Hermione
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"Drago ! Qu'est-ce que tu fais là ?!" chuchota Hermione en le voyant entrer dans la pièce.
"Je suis venu voir comment tu allais." dit-il, comme si c'était évident. "Je t'ai vue, ce matin, au petit-déjeuner…"
Il jeta un coup d'œil vers ses mains bandées et écarquilla grand les yeux.
"Quelqu'un t'a blessé ?" demanda-t-il.
"Drago, tu ne peux pas venir comme ça me rendre visite à l'infirmerie ! Et si quelqu'un te voit ?" demanda-t-elle, paniquée.
"Relax, Granger, personne ne vient à l'infirmerie aussi tôt." dit Drago en s'asseyant sur la chaise à côté du lit qu'occupait Hermione.
Elle regarda autour d'elle, et réalisa que Drago avait un peu raison. Il n'y avait aucune fenêtre qui donnait sur le couloir dans cette pièce de l'infirmerie. Ne voulant pas admettre qu'il avait raison, elle pointa du menton le lit fermé en face d'elle.
"Il peut t'entendre." chuchota-t-elle doucement.
Il fronça les sourcils en constatant le lit fermé, puis agita sa baguette dans les airs. Avant qu'Hermione puisse réaliser ce qu'il venait de faire, les rideaux autour d'eux s'étaient fermés, et un sortilège de Silence les enveloppait.
"Drago !" dit-elle, toujours en chuchotant malgré le Silencio.
"Granger !" répéta-t-il en imitant sa voix plus aiguë.
"Tu ne peux pas faire ça ! Si Madame Pomfresh revient…"
"J'ai le droit à quinze minutes de visite !" contesta Drago avec le même ton. "Pile le temps de la pause. Je ne vais pas t'embêter longtemps, je voulais juste savoir comment tu allais. Qui t'a fait ça ?"
Il pointa du doigt ses deux mains recouvertes de bandages.
"Personne, simplement du courrier."
Drago haussa les sourcils.
"Tu veux dire que du papier t'a fait ça ? Tu t'es coupée sept cent fois dessus ?"
Hermione leva les yeux au ciel :
"Non, j'ai reçu du jus de Bubobulb sur les doigts en ouvrant une lettre. Quelqu'un qui a lu l'article de Rita Skeeter et qui a pensé que je brisais le cœur d'Harry."
Elle leva de nouveau les yeux au ciel pour montrer qu'elle trouvait ça parfaitement stupide. Les traits de Drago se durcirent :
"Je t'avais prévenu ! Je t'avais dit que Skeeter pouvait ternir ta réputation, mais tu ne m'as pas écouté !"
"J'en ai rien à faire de cet article." asséna Hermione. "Si tu es venu me parler de ça, tu peux partir."
Ce n'était pas totalement vrai. Elle était vraiment intriguée par le mode opératoire de la journaliste, elle était sûre qu'elle employait des moyens illégaux pour écouter les conversations des gens. Et en plus, si elle était honnête avec elle-même, elle ne voulait pas que Drago s'en aille. C'était même la personne qu'elle voulait le plus voir, à cet instant. Ils ne s'étaient pas parlés à la Bibliothèque depuis trois jours, et ça lui avait manqué malgré elle.
"D'accord, je ne t'en parlerai plus." capitula Drago, à la surprise d'Hermione qui s'était attendu à une dispute à base de "je te l'avais dit". "Mais crois-moi, je vais me moquer de toi pour tes mains. Du jus de Bubobulb, sérieux !"
Il éclata de rire et Hermione sourit contre son gré. Les humeurs de Drago étaient déroutantes tant elles changeaient vite : d'un coup il pouvait être plein de rancœur, et l'instant d'après avec un grand sourire aux lèvres. Hermione se laissait porter par ses émotions.
"Arrête de te moquer, ça fait vraiment mal." dit Hermione en agitant ses doigts blessés. "Et je suis dégoûtée d'avoir raté les cours d'Arithmancie et de Botanique, c'est vraiment injuste !"
"Ah, en parlant de ça…" dit-il en se penchant vers son sac.
Il en sortit deux pages de parchemin. Hermione les prit sans comprendre, et reconnut son écriture en italique.
"Mes notes." expliqua-t-il avant qu'Hermione puisse demander. "Je me suis douté que tu les demanderais, alors je les ai écrites pour toi."
Hermione parcourut des yeux les dizaines de lignes explicatives du cours d'aujourd'hui. Il avait même recopié le diagramme de la formule de numérologie.
"Oh… Merci, Drago. Ça m'aide beaucoup." dit-elle doucement.
Elle n'osait pas l'avouer, mais elle trouva ce geste particulièrement gentil de sa part. Elle était touchée par cette petite attention.
Il haussa simplement les épaules :
"C'est rien. Par contre, j'ai réussi à faire une prédiction aujourd'hui, en Arithmancie." dit Drago fièrement.
"Ah oui ? Quoi ?" demanda-t-elle en lisant ses notes en même temps.
"J'ai prédit que tu te blesserais aux doigts en contrariant Rita Skeeter." répondit-il, et quand Hermione leva la tête vers lui pour lui lancer un regard noir, son sourire goguenard l'en empêcha.
"Très drôle."
Drago referma son sac et se leva. La pause était presque terminée. Hermione se mordit la lèvre, hésitante. Quand il vit qu'elle était en pleine réflexion, Drago ferma les yeux en riant :
"Oh, Granger, si tu es sincèrement en train de te demander si je peux prendre des notes pour le cours de Soins aux Créatures Magiques, tu rêves, il n'y aura absolument rien à écrire que tu n'as pas déjà…"
"Non, ce n'était pas par rapport aux classes. Je voulais juste te poser une question."
Drago s'arrêta, puis considéra Hermione avec curiosité.
"Je t'en prie. Tu as des questions illimitées maintenant, tu te souviens ?"
"Hum… Alors, en fait, je voulais savoir…" demanda Hermione, soudain gênée. "Si tu ne venais plus à la Bibliothèque à cause de ma… "conversation", avec Pansy, vendredi dernier."
Drago fronça les sourcils et s'approcha du lit d'Hermione en séparant les quelques mètres entre eux en deux enjambées.
"Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?" demanda-t-il, soudain inquiet.
"Elle ne m'a pas insultée ni rien, si c'est ce que tu te demandes." dit Hermione en guise de rassurement. "Elle m'a simplement dit que tu étais son meilleur ami, et qu'elle voulait te protéger, quelque chose comme ça… Je crois qu'elle est un peu inquiète que notre amitié…" Elle désigna l'espace entre eux d'un geste de sa main bandée, "empiète sur la vôtre."
"Oh. Je vois." dit Drago, visiblement chamboulé par cette explication. "Non, ce n'est pas à cause de ça que je ne suis pas venu à la Bibliothèque."
"D'accord…" dit-elle. "Est-ce que c'est parce que Théodore est meilleur que moi en Botanique ?"
Drago ne comprit pas la question. Elle reformula en sentant ses joues devenir rouges :
"Il t'a aidé pour l'essai de Botanique, hier. J'ai pensé que tu préférais qu'il t'aide plutôt que moi."
Le visage déconcerté de Drago se fendit d'un sourire :
"Tu m'as observé ?" demanda-t-il.
"Quoi ? Non, non, pas du tout." dit Hermione en détournant soudain le regard, rouge de honte. "Pas du tout, je vous ai juste vus, par hasard, en allant chercher un livre… Je n'étais même pas sûre que c'était toi, en fait…"
Drago continuait de sourire en entendant son explication bancale.
"Bien sûr, Granger." dit-il. "Je ne pensais pas assister un jour à ta jalousie envers Théo."
"Je ne suis pas jalouse de Théodore, Merlin !" dit-elle, encore plus rougissante. "Je me demandais simplement pourquoi tu n'étais pas venu, c'est tout !"
Drago eut un petit rire et Hermione cessa brutalement de parler, au risque de se ridiculiser davantage.
Il prit son sac, le passa sur son épaule, se recoiffa légèrement et finit par lui répondre :
"J'ai eu… De petits problèmes personnels. Rien de grave, mais je n'ai pas pu venir à cause de ça. Je peux venir ce soir, par contre. Tu seras là ?"
"Si Madame Pomfresh accepte de me faire sortir avant la fin de l'année scolaire, oui." dit-elle d'une petite voix. "Est-ce que tu me raconteras "tes petits problèmes personnels" à ce moment-là ?"
La cloche de l'école sonna dans le couloir, annonçant le début du cours. Drago sourit une dernière fois et hocha la tête :
"Pourquoi pas. Soigne-toi bien, Granger."
Il agita sa baguette et ouvrit les rideaux, levant au passage le sortilège de Silence. Au moment où il se dirigea vers la sortie, Madame Pomfresh entra dans la pièce, et lui lança un regard désapprobateur avant d'arriver vers le lit d'Hermione.
"Hermione, ma chère, je suis désolée, j'ai été appelée au bureau de Dumbledore et je n'ai pas pu venir vous voir ! Est-ce que ce Drago Malefoy vous embêtait ?"
"Euh, non, pas du tout." dit Hermione. "Il est juste venu me demander mon livre d'Arithmancie que je lui avais pris la dernière fois par erreur."
