Drago


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Drago était assis sur son lit dans sa chambre plongée dans le noir. Il avait envoyé Ébène avec sa lettre depuis des heures déjà, mais il était sûr que sa réponse ne viendrait pas ce soir. Pourtant, il n'arrivait pas à dormir. Il regardait le ciel étoilé à travers la fenêtre et priait pour voir son hibou atterrir sur le rebord d'une seconde à l'autre.

Il baissa la tête sur la lettre posée sur ses genoux. Elle avait recouvert tout le papier, pourtant, seule une phrase en ressortait. "Je vais passer le reste de mon été chez eux, je pars à la fin de la semaine." Le coup de poing au cœur qu'il ressentait à chaque fois qu'il relisait cette phrase ne s'attenuait pas.

Comment pouvait-il passer le reste de l'été sans ses lettres ?

Il avait enfin trouvé un réconfort. Il avait enfin entrevu la possibilité de passer un été agréable. Le bonheur que lui procurait l'arrivée des lettres arrivait à surmonter le malheur qu'il vivait dans cette maison. Son père n'était pas là, il voyait ses trois meilleurs amis tous les jours, et il parlait à la fille qu'il aime. Drago avait enfin réussi à se sentir bien. Mais tout s'était écroulé à l'instant où il avait lu le dernier paragraphe de sa lettre.

Il s'était tellement habitué à cette nouvelle routine qu'il avait oublié à quel point elle était fragile. Il savait que Granger passait ses étés chez les Weasley, il le savait pertinemment, mais il avait décidé de mettre de côté cette information égoïstement. Il aimait tellement rentrer chez lui le soir, ou se réveiller le matin, avec une nouvelle lettre à lire, relire, puis relire encore. Il n'était pas prêt à abandonner ça.

Quand il sentit le sentiment familier d'étouffement en contemplant sa pièce obscure, Drago ferma les yeux et prit une grande inspiration. Il essaya de se raisonner plus calmement. On était fin Juillet. Il n'aurait plus qu'un mois à survivre ici avant de retourner à Poudlard et de la revoir. Il avait déjà subi plus longtemps que ça sans avoir aucune de ses nouvelles. Et il pourrait relire les anciennes lettres. Ce n'était pas la fin du monde.

Il cacha la dernière lettre dans la boîte où il les gardait toutes, puis s'allongea sur le côté, de sorte à avoir une vue sur le ciel noir au cas où Ébène reviendrait. Il commençait à regretter sa propre lettre trop brève. Comment allait-elle réagir ?

Drago fit alors quelque chose qu'il faisait chaque soir pour s'endormir plus apaisé. Il médita longuement, en respirant profondément et en tentant d'oublier son angoisse. Quand il termina de fermer méticuleusement son esprit, il entra dans sa bibliothèque mentale. Ici, personne ne pouvait le déranger. Il s'était tellement entraîné que ce coin de son cerveau était désormais inatteignable pour quiconque voulait s'introduire. Il était le seul à en posséder les clés.

Il se retrouva devant les six étagères dans lesquelles il avait rangé ses souvenirs les plus compromettants. Celle de Granger était la plus remplie de toutes, désormais.

Chaque livre qu'il pouvait prendre lui apportait un moment, et qu'il soit bon ou mauvais, Drago aimait toujours les consulter encore et encore. C'était comme s'il lui parlait en vrai, comme s'il la revoyait enfin.

Ce soir-là, il prit l'un de ses préférés. Le livre du Bal. Il y avait rangé toute sa jalousie et sa rancœur envers Krum, toutes ses observations discrètes de Granger dans sa robe, tout ce qu'il avait pensé en la voyant. Mais il évita de regarder cette partie-là. À la place, il se rappela d'un souvenir encore plus précis. Celui de la salle de classe où il l'avait emmenée après sa danse. Il pouvait voir précisément la manière dont ses joues avaient pris une teinte écarlate quand il avait mentionné Krum. Il revoyait sans effort sa robe qui s'accrochait à sa peau comme si elle était faite sur-mesure, virevoltant autour d'elle au rythme de ses mouvements précipités.

Et il se rappela, avec une clarté déconcertante, du moment où il avait voulu l'embrasser. Rien que de s'en souvenir, son cœur s'accéléra comme s'il était de nouveau dans cette salle de classe. Il se remémora la manière dont elle avait regardé ses lèvres, elle aussi. Qu'elle s'était penchée en avant, imperceptiblement, et qu'ils n'avaient été qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

Alors, Drago s'endormit avec cette image qui repassait en boucle dans son cerveau. Il avait l'impression que sa chambre embaumait soudain de ce parfum familier de fraise, de livres et de cannelle, et il sombra délicatement dans le sommeil, bercé par ses odeurs préférées.

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Le lendemain, les effets de la méditation s'étaient estompés, et Drago ressentit une profonde déception quand il ne vit aucune trace d'Ébène près de la fenêtre. Elle n'avait pas encore répondu.

Il s'habilla machinalement et alla déjeuner, mais l'attente lui faisait trop mal au ventre pour qu'il puisse manger vraiment. Il n'arrêtait pas de jeter des coups d'œil vers la fenêtre.

Quand sa mère arriva dans la salle à manger, elle ne cacha pas sa surprise :

"Debout si tôt ?"

"Je n'ai pas réussi à me rendormir." dit-il, ce qui n'était pas un mensonge.

Narcissa arqua un sourcil mais ne dit rien et s'assit à la table, en face de Drago. Chubby vint lui servir un plateau rempli de nourriture, mais elle ne prit que le journal et le déplia précipitamment. Elle scanna des yeux les premiers titres de la couverture et Drago vit ses épaules s'affaisser légèrement en les lisant. Il était persuadé que sa mère s'inquiétait pour Lucius. Il ne dit rien et continua de boire son café en observant la fenêtre silencieusement.

"Que comptes-tu faire aujourd'hui ?" demanda Narcissa une fois qu'elle eut terminé son article.

Elle lui posait la question tous les jours, et la réponse ne changeait jamais.

"Je vais chez Blaise."

Elle hocha la tête et but son café doucement. Après plusieurs minutes, elle déclara :

"Je serai absente demain. Je dois assister à une réunion familiale et je ne reviendrai que le lendemain. Mais si tu ne veux pas rester seul, je peux annuler…"

Drago leva les yeux au ciel.

"Mère, je n'ai plus dix ans, je peux rester seul une nuit."

"Je sais bien." dit-elle avec un sourire mélancolique. "Je dis simplement que si tu as besoin, je peux rester."

"Non, pas la peine." dit-il.

Narcissa hocha la tête puis continua son café sans un mot. Il attendit sagement qu'elle termine avant de se lever. Il n'avait plus faim, mais il voulait rester avec elle, même s'ils ne se parlaient pas.

Elle termina son café lentement, mais aucune lettre n'arriva pendant ce temps-là. Drago commençait à s'impatienter. Normalement, Granger mettait moins de temps à répondre, Ébène l'attendait toujours devant sa fenêtre à son réveil. Peut-être était-elle partie plus tôt chez les Weasley, sans le prévenir ?

Sa matinée fut atrocement longue. Il prit sa douche, fit sa toilette, s'habilla, alla lire dans la Bibliothèque, relut les anciennes lettres de Granger, déjeuna avec sa mère, et entre chaque étape, il regardait avec espoir par la fenêtre. Mais il n'y avait aucune trace de son hibou.

Fatigué d'attendre, il préféra aller chez Blaise. Quand il était là-bas, il y pensait moins, et quand il reviendrait, Ébène serait forcément là. Alors, il prit son balai, dit au revoir à sa mère et sortit du Manoir pour remonter sur le chemin du village. Il passa par plusieurs grandes bâtisses sorcières, et arriva finalement devant le Manoir imposant des Zabini, qui faisait trois fois la taille de ses voisins.

Cooky ne parut pas surpris de le voir sur le palier de la porte.

"Bonjour Mr. Drago." dit-il de sa voix fluette. "Mr. Blaise et Mr. Théodore sont dans la cuisine."

Drago hocha la tête, commença à avancer, puis se retourna et lui dit :

"Merci Cooky."

L'elfe ne releva pas, mais Drago était sûr d'avoir perçu un air de surprise passer sur son visage ridé. Même quand elle n'était pas là, Granger déteignait sur lui.

Il trouva Blaise et Théo en train de finir leur déjeuner tardif.

"Hey Dray !" lança joyeusement Blaise. "On se fait un déjeuner italien, t'en veux ?"

"J'ai déjà mangé." dit-il, mais il s'assit tout de même.

"On se prépare pour demain." dit Théo en avalant un gros morceau de focaccia.

"Ne mange pas trop, il reste le tiramisù !" s'écria Blaise avec un accent italien parfait.

Drago soupira, les épaules un peu voûtées.

"Je vais m'ennuyer, sans vous…"

Blaise et Théo partaient pour l'Italie dès le lendemain, pour le mariage de la mère de Blaise. Drago ne savait même plus de quel beau-père il s'agissait : il avait arrêté de compter. Par contre, il savait une chose : cette année, il n'avait pas le droit d'y assister. Lucius lui avait interdit d'aller en Italie, et même Narcissa n'avait pas réussi à le convaincre. Drago était donc condamné à devoir rester ici, pendant que Blaise et Théo seraient là-bas pendant une semaine.

"Mais non, tu auras Pansy." dit Blaise pour le rassurer. "Et tu auras accès à mon terrain de Quidditch, je dirais à Cooky que tu as le droit de venir autant que tu veux !"

Drago hocha la tête, même s'il pensait secrètement que le Quidditch était tout de suite moins attrayant sans Blaise pour jouer avec lui.

"Ta mère est ici ?" demanda Drago.

"Non, elle est partie en avance pour préparer la cérémonie." répondit-t-il. "Je crois que celui-là va être le plus grandiose de tous. Apparemment, ils vont se marier en face du Lac de Côme. Un Portoloin nous attend pour 6h demain. Cooky !"

L'elfe se matérialisa en une seconde.

"Oui, Maître ?"

"Apporte nous le tiramisù. Si Théo mange encore de la foccacia, il va exploser."

Théo fit un petit sourire d'excuse, la bouche pleine de pain. L'elfe débarrassa la table et leur présentèrent trois assiettes de tiramisù, que Drago mangea aussi pour faire quelque chose de ses mains. Il était excellent. Puis, ils allèrent dans le jardin. Théo s'installa à sa place habituelle, dans un carré d'herbe du terrain, et sortit son livre pendant que Blaise et Drago revêtaient leurs tenues de Quidditch. Le soleil tapait extrêmement fort en cette après-midi de Juillet, alors Cooky leur fit un sort de protection solaire pour éviter qu'ils brûlent tous les trois.

Leur entraînement fut particulièrement éprouvant. Blaise était beaucoup plus offensif que d'habitude, il n'arrêtait pas de contrer Drago et il échappa à plusieurs reprises à un Cognard qui menaçait de lui atterrir en plein dans le crâne. Quand Blaise lui fonça dessus avec son balai pour l'empêcher de marquer, lui causant un énorme hématome sur la côte, Drago s'exclama :

"Hé ! Qu'est-ce que tu fous ?"

"Je joue plus agressif, aujourd'hui !" hurla Blaise pour se faire entendre malgré son dérapage aérien.

"J'ai remarqué !" pesta Drago. "Pourquoi faire ?!"

"Je me dis que je dois perfectionner mon jeu pour entrer dans l'équipe de Serpentard." expliqua Blaise très sérieusement. "Me trouver des techniques, tu vois ?"

"Mais tu vas t'inscrire en Poursuiveur, pas en Batteur ! Pas besoin de m'attaquer comme ça !"

Blaise eut un sourire en coin et repartit dans un virage serré pour contrer le Cognard.

