ça ?" demanda-t-elle, soucieuse de voir que son essai n'était pas fini.

"Je demanderai à Théo de le faire pour moi." dit-il, comme une évidence.

Granger roula des yeux et rangea ses affaires. Puis, ils quittèrent la Bibliothèque. Krum n'était déjà plus là, peut-être qu'il n'avait pas remarqué Granger à la table reculée, ce qui comblait Drago de joie.

Ils arpentèrent les couloirs vides ensemble, en mettant une distance entre eux inconsciemment, au cas où quelqu'un les surprendrait. Sans même qu'ils le disent à haute voix, ils se dirigèrent tous les deux sur leur banc. Il faisait nuit noire dehors, mais il ne neigeait pas. Drago s'assit, suivie de Granger qui réprima un frisson de froid.

"J'ai ma quatrième question." dit la Gryffondor, à peine installée. "Quel est ton plus grand regret ?"

Drago observa la façade du Château et répondit du tac au tac.

"De t'avoir jeté le sort sur tes dents."

Elle se tourna vers lui, choquée :

"Quoi ?"

Il fronça les sourcils en entendant l'étonnement dans sa voix.

"Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, Granger, je ne suis pas le genre de garçon à m'excuser. Mes parents ne m'ont jamais appris à le faire, et j'ai mis des années avant de le faire, même quand je savais pertinemment que j'avais fait quelque chose de mal. Quand je t'ai demandé de me pardonner après t'avoir jeté ce sort, j'étais sincère."

"Ton plus grand regret, ce sont mes dents ?" répéta-t-elle.

Il tourna la tête vers elle et plongea son regard dans le sien, espérant qu'il montre sa franchise à travers :

"Je n'ai jamais voulu que ce sort ricoche, je visais Potter. J'ai détesté t'infliger de la douleur."

"Pourtant, tu l'as fait plusieurs fois depuis." dit-elle sèchement.

"Je regrette à chaque fois que je t'insulte, crois-moi. Je le fais par impulsivité, parce que je ne sais pas traduire ma colère que par des mots blessants. Mais le sort sur tes dents, je me sentais vraiment mal, pendant longtemps." admit Drago. "En plus, j'aimais bien. Tes dents, avant."

"Pardon ? Dit le garçon qui m'a traitée de lapin et de castor pendant toute ma scolarité ?" répliqua Granger avec un rire jaune.

Drago haussa les épaules.

"Preuve que je disais n'importe quoi, non ? J'aimais bien tes dents, je m'en suis rendu compte quand elles ont changé. C'était original, ça te définissait mieux."

Granger ne savait visiblement pas quoi répondre à ça, et Drago ne pouvait pas la blâmer, parce qu'il ne savait même pas comment il avait pu lui dire ça en premier lieu. Elle avait cette capacité à le faire parler, à se confier, c'était terrifiant. Il reporta son attention sur les fenêtres allumées du Château.

Granger resserra son cardigan vert contre elle en cogitant sur sa dernière question. Il se demanda si elle avait un pot de confiture vide dans son sac, elle semblait en avoir un en permanence sur elle.

"Quel est ton endroit préféré au monde ?" finit-elle par demander.

Facile. La question la plus facile depuis qu'elle avait commencé à lui demander.

"Il y a cet endroit, dans le Manoir…" commença-t-il. "C'est dans les jardins, dans la cour arrière. Après la porte, il faut marcher quelques secondes, pour atteindre une fontaine. Juste à côté, il y a un carré d'herbe, grand à peu près comme ça (il désigna un espace à leurs pieds en traçant dans les airs avec son doigt). Avec Pansy, on s'allonge là, tous les soirs, et on observe les étoiles. C'est ça, mon endroit préféré."

"Tu observes les étoiles tous les soirs avec Pansy, et tu n'es pas capable de situer la tienne sur une carte ?" railla Granger.

Il lui donna un petit coup dans le bras et tressaillit au contact.

"Hé ! On ne fait pas que d'observer les étoiles. On discute, de tout et de rien, on rigole, parfois même on s'endort."

Drago sourit un peu en retrouvant tous les souvenirs liés à cet endroit. Il avait hâte d'y retourner. Il se tourna vers Granger :

"Pas besoin de demander le tien, en tout cas. Je parie 100 Gallions que c'est la Bibliothèque de Poudlard."

Elle eut un petit rire :

"C'est vrai, gagné. Mais il y a aussi un endroit que j'adore, à la maison. Dans mon salon, il y a une grande fenêtre en saillie, qui donne sur la rue, et juste en dessous, mes parents ont construit une banquette pour que je puisse lire dessus. J'adore cette banquette, j'y ai passé toute mon enfance à lire des livres en boucle."

Drago imagina sans difficulté une petite Hermione, à peine plus grande que le rebord de la fenêtre, plongée dans un bouquin et indifférente au monde qui l'entoure.

