Drago


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Quand Drago ouvrit les yeux, les murs blancs autour de lui étaient trop vifs. Son mal de tête s'intensifia et il ferma les yeux avec un grognement de douleur. Ces murs n'avaient rien à voir avec son dortoir, qui était sombre, vert foncé, reposant. Ici, ça sentait l'antiseptique et les flammes sous les chaudrons.

Drago voulut se tourner mais se rendit compte que le lit qu'il occupait était bien trop petit. Il rouvrit les yeux péniblement. Ce fut à cet instant qu'il comprit qu'il se trouvait en fait à l'infirmerie, et que Théo l'observait avec de grands yeux curieux de l'autre côté du lit.

"Il est réveillé !" s'exclama-t-il.

Drago referma les yeux.

"Madame Pomfresh !"

Il connaissait suffisamment Pansy depuis de nombreuses années pour reconnaître sa voix entre mille. L'intensité avec laquelle elle prononça le nom de l'infirmière lui indiquait qu'elle était angoissée. Il pouvait presque dessiner son visage inquiet dans sa tête : ses fins sourcils noirs qui encadraient ses yeux sombres, sa bouche tordue par le stress, ses mains agrippant les draps du lit.

Une voix plus stridente lui parvint d'un peu plus loin :

"Ah ! Ça doit être la potion d'éveil qui fait effet !"

La voix se rapprocha de son oreille :

"Mr. Malefoy ? Mr. Malefoy, m'entendez-vous ?"

Drago voulut maugréer un commentaire désagréable mais ne parvint qu'à former un grommellement ensommeillé. Sa tête lui faisait mal, comme si son cerveau était contusionné. Son genou le faisait souffrir aussi, mais il n'avait aucun souvenir de pourquoi.

"Drago, si tu entends quelque chose, ouvre les yeux."

Cette fois, c'était la voix de Blaise. Elle était grave et posée, même dans les situations d'urgence. Le fait qu'il l'appelle "Drago", et pas "Dray" fut la raison pour laquelle Drago ouvrit de nouveau les yeux.

Il cligna plusieurs fois pour s'habituer à la lumière agressive autour de lui. Pansy, Théo et Blaise étaient tous les trois debout autour du lit. Madame Pomfresh se tenait à sa gauche, le visage marqué par l'incompréhension.

"Mr. Malefoy ?"

"C'est moi." dit-il en toussant à moitié.

"Comment vous sentez-vous ?" demanda l'infirmière.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" demanda Drago à Théo et Blaise.

"Tu t'es effondré sur nous, et tu t'es évanoui." expliqua Blaise en regardant Drago droit dans les yeux, ignorant Madame Pomfresh à côté. "Tu n'as même pas eu le temps de nous expliquer, c'est arrivé juste après…"

Il sembla hésiter une seconde sur le terme qu'il devait utiliser, avant que Théo complète à sa place :

"Ta séance de révisions."

Drago fronça les sourcils. Il se souvint du visage de Rogue, de sa séance difficile d'Occlumancie. Il avala difficilement sa salive. Il comprenait mieux d'où venait son mal de tête atroce vers sa tempe droite.

"Oh." réussit-il à dire. "Depuis combien de temps je suis endormi ?"

"Quelques minutes." répondit l'infirmière d'un ton sévère. "Mr. Malefoy, devrais-je vous informer qu'il n'est vraiment pas commun pour un élève de s'évanouir en plein milieu des couloirs, je souhaiterais avoir une explication sur cet…"

"Arrêtez, vous voyez bien qu'il est mal !" interrompit Pansy avec un regard noir.

Madame Pomfresh parut offensée, mais se tut. Elle plia ses mains devant elle et attendit une explication de la part de Drago silencieusement.

Ce dernier utilisa son cerveau surchauffé pour trouver une bonne excuse.

"Je me suis entraîné à pratiquer les sorts non-verbaux." expliqua Drago d'une voix faible. "J'ai voulu prendre de l'avance… Mais je suis allé trop vite et je me suis fatigué."

Madame Pomfresh le regarda comme si elle essayait de déterminer s'il mentait ou non. Pendant un instant, il crut qu'elle allait lui mettre une heure de retenue, mais ce n'était pas possible, il n'avait techniquement pas enfreint de règles de l'école. Ce n'était même pas encore l'heure du couvre-feu.

L'infirmière pinça les lèvres, l'air d'avoir eu les mêmes réflexions que Drago. Puis, elle agita sa baguette au-dessus de lui et un tableau de diagnostic apparut, avec des constantes et des graphismes de toutes les couleurs. Ça rappela à Drago le planning de révisions de Granger qu'il avait aperçu.

"Vous avez 40° de fièvre." annonça Madame Pomfresh, comme si c'était de sa faute. "Vous êtes surmené, vous avez usé votre magie à trop fortes doses, vous êtes déshydraté, vous manquez de fer, vous n'avez pas mangé depuis trop longtemps, votre genou a un hématome, et votre…"

L'infirmière fronça les sourcils en lisant quelque chose sur le sort de diagnostic. Elle agita sa baguette une seconde fois et un petit schéma d'un cerveau se dessina plus nettement. L'infirmière l'analysa, puis demanda à Drago :

"Quels sorts avez-vous essayé, Mr. Malefoy ?"

"Des sortilèges faciles." mentit-il. "De Répulsion, notamment…"

Madame Pomfresh regarda encore quelques secondes le schéma avant de l'effacer.

"Les classes sont faites dans le but de vous faire pratiquer des sorts accessibles." dit-elle sur un ton d'avertissement. "Si les professeurs les plus érudits de ce Château ont décrété que des élèves de quatrième année n'étaient pas prêts à réaliser des sortilèges trop difficiles, vous vous doutez bien que c'est pour une bonne raison, n'est-ce pas ?"

Elle se tourna pour observer Théo, Blaise et Pansy en même temps, qui hochèrent la tête, bien qu'ils n'étaient pas concernés. Drago fit de même.

"Bien. Si je vous reprends à vous surmener de la sorte, j'en ferai part à votre Directeur de Maison." dit-elle, ferme. "Est-ce bien clair ?"

Drago acquiesça une seconde fois, notant l'ironie de la menace.

"Miss Parkinson, Mr. Nott et Mr. Zabini, vous êtes priés de rejoindre votre dortoir." continua l'infirmière. "Je garderai Mr. Malefoy en observation pour cette nuit et il sera présent au cours de demain."

Ses trois amis hochèrent la tête, déçus. Pansy lui jeta un dernier regard troublé en partant.

Une fois qu'ils furent partis, Drago s'autorisa à fermer les yeux de nouveau, mais c'était sans compter la voix toujours plus stridente de la maudite infirmière :

"Voici un plateau repas, et des somnifères. N'oubliez pas de boire un grand verre d'eau avant, ainsi que la potion pour baisser votre fièvre."

Drago ouvrit les yeux et mangea le plus vite possible, pour ne pas se faire réprimander. Quand il termina son assiette, Pomfresh sembla satisfaite et lui fit un hochement de tête en guise de bonne nuit. Drago reprocha mentalement ses amis de l'avoir emmené ici plutôt qu'à la Salle Commune, où il aurait connu un meilleur réveil, puis prit toutes ses potions et s'endormit dans un sommeil sans rêve.

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Son sommeil médicamenteux fut dissipé par un sentiment désagréable. Comme si un son pénible l'avait réveillé. Mais rien ne trahissait le silence de l'infirmerie, qui était plongée dans le noir. Ça devait être le milieu de la nuit.

