Drago


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Le trajet retour du Poudlard Express fut morose. En regardant ses amis, Drago se rappela avec nostalgie des trajets pendant leurs premières années. Quand tout le monde riait, échangeaient des confiseries et discutaient avec enthousiasme de l'année à venir, ou passée. Ce n'était plus le cas, désormais.

C'était l'une des nombreuses choses qui avaient changé dans la vie de Drago.

Depuis la fin de la troisième Tâche, l'ambiance était désastreuse. La tension qui s'était accumulée depuis que Diggory était revenu mort n'avait pas faibli. Il régnait, dans le Château, une peur palpable, qui mettait Drago terriblement mal à l'aise.

Heureusement que le professeur Rogue lui avait enseigné l'Occlumancie, parce qu'il aurait eu beaucoup de mal à gérer cette quantité de stress s'il n'avait pas eu cette escapade. Dès que Drago se sentait débordé, trop émotif, ou sur le point de faire une crise de panique, il méditait et réussissait à trier ses pensées. Faire ça l'aidait à se calmer, étrangement. Comme si, en nettoyant sa bibliothèque mentale, il nettoyait aussi sa vie.

Il n'avait pas vu Granger depuis. Pourtant, il l'avait attendue. Il était allé, tous les soirs après la troisième Tâche, à la table reculée de la Bibliothèque, mais elle n'était jamais venue. Drago avait fini par abandonner. Elle ne voulait sûrement plus jamais lui parler. Il avait laissé l'argent du pari sur la table et n'était plus revenu. Il comprenait sa décision, même si elle était terriblement douloureuse.

Drago regarda autour de lui dans le compartiment.

Pansy était allongée sur la banquette, la tête à moitié appuyée sur lui. Elle faisait semblant de dormir, mais Drago pouvait voir ses yeux s'entrouvrir de temps en temps. Elle avait beaucoup pleuré, le soir de la mort de Diggory, et les grosses marques de fatigue sur son visage pâle le montrait que trop bien.

Blaise était en face d'eux, en train de lire un magazine de Quidditch. Il n'avait pas beaucoup parlé depuis la troisième Tâche. De ce que Drago avait entendu, il avait aussi rompu avec Daphné. Drago avait rarement vu son meilleur ami aussi triste.

Théo était le pire des quatre. Il n'avait pas encore digéré le moment horrible du retour de Potter. Il faisait semblant de lire son livre, mais Drago pouvait voir que ses yeux étaient lointains. De temps en temps, un spasme traversait son corps et il se recroquevillait davantage sur la banquette. Drago se rappela qu'il l'avait entendu pleurer dans son lit, la veille.

Mais il aurait été incapable de se moquer. Il était dans le même état. La mort de Diggory l'avait bouleversé, bien plus que ce qu'il prétendait. Lui aussi voyait son corps figé atterrir sur l'herbe, avant de dormir. Il entendait encore les lamentations poignantes du père de Diggory, agenouillé près de son fils. Il s'imaginait, contre son gré, ce qu'ils avaient bien pu voir, cette nuit-là, et ça l'empêchait de dormir.

La combinaison de cette nuit-là et du silence de Granger était très difficile à supporter. Il avait évité de la chercher du regard, pour son propre bien, mais avait échoué plus d'une fois. Granger avait le même visage de stupeur que ses trois amis. Elle aussi était toujours aussi secouée. Il l'avait vue pleurer à la cérémonie d'hommage.

Drago, lui, n'avait pas versé la moindre larme.

Il sursauta légèrement quand Pansy ouvrit la bouche, rompant pour la première fois le silence qui s'était instauré dans le compartiment depuis des heures :

"On dirait que personne ne parle dans le train."

Drago écouta. D'habitude, les murs fins des compartiments laissaient entendre les conversations étouffées des autres élèves. Très souvent, quelques-uns passaient en courant devant la porte, en riant. Cette fois-là, cependant, tout était plongé dans le silence. Drago ne pouvait entendre que le faible grondement des roues contre les rails.

"C'est vrai." confirma Drago doucement. "On dirait que personne ne veut en parler."

"C'est normal." dit Blaise en levant à peine la tête de son magazine. "Ça ne fait que quelques jours. Tout le monde est encore un peu choqué."

"Je n'arrive pas à croire que tu as voulu t'inscrire là-dedans, Blaise." dit Pansy en se relevant pour regarder Blaise en face. "Si tu avais été pris à la place de Diggory… Si c'était toi qui… Toi qui serais revenu comme ça…"

Pansy frissonna. Elle eut soudain un peu de mal à respirer. Drago entoura son bras autour d'elle et Blaise se pencha pour lui prendre ses mains dans les siennes :

"Ce n'est pas le cas, Pans'. Je suis là." dit-il pour la rassurer.

Pansy hocha la tête et se calma un peu. Drago n'enleva pas son bras pour autant. Il pouvait sentir les frissons parcourir le corps de sa meilleure amie.

"Heureusement que ce n'était pas toi." dit-elle, presque sur la défensive. "Potter a l'air d'être revenu d'entre les morts, Merlin sait ce qu'il a vu là-bas."

"C'est vrai que Potter est dans un sale état." commenta Blaise en lâchant les mains de Pansy pour se remettre sur sa banquette.

"Je me sens mal pour lui." intervint soudain Théo avec une voix rauque.

"Pourquoi ?" s'étonna Pansy. "Je ne me sens pas vraiment mal pour Potter, ça lui a donné une excuse pour faire son show, comme d'habitude. Il va encore raconter des mensonges pour faire peur, alors que tout le monde sait qu'il est complètement taré."

"Il a vu quelqu'un mourir devant ses yeux." répliqua Théo, soudain énervé. "Même s'il ment, il a quand même été témoin d'une chose atroce, comment ne pas éprouver de la compassion pour lui ?"

"Tu ne le connais même pas. Tu ne lui as jamais parlé." riposta Pansy, elle aussi à cran.

"Si, je l'ai fait !" contesta Théo. "Il m'a demandé où se trouvait ta précieuse classe de Divination en début d'année…"

"... Et ça t'as permis de le connaître ?" dit Pansy, lourde de sarcasme. "Pourquoi est-ce que tu prends tellement à coeur ce que les gens vivent ? On s'en fout de Potter, on ne l'a jamais aimé !"

"Peut-être, mais ça ne change rien au fait qu'on puisse compatir pour lui !"

"Ça suffit !" intervint Blaise en voyant que Théo et Pansy avaient considérablement haussé le ton. "Ça ne sert à rien de s'énerver pour ça. Chacun gère sa peine comme il le souhaite. Si Théo se sent mal pour Potter, il a le droit. Le plus important, c'est que nous allions bien."

Théo se renfonça dans son siège. Il était un peu rouge, mais Drago ne savait pas si c'était de colère, ou d'envie de pleurer. Il se remit à lire en silence, le visage caché par ses cheveux bouclés qui avaient repoussé depuis le Bal. Pansy, elle, grommela quelque chose entre ses dents et se rallongea contre Drago en boudant.

Drago inspecta de nouveau le compartiment, et réalisa que Blaise n'avait pas tout à fait raison. Aucun des quatre n'allait vraiment bien.

Il préféra méditer plutôt que d'y penser plus longtemps.

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Hermione


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Quand le chariot de friandises passa dans le couloir, Hermione prit son porte-monnaie et se leva pour aller acheter quelque chose. Elle mourrait de faim, et elle savait que les garçons aussi, parce qu'ils n'avaient pas eu la force de beaucoup manger ces derniers temps.

La dame du chariot lui demanda un Gallion et douze Mornilles, et Hermione rougit un peu en voyant les pièces de Gallions de Drago dans son porte-monnaie. Son petit mot était plié à côté, et à côté, il y avait un autre mot, donné par Viktor quelques heures avant le départ du train, avec son adresse en Bulgarie pour qu'ils s'envoient des lettres. Hermione était ravie de pouvoir garder contact avec lui, mais elle avait le sentiment que Ron (ou Drago) n'apprécierait pas beaucoup de voir ça.

