tw : mort


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Drago


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"Chut, pas trop fort, il va se réveiller !"

"Mets-toi à gauche, Pansy !"

"Aïe ! Tu m'as marché sur le pied !"

"Arrêtez, tous les deux ! Vous allez le réveiller !"

"Vous pensez qu'il est tout nu ?"

"Je vous entends, bande d'idiots." grommela Drago d'une voix ensommeillée. "Et non, Théo, je ne suis pas tout nu."

À cet instant, les rideaux verts de son lit à baldaquins s'ouvrirent en grand, aveuglant Drago de lumière. Il ferma les yeux avec un grognement pendant que ses amis crièrent en choeur :

"Joyeux anniversaire Drago !"

Comme à chacun de ses anniversaires, ses trois meilleurs amis se tenaient à côté de son lit, un grand sourire aux lèvres. Cette année, ils avaient même ajouté une petite touche de nouveauté : des petits chapeaux de fête sur leurs têtes. Cette image serait hilarante aux yeux de Drago, si son réveil n'avait pas été aussi brutal.

"Chaque année je vous répète de ne pas me réveiller, et chaque année vous trouvez toujours le moyen de…" commença-t-il.

"Oh, arrête un peu !" s'exclama Pansy avec un sourire. "On sait que tu adores ça !"

"Allez, le grincheux !" appela Blaise en lui jetant sa chemise. "Dépêche-toi de venir dans la Grande Salle, ton cadeau t'attend !"

Drago maugréa une nouvelle fois, avec moins d'entrain cette fois-ci. Il adorait les cadeaux. Enfin, pas les innombrables cadeaux qui envahissaient le sol du Manoir à chaque Noël, mais plutôt les cadeaux personnalisés de ses amis. Ils le connaissaient suffisamment pour savoir ce qu'il voulait vraiment, à chaque fois.

Blaise, Pansy et Théo sortirent de la pièce pour aller prendre le petit-déjeuner, laissant Drago s'habiller. Il enfila son uniforme, fit sa toilette et prépara ses affaires pour les classes de la journée. Quand il vit l'heure, un nouveau grognement passa ses lèvres : il restait deux heures avant le début des cours. Ils avaient décidé de lui souhaiter son anniversaire encore plus tôt que les années précédentes.

Drago entra dans la Grande Salle, et se dirigea vers sa place habituelle. Les quatre tables étaient presque vides, à cause de l'heure matinale. Évidemment, Granger était déjà là, attablée seule, et évidemment, elle avait un livre devant les yeux. Quand il entra, elle leva discrètement les yeux vers lui, et retourna vite à sa lecture. Drago eut un petit sourire en remarquant ça.

Il s'assit, et il comprit directement que quelque chose était suspect. Pansy se retenait de sourire, Théo était tout guindé, et Blaise évitait de le regarder.

"Quoi ?" demanda Drago suspicieusement.

"Rien." dit tout de suite Blaise. "Qu'est-ce que tu veux manger ? Toasts ? Porridge ?"

"Euh…"

"Du café !" s'exclama Théo. "Du café, évidemment, tu prends toujours du café…"

Théo se hâta de lui servir une tasse de café noir, sous le regard méfiant de Drago.

"Qu'est-ce qui vous arrive ?! Pourquoi vous agissez comme ça ?" demanda-t-il.

"Comme quoi ? On est parfaitement normaux !" contesta Théo.

"Théo, tu ne m'as jamais servi de café en quatre ans d'amitié."

"Il faut croire que j'ai changé, alors." répondit le garçon évasivement. "Bois, bois."

Drago prit une gorgée de café, toujours confus. Il essayait de croiser le regard de Pansy, mais cette dernière semblait soudain captivée par son bol de porridge, un sourire menaçant de creuser son visage de porcelaine.

"Alors, quinze ans, hein ?" dit Blaise pour lancer la conversation, ce qui était très peu naturel. "Qu'est-ce que ça te fait ?"

"Pas grand chose, ça n'a pas trop changé depuis hier… Merlin, qu'est-ce qui vous arrive ?!" s'impatienta Drago en voyant Théo rire dans sa serviette.

"Rien du tout !"

Drago leva les yeux au ciel et décida de manger. Ce début de journée était très étrange.

Au fur et à mesure du petit-déjeuner, les Serpentards qui s'asseyaient lui souhaitaient un joyeux anniversaire en passant. Il les remercia tous, excepté Crabbe et Goyle qu'il ignora somptueusement. Il n'avait toujours pas décoléré du sort qu'ils avaient lancé à Granger dans son dos.

Quand les hiboux entrèrent dans la Grande Salle, Drago ne fut pas étonné de voir qu'Ébène était le plus chargé de tous. Il déposa sur la table un large paquet, et une lettre de la part de sa mère. L'hibou picora quelques miettes de toast et se dépêcha de repartir pour une sieste bien méritée.

Le paquet était une confection de friandises gigantesque, dont le chocolat faisait pétiller les yeux de Théo. Il y avait aussi des nouveaux gants en peau de dragon d'excellente qualité, un kit de soin de balai, et un abonnement à un magazine de Quidditch que Blaise s'empressa de prendre pour feuilleter. La lettre de sa mère était brève, lui souhaitant une excellente journée de célébrations.

Quand il termina sa lecture, Drago poussa le paquet pour reprendre son repas. Mais Pansy claqua soudain des mains, faisant sursauter le blond, et Théo proposa dans un couinement :

"Tu veux ton cadeau, maintenant ?"

""Ton" cadeau ?" répéta Drago, déçu. "Vous vous êtes réunis à trois ?"

"Je te rappelle que je ne possède plus le moindre argent." dit Théo, un peu vexé. "Blaise m'a aidé à payer."

"C'était un plaisir." dit Blaise, qui n'arrivait plus à cacher son amusement.

Pansy se pencha et récupéra une boîte qu'elle avait cachée sous le banc. Elle était blanche, assez simple, avec un ruban violet autour. Elle la posa sur la table et la poussa en direction de Drago, les yeux brillants de malice.

"Tiens, et encore joyeux anniversaire !" annonça-t-elle.

Drago regarda successivement ses trois amis, toujours aussi méfiant. Il remarqua que la plupart des Serpentards autour d'eux s'étaient arrêtés de manger pour le regarder, eux aussi.

"Qu'est-ce que vous avez…"

"Ouvre-la !" s'écria Théo, trépignant d'impatience.

Drago céda. Il coupa le ruban et ouvrit doucement le couvercle de la boîte.

Il s'était imaginé beaucoup de choses. Depuis mai, il n'arrêtait pas de parler d'un certain modèle de balai pour que ses amis comprennent que c'était ce qu'il voulait. Ou une collection de livres d'Alchimie qui l'intéressait chez Fleury et Botts. Ou alors des bagues, ou une plume…

Rien ne le préparait pour ce qu'il vit dans la boîte.

C'était une sorte de fourrure beige, dans un coin de la boîte blanche. Au début, Drago pensa que c'était une chaussette avec des poils. Puis, il pencha un peu plus la tête avec une grimace, et eut un mouvement de recul quand il distingua deux oreilles et un museau.

Il faillit lâcher la boîte de surprise. La bête était endormie, toute recroquevillée dans un coin de la boîte. Quand tout le monde autour de Drago éclatèrent de rire, elle ouvrit un œil et Drago et lui échangèrent un regard surpris.

"Un furet ?! Vous m'avez acheté un putain de furet ?!" hurla-t-il, choqué.

Mais c'était peine perdue : Théo, Blaise et Pansy étaient trop en train de rire pour entendre ce qu'il disait. Théo pleurait de rire sur l'épaule de Blaise, et Pansy, en face d'eux, n'arrêtait pas de répéter "Ta tête ! Si tu avais pu voir ta tête !"

Drago comprit tout de suite le comportement étrange des Serpentards. Pratiquement tout le monde riait autour de lui. Il referma rageusement la boîte, contrarié.

Il fit une croix sur son balai de rêves.

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Avant que les cours commencent, Pansy expliqua à Drago -entre deux fous rires-, qu'ils avaient en fait "loué" le furet d'une première année, et qu'il fallait donc le rendre. Drago en était ravi : il n'avait aucune envie d'avoir un furet domestique. Ils retrouvèrent donc la première année qui récupéra son furet (Drago apprit qu'il s'appelait Bobby, ce qui valut une nouvelle crise de rire de la part de Pansy.)

Drago pensait qu'un anniversaire était une bonne raison de sécher les cours, mais Théo le força à y aller, en insistant sur le fait que c'était important pour les examens. La blague dura toute la journée. Blaise et Pansy passèrent la matinée à ricaner, et encore plus pendant le cours de Défense Contre les Forces du Mal, quand Maugrey expliqua qu'une des meilleures défenses en cas d'attaque était la Métamorphose.

Même Drago en riait, au dîner. Il était obligé d'avouer que c'était une bonne blague, même s'il n'aimait pas quand on se moquait de lui de la sorte.

Quand Crabbe et Goyle s'approchèrent de lui, cependant, son sourire s'évanouit aussitôt.

"Drago… On voulait te parler… Et te donner ça…" dit Goyle avec hésitation.

Il lui tendit un paquet mal emballé.

"Dégagez." répondit simplement Drago.

Les deux garçons obéirent, confus, leurs épaules voûtées par la déception. Théo se tourna vers Drago, un sourcil relevé d'étonnement :

"Wow. Qu'est-ce que c'était que ça ?"

"Rien d'important." dit Drago en reprenant une bouchée de tourte au bœuf. "Si je vous dis qu'on fait la gueule à Crabbe et Goyle, mais que je ne peux pas vous donner les raisons, vous accepteriez de le faire ?" demanda-t-il à ses amis.

"Sans aucun problème." répondit aussitôt Blaise. "Pas besoin de raison, d'ailleurs."

Théo et Pansy hochèrent la tête vigoureusement.

Ils ne reparlèrent pas de Crabbe et Goyle après ça.

Après le dîner, Drago se hâta d'aller à la Bibliothèque. Il y a quelque temps, jusqu'à l'année dernière, l'idée de passer sa soirée d'anniversaire à la Bibliothèque lui aurait paru complètement insensée. Il aurait largement préféré participer à une immense fête organisée par Pansy en son honneur. Mais ce jour-là, ce fut le cœur battant à tout rompre qu'il traversa les étagères. Quand il vit que Granger était déjà là, à l'attendre, il ressentit une dose frissonnante de bonheur.

Entre les entraînements de Potter, les séances d'Occlumancie et les examens, Granger et lui avaient du mal à passer des soirées ensemble. Il avait l'impression que ça faisait très longtemps qu'il ne l'avait pas vue. Il prit une seconde pour l'observer : elle avait les cheveux lâchés, entourant son visage comme un halo. Elle souriait, plissant ses yeux et creusant ses joues de deux petites fossettes. Ses dents étaient courtes, un changement que Drago avait toujours du mal à ne pas remarquer.

"Joyeux anniversaire, Drago !" dit-elle, et ce fut le plus beau souhait d'anniversaire qu'on lui avait fait de sa vie.

Il n'arriverait probablement jamais à s'habituer à la manière dont elle prononçait son prénom. Son estomac fit un soubresaut, son cœur redoubla de battements, et une bouffée de chaleur agréable réchauffa son corps d'un coup.

Naturellement, il fit comme si ça ne lui faisait rien, et prit place en face d'elle :

"Je ne pensais pas que tu le connaissais." dit-il.

Granger leva les yeux au ciel, comme si cette idée était particulièrement ridicule.

"Je sais très bien que ton anniversaire est le 5 juin, comment ne pas remarquer ton hibou surchargé chaque année ?"