Drago se redressa avec peine, la tête toujours lancinante et un goût acidulé sur les lèvres. Il focalisa sa vision sur la pièce, et sursauta brusquement quand il vit quelqu'un assis à côté de son lit.

C'était Rogue. Il était assis sur une chaise et observait Drago silencieusement. Il était, comme à son habitude, vêtu exclusivement de noir, ce qui contrastait avec les murs blancs de l'infirmerie.

La tâche noire que Drago avait aperçu retrouva sa netteté et il put lire les traits - indéchiffrables - de son professeur de Potions.

"Bonsoir Drago. Je ne voulais pas interrompre votre sommeil." annonça Rogue de sa voix gutturale.

Drago n'eut qu'un ricanement gargouillé. Il était encore assoupi à cause des somnifères, si bien que la scène devant ses yeux paraissait tout droit sortie d'un rêve. Pourtant, le regard noir et profond de son professeur reflétait cet aura énigmatique qu'il était impossible de retranscrire mentalement.

"Je suis venu pour m'assurer que vous alliez bien." continua Rogue. "J'ai cru comprendre que notre séance de révisions vous a quelque peu… affaibli."

Drago, dont la bouche avait miraculeusement cessé de fonctionner, acquiesça lentement.

"J'en suis désolé." dit-il, ce qui lui sembla être un grand effort. "Mon but n'était pas de vous fatiguer à ce point-là. J'ai voulu tester vos limites, et je suppose que je suis allé trop loin. Cet incident ne se reproduira plus."

Drago acquiesça de nouveau.

"Je voulais simplement que vous compreniez…" Rogue prit une grande inspiration, et Drago vit qu'il serrait son poing contre sa cape noire. "Les dangers dans lesquels vous vous trouvez. La menace est plus proche que jamais."

"Qu'est-ce que vous voulez dire, professeur ?" demanda Drago, sa voix tremblotante de sommeil et de peur.

Rogue hésita un long moment. Quand il réfléchissait, il ressemblait à une statue. Drago attendit sagement que le débat intérieur qu'il devait avoir se termine, et finalement, Rogue soupira.

Il remonta la manche de sa cape noire et révéla son avant-bras. Il était pâle, mais au milieu, un dessin était marqué à même la peau. Un dessin noir, d'une tête de mort entourée d'un serpent. Drago ne pouvait pas distinguer grand-chose à cause de l'obscurité de la pièce, mais il était presque sûr que la cicatrice bougeait.

Il était sûr d'avoir déjà vu cette cicatrice sur le bras de son père, qui lui avait montré plusieurs fois pour lui faire peur, quand il était petit. Mais celle de Lucius était bien plus pâle et blanche, comme les cicatrices de Théo. Celle de Rogue était noire encre et boursouflée.

"Connaissez-vous ce symbole, Drago ?" demanda le professeur, comme si c'était une question en plein milieu d'une classe.

"Oui… Je crois…" dit-il avec un frisson.

"C'est la Marque des Ténèbres." expliqua Rogue.

Drago se souvint à cet instant d'où venait le symbole. "C'est la Marque des Ténèbres !" avait hurlé Théo à la Coupe du Monde de Quidditch, en pointant du doigt le même symbole, dans le ciel. Le symbole envoyé par les Mangemorts, qui avait fait paniquer tout le monde.

Drago avait déjà entendu énormément de choses sur Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Trop de choses, en fait. Il avait toujours eu du mal à démêler les informations, entre les souvenirs de ses parents et les légendes liées à son nom. Il avait toujours vu le Seigneur des Ténèbres comme un présage, une sorte menace omniprésente, qui planait au-dessus de leurs têtes, et qu'il avait pris l'habitude d'ignorer.

En voyant la cicatrice remuer sur la peau de Rogue, Drago comprit que ce n'était plus une légende. Que son père, Rogue, et ses amis avaient raison. Qu'il se pourrait qu'il soit de retour, même si Drago n'avait aucune idée de ce que cela impliquait.

"Mon père…" balbutia Drago.

"Oui, votre père a la même marque." dit Rogue. "Elle s'est un peu effacée avec les années, mais elle s'est réveillée en début d'année. Elle brûle. Souvent. Ce qui veut dire…"

"Que le Seigneur des Ténèbres est de retour." conclut Drago.

Rogue ne fit même aucun geste pour le confirmer ou le nier. Il observa Drago de ses yeux perçants, toujours assis sur sa chaise de l'autre côté du lit. Quand il rabattit sa manche sur son avant-bras, Drago se demanda à quelle fréquence elle devait brûler, et si ça l'avait empêché de dormir cette nuit. Il repensa à la lettre de son père, de la phrase "Je sens Son retour", et se demanda si celle de son père brûlait autant que celle de Rogue.

"Drago." reprit Rogue. "Je veux que vous sachiez que peu importe ce qu'il se passe, je serai toujours de votre côté."

"Vous dites ça parce que vous êtes ami avec mes parents." dit-il avec un soupçon de reproche dans sa voix.

"Pas nécessairement." répondit Rogue. "Je pense que vous avez une grande aptitude en magie, et j'ai confiance en vous. Je vous demande simplement de me croire quand je vous dis que je fais ça pour vous protéger."

Soudain, une angoisse qui était constamment logée dans le creux de son estomac s'éveilla et l'écrasa violemment.

"Professeur, je dois l'en empêcher." dit Drago à toute vitesse, soudain essoufflé. "Je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose, je ne veux pas que ce que je ressens pour elle la mette en danger ! Protégez-la, je vous en supplie !"

Drago s'était avancé vers lui dans sa panique, les draps empêtrés dans ses jambes. Il fixait son professeur, essayant de lui montrer à travers son regard sa supplique et sa sincérité.

Rogue n'eut aucune expression faciale, exceptée un petit tique de la bouche.

"Je vous l'ai déjà dit, Drago…" dit-il de son ton le plus grave. "Je peux vous aider, avec l'Occulmancie… Pour la protéger, vous devez vous fermer, vous devez fortifier votre esprit. La protéger dans votre esprit."

Drago hocha successivement la tête :

"Oui, je le ferai, je le ferai ! Je m'entraînerai, je méditerai, je vous le promets ! S'il vous plaît, professeur, n'abandonnez pas les leçons, ce genre d'incident ne se reproduira plus !"

"Je vous verrai jeudi dans mon bureau." annonça alors Rogue en se levant de sa chaise, sa cape volant autour de lui. "Nous continuerons les leçons. En attendant, méditez. Et nous essayerons de repousser mon intrusion plus doucement, pour que vous ne vous fatiguiez pas."

Rogue tourna les talons, sur le point de quitter la pièce. Mais Drago continua :

"Professeur… S'il vous plaît… Protégez-la, elle aussi. S'il vous plaît, faites les leçons d'Occlumancie avec elle, elle y arrivera en très peu de temps, elle est brillante, elle a besoin d'aide aussi…"

Le professeur le regarda avec un mélange de pitié et d'indifférence. Drago se sentait partir de nouveau dans le sommeil, mais il lutta encore un peu :

"S'il vous plaît, professeur Rogue, vous devez la protéger aussi, elle risque plus que moi, elle a besoin de vous… Encore plus que moi, Professeur, s'il vous plaît…"

"Je suis désolé, Drago." dit finalement Rogue. "Je ne peux pas la protéger. Elle a déjà choisi ses convictions, et je ne peux pas l'empêcher."

Drago voulut contester, insister, supplier, la peur échauffant son cœur, sa tête, mais il fut rattrapé par le sommeil au moment où Rogue enleva le sortilège de Silence autour d'eux, et Drago s'endormit à contrecœur.