Elle rangea son porte-monnaie à toute vitesse, et rapporta les confiseries qu'elle posa sur la petite table du compartiment. Ron et Harry la remercièrent et prirent chacun une Chocogrenouille. Hermione prit une Plume en sucre qu'elle mordit distraitement en lisant la Gazette des Sorciers.

Elle vit Harry observer la couverture avec appréhension et elle le rassura tout de suite :

"Il n'y a rien là-dedans. Rien du tout, tu peux regarder toi-même. Je l'ai lu tous les jours et je n'ai trouvé qu'un tout petit article le lendemain de la troisième Tâche pour annoncer que c'était toi qui avais remporté le Tournoi. Ils n'ont même pas cité Cedric. Pas la moindre information sur ce qui s'est passé. À mon avis, Fudge les oblige à garder le silence."

"Il n'arrivera jamais à faire taire Rita." se plaignit Harry. "Encore moins sur une histoire comme ça."

"Oh, Rita n'a plus rien écrit depuis la troisième Tâche." répondit Hermione. "D'ailleurs, Rita Skeeter n'écrira plus rien du tout pendant un bon moment. Si elle ne veut pas que je raconte tout sur elle."

"De quoi tu parles ?" demanda Ron.

Hermione ressentit un petit éclair d'excitation. Elle avait attendu le bon moment pour leur raconter ce qu'elle avait fait, et elle avait hâte de pouvoir enfin leur révéler.

"J'ai découvert comment elle s'y prenait pour écouter les conversations privées alors qu'elle n'avait pas le droit de remettre les pieds à l'école." dit-elle mystérieusement.

"Alors, comment ?" demanda Ron, plein de curiosité.

"C'est toi, Harry, qui m'a donné l'idée." dit-elle avec un petit sourire.

"Moi ?" s'étonna Harry. "Comment ?"

"Tu te souviens quand tu as parlé de micros pas plus gros qu'un insecte ? Et quand tu t'es demandé comment elle s'y prenait pour cafarder dans son journal ?"

"Mais tu m'as dit que les micros ne marchaient pas à…"

"Ce ne sont pas les micros qui sont importants, ce sont les insectes." expliqua Hermione. "Figurez-vous que Rita Skeeter est un Animagus non déclaré. Elle est capable de se transformer… En scarabée." annonça-t-elle, triomphante, en sortant le bocal de son sac.

Elle leur montra la bête enfermée dans son bocal. Les deux garçons se penchèrent dessus, stupéfaits.

"Tu plaisantes !" s'exclama Ron.

"Non, c'est bien elle. Je l'ai attrapée sur le rebord de la fenêtre de l'infirmerie. Regarde bien et tu verras que les marques autour de ses antennes sont exactement semblables à ses horribles lunettes."

Ron se pencha davantage et fronça le nez en analysant l'insecte.

"Il y avait un scarabée sur la statue, le soir où Hagrid a parlé de sa mère à Madame Maxime !" réalisa Harry.

"Exactement." répondit Hermione. "Et Viktor a trouvé un scarabée dans mes cheveux lorsque nous avons eu notre conversation au bord du Lac. Et, à moins que je ne me trompe, Rita devait se trouver sur le rebord de la fenêtre le jour où ta cicatrice t'a fait mal pendant le cours de Divination. C'est comme ça qu'elle arrivait à récolter toutes ses informations."

"Et quand on a vu Malefoy sous l'arbre…" dit lentement Ron.

Hermione eut un petit choc, comme à chaque fois que Ron ou Harry mentionnait le nom de Drago à côté d'elle. La scène où ils l'avaient vu parler à Skeeter sous l'arbre de la cour paraissait remonter à des mois, alors que ça faisait à peine deux semaines. Hermione observa l'une des feuilles qu'elle avait posé au fond du bocal pour ne pas que ses deux amis puissent voir la peine dans ses yeux.

"Elle était dans sa main et il lui parlait." expliqua-t-elle, la gorge serrée. "Il était au courant, bien sûr. C'est de cette façon qu'elle a recueilli ces charmantes petites interviews des Serpentard. Ils s'en fichaient qu'elle fasse quelque chose d'illégal du moment qu'ils pouvaient lui raconter des horreurs sur Hagrid et sur nous."

Hermione préféra changer de sujet. Elle agita le bocal et observa le scarabée coller sa tête hideuse contre le verre.

"Je lui ai dit que je la laisserais sortir quand nous serions arrivés à Londres." expliqua-t-elle. "J'ai utilisé un sortilège pour rendre le verre incassable et donc elle ne peut plus se métamorphoser. Je l'ai prévenue qu'elle devrait arrêter d'écrire pendant un an. On va voir si elle arrivera à perdre l'habitude de raconter d'horribles mensonges sur les gens."

Elle rangea le bocal dans son sac et réalisa avec surprise et douleur à qui elle ressemblait. C'était un plan typique de Serpentard, plein de vengeance. Hermione ressemblait à Drago. Elle s'était plainte de nombreuses fois de son antipathie, et pourtant, elle le recopiait, tout comme lui avec ses badges. Ils se ressemblaient de plus en plus.

Elle pensa longuement à ça pendant que les garçons continuaient la conversation. Elle regarda les arbres verdoyants défiler à travers la fenêtre. Fred et George arrivèrent dans le compartiment, et ils égayèrent l'ambiance, mais les pensées d'Hermione étaient, encore et toujours, tournées vers un certain blond, quelques compartiments plus loin.

Quand ils arrivèrent à Londres, elle le chercha dans la foule. Elle n'arrivait pas à s'en empêcher. Quand elle repéra Blaise Zabini, qui dépassait tout le monde en taille, elle n'eut pas de mal à distinguer Drago dans la foule. Il avait la tête baissée et suivait Parkinson, qui se dirigeait tout sourire vers Narcissa Malefoy un peu plus loin. Hermione détestait savoir que c'était son dernier souvenir de lui avant l'été : accablé, déprimé. Elle avait du mal à réaliser que c'était avec ce garçon qu'elle avait passé toutes ses soirées à la Bibliothèque.

Fred l'interrompit dans son observation en posant un bras sur ses épaules dans un geste réconfortant. Elle revint subitement sur Terre et lui fit un sourire, auquel il répondit. Ils se dirigèrent ensuite tous vers Mrs. Weasley, qui les étreignirent un par un avec force, surtout Harry.

L'oncle d'Harry, un homme bouffi au visage aussi aimable qu'une brique, se tenait à côté de Mrs. Weasley. Il ne salua même pas Harry quand il le vit.

"À bientôt, Harry." dit Ron en donnant une tape amicale dans son dos.

Lui aussi regardait Mr. Vernon avec animosité.

"Au revoir, Harry." dit Hermione à son tour.

Prise par une soudaine compassion pour son meilleur ami qui allait passer un été entier avec cet homme, elle lui fit un bisou sur la joue. Il lui sourit tendrement et suivit son oncle avec réticence.

"Hermione, chérie, où sont donc tes parents ?" demanda Mrs. Weasley en regardant autour d'elle.

"Ils doivent m'attendre un peu plus loin." dit Hermione en pointant du doigt l'autre côté de la gare.

"Nous allons t'accompagner." décida Molly.

"Oh, ce n'est vraiment pas la peine, Mrs. Weasley…"

Ron la poussa gentiment pour prendre son chariot plein de bagages.

"Bien sûr que si ! En plus, je serai ravie de les revoir." dit la mère de famille, et tout le groupe commença à marcher vers la sortie.

Hermione les remercia, suspectant secrètement Molly de veiller à ce qu'elle rentre saine et sauve chez elle. La paranoïa était à son apogée en ce mois de Juillet, depuis cette terrible nuit.