L'infirmière ne fut pas étonnée par ce mensonge et s'occupa plutôt de ses mains cloquées pendant qu'Hermione lisait les notes de Drago avec un petit sourire amusé.
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Hermione passa le reste de sa journée du lundi de bien meilleure humeur qu'à son réveil. Sa dispute avec Ron s'était totalement volatilisée de son esprit depuis que Drago lui avait rendu visite à l'infirmerie. En fait, elle ne pensait même plus qu'à ça. Elle pensait à son sourire, à son rire, à ses moqueries, et devait se reprendre au lieu de rêvasser de ça pendant les cours.
Depuis quand voyait-elle Drago différemment ? Depuis quand pensait-elle à son sourire à des moments aléatoires de la journée ? Et surtout, depuis combien de temps était-il devenu Drago, et non plus Malefoy ?
Elle avala son dîner en quatre bouchées et se leva rapidement pour aller à la Bibliothèque. Harry et Ron lui firent deux gestes de la main distraits en la voyant partir, habitués à ce qu'elle passe ses soirées là-bas. Elle se dépêcha pour s'installer à la table reculée avant que Viktor ne vienne, puis sortit son manuel d'Arithmancie et les notes de Drago pour rattraper son cours en retard.
Une dizaine de minutes plus tard, Drago arriva. Elle reconnut ses pas. Ron traînait toujours des pieds, et Harry marchait toujours très vite. Drago avait une démarche reconnaissable entre mille, et Hermione fut surprise de constater qu'elle la connaissait autant que celle de ses deux meilleurs amis.
"Bonsoir Granger." dit-il de son ton traînant habituel en prenant place en face d'elle, sur la petite table ronde.
"Bonsoir Drago." répondit-elle. "Théodore n'est pas trop jaloux que tu sois avec moi ce soir ?"
Il eut un petit rire en sortant ses affaires de Botanique.
"Théo n'est pas jaloux. De toute façon, quand je m'assois à côté de lui pendant qu'il travaille, c'est comme si je n'existais pas. Un peu comme toi, en fait."
Hermione sourit et retourna à son livre.
"Ah, je vois que tu ne peux pas écrire." pointa Drago avec un rire moqueur. "Un problème, peut-être ? Aux mains, par exemple ?"
"Laisse-moi tranquille !" clama-t-elle avec un soupir exaspéré. "Je ne pourrai retirer les bandages que demain matin. Est-ce que c'est possible de ne pas se moquer de moi en attendant ?"
Drago sourit en entendant son ton et sortit sa plume qu'il passa absentément entre ses doigts pour la défroisser. Une mèche de cheveux lui tombait sur le front.
"Seulement si tu admets que j'avais raison de te dire de ne pas embêter Rita Skeeter." dit-il sans quitter son sourire espiègle. "J'étais sûr qu'elle écrirait un article sur toi pour te descendre. Qu'est-ce que tu lui as dit, pour l'énerver ?"
"J'ai simplement dit la vérité ! Qu'elle était horrible, qu'elle n'avait aucune considération pour personne…" énuméra Hermione d'un ton sec.
"Et voilà le résultat." coupa Drago en montrant ses mains blessées. "J'étais sûr que tu le ferais quand même après t'avoir prévenu. Tu es vraiment une Gryffondor."
"Bonne remarque." dit-elle avec une pointe d'ironie.
"Alors, tu admets que j'avais raison ?" demanda Drago.
"Tu avais raison, mais ça ne change rien sur le fait que je devais lui dire ce que je pensais d'elle." dit Hermione, sûre d'elle. "C'est une horrible journaliste, je ne comprends pas comment Parkinson peut l'apprécier."
"Elle aime bien ses horoscopes." expliqua Drago en haussant les épaules.
Hermione ne put retenir un sifflement dédaigneux. Les horoscopes. Il y avait vraiment que Pansy Parkinson pour apprécier ça.
Ils commencèrent à travailler en silence. Hermione utilisait sa baguette pour tourner les pages du manuel, et abandonna l'idée d'écrire avec une plume. Drago se moquerait d'elle immédiatement s'il la voyait faire ça. Elle se contenta de lire la leçon du jour et de faire les formules dans sa tête.
"Pas de thé, aujourd'hui ?" demanda soudainement Drago sans lever la tête de son manuel de Botanique.
Hermione fut surprise par cette question.
"Tu dis ça pour te moquer de mes mains ?" demanda-t-elle.
"Non." dit-il en levant doucement la tête. "Je te demandais simplement parce que tu as toujours un thé à la cannelle à côté de toi quand tu travailles."
Il désigna l'espace vide à la gauche d'Hermione.
"Oh. Oui, c'est vrai." répondit-elle, prise au dépourvu.
Il retourna à sa lecture et Hermione le regarda lire, touchée encore une fois par cette attention particulière. Elle savait que Drago était très observateur. Il connaissait ses séances de révisions avec Neville tous les samedis, il savait qu'elle recevait une lettre de ses parents tous les dimanches, et il anticipait les cours dont elle aurait besoin. Ron et Harry ne faisaient jamais attention à ce genre de détails.
Le fait que Drago le fasse la touchait beaucoup, sans qu'elle puisse dire pourquoi.
Elle sortit sa tasse et un sachet de thé à la cannelle qu'elle avait toujours dans les poches. L'ouvrir et le plonger dans l'eau chaude était difficile à cause de ses doigts bandés, mais Drago eut la diligence de ne pas remarquer.
Elle attendit que son thé infuse en observant distraitement le garçon en face d'elle. Il était en train de terminer son essai de Botanique sur les propriétés de la plante à Pipaillon. De temps en temps, il levait la tête pour lire une phrase ou deux du manuel, et continuait d'écrire.
Drago avait toujours eu une sorte de prestance, Hermione se fit la réflexion en faisant tourner le sachet de thé dans l'eau. Il se tenait toujours parfaitement droit contre sa chaise, les coudes posés sur la table. Elle n'avait jamais connu de personne aussi distinguée. En plus, il articulait toujours les mots dans un accent anglais soutenu et noble. Elle se demanda si c'était à cause de son éducation d'aristocrate. Est-ce que Zabini avait la même allure ?
Hermione repensa à la manière qu'il avait de parler en le contemplant écrire. Sa plume était immense, elle frôlait presque sa joue quand il écrivait son essai. Elle observa le plumage. Elle n'avait jamais réalisé que la plume que tenait Drago était aussi belle. Pile à cet instant, Drago leva soudain les yeux vers elle et elle fut prise la main dans le sac.
"Tu m'observes, Granger ?" dit-il de sa voix traînante, amusé. "Ça commence à devenir une habitude."
"Je regardais ta plume, en fait." dit-elle, bien que ce n'était pas réellement le cas quelques secondes plus tôt. "C'est une plume de paon, non ? Du magasin Scribenpenne ?"
Drago regarda sa propre plume avec une fierté peu dissimulée.
"Oui. Achetée il y a quelques semaines."
"Elles coûtent très chères, non ?"
En posant cette question, Hermione s'était penchée inconsciemment vers la plume, soudain happée par sa belle couleur bleue. Elle était souvent passée devant la vitrine de Scribenpenne à Pré-Au-Lard, mais n'avait jamais pu se résoudre à mettre autant de Gallions dans une plume.
"Oui, excessivement chères." répondit Drago, pas le moins du monde peiné par cette constatation. "Mais elle vaut le coup."
Avant qu'Hermione puisse lui demander de l'essayer, Malefoy leva soudain la tête vers elle avec un sourire en coin, bien différent de ceux qu'il avait habituellement lorsqu'ils étaient à la Bibliothèque.
"Pourquoi est-ce que Weasley ne t'a pas offert ça, à la St Valentin ?" demanda-t-il. "Ah oui, j'oubliais, il est beaucoup trop pauvre pour s'acheter une plume de paon. Il t'as acheté quoi, une plume de pigeon ?"
Hermione perdit tout de suite l'adoration de son visage. Elle se remit droite contre sa chaise.
"Tu sais que tu peux être vraiment stupide, parfois ?" demanda-t-elle, irritée.
"Du calme, Granger. Une petite blague sur Weasley de temps en temps n'a jamais tué personne." répondit-il en posant sa plume.
"Rire sur ce genre de chose n'est pas drôle, Malefoy." dit-elle le plus sèchement possible.
"Ah, on est revenus à Malefoy ?"
Elle lui lança un regard noir. Derrière son sourire en coin, elle pouvait déceler une certaine appréhension.
"On reviendra à Drago quand tu redeviendras Drago." dit Hermione. "Là, tu es Malefoy, le méchant, celui que je déteste."
Contrairement à ce qu'elle aurait pu imaginer, elle vit Drago accuser le coup. Il parut véritablement peiné par cette phrase. Pourtant, pour elle, c'était évident.
"Je n'aime pas quand tu insultes Ron, ou Harry, ou n'importe lequel de mes amis. Je pensais que j'avais été claire là-dessus." rappela-t-elle, tout aussi froidement.
"Alors, je ne referai pas de blague sur ton petit ami." dit-il en haussant vaguement les épaules.
"Ron n'est pas mon petit ami !" siffla Hermione, soudain à cran.