Après plusieurs heures de cet entraînement intensif, Drago vit une tâche noire avancer dans le jardin et stoppa le jeu pour accueillir Pansy. Cette dernière était de très bonne humeur, tellement d'ailleurs, qu'elle leur proposa de tenir le poste de gardienne pour leur entraînement. Les deux garçons acceptèrent avec plaisir. Elle prit l'un des balais de Blaise, s'équipa, puis alla s'installer devant les trois cerceaux.

Pansy avait un assez bon niveau en tant que gardienne, avec quelques faiblesses que les garçons connaissaient suffisamment pour exploiter. Drago réussit à faire passer deux Souaffles dans le cerceau du bas. Blaise reprit un jeu beaucoup plus calme pour ne pas brusquer Pansy.

À la fin, les trois étaient épuisés. Ils prirent un goûter à l'ombre, et parlèrent du mariage du lendemain. Théo, particulièrement, ne cachait pas son excitation. Il n'avait jamais vraiment voyagé. Blaise lui promit même d'aller au cinéma moldu, et même si le film serait en italien, Théo sautillait littéralement de joie sur sa chaise.

Ils passèrent le reste de l'après-midi à l'intérieur, les joues chauffées par le soleil. Ils firent deux parties de Bataille Explosive, puis Pansy et Drago souhaitèrent un bon voyage à Blaise et Théo et rentrèrent chez eux.

Le temps que Drago raccompagne Pansy chez elle, il était presque l'heure du dîner au Manoir. Il se précipita tout de suite dans sa chambre, retira ses vêtements boueux et ouvrit sa fenêtre pour laisser entrer Ébène.

Mais l'hibou n'était pas là.

Drago chercha sur le rebord, puis passa sa tête par la fenêtre pour inspecter le mur, et par terre. Il appela Ébène plusieurs fois de sa chambre. Peut-être s'était-il endormi quelque part ?

Drago s'habilla pour dîner, puis ouvrit la porte de sa chambre et appela d'une voix forte :

"Chubby !"

L'elfe se matérialisa avec des maniques aux mains, visiblement interrompu dans sa cuisine.

"Oui, Maître ?"

"As-tu vu mon hibou ?" demanda Drago précipitamment.

"Non, Monsieur." répondit simplement l'elfe avant de transplaner de nouveau.

Drago ressentit une petite angoisse se former dans son estomac. Plusieurs scénarios passèrent dans son esprit. Peut-être qu'Ébène s'était perdu, ou qu'il était trop épuisé pour continuer et s'était arrêté en cours de chemin pour se reposer un peu ? Peut-être que Granger n'avait pas eu le temps de répondre ? Ou… Peut-être que quelqu'un avait intercepté sa lettre ?

Drago avait toujours veillé à ce que personne ne voit Ébène entrer et sortir. Mais même si sa mère le voyait, elle n'aurait jamais pris sa lettre. Il envoyait souvent du courrier à Blaise et Pansy pour se donner des rendez-vous, elle n'aurait jamais pu se douter...

Si quelqu'un avait lu sa lettre, aurait-il vraiment compris qu'il parlait à la fameuse Hermione Granger ? Il l'appelait Daphné… Enfin, jusqu'à la dernière, qu'il avait écrit dans la précipitation, trop dépité pour son départ chez les Weasley…

Il alla dîner avec la boule au ventre. Narcissa ne démontra aucun signe particulier qui aurait pu lui montrer qu'elle avait lu son courrier. Elle était parfaitement calme, comme à son habitude, stoïque, froide. Elle lui raconta quelques potins de son club de lecture chez les Pinch-Smedley en mangeant, demanda des nouvelles du mariage de la mère de Blaise, puis lui répéta plusieurs fois qu'elle pourrait rester le lendemain s'il ne souhaitait pas être seul.

Au moment où Chubby apporta les desserts, Drago demanda de l'air le plus conversationnel possible :

"Au fait, aurais-tu vu Ébène, Mère ?"

Narcissa releva la tête et fronça les sourcils, pensive.

"Non, je n'en ai pas souvenir. Pourquoi ?"

"Je ne l'ai pas vu dans ma chambre. Il doit être en train de se dégourdir les ailes autour du Manoir." s'empressa de dire Drago en haussant les épaules.

Sa mère sourit et parla d'autre chose, et il ferma son esprit pour ne pas penser à son hibou.

Il attendit que Narcissa se retire dans ses appartements pour aller rejoindre Pansy à côté de la fontaine. Elle était toujours aussi enjouée, et quand il s'allongea à côté d'elle, il se souvint de pourquoi.

"J'ai tellement hâte !" piailla-t-elle en se tortillant de joie. "Il arrive demain matin !"

Drago avait complètement oublié que le cousin de Pansy devait arriver le lendemain. Pourtant, Pansy en avait parlé tout le mois de Juillet. Depuis que son cousin préféré, Rodolphus, lui avait envoyé une lettre pour lui dire qu'il allait loger dans son Manoir pendant deux semaines, Pansy avait attendu ce jour avec impatience.

Elle adorait son cousin, depuis qu'elle était toute petite. Il était plus âgé qu'eux, et vivait aux États-Unis où il avait fait ses études. Maintenant, il faisait des recherches sur les créations de sortilèges, mais Drago était persuadé qu'il n'en faisait rien. Il ne l'avait jamais trop apprécié. Il le trouvait trop fantaisiste, instable. Il ne faisait que passer quelques jours, ne parlait que de lui, se foutait d'eux à la moindre occasion, puis repartait, laissant Pansy dans un état de déprime à chaque fois.

Drago ne disait rien, cependant, ne voulant pas contrarier sa meilleure amie qui était anormalement heureuse. Il hocha donc la tête et afficha un faux sourire :

"Demain matin ?" répéta-t-il.

"Oui ! Il m'a dit qu'il m'emmènerait en balade sur les côtes demain. Il a tellement de chance de savoir transplaner !"

"Il n'a pas raté son permis six fois ?" demanda Drago, connaissant parfaitement la réponse à cette question un peu sournoise.

"Si, si." répondit Pansy évasivement. "Mais je lui fais confiance, je sais qu'il peut le faire sans se désartibuler maintenant."

Drago ne comprenait pas comment Pansy pouvait placer autant d'importance dans ce type. Elle lui vouait une foi insensée depuis toujours. Peut-être parce qu'il était plus grand, plus cool, et qu'il avait toujours déjoué les règlements, ce qui leur avait valu de nombreux ennuis dans le passé. Mais Pansy ne lui en voulait jamais. Quand il était là, elle était différente, et Drago n'aimait pas ça du tout.

Ils parlèrent de Rodolphus jusqu'à ce que la nuit soit noire et que le croissant de lune se dévoile dans le ciel clair. Puis, Pansy lui souhaita une bonne nuit et rentra chez elle bien plus vite que d'habitude.

Il n'eut pas besoin de retourner à sa chambre pour savoir qu'Ébène n'était pas revenu. Il pouvait voir depuis le jardin que son rebord de fenêtre était vide. Il resta donc allongé dans l'herbe, et au lieu de succomber à l'angoisse qui menaçait de monter quand il pensait à ce que pouvait faire Granger pour ne pas répondre à sa lettre, il médita un peu.

L'air chaud de l'été l'aidait à se vider la tête plus paisiblement. Il contemplait les étoiles, les yeux voilés par la concentration. Il resta un moment à trier ses souvenirs, une activité qu'il trouvait particulièrement apaisante. Puis, il se leva, la tête plus vaporeuse qu'avant, et alla récupérer son cahier de partitions dans sa chambre.

Il mit en application les conseils de Granger dans sa dernière longue lettre. "Tu pourrais faire ça, au lieu d'aller à la bibliothèque, je suis sûre que la musique apporterait un peu de chaleur dans ce Manoir lugubre."

Il redescendit donc dans le Manoir plongé dans le silence et prit un couloir qu'il prenait rarement. Il passa devant les bureaux de sa mère, puis l'aile des invités que personne n'occupait jamais. Il longea une grande pièce où était exposé divers objets rares, avant d'arriver dans la pièce qu'il voulait : la salle de musique.

La pièce était plongée dans le noir. Quand Drago entra, les torches s'allumèrent magiquement à son passage. Chubby n'avait laissé aucune poussière qui pourrait montrer le temps qu'il s'était passé depuis que quelqu'un avait utilisé le piano, au centre de la pièce. Les doubles fenêtres qui menaient aux jardins étaient fermées, et les trois portraits qui occupaient les murs blancs étaient endormis.

Drago s'approcha du piano et retira le drap qui le recouvrait. Il était exactement pareil que lors de ses leçons de musique, quand il était enfant. Il s'assit et passa son doigt sur les touches pour vérifier qu'il était accordé, puis posa la première partition du cahier devant lui. Chaque note était soigneusement écrite à la main.

Il commença à jouer La Lettre à Elise, et le son des touches se répercuta contre les murs de la pièce abandonnée. Il s'en souvenait assez bien pour ne pas faire de pause, mais il gardait les yeux fixés sur la partition tout de même, comme si c'était Granger, et non pas du papier.

Il avait joué cette musique des dizaines de fois avec son professeur, mais ce fut la première fois qu'il l'entendait vraiment. Elle était belle, et étrangement, ses doigts glissaient tout seuls, comme si elle s'était gravée quelque part dans sa mémoire.

la – mi – la – la – mi – la – do – si – la…

L'harmonie qui se dégageait du piano était d'abord lente, puis la musique s'accéléra, et les mains de Drago volaient au-dessus des touches qu'il effleurait à peine. Il repensait à la manière dont les doigts de Granger avaient tendance à tapoter les tables quand elle était concentrée. Le rythme parut raisonner avec les battements de son cœur, jusqu'à ce qu'il achève le morceau et qu'il se retrouve de nouveau dans le silence complet.

Sans savoir pourquoi, il se retrouva un peu essoufflé. Les portraits autour de lui s'étaient réveillés et le regardaient curieusement. Ils ne devaient pas être habitués à être dérangés de la sorte. Drago s'attarda une seconde sur le cahier, où Granger avait ajouté un petit texte sous le titre de son écriture ronde :

"Beethoven aurait écrit cette composition pour son élève de piano, Thérèse de Brunswick, dont il était amoureux. La composition est facile au début pour que cette élève, qui n'était pas très douée en piano, puisse la jouer elle-même. Mais, quand elle se fiança lors de l'année de sa composition avec un autre homme, Beethoven fut tellement peiné qu'il la complexifia pour qu'elle ne puisse pas la finir."

En lisant ça, Drago sentit son coeur se serrer et les larmes monter dangereusement. Pourquoi l'amour non réciproque de Beethoven lui rappelait le sien ?

Soudain, il entendit un petit bruit derrière lui et il se retourna vivement. Sa mère se tenait dans l'embrasure de la porte, vêtue de sa robe de chambre, et le regardait tendrement. Drago chassa son envie de pleurer en fermant son esprit aussitôt.

"Pardonne-moi de t'avoir dérangé." dit Narcissa avec un petit sourire. "Je ne t'avais pas entendu jouer depuis si longtemps…"

"Désolé si je t'ai réveillé, Mère." s'excusa Drago en se reculant de l'instrument.

"Non, tu n'as rien fait de tel." dit-elle en s'approchant, la main tendue vers lui. Elle la posa doucement sur son épaule. "Tu n'es pas le seul qui a du mal à dormir."

Drago ne répondit rien, et Narcissa posa son regard sombre sur les touches.

"Tu jouais La Lettre à Elise ?" demanda-t-elle.

"Oui." dit-il en refermant le cahier pour ne pas qu'elle voit les agrafes. "Pansy m'en a parlé tout à l'heure, et ça m'a donné envie de la rejouer."

"Peux-tu la recommencer ?" demanda sa mère avec une émotion peu familière. "Je n'ai pas entendu le début de ma chambre."