"Ah, oui." dit-il avec un petit rire. "Ébène a toujours du travail ce jour-là, ma mère aime les démonstrations extravagantes."

"Théo a pris tout le chocolat, je suppose ?" dit-elle, sans perdre son sourire qui éclairait magnifiquement son visage.

"Évidemment."

"Et comment va ton furet ?" demanda-t-elle, résistant visiblement, elle aussi, à ne pas éclater de rire.

Le visage animé de Drago s'affaissa en entendant ça.

"Ah. Je suppose que tu as vu, alors." devina-t-il sombrement.

"Tu veux parler du moment où tu as ouvert la boîte, ou du moment où tu as couru pour le rattraper dans le couloir de Sortilèges ?" demanda Granger avec une mine faussement sérieuse.

"Tu m'observais dans la Grande Salle ?" répondit-il, à la fois narquois et secrètement satisfait par cette pensée.

"C'était difficile de ne pas lever la tête quand le rire de Parkinson a retenti dans toute la Salle…"

"Pour répondre à ta question, Bobby va très bien." dit Drago, qui observa les sourcils de Granger se froncer.

"Bobby ?"

"Le furet." expliqua-t-il.

Granger comprit et éclata de rire. C'était un rire cristallin, dénué de toute moquerie ou de sarcasme : un vrai rire, naturel, mélodieux, qui sembla pénétrer dans les veines de Drago, qui ne put s'empêcher de sourire à son tour. Le son du rire de Granger se répercuta contre les étagères autour d'eux, dans leur bulle, et il fut soudain pressé de le capturer dans ses méditations du soir.

"Bobby." répéta-t-elle après avoir repris correctement sa respiration.

"Bobby. Il appartient à une première année de Serdaigle, qui a gentiment accepté de le prêter à Pansy, Blaise et Théo pour la matinée."

"Je vois. Alors, tu ne rentreras pas avec un furet cet été. Quel dommage." dit Granger avec un soupir.

"Non, et tant mieux, parce que je pense que ma mère se serait probablement évanoui." dit Drago.

Granger eut un nouveau petit rire. Par réflexe, elle cacha sa bouche avec sa main, encore complexée par ses dents trop longues qui ne l'étaient plus. Drago remarqua qu'elle était en train de travailler son cours d'Études de Runes avant qu'il n'arrive. Mais avant qu'il puisse lire l'alphabet étrange, elle referma son manuel.

"Pour être tout à fait honnête, je ne pensais pas que tu viendrais ce soir." dit Granger, le regard soudain plus énigmatique.

"Pourquoi je ne serais pas venu ?" demanda-t-il, surpris.

"Je pensais que tu ferais la fête. Ou que tu passerais la soirée avec tes amis. Ils ne se demandent pas où tu passes tout ton temps, depuis le début de l'année ?" demanda-t-elle.

"Non, ils sont habitués à ce que je passe du temps seul." répondit-il en haussant les épaules. Il avait pris soin de ne pas répondre à sa première hypothèse.

"Oh, je vois. Ils ne vont pas… Deviner où tu es, au bout d'un moment ?"

"Non. Ils savent que j'étudie, ils savent que je vais à la Bibliothèque, ou des fois dehors… Ça fait longtemps qu'ils ne me posent plus de questions."

Granger hocha la tête, pensive. Puis, elle but une tasse de son thé, mais il n'était pas à la cannelle, cette fois-ci : sa tasse émanait une douce odeur de fleur d'oranger.

"J'ai un cadeau pour toi." dit-elle, soudain à voix basse.

Elle essaya de paraître détachée, mais Drago pouvait lire son embarras dans la couleur de ses joues et la manière dont ses yeux regardaient partout, sauf lui. Drago eut un petit sourire fier :

"Vraiment ?"

"Oui… Mais je ne sais pas…" dit-elle, plus hésitante, remettant visiblement son cadeau en question.

"Ça sera toujours mieux que le furet." dit-il pour l'encourager.

"Oh non, ça sera difficile à surpasser."

"Tu n'étais pas obligée de me faire un cadeau. Je ne t'en ai pas fait, cette année."

Ou jamais, d'ailleurs. Pourtant, il connaissait la date, comme si elle était gravée quelque part dans sa mémoire depuis qu'il avait appris qu'elle était née le 19 septembre. Il lisait même son horoscope de temps en temps, par-dessus l'épaule de Pansy, quand il s'ennuyait en cours.

"C'est normal, tu ne me parlais pas encore à ce moment-là." fit-elle remarquer.

"Je te parle depuis notre première année."

"Tu sais ce que je veux dire." dit-elle, impatiente. "Depuis qu'on se parle vraiment."

Drago voulut lui demander ce qu'elle entendait par-là, juste pour l'entendre parler du début de leur "amitié", connaître son point de vue sur ses rendez-vous étranges qu'il chérissait en cachette. Mais avant qu'il ne put le faire, Granger sortit un paquet emballé de son sac et Drago se tut.

C'était un cadeau rectangulaire, comme un livre mais en plus grand. Il était décoré avec soin, et l'idée que Granger puisse lui emballer un cadeau en secret dans sa Salle Commune en choisissant des couleurs qu'il aimait était aussi étrange que plaisante. Il sourit rien que de l'imaginer.

"Tiens. Ce n'est pas grand chose." s'empressa-t-elle de dire.

Drago n'était pas d'accord. Sans même avoir vu ce que c'était, il était déjà aux anges. Une attention particulière de la part de Granger était bien plus qu'il ne méritait.

Il déballa soigneusement le cadeau, ne voulant pas abîmer le papier cadeau vert qui l'enveloppait. C'était du papier Moldu : il n'y avait aucun motif qui bougeait dessus, pourtant, ce fut le premier papier cadeau que Drago n'arracha pas à l'instant où il reçut le paquet.

C'était un cahier. Drago pensa d'abord que c'était un manuel d'une des matières dans laquelle il avait du mal. Mais quand il constata sa fine épaisseur, il réalisa que ce n'était pas ça du tout.

"C'est un cahier que j'ai crée moi-même." dit Granger, les joues rouges. "Ouvre-le."

Drago obéit. À l'intérieur, Granger avait "agrafé" des pages en papier Moldu. Dès l'instant où il posa ses yeux dessus, il s'écria :

"Des partitions !"

"Les partitions de toutes mes chansons préférées." expliqua Granger, avant de se reprendre rapidement : "Enfin, de toutes les chansons des compositeurs Moldus célèbres…"

"Ce sont tes préférées ?" demanda-t-il, curieux de connaître le début de sa phrase.

"Oui." admit-t-elle. "J'ai pensé que tu pourrais t'entraîner. J'ai demandé à mon père de m'envoyer mes cahiers de musique, et j'ai recopié les partitions à la main."

"À la main ?!" répéta-t-il, subjugué.

Il feuilleta les partitions et lut quelques titres, écrits avec une encre différente à chaque fois. Elle avait même ajouté quelques lignes d'explications et de contexte à chaque musique de son écriture ronde et soignée, que Drago avait lu des centaines de fois grâce à ses notes.

"Oui… Ça te plaît ?" demanda-t-elle anxieusement. "J'ai vu que ta mère t'avais envoyé un kit de Quidditch, j'ai pensé t'offrir quelque chose en rapport avec ça, mais je ne connais pas tes goûts en balai, ou en Quidditch tout court d'ailleurs, alors j'ai pensé que la musique pourrait te faire plaisir, mais bien sûr, si tu n'aimes pas, tu n'es pas obligé de le…"

"Granger." interrompit-il, soudain pris d'une vague d'émotion peu familière. "Je l'adore. C'est un très beau cadeau. Merci beaucoup, ça me touche énormément."

Pour appuyer ses propos, ou par pur geste de reconnaissance spontanée, il posa sa main sur la sienne. Ce geste les surprit tous les deux, mais Drago n'enleva pas sa main : il passa son pouce contre le dos de la main de Granger, qui était brûlante. Elle rougissait jusque dans son cou. Mais, quand elle entendit sa confession, elle se détendit et sourit de nouveau.

"Tant mieux, alors." dit-elle avec soulagement. "Tu as vu, j'ai mis La lettre à Elise ! Je sais que tu dis que Beethoven était un sorcier, et c'est le cas, je ne remets pas en question ça, mais je pense que cette partition méritait la première place parce que c'est celle qui nous a fait réaliser que la frontière entre sorcier et Moldu pouvait être franchie…"

Granger se lança alors, corps et âme, dans une longue explication de chaque partition, et Drago écouta attentivement, un sourire aux lèvres, en feuilletant le plus beau cadeau qu'on lui avait fait de sa vie.

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"Drago ? Est-ce qu'on peut te parler ?"

Drago soupira. Il avait voulu profiter de son heure du déjeuner du vendredi pour lire ses partitions contre une fenêtre du couloir de Potions, mais c'était sans compter Crabbe et Goyle. Depuis que Drago avait décidé de ne plus leur parler, une semaine auparavant, ils le suivaient partout, voulant à tout prix discuter avec lui. Visiblement, Crabbe et Goyle avaient du mal à comprendre le concept de l'ignorance.

"Quoi ?" demanda-t-il agressivement en refermant le cahier dans un "clac !" sonore.

Goyle s'assit sur la banquette sous la fenêtre que Drago occupait, tandis que Crabbe restait debout pour surveiller les alentours.

"On a remarqué que tu nous parlais plus." commença Goyle, hésitant.

"10 points pour Serpentard." grommela Drago en réponse.

"Et on voulait savoir ce qu'on avait fait de mal." continua Goyle, le front plissé par l'effort que lui demandait le fait d'aligner deux mots. "Après tout, tu t'es toujours moqué de Granger, tu l'as toujours insultée, alors on a juste fait ce que tu fais, en pensant que tu aurais…"

Il perdit le fil de sa phrase et son visage prit une teinte violacée. Drago soupira une seconde fois.

Crabbe et Goyle lui tapait sérieusement sur les nerfs, mais il comprenait leur confusion. Avant, il n'aurait jamais critiqué ces agissements, et maintenant, il faisait tout le contraire. Il décida de mettre ses idées de vengeance sanglante de côté et de jouer le rôle qu'ils connaissaient :

"Mais non, vous n'avez rien compris !" s'exclama Drago en essayant de paraître le plus cordial possible. "J'ai fait exprès de m'énerver parce que je savais que Rogue allait venir ! Je veux devenir préfet, moi ! Il fallait que je fasse semblant d'être indigné !"

Il vit le changement de la compréhension détendre le visage de Goyle. Crabbe, lui, demanda :

"Mais alors, pourquoi tu nous fais la gueule depuis ?"

"Parce que je devais jouer le rôle, et Rogue y a cru." inventa Drago à mesure qu'il parlait.

Il ne fallut pas longtemps pour convaincre Crabbe et Goyle. Ils acceptèrent ce mensonge sans contester. Ils avaient toujours placé une foi aveuglée en Drago. Une fois leur discussion terminée, Drago se leva et les avertit sur un ton faussement aimable :

"Mais, petit conseil… Évitez de jeter des sortilèges dans le dos des gens." dit-il, essayant de camoufler sa colère derrière sa voix calme. "Surtout Granger."

"Pourquoi ?" demandèrent-ils, étonnés.

"Parce que… Vous pourriez avoir des problèmes." dit-il avec une pointe de menace.

Crabbe fut sur le point de répondre, mais il fut interrompu par la voix perçante de Pansy, qui se mit à courir le long du couloir :

"Drago ! Te voilà ! Je te cherchais partout !"