"Ah oui, pardon !" dit-il en levant les deux mains en l'air. "Pardon ! C'est Krum, ton petit ami, c'est ça ? Celui qui est beaucoup trop vieux pour toi ?"
Hermione vit rouge. Elle ne savait pas si c'était de colère ou d'embarras. Elle détestait ce Malefoy méchant et sournois qui avait le don de toucher les points sensibles. Hermione détourna le regard et s'empressa de ranger ses affaires dans son sac. En la voyant faire, Malefoy perdit soudain son sourire sadique.
"Granger, relax, je rigolais…"
"Comme tu peux le voir, je suis morte de rire. Je rentre. Bonne nuit, Malefoy."
Elle se leva théâtralement mais Malefoy la rattrapa juste à temps en lui prenant le poignet pour l'empêcher d'aller plus loin. Ce contact lui rappela en un éclair sa soirée, floutée par l'alcool : il lui avait caressé l'intérieur du poignet doucement, pour la calmer. Là, il la serrait un peu plus fort, pour ne pas qu'elle parte.
Quand elle leva la tête, elle croisa son regard gris et profond, presque suppliant, et elle sentit des frissons lui parcourir instantanément la peau.
"Désolé, je suis allé trop loin." dit-il doucement, et elle sentit son souffle frais contre son visage. "Je ne voulais pas t'emmerder avec Weasley et Krum. Je ne le referai plus."
Hermione était toujours à fleur de peau, mais elle accepta de se rasseoir. Quand il lui lâcha le poignet, elle eut l'envie contradictoire de lui reprendre la main. Comment pouvait-elle être aussi énervée contre lui, mais ne pas avoir envie de partir pour autant ?
Elle préféra boire son thé silencieusement pour ne pas trahir ses émotions. Plus elle passait de temps avec Drago, plus ses humeurs changeaient drastiquement aussi. Elle avait du mal à se suivre elle-même.
"Je déteste quand tu fais ça." finit-elle par maugréer après avoir bu sa gorgée de thé trop chaude.
"Quand je fais quoi ?" demanda Malefoy, qui était redevenu Drago.
"Quand tu me provoques sans raison. Tu fais ça, à tes amis ?"
Drago réfléchit à la question en caressant le bout de sa plume contre son menton.
"Non, je ne crois pas. Je crois que j'aime juste bien t'embêter."
Elle leva les yeux au ciel :
"On est censés être amis. Je ne veux pas être amie avec toi si tu agis toujours comme ça avec moi."
"Tu ne taquines jamais Weasley et Potter, toi ?"
"Si, mais je ne les blesse jamais." dit-elle avec fermeté. "Je sais que certains sujets sont trop douloureux pour plaisanter dessus."
"Weasley et Krum sont des sujets douloureux pour toi ?" demanda-t-il.
"Non, sauf quand tu te moques d'eux."
Drago n'avait pas l'air de comprendre, mais il acquiesça tout de même. Hermione ne comprenait pas comment c'était possible de ne pas saisir les règles de base de la conversation. Peut-être qu'il n'avait jamais parlé avec des gens aussi ouvertement.
"Désolé." dit-il, et l'entendre prononcer ce mot était toujours aussi choquant que la première fois pour elle. "Je ne recommencerai plus. Si tu veux, pour me faire pardonner, tu as le droit à une question."
Hermione leva les yeux au ciel :
"Ce n'est pas du tout comme ça que ça marche. Pourquoi est-ce que tu règles tout en deals, en promesses, en concessions ?"
"Parce que je suis un Serpentard." répondit Drago du tac au tac. "C'est comme ça que je fonctionne. Mais si tu n'es pas intéressée…"
Hermione hésita quelques secondes. Elle était, si elle était honnête, avide de lui poser des questions. Elle en avait même une bonne centaine en tête à cet instant : Est-ce que tu aimes autant nos séances de révision que moi ? Est-ce que tu as parlé de moi à Parkinson ? Pourquoi étais-tu jaloux de Viktor lors du Bal ?
Mais ces questions-là étaient un peu taboues, Hermione savait qu'elle serait incapable de lui poser. Elle sentait son cœur accélérer rien qu'en imaginant les prononcer à voix haute.
"Je croyais que j'avais le droit à des questions illimitées, depuis que je détiens l'honorable titre d'amie pour toi ?" demanda-t-elle le plus sarcastiquement possible.
"Peut-être, mais je ne suis pas toujours obligé d'y répondre. Cette fois-ci, tu peux me demander n'importe quoi."
Elle se mordit instinctivement la lèvre en pensant à l'infinité de questions possibles pour satisfaire sa curiosité. Elle vit les yeux de Drago s'attarder sur sa bouche distraitement, avant de revenir précipitamment à la hauteur de son regard.
"De quoi tu voulais parler quand tu m'as dit que tu souffrais de problèmes personnels, à l'infirmerie, ce matin ?" finit-elle par demander.
Le regard de Drago s'anima d'une rapide étincelle avant qu'il ne parte dans un rire.
"J'étais sûr que tu me demanderais ça." dit-il. "J'étais même étonné que tu me le demande pas avant."
Hermione ne répondit rien, ne voulant pas admettre à quel point cette question lui brûlait la langue depuis le matin-même. Elle se contenta de boire une gorgée de thé à la cannelle.
"La réponse n'est pas très sensationnelle." continua Drago. Hermione remarqua qu'il fit tourner sa bague avec son doigt, un geste qu'il faisait souvent quand il était stressé. "Disons simplement que c'est toujours la même rengaine : mes parents, l'honneur que je suis censé refléter, leurs attentes…"
"Ça t'angoisse tant que ça ?" demanda Hermione, ne s'attendant pas à une telle réponse.
"Oui." répondit Drago, après plusieurs secondes d'hésitation. "Je suis constamment angoissé."
"Mais qu'est-ce qu'ils peuvent te faire, si tu es à Poudlard ?"
Drago eut un petit rire sec.
"Ce n'est pas parce que je suis à Poudlard que je suis en sécurité." dit-il. "Mes parents appartiennent à l'un des rangs les plus élevés du monde des sorciers. Rogue est un ami de mes parents, tout comme les trois quarts des parents des Sangs-Purs de ce Château."
"Et tu as peur qu'ils apprennent… pour…"
Elle désigna l'espace autour d'eux, et surtout la table qu'ils occupaient. Drago hocha la tête.
"Oui."
"Mais tu ne fais rien de mal." protesta Hermione d'un ton courroucé. "Je veux dire, je sais que tes parents n'approuvent pas mon statut de sang, mais est-ce qu'ils t'en voudraient vraiment d'être amical avec moi, sans m'insulter ?"
"Il y a une différence entre être amical avec toi et être ami avec toi." précisa Drago. "S'ils apprenaient qu'on révise ensemble à la Bibliothèque, et qu'on passe du temps sur un banc dans le parc, qu'on se voit tous les jours…"
Il réprima un frisson qu'Hermione perçut tout de même. Il avait l'air vraiment torturé par ça. Elle repensa au moment où ils s'étaient disputés sur le-dit banc, quelques jours avant le Bal. Quand il lui avait murmuré "c'est trop dangereux."
"Qu'est-ce qu'il se passerait, s'ils apprenaient qu'on passe du temps ensemble ?" demanda-t-elle, la gorge serrée.
"Je me ferais probablement renier de ma famille." dit-il, comme si cette éventualité était passée souvent dans son esprit. "Et l'humiliation que ça engendrerait dans ma famille serait monstrueuse. Je ne pourrais probablement plus jamais revoir ma mère de ma vie."
Hermione hocha la tête, les lèvres retroussées. Elle trouvait cette probabilité assez dramatique, mais elle était persuadée que Drago ne disait pas ça à la légère. Lucius Malefoy était bien capable de s'emporter de cette manière.
"Alors… Tu veux qu'on arrête ?" proposa Hermione, même si cette suggestion lui fendait le cœur. "Si tu veux, on peut arrêter de se voir."
Drago eut le plus petit des sourires, bien loin du moqueur qu'il avait eu quand il s'était moqué de Ron. Celui-là était le genre de sourire sincère et rare qu'Hermione adorait secrètement.
"C'est tout le problème, Granger." dit-il. "Je commence à trop apprécier nos séances de révision pour pouvoir les arrêter."
Hermione sourit, sentant soudain les battements de son cœur résonner contre ses tympans en entendant son aveu. Elle, aussi, appréciait un peu trop leurs soirées à la Bibliothèque. Elle était heureuse de savoir que c'était un sentiment réciproque.
"Est-ce que c'est de ça dont voulait parler Parkinson quand elle a dit qu'elle ne voulait pas qu'il t'arrive du mal ?" demanda-t-elle. "Et que c'était de ma faute, si ça arrivait ?"
Drago fronça considérablement les sourcils.
"C'est ce qu'elle a dit ?"
"Oui. Mais ne lui en reparle pas, s'il te plaît."
Hermione n'avait certainement pas envie de subir une nouvelle confrontation de la part de Parkinson. Cette fille l'effrayait. Drago hocha la tête et soupira :
"Je suppose que oui. Elle connaît suffisamment ma famille pour savoir ce qui arriverait si mes parents apprenaient ça."