Drago obéit et recommença le morceau. Il ne fit aucune erreur, les notes étaient fluides. Il n'avait plus besoin de la partition, cette fois-ci. Narcissa l'écouta en silence, et quand il termina et releva la tête vers elle, elle paraissait étrangement touchée.

"J'ai toujours aimé t'écouter jouer." murmura-t-elle, la main toujours posée sur l'épaule de Drago. "Ça m'avait manqué. C'est triste, un piano que personne n'utilise."

Il hocha la tête, et Narcissa fit alors quelque chose qu'elle ne faisait que très rarement : elle lui fit un baiser sur le front. C'était un geste affectif auquel Drago n'était pas habitué : il se figea de surprise.

"Bonne nuit Drago." dit-elle en partant de la pièce.

Il lui souhaita une bonne nuit et resta assis devant le piano longuement, sans jouer.

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Le soir, dans son lit, alors que la nuit était déjà bien avancée et qu'il était supposé dormir depuis bien longtemps, Drago se fit une résolution.

Il devait savoir ce qu'il s'était passé. Pourquoi Granger n'avait-elle toujours pas répondu ? S'il lui était arrivé quelque chose ? Il ne pouvait pas vraiment lui renvoyer une lettre, parce que si elle avait des problèmes à cause de ça, en renvoyer une nouvelle n'était pas une bonne idée. En plus, Ébène n'était toujours pas revenu. Il devait rentrer en contact avec elle d'une autre manière.

Il réfléchit à plusieurs options. Il était effrayé à l'idée que quelqu'un le surprenne, se rende compte à qui il parlait, et des conséquences. Mais d'un autre côté, il en avait marre d'avoir peur. Il ne pouvait pas vivre dans l'angoisse de se faire dévoiler toute sa vie. Quitte à se faire découvrir, autant que ça soit pour une bonne raison. Et vérifier que Granger allait bien en était définitivement une.

Il mit au point un plan mental et s'endormit d'épuisement après avoir rangé des souvenirs avec Granger. Le lendemain, il se réveilla assez tôt, mais ne traîna pas longtemps et descendit prestement.

"Bonjour, Maître." salua Chubby en le voyant entrer dans la salle à manger. "Que souhaitez-vous pour votre petit-déjeuner ?"

"Un café, ça sera tout. Ma mère est déjà partie ?"

"Oui, elle est partie très tôt ce matin. Elle m'a demandé de vous souhaiter une bonne journée."

Drago hocha la tête et l'elfe disparut, puis réapparut très vite, avec une tasse de café. Drago la but rapidement en pensant aux derniers détails de son plan. Pansy allait être occupée à accueillir Rodolphus et ne lui prêterait aucune attention de la journée, sans aucun doute. Blaise et Théo étaient déjà partis au mariage. Lucius ne devait pas revenir avant au moins une semaine. Et Narcissa s'était absentée. C'était le meilleur moment pour agir.

"Chubby ?" appela Drago, et l'elfe réapparut. "Pourrais-tu me faire transplaner sur le Chemin de Traverse, aujourd'hui ? Je voudrais acheter un nouveau balai."

L'elfe fronça son visage tout ridé.

"Votre Mère…"

"N'a pas besoin de le savoir." termina Drago d'un ton sévère. "J'ai le droit de te demander de m'accompagner à Londres, et te demander de garder le silence. J'irai à Gringotts retirer de l'argent de mon coffre fort, puis j'irai faire les boutiques et je reviendrai un peu plus tard. Tu n'auras qu'à retourner au Manoir pour dépoussiérer la pièce du piano, j'ai vu qu'elle était un peu sale hier…"

Ce n'était évidemment pas le cas, mais l'elfe ouvrit grand les yeux et piailla d'une voix peu assurée :

"Maître-Maître Malefoy, je… Je l'avais bien nettoyée il y a quelques jours, je ne comprends pas comment…"

"Ne te mets pas dans tous tes états." coupa Drago en comprenant que le pauvre elfe s'attendait à un châtiment corporel. "Je ne dirais rien à mes parents, et tu ne diras rien en retour. C'est compris ?"

L'elfe hocha la tête plusieurs fois. Étant un elfe des Malefoy, il était contraint d'obéir à Drago.

"Quand souhaitez-vous partir ?" couina-t-il.

"Dans une dizaine de minutes." répondit Drago, l'excitation perçant un peu sa voix sans qu'il puisse la contrôler. "Attends-moi ici."

Il remonta vite dans sa chambre, prit une douche rapide, et enfila les vêtements les plus sobres qu'il possédait. Il ne mit pas de robe de sorcier. Cela lui valut un curieux regard de la part de Chubby quand Drago revint, mais il ne fit pas de commentaire. Ils sortirent tous les deux vers l'allée du Manoir des Malefoy et traversèrent le portail noir qui s'évapora à leur passage.

Puis, Chubby lui tendit son bras squelettique et à peine Drago le frôla des doigts qu'il se fit emporter par un tourbillon d'Apparition.

Il sentit sa tête trembler à cause de la force du transplanage, avant de retomber brutalement sur ses pieds. Il se trouvait au bout du Chemin de Traverse, en face des nombreuses façades de magasins colorés. Un florilège de couleurs, d'odeurs et de personnes lui passèrent devant les yeux, ce qui changeait beaucoup de l'allée déserte de son Manoir.

"Gringotts est en face de vous, Maître Drago." dit Chubby comme si Drago n'était jamais venu.

Dobby ne lui aurait jamais dit ça, il l'aurait certainement pris comme une moquerie. Mais Drago se contenta d'hocher la tête distraitement et expédia l'elfe.

"Je reviendrai dans quelques heures." assura-t-il, avant que Chubby ne transplane de nouveau, le laissant seul sur le Chemin de Traverse.

Drago se fit la réflexion à cet instant que c'était la première fois de sa vie qu'il était seul dans cette rue. Ses parents venaient toujours avec lui. En fait, maintenant qu'il y pensait, il était rarement seul quand il allait quelque part.

Il avança dans le Chemin de Traverse qu'il connaissait par cœur. Il baissa la tête, de peur de se faire reconnaître, bien que, même si c'était le cas, tout le monde s'en ficherait qu'il soit là sans son père. Il ne faisait rien de mal. Ça ne l'empêcha pas de cacher son visage avec sa capuche du mieux qu'il put.

Il arriva à Gringotts en quelques minutes. Il passa devant le gobelin qui gardait l'entrée, puis se rendit à l'un des comptoirs les plus proches et découvrit son visage pour que le gobelin puisse le voir.

"J'aimerais accéder au coffre 159." annonça-t-il de la voix la plus grave possible, puis il posa la clé dorée sur le pupitre.

Le gobelin l'inspecta quelques secondes. Drago essaya de ne pas regarder ses petits yeux perçants, qui le mettait assez mal à l'aise. Au bout d'un moment, le gobelin déclara :

"L'un des coffres des Malefoy, je présume ?"

Drago hocha la tête, soudain moins sûr de lui. Fallait-il un âge minimum pour accéder à un coffre de Gringotts ?

"Suivez-moi." annonça le gobelin en sautant par terre.

Drago l'accompagna jusqu'au wagon en soupirant doucement de soulagement. Ils montèrent dedans tous les deux et le gobelin conduisit en regardant la route, tandis que Drago se concentrait pour ne pas avoir la nausée. Le wagon s'enfonça dans les profondeurs des souterrains de Gringotts à un rythme effarant. Puis, ils s'arrêtèrent brutalement dans l'un des couloirs sombres et Drago fut projeté en avant.

"Coffre 159 !" énonça le gobelin.

Ce dernier avança ensuite jusqu'à la porte et passa la clé dans l'un des nombreux verrous. Ils entendirent un "clic !", puis des centaines de mécanismes s'entrechoquèrent dans un grand bruit, et le gobelin se décala juste à temps avant que la porte ne s'ouvre. Plusieurs pièces tombèrent par l'ouverture dès que la porte s'entrouvrit.

Drago se retrouva face à une montagne de pièces d'or. Elles atteignaient le plafond du coffre, de sorte à ce qu'il ne puisse même plus voir le fond. Il s'approcha et remplit sa poche du plus de pièces qu'il pouvait prendre, puis ils retournèrent au hall de la banque.

Dans le wagon du retour, Drago osa parler d'une petite voix :

"Est-il possible de changer son argent ici ?"

Il n'avait jamais fait ça. Le gobelin ne leva pas la tête et regardait toujours droit devant lui quand il répondit d'une voix parfaitement égale, malgré les secousse du wagon sur les rails instables :

"Oui. Vous pouvez le changer dans toutes les monnaies qui existent dans le monde."

Drago acquiesça. Quand ils retournèrent dans le hall, il attendit que le gobelin se remette à sa place pour poser quelques pièces de Gallions et de Mornilles.

"Je souhaiterais changer ça en argent moldu." dit-il à voix basse.

Le gobelin sortit son registre pour noter la transaction mais Drago l'arrêta :

"Est-il possible de ne pas le noter ?"

Le banquier arqua un sourcil crochu.

"Je suis obligé de noter la conversion. Mais si vous le souhaitez, vous pouvez me donner un autre nom."

"Greenger." dit Drago sans réfléchir. "Notez le au nom de Greenger."

Le gobelin hocha la tête et compta les pièces :

"Vous avez donné 6 Gallions et 16 Mornilles, ce qui correspond à un montant de 49,52£. Nous prenons une commission de 9 Mornilles. Cela vous convient-il ?"

Drago, qui n'avait strictement aucune idée de la valeur du livre dans le monde moldu, accepta. Il prit le billet en papier et le regarda bizarrement : dessus, il y avait une tête de vieille dame. Peut-être que c'était lui, le "Jésus" dont Granger avait parlé dans ses lettres.

Il récupéra toute sa monnaie qu'il mit dans sa poche, remercia le gobelin et quitta la banque avec sa capuche rabattue sur son visage. Il traversa la rue beaucoup plus occupée qu'avant, et se faufila jusqu'au Chaudron Baveur. Beaucoup de sorciers s'étaient arrêtés pour faire une pause de leur journée de shopping, alors le pub était bondé. Drago n'eut aucun mal à se faufiler parmi les sorciers pour sortir par l'entrée moldue sans se faire voir.

Il ouvrit la porte et se retrouva soudain dans une rue. Elle était, comparée au Chemin de Traverse, beaucoup plus vide et calme, et pourtant, elle oppressa Drago bien plus que la rue sorcière.

Malgré son plan mis en place la veille, il n'avait pas réalisé ce qu'il allait réellement faire. Il était chez les Moldus pour la première fois de sa vie. Il n'avait jamais eu le droit de s'aventurer là-bas, son père lui avait formellement interdit de s'y approcher.

Un homme au crâne dégarni passa devant lui et Drago l'observa sans gêne. Mis à part sa tenue, rien ne le différenciait vraiment d'un sorcier. Son père lui avait toujours répété qu'ils étaient tous abominables, mais ce n'était absolument pas le cas. Peut-être que son père n'en avait jamais vu, lui non plus.

Drago continua hasardeusement le long de la rue. Cette étape-là était probablement la plus difficile. Il se basa sur ses maigres connaissances et sur ce que Théo lui avait déjà dit pour essayer de se repérer. Il marcha dans la direction que la plupart des Moldus prenaient et arriva sur une grande place où des voitures roulaient dans tous les sens. Drago prit une bonne minute pour s'arracher de la vision de ces engins roulants. Comment faisaient-ils pour fonctionner ? Il devait absolument demander à Granger.

Il ne comprit pas comment les Moldus faisaient pour passer d'un côté à l'autre de la rue, jusqu'à ce que l'écran rouge en face de lui devint vert et que tout le monde se mit à marcher, l'emportant en même temps par la foule. Les voitures s'étaient miraculeusement arrêtées. Il marcha encore un peu en observant les façades des magasins, qui n'avaient rien à voir avec celles qu'il connaissait. Il s'arrêta devant une vitrine de boutique de vêtements et essaya d'imaginer quelqu'un vêtu comme ça, sans y parvenir.