Drago soupira une énième fois. Il n'aurait donc pas la chance de lire en paix, dans ce putain de Château.

Pansy arriva à sa hauteur, haletante. Son ruban qui tenait élégamment ses cheveux était complètement de travers.

"Ça fait une heure que je te cherche !" couina-t-elle.

"Pourquoi ?" demanda-t-il.

"Tu pourrais me rendre un service ?" demanda-t-elle en reprenant son souffle.

"Bien sûr." répondit Drago sans hésiter. "De quoi as-tu besoin ?"

"Qu'est-ce que tu fais avec eux ?" demanda-t-elle en pointant du doigt Crabbe et Goyle sans les regarder. "Je croyais qu'on ne leur parlait plus ?"

"Affaire réglée." dit simplement Drago.

"D'accord… C'est pas plus mal, je vais avoir besoin de vous aussi." dit Pansy à l'adresse des deux garçons.

Drago vit du coin de l'œil Crabbe et Goyle passer de la surprise à la fierté. Drago suspectait Crabbe d'avoir un petit crush pour Pansy, même si elle ne leur adressait strictement jamais la parole.

"Venez, je vais vous montrer !" annonça-t-elle d'un ton pressé.

Elle repartit dans l'autre direction en courant à moitié. Drago la suivit et adopta le même rythme effréné qu'elle.

"Où on va ?" demanda-t-il, toujours confus.

"Tu te souviens, quand j'ai aidé Skeeter à écrire l'article sur Granger ?" demanda Pansy en marchant.

"Oui ?" dit-il, un peu trop hargneusement.

"Elle m'a demandé de lui fournir de nouvelles informations, pour un article qui va paraître le jour de la troisième Tâche. Et elle m'a demandé si quelqu'un d'autre pouvait en parler, donner des scoops croustillants…"

"Sur Granger ?!" s'écria Drago, s'arrêtant net dans sa marche. "Non, hors de question. Pansy ! Comment tu peux…"

"Relax, Drago !" dit-elle d'un ton exaspéré en lui empoignant la manche de sa cape pour le faire continuer à marcher. "L'article n'est pas sur Granger ! C'est sur Potter !"

Drago eut un petit soupir de soulagement. La dernière chose dont Granger avait besoin, en plus du stress des examens et de la troisième Tâche de son précieux Potter, était un nouvel article diffamatoire.

Il réalisa qu'il avait parlé un peu trop fort, alors il jeta un regard en arrière pour vérifier que Crabbe et Goyle ne l'avaient pas entendu défendre Granger une nouvelle fois. Heureusement, ils étaient bien trop loin derrière, peinant à suivre le pas de course de Pansy et Drago.

Pansy ouvrit l'une des portes qui menaient vers la Cour de Métamorphose. Drago la connaissait bien, c'était là que Pansy allait pour "ses pauses cigarettes". Mais au lieu d'aller vers le banc qu'elle prenait habituellement, elle se dirigea tout droit vers l'un des arbres les plus imposants de la Cour.

"Je croyais que Skeeter était bannie de Poudlard ?" dit Drago, ne comprenant toujours pas le plan de Pansy.

Cette dernière avait cet éclat de malice dans ses yeux qui n'augurait généralement rien de bon.

"C'est toujours le cas. Elle a réussi à trouver un moyen de pouvoir continuer à écrire malgré l'interdiction de Dumbledore…"

Drago fronça les sourcils. Granger avait raison, Skeeter usait réellement de moyens illégaux pour interviewer ceux qui l'intéressaient. Il ressentit un frisson de plaisir à l'idée de connaître son secret avant Granger, et en même temps, un petit stress à l'idée qu'elle puisse lui en vouloir d'avoir parlé à la journaliste.

Pansy s'arrêta finalement devant le tronc. Crabbe et Goyle, pantelants, arrivèrent peu de temps après.

"Maintenant, écoutez-moi bien." dit Pansy, soudainement prise d'une autorité déconcertante. "J'ai dit à Skeeter que je l'aiderai à écrire son article, et elle m'a confié son secret. Vous avez interdiction de le révéler, à personne. Aucun de vous trois. C'est clair ?"

Elle leva un doigt menaçant vers eux, puis fit passer son regard le plus sévère sur chacun des trois garçons. Drago eut la sensation qu'elle s'adressait plus à lui qu'à Crabbe et Goyle. Peut-être savait-elle que Granger voulait connaître le secret de Skeeter.

"Promis." dit-il, à contrecœur. Maintenant, il était obligé de se taire.

Pansy parut satisfaite. Elle abandonna sa mine autoritaire et sourit de toutes ses dents. Drago était habitué à ces changements drastiques d'expressions faciales, mais il pouvait voir que Crabbe et Goyle étaient perdus.

"Très bien." annonça Pansy théâtralement. "Alors… La voilà !"

Elle montra le tronc de l'arbre avec ses deux bras, triomphante. Drago inspecta ce qu'elle montrait, sans comprendre. C'était simplement un chêne, avec des écorces assez foncées, et quelques morceaux de mousse sombre. Drago haussa les sourcils.

"Skeeter est un tronc d'arbre ?" demanda Crabbe, aussi perdu que lui.

"Mais non !" dit Pansy sans perdre son sourire. "C'est elle, là !"

Drago s'approcha et vit enfin ce que Pansy lui montrait. Ce qu'il avait pris pour de la mousse noire était en fait un gros scarabée.

Il aurait pu penser que sa meilleure amie avait officiellement perdu la tête, à comparer son idole avec un insecte, jusqu'à ce qu'il aperçoive deux marques rondes sur la tête du scarabée, qui lui fit tout de suite penser aux lunettes incrustées de bijoux de Skeeter.

"Un Animagus ?" devina Drago, stupéfait.

"Oui ! Mais elle n'est pas sur la liste des Animagus déclarés, c'est pour ça qu'il ne faut surtout pas le dire !" continua Pansy dans un chuchotement surexcité. "Elle a dit qu'en tant que fervente lectrice et grande fan de son travail, j'avais le droit de connaître son secret. C'est comme ça que je lui ai dit ce que je pensais de Granger, en mars dernier ! Et maintenant, comme elle écrit un article sur Potter, elle m'a demandé si je connaissais quelqu'un prêt à lui dévoiler des infos sur lui, et j'ai pensé à toi !"

Fière de son idée, Pansy afficha un grand sourire. Drago l'avait rarement vue si heureuse.

"Qu'est-ce que je dois lui dire ?" demanda-t-il, un peu incertain.

Il n'était pas aussi surexcité que Pansy à l'idée de parler de Potter dans son dos. Pas parce que ça lui faisait de la peine vis-à-vis du garçon, embêter Potter était toujours l'un de ses passe-temps favoris, mais plutôt parce qu'il ne cessait d'imaginer le visage déconfit de Granger dans sa tête.

"L'article sera centré sur le fait que Potter est devenu taré." résuma Pansy, insensible au sort de Potter. "Rita l'a vu sortir de la classe de Divination, après son cauchemar. Elle veut insister sur le fait qu'il soit trop instable pour participer au Tournoi."

Drago, toujours hésitant, creusa dans sa mémoire pour penser à un moment où Potter avait pété les plombs. C'était facile à trouver, parce que Potter avait souvent pété les plombs.

Il regarda le scarabée. Vu comme ça, c'était difficile d'imaginer qu'il allait parler avec une journaliste.

"Alors ?" pressa Pansy. "Tu as trouvé quelque chose à lui dire ?"

Drago se rappela de la promesse qu'il s'était faite à lui-même, un soir de première année. "Je me fais la promesse qu'Harry Potter sera mon ennemi." À cette époque-là, l'opportunité de pouvoir humilier Potter dans un journal aurait été du pain béni. Il devait respecter sa promesse.

Au moment où il prit sa décision, une autre promesse, bien plus récente, ressurgit dans son esprit. "Je promets que je vais faire souffrir Granger. La détruire." Il secoua la tête et repoussa ce souvenir le plus loin possible dans les couches de son cerveau.

Il s'approcha du tronc d'arbre et leva sa main avec hésitation. Le scarabée vola pour se poser dans le creux de sa paume.

"Crabbe, Goyle, faites le guet ici, moi, je vais de l'autre côté de l'arbre ! Il faut que personne n'entende !" ordonna Pansy.

Drago approcha sa main de sa bouche, et la couvrit avec son autre main, pour que Skeeter puisse entendre tout ce qu'il avait à dire.

"Il y a deux ans," commença Drago d'un ton incertain, "Lors d'un club de duel organisé par notre professeur de Défense Contre les Forces du Mal, j'ai été mis en duel contre Potter. Quand il a vu que je gagnais -haut la main-, il s'est laissé emporter. Il a fait sortir un serpent de sa baguette, alors que c'était contraire au règlement !"

Le scarabée n'eut aucune réaction pour montrer qu'elle avait entendu son histoire. Drago rapprocha sa main.

"Le serpent s'est approché d'un élève. Et alors, comme s'il était animé d'une folie pure, Potter s'est mis à parler Fourchelangue !"

Le scarabée vibra soudain dans sa main, et ses antennes frémissèrent contre ses doigts refermés. Cette info sembla plaire à Rita Skeeter.

Drago essaya de se rappeler d'autres détails. Il se souvint de Théo qui lui avait appris ce qu'était le Fourchelangue, après qu'ils aient vu Potter le parler au milieu de la Grande Salle.

"Il ne connaissait même pas le Fourchelangue, il vient d'une famille de Moldus !" rappela Drago. "Donc, c'est ce jour-là que j'ai compris que Potter était un peu taré. Il a toujours été bizarre. Je pense qu'il veut le plus de pouvoir, derrière ses airs de héros déchu. Il veut de l'attention. C'est pour ça qu'il se met toujours dans des situations plus dangereuses les unes que les autres : s'inscrire au Tournoi, devenir ami avec des demi-géants et des loups garous, vouloir affronter tout seul Sirius Black…"

Au fur et à mesure qu'il racontait, Drago fut pris par une vague de colère et de ressentiment à l'égard de son ennemi qui le fit parler de plus en plus vite. Depuis qu'il méditait, c'était rare qu'il ressente ces crises de colère, mais maintenant qu'il se rappelait de ce que Potter avait fait, c'était difficile de la contrôler. Il termina de raconter son récit. Puis, à la fin, il murmura :

"Voilà, je crois que j'ai tout dit… Et, Madame Skeeter, serait-il possible de ne pas me citer, dans votre article ? Je préférerais être anonyme, s'il vous plaît."

Les ailes du scarabée se déplièrent légèrement, ce que Drago prit pour une réponse positive. Il ferma le poing et déposa l'insecte sur le tronc de l'arbre discrètement, puis retourna auprès de Pansy, une boule de stress contractant douloureusement son estomac.

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Hermione


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"Tu te débrouilles très bien, Harry." encouragea Hermione avec un sourire.

Son meilleur ami lui rendit son sourire de l'autre côté de la salle où ils s'entraînaient, pendant la pause du déjeuner. Harry arrivait maintenant à réaliser parfaitement les sortilèges d'Entrave, de Réduction, et des Quatre-Points pour l'aider à s'orienter. Hermione retourna à sa liste de sorts appris et compta ceux qu'il lui restait à maîtriser avant la troisième Tâche.

"Hé, venez voir ça !" s'écria Ron, qui était debout à côté de la fenêtre. "Regardez Malefoy, qu'est-ce qu'il fabrique ?"

Hermione ressentit une palpitation stupide en entendant ce nom. Curieuse, elle s'approcha rapidement de la fenêtre, suivie par Harry.