Hermione hocha la tête. Elle comprenait un peu mieux le désarroi dans lequel se trouvait Drago. Comme s'il pouvait deviner ce qu'elle pensait, il clôtura la conversation en disant simplement :
"Ne t'en fais pas, j'ai trouvé une solution."
"Quelle solution ?" demanda-t-elle.
"Une solution qui me permettra de pouvoir continuer nos rendez-vous secrets sans craindre la réaction de mes parents." répondit-il sans la regarder.
Hermione retourna la phrase plusieurs fois dans sa tête sans comprendre.
"Qu'est-ce que tu comptes faire ? Ensorceler Madame Pince ?" demanda-t-elle en riant à moitié.
Drago eut un sourire.
"Non. Disons simplement que je travaille sur moi."
Hermione voulait savoir de quoi il parlait, mais elle décida de ne pas pousser. Il s'était suffisamment dévoilé, elle ne voulait pas le gêner en insistant. Elle avait peur qu'il arrête d'être aussi gentil et se referme complètement, redevenant le Malefoy insensible qu'elle n'aimait pas. Alors, elle changea de sujet.
Ils passèrent la fin de leur soirée du lundi à débattre de nouveau de musique. Quand la Bibliothèque ferma, ils partirent tous les deux en même temps, comparant Vivaldi, Beethoven, Hedge (un musicien sorcier apparemment très célèbre) et Mozart, et Hermione était tellement focalisée sur leur débat qu'elle ne remarqua même pas Viktor qui la regardait bizarrement, un peu plus loin.
Ils continuèrent de débattre sur leur banc jusqu'à une heure bien trop tardive, et Hermione rit tellement en entendant les remarques de Drago qu'elle avait mal aux côtes en remontant discrètement vers la Salle Commune. Même le fait qu'elle se fasse réprimander par un préfet sur la route ne l'empêcha pas de sourire.
Et quand elle s'allongea dans son lit, à une heure bien trop avancée de la nuit, Hermione pensa à Drago Malefoy et à son sourire pour s'endormir.
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Drago
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"Tu as besoin de conseils pour méditer ?!" répéta Pansy, abasourdie.
Drago soupira. Il n'avait pas prévu de demander ça à Pansy, mais c'était la personne la plus adéquate pour l'aider là-dessus. Rogue lui avait dit de fermer son esprit avant de dormir et de s'entraîner à la méditation, mais Drago n'avait aucune idée de ce qu'il était censé faire, et sa prochaine leçon d'Occlumancie arrivait à grands pas.
"Oui, je dois vider mon esprit, ou un truc comme ça…" murmura Drago sans regarder Pansy.
Théo leva la tête de son livre pour le regarder bizarrement. Ils étaient dans la cour de Métamorphose, celle qui était très souvent vide et permettait à Pansy de profiter d'une cigarette matinale entre deux cours.
"Pourquoi tu aurais besoin de méditer ?" demanda suspicieusement Pansy avant de prendre une taffe de cigarette.
"J'ai de nouveau des cauchemars." expliqua Drago à voix basse. "J'ai lu dans un livre que méditer pouvait les empêcher d'arriver pendant mon sommeil."
C'était un mensonge partiel. Il avait bien des cauchemars de temps en temps, mais plutôt des images éparses de son père plutôt que de véritables terreurs nocturnes. La partie sur le livre était un mensonge, mais il ne voulait pas dire à Pansy et Théo qu'il avait des cours particuliers d'Occlumancie avec Rogue.
Heureusement, le fait de parler de ses cauchemars coupa court les questions de Pansy. Elle savait que c'était un sujet bien trop sensible pour s'aventurer dedans. Elle se redressa légèrement contre le banc et sortit son manuel de Divination de son sac, qu'elle semblait prendre tous les jours. Théo lâcha un soupir agacé et retourna à son bouquin.
Pansy feuilleta le manuel plusieurs minutes avant de trouver ce qu'elle voulait.
"Pour pouvoir percevoir pleinement les voiles du futur, il faut que le sujet soit reposé, et que son esprit soit vidé de toutes pensées néfastes." (Théo ricana doucement, mais Pansy l'ignora.) "Pour cela, il est important de méditer avant. Méditer, du latin "Meditare" qui signifie contempler, est une pratique d'esprit qui permet de se libérer des pensées négatives ou dérangeantes pour les contempler de loin, afin de les apprivoiser."
"Je sais ce que ça veut dire." grogna Drago, qui avait peur que le prochain cours commence avant que Pansy ne lui donne de vrais conseils.
"Il y a plusieurs techniques de méditation possibles." continua de lire Pansy sans répondre à Drago. "Mais la plus commune est aussi la plus simple : il faut se relaxer, dans une position confortable où le sujet se sent à l'aise et proche de son corps. Il doit fermer les yeux, et respirer profondément. Il doit faire la paix avec son propre esprit. Il doit contempler ses pensées, les accepter, sans se faire aspirer par elles. Ainsi, le sujet est conscient, et peut se confronter à ses propres pensées en étant calme et serein. La méditation a des bienfaits multiples : une meilleure concentration, une réduction du stress et de l'anxiété, et même une manière de soigner des douleurs chroniques."
Théo leva les yeux dramatiquement vers le ciel en entendant l'exposé de Pansy.
"Tu peux aussi le faire avec des pierres." dit-elle en ignorant le rire moqueur de Théo à côté d'elle. "Chaque pierre a un bienfait particulier."
Elle feuilleta encore une fois son manuel et posa son doigt manucuré sur une illustration de pierres précieuses :
"Par exemple, la tourmaline, la citrine et le quartz rose éloignent les mauvaises ondes, les cauchemars et les peines de coeur. Je peux t'en trouver, et tu les mets sous ton oreiller, ou dans tes mains, pour méditer avec."
Drago hocha la tête, même s'il ne comprenait pas vraiment le rapport entre la médiation et des pierres précieuses. Il s'imaginait mal avouer à Rogue qu'il avait réussi à fermer son esprit grâce à un caillou rose. Théo, qui faisait toujours semblant de lire son livre, rit encore plus fort en entendant ça. Pansy se tourna férocement vers lui :
"Tu peux arrêter de te moquer une seule fois dans ta vie, Théodore ?" cracha Pansy, les yeux noirs. Théo cessa tout de suite de rire, émettant un son étranglé.
"Je ne me moque pas !" contesta-t-il en fermant son livre. "Je dis simplement que ce n'est pas une science, c'est juste une pratique douteuse…"
"Si, tu te moques ! Tu ne peux pas admettre que la Divination a un peu de vrai dedans, tu es trop têtu pour t'ouvrir l'esprit !"
"Et tu n'aurais pas un cristal pour ça ?" demanda-t-il, à la fois amusé mais aussi un peu terrifié de la réaction de Pansy.
Cette dernière ferma violemment son manuel dans un bruit sec.
"Si, et il existe des cristaux pour empêcher d'être stupide, aussi. Tu devrais t'y intéresser." lâcha-t-elle en se levant du banc.
Elle écrasa son mégot de cigarette et le fit disparaître avec sa baguette, avant de partir vers le couloir de Métamorphose, non sans jeter un dernier regard noir à l'adresse de Théo. Elle avait l'air vraiment énervée, cette fois.
Dès qu'elle fut éloignée, Théo produisit un faux rire indifférent en se tournant vers Drago :
"Elle est vraiment cinglée, hein ? Des cristaux… Tu ne vas sérieusement pas t'abaisser à la Divination pour empêcher tes cauchemars ?"
Drago ne répondit pas, pensif. Théo finit par grommeler quelque chose sur le fait d'être entouré d'idiots, puis se replongea dans son livre.
Le reste de la journée du mardi se passa dans une ambiance tendue entre Pansy et Théo. Ce dernier faisait semblant d'être insoucieux de la réaction de Pansy, mais tout le monde pouvait voir que ça le tourmentait. Il essaya plusieurs fois de parler à Pansy, qui resta stoïque. Elle avait mal pris le fait qu'il s'en soit pris à son amour de toujours : la Divination.
Blaise, qui n'était pas là au moment où leur dispute avait éclaté, ne comprenait rien à ce qu'il se passait et décida de ne pas poser de questions au risque de raviver le débat. Mais Drago était bien trop ailleurs pour s'en soucier : il pensait à la méditation. Il avait écouté les conseils de Pansy et essaya de les appliquer à plusieurs moments dans la journée.
Vider son esprit était difficile, mais quand il réussissait à le faire, Drago se trouvait dans un état paisible qu'il ne connaissait pas. Le soir, caché par les rideaux de son lit, Drago s'assit en tailleur sur son matelas et ferma les yeux. Il respira profondément à plusieurs reprises, et se rendit compte que les pensées qui tournaient sans cesse dans sa tête étaient beaucoup plus lentes cette fois-ci. Il les vit passer devant lui sans les saisir. Granger, ses parents, Pansy, sa peur… Tout n'était devenu qu'un lointain nuage de pensées noires.
Il s'endormit léger, et n'eut aucun cauchemar cette nuit-là. Pour la première fois depuis très longtemps, il dormit d'une traite et se réveilla parfaitement bien.
Drago recommença donc à vider son esprit à des moments aléatoires, et médita avant de dormir. Le jeudi, quand Drago toqua à la porte du bureau de son professeur de Potions, c'était dans un état bien plus tranquille que les fois précédentes.