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Le lendemain matin, un thé fumant et une tartine de beurre l'attendait sur la table de nuit de son lit d'hôpital, avec une potion revigorante à côté de son assiette. Drago prit tout, en ignorant la boule désagréable dans ses entrailles.

La conversation avec Rogue était encore vive dans sa tête, maintenant qu'il était débarrassé des médicaments. Sa tête ne lui faisait plus mal, et il ne se sentait plus drainé de son énergie. La potion parvint à le remettre encore plus d'aplomb et Madame Pomfresh l'autorisa donc à retourner à la Salle Commune avant les cours, non sans un dernier avertissement sur la magie avancée.

Sur le chemin, Drago se fit une résolution.

Si le Seigneur des Ténèbres était bel et bien "de retour", ou du moins proche de l'être, il devait y faire face. Il redoublerait d'efforts dans l'Occlumencie en méditant trois fois plus que ces derniers jours. Et une fois qu'il aura les capacités nécessaires pour protéger Granger dans son esprit, il lui apprendrait l'Occlumancie à son tour. Il était sûr qu'elle parviendrait à fermer son esprit encore plus rapidement que lui.

Si Rogue ne voulait pas l'aider, alors il le ferait lui-même.

Il était hors de question qu'elle se retrouve en danger par sa faute, ou celle de Potter.

Il en était convaincu quand il arriva à la porte de la Salle Commune. Mais il avait passé tellement de temps à rédiger mentalement ses promesses qu'il avait oublié un petit détail.

"DRAGO !"

Pansy se jeta sur lui pour l'enlacer, la voix perçante d'inquiétude. Ses cheveux étaient dans un état catastrophique, tout décoiffés. Drago réalisa qu'elle avait probablement dormi dans le canapé de la Salle Commune.

Drago l'étreignit à son tour, inspirant cette odeur réconfortante de tabac froid.

"Tout va bien Pansy, je ne suis pas mort…"

"Tu aurais très bien pu l'être, si Théo et Blaise ne t'avaient pas trouvé là !"

Elle désigna les deux garçons d'un geste de la main, juste derrière elle. Eux non plus n'avaient pas l'air en forme. Ils agitèrent leurs mains pour saluer Drago avec des sourires crispés.

"Je suis touché par votre inquiétude." affirma Drago. "Mais je vais bien, j'étais juste épuisé !"

"Je suis épuisé quand j'ai terminé trois devoirs en une soirée." corrigea Théo de sa voix d'intello. "Toi, tu t'es évanoui parce que tu avais trop utilisé ta magie. Grosse différence."

"J'ai juste fait mon Drago dramatique !" dit-il en prenant place sur le canapé de la Salle Commune, devant la cheminée.

"Ton Drago dramatique ?" répéta Blaise avec un amusement peu dissimulé, en prenant place sur le fauteuil à côté de lui. "Tu veux dire, le même qui a sauté devant un hippogriffe pour l'offenser ? Ou celui qui s'est fait transformer en fouine parce qu'il a voulu se battre contre Potter ?"

"Celui-là même." grimaça Drago.

"Ou alors, celui qui s'est déguisé en Détraqueur pour distraire Potter pendant un match de Quidditch ?" proposa Théo en s'asseyant à côté de la table basse, par terre, un sourire aux lèvres.

"Ouais, vous avez compris l'idée." grommela Drago, qui n'aimait pas trop cette liste.

"Tout cela ne nous dit pas comment tu as fait pour te mettre dans cet état." commenta Pansy, qui ne riait pas du tout. Elle s'installa à côté de Drago dans le canapé et croisa ses bras sur sa poitrine. "Qu'est-ce que tu faisais ?"

"Est-ce que Rogue t'a pris en duel ?" demanda Théo, à moitié sérieux.

"Est-ce qu'il t'a fait tester une potion que tu avais mal préparé ?" soumit Blaise.

Drago soupira. Ses amis avaient visiblement remué la question dans tous les sens. Et il ne pouvait pas les blâmer, il aurait eu la même réaction si l'un d'entre eux s'était évanoui sur lui en sortant du bureau de Rogue. Ils devaient brûler d'impatience de connaître la raison.

Drago se passa une main dans les cheveux, pensif.

"Je… Je ne peux pas vous expliquer." admit-il après plusieurs secondes.

"Quoi ?" s'impatienta Théo. "Tu passes la nuit à l'infirmerie après un cours particulier et tu t'attends à ce qu'on soit satisfait de cette réponse ?"

"Dis-nous, Drago ! Qu'est-ce que tu nous caches ?" demanda Pansy, au bord de l'impatience.

"Je sais que c'est difficile à entendre." concéda le blond. "Je sais que vous avez envie de savoir. Mais je ne peux pas le dire, du moins, pas pour l'instant. Je vous promets que vous serez les premiers informés dès que j'aurai le contrôle sur la situation. Mais si je vous le dis, ça risque d'être dangereux pour vous."

"Dangereux ?" gémit Pansy. "Si c'est dangereux pour nous, ça l'est forcément pour toi. Qu'est-ce que Rogue t'a demandé de faire ?"

"Pansy, je…"

"Drago !" interrompit-elle d'une voix forte. "Je n'ai pratiquement pas fermé l'œil de la nuit tellement j'étais inquiète ! J'ai pensé à tous les scénarios possibles, et maintenant tu me dis que c'est dangereux ? Est-ce que c'est ton père ? C'est lui qui t'a ordonné de faire quelque chose ?"

"Non, Pans', ce n'est pas mon père." dit Drago dans un murmure. "C'est moi, juste moi. Je dois faire quelque chose, mais je vous promets que ça vaut le coup. C'est pour vous protéger. Et si je vous le dis, je vous mettrai en danger. Alors, ayez confiance en moi, et attendez un petit peu, et je vous le dirai quand je serai sûr que vous ne risquez rien."

Pansy et Théo le regardaient, hésitants. Blaise, lui, analysait la situation sans un mot, détendu comme toujours.

"Vous me faites confiance, non ?" ajouta Drago face à ce silence.

"Oui, mais si tu nous mets dans la confidence, je te promets qu'on ne dira rien !" dit Pansy.

"C'est juste que ça nous paraît bizarre, on aimerait savoir de quoi tu par…" commença Théo.

"Stop." dit Blaise, ce qui coupa court la phrase de Théo.

Pansy et Théo se tournèrent vers lui, plus confus encore.

"Arrêtez." continua Blaise d'un ton sec et décisif. "On fait confiance à Drago, non ? S'il estime qu'on ne doit pas savoir, c'est pour une bonne raison. Arrêtons d'insister."

Pansy fut sur le point de contester, mais le regard résolu de Blaise l'en empêcha.

Au bout d'une minute entière de réflexions, les deux capitulèrent.

"D'accord, ne nous dis rien pour l'instant." grommela Théo, qui détestait être en dehors d'une confidence. "Mais tu as intérêt à nous le raconter dès que tu le peux !"

"Et si tu t'évanouis encore une fois, tu es obligé de nous le dire." déclara Pansy d'une voix qui n'appelait pas à la discussion.

"Deal." dit Drago.

Ils restèrent tous les quatre assis autour de leur canapé de la Salle Commune, tandis que cette dernière se vidait. Ils ne parlèrent pas, chacun plongé dans ses pensées. Drago contemplait les sculptures qui surplombaient l'énorme cheminée en granit devant lui.

Finalement, il dit :

"Qu'est-ce qu'on a, ce matin ?"

"Botanique, dans dix minutes." répondit aussitôt Théo, qui devait être en train de regarder sa montre de peur d'arriver en retard.