Ils traversèrent la gare bondée. Beaucoup d'élèves avaient un chariot et peinaient à marcher sans se rentrer dedans. Mrs. Weasley poussait celui de Ginny et cette dernière en profita pour passer son bras dans celui d'Hermione. Elles n'avaient pas eu l'occasion de beaucoup discuter depuis la troisième Tâche, mais Hermione pouvait sentir que par ce contact, la rouquine voulait lui faire passer un message de soutien. Hermione serra sa poigne avec un petit sourire.

Hermione repéra ses parents rapidement. C'était difficile de ne pas les reconnaître dans cette foule étrange. Ils regardaient curieusement les autres élèves. Danny était à côté d'eux. Hermione fut de nouveau frappée par ses changements physiques. Il avait encore grandi, comme Ron, et ses cheveux étaient encore plus longs contre son front.

Quand ils repérèrent Hermione, ils se firent tous les trois un grand sourire. Hermione était tellement heureuse de les revoir après cette longue séparation qu'elle fut tentée de courir pour les prendre dans ses bras, mais elle se retint devant la famille de Ron.

Elle vit sa mère regarder avec insistance le bras de Fred, qui était toujours posé sur ses épaules, et elle réalisa avec horreur qu'elle devait penser que c'était lui, le garçon dont elle avait parlé dans sa lettre.

"Maman, papa !" dit-elle dès qu'elle fit assez proche d'eux pour les embrasser.

Elle resta longuement dans leurs bras, profitant de ce câlin qu'elle aurait tant aimé avoir pendant cette année. L'odeur de sa mère était toujours aussi réconfortante : une odeur musquée, cotonneuse, qu'Hermione inspira pendant de longues minutes avant de pouvoir finalement se détacher d'elle.

Puis, elle sauta sur Danny et passa ses bras autour de son cou pour l'étreindre. Il la serra encore plus fort avec un "Mimi !" affectif. Quand elle se recula, elle vit l'air perplexe sur le visage de Ron.

Molly salua ses parents à son tour, et heureusement, la famille Weasley sembla comprendre que Danny était un Moldu et qu'il ne connaissait pas le monde des sorciers, parce qu'ils ne mentionnèrent rien de suspect.

"Mione, il faut que tu viennes nous voir cet été !" lança Ginny quand ils se séparèrent.

"Oh oui, tu as intérêt." dit Fred. "N'oublie pas que tu as un défi à réaliser…"

Il lui fit un clin d'œil et Hermione se crispa en comprenant qu'il parlait de sa défaite aux échecs et de son gage : devoir monter sur un balai.

Ron, contre toute attente, lui fit un bisou sur la joue pour lui dire au revoir, lui aussi. Hermione était comblée, mais elle avait le pressentiment qu'il faisait ça exprès devant Danny. Ron le jaugea une dernière fois, les sourcils froncés, et suivit sa famille qui sortait de la gare.

Quand ils furent de nouveau seuls, Hermione refit un câlin à sa famille. Quand elle desserra son étreinte de son père, il lança :

"Mon Dieu, tu as grandi ! Tu vas bientôt me dépasser !"

"Non, pas du tout…" commença Hermione avec un rire.

"Hermione ! Tes dents !" s'exclama soudain sa mère.

Elle avait légèrement oublié ce détail. Elle n'avait rien raconté à ses parents de l'incident avec Drago. Elle ferma la bouche par réflexe et jeta un coup d'œil à Danny.

"Oh, tu as de la chance !" s'écria-t-il avec surprise. "Il m'a fallu au moins deux ans pour redresser les miennes, et les tiennes ont rétréci en moins d'un an !"

"C'est l'avantage d'avoir des parents dentistes." dit Hermione avec un sourire un peu gêné. "Ils m'ont donné le meilleur appareil dentaire."

Danny éclata de rire, et les parents d'Hermione firent de même. Pourtant, leurs yeux n'avaient toujours pas quitté sa bouche. Elle soupira malgré elle en pensant à la discussion qu'ils auront, une fois que Danny sera parti.

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Danny resta jusqu'au dîner. Ce fut une soirée très plaisante pour Hermione. Vu comme ça, les horreurs qu'elle avait vécu en cette fin d'année paraissaient étrangement lointaines. C'était difficile de s'inquiéter pour le monde des sorciers quand elle passait autant de bons moments chez elle. Les problèmes moldus de sa famille était insignifiants : les histoires de voisinage, une urgence au cabinet, les mauvaises notes de Danny en littérature… Pourtant, c'était rafraîchissant d'entendre ça. Hermione éclata de rire plus souvent en une soirée qu'en un mois entier.

Pattenrond semblait aimer son nouvel habitat d'été, lui aussi. Il était en boule sur les genoux du père d'Hermione, et ronronnait quand il lui caressait affectueusement les oreilles. Hermione mangea avec appétit, ce qui changeait aussi considérablement de ses derniers jours à Poudlard.

À la fin du repas, Danny remercia ses parents chaleureusement et ils insistèrent sur le fait qu'il était toujours le bienvenu. Hermione était très attendrie par le fait que ses parents continuaient de voir régulièrement Danny, même quand elle n'était pas là. Elle fut soulagée de voir qu'ils n'avaient pas été trop seuls pendant l'année.

Il rentra chez lui, et les parents d'Hermione s'empressèrent de lui poser les questions qu'ils retenaient depuis la gare.

"Alors, comment s'est passée la dernière Tâche ?" demanda sa mère avec impatience.

"Tu ne nous as rien envoyé depuis ! On meurt d'envie de savoir !" dit son père.

Hermione contempla ses parents, hésitante. Ici, dans la chaleur de sa maison, réchauffée par la tisane à la fleur d'oranger que son père lui avait préparée et loin de l'agitation et du malheur qui s'était abattue quelques jours auparavant, c'était difficile de replonger dans les souvenirs douloureux. Hermione se mordit la lèvre.

"Et bien… Harry a gagné. Ex-aequo avec Cédric."

C'était la première fois qu'elle leur mentait frontalement. Elle regarda ses parents s'extasier, féliciter Harry, donner leurs propres théories, demander des détails.

Alors, Hermione leur raconta, en imaginant que ça s'était vraiment passé comme ça, le temps d'une soirée.

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Les parents d'Hermione n'étaient pas ravis pour ses nouvelles dents. Ils lui répétèrent plusieurs fois qu'il ne fallait pas s'amuser à changer son physique avec la magie, que ça pouvait causer des problèmes de confiance. La mère d'Hermione lui montra même des photos "avant-après" de chirurgie esthétique de magazines qu'elle avait récupéré de la salle d'attente du cabinet. Hermione avait beau leur expliquer que c'était un simple sort de correction sans conséquence, ils étaient toujours fâchés.

Ils étaient surtout contrariés qu'Hermione ne les avaient pas prévenus. Et elle comprenait leur chagrin : ça devait être difficile de manquer de nouvelles de leur fille unique, surtout des nouvelles aussi importantes. Alors, Hermione accepta de se faire ausculter par son père au cabinet, pour qu'il puisse analyser ses dents. Il parut rassuré et ils n'en parlèrent plus trop après ça.

La vie moldue reprit son cours. Hermione essaya de se réhabituer au rythme simple de la vie d'été. Elle lut sur sa banquette, mangea avec ses parents, et alla au parc avec Danny.

Le lendemain de son arrivée, elle se rendit au parc du coin, là où Danny passait la plupart de son été. Quand elle passa le portail, elle vérifia que personne n'était autour et prit le bocal qu'elle avait mis dans sa poche. Le gros scarabée noir attendait en tapant de la patte.

Hermione contempla l'insecte une seconde. Pour n'importe quel Moldu qui passait là, Hermione pourrait passer pour une collectionneuse d'insectes. Mais, en réalité, elle avait devant les yeux la journaliste la plus horrible du monde des sorciers à sa merci.