Drago était à l'écart des autres élèves, sous un arbre. Crabbe et Goyle étaient là aussi, à quelques mètres de lui, comme s'ils surveillaient les alentours. Hermione observa Drago plus attentivement : il avait la tête penchée dans sa main, et ses lèvres bougeaient rapidement.

"On dirait qu'il parle dans un talkie-walkie." analysa Harry.

"Impossible." coupa aussitôt Hermione. "Je t'ai déjà dit que ce genre d'appareil ne peut pas fonctionner à Poudlard."

Elle jaugea de nouveau cette scène étrange. Qu'est-ce que Drago pouvait bien faire ? Elle décida de lui demander dès qu'elle le verrait à la Bibliothèque. Elle détacha son regard de la fenêtre et vit que Ron et Harry étaient toujours fixés sur le blond, intrigués. Elle n'aimait pas trop ça.

"Viens, Harry." dit-elle brusquement, en le conduisant vers un pupitre. "Essayons encore une fois le charme du Bouclier."

Il fut vite préoccupé par les sorts que lui lançaient Hermione pour fissurer son Bouclier autour de lui. Ron, lui, retourna à sa lecture de "Quel sortilège utiliser en cas de rencontre avec un monstre féroce ?"

Mais Hermione, elle, repensait toujours à Drago qui parlait dans sa main, sans comprendre le sens de ce comportement très bizarre.

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Mais Hermione n'eut pas l'occasion d'en reparler à Drago. Les examens approchaient, et ils ne se croisèrent pas pendant le week-end précédant le début des épreuves. Le lundi matin, Hermione ne pensait plus à Skeeter, ou Malefoy, ou aux entraînements d'Harry : elle n'était focalisée que sur les examens.

Heureusement, elle fut satisfaite de son travail. Le lundi, elle commença par l'examen d'Arithmancie, qui s'avéra être beaucoup plus facile que ce qu'elle avait imaginé. Elle remplit la charte rapidement, fit les bons calculs, et ajouta même une prédiction supplémentaire pendant le temps qu'il lui restait : "Il pleuvra quand la Mort frappera."

Le reste des examens se passèrent tout aussi bien. Elle fut moyennement contente de son résultat de Métamorphose, parce que sa tasse était un peu trop grisée à son goût, mais récolta tout de même un sourire confiant de la part de McGonagall.

Tous les soirs pendant la semaine, Hermione reçut une lettre d'encouragement de ses parents. Elle répondit à chacune d'entre elles en racontant chaque examen avec des détails.

Le jeudi soir, Hermione fut tentée d'aller réviser à la Bibliothèque. Ça faisait des jours qu'elle n'y était pas allée, parce qu'elle donnait des séances de révisions de dernière minute aux Gryffondors dans la Salle Commune. Mais elle se souvint avec amertume que Drago prenait des cours d'Alchimie le jeudi soir, et qu'il ne serait donc pas à leur table.

Le lendemain fut donc le dernier jour des examens, et aussi le jour de la troisième Tâche. Au petit-déjeuner, Harry avait l'air beaucoup plus calme que les deux dernières Tâches. En plus, il mangeait, ce qui était un bon signe. Hermione, elle, était enveloppée d'un stress palpable, comme tous les jours depuis que les examens avaient commencé.

Elle était en train de relire son cours d'Histoire de la Magie, le premier examen de la journée, quand les hiboux firent irruption dans la Grande Salle. Elle poussa ses parchemins à temps pour que le hibou puisse déposer la Gazette du Sorcier quotidienne. Hermione caressa la tête du hibou, déplia le journal, et s'étouffa à moitié sur son jus de citrouille en voyant la première page. Elle le referma brutalement pendant que Ron lui tapait le dos.

"Qu'est-ce qu'il y a ?" demandèrent les garçons.

"Rien."

Ron lui arracha le journal des mains avant qu'elle puisse le ranger. Elle lui lança un regard noir, mais il ne le vit pas, et déplia la couverture à son tour. Comme elle, il fit les gros yeux :

"Ah non, pas aujourd'hui ! Cette vieille pie !"

"Quoi ?" demanda Harry. "Encore Rita Skeeter ?"

"Non." mentit Ron, soudain un peu rouge.

"On parle de moi ?" demanda Harry qui essaya de prendre le journal des mains de Ron.

"Non." répéta Ron.

"Hé, Potter !"

Hermione leva la tête en même temps que les autres Gryffondors. Elle fut surprise de voir Drago tenir le journal entre les mains, à côté d'un Crabbe et Goyle hilare.

"Potter !" appela-t-il, visiblement ravi. "Comment ça va, la tête ? Tu te sens bien ? Tu ne vas pas piquer une crise, j'espère ?"

Hermione fut frappée par ses mots. Elle ne reconnaissait absolument pas Drago dans ce garçon méprisable. Ses traits étaient hargneux, déformés, et son sourire d'habitude doux était devenu une grimace moqueuse.

Ron fut obligé de tendre le journal à Harry. Ce dernier le posa sur la table pour que les trois puissent lire : Hermione le fit avec répugnance.

L'article parlait surtout de la supposée folie d'Harry. Hermione leva les yeux au ciel de nombreuses fois en lisant ça. C'était, comme d'habitude, un article diffamatoire à son encontre, et probablement réecrit avec la plume à Papote de Skeeter qui déformait tous les propos.

Deux phrases retinrent l'attention d'Hermione :

« Lundi dernier, en pleine leçon de Divination, l'envoyée spéciale de La Gazette du sorcier a vu Potter quitter la classe en toute hâte en affirmant que sa cicatrice lui faisait trop mal pour qu'il puisse continuer à suivre le cours. »

« Potter parle le Fourchelang, révèle Drago Malefoy, un élève de quatrième année. Il y a deux ans, des élèves se faisaient attaquer sans arrêt et nous étions nombreux à penser que c'était lui le coupable. Surtout depuis qu'on l'avait vu se mettre en colère lors d'un club de duel et envoyer un serpent sur un de ses camarades. L'affaire a été étouffée, bien entendu. Mais il a également noué des liens d'amitié avec des loups-garous et des géants. Il serait prêt à n'importe quoi pour avoir la moindre parcelle de pouvoir. »

Hermione était à la fois furieuse contre Drago, mais aussi intriguée. Comment est-ce que Rita Skeeter pouvait savoir pour le cours de Divination ? Était-ce Parkinson qui lui avait révélé ?

Pendant que Ron et Harry continuaient leurs lectures, Hermione réfléchit à ses théories. Elle n'avait pas la moindre idée de comment faisait Skeeter. Sans y penser, elle leva les yeux, et croisa le regard de Drago, à l'autre bout de la pièce. Crabbe et Goyle souriaient à côté de lui. Lui, ne souriait pas, c'était comme s'il la… suppliait sans un mot.

"On dirait qu'elle m'aime un peu moins qu'avant." commenta légèrement Harry en repliant le journal.

Crabbe et Goyle s'étaient mis à lui faire des grimaces qu'Harry ignora. Drago reprit simplement son petit-déjeuner.

"Comment a t-elle su que ta cicatrice te faisait mal pendant le cours de Divination ?" demanda Ron, posant à haute voix les questions qui tourbillonnaient dans l'esprit d'Hermione. "Elle ne pouvait pas être là, elle ne pouvait pas entendre…"

"La fenêtre était entrebâillée." dit Harry. "C'est moi qui l'avais ouverte pour respirer."

"Vous étiez au sommet de la tour nord !" fit remarquer Hermione. "Ta voix n'aurait pu porter jusque dans le parc !"

"C'est toi qui es censée mener des recherches sur les méthodes magiques pour écouter aux portes !" répliqua Harry, comme s'il était irrité qu'on remette en cause son explication. "Si on ne peut pas poser de micros à Poudlard, c'est à toi de me dire comment elle fait pour cafarder dans son journal !"

"J'ai essayé !" assura Hermione, mais je... mais…"

Soudain, un mot que venait de prononcer Harry se répéta dans sa tête. Cafarder.

Un cafard. C'était exactement ce qu'était Rita Skeeter.

Et si elle l'était vraiment ?

Tout concordait. Elle repensa à la scène étrange, sous le chêne de la Cour de Métamorphose. Drago, qui parlait à sa main…

Une autre image se succéda dans sa tête : Viktor, qui chassait un insecte de ses cheveux, après la seconde épreuve…

"Ça va ? Tu te sens bien ? s'inquiéta Ron.

"Oui…" répondit Hermione dans un souffle.

Elle avait étudié toutes les théories de changements de taille. Comment Skeeter aurait-elle pu faire pour entendre sa conversation avec Viktor, sur l'estrade ? Il fallait qu'elle soit petite… ou qu'elle change son apparence… Et si Rita Skeeter était capable de faire les deux…?

"Je viens d'avoir une idée…" murmura-t-elle. "Je crois que je sais... Parce que personne n'aurait pu voir.. Même pas Maugrey... Et elle aurait pu se mettre sur le rebord de la fenêtre... Mais elle n'a pas le droit... elle n'a absolument pas le droit... Je crois qu'on la tient ! Je vais à la Bibliothèque !"

Elle se leva précipitamment du banc, récupéra son sac et regarda à la table des Serpentards. Drago n'y était plus. Elle s'enfuit à toute vitesse par la grande porte et monta deux par deux les marches vers la Bibliothèque. Il ne lui restait qu'une dizaine de minutes avant que l'examen d'Histoire de la Magie commence… Elle pria pour que Drago soit déjà à la Bibliothèque…

Elle entra à toute allure dans la pièce immense. La voix sévère de Madame Pince dans son dos l'arrêta dans sa course :

"On ne court pas dans la Bibliothèque !"

Hermione obéit et ralentit son pas. Elle contourna les étagères dans le chemin qu'elle avait mémorisé par cœur, pour retrouver la table de la Bibliothèque. Elle était persuadée que Drago l'attendrait pour parler de sa découverte.

Elle jura entre ses dents quand elle se retrouva face à la table vide.

Elle avait désespérément besoin de parler à Drago, pour lui confirmer sa théorie. Il fallait qu'elle sache si elle avait raison. Et qu'elle puisse s'énerver contre lui, au passage, pour avoir dévoiler des informations privées d'Harry à la femme la plus abominable qu'il lui avait été donnée de rencontrer.

Prise par la frustration, elle donna un petit coup de pied dans le pied de la table. Puis, elle ouvrit son sac, déchira un morceau de parchemin d'une de ses fiches de révision, prit un stylo moldu et écrivit rapidement :

"SK - Animagus ? Besoin de te parler - RDV ici ce soir."

Elle plia le morceau de parchemin et le posa sur la chaise de Drago. Puis, elle retourna (en marchant) vers l'entrée de la Bibliothèque et se dépêcha d'aller en classe.

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Drago


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Mis à part l'Astronomie, Drago réussit tous ses examens. Il fallait dire qu'il n'avait jamais aussi bien travaillé depuis cette année.

Théo fut dans un état lamentable pendant la semaine, comme chaque année. Il révisait jusqu'à très tard dans la nuit et se réveillait avec des poches bleuâtres sous les yeux. La nuit, Drago l'entendait même réciter des incantations dans son sommeil.

Le vendredi matin, jour de la troisième épreuve, Drago savait que l'article devait paraître. Pourtant, ce fut avec un estomac toujours aussi crispé par l'angoisse qu'il aperçut les hiboux atterrir. Crabbe et Goyle affichèrent des sourires goguenards, Pansy eut une exclamation de joie, bien que son nom ne figurait pas sur l'article.

Théo lâcha une exclamation dramatique en le lisant. Drago ne le lit pas, il savait que c'était surtout des mensonges inventés par Skeeter. Par contre, il vit son prénom, et ressentit une petite fureur à l'égard de la journaliste qui n'avait pas respecté ses souhaits.