Quand il reprit sa marche, il vit au loin un panneau avec écrit UNDERGROUND et se dirigea vers là. Tous les Moldus s'engouffraient dans le tunnel souterrain de l'underground. Drago pensa qu'il s'agissait de ces genres de train dont Théo parlait souvent et descendit les escaliers avec hésitation.

Il arriva dans un hall souterrain et sombre, où des dizaines de Moldus se pressaient contre des machines pour passer. Ils agitaient tous une sorte de carte sur la machine qui les laissaient passer. De temps en temps, l'un des Moldu passait une sorte de petit carré en papier qui se faisait aspirer et les portes s'ouvraient. Drago hésita à y mettre son papier avec Jésus dessus, mais il préféra aller voir à l'un des guichets.

Un homme avec une grosse barbe noire tapotait sur une énorme machine que Drago ne pouvait pas voir. Quand il s'approcha du guichet, l'homme lui adressa à peine un regard.

"C'est pour quoi ?" demanda-t-il d'une voix morne.

"Je souhaiterais me rendre à… Hampstead Heath." dit Drago en lisant la lettre qu'il avait mis dans sa poche.

"Faut prendre la Northern Line en direction d'Edgware."

Drago ne répondit rien, et l'homme fit dévier son regard sur lui. Il s'arrêta sur ses cheveux blonds pétants et sa tenue et haussa les sourcils. Voyant probablement que le garçon avait de la peine à comprendre, le guichetier se pencha un peu et parla plus distinctement :

"Vous prenez la ligne noire, la Northern, qui va vers Edgware, et vous descendez 9 arrêts après celui-ci, à Hampstead. Le parc est juste à côté. Vous avez un ticket ?"

Drago fit non de la tête, mais plongea sa main dans sa poche.

"Non, mais j'ai des pouns." dit-il en posant les pièces et le papier devant l'homme.

"Pas besoin d'autant !" s'écria l'homme en lui redonnant le papier et quelques pièces. "Juste £1,5. Voilà votre ticket, vous pouvez aller jusqu'à Hampstead avec."

Drago hésita à lui demander comment faire pour passer les portes, mais il eut le sentiment que demander ce genre de question n'était pas fréquent pour les Moldus. Il rangea son argent et prit le ticket entre ses mains, et se mit derrière l'un des hommes qui faisait la queue pour passer les portes. La file avança rapidement. Drago observa la manière dont la personne en face de lui posait le ticket dans la fente et fit pareil. Les portes s'ouvrirent et il passa entre les deux rapidement avant qu'elles ne se referment sur lui.

Il suivit ensuite les indications du guichetier et descendit des escaliers vers la ligne noire. Quand il arriva sur le quai, il n'y avait pas de train. Il regarda les panneaux, qui étaient différents d'un côté de l'autre, mais avant qu'il puisse choisir lequel était le bon, une femme s'approcha de lui et lui parla, assez fort pour le faire sursauter.

"Bonjour, vous êtes perdu ?" demanda-t-elle en articulant chaque lettre pour se faire comprendre.

"Je cherche à aller à Hampstead Heath." répondit Drago sans la regarder dans les yeux.

En entendant son accent anglais, la femme eut une mine surprise, s'attendant visiblement à un touriste égaré. Elle lui pointa du doigt le quai d'à côté :

"C'est celui-là. D'où venez-vous ?"

"D'Angleterre." répondit Drago, touché dans son égo.

"Oh. Très bien." dit-elle, avant de s'échapper, perplexe.

Drago rejoignit l'autre quai et un train arriva à cet instant. Il roulait très vite. Il s'attendait à voir un Poudlard Express, mais ce train-là n'avait rien à voir : il était gris et lisse. Il s'arrêta et les portes s'ouvrirent devant lui. Quelques Moldus descendirent du train, et Drago monta précautionneusement dedans. Des rangées de sièges étaient installées de parts et d'autres du wagon, ce qui était un peu plus rassurant que des compartiments. Drago s'installa sur l'un d'entre eux.

Une alarme stridente retentit et les portes se refermèrent, si vite qu'il eut à peine le temps de les voir bouger. Puis, le train avança et les fenêtres devinrent noires. C'était un tunnel. Drago réalisa que ce n'était pas aussi turbulent qu'il ne l'avait pensé. En fait, c'était même moins sensationnel que le wagon de Gringotts.

Il observa les Moldus aux alentours. Juste à côté de lui, il y avait une femme qui portait une robe grise et une sorte de chapeau. Elle sentait fort le parfum. Elle se fichait complètement des tunnels et de la vitesse du train, elle ne regardait même pas le plan ou les fenêtres.

Drago l'observa et se demanda à quoi Pansy pourrait ressembler si c'était une Moldue.

"Hampstead." annonça la voix robotique du wagon.

Drago se leva et sortit par les portes du train, puis le regarda partir sans savoir quoi faire. Personne n'était descendu à cette station. Il monta les escaliers et retrouva les mêmes portes magiques qui s'ouvraient à chaque passage. Drago remit son ticket dedans et il revint tout chiffonné, et les portiques s'ouvrirent.

Il se retrouva dans une autre rue moldue. Le soleil était monté pendant son trajet souterrain, projetant une jolie lumière sur la rue pavée. Il y avait beaucoup moins de monde que dans la rue du Chaudron Baveur, et aucune voiture. Drago avança aléatoirement dans les rues.

Une femme arriva à son niveau et le scruta quelques secondes avec surprise. Pourtant, Drago avait fait en sorte de prendre ses vêtements les moins tape à l'œil possible. Il regarda de nouveau sa tenue et réarrangea ses cheveux.

Il vit un panneau qui indiquait le parc à sa gauche. Drago ne pouvait voir que des clôtures noires, de l'autre côté de la rue. Il longea ces dernières en observant tout autour de lui. Il y avait des restaurants, avec des serveurs qui zigzaguaient entre des tables où des gens mangeaient dehors, et des boutiques où il pouvait voir des tenues qu'il n'avait jamais vu auparavant. Drago comprenait mieux pourquoi Théo était si fasciné par les Moldus.

Après avoir fini de marcher dans la longue rue, Drago se trouva à un croisement.

Il réalisa alors qu'il n'avait pas vraiment prévu cette partie-là de son plan. Il avait beaucoup réfléchi à la manière dont il allait arriver à Londres, mais pas du tout sur comment la retrouver, elle. Il n'aurait jamais pensé que le Londres moldu puisse être aussi étendu. Il pensait qu'il y aurait que des Manoirs, comme dans son village, et qu'il suffise qu'il cherche celui qui ressemblait le plus à Granger.

En longeant les grillages du parc, Drago comprit que son plan était en train d'échouer.

Il y avait trop de maisons, trop de gens. Il ne pourrait jamais la retrouver dans toutes ces maisons qui bordaient le parc immense. Les grillages ne semblaient jamais s'arrêter. De quel côté pouvait être sa maison ?

Il sortit la lettre de Granger de sa poche et relut le passage qui l'intéressait : "Je t'écris depuis le Hampstead Heath, le parc où je passe mes après-midis. J'aime beaucoup lire ici, et le parc est idéalement situé juste à côté de ma maison."

Il prit l'une des rues parallèles au parc au hasard et s'aventura dedans. Il y avait moins de monde dans ces parties-là. Il n'y avait que des maisons, que Drago observait à mesure qu'il marchait. Certaines fenêtres avaient les rideaux tirés, d'autres non, mais tous les salons se ressemblaient. Il avait pensé que la maison de Granger sortirait du lot, qu'elle le frapperait tant elle lui ressemblerait, mais il s'avéra qu'elles étaient toutes pareilles.

Ça lui était inconcevable que quelqu'un puisse vivre dans un endroit aussi petit et étroit.

Il continua d'errer dans les rues pavillonnaires. Il ne croisa personne, mis à part une dame qui promenait son petit chien au bout d'une laisse. Il eut l'impression que même le chien le regardait bizarrement. Il fut tenté de remettre de nouveau sa capuche.

Après avoir fait trois rues parallèles au parc, Drago vit que le soleil avait légèrement décliné, il devait être 13h, et il n'avait aucune idée d'où était Granger.

Plus il avançait, plus il comprit à quel point son plan était bancal : si elle n'avait pas répondu à sa lettre, c'était sûrement parce qu'elle était partie. Maintenant que ses pensées étaient plus modérées, il se rappela d'un moment où elle avait évoqué sa grand-mère qui vivait en Écosse. Peut-être qu'elle était simplement partie en vacances et n'avait pas eu le temps de répondre ? Ou qu'Ébène prenait plus de temps parce qu'il avait un plus long trajet à faire ?

Drago se sentit profondément découragé. La réalité écrasante qu'il n'allait pas revoir Granger jusqu'à la fin de l'été lui tomba dessus pour la première fois depuis qu'il avait conçu son plan la veille. Ça n'avait pas marché. Il allait devoir rentrer et attendre le retour de Blaise et Théo dans la froideur perpétuelle du Manoir.

Il était en train de réfléchir au trajet retour, les épaules voûtées par la déception, quand il tourna à l'angle d'une rue aléatoire. Il longea les maisons blanches et s'arrêta brutalement devant l'une d'elles, au milieu de la rue. Il s'arrêta parce que, contrairement à tous les foyers qu'il avait croisés depuis qu'il était arrivé, celle-là avait une banquette sous la fenêtre.

Il ne pouvait pas vraiment l'apercevoir depuis le trottoir, mais il pouvait voir les quatre coussins blancs parfaitement rangés dessus, un bout de rideau, et surtout, la bibliothèque qui prenait tout un pan du mur derrière. C'était exactement comme ça qu'il avait imaginé la banquette quand Granger lui avait raconté qu'elle adorait lire-là.

Drago s'approcha inconsciemment du petit portail sur la clôture qui entourait la petite maison. Il regarda les étages supérieurs, mais les fenêtres étaient fermées. Est-ce que ça pourrait être…?

Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit.

Une femme sortit de la maison et referma la porte derrière elle avant d'emprunter le petit chemin vers le portail. Sans comprendre pourquoi, Drago resta figé sur place. Elle était habillée avec une blouse blanche étrange, presque comme celles des Médicomages à Ste Mangouste. Quand elle leva la tête et croisa le regard de Drago, elle s'arrêta et le dévisagea.

Le souffle de Drago se coupa brutalement.

La ressemblance était frappante. Cette femme avait les mêmes traits que Granger. Son nez, ses yeux et sa mâchoire étaient exactement pareils. Ses cheveux étaient un peu plus foncés, et plus dociles. Drago contempla ce visage avec stupeur, choqué de pouvoir reconnaître Granger dans cette femme qu'il ne connaissait pas. C'était le même visage, en plus âgé, et en plus… moins…

Moins fiévreuse. Granger avait constamment les joues rosées et ses traits étaient sans arrêt animés par une émotion. La joie, la concentration, la tristesse, la colère… Cette femme-là était plus calme. Drago se demanda si c'était ça, la différence entre les sorciers et les Moldus. Cette femme était moins… Magique.

Il comprit, sans le moindre doute, qu'il s'agissait de la mère de Granger. Drago baissa de nouveau les yeux sur la tenue qu'elle portait et comprit qu'il s'agissait de la tenue typique d'un "dentiste", comme lui avait expliqué Granger.

Il voulut chasser la surprise de son visage pour paraître plus poli, mais il en était incapable. La mère de Granger dévisageait toujours Drago sans gêne, le scrutant de ses yeux chocolat, de sa tenue à ses cheveux blonds. Elle pinça les lèvres très subtilement, presque amusée, contrastant avec le choc qui devait marquer le visage de Drago.

Puis, elle lui sourit.