"Ça a l'air d'être un bon endroit." admit-il avec un sourire.

Ils restèrent silencieux, après ça. Le vent d'hiver s'infiltrait régulièrement dans les branchages des arbres aux alentours, ce qui donnait une sorte de mélodie calme et douce aux oreilles de Drago. S'il posait sa tête sur le rebord du banc, il serait presque capable de s'endormir là. Parfois, quand une bourrasque passait au-dessus d'eux, Drago pouvait percevoir l'odeur de la fraise des cheveux de Granger.

"Drago ?" demanda soudain Granger, et le cœur de Drago se souleva brutalement en entendant son prénom de sa bouche. Il tourna la tête vers elle.

"Hmm ?"

"Est-ce que tu me détestes vraiment ?"

Il faillit répliquer que ça faisait six questions au lieu de cinq, mais ne le fit pas. Après tout, s'il voulait se faire pardonner, il avait intérêt à ne pas l'embêter. Et, en plus, il adorait secrètement qu'elle s'intéresse suffisamment à lui pour lui poser des questions, même s'il faisait semblant d'en être agacé.

Il se tourna complètement sur le banc pour faire face à Granger. Ses joues étaient rouges à cause du froid, et elle avait glissé sa baguette dans ses cheveux pour les nouer, ce qui la rendait encore plus belle qu'elle ne l'était déjà. Elle le regardait avec des grands yeux curieux, attendant sa réponse avec prudence.

Il repensa à ses propres paroles, quelques jours plus tôt, sur ce même banc. "Nous n'avons jamais été amis, Granger. Je te déteste toujours autant."

"Non, je ne te déteste pas." dit-il dans un murmure.

Granger émit un faible soupir. Puis, elle détacha son regard de lui pour le poser sur la façade du Château à son tour :

"Tant mieux, parce que moi non plus." avoua-t-elle. "Je ne sais pas pourquoi. Ça devrait être le cas, pourtant."

Drago ressentit une euphorie intérieure en entendant ça, mais il n'afficha rien sur son visage pour ne pas que Granger le remarque. Elle se tourna de nouveau vers lui :

"Je ne te pardonne toujours pas." avertit-elle, la voix soudain plus ferme. "Je ne te fais pas encore pleinement confiance, parce que j'ai peur que tu me rejettes d'un coup, comme tu l'as fait avant. Mais j'accepte de te reparler. À une seule condition."

"Laquelle ?"

"Tu dois me parler aussi. Me parler vraiment. Te confier à moi, et me dire vraiment ce que tu ressens, comme maintenant. Je voudrais avoir des questions illimitées. Je te promets que je ne répéterai rien à personne. Mais j'ai envie de devenir ton amie, Drago, donc il va falloir que tu fasses des efforts de ce côté-là. Parce que oui, nous allons devenir amis, à partir de maintenant. C'est compris ?"

Drago lui tendit la main, pour lui montrer qu'il était d'accord. Granger s'empressa de la serrer. Leurs paumes étaient glacées.

"Ça marche, Granger."

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Hermione


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Hermione souhaita une bonne nuit à Malefoy et remonta vers la Salle Commune avant le couvre-feu, la tête pleine de questions. Hermione était intelligente, elle le savait, mais pourtant, à chaque fois qu'elle parlait en tête à tête avec Drago Malefoy, elle avait l'impression de perdre tous ses moyens. C'était la seule personne qui réussissait à la décontenancer suffisamment pour qu'elle se retrouve à court de mots. Elle savait que parler avec lui à la Bibliothèque n'était pas une bonne idée, que c'était un garçon arrogant, méchant, dédaigneux, et qu'elle était supposée l'ignorer.

Pourtant, elle était incapable de s'arrêter. Quand elle l'avait vu à côté de la table cachée de la Bibliothèque, elle n'avait pas réussi à empêcher son cœur de faire un petit bond de joie dans sa poitrine. Et quand il l'avait appelée "notre table", elle avait soudainement perdu la faculté de parler.

C'était stupide. Si Ron avait réagi comme il l'avait fait lorsqu'elle avait dansé avec Krum, comment réagirait-il s'il apprenait qu'elle parlait tous les soirs avec Drago Malefoy à la Bibliothèque ? Qu'elle l'appelait Drago ? Qu'elle l'aidait à travailler ? Qu'elle devenait amie avec lui secrètement ?

Hermione arriva dans la Salle Commune, qui sentait le feu de bois et le réconfort. Ron et Seamus jouaient aux échecs sur la petite table en face de la cheminée, et quand Hermione s'assit sur le canapé à côté d'eux, personne ne lui demanda où elle était. Elle prit un livre dans son sac et l'ouvrit aléatoirement, mais c'était plutôt une excuse pour ne pas se faire déranger.