"Bonsoir Drago." salua Rogue en le voyant entrer. "Vous êtes prêt pour votre prochaine leçon ?"
"Tout à fait Professeur." dit-il en prenant place devant le bureau.
"Avez-vous fait les exercices que je vous avais conseillés ?"
"Oui. J'ai médité et vidé mon esprit à plusieurs reprises. J'ai l'impression que ça marche bien."
"Bien. Nous allons voir ça." dit Rogue en se levant.
Il pointa sa baguette devant lui. Drago respira profondément, en essayant d'ignorer l'appréhension qui grandissait dans son ventre. Sans aucun signal, Rogue prononça alors le sort, et Drago ressentit de nouveau cette légère douleur dans sa tête, et sa vision se troubla.
Les images défilèrent, comme le dimanche précédent. Blaise qui mangeait une glace au citron dans son jardin. Sa mère qui cousait quelque chose dans la véranda en fredonnant une musique. Le paysage autour de Poudlard, qu'il observait haut dans le ciel, depuis son balai.
Drago essaya de se focaliser, de reprendre le contrôle de son esprit. Petit à petit, les images se brouillèrent. Il voulut repousser Rogue, et son intrusion, mais il n'arrivait pas à le trouver. Il ressentit une douleur dans le côté droit de sa tête, vers sa tempe. Sa respiration était devenue plus saccadée.
Rogue creusa davantage. Il pouvait sentir quelque chose percer les couches de son esprit. Sans savoir pourquoi, Drago l'imaginait sous forme d'aiguille. Il la sentit entrer dans des endroits encore plus intimes de sa mémoire. Sa vision était devenue blanche et tremblante, et l'image qui apparut fut plus vive que jamais :
Granger qui buvait un thé à la cannelle en lisant son livre, à la Bibliothèque.
Il ressentait ce qu'il avait ressenti à ce moment-là : qu'elle était belle, qu'il se sentait bien, qu'il était même… amoureux d'elle…
Rogue arracha cette confession de son esprit contre son gré. Drago essaya de le détourner de cette image, il voulait l'empêcher de voir sa Granger. Il chercha l'aiguille, mais ne la trouva pas, et Granger était toujours là, en train de siroter son thé, et elle leva la tête vers lui pour lui parler de quelque chose, et Rogue était présent, à côté de lui…
Soudain, la douleur fut intenable et Drago sentit son propre corps réagir sans le contrôler. Quand il ouvrit de nouveau les yeux, Rogue était adossé contre l'antre de la cheminée, la baguette pointée vers le sol. Sa robe avait brûlé au niveau de sa poitrine.
"Qu'est-ce que…" commença Drago.
"Vous m'avez attaqué avec un sortilège. D'étincelles, je présume." dit Rogue en jetant un Reparo sur sa robe noire.
"Mais je n'ai même pas ma baguette !" se défendit Drago.
"C'était un sortilège de défense, vous n'avez pas fait exprès de le produire." expliqua Rogue d'un ton parfaitement calme, comme si c'était une discussion autour d'un thé et pas après avoir fait exploser la tête de Drago. "Votre magie a agi par impulsion. Vous ne vouliez pas que je vois ce que j'ai vu."
"Et c'est le cas." siffla Drago, soudain embarrassé. "C'était privé."
"Rien n'est privé tant que vous n'Occludez pas, Drago." dit Rogue de sa voix grave. "Si vous ne fermez pas votre esprit…"
"Mais vous ne m'expliquez pas comment faire !" s'énerva Drago.
"Vous devez vous vider de toutes vos émotions, rendre votre esprit clair et fermé !" expliqua Rogue en pointant de nouveau sa baguette vers Drago. "Vous y êtes très bien arrivé jusque là, il a simplement fallu que je plonge un peu plus dans votre esprit et vous avez paniqué."
Drago avait envie d'hurler. Il voulait à tout prix garder ses souvenirs avec Granger pour lui, il ne voulait pas donner à Rogue les armes pour l'affaiblir. Il avait réussi à rester calme, jusqu'à ce qu'elle apparaisse. Ses propres sentiments le gênait terriblement. Il avait du mal à le dire à voix haute, et voilà que son professeur fouillait à sa guise comme dans un journal intime !
"Préparez-vous, Drago…" dit Rogue en reprenant place devant lui. "Calmez-vous, videz votre esprit, ne pensez à rien, fermez vous…"
Drago inspira et ferma les yeux. Il ressentait toutes sortes d'émotions violentes à l'adresse de Rogue, mais il essaya de les mettre de côté, de prendre du recul. Il pensa à sa mère et son visage impassible et l'imita du mieux qu'il pouvait.
Il entendit la voix gutturale de Rogue à travers son voile de pensée :
"Repoussez-moi, Drago, dans votre esprit… Legilimens !"
L'aiguille entra dans son crâne, et alla directement au plus profond des couches de son esprit. Elle perça, et les images apparurent : Blaise, âgé de sept ou huit ans, qui lui confessait qu'il pensait que sa mère était une meurtrière. Ses grands yeux caramels étaient fixés sur lui et attendaient une réponse, mais avant qu'il ne puisse s'entendre lui répondre, Rogue passa à une autre image : Drago, allongé dans son lit de Poudlard, le bras gauche autour de Pansy qui lui murmurait "je t'aime"...
Drago grimaça et chercha l'aiguille dans son cerveau en suivant la source de chaleur qui s'écoulait. Les images apparaissaient, Drago tenta de les ignorer. Quand il trouva enfin l'intrusion de Rogue, il la poussa de toute sa force mentale, lui arrachant un râle de douleur.
Granger apparut, elle avait une natte dans son dos. Elle regardait Drago avec hargne, l'air de le haïr. Il n'aimait pas trop cette image. Il préférait la Granger qui riait sur leur banc, ou qui levait les yeux au ciel avec un petit sourire amusé. Il s'attarda sur la vision de Granger, puis se rappela de Rogue qui pénétrait de nouveau dans son esprit. Il localisa l'aiguille et la repoussa violemment.
Rogue sortit de son esprit et Drago s'écroula contre la chaise.
Il essaya de respirer correctement, pantelant et un peu aveuglé. Il entendait la voix de Rogue qui lui parlait, mais n'arrivait pas à déceler ce qu'il disait, à cause d'un acouphène dans son oreille droite qui l'empêchait d'entendre correctement. Il finit par se concentrer sur la silhouette de son professeur, qui était toujours debout à côté du bureau.
"-très bien, Drago. Vous avez réussi à me repousser. Maintenant que vous avez compris comment faire, nous allons le refaire, encore et encore, pour que vous maîtrisiez la pratique."
Drago répondit par un hoquet de douleur. Rogue produisit un verre d'eau, que Drago avala en une seconde. Il avait très mal à la tête.
"Vous avez un esprit vif, et enclin à l'Occlumancie." lui dit Rogue une fois que Drago ait vidé son troisième verre d'eau. "Vous pouvez y arriver. Après, vous serez maître de vos émotions."
Cette perspective était suffisamment alléchante pour relever Drago. Ses jambes tremblaient, et il avait toujours très mal à la tempe droite, mais il affronta le professeur avec un soupir de douleur.
Rogue entra dans son esprit. Il s'entraîna à le repousser, et chaque fois était plus éreintante que la fois précédente. Quand il s'effondra à moitié par terre après avoir fait sortir Rogue de son esprit pour la dixième fois, le professeur mit enfin fin à la leçon et l'autorisa à sortir, en lui conseillant de méditer davantage.
Drago retourna à la Salle Commune, la tête en vrac et l'estomac noué. Il sauta le dîner et alla directement au lit, épuisé.
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Les semaines s'écoulèrent, et le mois de Mars se termina, emportant avec lui les derniers vents frais de l'hiver. Le parc du Château abordait maintenant une nouveau paysage bien plus vert et fleuri, et surtout, ensoleillé. Les élèves commençaient à réviser dehors, ou à se promener autour du lac pendant les week-ends pour se dégourdir les jambes dans le nouvel air printanier.
Les leçons d'Occlumancie étaient toujours aussi épuisantes, mais Drago avait fait d'énormes progrès. Tous les jeudis, Rogue pénétrait dans son esprit réticent, et tous les jeudis, Drago s'entraînait à le repousser. Au début du mois d'Avril, Rogue lui proposa une alternative : au lieu de le repousser, il pouvait maintenant essayer de le dévier de sa trajectoire et de lui montrer d'autres images. C'était une entreprise ardue, qui lui demandait encore plus d'efforts qu'avant. Le vendredi matin, Drago avait l'impression de souffrir de courbatures du cerveau.
Cette nouvelle habitude fatiguait autant Drago qu'elle le fortifiait. La méditation l'aidait à mieux dormir, il angoissait moins, et il arrivait à capturer ses pensées honteuses ou privées pour les dissimuler. Par contre, les leçons d'Occlumancie étaient toujours aussi assommantes, si ce n'est plus qu'au début du mois de Mars. Tous les jeudis soirs, Drago s'effondrait dans son lit sans manger, et se réveillait le lendemain avec une douleur lancinante à la tempe droite.
Évidemment, il ne fallut pas longtemps à ses amis pour comprendre qu'il se passait quelque chose de bizarre.