"Bonjour ! Tu es un ami d'Hermione, c'est ça ?" demanda-t-elle d'une voix claire.

Drago ouvrit grand les yeux. Comment aurait-elle pu le savoir ? Il hocha la tête silencieusement.

"Elle est dans le parc." continua-t-elle, en lui pointant du doigt la rue d'où il venait. "Avec son ami Danny. La première porte que tu vois après avoir emprunté le chemin à gauche. Continue jusqu'au centre du parc, ils s'asseoient généralement sur l'un des bancs."

Il fut étonné de constater que sa voix n'avait rien à voir avec celle de sa fille. La voix de Granger était aiguë, haut perchée, alors que celle de sa mère était plus forte.

"Très bien. Je vous remercie." dit Drago, expirant pour la première fois depuis qu'il avait aperçu la mère de Granger.

"Je ne peux pas t'accompagner, je suis désolée, je dois aller au cabinet. Tu n'auras pas de mal à la trouver ?" dit-elle, sur le ton de la conversation.

Elle traversa le chemin en quelques enjambées et sortit par le petit portail devant lequel se tenait Drago. De plus près, il remarqua tous les détails semblables à Granger : les petites tâches de rousseur sur le haut de ses joues, la couleur de ses yeux, la manière dont ses lèvres se courbaient très légèrement contre ses dents.

"Non, non. Merci beaucoup." dit-il maladroitement. "Je… J'y vais."

Drago perdait rarement ses mots, et le fait que ça se passe à cet instant était embarrassant. Mais la mère de Granger le regardait tendrement, avec un sourire maternel, qui le frappa tant il lui était familier. Il n'avait jamais vu cette femme de sa vie, mais elle dégageait une aura réconfortante, peut-être même plus que sa propre mère.

"Très bien. Amusez-vous bien !" dit-elle, avant de se retourner pour se rendre à son cabinet de dentiste.

Une odeur cotonneuse de musc blanc enveloppa les narines du garçon pendant une brève seconde avant de se dissiper. Choqué par ce qu'il venait de se passer, Drago passa une minute entière à regarder la banquette sous la fenêtre sans la voir. C'était la première fois de sa vie qu'il voyait une Moldue d'aussi près. Les paroles de son père sonnaient encore plus vides, désormais. Cette femme n'avait rien à voir avec un monstre, bien au contraire, elle avait réussi à détendre Drago juste avec son sourire.

Par contre, il voyait un peu mieux les différences entre les Moldus et les sorciers maintenant. La mère de Granger lui ressemblait énormément dans ses traits, pourtant, elles étaient radicalement opposées. Granger n'avait rien à voir avec cette tranquillité, cette banalité. Elle était bien plus débordante d'énergie, comme si la magie lui brûlait les veines à chaque instant.

Drago s'arracha de sa vision de la banquette de Granger et ne put retenir son sourire. Le fait qu'il avait retrouvé cette maison était un signe. Peut-être un coup de pouce de Merlin en personne. Ou de Jésus. En tout cas, cela voulait forcément dire qu'il avait raison d'être venu. Granger était au parc, il pouvait aller la voir au bout de cette rue. Tout ce plan et ces explorations avaient servi à quelque chose.

Il retourna sur ses pas et suivit l'itinéraire indiqué par la mère de Granger, jusqu'à ce qu'il aperçoive de nouveau les grillages noirs du parc. Sauf que cette fois-ci, les grilles n'avaient plus rien à voir avec l'étendue infinie et décourageante qu'il avait longé quelques minutes plus tôt. Il voyait maintenant le parc comme une invitation.

Le cœur martelant sa poitrine d'impatience, Drago entra dans le parc. Il scanna les environs rapidement sans trouver Granger, alors il avança le long du chemin. S'il avait été attentif, il aurait remarqué la beauté de l'endroit : les plantes qui entouraient le sentier dans une explosion de couleurs estivales, le lac sur sa gauche où barbotaient des cygnes. Mais Drago ne regardait même pas. Il ne cherchait que Granger.

Le sentier dévia sur la droite et il se retrouva face à une pente, qui menait vers le centre du parc. Il y avait une fontaine, et des bancs tout autour, et sur l'un d'entre eux, Drago aperçut une fille avec des cheveux châtains bouclés.

Une vague brûlante d'émotions parcourut son corps et il s'arrêta une seconde pour profiter de cette vision. Elle était là, à quelques mètres de lui. Elle allait bien. Personne n'avait lu le courrier, elle ne courait aucun danger. Elle était aussi belle que dans ses souvenirs rangés dans sa bibliothèque : il n'avait pas amélioré inconsciemment l'image qu'il avait d'elle à force de les consulter. Elle était aussi belle qu'à Poudlard, peut-être même plus, au milieu de ces fleurs roses.

Elle était assise sur un banc près de la fontaine, en train de lire un livre moldu. Il eut envie de courir pour la prendre dans ses bras. Il avait envie de la serrer contre lui, pour confirmer que ses peurs étaient bien infondées et que Granger était bien , avec lui, et qu'elle allait bien. Il voulait sentir la fraise dans ses cheveux et la cannelle sur sa peau, il voulait voir ses grands yeux chocolat s'arrondir en le voyant, la voir sourire, l'entendre rire, écouter cette voix qu'il imaginait tous les jours depuis presque un mois.

L'impulsion le fit avancer d'un pas sur le sentier, mais il s'arrêta en se souvenant de ce qu'il faisait ici.

Pourquoi n'avait-elle pas répondu à sa lettre, si elle était en sécurité ? Pourquoi lisait-elle un livre, au lieu de le rassurer ? Il avait été tellement inquiet pour elle qu'il avait enfreint toutes les règles pour la retrouver. Et elle allait bien ?

À cet instant, Drago tourna la tête et vit la personne avec qui elle partageait son banc. Il avait été tellement bouleversé d'avoir vu la mère de Granger qu'il avait oublié avec qui Granger était censée être. Son ami Danny. Il supposa donc qu'il s'agissait du Moldu à côté d'elle, celui à qui elle envoyait des lettres, celui dont elle évitait toujours de parler.

Drago s'approcha d'eux, beaucoup plus tempérément cette fois. L'euphorie qu'il ressentait en voyant Granger égalait sa rancœur. Elle n'avait pas répondu à la lettre qu'il attendait depuis des jours, à la seule chose qui le faisait tenir pendant cet été infernal sans elle. Et elle passait son après-midi avec un Moldu ?! Sans penser à lui une seule seconde ?

Granger releva la tête pour échanger quelques phrases avec son ami Danny, sans voir Drago qui descendait la pente. Danny le Moldu sourit. Il avait des cheveux blonds cendrés, et des joues un peu rondes. Il ressemblait à Londubat, excepté qu'il avait l'air plus long, et que son sourire n'était pas aussi niais.

Drago élimina les quelques mètres qui le séparaient de Granger et se planta devant le banc.

Elle sentit une présence devant elle, leva la tête de son livre et posa son regard sur Drago.

Une sensation agréable contracta son ventre quand les yeux de Granger s'écarquillèrent, exactement comme il l'avait prédit. Sa bouche s'ouvrit de stupéfaction, dévoilant ses dents courtes, et elle resta une seconde figée par la surprise.

Elle cligna des yeux plusieurs fois, comme pour vérifier qu'elle n'hallucinait pas.

"Dra- Drago ?" couina-t-elle de sa voix la plus perçante.

Drago ne répondit rien, mais ne put cacher un petit sourire. Comment aurait-il pu faire autrement ? Il était incapable de ne pas sourire quand elle disait son prénom.

Granger se leva du banc sans lâcher Drago du regard, la bouche toujours ouverte de surprise.

"Respire, Granger. Tu vas t'évanouir." dit-il de sa voix la plus cynique.

"Drago, je-"

Elle s'arrêta au milieu de sa phrase pour se tourner vers son ami Danny. Ce dernier avait levé la tête de ce qu'il faisait (gribouiller sur un papier, apparemment), et les regardait tous les deux sans comprendre. Drago l'avait complètement oublié. Le fait qu'elle ne l'avait pas l'énervait.

"Hum, Danny, je te présente… Un ami de l'école, euh… Drago." dit-elle maladroitement.

Danny se leva, la surprise présente sur son visage, en tendant tout de même sa main vers Drago :

"Oh, je vois. Enchanté, je suis Danny."

Drago grogna intérieurement.

Un Poufsouffle.

Il regarda la main tendue du garçon mais ne la prit pas. Danny ne parut pas offensé et continua de sourire.

"Un ami de l'école, hein ?" dit-il joyeusement en baissant le bras. "Tu es à Londres pour les vacances, ou tu vis en France ?"

Drago vit du coin de l'œil l'expression de pure panique sur le visage de Granger pour l'avertir silencieusement. Comme si Drago avait besoin de ça pour comprendre qu'il était Moldu ! Ça crevait les yeux ! Même Londubat n'était pas aussi creux et banal.

"Vacances." répondit Drago amèrement.

Il était venu pour voir Granger, pas pour discuter avec ce Danny.

Le garçon ne fut toujours pas découragé par ce manque de politesse.

"Drago…" continua-t-il, toujours aussi souriant. "C'est original, comme prénom, c'est français ?"

Drago fut sur le point de l'envoyer balader quand Granger se positionna entre eux deux, face à Danny, visiblement sur le point d'exploser d'angoisse :

"Non, non, Drago est anglais, il étudie juste en France avec moi !" dit-elle de sa voix suraiguë. "Je ne savais pas du tout qu'il venait visiter Londres ! Une belle surprise, haha !"

Danny ne devait pas connaître Granger du tout, parce qu'il ne remarqua pas ce changement d'humeur et hocha gaiement la tête.

"Super ! Alors, je vous laisse, je devais aller chercher Léonie à son cours de théâtre de toute façon. Profite bien de Londres, Drago !"

Il ramassa ses papiers et les fourra dans une pochette abîmée. Il salua Drago par un hochement de tête (ayant compris qu'il ne fallait pas lui serrer la main), puis fit un grand sourire à Granger :

"À plus tard Mimi !"

Granger lui fit un sourire crispé pendant que Drago grimaçait. Pourquoi tous les garçons de l'entourage de Granger massacraient autant son prénom ? Personne n'était donc capable de l'appeler Hermione ?

Danny prit le sentier que Drago venait de quitter. Quand il fut suffisamment loin pour ne pas entendre leur conversation, Granger se tourna de nouveau vers Drago, toujours aussi choquée de le voir.

"Qu'est-ce que tu fais ici ?" demanda-t-elle en même temps que Drago demanda :

"Qu'est ce qu'il fout là, lui ?"

Ils se regardèrent une seconde, Granger estomaquée, et Drago passablement énervé.

"Qu'est-ce que tu fais ici ?" répéta-t-elle.

"À ton avis ?" dit-il, un peu trop sèchement à son goût. Il n'avait pas réalisé à quel point il était énervé. "Tu ne répondais pas à ma lettre ! J'étais inquiet, j'ai cru que quelqu'un l'avait lu ! Ou pire, que tu avais…"

"Drago…" interrompit-elle. "Tu es venu à Londres… Tu as fait tout ce chemin… Pour vérifier que j'allais bien ?" demanda-t-elle, pleine d'espoir.

Drago arrêta de parler et se passa une main dans les cheveux. Il ne savait pas s'il voulait lui hurler dessus ou l'embrasser, et c'était deux envies très différentes, et difficiles à gérer. Il regarda le ciel et soupira, avant de répondre doucement :

"Ouais."

Alors, Granger eut un grand sourire, et se jeta sur lui pour lui faire un câlin.

.

.


Hermione


.

.

Hermione était en train de lire le dernier chapitre de son roman quand Danny interrompit sa lecture :

"Mimi ?"