Elle ouvrit le bocal assez grand pour qu'elle puisse murmurer à l'intérieur :

"N'oubliez pas notre accord. Si vous écrivez le moindre article jusqu'à l'été prochain, je raconterais tout au Ministère."

Le scarabée fit claquer ses ailes impatiemment. Hermione hocha la tête et renversa le bocal à l'envers, vers l'herbe. L'insecte tomba par terre, puis s'envola.

Danny était déjà là, assis sur son banc de prédilection. Il lui fit un geste de la main auquel elle répondit. En s'approchant de son ami, elle essaya de ne pas penser à un autre banc, à des centaines de kilomètres de là.

"Hey Mimi !" lança-t-il avec joie.

"Hey Danny. Qu'est-ce que tu fais ?"

Danny lui montra fièrement la pochette qu'il tenait : c'était un dessin au crayon des contours de la petite mare du parc, au centre. Hermione fut surprise des progrès que Danny faisait entre chaque dessin.

"C'est magnifique, Danny." s'exclama-t-elle. "Tu sais, j'ai toujours celui que tu m'as envoyé, du parc que tu as dessiné à l'aquarelle. Il est dans le tiroir de mon dortoir."

Danny parut honoré. Il sourit, faisant creuser ses fossettes sur ses joues un peu rondelettes.

"Et moi, je garde toutes tes lettres dans celui de ma chambre." répondit-il. "Tu sais, tu es la seule personne au monde à réussir à me faire écrire autant. Mes professeurs en seraient jaloux."

Hermione éclata de rire.

"J'aimerais te dire la même chose, mais ça serait mentir."

"Je n'en doute pas." dit-il avec un sourire en coin. "Mais je dois admettre que je te comprends. J'aime beaucoup t'écrire, je peux te raconter n'importe quoi et je sais que tu réagiras. C'est assez libérateur."

Hermione était d'accord : il y avait bien quelque chose de libérateur dans les lettres qu'elle envoyait à Danny. C'était comme un journal, ou comme une sorte d'échappatoire à sa vie de sorcière trop trépignante. Elle adorait pouvoir lui écrire sans penser qu'il pourrait la juger, il la connaissait trop bien.

"Au fait, tu ne m'as jamais dit comment s'était passé le tournoi entre écoles de fin d'année." dit Danny sans cesser de crayonner sa feuille. "Est-ce qu'Harry a fini par gagner ?"

"Oui." dit-elle, la gorge un peu sèche. "Il a gagné."

Danny lui donna un petit coup de coude dans les côtes :

"Tu vois ! Pas besoin de t'inquiéter, finalement !"

Hermione essaya de sourire. Heureusement, Danny ne remarqua pas son changement brutal d'humeur.

"Est-ce que l'un des rouquins que j'ai vu à la gare était Harry ?" demanda Danny.

"Non." répondit Hermione avec un petit rire. "Non, ça c'était la famille de Ron."

"Wow, ils sont beaucoup."

"Sept enfants, pour être exacte."

"Ron, c'était celui qui avait son bras sur tes épaules ?" demanda Danny.

Il en était maintenant aux ombrages de la mare. Il faisait glisser la mine de son crayon pour former des tâches grises tout autour.

"Non, ça c'était Fred, son grand frère." expliqua Hermione. "Ron, c'est celui avec les cheveux un peu plus longs, et des tâches de rousseur."

Danny cessa un instant de dessiner pour regarder le ciel, pensif.

"Celui qui me regardait mal ?" devina-t-il avec un sourire.

"Oui, celui-là." admit Hermione.

"Je vois. Et vous êtes ensemble, tous les deux ?"

Hermione sentit le sang monter à ses joues sans qu'elle puisse le contrôler. Elle était soulagée que Danny soit trop plongé dans son dessin pour observer son visage.

"Non. Je pensais que… Je pensais qu'il m'inviterait au Bal d'Hiver, mais il ne l'a pas fait."

"Pourquoi ?" s'étonna Danny.

"Je ne sais pas. Sa sœur, Ginny, celle à qui je me tenais ? Elle a dit qu'il avait des sentiments pour moi, en début d'année. Au début, j'y ai cru, mais comme il ne m'a pas invitée, j'en ai déduit que ce n'était pas le cas, finalement." dit-elle.

Danny eut un petit rire qui secoua sa poitrine et lui fit rater son trait.

"Oh, crois-moi Hermione, vu la tête qu'il a fait après que tu m'aies pris dans tes bras, je pense que c'est toujours le cas."

"Je ne sais pas." avoua-t-elle. "Peut-être. Mais j'en ai eu marre de l'attendre se décider. En plus, il a été un peu méchant avec moi."

Danny se tourna vers elle, les sourcils froncés.

"Méchant comment ?"

"Pas grand chose." promit-elle. "Juste… Assez pour que je remette en cause mes sentiments."

Elle se garda bien de lui dire ce qui l'avait vraiment fait changer d'avis. En fait, elle n'osait même pas se le dire à elle-même. Mais à chaque fois qu'elle pensait à Ron, son cerveau dérivait sur un autre garçon, qui faisait battre son cœur plus fort encore. Elle chassa l'autre image et se redressa :

"Assez parlé de moi." dit-elle pour conclure cette conversation. "Comment va Sam ?"

Danny se lança alors dans l'explication d'une histoire qui s'était passée au collège juste avant les vacances, et Hermione se fit bercer par le bourdonnement familier de la voix de Danny en regardant ses mains s'affairer sur son dessin.

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Hermione avait toujours aimé rentrer chez elle après une longue année de classes. Elle aimait la vie tranquille, dénuée de problèmes et d'aventures. Elle aimait lire sur sa banquette avec Pattenrond entre les jambes, ou apprécier les rayons du soleil au parc. Elle aimait discuter avec ses parents et vivre dans leur routine.

Mais cette année, quelque chose manquait.

Au début, elle pensa qu'elle voulait simplement parler avec ses amis. Elle envoya une lettre à Ron dès la première semaine de Juillet, puis à Harry, Neville et Hagrid. Mais même après avoir écrit toutes ces lettres, le sentiment de manque persistait. Quand Coquecigrue arriva par la fenêtre de sa cuisine un matin, elle réalisa qu'Hermione n'attendait pas vraiment cette lettre. Elle en attendait une qu'elle n'avait pas envoyée.

Elle pensait à Drago. Tout le temps, sans crier gare, sans qu'elle s'en rende compte. Elle se demandait comment son été se passait. Ce qu'il avait retrouvé en rentrant chez lui. Est-ce que Lucius était là ? Est-ce que Drago savait ce qu'il avait fait, ce soir-là ? Est-ce que son père lui inculquait les mêmes croyances qu'il avait quand il était arrivé à Poudlard ?

Est-ce que Drago le croyait ?

L'inquiétude la rongeait, mais la colère aussi. Elle en voulait à Drago. Elle voulait des réponses, des explications.

Et surtout, surtout, elle voulait lui parler.

Alors, un soir, quand ses parents dormaient déjà et que sa chambre était plongée dans le noir, exceptée pour la petite lampe de son bureau, Hermione sortit donc une feuille et commença à écrire la lettre qu'elle voulait envoyer à la personne qui lui manquait le plus désespérément.

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Drago


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La vie au Manoir était encore plus pesante qu'à Poudlard.

Dès que Drago passa le pas de la porte, il fut pris par un vertige d'horreur. Il avait oublié à quel point le Manoir était froid et si peu chaleureux. Les murs en pierre grise étaient les mêmes que dans la Salle Commune des Serpentards, pourtant, ils ne renvoyaient pas du tout le même sentiment. Peut-être parce que ses amis n'étaient pas là pour réchauffer l'atmosphère lugubre, ici.

Il était heureux de revoir sa mère, mais même si elle avait l'air enchantée de le voir aussi, il pouvait voir l'angoisse ronger ses traits. Comme Pansy, elle semblait avoir beaucoup pleuré. Évidemment, elle cachait ses véritables émotions derrière son masque de marbre, mais Drago la connaissait trop bien pour savoir l'ouragan qui devait gronder dans sa tête.