"Où vas-tu, le jeudi soir ?" lui demanda brutalement Pansy, un soir dans le dortoir.
Elle était en train de jouer à une partie de Bataille Explosive avec Théo par terre, pendant que Blaise et Drago lisaient ensemble le magazine d'Attrapeur-Hebdo du mois d'Avril, qui était arrivé le matin-même. Pansy avait pris l'habitude de venir dans le dortoir les soirs où il n'y avait pas de fête, mais elle ne dormait plus dans le lit de Drago.
Ce dernier leva la tête de l'article sur la nouvelle selle qui allait sortir et qui permettait de réaliser des courbes en loopings. Il comprit que Pansy s'adressait à lui quand il croisa son regard inquisiteur.
"Nul part." répondit Drago.
"Tu rentres tous les jeudis à la même heure, exactement." dit-elle sans sourciller. "Tu ne dînes plus, et quand on te voit, tu es déjà endormi dans ton lit. Et le vendredi matin, tu es tellement groggy qu'on arrive pas à t'arracher deux mots." énuméra Pansy, avant de poser son valet de trèfles sur le paquet de cartes qui trembla.
"Mêle-toi de tes affaires, Pansy." dit Drago en retournant à son article, mais Blaise avait levé la tête aussi :
"Peut-être qu'il voit une fille, et que ça le met mal à l'aise de nous le dire."
"Non, ce n'est pas ça." dit Pansy, sûre d'elle. "Je l'aurais appris. La seule fille probable était à Beauxbâtons, et Daphné m'a dit tout à l'heure qu'elle était célibataire."
"Hé !" dit Drago en se levant franchement de son lit. "Arrêtez d'élaborer des théories sur moi quand je suis juste à côté de vous !"
"Bah, tu réponds pas, de toute façon !" intervint Théo qui analysait son jeu de cartes avec attention. "Si tu nous disais simplement où t'étais, on aurait pas à élaborer des théories…"
"Et pourquoi je dois tout vous dire ?" demanda Drago d'un ton virulent.
"Parce qu'on est tes amis." dit Blaise, un sourire aux lèvres. "Et que si tu ne veux pas que Pansy fouille toute ta vie pour découvrir la vérité, tu ferais mieux de nous le dire maintenant."
Drago soupira et se rassit dans le lit. Puis, il murmura :
"D'accord, d'accord. Je vais vous le dire."
Ses trois amis se redressèrent tous un peu, avides de connaître la raison de son absence hebdomadaire.
"Je prends des cours particuliers." dit Drago. "Avec Rogue."
Blaise grimaça. Pansy fronça les sourcils. Théo eut l'air outré.
"Des cours particuliers ?" répéta-t-il. "De quoi ?"
"D'Alchimie." mentit Drago.
"Ce n'est pas avant la sixième année." fit remarquer Théo en posant un trois de carreaux sur le tas de cartes par terre.
"Oui, mais Rogue a dit que j'avais un niveau tellement avancé en Potions que je pouvais commencer l'Alchimie pour m'avancer." dit Drago en gonflant la poitrine.
Il fut vexé de voir que ses amis avaient du mal à le croire, même si tout n'était qu'un mensonge. Pansy avait toujours les sourcils froncés et le considérait suspicieusement.
"Des cours d'Alchimie ? Vraiment ?" demanda Blaise, lui aussi peu convaincu.
"Oui ! Vous pouvez demander à Rogue !"
"Et pourquoi tu es aussi fatigué quand tu reviens, alors ?" demanda Théo.
"Tu ne serais pas fatigué, toi, si tu devais travailler un autre sujet en plus de tous ceux de notre emploi du temps ? Et avec Rogue, qui plus est ?"
Théo fut prêt à surenchérir, mais Pansy posa une carte à cet instant et tout le jeu explosa, les faisant sursauter tous les quatre.
Cette brève distraction fut suffisante pour qu'aucun ne lui pose de questions supplémentaires sur ses cours particuliers.
Il continua de passer la plupart de ses soirées avec Granger, à la Bibliothèque. Drago n'avait jamais été aussi avancé dans ses devoirs. Il connaissait toutes les leçons par cœur, exceptées celles d'Histoire de la Magie. Quand Granger était plongée dans son travail, il s'amusait à l'observer discrètement. Il connaissait ses mimiques par coeur, désormais. Un soir ou deux par semaine, elle l'accompagnait sur son banc et ils discutaient de tout et de rien sous les étoiles.
Drago adorait ces moments. Il en profitait encore plus depuis qu'il travaillait l'Occlumancie avec Rogue : savoir qu'il pouvait ranger son secret dans un coin de sa tête l'aidait à ne pas culpabiliser. Il ne rentrait pas de ces entrevues avec la boule au ventre habituelle. Au contraire, il se les remémorerait avant de dormir, tous les soirs.
Maintenant, c'était clair pour Drago. Il était éperdument amoureux de Granger. Depuis que Rogue avait arraché cette confession de son cerveau, il était obligé de constater la nature de ses sentiments. Il avait tout fait pour les nier, les protéger, et avait même essayé de se convaincre que ce n'était pas le cas. Maintenant, il en était sûr.
Heureusement, il réussissait à ranger ce secret dans un coin de sa tête. Même s'il était toujours aussi angoissé à l'idée d'être découvert en sa compagnie, il se sentait un peu plus protégé par son propre esprit.
Le mercredi précédant les vacances de printemps, Drago se faufila à la Bibliothèque. Comme à son habitude, il chercha Théo du regard, qui était installé sous une grande fenêtre, en train d'écrire un essai. Drago rejoignit la table reculée par un détour dans les rayons de la Bibliothèque pour ne pas que son ami le voit, et alla retrouver Granger.
Elle était déjà installée, thé sur sa droite, parchemins et livres étalés sur toute la table.
"Bonsoir Granger." dit-il pour la saluer.
Elle répondit par un vague geste de la main, trop concentrée par ce qu'elle faisait pour enregistrer sa présence. Drago s'installa donc en face d'elle, en grommelant sur le fait qu'elle prenait toujours trop de place.
Drago sortit son livre de Potions et commença à lire en silence. Granger était focalisée sur son bouquin et n'avait toujours pas parlé, ou même levé les yeux. Drago pourrait être un ogre qu'elle ne l'aurait pas remarqué.
Soudain, alors que Drago lisait tranquillement depuis plusieurs minutes, Granger poussa un soupir d'agacement tellement fort que Drago sursauta sur sa chaise.
"Désolée." dit-elle en reposant son livre sur la table.
"Qu'est-ce qui t'arrive, Granger ?" demanda Drago, étonné de l'entendre se plaindre aussi fort dans la Bibliothèque.
"Je ne comprends pas cette rune, ça me rend folle !"
Elle posa son doigt sur le livre qu'elle lisait. La page entière était remplie de symboles que Drago ne connaissait pas. Granger lui montra une rune spécifique, une sorte de triangle inversé sur un trait horizontal.
"Parce que tu arrives à comprendre les autres ?" demanda Drago en analysant la page remplies de symboles bizarres.
Granger fit les gros yeux.
"Ne sois pas stupide. Personne n'est capable de lire ça, sauf peut-être Dumbledore. Je m'aide des dictionnaires."
Elle montra les livres ouverts, éparpillés sur la petite table.
"Et tu ne retrouves pas là-dedans ?" demanda-t-il, mais en voyant la réaction de Granger, il réalisa que c'était une question un peu bête.
"À l'évidence, non. J'ai cherché dans tous les livres, tous les dictionnaires, j'ai même demandé de l'aide à Madame Pince, mais je ne trouve pas."
Elle poussa un autre soupir et but sa tasse de thé sans quitter le texte des yeux.
"Est-ce que c'est pour ça que tu n'es pas venue dîner ?" dit Drago. "Depuis quand es-tu là ?"
"Depuis la fin de mon cours de Sortilèges." maugréa-t-elle.
"Depuis 16h ?! Granger…"
"Ce n'est pas le symbole de la fertilité, il y aurait une barre au milieu… Et ce trait, là, c'est sûrement lié à la protection…" chuchota-t-elle à elle-même, complètement indifférente à l'inquiétude de Drago.
"Ce n'est même pas urgent !" continua-t-il tout de même. "Ce n'est pas le vendredi, ton cours d'Études de Runes ?"
À cette phrase, Granger leva la tête vers lui, les sourcils froncés. Elle avait l'air étonnée que Drago puisse connaître son emploi du temps.
"Hum…? Si ?"
"Alors, pourquoi tu le fais ce soir ? On est mercredi."
"Ce n'est pas pour un devoir." dit-elle en guise d'explication.
"Quoi ? Mais alors, à quoi ça te sert ?"
"Pour ma culture personnelle." dit-elle très sérieusement. "Je déteste ne pas comprendre quelque chose. Si je ne découvre pas ce qu'est cette rune, je vais y penser tout le temps."
Drago eut un petit sourire. Il était persuadé d'avoir déjà entendu cette phrase, provenant de la bouche de Théo.
Granger retourna à son texte incompréhensible. Drago remarqua qu'elle avait mis un parchemin à sa gauche, avec plusieurs mots qu'elle avait barré. Probablement des suppositions.