Voir l'expression de Potter était jouissif. Peu importe ce qu'il se passait avec Granger, il ne cesserait jamais de haïr ce garçon. Mais la douleur dans les yeux de Granger l'empêchait d'en profiter. Il se moqua de Potter en riant, mais c'était faux. Il ne ressentait plus la même satisfaction.

Il s'enfuit de la table des Serpentards juste après la découverte du trio. Il n'avait pas envie de voir la trahison de Granger. Il prétexta une révision de dernière minute et alla s'installer en avance devant la classe de Métamorphose.

Plus la journée passa, plus la culpabilité s'évapora. Il fut bientôt épris par l'excitation des élèves pour la troisième Tâche.

Dès que les examens furent officiellement terminés, et qu'ils prirent place au festin de la Grande Salle, Blaise se dépêcha de reparler du pari :

"Je vous rappelle vos mises." annonça-t-il avec un sérieux implacable. "Pans' et Daph', vous avez misé 10 Gallions sur Delacour. Vous voulez changer ?" dit-il avec un petit sourire.

"Non." répondirent les filles. "On y croit encore."

"À vos risques et périls." répondit Blaise, amusé. "Drago, tu es toujours sur Diggory, 10 Gallions. Moi, je suis pour Krum, 10 Gallions, et j'ajoute même 10 Gallions supplémentaires à la mise." dit-il, encouragé par des "ooooh" des Serpentards environnants. "Théo, tu es sûr que tu ne veux pas placer un dernier pari ?"

"Non, merci." répondit Théo qui mangeait en lisant un livre en même temps, une tâche compliquée qui lui valut de mettre de la sauce tomate partout.

"Très bien, comme tu voudras." dit Blaise. "Est-ce que quelqu'un souhaite placer un dernier pari ?" demanda-t-il à l'adresse du reste de la table.

Sa voix fut assez forte pour intéresser des élèves un peu plus loin. Blaise nota plusieurs mises sur son carnet pour tenir les comptes, en encourageant les Serpentards à élever leur somme à chaque fois. Quand Crabbe proposa craintivement sa participation, Théo lui lança un regard noir qui l'empêcha de le faire. Apparemment, ils avaient encore des dettes à régler.

"Plus personne ?" demanda Blaise à l'assemblée une fois que son carnet fut griffonné de partout. "Très bien. Que le meilleur gagne !" dit-il, suffisamment fort pour espérer que Krum l'entende.

Malheureusement, le bulgare continua de manger dans son coin sans leur prêter la moindre attention.

Quand le ciel de la Grande Salle s'assombrit, dévoilant des centaines d'étoiles au-dessus de leurs têtes, Dumbledore se leva et annonça :

"Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, dans cinq minutes, je vous demanderai de vous rendre au terrain de Quidditch pour assister à la troisième et dernière Tâche du Tournoi des Trois Sorciers. Les Champions sont priés de suivre Mr Verpey qui les accompagnera sur place."

Potter se leva, acclamé par la table des Gryffondors. Les familles des Champions étaient invitées à venir, c'est-à-dire la famille des Weasley pour Potter, puisqu'il n'en avait pas une à lui. Quand Drago observa la mère Weasley lui tapoter le dos en guise de réconfort, il se demanda vaguement si elle avait changé d'opinion concernant Granger, après lui avoir envoyé cet œuf de Pâques ridicule.

Tout le monde se leva cinq minutes plus tard, le ventre rempli d'un festin délicieux. Drago regarda Granger se rendre sur le terrain de Quidditch, nerveuse, mais moins que d'habitude. Elle souriait même à un des innombrables frères Weasley, un grand aux cheveux longs que Drago ne connaissait pas.

Sur tout le chemin, Blaise vantait les mérites de Krum. Drago décida de ne pas l'écouter.

Ils arrivèrent au terrain de Quidditch et Drago constata que Verpey connaissait mal l'organisation de son propre tournoi, parce que les tours étaient inoccupées. À la place, c'étaient des gradins qui entouraient l'entrée d'un labyrinthe aux haies impressionnantes. Drago prit place à celle des Serpentards, peinte en vert. De là où il se tenait, entre Blaise et Pansy, il avait une vue parfaite sur Granger, qui était assise sur l'estrade opposée, celle des Gryffondors.

Il faisait nuit, pour la première fois lors d'une épreuve. L'ambiance que ça ajoutait était électrifiante. Drago ressentit, pour la première fois depuis le début du Tournoi, une certaine excitation. Il était même tellement porté par les applaudissements du public qu'il se mit à acclamer Diggory avec force lorsque ce dernier fut appelé.

Les professeurs, ceux qui patrouillaient sûrement autour du labyrinthe pendant l'épreuve, discutaient à voix basse avec les Champions. Drago regarda Granger. Elle le regardait déjà. Il n'y avait pas de sourire sur son visage, simplement une concentration profonde. Quand ils se regardèrent, de part et d'autre du carré de pelouse, elle ne montra aucune expression particulière, mais ça suffit à envoyer un coup d'électricité dans le corps de Drago.

"Qui a eu l'idée stupide d'inviter la fanfare de l'école ?" se plaignit Théo, qui désignait un groupe d'élèves sous leur estrade.

"Aucune idée." avoua Pansy. "Ça rajoutera peut-être un peu plus d'amb-"

Au moment où elle parla, la fanfare commença sa première musique. Par musique, Drago entendait plutôt une série de sons assourdissants. Tous les Serpentards se bouchèrent instinctivement les oreilles en criant de surprise.

"Ne me dîtes pas qu'ils vont faire ça pendant toute l'épreuve ?!" hurla Blaise.

"J'en ai bien peur, ils ont l'air bien installés !" répondit Théo en montrant l'un des élèves de Poufsouffle, qui avait un sousaphone entre les genoux.

Le tintamarre que créaient tous ces instruments en même temps fut vite insoutenable. Ils dûrent attendre une dizaine de minutes avant que la musique prenne fin, et que Drago puisse retirer ses mains qui couvraient ses oreilles.

"Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, la troisième et dernière tâche du Tournoi des Trois Sorciers est sur le point de commencer !" annonça la voix amplifiée de Ludo Verpey. "Permettez-moi de vous rappeler le classement actuel des concurrents ! À la première place ex aequo, avec quatre-vingt-cinq points chacun : Mr. Cedric Diggory et Mr. Harry Potter, de l'école Poudlard !"

Drago applaudit, mais pour Diggory, évidemment. Il vit Granger sauter de joie sur l'estrade en acclamant Potter. Londubat et Weasley tenaient une banderole avec une tête de lion moche pour l'encourager.

"À la troisième place, avec quatre-vingts points : Mr Viktor Krum, de l'Institut Durmstrang !"

Granger applaudit un peu plus timidement, sous le regard noir de Weasley.

"Et à la quatrième place : Miss Fleur Delacour, de l'académie Beauxbâtons !"

Delacour fit une révérence élégante.

"Attention... À mon signal, Harry et Cedric !" reprit Verpey. "Trois... deux... un…"

Un coup de sifflet retentit et Potter et Diggory s'engouffrèrent dans le labyrinthe. Aussitôt, leurs silhouettes disparurent dans l'obscurité et il fut impossible de les distinguer.

Au bout de plusieurs minutes, Ludo Verpey siffla de nouveau et Krum s'avança à son tour, le visage figé, dur. Il n'adressa pas le moindre regard au public et entra dans le labyrinthe avec les épaules voûtées. Blaise criait dans l'oreille droite de Drago, alors que lui priait secrètement pour que Krum se fasse croquer par un Scroutt à Pétard d'Hagrid.

Delacour fut la dernière à entrer, plus gracieusement que les trois Champions précédents. Pansy l'applaudit avec entrain.

Puis, le carré de pelouse fut plongé dans le silence. Pendant quelques secondes, personne n'osa parler, comme s'ils avaient peur de déconcentrer les Champions à l'intérieur. Puis, Blaise se pencha à l'oreille de Drago pour lui dire quelque chose, et Drago se concentra sur sa phrase, quand…

"OH NON !" s'écria Théo.

La fanfare avait recommencé leur cacophonie. Drago eut instantanément un mal de tête, qui s'aggrava quand un élève fit tomber sa cymbale contre le bois de l'estrade. Il regretta de ne pas avoir pris ses caches-oreilles de Botanique.

Granger était attentive, comme si c'était elle dans le labyrinthe, et pas Potter. Elle parlait à voix basse à Weasley en scrutant le labyrinthe, en suivant les contours avec son doigt en l'air. Elle n'était pas dérangée par la fanfare, ou alors, sa concentration l'empêchait d'entendre.

Pendant longtemps, il ne se passa rien. Les Serpentards commencèrent une conversation et tout le monde se désintéressa rapidement du labyrinthe, d'où s'échappait aucun son ou lumière.

Au bout d'un petit moment, plusieurs professeurs se hâtèrent le long des contours des haies, la baguette brandie devant eux.

"C'est Fleur, non ?" demanda Pansy.

Personne ne fut capable de lui répondre. Il fallut encore de longues minutes avant que quelqu'un ne sorte du labyrinthe, et Drago reconnut son ensemble bleu poudré. C'était en effet Fleur, et elle avait l'air dans les vapes. McGonagall et Madame Maxime l'aidaient à marcher, puis elles la conduisirent en bas d'une estrade, avec les autres élèves de Beauxbâtons. Les Serpentards étaient trop loin pour l'entendre, mais ils virent Fleur secouer la tête, son visage strié de larmes.

"Miss Delacour est éliminée de la compétition après avoir reçu un sortilège." dit Verpey.

"C'est vague, ça." fit remarquer Daphné, à gauche de Blaise. "On n'a pas le droit de savoir quel sortilège ?"

"Ça ne change rien au fait que tu viens de perdre 10 Gallions, Daphn'" dit Blaise, tout content.

Daphné et Pansy firent la moue.

Quelques minutes plus tard, une gerbe d'étincelles rouges éclatèrent au-dessus des haies, ce qui fit sursauter Théo. Pendant qu'une équipe allait chercher le candidat disqualifié, Blaise murmura :

"Potter."

Mais ce n'était pas Potter. C'était Krum. Il était allongé sur un brancard, les yeux fermés, sa baguette encore serrée dans son poing. Quand ils virent ça, les Serpentards lâchèrent une exclamation déçue, mais rien ne fut plus volumineux que le véritable cri de détresse que poussa Blaise :

"Non ! NON ! KRUM !"

"20 Gallions, non ?" demanda Théo, un peu amusé.

Blaise posa sa tête contre l'épaule de Daphné. Drago eut un sourire : aussi bien à cause de la réaction disproportionnée de son meilleur ami que parce qu'il était très heureux de cette tournure d'événements.

Granger, elle, était partagée. Elle tenait toujours la banderole pour Potter, mais ses yeux fixaient le brancard de Krum, l'inquiétude évidente sur ses traits.

Krum fut emmené à l'infirmerie, et Verpey annonça sa disqualification (Drago aurait pu jurer entendre un petit sanglot à sa gauche.)

Puis, il ne se passa plus rien.

L'attente fut interminable, encore plus que pendant la seconde épreuve. Pansy leur proposa plusieurs paquets de bonbons et de chocolats pour faire passer le temps. Théo avait sorti un livre. Même la fanfare avait arrêté de jouer, au grand bonheur des tympans meurtris de Drago.

Pansy finit par observer les étoiles, et Drago fit de même. Ils discutaient de tout et de rien. Ils grignotaient des chocolats. Et de temps en temps, il risquait un regard vers sa Gryffondor, qui s'était assise aussi et parlait avec Weaslette.