Elle détacha son regard des pages et se tourna vers son ami. Il était en train de dessiner la fontaine du parc avec des pastels, mais il avait du mal à recréer les couleurs de l'eau. En plus, quelques enfants pataugeaient dedans, créant des ondes à la surface qui étaient difficiles à capturer.

"Je mettrais du rose, ici, pour montrer le reflet du soleil." dit Hermione en posant son doigt sur le papier, à l'extrémité du bassin.

"Quoi ? Oh, oui." dit Danny en prenant le pastel rose pour effleurer l'endroit indiqué avec. "Je voulais te demander quelque chose."

"Dis-moi ?"

"Tu te souviens quand tes parents nous ont emmenés dans un spectacle de magie à Piccadilly Circus ?" demanda-t-il.

"Oui ?" répondit Hermione.

Ce spectacle paraissait si loin, elle avait même du mal à s'en rappeler parfaitement. Ça faisait plus de quatre ans, maintenant. L'été où Hermione avait appris qu'elle était une sorcière.

"Je me disais qu'on pourrait y retourner cette semaine, avant que tu partes chez tes amis."

"Oh !" répondit Hermione, ne s'attendant pas du tout à une telle requête. "Oui, pourquoi pas. Tu as des idées de ce que tu aimerais voir ?"

Ils discutèrent des derniers spectacles. Ou plutôt, Danny lui détailla le programme du moment, dont elle n'avait aucune idée. Il lui proposa d'en parler à ses parents le soir-même et ils retournèrent dans leur activité respective : le roman d'Hermione et le dessin de Danny.

Après de longues minutes de silence, Hermione regarda de nouveau le papier.

"Tu vois ! Je t'avais dit que le rose irait bien là." dit-elle en constatant l'éclat que ça apportait à la fontaine.

Danny sourit :

"Même en dessin, tu es plus forte que moi. Dois-je comprendre que tu excelles partout ?"

"N'importe quoi." démenti Hermione. "Tu es bien plus doué que moi en dessin, je serais incapable de faire ça."

Danny souriait toujours en continuant d'étaler le rose autour de l'eau. Hermione retourna à son livre, mais elle remarqua que les pages s'étaient soudain assombries, comme si quelqu'un lui cachait le soleil. Elle leva la tête et observa la silhouette qui se tenait devant elle. Quand elle regarda son visage, elle fut instantanément happée par deux pupilles grises.

Drago.

Drago Malefoy était devant elle.

Il la regardait lire.

Exactement comme à la Bibliothèque de Poudlard, sauf qu'ils n'étaient pas à Poudlard.

Ils étaient à Hampstead Heath, au cœur du Londres moldu, et que Drago Malefoy ne pourrait jamais être ici.

Ce n'était pas possible. Elle rêvait. Peut-être qu'elle était au beau milieu d'un rêve et qu'elle allait se réveiller d'un instant à l'autre dans son lit. Mais pourtant, une seconde passa, et Drago Malefoy était toujours devant elle. Il la regardait avec un très léger sourire, le genre de sourire en coin qui était très difficile à imaginer aussi parfaitement dans un rêve…

"Dra- Drago ?" demanda-t-elle à l'apparition en face d'elle.

Elle sonnait comme une folle. Comment pouvait-elle sincèrement penser que Drago Malefoy était vraiment en face d'elle ? C'était strictement impossible : il vivait dans un Manoir à des centaines de kilomètres de Londres, dans un village sorcier avec ses parents qui haïssaient les Moldus… Ce n'était pas possible qu'il soit là, l'information n'arrivait pas à monter à son cerveau.

Elle se leva pour le voir de plus près. Ses yeux gris étaient aussi hypnotisants qu'à Poudlard, ses cheveux encore plus blonds que d'habitude, et son odeur mentholée était tellement particulière que c'était impossible de l'imaginer aussi vivement.

Elle ne rêvait pas.

Drago Malefoy était vraiment devant elle.

"Respire, Granger, tu vas t'évanouir." dit-il, amusé, et Hermione réalisa qu'elle n'avait en effet pas respiré depuis une bonne minute.

"Drago, je…"

Elle voulut lui poser des centaines de questions, comme à chaque fois qu'elle le voyait. Ce garçon était tellement imprévisible ! Comment avait-il fait pour venir ? Dans quel but ? Comment savait-il qu'elle était là ? Comment pouvait-il être dans un parc de Moldus…

Hermione se rappela soudainement de la présence de Danny sur le banc. Elle avait oublié son existence. Quand elle se tourna vers lui, elle fut choquée de voir à quel point il était différent de Drago.

"Hum, Danny, je te présente… Un ami de l'école, euh… Drago." dit Hermione en montrant Drago d'un geste de la main.

C'était une pathétique présentation comparée à la véritable image qu'elle avait de ce garçon. Arrogant, mesquin, sournois, mais aussi passionnant, cultivé, mystérieux, drôle, gentil, captivant, honnête…

Danny, comme à son habitude, le salua avec bienveillance, malgré sa surprise. Drago, comme à son habitude, répliqua avec une froideur qui faisait froid dans le dos. Il regardait Danny comme si c'était une saleté sous sa chaussure. Quand Hermione eut peur que Drago révèle quelque chose qu'il ne fallait pas, elle s'interposa entre les deux :

"Drago est anglais, il étudie juste en France avec moi !" dit-elle de sa voix suraiguë. "Je ne savais pas du tout qu'il venait visiter Londres ! Une belle surprise, haha !"

Danny hocha la tête, sincèrement intéressé. Il était tellement gentil. Hermione ne voulait pas le gêner par l'attitude exécrable de Drago.

"Super ! Alors, je vous laisse, je devais aller chercher Léonie à son cours de théâtre de toute façon. Profite bien de Londres, Drago !" lança Danny.

Hermione soupira doucement de soulagement pendant que Danny rangeait son matériel de dessins. Elle préférait l'éloigner de cette scène bien trop bizarre. Le trop plein d'émotions qu'elle ressentait depuis qu'elle avait vu Drago était troublant, et le fait que Danny y assiste aussi la déconcentrait.

Le garçon les salua chaleureusement et s'éloigna. Quand il fut assez loin, Hermione osa de nouveau faire face au regard gris de Drago. Il était toujours là, le visage beaucoup plus dur cette fois.

La première question qu'elle voulait lui poser fusa sans qu'elle le veuille :

"Qu'est-ce que tu fais ici ?"

"Qu'est-ce qu'il fout là, lui ?" demanda-t-il au même moment, en désignant la silhouette de Danny sur le sentier.

Il était là, elle en était sûre maintenant. Elle ne rêvait pas. Dans le mélange d'émotions incompréhensibles qu'elle ressentait à cet instant, une s'en détachait nettement : la joie de le revoir. Ça lui réchauffait le cœur et lui donnait des délicieux frissons dans le ventre.

"Qu'est-ce que tu fais ici ?" répéta-t-elle, plus doucement.

"À ton avis ?" demanda-t-il sur un ton d'impatience. "Tu ne répondais pas à ma lettre ! J'étais inquiet, j'ai cru que quelqu'un l'avait lu ! Ou pire, que tu avais…"

"Drago…" dit-elle, réalisant ce que sa présence impliquait. "Tu es venu à Londres… Tu as fait tout ce chemin… Pour vérifier que j'allais bien ?"

Elle le regarda, espérant voir une réponse à sa question dans ses yeux gris orageux. Il soupira et se recula un peu, passa une main dans ses cheveux. Il était agité, ça ne lui ressemblait pas. Il évita son regard pour lui répondre :

"Ouais."

Le cœur d'Hermione sembla exploser de joie. Dans un mouvement précipité, elle se jeta sur lui et passa ses bras autour de son cou pour lui faire un câlin. L'odeur mentholée était accrochée à ses vêtements : elle l'inspira fort, comme pour se convaincre encore une fois que c'était bien lui. Elle pressa son visage contre sa poitrine et sourit.

Au début, Drago resta figé, mais très vite, il réagit et passa ses bras autour de la taille d'Hermione pour la serrer dans ses bras aussi. Ils n'avaient jamais vraiment fait ça, et elle pouvait dire que ce n'était pas un geste qu'il faisait très souvent. Pourtant, elle eut la nette impression que la colère qu'il ressentait s'évapora dans leur étreinte. Il la serra fort, et elle sentit sa joue se poser sur le haut de sa tête, comme s'il sentait l'odeur de ses cheveux. Ils restèrent entrelacés pendant de longues secondes.

Elle n'avait jamais eu ce genre d'étreinte avec personne. C'était différent de ceux d'Harry : là où les mains de Drago lui touchaient les hanches, sa peau brûlait de plaisir.

Hermione metta de côté tout ce qu'elle était censée ressentir en voyant Malefoy et se concentra plutôt sur ce qu'elle ressentait en voyant Drago.

Quand elle se détacha de lui, les pupilles grises du garçon n'étaient plus froides : elles étaient dilatées, et il souriait.

"Je n'arrive pas à croire que tu es ici !" s'exclama-t-elle. "Mon Dieu, c'est tellement… Drago, comment peux-tu être là ? Comment tu as fait pour venir ?"

"Avant que je réponde à ta question, peux-tu répondre à la mienne ?"

"Bien sûr." répondit-elle hâtivement.

"Pourquoi tu n'as pas répondu à ma lettre ?" demanda-t-il.

"Oh, Drago, je suis désolée !" s'écria Hermione, réalisant à cet instant à quel point il était inquiet. "J'ai reçu ta lettre hier matin, et j'ai passé la journée avec mes parents, je suis partie à Henley-on-Thames, chez des amis de ma famille, et j'ai voulu t'écrire en revenant, mais je me suis endormie dans la voiture et mon père m'a portée jusqu'à mon lit et je n'ai pas pu t'écrire… Mais j'y ai répondu ce matin, j'ai donné la lettre à Ébène dès que j'ai terminé en lui demandant de se dépêcher pour ne pas que tu t'inquiètes…"

Elle regarda anxieusement la réaction de Drago, qui n'afficha rien d'autre qu'un profond soulagement. L'idée qu'il puisse s'être inquiété pour elle était à la fois impensable et terriblement plaisante.

"Merlin, Granger…" dit Drago avec un soupir d'exaspération. "Tu aurais pu au moins m'envoyer quelque chose, un mot, quoique ce soit… J'ai cru que ma mère avait intercepté la lettre… J'étais mort d'inquiétude !"

"Je suis désolée." dit-elle sincèrement. "Je suis désolée de t'avoir inquiété. J'ai simplement pas eu le temps, mais je sais que tu… attendais ma réponse…"

Elle repensa aux mots qu'elle avait imprimés sans le vouloir dans son cerveau "Hermione, est-ce que ça veut dire qu'on ne peut plus s'écrire ?" et se mordit la lèvre en imaginant Drago, accablé et seul dans son Manoir. Les yeux de Drago devinrent soudain un peu tristes :

"Alors, c'est vrai ? Tu vas vraiment chez les Weasley à la fin de la semaine ?" demanda-t-il d'une petite voix.

"Oui… Je pars dimanche. Je suis désolée, Drago. Je sais que tu comptais beaucoup sur nos lettres."

Il hocha la tête sans parler, les yeux dans le vide. Elle détestait savoir qu'elle lui infligeait de la peine de la sorte. Elle voulait le reprendre dans ses bras et lui transmettre son excuse à travers leur contact.

En voyant sa réaction, elle posa sa main sur son bras avec hésitation :

"Pardon. Si j'avais pu, je t'aurais répondu, je te le promets. Tes lettres sont toutes aussi importantes pour toi que pour moi…"

Il eut un rire amer.

"Non, je ne pense pas." murmura-t-il.

"Mais tu es là, maintenant !" dit-elle d'un ton plus enjoué. "Tu es ici, à Londres, je ne peux pas y croire ! Comment as-tu fait pour venir ?!"

Le visage peiné de Drago s'anima d'une étincelle de fierté.

"Je suis venu tout seul." dit-il.