"Pas très envie d'y aller." dit Drago. "On sèche ?"

Blaise et Pansy acquiescèrent immédiatement.

Ils se replongèrent dans un silence. Drago se disait qu'il pouvait profiter de cette heure libre avant le prochain cours pour méditer un peu. Au bout de plusieurs minutes, Blaise s'adressa à Théo :

"Tu n'es pas obligé de sécher, Théo, si tu veux y aller, vas-y…"

À peine avait-il prononcé cette phrase que Théo se retrouva debout, ses livres de Botanique dans la main et déjà en train de marcher vers la sortie :

"Merci, Blaise ! À tout à l'heure ! Désolé Drago !"

Et il s'en alla, flanqué par Crabbe et Goyle qui ne devaient pas connaître le chemin vers les serres. Pansy eut un petit rire moqueur.

Pendant que Blaise et Pansy partageaient une cigarette, Drago ferma les yeux et s'entraîna à méditer. Il vida son esprit reposé. Il parvint à prendre les souvenirs et à les loger dans des couches plus profondes de son cerveau, sans s'y attarder plus que nécessaire.

Il répéta cet exercice plusieurs fois, en contrôlant sa respiration, jusqu'à ce que Blaise lui tapote l'épaule et le sorte de sa transe :

"Le cours de Sortilèges va commencer."

Drago hocha la tête. L'heure était passée en quelques minutes.

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Hermione


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Maman,

Joyeux dimanche de Pâques !

Le repas de famille s'est bien passé ? Mamie est venue ? J'espère que l'agneau était aussi bon que celui que tu avais fait, l'année avant que je parte à Poudlard. Est-ce que papa a réussi à cuisiner ses hot cross buns ? Je ris toute seule quand je me souviens de l'année où ils avaient brûlé dans le four et que papa avait boudé toute la journée.

Ici, les élèves ne fêtent pas vraiment Pâques. Ron dit que c'est des traditions moldues. Pourtant, ça ne les empêche pas de s'empiffrer de chocolats, et Ron le premier ! D'ailleurs, je t'envoie des œufs en chocolat (sans sucre) achetés à Pré-Au-Lard hier. Je pense que papa va les aimer : ils sont censés fondre dans la bouche.

Pas grand chose de nouveau depuis la lettre de la semaine dernière. J'ai obtenu la meilleure note de la classe de Sortilèges, et j'ai obtenu quinze points pour Gryffondor pendant le cours de Botanique de lundi dernier. En Métamorphose, on a appris un sortilège pour modifier la couleur d'un objet, c'était très difficile mais vraiment passionnant ! La baguette de Neville a eu un raté et il a changé la couleur du chapeau de McGonagall (vert) en un jaune criard atroce. Heureusement, elle l'a bien pris et a même eu un sourire.

Harry va bien, parce que la troisième Tâche du Tournoi n'est que fin Juin. Il a retrouvé des couleurs. Ron va bien aussi, comme à son habitude. Je prends mes petits-déjeuners avec Ginny, qui est un peu débordée de travail mais arrive toujours à s'entraîner seule au Quidditch.

La S.A.L.E. avance doucement, mais pour l'instant ça reste encore très théorique. D'ailleurs, je sais que tu ne peux pas porter le badge au cabinet parce qu'il bouge et que tes patients se poseront des questions, mais je t'en envoie un quand même, et un pour papa.

En fait, il y a bien une nouvelle… Il y a ce garçon.

Je ne saurais pas trop comment te décrire ma relation avec lui, mis à part qu'elle est conflictuelle. Pas comme avec Ron, parce que Ron est mon ami, ce garçon-là n'est pas mon ami, il ne fait même pas partie de ma Maison !

Pourtant, je crois que je l'aime bien.

Harry et Ron ne sont pas au courant. Je passe du temps avec lui à la Bibliothèque, pour réviser les cours et faire nos devoirs ensemble. Il est très intelligent et cultivé. Il peut être drôle, quand il est de bonne humeur. Mais il est aussi ingrat parfois. Des fois, il m'énerve tellement que je me dis que c'était la dernière fois que je lui adressais la parole.

Mais je reviens toujours le lendemain.

Je ne sais pas pourquoi.

Bref. Je suis à jour dans mon travail, dans mes devoirs, et dans mon planning de révisions. Mais je suis un peu perdue au niveau des garçons.

Je te joins trois autres lettres : une pour Papa, une pour Mamie si elle reste avec vous pour Pâques, et une pour Danny. Dis leur qu'ils me manquent tous les trois beaucoup. Et tu me manques aussi, Maman. Un peu trop.

Encore joyeuse Pâques et à la semaine prochaine,

Avec amour,

Hermione.

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"Ronald Weasley, si je dois encore une fois te dire que ce n'est pas sale mais S.A.L.E, tu ne pourras plus recopier un seul de mes devoirs de ta vie." avertit Hermione avec un regard noir en direction du rouquin.

"Pardon. S.A.L.E." dit Ron avec un sourire à peine caché. "Je disais donc : est-ce que tu es encore en train de travailler dessus ?"

"Non. Je suis en train de réviser pour l'Astronomie." dit Hermione en revenant à son livre, posé sur la table de la Salle Commune des Gryffondors.

"Quoi ?! Mais pourquoi faire ?! C'est les vacances, Hermione !" se lamenta Ron avec un soupir.

"Parce que j'ai un planning de révisions, et que les vacances ne m'empêchent pas de travailler, au contraire, ça me laisse du temps libre pour pouvoir travailler encore plus." expliqua Hermione de sa voix trop aigüe.

"Parfois, j'ai vraiment l'impression de passer mes soirées avec McGonagall." marmonna Ron. "À toi, Harry."

"Tour en E5." énonça Harry, plongé dans leur partie d'échecs version sorcier.

Sa tour avança sur le plateau et renversa brusquement le Pion de Ron. Ce dernier, absolument pas perturbé, énonça à son tour :

"Cavalier en E5 !"

Le Cavalier arriva à son tour sur la case et perça la tour d'Harry avec sa lance. La Tour se cassa dans un grand bruit et Ron balaya les morceaux avec sa main pendant qu'Harry jurait.

Tout ceci dans un vacarme, qui rappela à Hermione pourquoi elle ne révisait pas à la Salle Commune, mais à la Bibliothèque.

Elle essaya de retourner à ses révisions, à moitié tentée de réaliser un sort de Têtenbulle sur elle pour ne plus entendre la partie d'échecs d'Harry et Ron à côté d'elle.

Hermione se reconcentra sur les noms des constellations qu'elle était en train d'apprendre par cœur.

"Allez, Hermione, Ron a raison !" intervint Harry sans la regarder, toujours plongé dans sa partie d'échecs. "Arrête un peu de réviser, c'est les vacances !"

"Pourquoi faire ?!" s'impatienta Hermione. "Vous jouez aux échecs, ça se joue qu'à deux !"

"On peut jouer à autre chose, si tu veux. Une partie de Bataille Explosive ?" proposa Ron en envoyant son Fou en D4 en même temps.

"Non, merci." dit Hermione, qui n'aimait pas les jeux qui impliquaient une explosion, ou du bruit, en général.

Elle se replongea dans son livre et tourna la page, mais se retrouva face à l'étude de la constellation du Drago. Rien qu'en lisant son nom, elle sentit des rougeurs monter et elle ferma finalement le manuel d'Astronomie.

"Tu sais ce qui serait bien ?" demanda Harry à Ron avec un soupir triste. "Qu'on puisse faire du Quidditch."