"Tu ne peux pas demander à ta professeure vendredi ?" proposa Drago, ce qui interrompit une nouvelle fois la lecture de Granger.
Il avait l'impression que son regard devenait de plus en plus noir à mesure qu'elle le levait vers lui. Ses cheveux étaient dans un état désastreux, encore plus que d'habitude, à force d'avoir tiré dessus.
"Et ne pas savoir d'ici là ? Impossible." dit-elle, avant de retourner à son livre.
Drago aurait aimé l'aider, mais il était incapable de déchiffrer le moindre symbole de cet alphabet. Il regarda paresseusement les dictionnaires autour d'elle, mais il ne trouva pas la rune en question. En plus, il était à l'envers.
Elle finit par capituler une vingtaine de minutes plus tard. Elle referma violemment son dictionnaire et se passa une main sur le visage, frustrée.
"Laisse tomber pour l'instant." conseilla Drago en constatant sa mauvaise humeur. "La nuit porte conseil. Tu verras plus clair demain."
"Je vais être incapable de dormir." grogna-t-elle, et Drago dû réunir toute sa force mentale pour ne pas rire en entendant cette exagération.
"Cette matière a l'air incroyablement chiante." dit Drago en regardant une nouvelle fois son parchemin rempli de ratures.
Granger eut un petit sourire qui étira le coin de ses lèvres.
"C'est ce qu'Harry me dit tout le temps."
Drago n'aimait pas trop l'idée de dire la même chose que Potter, mais il préféra ne pas riposter, de peur de mettre Granger dans une pire humeur encore.
"C'est quoi ce livre, si ce n'est pas pour un devoir ?" demanda-t-il pour changer de sujet.
"Un livre que Professeure Babbling nous a conseillé de lire pour les examens."
Drago trouva ce nom parfaitement adéquat à la matière qu'elle enseignait.
"Tu veux dire que tu révises déjà pour les examens ?" demanda-t-il.
Ce n'était pas très étonnant. Granger parlait déjà des BUSES de l'année prochaine. Quand elle entendit cette question, elle le regarda bizarrement.
"Évidemment. Toi aussi, non ?"
Elle fit glisser son regard vers le livre qu'il tenait entre les mains. Ne voulant pas avouer qu'il venait étudier uniquement pour passer du temps avec elle, il haussa lassement les épaules :
"Si, mais surtout les matières que j'aime bien."
"Quoi ?" s'étonna-t-elle. "Mais il faut tout étudier ! On est déjà en Avril !"
Granger sortit son planning de révisions, qui était posé sous un amas de papiers. D'habitude, elle le cachait à Drago, ne voulant pas qu'il lise son précieux programme. Cette fois-ci, cependant, elle le déplia machinalement et Drago put apercevoir ce qu'elle avait écrit dessus.
C'était un cahier, séparé en sept colonnes qui représentaient les jours de la semaine. Drago soupçonna Granger de l'avoir agrandi magiquement, parce qu'il paraissait immense entre ses mains. Sur chaque colonne, il était écrit quelque chose, mais la quantité de phrases et de couleurs ne lui permettait pas de comprendre la moindre chose.
"Aujourd'hui, j'étais censée réviser ce chapitre d'Etudes de Runes et le dernier cours d'Astronomie." dit-elle, plus à elle-même que lui. "Mais je n'ai même pas eu le temps de finir le chapitre de Runes ! Donc, je dois décaler l'Astronomie à demain, en même temps que la Botanique. Vendredi, c'est ma soirée Potions, parce que je dois revoir tous les antidotes dont Rogue a parlé la semaine dernière, sauf que je devrai peut-être rajouter un peu de Botanique, au cas-où je ne finirais pas la veille. Ou alors, je peux mettre la Botanique le samedi, pendant ma séance avec Neville ? Il m'aidera à comprendre le cours sur le pus de Bubobulb…"
À mesure qu'elle parlait à voix haute, le planning ajoutait des lignes sur le papier. Le mot "Botanique" fut rayé du vendredi et se mit plutôt sur la colonne du samedi, en jaune. Drago avait du mal à comprendre le code couleur. "Harry" était en bleu clair et "Ron" était en orange, et le mot "Repos" était en bleu foncé, généralement le soir. Il supposait que les lignes jaunes étaient sur Londubat. Il y avait même des titres de livres, potentiellement ses lectures du moment, surlignés dans d'autres couleurs incompréhensibles.
Il remarqua que son propre nom n'était pas là. Pourtant, elle passait le plus clair de son temps de révisions avec lui. Ça lui fit un peu mal au cœur.
Une fois que son planning surchargé parut satisfaire Granger, elle le rangea dans son sac et soupira une dernière fois.
"Je vais à la Salle Commune." annonça-t-elle en rangeant ses parchemins. "Désolée pour mon stress, c'est juste que cette semaine a été surchargée et cette stupide rune me hante depuis hier."
"Tu devrais passer par les cuisines en rentrant." conseilla Drago. "Manger quelque chose avant d'aller dormir. Tu as raté le dîner."
Le visage de Granger retrouva ses traits grognons aussitôt qu'il eut prononcé cette phrase. Elle montra du doigt le badge de la S.A.L.E accrochée à sa robe.
"Hors de question." asséna-t-elle.
"Tu ne peux pas aller te coucher avec le ventre rempli uniquement de thé !" dit Drago.
"Tu ne viens jamais dîner les jeudis soirs non plus, et pourtant je ne te dis rien !" répondit Granger du tac au tac.
Cette fois-ci, ce fut au tour de Drago d'être décontenancé. Depuis quand Granger analysait-elle son emploi du temps ?
"Ce n'est pas la même chose." répondit-il évasivement, bien que c'était exactement la même chose.
"Je mangerai quelque chose avant de dormir." promit-elle. "Bonne nuit, Drago."
Et elle partit en remettant son sac sur l'épaule. Drago était sûr qu'elle mentait et qu'elle ne mangerait pas. Cette fille était tellement butée.
Il referma son livre. Il n'avait plus envie de travailler quand elle n'était pas là. Il se leva et aperçut Théo, qui était toujours assis à sa table.
Quand Drago s'approcha de lui dans son dos, il vit que trois essais étaient posés devant lui, probablement ceux de Crabbe et Goyle.
"Hey." dit Drago en le rejoignant.
"Oh, hey. Je t'avais pas vu arriver." dit le brun en reposant sa plume pour se frotter les paupières.
"Tu en as encore pour longtemps ?" demanda Drago qui feuilleta les parchemins.
"Non, plus qu'une dizaine de minutes. Tu viens réviser ?" demanda Théo en voyant le sac de Drago.
"Non, pas vraiment. Mais je peux t'attendre avant de retourner au dortoir, si tu veux."
Théo lui désigna galamment la chaise en face de lui. Drago s'assit et ne prit même pas la peine d'ouvrir son livre, il se contenta d'observer Théo qui écrivait rapidement. L'encre qu'il utilisait était bleue foncée, légèrement nacrée, ce qui rendait son essai assez joli.
"Tu aurais un synonyme du verbe "saupoudrer" ?" demanda Théo sans lever la tête.
"Euh… Semer ? Parsemer ? Répandre ?" proposa Drago.
"Je ne pense pas que Crabbe connaisse le verbe "parsemer"..." dit Théo en contemplant son essai. "Répandre, c'est pas mal."
Drago contempla la plume de Théo qui glissait contre le papier. C'était une vision assez hypnotisante. Il se rendit compte à quel point il était fatigué quand il faillit piquer du nez. Les leçons d'Occlumancie l'épuisait beaucoup trop.
Il détourna le regard et posa ses yeux sur le sac de Théo, accroché à la chaise derrière lui. Plusieurs manuels dépassaient de l'ouverture, dont le même dictionnaire bleu que Granger lui avait montré un peu plus tôt. Drago avait oublié que Théo prenait cette option, lui aussi. De temps en temps, il lisait aussi des textes comme ceux de Granger, avec des runes et des symboles étranges.
Drago déchira un bout de parchemin et dessina à la va-vite le symbole au triangle retourné et attendit que Théo finisse l'essai pour lui demander :
"J'ai vu cette rune dans un texte de Potions, tout à l'heure, et je ne sais pas lire ça… T'as une idée de ce que ça veut dire ?"
Théo posa à peine une seconde ses yeux sur le bout de parchemin qu'il répondit instantanément :
"Rune de l'Inversion."
"Quoi ?"
"C'est la Rune de l'Inversion. Ça veut dire "inverser" en alphabet runique scandinave."
"Oh. Je vois." dit Drago, étonné que Théo puisse reconnaître une rune aussi vite.
"Qu'est-ce qu'une rune faisait dans un livre de Potions ?" demanda-t-il, étonné.
"Aucune idée."
Ils retournèrent au dortoir peu de temps après. Drago ne resta pas longtemps à la fête, qui n'en était pas vraiment une ce soir-là, simplement des petits groupes d'amis dans des coins de la pièce et une musique beaucoup plus douce que d'habitude. Depuis que Pansy semblait aller mieux, les fêtes avaient considérablement diminuées en intensité.
Drago attendit que Théo soit couché dans son lit et que Blaise soit dans la douche pour ressortir discrètement dans le couloir des cachots. Il monta discrètement les marches de l'escalier, vérifia plusieurs fois qu'un préfet ne passait pas par là, puis sortit dans le parc de Poudlard. Il appela Ébène dans un murmure, et le hibou arriva une minute plus tard, directement depuis la volière.