Son coeur était mitigé. D'un côté, elle haïssait toujours Malefoy, c'était le pire ennemi d'Harry, il avait insulté Ron et sa famille de nombreuses fois, elle détestait ses valeurs, ses parents, sa méchanceté, son sourire arrogant insupportable. C'était lui qui avait fait condamner Buck sans en éprouver la moindre compassion. Lui qui lui avait jeté un sort sur ses dents, et lui qui lui avait appris que son sang était "impur".

Et d'un autre côté, elle aimait sa personnalité quand ils n'étaient que tous les deux. Il était cultivé, curieux, presque gentil, et parfois même drôle. Il n'avait pas peur de la ménager, il lui disait honnêtement ce qu'il pensait, même si ça conduisait à des conversations plus profondes, des débats qu'elle n'aurait jamais avec Harry ou Ron. Elle aimait quand il venait, elle aimait découvrir des choses derrière son personnage énigmatique.

Mais elle avait peur, aussi. Parce que les deux personnalités se mêlaient souvent, qu'il était impulsif, et que parfois, sa colère avait raison de lui, et qu'il envoyait tout balader. Il l'avait blessée. Et même s'il s'excusait toujours après, Hermione se demandait sans cesse ce qui arriverait la prochaine fois.

Raisonnablement, elle savait qu'elle devrait arrêter de lui parler. Elle avait suffisamment de problèmes avec Ron et Krum pour s'en infliger un nouveau. Elle savait que ce n'était pas bien. Mais l'excitation que lui procurait leur réconciliation était trop forte pour qu'elle puisse tout stopper.

Hermione était en train de lire une centième fois la même phrase de son livre quand Ginny s'assit à côté d'elle.

"Salut Mione !" salua-t-elle joyeusement. "Qu'est-ce que tu lis ? Les cours n'ont même pas repris !"

"Oh, juste un roman que j'ai emprunté à la Bibliothèque." dit Hermione, en posant le livre sur la petite table. "Tu veux un thé ?"

Ginny accepta et Hermione prépara deux tasses d'infusion, qu'elles burent toutes les deux en se racontant leurs dernières nouvelles. Ginny lui raconta sa journée, ses entraînements de Quidditch secrets, ses révisions de cours. Hermione écoutait attentivement, désireuse de mettre Drago Malefoy dans un coin de sa tête et penser à autre chose.

"Au fait, tu as appris le scoop ?" demanda Ginny, les yeux brillants, synonymes d'un nouveau potin.

"Non, quoi ?"

"Tu devais être vraiment fourrée à la Bibliothèque de la journée pour ne pas entendre ça !" s'exclama la rouquine. "Pansy Parkinson et Léo Hills sortent ensemble !"

"C'est vrai ?" demanda Hermione, qui essayait intérieurement de placer un visage sur le nom de Léo Hills.

"Ouais, ils se sont embrassés toute la journée. J'étais étonnée, j'étais persuadée qu'elle sortait avec Malefoy, mais il faut croire que non, ou alors, ils se sont séparés pendant les vacances, et elle essaie de le rendre jaloux. En tout cas, ça n'a pas l'air de marcher."

"Oh… Je vois…" dit Hermione, soudain perplexe.

Elle se souvint distinctement du moment où Drago lui avait dit qu'il ne sortait pas avec Pansy, et qu'ils étaient juste très amis. Elle se demanda ce qu'il pensait de ce nouveau couple, et s'il était vraiment jaloux.

"Et toi, alors ?" demanda Ginny avec un sourire. "Des nouvelles de Krum ?"

"Rien de particulier, on a discuté quelques fois, et il m'a proposé de porter mes livres après la Bibliothèque une fois ou deux."

Ginny fronça les sourcils.

"Est-ce que tu n'es plus intéressée par lui, ou est-ce que c'est à cause de…?"

Elle bougea discrètement la tête vers Ron, qui était toujours plongé dans sa partie d'échecs un peu plus loin et qui n'entendait rien de la conversation entre les deux filles.

"Oui, à cause de Ron." mentit Hermione, qui s'empressa de saisir cette opportunité valide.

Elles finirent par changer de sujet, puis Ginny termina sa tisane et alla se coucher. À la fin de leur partie, Ron et Seamus dirent bonne nuit à Hermione et montèrent à leur tour. Petit à petit, toute la Salle Commune se vida, et Hermione retourna à sa lecture.

"Hermione ? Hermione ?"

Elle ouvrit les yeux. Elle n'avait pas réalisé qu'elle s'était endormie dans la Salle Commune. Elle était à moitié allongée dans le canapé, face au feu qui continuait de crépiter dans l'antre de la cheminée et qui avait réchauffé son visage. Elle tenait toujours son livre entre ses doigts engourdis.

"Hmm ?"