"Ça, tu l'as dit. Ça me manque de voler." dit le rouquin en soupirant à son tour.

"Moi, je dois dire que ça ne me manque pas du tout." dit Hermione.

"Pourquoi ?!" demandèrent simultanément les deux garçons, abasourdis.

"Attendre dans le froid, dans les gradins ?! Vous regarder vous prendre des balles en pleine face, des coups de batte, tomber de vingt mètres de haut ?!"

"J'apprécie le fait que tu t'inquiètes pour nous après avoir précisé le froid." marmonna Harry avec un sourire.

"Et on ne se prend pas des coups de batte." précisa Ron. "La seule fois où c'est arrivé, c'est George qui a mal contrôlé son dérapage dans le jardin de la maison…"

"Quand bien même, c'est un sport dangereux." dit-elle.

"Je préfère toujours ça à ce maudit Tournoi." objecta Harry avec un froncement de sourcils derrière ses lunettes.

Hermione devait avouer qu'elle était d'accord avec lui.

"En plus, comment peux-tu savoir que tu n'aimes pas le Quidditch ?" demanda Ron, toujours en observant le plateau devant lui, recouvert de morceaux de pièces d'échecs.

Hermione fut indignée par cette question.

"Je te ferais dire que je suis venue voir tous les matchs de Quidditch de l'équipe de Gryffondor !"

"Oui, parce qu'Harry est dans l'équipe !"

"Évidemment, pour quelle autre raison je m'infligerais ça ?!" demanda Hermione, révoltée.

"Merci, Hermione." dit ironiquement Harry.

"Ce que je veux dire," reformula Ron en levant enfin les yeux vers elle. "C'est que tu n'as jamais vraiment fait de Quidditch."

"Je déteste voler." dit-elle.

"Non, tu as décidé que tu détestais voler pendant les cours de Vol sur Balai de première année, ce qui était logique puisque les balais sont tous horribles et que tout le monde a eu peur."

"J'ai le vertige, Ron." dit Hermione avec une pointe d'agacement. "Je déteste voler tout court."

"Comment est-ce que tu peux voler autrement qu'en balai ?" demanda Ron, perplexe.

"En avion, Ron." expliqua Harry.

"Oh, est-ce que c'est ces gros machins volants qui transportent les gens d'un pays à un autre ? Cavalier en H3. Mon père voulait en prendre un pour aller en Egypte l'année dernière, mais ma mère a refusé. Échecs et mat, Harry."

"Quoi ?! Mais j'étais sur le point de capturer ta Reine !" protesta Harry en voyant son Roi faire tomber son épée pour s'avouer vaincu.

"Désolé." dit Ron avec un sourire fier, absolument pas désolé. "Hermione, qu'est-ce que t'en dis ? Tu pourrais essayer de voler sur un balai, je suis sûr que tu aimerais ça."

"Comment pourrais-je aimer voler sur un balai ?" demanda-t-elle. "J'ai le vertige, je ne sais pas comment ils fonctionnent et en plus, on ne peut pas faire de Quidditch cette année à cause du Tournoi !"

Hermione savait que Ginny s'entraînait au Quidditch avec une autorisation de Madame Bibine, mais elle ne voulait pas leur avouer ce secret.

"Tu pourras essayer cet été, au Terrier !" dit Ron.

"Essayer quoi ?" demanda soudain George, qui apparut de nul part et prit place sur l'une des chaises autour de la table qu'ils occupaient, suivi par Fred.

"Essayer de voler sur un balai." expliqua Ron à son frère avant qu'Hermione n'ait pu intervenir.

"Oh oui, ça serait tellement drôle de te voir voler, Mione !" s'exclama Fred.

"C'est non. Je ne veux pas monter sur un balai."

"Oh, allez !" insista Ron.

"C'est non !" répéta Hermione, en croisant les bras.

"Peut-être qu'on pourrait te défier, à la place ?" proposa George, un éclair malicieux dans les yeux, comme souvent.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda Hermione.

"On te met au défi de faire quelque chose, si tu perds, tu dois monter en balai cet été, si tu gagnes, tu n'as pas à le faire." expliqua Fred.

"Bonne idée !" dit Ron.

"Quelle sorte de "chose" ?" demanda-t-elle, suspicieuse.

Elle avait appris à ne pas faire confiance aux jumeaux sans avoir l'énoncé exact avant.

"Je ne sais pas, vous décidez." dit George avec un haussement d'épaule.

"Mais elle va forcément gagner !" contesta Seamus, qui surgit tout à coup pour s'incruster à la conversation. "Hermione est forte dans tout !"

"Oh, on pourrait se défier de nommer le plus de constellations sur la carte astrale ?" proposa-t-elle en montrant son livre d'Astronomie. "Comme ça, on joue et on travaille en même temps !"

"Mais c'est nul." dit Ron avec une moue. "Et je n'aime pas l'Astronomie."

"Réciter le plus de sorts ? Deviner le symbole de runes ? Métamorphoser cette tasse de thé en tortue ?" énuméra Hermione.

"Non, un truc fun !"

"Une partie d'échecs ?" proposa Fred en montrant le plateau entre Harry et Ron.

"Oh oui ! Bonne idée !" s'exclama Ron en rangeant son plateau pour recommencer une partie.

"Mais ce n'est pas juste, je suis nulle en échecs !" s'écria Hermione.

"Et alors, tu crois que je suis fort en runes ?" demanda Ron avec un rire.

Hermione le regarda préparer le jeu en se mordant la lèvre. Elle n'avait jamais gagné contre Ron, il était très fort en échecs. Même Harry peinait à le battre, alors qu'il jouait très souvent l'un contre l'autre.

Plusieurs élèves s'étaient approchés pour observer la partie. Il fallait dire qu'un tournoi d'échecs était un bon moyen d'animer la Salle Commune, un dimanche soir de vacances. En plus, Fred et George prenaient un malin plaisir à crier dans la Salle Commune : "Partie endiablée sur le point de commencer, approchez-vous !"

Hermione prit la place d'Harry à contre-coeur qui lui glissa un "bon courage" dans l'oreille.

"Ok, je veux bien jouer aux échecs." dit Hermione, qui se fit acclamée par le "public" autour d'eux. "Mais à une seule condition."

"Quoi ?" demanda Ron, méfiant.

"Si je gagne, tu dois porter le badge de la S.A.L.E. pendant un mois, tous les jours." dit-elle.

Les élèves attroupés autour de la table murmurèrent un "ooooouuuhh" collectif. Ron hésita, puis lui tendit la main :

"Deal."

Ils se serrèrent la main. La paume de Ron était chaude contre la sienne, et Hermione essaya de ne pas penser au fait qu'elle avait serré la main de Drago Malefoy de la même manière, deux fois.

"Mesdames et Messieurs, préparez-vous pour LA partie d'échecs des Gryffondors !" cria George à l'assemblée. "Hermione Granger et Ronald Weasley, en tête à tête pour décrocher la victoire tant convoitée !"

"Une partie suivie par l'intégralité des Gryffondors, et qui restera probablement marquée dans les mémoires !" reprit Fred en faisant de grands gestes de la main. "Commentée par George Weasley et moi-même, et présidée par l'arbitre totalement neutre et objectif, Harry Potter…"

"... Ah bon ?" s'étonna Harry.

"... Qui aura pour but de contester n'importe quelle faute ou triche par l'un des deux candidats ! Est-ce que nos joueurs sont prêts ?"

"Oui." répondirent Ron et Hermione.