Après plusieurs jours, Drago comprit pourquoi il se sentait si mal dans cette maison, qui était la sienne à une époque. C'est parce qu'il vivait dans la peur constante de voir apparaître son père.

Drago avait toujours eu peur de son père. Petit, il faisait des cauchemars de lui qui lui hurlait dessus, et la journée, il vivait ses cauchemars. Pourtant, il pensait être chanceux : ses parents lui avaient toujours donné tout ce qu'il voulait. Mais ça ne changeait rien à ses terreurs. Peu importe le nombre de balais volants que Lucius lui avait achetés, Drago n'avait jamais réussi à faire passer ce sentiment à l'égard de son père.

Pendant les premiers jours après son arrivée, Drago était constamment terrifié. À chaque bruit, il sursautait. Il se terrait dans sa chambre. Il ne descendait que quand sa mère l'appelait pour manger, et qu'il était sûr qu'elle était seule. Pourtant, elle lui avait dit que Lucius était absent, à la gare. Qu'il était "en réunion". Drago ne comprenait pas si ce mot était un sens caché à ses véritables occupations. À quel genre de réunion pouvait assister Lucius Malefoy ?

En tout cas, ça ne changeait pas grand chose. C'était exactement pareil que quand il travaillait au Ministère : il était rarement là. Ça n'empêchait pas Drago d'être toujours sur le qui-vive.

Drago profita donc de ces longues après-midis solitaires pour s'adonner à son nouveau passe-temps : méditer. Dans le Manoir, où personne ne semblait s'occuper de sa présence, Drago pouvait se réfugier dans sa bibliothèque mentale sans avoir peur qu'on le dérange. Rogue lui avait appris suffisamment pour qu'il puisse contrôler chacune de ses pensées, à présent.

Il s'entraînait à fermer son esprit le plus rapidement possible. Il imaginait une attaque imprévue, et se concentrait pour vider sa tête. En quelques jours, Drago réussit à le faire en trois secondes. Ces exercices le fatiguaient énormément, mais au moins, il dormait bien.

Une fois qu'il fut satisfait de ses progrès, il passa plus de temps dans sa bibliothèque intérieure. Il détailla plus consciencieusement les alentours, en essayant de reproduire à la perfection la table ronde qu'il aimait tant. Il pouvait presque sentir l'odeur de la cannelle et des vieux livres. Il s'appliqua à ranger chacun de ses souvenirs compromettants. Chaque étagère autour de la table représentait quelqu'un. De la gauche à droite, Granger, Théo, Pansy, Blaise, ses parents, et lui-même.

Il commença par trier tous ses souvenirs à lui qu'il voulait garder pour lui. Il les enferma dans plusieurs livres sur ses étagères, puis il passa à Blaise, à Théo, ses parents, puis à Pansy. Cette dernière fut la plus longue à ranger. Il avait énormément de souvenirs avec elle. Il rangea méticuleusement toutes leurs discussions près de la fontaine. Leurs promesses. Ce qu'elle lui avait confié sur son père. Les fois où elle avait pleuré dans ses bras. Et tous les moments où ils s'étaient rapprochés physiquement. Il nomma ce livre-là "sous le lierre".

Il évitait l'étagère tout à gauche. Penser à Granger était un peu douloureux. Il était celle qu'il voulait le plus protéger, celle qu'il devait ranger dans son esprit le plus urgemment. Mais à chaque fois qu'il essayait de le faire, il avait une envie abrupte de pleurer. Chaque souvenir, même les plus dérisoires, lui rappelait à quel point il était amoureux d'elle. Et quand il ouvrait les yeux et qu'il contemplait la pièce terne et froide dans laquelle il se trouvait, il n'avait plus la force nécessaire pour "subir" ces souvenirs heureux.

Alors, quand Drago était trop claustrophobe dans ce Manoir immense, il allait dans sa deuxième maison : celle de Blaise.

Sa mère ne s'étonnait pas de le voir partir aussi souvent. Il élut presque domicile là-bas. Pendant la deuxième moitié de la première semaine de Juillet, Drago dormit chez son meilleur ami tous les soirs. Il ne rentrait chez lui que pour dîner de temps en temps, et aller récupérer des affaires de rechange.

Drago adorait passer du temps chez Blaise. Il se sentait libre. Il ne ressentait plus cette pression, cette peur de croiser son père à chaque fois qu'il tournait dans un couloir. Ils rejouèrent au Quidditch pendant des heures sur le terrain grandeur nature de Blaise, au fond du jardin. Il retrouva cette sensation de monter sur un balai qu'il n'avait pas eu pendant très longtemps, et l'adrénaline était toujours aussi addictive. Théo vivait toujours chez Blaise, donc il s'allongeait par terre sur l'herbe et lisait un livre pendant que Drago et Blaise volaient au-dessus de lui.

Pansy venait toutes les après-midis. Personne n'était venu la chercher à la gare. À la place où son père l'attendait habituellement, c'était son elfe de maison qui s'était mis là, prêt à les faire transplaner.

Quand elle était arrivée près de la fontaine le premier soir des vacances, Pansy lui avait expliqué :

"Mon père n'était pas là quand je suis arrivée. J'étais seule dans le Manoir avec mon elfe. J'ai dîné seule, et c'est seulement une fois que j'ai terminé que l'elfe m'a expliqué que mon père était en "réunion" importante et qu'il ne reviendrait pas avant quelques jours. J'ai aucune idée de quand il va revenir…"

"C'est exactement pareil pour moi." avait dit Drago, les bras croisés et la tête vers les étoiles. "Ma mère dit qu'il gère une affaire en cours et qu'il reviendra bientôt. Qu'est-ce que tu penses qu'ils font ?"

Pansy avait haussé les épaules, mais elle avait eu un frisson, alors Drago n'avait pas posé pas plus de questions pour ne pas ajouter à son stress.

Le premier vendredi de l'été, Drago resta toute la journée chez Blaise. Ils jouèrent au Quidditch une bonne partie de l'après-midi, puis quand Pansy arriva, ils s'allongèrent tous les quatre dans l'herbe pour bronzer et discuter. Cooky, l'elfe de maison de Blaise, leur apporta d'énormes crèmes glacées qui ne pouvaient pas fondre et ils les dégustèrent en savourant les différentes saveurs qui se superposaient dessus : vanille, chocolat, pistache, praline…

Le soleil qui réchauffait agréablement leur visage faisait somnoler Drago. Une fois qu'il eut terminé sa glace, il s'allongea dans l'herbe et ferma les yeux, bercé par la voix de ses amis à côté, pour grappiller quelques minutes de sommeil. Il était sur le point de s'endormir… Quand il reçut un jet d'eau glacé sur le visage.

Il sursauta et ouvrit les yeux : Blaise, hilare, se tenait debout devant lui avec un seau dans les mains. Vu comment Pansy et Théo étaient trempés, Drago comprit rapidement ce que Blaise avait fait.

S'ensuivit une bataille d'eau gigantesque. Pansy et Drago contre Théo et Blaise. Ils s'aspergèrent d'eau dès qu'ils se voyaient et Drago rit tellement qu'il tomba par terre une ou deux fois. Blaise était très fort à ce jeu : il parvint à terminer le jeu presque sec, comparé à Théo dont les cheveux trop longs gouttaient. Ce fut une excellente après-midi.

Tellement excellente, d'ailleurs, que quand Drago rentra (séché par un sortilège de Cooky), après avoir raccompagné Pansy chez elle, il était encore perdu dans ses souvenirs de l'après-midi. Il repensait au moment où Pansy et Blaise étaient tombés dans la boue après s'être poursuivis quand il ouvrit la porte du Manoir, un sourire aux lèvres, et s'arrêta net entre le palier et l'entrée quand il entendit la voix de son père retentir depuis le salon.