"Tout seul ? Mais, tes parents…"

"Ne sont évidemment pas au courant que je suis ici." expliqua-t-il. "Ma mère est partie pour la journée et mon père est toujours… "en affaires." J'ai profité de leur absence pour m'échapper quelques heures et te retrouver. Je voulais vérifier que tu allais bien."

Hermione s'empressa de lui poser toutes les questions qui lui venait à l'esprit : Comment était-il venu ? Par quel moyens ? Avec l'aide de qui ? Avec quel argent ?

Au lieu de s'asseoir sur le banc qu'elle occupait avec Danny, ils décidèrent de marcher dans le parc. La dose d'adrénaline qu'avait piqué Hermione quand elle avait vu Drago ne s'était toujours pas estompée et elle voulait à tout prix dépenser cette énergie en marchant. Alors, Drago lui raconta donc son périple en faisant le tour d'Hampstead Heath : ils prirent un sentier et firent le tour du parc entier.

Ils ne firent pas attention à ce qu'il y avait autour d'eux, trop enfermés dans leur bulle pour s'en apercevoir. Drago lui raconta en détails son plan qu'il avait échafaudé la veille, et sa vision du Londres moldu. Hermione ne put s'empêcher de rire en entendant son récit. Quand il parlait, elle n'arrêtait pas de le dévisager, encore incertaine qu'elle n'était pas en train de rêver. Drago Malefoy dans le parc de son enfance… Les deux images n'arrivaient pas à se superposer.

"Comment Pansy a réagi quand tu lui as dit que tu venais ?" demanda Hermione quand il eut terminé de lui raconter son trajet en train.

"Je n'ai rien dit à personne." répondit-il.

"Quoi ?" s'étonna-t-elle. "À personne ?"

"Personne n'aurait compris. Même Blaise aurait essayé de me dissuader. Je ne sais pas si tu te rends compte, Granger, mais j'ai risqué beaucoup pour venir aujourd'hui."

Il dit ça sur un ton léger, mais cette phrase toucha particulièrement Hermione. Il avait prévu son coup malgré les conséquences désastreuses que ça pouvait causer. Elle voulut le remercier encore une fois, mais elle n'avait pas envie d'assombrir l'ambiance de nouveau, alors elle lui prit simplement le bras qu'elle serra contre elle, en continuant de marcher. Il ne dit rien, se rapprochant simplement d'elle comme si c'était un geste qu'ils faisaient tous les jours.

"Qu'est-ce que tu leur as dit pour justifier ton absence, alors ?" demanda Hermione.

"Rien de particulier. Blaise et Théo sont partis en Italie aujourd'hui, pour le mariage de la mère de Blaise, et Pansy accueille son cousin Rodolphus chez elle, alors personne ne s'inquiétait de savoir où j'étais aujourd'hui." dit-il d'un ton morne.

"Oh. Et quand est-ce que Blaise et Théodore reviendront ?"

"Dans une semaine. Je ne sais pas ce que je vais faire pendant ce temps-là..."

"Tu ne veux pas aller chez Pansy ?" proposa-t-elle.

"Non." répondit-il avec un soupir. "Elle sera avec Rodolphus. Je le connais depuis que je suis petit et je ne l'ai jamais trop apprécié. Il habite aux Etats Unis et n'est venu que quelques fois, mais à chaque fois, j'évite d'être dans les parages."

Hermione sentit une petite pique de tristesse à l'idée que Drago soit seul pendant une semaine dans ce Manoir qu'il haïssait tant. Aller au Terrier lui paraissait maintenant très égoïste de sa part : deux maisons accueillantes en un été, alors qu'il n'avait pas le droit au réconfort dans son propre chez-lui.

Drago secoua la tête et changea de sujet :

"J'avais oublié à quel point je parlais quand je suis avec toi. Je me confie plus qu'à n'importe qui." avoua-t-il à voix basse.

"Ça s'appelle "être ami avec quelqu'un", Drago."

"Je suis ami avec Pansy, mais je ne parle jamais autant." objecta-t-il en lui jetant un regard amusé en biais. "Je pense surtout que tu es particulièrement curieuse, Granger. C'est à mon tour de te poser une question."

"Je t'écoute."

"Qui est ce Danny ?" demanda-t-il aussitôt, comme s'il se retenait de poser cette question depuis tout ce temps. "Je sais que tu lui écris des lettres, je les ai vues à la Bibliothèque, mais tu n'as jamais voulu me dire qui c'était."

"Et c'est moi qui suis trop curieuse ?" demanda-t-elle sans le regarder.

"Simple question." répondit-il. "Est-ce quelqu'un de ta famille ?"

"Non." dit-elle, et elle sentit le bras de Drago se tendre un peu contre le sien. "C'est mon voisin."

"Tu écris des lettres à ton voisin ?" demanda-t-il, plein de sarcasme.

"Oui, c'est mon plus vieil ami. J'étais dans la même classe que lui en primaire, et ses parents sont amis avec les miens, alors on est assez proches."

"Mais il est Moldu." dit-il avec surprise.

"Si je ne parlais plus aux Moldus parce qu'ils sont Moldus, je n'aurais plus de parents." contra-t-elle, et Drago fut forcé d'hocher la tête.

"Je vois. Et depuis quand est-il amoureux de toi ?" demanda Drago.

Hermione s'arrêta net sur le chemin et retira vivement son bras de celui du garçon :

"Pardon ?!" s'écria-t-elle, effarée.

"Depuis quand ce Danny est-il amoureux de toi ?" répéta Drago, sans aucune trace de rire ou de colère sur le visage.

"Danny n'est pas… Danny n'est pas amoureux de moi !" s'exclama Hermione, provoquant un regard interloqué d'un passant.

"Oh, arrête un peu." répondit-il en levant les yeux au ciel. ""Mimi" ?"

"C'est un surnom d'enfance !" s'égosilla Hermione. "C'est comme ça que mes parents m'appellent, et il le répète pour m'embêter, il-... Pourquoi es-tu persuadé que tous les garçons de mon entourage sont amoureux de moi ?!"

"Je ne crois pas ça." dit-il. Il continua sa marche et reprit le bras d'Hermione pour le remettre autour du sien. "Je ne pense pas que Potter soit amoureux de toi. Ou les jumeaux Weasley, ou Rogue, ou Lupin, ou Hagrid…"

"Beurk, Drago !"

"Je dis juste que Weasley l'est, et Londubat, et Krum, et ce Poufsouffle." dit-il, en faisant une petite grimace en disant chaque nom.

"Quel Poufsouffle ?" répéta Hermione, incrédule.

""Danny."" dit-il en mimant une voix fluette, probablement la sienne.

"Tu es vraiment puéril." dit Hermione en levant les yeux au ciel.

"Et toi, tu es naïve si tu penses que ces garçons n'ont pas de sentiment pour toi." rétorqua Drago.

"Neville et Viktor, je peux le concevoir." dit-elle, en fixant le sol pour ne pas rougir. "Mais Danny, absolument pas, c'est mon ami d'enfance, il n'y a jamais eu aucune ambiguïté entre nous…"

"Tu as oublié quelqu'un." pointa Drago d'une voix pleine de reproches.

Hermione soupira bruyamment.

"Je ne veux pas parler de Ron."

Ils continuèrent de marcher et Hermione préféra changer de sujet. Drago était là, elle voulait profiter de sa compagnie au lieu de s'engueuler au beau milieu du parc.

"Tu ne m'as jamais dit si tu avais utilisé les partitions que je t'ai offertes pour ton anniversaire."

Drago eut l'ombre d'un sourire, probablement parce qu'il avait compris qu'elle voulait parler d'autre chose, mais répondit tout de même :

"En fait, je les ai utilisées hier. J'ai joué la première, La Lettre à Elise. Ma mère était étonnée."

"Ta mère ?"

"Oui, elle m'a entendu jouer et est descendue pour venir m'écouter. C'est assez rare que j'utilise la pièce du piano, désormais."

"La pièce du piano ?! Tu as une pièce uniquement dédiée à ton piano ? Mon Dieu, je ne m'habituerais jamais au fait que tu as un Manoir."

"Je n'ai pas de Manoir, mes parents en ont un." corrigea-t-il avec ferveur. "Et oui, j'ai une pièce avec un piano, c'est là où j'ai appris à en jouer, avec Pansy et notre professeur particulier."

"Je rêverais d'avoir un piano chez moi." dit Hermione avec un soupir.

"Tu n'en as pas ?" demanda-t-il, sincèrement étonné.

"Non, je devais me rendre au conservatoire pour en jouer. Je n'ai pas de place chez moi."

Ils tournèrent à l'angle du sentier et se retrouvèrent près du lac qui couvrait la partie gauche du parc. Une petite musique guillerette tintait à côté d'eux, et quand Hermione aperçut l'endroit d'où elle provenait, elle s'exclama :

"Oh, un marchand de glaces !"

Elle pointa du doigt le petit camion ambulant qui servait des glaces. Drago le regarda comme un animal observe un prédateur sauvage.

"Viens !" lança-t-elle.

Elle s'avança avant que Drago puisse objecter. Comme ils se tenaient toujours le bras, il fut contraint d'y aller aussi. Ils firent la queue devant le camion.

"Qu'est-ce qui t'arrive ? On dirait que tu n'as jamais mangé de glace de ta vie." dit-elle avec un rire en voyant son visage effrayé.

"Je n'ai jamais mangé de glace moldue." dit-il en chuchotant pour ne pas que les autres entendent.

"Oh." dit-elle, n'ayant pas remarqué qu'il puisse y avoir une différence. "C'est simple : tu choisis un ou deux parfums, pour les mettre sur un cornet. Tu n'as qu'à m'écouter commander, et tu fais pareil que moi, d'accord ?"

Il acquiesça et la dame devant eux s'en alla avec sa glace.

"Bonjour !" salua le marchand de glaces. "Qu'est-ce que vous voulez aujourd'hui ?"

"Bonjour ! Je vais prendre… Cassis et pistache." choisit Hermione.

"Très bien, et pour vous, monsieur ?"

Drago jeta un petit regard paniqué à Hermione, regarda les goûts étalés sur le comptoir et bredouilla :

"Hum… Café et menthe, s'il vous plaît."

Le marchand arqua un sourcil de surprise mais s'exécuta. Hermione faillit éclater de rire.

Quand le monsieur leur tendit leurs deux cornets, Hermione fouilla dans sa poche mais Drago l'arrêta :

"Attends, je peux payer."

Il tendit quelques pièces et récupéra sa monnaie sous le regard abasourdi d'Hermione. Drago Malefoy qui payait en argent moldu était définitivement une image qu'elle pensait ne jamais voir dans sa vie. Elle le remercia et il fit un geste, l'air de dire "c'est rien".

Ils récupèrent leur cornet et Hermione se dépêcha de lécher le cassis avant qu'il ne dégouline.

"Il faut te dépêcher, les glaces, ça fond !" avertit-elle.

Une dame leur lança un regard étrange en entendant Hermione donner ce genre de conseil à un garçon de cet âge, mais Drago ne les remarqua pas : il était trop occupé à essayer de manger sa glace de manière distinguée.

"Oh, tu ne peux pas." dit Hermione avec un rire. "Les glaces moldues, ça se mange en s'en mettant partout, c'est la loi des glaces."

Il lui lança un regard outré.

"Je dois tâcher mes vêtements ?!"

Hermione prit place sur l'herbe. Drago la regarda d'en haut, sans comprendre.

"Je pense que c'est inévitable, en effet." annonça-t-elle d'un ton faussement sérieux.

Drago jaugea l'herbe, la lèvre relevée de dégoût, avant de céder et de s'asseoir par terre.

"Ta glace coule." dit Hermione.

"Quoi ? Oh !"