Au bout d'un - très long - moment, Blaise demanda :

"Vous ne trouvez pas que les profs commencent à s'impatienter ?"

Drago regarda dans la direction indiquée. Dumbledore était debout, les sourcils froncés. McGonagall était revenue et parlait à toute vitesse à quelqu'un, l'air un peu paniquée. Maugrey et Hagrid patrouillaient toujours autour du labyrinthe. L'ambiance de détente qui s'était instaurée dans le public devint soudain plus impatiente. Drago pouvait entendre les murmures "qu'est-ce qu'il se passe ?" "quelqu'un a été blessé ?"

Il fronça les sourcils. S'il était arrivé quelque chose à Diggory ou Potter, ils l'auraient entendu, ou vu des étincelles. C'était long, mais peut-être qu'ils s'étaient simplement perdus ?

McGonagall fit demi-tour et marcha rapidement vers la gauche du labyrinthe, la baguette allumée. Elle paraissait inquiète. Rogue fit un geste brusque, lui aussi, et quand Drago posa les yeux sur lui, il le vit partir de l'autre côté, le bras pressé contre sa poitrine, comme s'il s'était blessé.

Drago sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine.

Tout le monde continuait de discuter doucement, insouciants. Daphné racontait quelque chose à Pansy et leurs éclats de rire retentissaient tout autour d'eux. Théo lisait toujours, sans prêter la moindre attention aux professeurs.

Mais Drago, sans savoir pourquoi, avait un mauvais pressentiment.

Les minutes traînèrent le plus lentement possible. Tous les sens de Drago était à l'affût, mais il n'avait aucune idée de pourquoi. Personne d'autre que lui n'avait l'air de ressentir la même chose que lui. Pourtant, ses muscles restaient inflexibles, et la peur dévorait petit à petit sa tête.

Soudain, au milieu du carré de pelouse, dans un grand "BOUM" qui interrompit toutes les conversations à voix basse, un éclair de lumière jaillit et deux personnes atterrirent avec force. Drago reconnut, en une seconde, le corps frêle de Potter, recouvert d'un t-shirt rouge et noir déchiré de partout, et Diggory, allongé par terre.

Tout le public sursauta et hurla, de joie pour certains, de déception pour d'autres. Toutes les personnes sur les gradins se levèrent en applaudissant, et commentèrent l'arrivée de Potter et Diggory, et la fanfare reprit avec joie, et les applaudissements fusèrent.

Mais Drago voyait bien que Potter était blessé. Sa jambe était dans un angle étrange, et il saignait par la déchirure de son t-shirt. Il s'agrippait toujours au trophée, et Diggory ne bougeait pas, comme s'il était glacé…

Drago comprit une seconde avant les autres. Il ne se leva pas comme ses camarades pour applaudir Diggory ou célébrer la victoire de Poudlard. Il resta figé, horrifié. Il contempla le corps de Cedric Diggory, son visage livide, et ce fut comme si tout le sang de sa tête était tombé, comme si un vent de froid glaçial le clouait sur place.

La seconde d'après -qui sembla durer une éternité-, les élèves comprirent. Les gens autour de Drago furent frappés par la même torpeur que lui. La fanfare arrêta de jouer brutalement. Pansy lâcha un cri strident, Delacour aussi, Théo hurla un mot vulgaire.

Et pendant que tout le monde constatait le corps sans vie de Diggory, quand tous les regards étaient tournés vers Potter, le corps de Drago réagit tout seul, sans qu'il le contrôle, comme s'il disposait d'un dernier réflexe qui surpassait sa stupeur, et il se tourna vers Hermione, et vit son visage figé par l'horreur.

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Hermione


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La première pensée qu'Hermione eut quand elle vit Harry et Cedric arriver sur la pelouse fut "Ils méritaient tous les deux de gagner."

Elle sauta de joie instinctivement, avec un sourire sur le visage. Harry, gagnant ! Elle n'aurait jamais pu imaginer qu'il puisse gagner, ça n'avait jamais été envisageable. Mais la perspective de voir tous les efforts d'Harry payés fut débordante, elle n'arrivait plus à s'arrêter de sourire et de crier. Elle sentit à peine les petites gouttes de pluie sur son front, entendit à peine les exclamations des jumeaux à côté d'elle.

Puis, elle remarqua quelque chose d'étrange. Pourquoi Harry ne s'était-il pas encore relevé ? Pourquoi ne brandissait-il pas le trophée ? Au début, elle pensa qu'il était blessé. Ce fut à ce moment-là qu'elle remarqua que Cedric n'avait pas bougé. Ses yeux étaient ouverts, mais vitreux, et son corps ne bougeait pas, parfaitement immobile.

Une seconde pensée traversa alors son esprit : "Il est mort."

Elle porta ses mains à sa bouche sans s'en rendre compte pour étouffer le cri d'effroi qui ne sortit jamais. Le corps d'Harry était parcouru de spasmes, de froid, de douleur ou de larmes, elle n'aurait su le dire. Ron comprit en même temps qu'elle. Il lâcha sa banderole qui tomba par terre et elle entendit sa respiration se couper.

Une troisième pensée, presque enfantine, anima son cerveau empli de peur. Elle avait envie que sa maman soit là. Qu'elle la prenne dans ses bras.

Hermione n'avait jamais vu la mort si près. Elle pouvait presque la sentir dans l'air, ou comme un goût dans sa bouche. Elle ne ressentait même pas l'angoisse qu'elle pensait ressentir, elle sentait juste sa tête se vider, son cœur s'arrêter. Elle regardait Harry pleurer de toutes ses dernières forces contre le corps de Cedric Diggory, sans pouvoir rien faire, le sentiment d'impuissance écrasant tout le reste. C'était la pire scène à laquelle elle avait assisté de toute sa vie.

La main de Ron trouva la sienne et la serra. Elle n'avait pas remarqué qu'elle avait fait tomber ses bras le long de son corps. Ce fut la chaleur de la paume de Ron qui la sortit brutalement de sa transe. Comme s'il l'avait réanimé avec un choc électrique.

"Harry ! HARRY !" hurla-t-elle.

Elle poussa sans ménagement tous les gens de l'estrade qui la séparaient de la sortie. Elle n'avait pas lâché de la main de Ron. Il la suivait de près, avec la même vigueur qu'elle, mais sans un mot, comme s'il était trop choqué pour retrouver l'usage de la parole. Avec son autre bras, elle se frayait un chemin dans les gradins.

"Harry ! Harry !" continuait-elle de crier, sans s'arrêter, comme s'il pouvait l'entendre dans le vacarme, comme si le fait de l'appeler pouvait diminuer la douleur qu'il devait ressentir à ce moment.

Elle regarda Dumbledore le saisir et le retourner sur le dos. Il le secouait, comme s'il était inconscient. Hermione poussa un élève qui gênait le passage et dégringola les escaliers à toute vitesse.

"Merlin, Diggory !" s'exclama Fudge, qui était lui aussi penché à côté de Dumbledore. "Dumbledore, il est mort !"

Le mot résonna et fut répété dans des cris effarés. Hermione pouvait entendre les personnes autour d'elle éclater en sanglots, mais elle ne se laissa pas déconcentrer, elle resta fixée sur son objectif : trouver Harry, trouver Harry, trouver Harry…

Il ne restait que quelques marches. Hermione regardait à peine où elle allait, elle ne cessait de jeter des regards paniqués en direction de son meilleur ami. Il était debout maintenant, mais il chancelait. Il avait mal à la jambe, et quand elle fit descendre son regard, elle remarqua qu'elle était en sang. Une terreur froide s'empara de sa tête. Il était blessé.

Elle sauta de la plateforme et atterrit dans l'herbe, Ron toujours derrière elle. Plusieurs personnes étaient descendues des estrades, c'était difficile de voir quelque chose dans la foule de gens terrifiés. Quand elle essaya de voir par-dessus, Harry n'était plus là.

"Harry ! Harry ! Où est Harry ?"

Un homme s'était agenouillé près de Cedric et poussait des hurlements déchirants. On entendait l'agonie à travers son cri implorant. Dumbledore était dos à Hermione, en train de parler à une sorcière livide. Hermione comprit qu'il s'agissait des parents de Cedric.

"Où est Harry ?" répéta-t-elle, mais personne ne l'entendait.

Elle refusa de baisser les yeux, de peur de voir le corps de Cedric et de garder son visage inexpressif en mémoire. Elle vit Rogue, cependant, s'agenouiller à côté de lui et le couvrir de sa cape noire. Ron sembla retrouver la parole à cet instant :

"Hermione, il est, il est, Cedric…"

Visiblement, il était en état de choc. Hermione s'arracha de sa vision et se tourna vers Ron, qui avait perdu toutes ses couleurs. Il tenait la main d'Hermione avec force, désormais, la seule chose qui la retenait encore de ne pas tomber.

"Ron, Harry, où est Harry ?" demanda-t-elle en criant.

"Je ne… Ma mère, trouvons ma mère." fut sa réponse.

Ils ne mirent pas longtemps à la trouver. Mrs. Weasley était debout, à la bordure de la pelouse, la main plaquée contre sa bouche et les yeux ruisselants de larmes. Ginny était à sa droite, accrochée au bras de George qui la serrait contre lui. Quand Ron arriva, Mrs. Weasley se précipita sur lui :

"Oh, Ron, c'est terrible, terrible !"

Elle enlaça son fils qui retrouva, par ce contact, un semblant de clarté. Il ferma les yeux et enlaça sa mère. Il était plus grand qu'elle, si bien qu'on ne savait pas vraiment qui réconfortait qui.

"Où est Harry ?" demanda la mère de Ron.

"Je ne sais pas, je ne le retrouve plus !" s'écria Hermione dans une voix stridente et paniquée qu'elle ne reconnaissait pas. "Il était là, et l'instant d'après, on l'a emmené…"

McGonagall passa à côté d'eux à ce moment-là. Sa baguette était plaquée contre elle et elle regardait Cedric, hébétée.

"Professeure McGonagall ! Où est Harry ?" demanda Hermione avec la même voix étrange.

"Avec Dumbledore, il est…" commença-t-elle, puis quand elle tourna la tête, elle vit que Dumbledore était seul.

Sans leur dire un mot, elle s'approcha de Dumbledore et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Le Directeur chercha autour de lui, demanda quelque chose à Hagrid, à Rogue, puis sortit subitement du terrain de Quidditch à une vitesse impressionnante pour un homme si âgé. McGonagall et Rogue le suivirent, leurs deux baguettes pointées droit devant eux, le visage impassible.

Ginny pleurait contre le bras de son frère. Mrs. Weasley et Ron étaient toujours serrés l'un contre l'autre, tremblotant légèrement. Cedric fut emmené par brancard, recouvert de la cape noire de Rogue. Il pleuvait beaucoup, maintenant.

Pour la première fois depuis qu'Harry était revenu, Hermione vit Drago dans la foule. Il était toujours sur l'estrade des Serpentards, les yeux perdus dans le vide. Pansy Parkinson était affalée contre lui. Elle ne pleurait pas, mais son visage déjà pâle reflétait la même horreur que sur celui d'Hermione. Quand la Gryffondor les observa, Drago croisa son regard. Ils n'échangèrent pas le moindre signe, mais pourtant, elle vit à quel point il était horrifié.