Toute l'angoisse, la peur et la hantise lui tombèrent dessus brutalement. Il se raidit et s'immobilisa comme une statue. Il entendait distinctement la voix de Lucius depuis le salon.

Son premier réflexe fut de vider son esprit. Il ferma sa bibliothèque mentalement et la mit le plus loin dans son esprit. Il s'était tellement entraîné à le faire qu'il réussit rapidement, malgré le stress. Puis, quand il retrouva la neutralité de son cerveau vide de toutes preuves incriminantes, il ferma la porte d'entrée et se dirigea à pas feutrés vers le salon.

"Je ne peux pas, Narcissa." dit la voix sinistre de Lucius. "Le Seigneur des Ténèbres m'a explicitement demandé. Je dois le faire. Mes mains sont liées !"

La voix de sa mère répondit, mais Drago ne comprit pas ce qu'elle dit : elle était trop atténuée par le mur épais entre eux. Mais celle de Lucius était assez forte pour qu'il discerne ses propos :

"Les prochains mois seront décisifs, et notre famille aura un rôle important à jouer. Je l'ai déçu. Il faut impérativement que je le fasse, sinon j'en subirai les conséquences. Je serai au Ministère…"

Drago se pencha contre le mur pour essayer de comprendre ce que répondit sa mère, sans succès. Elle murmura ses mots trop rapidement.

"Je ne crains rien." répondit Lucius avec une touche de douceur. "Et Drago non plus, cesse de t'inquiéter. D'ailleurs, où est-il ?"

Drago entendit les pas de son père, et il se dépêcha de retourner vers la porte d'entrée du Manoir. Quand son père arriva dans le Hall, Drago fit semblant d'y rentrer à l'instant.

"Ah, Drago, te voilà !" dit Lucius en l'apercevant. "D'où viens-tu ?"

"De chez Blaise." répondit Drago, et il fut surpris de constater que sa voix ne traduisait absolument pas la peur qu'il ressentait. "Tout va bien ?"

"Oui, oui, j'avais des affaires importantes à régler au Ministère." répondit Lucius évasivement. "Nous allons dîner dans quelques minutes."

Drago hocha la tête. Il s'apprêta à monter les escaliers menant vers sa chambre pour se préparer, quand son père s'approcha. Il resta cloué sur place. Lucius le contempla quelques secondes, puis son visage s'adoucit très légèrement, et il posa une main hésitante sur son épaule.

"Tu as beaucoup grandi, Fils."

Drago ne sut quoi répondre à cette affirmation. Il hocha de nouveau la tête. Son père retira sa main et s'éloigna, comme si de rien n'était. Drago escalada les marches à toute vitesse avant d'être rappelé.

Dès qu'il arriva dans ses appartements, il ferma la porte et s'autorisa à relâcher la respiration bloquée dans sa gorge depuis que son père l'avait touché. Il détestait ça. Cette sensation qu'il avait à chaque fois que son père était un tant soit peu affectueux à son égard. Comment cette fierté pouvait-elle surmonter la peur ?

Il essaya de se souvenir du peu qu'il avait entendu. Son père avait une mission pour le Seigneur des Ténèbres. Même si Drago savait qu'Il était bien revenu, le fait d'entendre son père en parler était toujours aussi effrayant. Il faillit se laisser porter par la peur quand quelqu'un toqua doucement à sa porte, le faisant brutalement sursauter.

Il ouvrit la porte et baissa les yeux. C'était Chubby.

"Votre Mère voudrait vous faire savoir que le dîner sera servi dans une dizaine de minutes."

Drago répondit instinctivement :

"D'accord. Merci, Chubby."

L'elfe ne cacha pas sa surprise. Drago non plus. Il ne s'adressait jamais aussi poliment à un elfe. Il toussota et referma la porte, puis s'enferma dans la salle de bains pour se changer.

Quand il peigna ses cheveux décoiffés par le Quidditch, Drago se ressaisit. Son père ne pouvait rien lui faire. Et même si le voir le rendait nerveux, il ne fallait surtout pas qu'il le remarque. Il devait être invisible et récolter le plus d'informations possibles.

Par mesure de précaution, Drago prit le temps de méditer pendant les cinq minutes qu'il lui restait avant de descendre. Il respira lentement et Occluda. Il savait que Lucius n'était pas un Legilimens, mais le fait de savoir que ses pensées étaient sécurisées le rassurait énormément. En plus, en bloquant ses souvenirs, il n'y pensait plus et ça le détendait un peu, sans qu'il sache pourquoi. Comme si le Drago fragile n'existait plus. Il pouvait faire semblant d'être quelqu'un d'autre.

Quand il ferma sa bibliothèque et la rangea le plus loin possible dans son esprit, quelque chose l'étonna. Dans le miroir en face de lui, il pouvait voir ses yeux devenir plus sombres, et son visage se fermer. Il avait le même visage de marbre que sa mère, ou Rogue. Possiblement le résultat réussi d'une Occlusion.

Il secoua la tête et vérifia son apparence avant de redescendre. Il était beaucoup plus calme qu'en rentrant. La perspective de voir son père n'était plus aussi grave qu'avant. Il était reposé. Une partie infime de son cerveau était bien rangée, et il n'y pensait plus.

Quand il arriva dans la salle à manger, il fut à peine surpris de la décoration majestueuse. Sa mère (et Chubby, surtout), avait réussi à rendre cette pièce somptueuse en l'espace de quelques minutes. Il resta derrière sa chaise jusqu'à ce que sa mère arrive. Elle portait une robe verte à la taille étroitement serrée, et une coiffure bien trop soignée pour un soir banal. Drago remarqua que les yeux de sa mère étaient sombres, aussi. Elle Occludait, tout comme lui.

Ils s'échangèrent le plus bref et strict des sourires, puis Lucius entra dans la pièce.

"Asseyons-nous, et profitons de ce repas." annonça Lucius, avant de prendre place en bout de table.

Drago et Narcissa firent de même. Chubby arriva pour servir un verre de vin au père de famille. Puis, les plats arrivèrent, et les trois Malefoy mangèrent sans un mot. Drago grignota ses légumes sans appétit.

De temps en temps, il jetait un coup d'œil à son père, à sa droite. Il avait changé.

Son père avait toujours placé une importante capitale dans son apparence, tout comme sa mère. Mais ce soir-là, Drago pouvait voir les petites différences. Il se tenait moins droit, comme s'il souffrait. Son teint était cireux, et des rides commençaient à creuser ses traits. Ses paupières étaient gonflées. Quand il prit son verre de vin, sa main tremblait très légèrement.

Lucius intercepta le regard de son fils et observa son propre verre de vin, pensif. Puis, il appela d'une voix forte :

"Chubby !"

L'elfe apparut dans la pièce.

"Sers donc du vin à mon fils. Il est presque un adulte, désormais."

Drago ne dit rien. Narcissa voulut contester, mais Lucius l'en empêcha d'un regard. Chubby servit un fond de vin à Drago, qui prit le verre et le fit tournoyer, comme son père le faisait. Lucius sembla fier. Drago en but une gorgée et trouva le goût trop amer, mais il ne montra rien et but tout le verre.

Pendant que Chubby le resservait, Lucius hocha la tête avec l'ombre d'un sourire :

"Je suis étonné de voir que tu as beaucoup grandi, Drago." répéta-t-il en buvant une nouvelle gorgée de vin. "Comment s'est passé ton année ?"

"J'ai beaucoup révisé." répondit-il. "Je pense avoir obtenu de bons résultats pour mes examens. Je le saurai par lettre dans quelques jours."

"Très bien, très bien." répondit Lucius sans le quitter des yeux. "Et ce Tournoi ? Qu'en as-tu pensé ?"

Drago eut l'image précise du cadavre de Diggory en train d'atterrir lourdement dans l'herbe. Il répondit d'une voix dénuée d'émotions :

"Je n'ai pas aimé. Ça m'a empêché de jouer au Quidditch. Potter a été au centre de l'attention toute l'année. Et les élèves des autres écoles étaient tous stupides et imbus d'eux-mêmes."