Ils établirent un moyen de déterminer qui prenait quelle couleur : baguette, pierre, cape, la version sorcière de pierre, feuille, ciseaux. Hermione fit la pierre et Ron la baguette, donc Hermione put décider de quelle couleur elle voulait ses pions. Elle choisit les blancs.

La partie commença, et les élèves autour d'eux se turent. La Salle Commune était plongée dans le silence, tous les yeux rivés sur les mouvements du plateau. De temps en temps, Fred ou George faisaient un petit commentaire, à la manière d'un match de Quidditch, sauf qu'il était lent et pas très stimulant. Quand ils furent lassés de commenter leurs gestes, Fred et George se lancèrent plutôt dans la distribution de chocolats et de farces et attrapes.

Hermione était très concentrée. Elle avait vu jouer Ron et Harry des centaines de fois, elle connaissait les stratégies de Ron. Elle savait comment il utilisait sa Reine, ou comment il faisait des barrages avec ses Pions pour détourner l'attention de la vraie action qu'il voulait faire.

Quand elle utilisa sa Tour pour prendre la Reine de Ron de l'autre côté du plateau, le public échangea des murmures surexcités. Hermione n'aurait jamais pensé prendre autant de plaisir à jouer aux échecs dans sa vie. Ron jura entre ses dents et utilisa son Fou pour prendre un Pion d'Hermione qui le gênait.

La partie dura une vingtaine de minutes. Hermione était focalisée sur la technique qu'elle essayait de réaliser : le mat de l'escalier, une technique que Ron lui-même lui avait apprise en deuxième année. Elle était en train de déplacer sa seconde Tour en ignorant ses pièces qui lui conseillaient une autre stratégie en même temps.

"Tour en A8 !" répéta Hermione plus fort à sa Tour, qui refusait de coopérer.

La pièce consentit finalement à se déplacer. Ron bougea son Fou et déclara :

"Échecs et mat."

"Quoi ? Non, mon Roi a son Cavalier pour le protéger."

Le Roi blanc lâcha l'épée qui s'écrasa contre l'échiquier. Hermione ouvrit grand les yeux pendant que tout le monde s'exclamait et félicitait Ron.

"Non, non, mon Cavalier était juste là, il est parti sur une autre case sans que je le demande ! Arbitre !" appela-t-elle d'une voix paniquée.

"Désolé Mione." dit Harry en secouant la tête, les lèvres pincées. "Tu as déplacé ton Cavalier deux tours avant, pour empêcher la Tour de Ron de prendre ta Reine. Ron a gagné."

"Bonne partie, Mione !" dit Ron, au comble de la joie. Il tendit sa main vers elle : "J'ai hâte de te voir sur un balai cet été."

Hermione lui serra la main, les dents serrées. Elle détestait perdre. Ron avait un sourire jusqu'aux oreilles.

"Tous ceux qui veulent une photo dédicacée de Miss Granger sur un balai, mettez-vous en rang devant nous s'il vous plaît !" annonça Fred à la Salle Commune.

.

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Drago


.

.

Dès le lundi des vacances, Drago attendit la fin du dîner pour aller toquer à la porte du bureau de Rogue.

"Entrez." annonça la voix grave de Rogue.

Drago entra et Rogue ne parut pas surpris de le voir.

"Mr. Malefoy ?"

"Je souhaiterais continuer les leçons d'Occlumancie, s'il vous plaît." dit Drago, une fois qu'il eut fermé la porte.

"Nous sommes censés travailler l'Occlumancie le jeudi soir." objecta Rogue.

"Je sais. Mais étant donné que nous sommes en vacances, j'aimerais profiter de mon temps libre pour m'entraîner un maximum."

Rogue l'étudia silencieusement, ses yeux noirs et perçants défilant lentement sur son visage. Drago ne savait pas comment il pouvait le savoir, mais il eut le sentiment que son professeur de potions était satisfait par cette demande.

"Je vois." répondit simplement Rogue. "Avez-vous médité ?"

"Oui, plusieurs fois depuis…"

Il ne termina pas sa phrase, ne voulant pas revenir sur le moment embarrassant où Rogue était venu le voir à l'infirmerie en plein milieu de la nuit. Rogue fit un bref hochement de tête et se plaça devant Drago :

"Nous nous entraînerons un peu tous les soirs, et après les vacances, vous viendrez les lundis et jeudis, avant le dîner. Cela vous va ?"

Drago hocha la tête. Puis, il inspira profondément, et entendit à peine Rogue prononcer le sort.

Il sentit l'aiguille entrer dans son esprit, mais la méditation et la préparation de son esprit avant l'aida à avoir moins mal. Il n'eut aucune peine à la trouver et la repousser. Rogue réessaya plusieurs fois, au début trop tempéré, comme s'il craignait que Drago ne retombe dans les pommes.

Après plusieurs intrusions, que Drago réussit à repousser habilement, Rogue se fit plus intrusif. L'aiguille perça plus profondément les couches, plus fort, mais Drago réussit à se concentrer suffisamment pour la repousser sans mal. À la fin de la séance, Drago était resté debout, et Rogue paraissait impressionné -du moins, autant que son visage impassible pouvait le démontrer.

"Continuez de méditer et de fermer votre esprit régulièrement. Bon travail."

Drago sortit du bureau, fatigué mais fier de lui. Il avait réussi à contrer les intrusions et commençait à comprendre les techniques d'Occlumancie.

Quand il se coucha dans son lit, Drago médita pendant de longues minutes, l'esprit vide et la respiration calme. Il pouvait sentir ses battements du cœur tranquilles pulser contre son cou. Il pouvait entendre les bruits ambiants du dortoir : son matelas qui grinçait un peu quand il bougeait, l'eau contre la fenêtre, la musique de la Salle Commune atténuée par les murs épais.

Une fois sa méditation terminée, il s'autorisa à penser à Granger, et s'endormit paisiblement.

.

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Hermione


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Hermione fut surprise d'entendre des bruits de pas s'approcher de la table reculée. Elle s'attendait à ce que ce soit un élève qui cherche un livre, mais c'était bel et bien Drago. Il n'était pas venu depuis le mercredi avant les vacances.

"Oh, c'est toi." dit-elle, sous l'impulsion.

Drago lui fit un drôle de regard en prenant place en face d'elle.

"Évidemment que c'est moi. Tu reçois beaucoup de monde, à cette table ?"

"Non, mais ça fait quelque temps que tu n'es pas venu." dit Hermione, puis grimaça intérieurement en écoutant sa propre déception percer sa voix. "Je pensais que tu voulais faire une pause de révisions pendant les vacances."

"Et risquer de me prendre une leçon de morale par la Plannigeuse de Révisions en Chef ? Non merci." se moqua Drago.

Il sortit ses affaires, puis se mit au travail. Hermione fit de même, et pour la première fois depuis le mercredi précédent, elle parvint à se concentrer. Comme si la présence de Drago à côté d'elle l'aidait à travailler. Comme s'il absorbait tout le reste et lui permettait de retrouver la sérénité dont elle avait besoin.

Elle termina sa fiche de révision d'Histoire de la Magie, avec les dates clés qu'elle devait absolument connaître pour les examens. Elle reposa sa plume contre l'encrier, souffla sur l'encre fraîche de sa fiche et observa son travail, satisfaite. Puis, elle releva la tête distraitement, et eut un petit cri d'horreur.

Drago était en train de sortir un énorme oeuf en chocolat de son sac. Tellement énorme, que quand il le posa sur la table, Hermione ne pouvait même plus voir sa tête.

"Malefoy !" s'exclama-t-elle, choquée.

"Oui, Granger ?" dit-il, toujours dissimulé par l'œuf en chocolat.