Ébène avait dû être réveillé d'un gros sommeil, parce qu'il était un peu râleur et refusa d'un coup de bec agacé de se faire caresser la tête. Il accepta cependant de se faire accrocher le mot de Drago, un simple morceau de parchemin où il était écrit le mot "Inverser", sans signature ou explication, et un muffin.
Drago murmura l'adresse de destination à Ébène dans un chuchotement. Le hibou prit son envol aussitôt, jusqu'en haut de la tour des Gryffondors. Drago n'arriva vite plus à le voir, à cause du plumage noir du hibou qui se confondait avec le ciel noir encre.
Il attendit quelques minutes en dansant d'un pied sur l'autre. Il avait peur que l'une des colocataires de Granger n'ouvre la fenêtre à sa place. Elle ne risquerait pas de comprendre le mot, mais elle pourrait peut-être reconnaître Ébène, qui avait une couleur particulière. Il commença à regretter son idée quand le hibou revint en piqué, avant d'atterrir sur son bras. Il tenait un papier dans son bec.
Drago le prit et Ébène s'envola de nouveau sans attendre, avec un hululement plaintif.
Le papier ne contenait que deux mots, de l'écriture ronde et soignée de Granger :
"Merlin, merci."
Drago sourit. Il pouvait voir son soulagement à travers. Elle n'avait véritablement pas réussi à s'endormir à cause de ça.
Il souriait encore quand il retourna au dortoir.
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Le lendemain, cependant, Drago ne souriait plus du tout.
Il était dans le bureau de Rogue, comme tous les jeudis. Apparemment, Rogue avait passé une sale journée, ou alors il était d'une humeur massacrante sans raison. En tout cas, Drago se prit une dose bien plus importante d'Occlumancie que les fois précédentes.
"Concentrez-vous, Drago !" répéta Rogue inlassablement.
Drago essaya. Au début, il arrivait à repousser l'aiguille que son professeur lui insérait mentalement, mais après une heure, il était trop épuisé pour repousser ses assauts. Il manquait de force mentale. Rogue parvint à entrer dans les profondeurs de son esprit facilement, dévoilant des images de ses parents, de lui qui pleurait. Quand il arriva à Théo qui lisait un livre moldu dans le dortoir, Drago lâcha un râle de douleur.
"Vous n'Occludez pas, Drago !" dit Rogue en se retirant de son esprit.
"Je ne peux pas ! Vous voyez bien que je suis épuisé !" se lamenta Drago en s'appuyant contre le bureau, pantelant.
"Vous croyez que votre assaillant sera conciliant ?" s'énerva Rogue. "Vous pensez sincèrement que le Seigneur des Ténèbres vous laissera une petite pause pour que vous puissiez vous reposer ?"
Cette question glaça le sang de Drago immédiatement. Il se releva et observa son professeur, qui ne cilla pas.
"Comment…"
"Vous devez être préparé, Drago." dit brutalement Rogue. "La menace est plus proche que jamais. Il faut que vous soyez en mesure de cacher vos émotions."
Drago sentit ses mains trembler. Il voulut poser plus de questions, demander à Rogue ce qu'il sous-entendait par cette menace. Mais avant qu'il puisse ouvrir la bouche, le professeur de Potions brandit sa baguette :
"Legilimens !"
Un cri s'échappa de la gorge de Drago. L'aiguille entra dans son cerveau fatigué, sans ressentir le moindre obstacle. Drago essaya vainement de la repousser, mais la fatigue et la peur le paralysaient trop pour qu'il puisse faire quoi que ce soit. Il laissa les images défiler devant lui, son père qui hurlait, ou ses cauchemars. Quand Rogue parvint à extraire une image de Granger qui l'appelait par son prénom, Drago rassembla son reste d'énergie pour reprendre cette image, ce souvenir si précieux, des mains de Rogue.
Il n'avait pas réalisé qu'il était tombé par terre. Ce fut quand il entendit la voix pénétrante de Rogue que Drago ouvrit les yeux et vit le pied d'un tabouret.
"Relevez-vous." ordonna Rogue.
Drago le fit avec difficulté. Rogue ne l'aida pas, il resta simplement devant lui à l'observer.
"Je ne pense pas que vous réalisez la menace qui pèse sur elle si votre cerveau se retrouve analysé par quelqu'un de dangereux." dit calmement Rogue.
Un frisson désagréable parcourut le dos trempé de sueur de Drago. Il le réalisait que trop bien, au contraire. C'était une peur qui l'habitait quotidiennement depuis qu'il s'était assis à sa table de la Bibliothèque en début d'année.
Depuis plus longtemps, même.
"Legilimens !" lança Rogue avant que Drago puisse se préparer.
La douleur fut plus perçante que jamais. Il entendit un cri et comprit que c'était le sien. Sa tempe était sur le point d'exploser tant sa tête était en ébullition. Même les images étaient floues à cause de la fatigue, pourtant, Rogue essaya sans relâche de les arracher de sa conscience.
Drago ne contrôlait plus rien. Il oublia même, le temps de quelques secondes, où il se trouvait. Il voyait les images se succéder sans les reconnaître. Il vit sa mère en train de couper des fleurs dans le jardin du Manoir et eut une envie irrépressible de pleurer, sans savoir pourquoi. Ses jambes tremblaient.
Après ce qu'il sembla un quart d'heure de fouille mentale, Rogue lui dit "Concentrez-vous, Drago ! Repoussez-moi !" et Drago essaya de le faire. Rogue prit une image de Granger, et Drago se concentra sur elle pour ne pas flancher. Il respira, essaya de se détendre, de ne pas ressentir la douleur qui lui perçait les tempes.
Il se concentra suffisamment pour trouver l'aiguille et tenter de la repousser, mais n'y arriva pas. Elle était trop enfoncée dans les couches de sa tête pour être retirée. Drago essaya de remplacer l'image de Granger par autre chose, mais sa force mentale s'épuisait de plus en plus, il finit par voir un fond noir…
Soudain, animé par une dernière étincelle de magie, Drago riposta. Il n'eut aucune idée de comment son corps avait fait pour produire de la magie sans en avoir conscience lui-même, il ressentit simplement une défense mentale, comme une impulsion, et soudain, Drago pénétra dans l'esprit de Rogue, qui n'avait pas prévu ça et se retrouva désarmé.
Une image précise se dessina. Il vit une fillette rousse, avec des yeux verts émeraudes, qui souriait. C'était un vieux souvenir, comme une photo abîmée. Elle ne bougeait pas, comme si elle était figée. Puis, Rogue Occluda et l'image disparut.
Quand Drago retourna dans son corps, il fut surpris de voir qu'il se tenait toujours debout. Sa tête lui faisait toujours aussi mal, et il voyait un peu flou. Il parvint à discerner Rogue en face de lui, une main sur le cœur et la baguette pointée vers le sol.
"Vous… Vous pouvez y aller, Drago." dit son professeur d'une voix faible. "Reposez-vous, et méditez bien avant le cours de jeudi prochain."
Drago voulut faire remarquer que le jeudi prochain tombait pendant les vacances, mais il n'en avait pas la force. Il avait la sensation qu'il ne fallait pas débattre avec Rogue, ce soir. Il n'avait aucune idée de la signification du souvenir qu'il avait réussi à arracher à son professeur sans le vouloir, mais il devait être assez important au vu de la réaction de Rogue.
Drago tituba jusqu'à l'entrée du bureau. Il avait la tête qui tournait. Il avait soif. D'eau fraîche. Et il voulait s'allonger dans son lit pour ne plus avoir des vertiges.
Il ouvrit difficilement la porte. Le couloir était plongé dans l'obscurité. Rogue avait dépassé l'horaire du cours particulier, il devait être bien après 20h.
Drago se tourna vers la porte de la Salle Commune, mais sursauta en apercevant les silhouettes de deux garçons dans le couloir.
Théo et Blaise. Ils l'attendaient. Drago s'approcha d'eux.
"Ah bah quand même !" s'exclama Théo en le voyant arriver. "20h10, un peu tard pour un cours particulier !"
"Tout va bien, Dray ?" demanda Blaise, inquiet.
Drago devait être très pâle pour qu'il comprenne son état sans qu'il ne parle. Drago ne sentait plus ses mains et son estomac était sur le point de se retourner. Il secoua la tête.
"Drago ? Qu'est-ce que t'as ?" demanda Théo, mais Drago ne pouvait plus le voir tant sa vision était devenue floue.
"Je… J'ai besoin…" balbutia-t-il.
Le poids de ses propres jambes fut difficile à supporter, et il s'effondra contre ses deux meilleurs amis. Théo et Blaise le rattrapèrent de justesse.
"Wow, Dray ! Qu'est ce qui t'arrive ?!" s'exclama Blaise.
"C'est Rogue qui t'a fait mal ? Qu'est-ce que tu foutais là-bas ?" demanda Théo d'une voix chargée d'effroi.
Drago hocha la tête, prêt à dévoiler la véritable raison des cours particuliers de Rogue, mais il s'évanouit avant d'avoir pu répondre.