"Vraiment ?" demanda sa mère. "Même ce joueur de Quidditch, celui que tu es allé voir à la Coupe du Monde ? Kram ?"

"Krum." corrigea sèchement Drago. "Je ne suis plus si fan de lui, désormais. Un vrai imbécile."

"Il ne faut pas que tu traînes avec ces gens-là, de toute manière." asséna Lucius. "Ce sont des traîtres. Tout comme leur directeur, Karkaroff." Son père eut une grimace de dégoût. "Vermine. Il prône des valeurs et fuit dès que son Maître revient..."

"Arrête, Lucius." dit Narcissa. Sa voix était directive, mais très calme. "Je ne veux pas qu'on parle de ça pendant le dîner. Drago doit profiter de son été."

"Notre fils a le droit de savoir ce qu'il se passe, Narcissa !" dit Lucius en tapant du poing sur la table, soudainement énervé. "Il doit savoir où est sa place !"

Sa mère plissa les lèvres mais ne dit rien. Lucius reprit son verre de vin et se focalisa de nouveau sur son fils :

"Drago." dit-il, et ce dernier sentit les poils de ses bras se hérisser. "Maintenant que le Seigneur des Ténèbres est revenu, il est plus important que jamais que tu respectes les valeurs de cette famille. Tu te dois d'être discret. Je veux que tu observes, sans te mêler. Et je veux que tu me rapportes tout par lettre, dès que quelque chose devient suspect. Le Seigneur des Ténèbres sera ravi que tu fasses l'intermédiaire entre Dumbledore et nous."

Le fait que le Seigneur des Ténèbres puisse connaître son existence était terrifiant, mais Drago se contenta d'hocher la tête pour cacher son horreur.

"Reste avec tes amis les plus proches, ceux qui sont purs." continua Lucius. "Pansy, par exemple. Ne parle pas aux autres. Excelle dans tes études. Et rend nous fiers, Drago."

Il hocha de nouveau la tête. Il n'arrivait plus à parler. Il fut tenté de prendre une gorgée de vin mais il avait peur qu'il la recrache tant sa gorge était comprimée.

"Il a retrouvé sa force." dit Lucius, les yeux soudain perdus dans le vide. "Et il voudra mettre en place une nouvelle stratégie pour attirer Potter. Il est encore plus furieux qu'il ait réussi à s'échapper."

S'échapper ? Potter avait réussi à s'échapper du Seigneur des Ténèbres ? Il avait à peine réussi à ne pas mourir noyé dans le Lac Noir…

Lucius ne parla plus et Drago reprit son repas. Il essayait de comprendre ce que voulait dire son père derrière ses avertissements.

Chubby apporta le dessert et leur servit trois parts de tarte à la myrtille. Drago la trouva fade. Il évitait de regarder son père, qui ruminait dans son coin. Finalement, quand Drago eut terminé son dernier morceau de tarte, Lucius annonça :

"Je dois partir demain pour une mission qui concerne le Ministère. Je ne sais pas quand je reviendrai, peut-être à la fin du mois."

Narcissa fit un petit bruit mais quand Drago la regarda, elle n'avait pas cillé. Ses yeux étaient toujours aussi assombris.

"D'accord. Puis-je sortir de table ?" demanda Drago. "Je souhaiterais dire bonne nuit à Pansy."

Narcissa lui murmura un "oui" et il se dépêcha de pousser sa chaise pour s'en aller. L'ambiance de la salle était étouffante, il avait envie de prendre l'air. Mais juste avant qu'il ne passe la porte, son père l'appela :

"Drago ?"

Il se retourna à contre-coeur. Quand il croisa le regard sévère de Lucius, Drago se demanda s'il allait lui reprocher ses rendez-vous avec Pansy. Ses parents avaient toujours plus ou moins su qu'ils se voyaient près de la fontaine, mais ils n'en avaient jamais parlé directement. Drago eut soudain peur que Lucius lui interdise de sortir.

"Je voudrais que tu arrêtes de parler à ce garçon, Nott." dit brusquement Lucius.

"Quoi ?" demanda Drago, qui sentit un poids énorme lui écraser la poitrine avec force. "Pourquoi ?"

La partie de son cerveau qui était cachée l'empêchait de se souvenir précisément de Théo, mais il savait qu'il l'aimait. Il ne pourrait jamais arrêter de lui parler. Cette demande était aussi douloureuse que d'arrêter les rendez-vous nocturnes avec Pansy. C'était inconcevable.

"Son père m'a dit que son fils avait été renié de la famille car il ne partageait pas les valeurs des Sangs-Purs." expliqua Lucius, comme si c'était une futilité. "Je ne veux plus que tu passes du temps avec lui."

"Il partage mon dortoir." contesta Drago, désemparé. "Je suis obligé de lui parler."

"Je veux que tu arrêtes d'être ami avec lui." dit Lucius, plus froidement encore. "Est-ce que c'est clair ?"

Drago échangea un regard avec Narcissa, qui l'avertit silencieusement de ne rien dire de plus. Il hocha la tête :

"D'accord, Père."

Et il s'enfuit par la porte arrière.

Dès qu'il eut passé cette barrière, Drago respira plus facilement. Il prit trois grandes goulées d'air frais pour se calmer. Il avait été tellement crispé pendant le dîner que ses bras lui faisaient mal. Il s'avança dans l'herbe et observa le coucher de soleil qui disparaissait derrière les nuages orangés.

Pansy était déjà là, près de la fontaine. Elle portait un pantalon en soie, une chemise de nuit bleue et des chaussettes blanches salies par l'herbe. Drago avait tellement peu l'habitude de la voir en pantalon qu'il s'attarda une seconde sur ses jambes couvertes, les sourcils haussés. Elle était allongée, les bras derrière la tête et les cheveux tout décoiffés.

"Hey Drago." dit-elle en le voyant arriver.

"Hey. Pourquoi es-tu en pyjama ?" demanda-t-il en s'allongeant à ses côtés.

"Pourquoi es-tu en tenue de soirée ?" demanda-t-elle du tac au tac en l'observant aussi.

"Mon père est revenu."

Le regard inquisiteur de Pansy se transforma en inquiétude.

"Oh. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

"Il m'a simplement averti de ne pas me mêler à la vermine et de faire honneur à la famille, rien de bien nouveau."

"Alors, pourquoi es-tu si stressé ?" questionna-t-elle.

"Quoi ?"

"Je ne sais pas, tu as l'air… Bizarre." dit-elle doucement. "Comme si tu faisais attention à ce que tu disais."

Drago réalisa qu'il était toujours un peu en train d'Occluder. Il relâcha et son corps se détendit instantanément.

"Je suis juste un peu tendu. Je ne m'attendais pas à le revoir." dit-il avec un soupir.

"Il a crié ?" demanda Pansy.

"Non, pas vraiment. Il a l'air un peu secoué. Je l'ai entendu dire à ma mère qu'il a une mission à accomplir et qu'il est obligé de le faire. J'ai l'impression qu'il a un peu… peur."

C'était extrêmement étrange que son père, aussi fier et digne, puisse avoir peur de quelqu'un. Pourtant, Pansy hocha la tête :

"Je le serais aussi, si j'avais une mission à faire pour le Seigneur des Ténèbres." assura-t-elle dans un chuchotement.

"Ton père est revenu, toi ?"

"Non." dit-elle en prenant un brin d'herbe entre ses doigts. "J'imagine qu'il est en mission aussi."

Le soleil se cacha derrière les nuages, projetant une dernière jolie lumière sur l'herbe avant de s'éteindre pour la nuit. L'eau de la fontaine clapotait doucement à côté d'eux. Toutes les émotions que Drago avait ressenti depuis qu'il avait ouvert la porte du Manoir retombèrent. Il était détendu. Sans réfléchir, il prit la main de Pansy dans l'herbe, et lui dit simplement :

"Je suis content que tu sois là."