Hermione lécha le cassis de sa glace. Il la regarda faire avec surprise, puis recopia le geste et prit un peu de café, avant de s'attaquer à la menthe. Aussitôt, son visage se contorsionna :

"Beurk, c'est immonde !" s'écria-t-il, et l'accent qu'il avait habituellement était tellement peu conforme à cette exclamation qu'Hermione éclata de rire.

"Non, menthe et café ne font pas bon mélange. Prends-en une à la fois."

"Chez Fortarôme, les glaces vont toujours bien ensemble. Il y a plus de choix. Et elles ne fondent pas. Et elles ne tâchent pas les vêtements." énuméra-t-il, tout en se hâtant de manger sa glace avant qu'elle ne coule de nouveau.

"Peut-être, mais tu ne trouves pas que celles-ci sont meilleures ?" objecta-t-elle.

Il hocha les épaules, mais Hermione était sûre qu'il les trouvait vraiment meilleures, parce qu'il la mangeait avec un enthousiasme qu'il n'avait jamais montré, sauf peut-être pour l'œuf de Pâques en chocolat.

"Je n'ai jamais goûté de parfum de glace au cassis." dit-il après plusieurs minutes de dégustation. "C'est bon ?"

"Tiens, goûte." Hermione échangea leurs deux cornets et s'attaqua à la boule au café de Drago. Il regarda son geste avec stupéfaction.

"Quoi ?" demanda-t-elle.

"Rien." dit-il en goûtant le cassis de la glace d'Hermione. Ses yeux s'arrondirent légèrement. "Oh ! C'est… Délicieux."

"Tu veux garder la mienne ?"

"Non, c'est la tienne."

"C'est toi qui a payé, tu as tous les droits. Merci encore, d'ailleurs."

"Avec plaisir. La pistache est vraiment bonne. Le mélange est parfait." dit-il en alternant. Puis, il observa les alentours et eut un petit rire. "Merlin, je ne pensais pas faire ça un jour."

"Manger une glace ?" demanda Hermione.

"Manger une glace moldue, dans un parc moldu, entourés de Moldus…"

"C'est si différent que ça ?" demanda-t-elle en regardant le parc qui s'étalait devant elle à son tour.

"Tu n'imagines pas. Rien que de m'asseoir par terre pour manger. Ma mère me tuerait si elle me voyait m'asseoir dans l'herbe. J'ai toujours mangé à table. Et la glace qui dégouline ?! Je n'ai jamais vu ça, je n'ai mangé que des glaces qui ne pouvaient pas fondre."

"C'est moins drôle." répliqua Hermione, et une goutte de glace à la menthe tomba sur son jean à ce moment-là. "Tu vois, une tâche !"

Drago ricana et échangea de nouveau les glaces pour reprendre un peu de menthe. Hermione sourit en le regardant faire. C'était tellement un geste non-Drago. Le voir dans cet endroit si familier était toujours aussi surprenant.

"Tu te souviens, en deuxième année, quand tu m'as demandé si j'avais déjà vu des Moldus ?" demanda-t-il soudain, le visage toujours tourné vers le parc en face d'eux.

"Euh… Non." répondit-elle sincèrement.

"On était à la volière. Nous avons eu beaucoup de conversations à la volière, avant qu'on devienne amis, maintenant que j'y pense." réalisa-t-il en haussant les sourcils. "Je venais probablement de t'insulter et te rappeler tes origines, stupide comme j'étais. Et tu m'as demandé si j'avais déjà vu des Moldus dans ma vie, ou si j'avais simplement été bercé par les préjugés de mes parents."

"Ça me dit vaguement quelque chose." dit Hermione dans un murmure, la tête plongée dans les souvenirs.

"Tu avais envoyé une lettre à tes parents en me demandant si l'hibou gris que tu avais choisi ressemblait à un pigeon. Et après, tu es partie. Et je suis resté longtemps dans cette volière, à me demander comment tu avais pu viser aussi juste."

Hermione se tourna vers lui, décontenancée.

"Tu n'avais jamais vu de Moldu ?"

"J'en ai croisé, évidemment. À la gare, ou dans quelques endroits où mes parents ne pouvaient pas les éviter." expliqua Drago en continuant de manger sa glace le plus élégamment possible. "Mais je n'avais jamais parlé avec l'un d'entre eux. Je n'avais aucune idée de tout ça." Il désignant l'espace vert face à eux. "Je ne savais pas à quel point ils étaient comme moi. Et en même temps si différents."

"Comment ça, différents ?"

"Je ne sais pas… Leurs manières ? Tout le monde s'assoit par terre, les gens jouent, courent, les enfants pataugent dans la fontaine !"

Hermione eut un petit rire en entendant cette liste. C'était des choses qu'elle considérait comme parfaitement normales, c'était drôle d'entendre Drago s'étonner de la sorte.

"Mais, à part ça, ils sont exactement comme les sorciers !" continua-t-il en observant des enfants un peu plus loin. "Ils marchent pareil, ils parlent pareil, ils ressentent pareil…"

"À qui as-tu parlé ?" demanda Hermione, curieuse de connaître ses premières interactions.

"À l'homme qui vendait des tickets de train, à une femme qui m'a demandé si j'étais perdu et… à ta mère."

Hermione s'étouffa sur sa boule à la pistache.

"Quoi ?!"

"Ta mère." répéta Drago avec un grand sourire en observant sa réaction. "C'est elle qui m'a dit où te trouver."

"Ma mère… Ma mère t'as vu ?! Tu lui as demandé où j'étais ?"

"Non, je ne lui ai pas demandé. J'étais simplement devant ta maison, que j'ai reconnu grâce à ta description de la banquette où tu lis. Ton endroit préféré au monde." expliqua le garçon. "Je me suis basé sur ta lettre pour savoir où ça se situait, et quand je suis arrivé devant, j'ai compris tout de suite que c'était chez toi. Et pile à ce moment-là, une femme est sortie… Ce n'était pas difficile de comprendre qu'elle faisait partie de ta famille. Vous vous ressemblez énormément."

Hermione était trop sidérée par cette nouvelle information pour répondre.

"Elle a compris qu'on se connaissait, parce que c'est elle qui m'a indiqué le chemin vers le parc. Je ne lui ai rien dit, je ne sais pas comment elle a su. J'imagine que mes vêtements m'ont trahi, je n'ai pas trop réussi à m'habiller comme un Moldu. Une autre différence avec eux."

Hermione n'avait même pas pensé à demander à Drago comment il avait pour savoir la trouver exactement. La possibilité qu'il puisse avoir croisé sa mère ne lui avait jamais traversé l'esprit.

"Oh." réussit-elle simplement à dire.

"Ne t'inquiètes pas, je ne lui ai pas dit qui j'étais." dit-il en terminant sa glace. "Je sais que tu ne leur a pas parlé de moi, et de nos lettres, et je comprends. Attention ta pistache dégouline."

Hermione sentit la glace le long de ses doigts et les lécha distraitement.

"Elle t'as peut-être reconnu." admit-elle. "Elle te connaît."

"Comment ça ?"

"Et bien, tu te souviens quand ton père s'est battu à Fleury et Botts, avec le père de Ron ? Mes parents étaient là. Ils ont un souvenir très marqué de cette journée. C'est ce jour-là que je leur ai expliqué les préjugés que certaines familles sorcières avaient pour les Moldus."

Drago tourna la tête vers elle, les sourcils froncés et beaucoup moins enthousiasmé.

"Oh. Je vois." dit-il piteusement.

"C'était il y a longtemps, et ils étaient loin de la scène, mais ma mère a peut-être reconnu tes cheveux blonds. En tout cas, je ne pense pas qu'ils t'en veuillent, sinon elle n'aurait pas indiqué le chemin pour me retrouver."

"Je suis désolé." dit doucement Drago.

"Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as rien fait de mal." dit-elle d'un ton résolu.

Ils croquèrent dans leur cornet en silence. Hermione contempla le parc aux couleurs de l'été. Elle pouvait entendre les cris de joie des enfants qui jouaient un peu plus loin. Elle posa ses coudes dans l'herbe et s'allongea à moitié en profitant de la vue magnifique.

Drago termina sa glace sans un mot, puis resta assis dans l'herbe, trop guindé.

Il reprit la parole dans un murmure :

"Si, je l'ai fait."

"Quoi ?" demanda-t-elle, ne sachant pas de quoi il parlait.

Il se tourna vers elle et ses yeux gris étaient plus déterminés que jamais.

"J'ai fait quelque chose de mal. Granger, je sais que je te l'ai déjà dit, mais je veux le refaire officiellement. Je suis désolé, sincèrement. Je suis désolé de t'avoir dit toutes ces choses horribles avant, de t'avoir insultée. Je déteste le fait que tu connaisses tout ça à cause de moi. Je sais que ce n'est pas vraiment une excuse, mais maintenant que j'ai vu… Que j'ai compris ce que le monde des Moldus était vraiment, je me rends compte à quel point tout ce que je te disais était stupide et méchant."

Hermione sourit un peu en entendant cette confession. Sans trop savoir pourquoi, elle fut étonnamment émue. Ça répara une blessure intérieure qui avait du mal à cicatriser depuis longtemps, quelque part dans son cœur.

"Drago…"

"Attends, laisse moi finir." dit-il en lui prenant les mains pour l'arrêter. "Je sais que je ne mérite pas ton pardon, que je t'ai fait du mal trop de fois. Merlin, je ne mérite même pas de pouvoir te parler maintenant. J'ai abusé de ta bonté et de ton innocence en les utilisant pour te blesser. J'en suis désolé, Hermione, sincèrement. Je n'ai jamais été aussi désolé de ma vie. Et tu aurais tous les droits de me haïr, et pourtant, tu passes la journée avec moi, et tu m'écris des lettres, et je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter ton attention, mais je veux te remercier, et te demander de me pardonner. Je sais que t'avoir rejetée cette année t'as blessée. Quand je t'ai traitée de…"

"N'en parlons plus, Drago." coupa Hermione. "Tu as dit tout ce qu'il fallait. Ne te blâme pas plus. Je te pardonne, Drago, pour tout. Je t'avais dit que j'aurais besoin d'un peu de temps avant de pouvoir être sûre que tu ne me feras plus de mal. Je ne t'en veux plus, tu es complètement pardonné."

Drago relâcha un soupir entre ses lèvres, mais ne lâcha pas les mains d'Hermione. Les paumes de Drago étaient fraîches, ce qui faisait du bien en cette chaude journée d'été. Hermione passa son pouce contre le dos de la main de Drago dans un geste de réconfort automatique, et il observa leurs mains liées, pensif.

"Je ne sais pas si je mérite d'être pardonné." dit-il à voix basse, les yeux toujours baissés sur leurs mains entrelacées. "Merlin sait que je te demanderai sûrement une énième chance après avoir tout saccagé encore une fois. Mais je suis soulagé d'avoir ton pardon, parce qu'il faut que je te dise quelque chose, Granger. Et j'ai besoin que tu m'écoutes sans m'interrompre."

Hermione lui lança un regard interloqué. Elle tut les questions qui menaçaient de fuser et attendit patiemment qu'il parle.

Drago prit une grande inspiration, puis planta son regard gris et anormalement brûlant dans les siens, plus déterminé que jamais.

"Granger, j'ai quelque chose à te dire." répéta-t-il doucement. "Ça fait quelque temps que je le sais, et j'ai tout essayé pour l'en empêcher, mais je n'ai pas pu le contrôler. Je vais te le dire, mais je ne veux pas que tu me répondes, s'il te plaît. Je ne veux pas que tu me poses des questions, ou que tu me dises quoi que ce soit, c'est juste quelque chose que je dois te dire, pour que tu saches ce que je ressens."

"De quoi tu parles, Drago ?" demanda-t-elle, complètement perdue.

Il inspira encore une fois et contempla son visage quelques secondes avant de dire :

"Granger, je suis amoureux de toi."