Elle leva les yeux et vit Harry dans la pénombre de la Salle Commune. Il avait mis ses lunettes hâtivement et ses cheveux étaient plus décoiffés que jamais.

"Harry ? Quelle heure est-il ?"

"Bientôt 4h du matin. Tu as dû t'assoupir en lisant." dit-il en pointant le livre du doigt.

"Oh… Oui, probablement. Je devrais le laisser tomber, il n'est vraiment pas intéressant."

Hermione se releva en se passant une main sur le visage. Puis, elle analysa la salle, les fenêtres qui donnaient sur le ciel noir, et Harry, qui portait son pyjama rayé.

"Qu'est-ce que tu fais là si tard ?" réalisa Hermione, les sourcils froncés.

"Je n'arrivais pas à dormir." dit-il instinctivement.

Et Hermione devait vraiment connaître Harry par coeur, parce qu'elle vit tout de suite qu'il mentait. Il s'assit à côté d'elle sur le canapé et Hermione rapprocha ses jambes contre elle.

"Harry…" commença-t-elle doucement. "Qu'est ce qui t'arrive ? Tu es stressé, pour la deuxième épreuve ? C'est ça ?"

"Non… Enfin, oui, aussi, mais j'ai…" Harry fit glisser ses lunettes contre son nez dans un geste nerveux. "J'ai fait un cauchemar."

Il évita de la regarder en disant ça. Hermione ne lui demanda pas sur quoi il portait : elle n'avait aucun mal à imaginer qu'il concernait ses parents. Elle acquiesça et mit sa main sur la sienne :

"Tu veux rester un peu ici ?"

Harry hocha la tête en fixant le feu devant lui.

Ils finirent par s'endormir tous les deux, d'un bout à l'autre du canapé.

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Drago


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Le lundi matin, au petit-déjeuner, la Gazette des Sorciers quotidienne de Blaise tomba à côté de son bol de porridge. Sur la couverture, il y avait une petite photo d'Hagrid, dos à la caméra dans son potager, avec écrit "L'erreur géante de Dumbledore."

Drago déglutit difficilement et jeta un regard furtif sur la table des Gryffondors : heureusement, Granger ne s'y trouvait pas, ni même Potter et Weasley. Il n'avait pas pensé que l'article serait paru si vite, il aurait aimé pouvoir expliquer à Granger avant. Il prit le journal et l'ouvrit à la bonne page.

"L'article est sorti ?" demanda Pansy avec excitation en essayant de lire à l'envers, face à Drago. "Est-ce qu'elle parle de moi ? Elle cite mon nom ?"

"Merlin, Hagrid est un demi-géant ?!" s'exclama Théo, qui lisait à côté de Drago.

Il y eut un cri scandalisé général. Tout le monde chercha Hagrid à la table des professeurs, mais il n'était pas là. Drago était choqué : il n'aurait jamais pensé que le garde-chasse puisse être un demi-géant. Il y avait toujours eu quelque chose de bizarre chez lui, en commençant par sa taille impressionnante, mais l'idée qu'il puisse appartenir à une race de monstres aussi terrifiants ne lui avait jamais traversé l'esprit.

Pendant que Blaise et Théo continuaient de lire l'article, Drago se demanda si Granger était déjà au courant, ou si elle allait l'apprendre à travers cet article. Il espérait que Potter soit furieux, parce qu'il avait toujours eu ce lien étrange avec Hagrid que Drago n'avait jamais compris.

Le premier cours de la rentrée était Arithmancie. Blaise, Pansy, Théo et Drago n'eurent donc pas trop le temps de discuter de l'article, parce qu'ils durent se séparer : Blaise et Pansy se rendaient en Divination, et Théo et Drago en Arithmancie. Ils rentrèrent tous les deux dans la classe et s'assirent à leur place habituelle : Granger était déjà là, en train de sortir sa plume, dans son uniforme de Gryffondor parfaitement repassé. Elle ne devait pas encore avoir lu l'article, parce qu'elle ne jeta aucun regard noir à Drago quand il s'assit de l'autre côté de l'allée.

La professeure arriva et Drago dû se concentrer sur le cours. C'était difficile de savoir que Granger était juste à côté, et qu'il ne pouvait pas l'observer. Par contre, il pouvait sentir les effluves de son shampooing à la fraise, et il se demanda encore une fois comment il avait fait pour ne pas le sentir avant.

"Je vais maintenant vous rendre vos évaluations." annonça la professeure Vector à la classe.

Elle passa dans les rangs pour leur rendre leurs parchemins. Drago reçut un Acceptable, Granger reçut un Optimal et esquissa un petit sourire fier.

Drago sursauta quand Théo lâcha un petit cri terrifié. Il se tourna vers lui et observa sa note, inscrite à l'encre rouge en haut de la feuille. Une seule lettre.

T.

Troll.