"Qu'est-ce que tu crois que tu es en train de faire ?"

"Je mange un œuf en chocolat, ça ne se voit pas ?" répondit-il sarcastiquement.

Il cassa un morceau et le bruit résonna autour d'eux. Hermione était horrifiée.

"Tu ne peux pas manger du chocolat dans une Bibliothèque ! Madame Pince va te tuer !"

"Relax, Granger, si tu en voulais, il suffisait de m'en demander…"

"Je suis sérieuse, Malefoy !" dit Hermione d'une voix suraiguë. "Range ça tout de suite !"

Il soupira bruyamment, mais décala l'énorme œuf tout de même, pour pouvoir la regarder d'un air blasé.

"Ce n'est pas juste, tu bois du thé tout le temps !" pesta-t-il. "J'ai faim, moi !"

"J'ai eu l'autorisation de Madame Pince pour boire du thé." dit Hermione. "Elle va être absolument furieuse quand elle te verra en train de manger du chocolat ici !"

"Je ne mettrai pas de chocolat sur ses précieux livres !" dit Drago, en levant les yeux au ciel. "Et en plus, elle n'est jamais venue près de cette table depuis Septembre dernier !"

Il n'avait pas tort. Madame Pince n'était jamais venue vers la table qu'ils partageaient secrètement. Le seul moment où ils pouvaient l'entendre, c'était quand elle fermait la fenêtre de l'autre côté de l'étagère. Ça n'empêcha pas Hermione de retrousser ses lèvres dans une mine sévère.

"Ouah, tu fais vraiment penser à Madame Pince, là." admit Drago. "D'accord, d'accord, je le range."

Drago sortit sa baguette et la pointa sur l'oeuf :

"Nolite conflandum."

Hermione fronça le nez.

"Je ne connais pas ce sort." dit-elle, surprise. "Qu'est-ce que c'est ?"

"Un sortilège pour ne pas qu'il fonde." expliqua Drago.

Hermione, qui n'était pas habituée à apprendre un sort autre part que dans un livre, nota intérieurement la formule. Elle observa Drago ranger le chocolat dans sa boîte comme s'il s'agissait d'une relique très fragile.

"Pâques était dimanche dernier." l'informa-t-elle.

"Je suis au courant."

"Tu gardes ce chocolat depuis cinq jours ?"

"Bien sûr que non." répondit-il. "J'en reçois un tous les matins."

"Ah. Évidemment." dit-elle avec un petit rire.

Elle aurait dû se douter que sa mère lui envoyait un œuf de Pâques tous les jours. Drago réalisa pourquoi elle se moquait et répliqua tout de suite :

"Je te ferais dire que de tous ceux que j'ai reçus, celui-ci est le seul que j'ai réussi à avoir."

"Comment ça se fait ?"

"Parce qu'une créature particulièrement tenace et discrète s'empare de mes chocolats tous les matins depuis cinq jours pour les manger." dit-il, faussement irrité.

"Une souris ?" essaya de deviner Hermione.

"Non. Théo."

"Théo ?" répéta-t-elle, les sourcils froncés.

"Oui." dit Drago avec un sourire en coin. "Théo. Il adore le chocolat. Complètement obsédé par ça. Il en mange dès qu'il lit un livre, c'est-à-dire, tout le temps. Il dévore les boîtes et les œufs en chocolat. Blaise est en fait presque effrayé, il l'a menacé de l'emmener à l'infirmerie ce matin. J'ai profité que Théo conteste pour ranger l'œuf dans mon sac."

Hermione ne put s'empêcher de sourire tendrement en entendant ça. Elle n'avait jamais entendu Drago parler de la sorte de ses amis, et son sourire prouvait qu'il tenait énormément à Théodore. Elle savait que si Crabbe et Goyle avaient pris son précieux chocolat, il n'aurait certainement pas réagi de la sorte. Peut-être aurait-il piqué une crise au milieu de la Grande Salle.

"Je le comprends." finit-elle par dire. "Moi, je bois du thé quand je lis."

Elle montra sa tasse de thé fumante à côté d'elle. Draco haussa les sourcils :

"Tu sais quoi ? Je crois que j'avais déjà remarqué." dit-il, plein d'ironie.

Elle but une gorgée de thé pour s'empêcher de répondre.

"Et toi ?" demanda-t-il quand elle reposa la tasse. "Tu as reçu du chocolat pour Pâques ?"

Hermione fut étonnée par cette question. Drago n'était pas le genre de garçon qui faisait la conversation. Elle se dit qu'il était dans une humeur remarquablement bonne, ce qui était assez étrange et plaisant à voir.

"Mes parents ne sont pas du genre à envoyer du chocolat. Ils sont dentistes." expliqua-t-elle.

"Oh. Les Médicomages moldus des dents, c'est ça ?" demanda-t-il.

"Oui." répondit-elle, surprise qu'il s'en soit souvenu. "Ils ne sont pas très fans du sucre en général. Chez les Moldus, ça donne des caries."

"Peut-être que je devrais dire ça à Théo pour qu'il arrête de manger deux kilos de chocolat par jour." grommela-t-il.

"Mrs. Weasley m'en a envoyé, par contre." continua Hermione. "Elle le fait chaque année, mais…"

Hermione grimaça et, plutôt que d'expliquer à Drago, elle préféra lui montrer. Elle sortit de son sac le tout petit œuf qu'elle avait reçu le matin-même de la part de la mère de Ron, plus petit que la paume de sa main. Elle le posa sur la table et Drago le contempla bizarrement.

"Qu'est-ce que c'est que ce truc ?" demanda-t-il, presque dégoûté par une confiserie si petite.

"Un œuf de Pâques."

"Il est minuscule." dit-il, en insistant bien sur le dernier mot.

"Oui. Ron et Harry en ont reçu un énorme, eux."

Drago releva la tête pour plonger son regard dans le sien, la tête légèrement penchée sur le côté. Ses yeux étaient d'un gris foncé et profond.

"Pourquoi le tien est si petit ?" demanda-t-il.

Hermione regarda le tout petit oeuf en essayant de ne pas paraître trop triste par la confession qu'elle s'apprêtait à faire :

"Je crois que Mrs. Weasley lit la Gazette des Sorciers."

La compréhension détendit les traits incrédules de Drago.

"Oh. Je vois." dit-il simplement.

Hermione s'était attendu à ce qu'il fasse une blague sur le fait que les Weasley étaient trop pauvres pour se permettre de lui offrir du chocolat, mais il ne le fit pas. Il avait dû comprendre qu'elle était un peu blessée.

Ils observèrent le mini-oeuf au milieu de la table en silence pendant plusieurs secondes. Puis, Drago reprit le morceau cassé de son propre oeuf en chocolat et le sépara en deux :

"Tiens, prends-en un morceau."

Hermione refit les gros yeux :

"Non ! Nous sommes à la Bibliothèque !"

Il sourit, la main toujours tendue vers elle, le morceau de chocolat offert dans sa paume :

"Oh, allez, Granger ! Juste un morceau !"

"C'est un énorme morceau, il est presque aussi gros que mon œuf !"

"Et s'il reste encore dans ma main plus longtemps, il va fondre, et le chocolat va tâcher tes fiches d'Histoire de la Magie, et tu ne pourras plus lire les dates, et Madame Pince va rappliquer pour te virer de la Bibliothèque…"

Hermione prit le morceau de chocolat, plus pour le faire taire qu'autre chose. Satisfait, il prit son propre morceau cassé et s'apprêta à le manger. Hermione, toujours hésitante à faire ça en plein milieu de la Bibliothèque, murmura :

"Le règlement stipule…"

"Merlin, Granger, mange-le !" coupa Drago avec un soupir. "Madame Pince ne le saura jamais !"