Quand la pluie commença à tomber en torrent, ils retournèrent tous au Château. Mrs. Weasley pensait qu'Harry avait été conduit à l'infirmerie, alors ils s'y rendirent le plus rapidement possible. Bill menait le groupe avec un calme olympien. Hermione était toujours dans cet état de stupeur qui l'empêchait de ressentir quoi que ce soit. Ron était en état de choc. Ginny n'arrivait plus à contrôler ses pleurs, et Fred et George la consolaient à voix basse.

Le Château était bondé d'élèves paniqués. Personne ne comprenait vraiment ce qu'il se passait, et tout le monde se posait les questions à voix haute. Bill dû se frayer un chemin entre tout le monde pour pouvoir atteindre les escaliers. Quand ils arrivèrent à l'infirmerie, Madame Pomfresh était en train de s'occuper d'un patient sur l'un des lits du fond, probablement Krum.

"Où est Harry ?" demanda Hermione en inspectant chaque lit ouvert.

Il n'était pas là. Son pouls accéléra dangereusement.

"Je peux vous aider ?" demanda l'infirmière d'une voix éteinte.

"Nous cherchons Harry." expliqua Mrs. Weasley.

"Il n'est pas là, je le crains."

Tout le monde lui posa des questions en même temps. Hermione sentait ses entrailles se contracter à mesure que Madame Pomfresh secouait la tête. Elle détestait le fait de ne pas savoir où était Harry, surtout après l'avoir vu dans cet état. Il avait été blessé. Pourquoi n'était-il pas à l'infirmerie, pour se faire soigner ?

Fred et George se portèrent volontaires pour aller chercher Dumbledore, et Ginny les suivirent. Elle pleurait toujours et ses vêtements trempés lui collaient à la peau, tout comme ceux d'Hermione, qui tremblaient de froid et de peur.

En tournant la tête, Hermione fut surprise de voir Maugrey allongé dans un lit au loin. Il lui manquait son œil, et son crâne était dégarni, ce qui lui donnait une tête effrayante. Il avait l'air en très mauvais état. Hermione haussa les sourcils, surprise de voir son professeur ici.

"Est-ce que vous l'avez vu avant qu'il ne reparte ?" demanda Mrs. Weasley d'un ton franchement impatient. "Est-ce quelqu'un a la moindre idée d'où peut se trouver ce garçon ?!"

Au moment où elle demanda ça, la porte de l'infirmerie s'ouvrit et tout le monde fit volte-face. Dans l'embrasure se tenait Dumbledore, l'air parfaitement serein, contrairement à tout le monde. Harry était là aussi, à moitié appuyé contre lui, grimaçant de douleur. Il était plein de boue et de sang, son corps convulsé par des spasmes nerveux.

"Harry ! Oh, Harry !" hurla Mrs. Weasley en le voyant.

Elle s'approcha mais Dumbledore l'arrêta d'un geste de la main :

"Molly, écoutez-moi un instant." réclama le directeur d'une voix ferme. "Harry a traversé une terrible épreuve cette nuit. Et il a fallu qu'il la revive pour me la raconter. La seule chose dont il ait besoin, maintenant, c'est de sommeil, de tranquillité, de calme. S'il souhaite que vous restiez avec lui, vous pourrez le faire. Mais je ne veux pas que vous lui posiez des questions tant qu'il ne sera pas prêt à y répondre, c'est-à-dire certainement pas ce soir."

Tout le monde hocha la tête. Il était clair qu'Harry était encore en état de choc. Son œil gauche tiquait derrière ses lunettes cassées.

"Monsieur le directeur ?" demanda Madame Pomfresh. "Puis-je vous demander ce que ce…?"

"Ce chien va rester avec Harry pendant un certain temps." expliqua Dumbledore, et Hermione ne remarqua qu'à ce moment-là un gros chien noir au pied d'Harry. Sirius. "Je reviendrai dès que j'aurai vu Fudge. Je te demande de rester ici jusqu'à demain, Harry."

Harry acquiesça et Dumbledore quitta l'infirmerie. Madame Pomfresh aida Harry à s'asseoir sur le premier lit. Il se changea dans des nouveaux pyjamas. Quand il aperçut Maugrey, il demanda doucement à l'infirmière :

"Comment il va ?"

"Il se remettra très bien." assura Madame Pomfresh.

Hermione ne comprenait pas cet échange. Harry savait probablement de quoi souffrait Maugrey, peut-être l'avait-il vu dans le labyrinthe.

Tout le monde prit place autour d'Harry, Hermione et Ron les plus proches de lui. Quand il posa ses yeux verts sur eux, il ébaucha un faible sourire :

"Je me sens bien." promit-il d'une voix rocailleuse. "Je suis juste fatigué."

Cette phrase rassura Hermione, qui réussit à lui rendre un pâle sourire. Madame Pomfresh lui tendit alors une potion de sommeil sans rêves, qu'Harry avala. Dès qu'il termina le flacon, ses yeux se fermèrent tous seuls et sa tête vacilla contre l'oreiller.

Hermione retira ses lunettes avec douceur, sortit sa baguette et prononça : "Occulus Reparo", puis les plaça sur sa table de nuit.

L'infirmerie fut plongée dans le silence. Tout le monde contemplait Harry dormir sans dire un mot. Le calme était reposant. Hermione put visualiser plus clairement les événements de la soirée. Maintenant qu'elle savait qu'Harry était en vie, elle s'autorisa à se poser toutes les questions qu'elle n'avait pas osé élaborer intérieurement avant, trop angoissée pour son meilleur ami.

Qui avait tué Cedric Diggory ?

Un frisson de sueur froide lui remonta le dos, et elle sut qu'elle connaissait déjà la réponse à cette question.

Harry ne se réveilla pas longtemps après, alerté par les hurlements de Fudge dans le couloir. Hermione était debout contre l'une des fenêtres de l'infirmerie, avec Ron. Quand elle vit le Ministre entrer avec fureur dans la pièce, suivi par une McGonagall furieuse et un Rogue inexpressif, Hermione se fit la réflexion que cette scène ressemblait comme deux gouttes d'eau à l'année précédente, quand Sirius avait été capturé.

"Où est Dumbledore ?" vociféra Fudge à Mrs. Weasley.

"Il n'est pas là." répondit-elle d'un ton tranchant. "C'est une infirmerie, ici, monsieur le Ministre, et vous ferez bien de…"

Dumbledore entra à cet instant. S'ensuivit alors une conversation qu'Hermione ne comprit absolument pas. Ils parlèrent de Barty Croupton, et Hermione réalisa bien trop tard qu'il s'agissait du Junior, le fils de Barty Croupton. Elle ne saisissait pas le sens de cette discussion, mais elle réagit surtout quand Dumbledore annonça d'une voix solennelle :

"Lord Voldemort lui a bel et bien donné des ordres, Cornélius. La mort de ces gens n'a été qu'un effet secondaire du plan qui visait à redonner à Voldemort toute sa force. Et ce plan a réussi. Voldemort a retrouvé son corps."

Tout le monde frissonna. Même si elle s'en doutait, l'entendre dire par la voix de Dumbledore était encore plus frappant. Elle échangea un regard apeuré avec Ron.

Pendant que Fudge contestait son retour, remettant en cause l'esprit d'Harry "sujet aux folies", Hermione s'imagina ce qu'Harry avait pu affronter ce soir.

"Pardonnez-moi, Dumbledore…" dit Fudge avec un étrange sourire, comme s'il s'attendait à ce que quelqu'un lui dise que c'était en fait une vaste blague d'une seconde à l'autre. "Je n'avais encore jamais entendu parler d'une cicatrice qui puisse jouer le rôle de signal d'alarme…"

Hermione ressentit une haine envers le Ministre, qu'Harry partagea sûrement, parce qu'il s'écria tout à coup :

"Écoutez ! J'ai vu Voldemort revenir !"

Tout le monde se tut. Les pires craintes d'Hermione venaient d'être confirmées.

"J'ai vu les Mangemorts !" continua-t-il d'une voix forte. "Je peux même vous donner leurs noms ! Lucius Malefoy…"

Hermione reçut ce nom comme un coup de poing dans le ventre. Elle savait pertinemment que Lucius Malefoy était un Mangemort. C'était évident, même Drago l'avait laissé entendre plusieurs fois. Mais elle se demanda si son fils était au courant de ses agissements de ce soir. Est-ce que Drago était au courant que son père avait vu le Seigneur des Ténèbres ? Est-ce qu'il connaissait déjà le plan mis en place pour capturer Harry dans le labyrinthe ?

Elle secoua la tête. Elle était rationnelle. Elle connaissait Drago. Même s'il essayait de jouer un rôle auprès d'Harry, elle savait qu'il ne lui voudrait aucun mal. Il n'était pas au courant. Si elle apprenait que le garçon avec qui elle avait passé la plupart de ses soirées pendant l'année, le garçon qu'elle commençait à sérieusement apprécier, avait comploté dans son dos pour essayer de piéger son meilleur ami, elle serait capable de s'effondrer sur place.

Fudge n'écoutait toujours pas, malgré les noms qu'Harry citait. Pourtant, Dumbledore essayait à tout prix de lui faire entendre raison. Chaque argument qu'il donnait pour prouver son Retour donnait la chair de poule à Hermione. Mais Fudge était buté.

"Il ne peut pas être de retour."' affirma-t-il en fixant Dumbledore dans les yeux. "C'est impossible."

Dumbledore fut sur le point de répliquer, quand Rogue s'interposa soudain. Son mouvement fut tellement brusque que Ron sursauta à côté d'Hermione. Rogue se mit devant Fudge, son visage dénué de toute émotion, et souleva la manche de sa cape pour lui montrer son avant-bras.

"Voilà." dit Rogue de sa voix grave et profonde. "Vous voyez : la Marque des Ténèbres. Et encore, elle n'est pas aussi nette. Il y a une heure, elle était devenue noire. Mais vous pouvez quand même la voir. Lord Voldemort a gravé cette marque par le feu dans le bras de chaque Mangemort."

Hermione ne put retenir un hoquet de surprise. Elle ne pouvait pas très bien voir, mais elle crut percevoir une tâche d'encre noire en forme de crâne sur la peau blafarde de son professeur. Harry lui avait dit que Rogue avait été un Mangemort, mais c'était la première fois qu'elle assistait à une preuve aussi réelle.

"C'était un signe de reconnaissance et un moyen de nous faire venir auprès de lui." continua Rogue. "Lorsqu'il touchait la Marque d'un Mangemort, nous transplanions immédiatement à ses côtés. Cette Marque que vous voyez là est devenue de plus en plus visible au cours de l'année. Celle de Karkaroff également. Pourquoi pensez-vous que Karkaroff a pris la fuite, cette nuit ? Tous les deux, nous avons senti la Marque nous brûler. Et tous les deux, nous savions qu'il était de retour. Karkaroff redoute la vengeance du Seigneur des Ténèbres. Il a trahi trop de ses camarades Mangemorts pour être bien accueilli s'il revenait auprès de son maître."

Fudge ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, les yeux rivés sur la Marque de Rogue. Puis, son visage prit une teinte violacée inquiétante, et il leva les yeux vers Dumbledore avec un profond dégoût marqué sur ses traits.

"Je ne sais pas à quoi vous jouez, vous et vos collègues, Dumbledore, mais j'en ai entendu assez. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je vous recontacterai demain pour parler un peu de la façon dont cette école doit être dirigée. Pour l'instant, je dois retourner au Ministère."

Et il s'en alla furieusement, non sans avoir jeté le sac de mille Gallions gagné par Harry sur son lit. Ce dernier ne le regarda même pas.

Quand Fudge s'en alla de la pièce, Dumbledore se tourna vers les autres de la pièce. Il était parfaitement calme pour quelqu'un qui venait d'avoir une violente dispute.