Elle tourna la tête et le regarda longuement, puis sourit :

"Moi aussi, je suis contente que tu sois là."

Ils gardèrent leurs mains entrelacées en observant le ciel au-dessus d'eux, sans parler. La main de Pansy était aussi froide que la sienne. La sentir contre lui était rassurant, familier. Quand elle était à côté de lui, il avait l'impression qu'il arrivait à mieux respirer.

Les minutes s'écoulèrent et le ciel s'obscurcit de plus en plus. Drago était plongé dans ses pensées quand Pansy s'écria :

"Regarde, c'est la pleine lune !"

Il leva la tête et suivit du regard le doigt pointé de Pansy. Il vit, derrière les nuages épais, la forme de la lune toute ronde se dessiner à travers.

"C'est une pleine lune en Taureau." expliqua Pansy. "Professeure Trelawney dit que c'est la période la plus intense de l'année en termes d'Astrologie. Elle dit que la pleine lune en Taureau est liée à la planète Vénus, la planète de l'amour, et que donc, cette nuit sera synonyme d'amour et de plaisir. C'est aussi un bon moment pour introspecter et commencer une nouvelle phase de son année, mettre derrière soi les mauvaises choses."

"Tout ça en une nuit ?" ironisa Drago.

"Non, idiot. C'est pour tout le mois." dit Pansy avec sérieux. "Et chaque signe est affecté différemment selon la pleine lune en question. Par exemple, moi, je vais mal dormir."

"Pendant tout ce temps, tu m'as caché que tu étais une loup-garou, Pans' ?"

"Si tu continues à interrompre ma leçon, je vais le devenir." avertit-elle, non sans rire un peu. "Je disais donc que cette pleine lune va être difficile, parce que je suis en opposition astrale avec les Taureaux. Mais normalement, je serai débarrassée d'un poids que j'ai depuis longtemps. Pour toi, cette pleine lune sera l'occasion de te saisir d'une nouvelle chance et d'aller de l'avant."

"Je vois. Donc, si Trelawney dit vrai, Blaise devrait mal dormir aussi ?" devina Drago.

"C'est ça." affirma Pansy sans le moindre doute. "Et pour Théo, il faut qu'il fasse le premier pas dans le projet qu'il entreprend. Qu'est-ce que tu penses que c'est ?"

Drago avala difficilement sa salive. La voix autoritaire de son père retentit dans son esprit, mais il la chassa.

"Probablement les BUSES ou une connerie dans le genre." dit-il avec un ricanement moqueur.

Cette phrase s'adressait à deux Vierges qu'il connaissait, mais il ne voulait pas penser à la deuxième, au risque de faire tomber quelques livres de l'étagère de sa bibliothèque mentale. Penser à elle était toujours aussi douloureux.

Un oiseau passa devant eux et cacha la lune pendant une seconde. Drago demanda :

"Pans' ? Pourquoi tu aimes autant la Divination et ce genre de trucs ?"

Il désigna le ciel devant eux avec un vague mouvement de la main. Elle eut un sourire.

"Je ne sais pas. On a tous des moyens de s'échapper de la réalité, non ?"

Drago fut choqué de comprendre cette phrase, bien plus qu'il l'aurait cru. Un échappatoire. Blaise avait le Quidditch et les filles, Théo avait ses livres, Pansy avait sa Divination, et Drago avait une table reculée dans une Bibliothèque.

"Ouais, j'imagine." dit-il dans un souffle.

Ils regardèrent le ciel. Drago était fasciné par la lune, derrière les nuages. De temps en temps, ils se décalaient suffisamment pour qu'ils puissent l'apercevoir en entier.

"Je vais me coucher." déclara Pansy après un moment.

Elle enleva sa main de celle de Drago et se releva gracieusement. Elle épousseta son pyjama et souhaita une bonne nuit au garçon, avant de repartir vers le fond du jardin. Drago fit de même.

Le Manoir était complètement silencieux. Drago monta les escaliers le plus doucement possible, et arriva dans sa chambre sans avoir croisé personne. Il verrouilla sa porte et fit une toilette rapide, se changea et se dirigea vers son lit, quand il entendit un bruit provenant de dehors.

Il n'avait pas remarqué la silhouette noire derrière sa fenêtre. Quand il se pencha, il réalisa que c'était un hibou qui tapotait son bec contre le carreau. Il ouvrit la fenêtre avec hâte en se demandant qui ça pouvait bien être. Il pensa à Blaise, mais il n'avait jamais vu cet hibou. Il était gris souris et il portait une petite sacoche autour de son pelage : un hibou de la poste.

Qui pouvait bien lui écrire à une heure pareille ? Il prit la lettre et paya le hibou, qui repartit aussitôt dans la nuit. Il observa l'enveloppe et fronça les sourcils. Personne, dans son entourage, n'utilisait ce papier.

Il déchira l'enveloppe et ouvrit la feuille pliée en trois. Dès qu'il lut le premier mot, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il pouvait reconnaître l'écriture ronde de Granger n'importe où. Il sourit comme un idiot.

Cher Drago,

Je n'ai pas eu l'occasion de te parler après cette maudite troisième Tâche. Pourtant, j'avais beaucoup de questions à te poser. Je suis très énervée contre toi, alors tu as intérêt à répondre à mes interrogations, sinon, je ne te parlerai plus jamais de ma vie. Pas de deals, pas de promesses, pas de manipulations Serpentardesques pour t'en sortir. Je veux la vérité, pure et simple.

Voici mes questions par ordre d'importance :

- Savais-tu ce qui se tramait pendant tout ce temps ? Connaissais-tu les plans du Seigneur des Ténèbres ? Avais-tu anticipé la fin désastreuse de cette Tâche ? (si la réponse est oui, tu n'as pas besoin de répondre aux questions suivantes. Je ne veux plus jamais te parler.)

- Est-ce que tu es au courant que ton père est impliqué ? Harry l'a vu, là où il s'est fait emmener par le Seigneur des Ténèbres. Il a juré qu'il le soutenait et qu'il faisait toujours partie de ses Mangemorts. Es-tu au courant que les croyances de ton père vont bien au-delà des insultes ?

- Depuis combien de temps connaissais-tu le secret de Rita Skeeter ? Ça ne sert à rien de mentir, je t'ai vu lui parler sous un arbre, dans la cour de Métamorphose. Je sais que tu lui disais des horreurs sur Harry. Ne ressens-tu aucun remord à l'idée que tu puisses blesser Harry ? Qu'il avait autre chose à faire que de voir des mensonges étalés sur un journal ?

- Si tu n'étais pas au courant des agissements de Lucius, l'as-tu vu depuis le début des vacances ? Comment se passe ton été ?

Et… Dernière question. Est-ce que tu m'en veux ? Parce que je t'en veux, beaucoup. Je déteste ne pas avoir été mise au courant. Que tu ne m'aies rien dit pour Skeeter, alors que j'ai passé des heures entières à élaborer des théories devant tes yeux !

Mais je veux savoir si toi, tu m'en veux. Pour quelque chose. On a pas pu se voir à la fin de l'année et j'ai peur que tu aies changé d'avis à mon égard. Peut-être que tu ne veux plus qu'on passe du temps ensemble, comme pendant le mois de Décembre. Peut-être que les plans de Lucius t'ont bousillé la tête et que tu es redevenu l'ancien Malefoy.

Sache que je détesterais que ça soit le cas. Parce que même si je t'en veux (énormément), je veux que tu saches que je n'ai jamais arrêté de vouloir te parler à la Bibliothèque. Si c'est ton cas, tu n'as qu'à le dire, et j'arrêterai de t'écrire.

En espérant que tu passes tout de même une bonne semaine (même si je t'en veux terriblement).

J'attends ton hibou,

H.G.