"Si elle me voit en train de manger ici, je dirais que tu m'as forcée à le faire."

"Je prendrai tout le blâme." dit Drago en mettant les mains en l'air. "Je ferai des heures et des heures de retenue. D'accord ?"

Hermione acquiesça, puis croqua finalement dans le chocolat en faisant attention à ne pas mettre de miettes sur la table.

Il était délicieux. Hermione avait rarement mangé un chocolat aussi bon de sa vie. Il était fondant à souhait, croquant, et couvert de praline. Hermione termina le morceau bien trop vite à son goût.

"Pas mal, non ?" dit Drago.

Par réflexe, elle se lécha le bout des doigts avec un vague gémissement d'approbation. Drago la regarda faire avec un regard à la fois surpris et amusé. Avec ses manières d'aristocrates coutumières, il préféra s'essuyer les mains avec un mouchoir.

"Tu en veux encore ?" proposa-t-il.

"Ça ne serait vraiment pas bien…" dit-elle, bien que son estomac lui réclamait un nouveau morceau.

"Miss Granger, il est temps de briser un peu les règles." dit-il en ressortant son œuf de son sac pour en casser un nouveau morceau.

Ils mangèrent tout l'œuf. En entier.

Et celui de Mrs. Weasley, qui était une pâle comparaison à celui de Drago.

Quand la Bibliothèque ferma, Hermione avait le ventre rempli de chocolat, probablement la bouche couverte aussi, et elle n'avait pas terminé une seule fiche d'Histoire de la Magie.

Drago et elle s'appliquèrent à éliminer toute preuve de leur festin avec des Scourgify sur toute la table, les livres et leurs mains, pour ne pas que Madame Pince comprenne, bien que Drago insistait sur le fait que la bibliothécaire ne questionnerait jamais le sérieux de sa meilleure élève adorée.

Ils sortirent tous les deux, assez éloignés l'un de l'autre pour que personne ne comprenne qu'ils étaient en train de parler, mais assez proches pour pouvoir parler. Hermione rit de quelque chose que dit Drago et Madame Pince la regarda sortir de sa Bibliothèque avec un drôle d'air.

Ils traversèrent les couloirs déserts du Château. C'était bientôt l'heure du couvre-feu. Hermione, se sentant un peu rebelle après avoir enfreint le règlement, proposa à Drago d'un ton guilleret :

"On va sur le banc ?"

Drago la regarda comme si elle était devenue toute verte.

"Pardon ? Toi, tu veux dépasser le couvre-feu ?"

"Je dépasse tout le temps le couvre-feu !" dit-elle avec un rire.

"C'est vrai, mais généralement, c'est parce que je te le propose." dit-il avec un sourire, celui qui dévoilait ses dents blanches et qu'il avait du mal à contrôler, le préféré d'Hermione. "Mais malheureusement, ce soir, je ne peux pas."

Hermione essaya d'ignorer la déception qui tomba brutalement dans le creux de son ventre en entendant ça.

"Oh." dit-elle, en essayant de paraître décontractée et détachée. "Tu dois aller quelque part ?"

"Oui, j'ai… Un truc de prévu." répondit-il évasivement, en prenant le chemin vers les cachots.

"Je vois." dit Hermione, bien qu'elle ne voyait pas du tout. "Avec quelqu'un ?"

"Euh, ouais, on peut dire ça." dit-il, ce qui rendit Hermione plus confuse encore.

"Ah oui ?" continua-t-elle en s'arrêtant en haut des escaliers qui menaient vers les sous-sols. "Qui ça ?"

"Assez avec les questions, Granger !" dit Drago, bien qu'il souriait encore.

Il descendit quelques marches.

"Bonne nuit !" lança-t-il par-dessus son épaule.

"Bonne nuit. Oh, et, Drago ?"

Il se retourna.

"Tu reviens demain ?"

"Et bien…" répondit-il, les yeux levés vers le plafond dans un semblant de réflexion profonde. "Je n'ai pas vraiment travaillé, ce soir. Une sorcière particulièrement butée m'a obligée à manger du chocolat en plein milieu de la Bibliothèque… Donc, oui. Je reviens demain."

Hermione sourit. Juste avant qu'il ne descende les dernières marches de l'escalier, elle l'appela une seconde fois :

"Drago ?"

"Quoi, Granger ?"

"Essaie de reprendre le chocolat des griffes de Théo, demain matin."

"À vos ordres."

Il rit et tourna dans les cachots, disparaissant de la vue d'Hermione.

Cette dernière eut du mal à enlever son sourire de son visage. Elle n'arrêtait pas de ricaner doucement en se souvenant de sa soirée. Elle adorait le Drago de bonne humeur, il la faisait rire et elle ne voyait pas le temps passer. Si seulement il pouvait être comme ça tous les jours…

Elle se demanda avec qui il pouvait bien avoir rendez-vous. Parkinson ? Peut-être qu'ils avaient un rituel, une sorte de rendez-vous hebdomadaire. Mais ça ne collait pas, parce que Drago était tout le temps absent pendant les dîners du jeudi, alors que Parkinson mangeait avec Zabini et Nott.

Peut-être qu'il y avait une fête ? Hermione ne savait pas quoi penser de cette possibilité. Elle avait entendu dire qu'il y avait beaucoup de fêtes, à la Salle Commune des Serpentards, mais elle doutait qu'il y en ait une un soir de semaine, même si c'était les vacances. En plus, elle n'imaginait pas trop Drago faire la fête.

Peut-être qu'il avait rendez-vous avec une fille. Cette pensée fit hérisser ses poils dans sa nuque, sans qu'elle puisse expliquer pourquoi. Peut-être que Drago était en couple ? Peut-être que c'était elle qu'il voyait, tous les jeudis soirs ? Peut-être était-ce une jolie blonde de Beauxbâtons, Ron répétait à tout le monde que c'étaient les plus belles filles qu'il avait vu dans sa vie.

Hermione repoussa cette idée. Aussi bien parce qu'elle l'agaçait que parce que si c'était vrai, elle l'aurait appris, grâce à Ginny qui connaissait tous les ragots de l'école.

Hermione ressassa ses réflexions en montant mécaniquement les escaliers vers sa Salle Commune. Elle était tellement plongée dans ses rêvasseries qu'elle ne remarqua même pas que l'escalier qu'elle montait avait bougé pour se rattacher au couloir du quatrième étage. Qu'est-ce que Drago faisait les jeudis soirs ? Pourquoi avait-il été si vague quand elle lui avait demandé ?

Un truc de prévu…

Elle repensa à son regard, gris, foncé, envoûtant, à la manière qu'il avait d'attirer ses yeux vers lui, comme si son regard était aimanté au sien. Elle repensa à son rire, à son sourire, aux fossettes qui se creusaient dans le bas de ses joues quand il souriait vraiment. À la manière qu'il avait de prononcer chaque lettre avec son accent presque noble, à comment il roulait les "R" de "Granger."

Elle pensait à ça en se laissant conduire par ses propres pieds. Elle grimpa les marches de l'escalier, et elle était tellement plongée dans ses pensées qu'elle ne remarqua pas l'imposante silhouette de Krum tout en haut, qui l'attendait, et lui rentra dedans.

"Oh ! Viktor !" dit-elle, revenant brusquement sur Terre.

"Bonsoirrrr, Herrrmion." dit le bulgare, le visage sérieux. "J'aimerrrais savoirrr si on peut parrrler, tous les deux ?"