"Il y a du travail." dit-il gravement. "Molly, j'espère ne pas me tromper en estimant que je peux compter sur vous et sur Arthur ?"

"Bien sûr que vous le pouvez." assura aussitôt Mrs. Weasley.

Hermione ressentit un élan d'admiration pour cette femme si courageuse. Dumbledore distribua ensuite des tâches : Bill partit transmettre le message à son père, Madame Pomfresh fut envoyée chercher Winky, et McGonagall s'en alla chercher Hagrid et Madame Maxime.

"Et maintenant, il est temps pour deux d'entre nous de se reconnaître tels qu'ils sont." annonça Dumbledore une fois que tout le monde fut sorti. "Sirius... Voudriez-vous reprendre votre forme habituelle ?"

Le gros chien noir à côté du lit d'Harry leva la tête, et une seconde plus tard, il reprit forme humaine. Mrs. Weasley hurla de terreur :

"Sirius Black !" cria-t-elle.

"Du calme, maman !" dit Ron en s'approchant d'elle pour lui tenir le bras. "Il n'y a aucun danger !"

Rogue, quant à lui, observait Sirius avec horreur. La tension de la pièce fut soudain chargée d'animosité. Hermione s'attendait presque à ce qu'ils se lancent dans un duel au beau milieu de l'infirmerie.

"Lui !" siffla Rogue. "Qu'est-ce qu'il fait ici ?"

"Il est ici parce que je l'ai invité." dit Dumbledore d'un ton paisible. "Tout comme vous, Severus. Je sais que je peux compter sur vous deux. Le moment est venu d'oublier vos anciennes querelles et d'avoir confiance l'un dans l'autre."

En voyant les yeux pleins de révulsion de Sirius, Hermione réalisa que Dumbledore demandait l'impossible. Ils se haïssaient.

"À court terme…" continua Dumbledore, avec une certaine impatience dans la voix, "Vous pourriez vous contenter de ne pas vous manifester d'hostilité ouverte. Vous allez commencer par vous serrer la main. Vous êtes du même côté, désormais. Nous n'avons pas beaucoup de temps et, si les rares personnes qui connaissent la vérité ne s'unissent pas dès maintenant, il n'y aura bientôt plus d'espoir pour aucun d'entre nous."

Très lentement, Rogue et Sirius se serrèrent la main, sans arrêter de se jeter des regards assassins.

"Ça suffira pour l'instant." dit Dumbledore en se plaçant entre eux. "À présent, j'ai du travail pour vous deux. L'attitude de Fudge, bien qu'elle ne soit pas surprenante, change tout. Sirius, il faut que vous partiez immédiatement prévenir Remus Lupin, Arabella Figg, Mondingus Fletcher, tous les anciens. Restez caché chez Lupin pour le moment, je vous contacterai là-bas."

"Mais…" dit Harry faiblement. Il regardait son parrain avec tant de peine qu'il était difficile pour Hermione de le regarder.

"Tu me reverras très bientôt, Harry." assura Sirius. "Je te le promets. Mais je dois faire ce que je peux, tu comprends, non ?"

"Oui." dit Harry. "Oui... Bien sûr."

Sirius lui serra la main affectueusement, se transforma de nouveau en chien et quitta la pièce. Mrs. Weasley le suivit des yeux avec un air de stupeur.

"Severus." dit Dumbledore en se tournant vers Rogue. "Vous savez ce que je dois vous demander. Si vous y êtes prêt…"

"Je suis prêt." répondit Rogue avec assurance.

Hermione fronça les sourcils. Elle aurait aimé connaître le contenu de cette mission cachée.

"Alors, bonne chance." dit Dumbledore avec gravité.

Rogue quitta la pièce sans jeter le moindre regard aux alentours. Il ferma la porte de l'infirmerie, qui tomba dans le silence. Après les hurlements de Fudge et les paroles de Dumbledore, Hermione accueillit le silence avec plaisir.

"Je dois descendre." annonça Dumbledore. "Il faut que je voie les Diggory. Harry, bois le reste de ta potion. Je reviendrai un peu plus tard."

Harry hocha la tête en regardant le directeur quitter la pièce à son tour. Hermione le regardait pendant qu'il contemplait le plafond, visiblement en train de digérer toutes les informations de la soirée. Son oeil gauche tiquait toujours derrière ses lunettes.

La mère de Ron s'approcha alors du lit d'Harry et lui parla du ton le plus doux possible :

"Il faut que tu finisses ta potion, Harry. Tu as besoin d'une bonne nuit de sommeil. Essaye de penser à autre chose… Pense par exemple à tout ce que tu vas pouvoir t'acheter avec ce que tu as gagné !"

"Je ne veux pas de cet or." répondit Harry aussitôt, comme si cette simple idée lui faisait mal. Sa voix était encore plus rauque d'avoir tant crié. "Prenez-le. Donnez-le à n'importe qui. Ce n'est pas moi qui aurais dû le gagner, c'est Cedric."

Sa voix se brisa un peu en disant son prénom. Hermione sentit les larmes monter contre son gré. Il avait l'air d'avoir tellement souffert…

"Ce n'est pas ta faute, Harry." murmura Mrs. Weasley.

"Je lui ai dit de prendre le trophée en même temps que moi…"

Il cligna plusieurs fois des paupières pour chasser les larmes aux coins de ses yeux. Mrs. Weasley reposa la potion sur la table de chevet, et prit Harry dans ses bras. L'étreinte sembla choquer Harry pendant les premières secondes, puis il se laissa aller et ferma les yeux. Molly le serrait très fort dans ses bras.

Ils restèrent ainsi longtemps, et Hermione eut la sensation que ça lui fit du bien. Il enfouit son visage contre son cou pendant qu'elle lui caressait doucement le dos en le berçant doucement.

Hermione détourna les yeux. Elle avait l'impression d'entrer dans leur intimité et elle ne voulait pas gêner Harry. Elle observa la nuit à travers la fenêtre. De loin, elle pouvait encore percevoir la faible voix de plusieurs élèves dehors.

Son œil fut attiré par une tâche noire, sur le rebord de la fenêtre. Quand elle vit un scarabée énorme, elle cligna des yeux plusieurs fois. C'était étrange qu'un scarabée soit posé de cette manière…

Hermione comprit d'un coup. Ce n'était pas un simple scarabée. C'était Rita Skeeter. Sa théorie était juste : elle était un Animagus non répertorié. Elle avait pensé qu'elle pouvait se changer en cafard, mais en scarabée, c'était plus plausible. En plus, c'était bien un scarabée que Viktor lui avait enlevé des cheveux.

La colère écrasa l'émotion d'Hermione. Elle ressentit une colère déchirante à l'idée que cette horrible journaliste puisse décrire la scène si intime que vivait Harry à cet instant. Ça le détruirait. Elle agit alors sous le coup de l'émotion. Elle prit un petit bocal vide sur la table remplie de potions de Madame Pomfresh, se rapprocha de la fenêtre et enferma la bête dedans.

Sa capture fit un plus grand bruit que ce qu'elle avait prévu. Elle vissa le bocal en deux temps trois mouvements, et le rangea précipitamment dans la poche de sa cape. Quand elle se retourna, Mrs. Weasley, Harry et Ron la regardaient bizarrement.

"Désolée." chuchota-t-elle.

"Ta potion, Harry." dit Mrs. Weasley en s'essuyant les yeux.

Harry termina la potion d'un coup. Sa tête se posa sur ses oreillers et il ferma ses yeux gonflés par les larmes.

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Les jours qui suivirent furent étranges.

Harry était revenu, mais il ressemblait à un fantôme. Il était constamment pâle et il ne parlait pas, plongé dans ses pensées. Il ne restait qu'avec Hermione et Ron. Le soir après son retour de l'infirmerie, il leur raconta très brièvement ce qu'il s'était passé. Même sans les détails, Hermione avait été terrifiée à l'idée que son meilleur ami puisse avoir vécu ça tout seul. Elle ne réussit pas à dormir pendant deux nuits d'affilée.

Ensuite, Harry refusa de parler de ça. Ni de Cedric, ni de Dumbledore, ni du Seigneur des Ténèbres. Hermione et Ron le comprirent et évitèrent tous les sujets liés aux terreurs qu'avait subi Harry. Ron et lui jouaient aux échecs en silence, ou il lisait à côté d'Hermione sur les fauteuils de la Salle Commune, même si Hermione suspectait qu'il ne lisait pas vraiment. En cours, il s'asseyait à côté d'eux, mais ses yeux étaient toujours perdus dans le vide.

Ron et Hermione ne furent pas surpris qu'Harry leur demandèrent s'ils pouvaient rendre visite à Hagrid pendant une heure de cours de libre, le jeudi. Quand ils s'installèrent autour de la table ronde de sa cabane, avec un thé à la cannelle et des petits biscuits, Hagrid demanda à Harry :

"Ça va ?"

"Oui." répondit-il.

"Non, ça ne va pas." dit Hagrid. "Bien sûr que ça ne va pas. Mais ça ira mieux."

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Le dernier soir avant qu'ils ne repartent pour les vacances, le festin traditionnel de fin d'année fut remplacé par une cérémonie en hommage à Cedric. Ce fut la première fois qu'Hermione pleura pour lui. Comme si sa gorge avait été compressée depuis tout ce temps, et que le discours de Dumbledore avait réussi à la faire éclater en sanglots. Harry ne pleura pas, mais il resta stoïque, et ignora les regards curieux des autres élèves sur lui.

Juste avant la fin, Hermione tourna la tête et vit Drago, de l'autre côté de la Grande Salle. Il ne pleurait pas, et ne regardait pas Dumbledore pendant qu'il parlait. Pourtant, Hermione remarqua que la mort de Cedric l'avait touché, lui aussi. Son cœur se comprima. Lucius Malefoy avait été là, ce soir-là.

Elle décida d'aller à la Bibliothèque après le festin. Elle n'avait pas vu Drago depuis la semaine avant les examens, et elle mourrait d'envie de lui parler. Elle voulait connaître son avis et savoir comment il allait.

Harry se coucha tôt ce soir-là, et Ron l'accompagna. Hermione en profita pour sortir discrètement de la Salle Commune avant le couvre-feu et se dirigea d'un pas assuré vers la Bibliothèque. Sur le chemin, elle s'imagina tout ce qu'elle allait lui demander. Toutes les questions qu'elle voulait lui poser, et toutes les réponses qu'elle redoutait d'entendre.

Et même si elle était furieuse contre lui pour l'article et pour Skeeter, elle avait du mal à contenir son envie de le voir et de lui parler. Même si c'était stupide.

Elle arriva dans la Bibliothèque avec une série de questions toutes prêtes dans sa tête. Elle s'imaginait déjà comment il serait habillé, son odeur, sa voix. Son cœur la lançait douloureusement à chaque pas qu'elle faisait, désireux de le revoir avant de partir pour l'été.

Mais quand Hermione contourna la dernière étagère et arriva sur la table ronde, elle était vide. Elle était tellement persuadée que Drago serait assis ici qu'une vague de déception l'attrapa et elle se mit à pleurer silencieusement.

Elle fit le tour de la table et remarqua que son mot sur Skeeter avait disparu. Donc, il était bien venu ici.

Elle était sur le point de faire demi-tour quand elle vit un morceau de parchemin sur le bord de la table.

Elle se jeta dessus et le souleva. En dessous, il y avait cinq grosses pièces d'un Gallion. Hermione les contempla sans comprendre, puis elle tourna le papier pour lire ce qu'il avait écrit.

Un seul mot était écrit de sa belle écriture en italique.

"Gagné."