Hermione


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La phrase que venait de prononcer Drago eut un effet immédiat : elle coupa la respiration d'Hermione, comme si elle lui avait enlevé tout l'air de ses poumons. Elle écarquilla grand les yeux, incapable de prononcer la moindre réponse.

Drago profita de son état de choc pour continuer sa tirade :

"Tout à l'heure, tu m'as demandé pourquoi je pensais que tous les garçons de ton entourage avaient des sentiments pour toi. Je ne le pense pas, Granger, je le sais. Je le sais parce que je suis comme eux. La table de la Bibliothèque, le banc, les disputes, ma constellation, ma jalousie au Bal… Tout ça, c'est parce que je suis amoureux de toi."

L'entendre dire une seconde fois était toujours aussi surprenant. Drago n'eut aucun mal à le dire, comme si c'était quelque chose à laquelle il s'était habitué depuis longtemps.

Il continua sur un ton plus grave :

"Mais je sais que ce n'est pas possible. Je sais que je ne devrais pas, et que nous ne pourrons jamais être ensemble. C'est pour ça que j'ai eu peur quand j'ai reçu la lettre de mon père, c'est pour ça que j'essaie de te protéger. Que personne ne sache ce que je ressens pour toi. Je ne comptais pas te le dire, mais je veux que tu le saches, parce que je veux que tu comprennes les enjeux."

Les mots se bousculaient dans la tête d'Hermione, mais elle était trop choquée pour en comprendre le sens immédiatement. Elle n'avait jamais entendu quelqu'un confesser ses sentiments de la sorte à son égard. Elle n'aurait jamais pensé que ça puisse causer cet effet de surprise. Peut-être parce que la personne qui les confessait était son ennemi juré de toujours… Qui n'était plus vraiment son ennemi.

Elle cligna des yeux plusieurs fois. Drago tenait toujours ses mains entre les siennes, et passait son doigt sur sa peau dans un geste réconfortant.

"Granger, j'ai besoin que tu m'écoutes." dit-il sérieusement, comme si elle ne payait déjà pas une extrême attention à chacun de ses mots. "Ce que je viens de te dire ne doit pas changer quelque chose entre nous. Je ne veux pas que tu me voies différemment. Je sais que tu veux qu'on soit amis, qu'on se confie, et tout ça. Et ça me va très bien. Ce que je ressens pour toi, c'est mon problème. Je travaille sur moi pour ne pas que ça affecte ta vie. Je sais que tu es amoureuse de Weasley…"

"Je ne-"

"Arrête, Granger." dit-il avec un petit sourire triste. "Je sais que tu l'es. Ça crève les yeux. J'ai fait la paix avec ça. Je voulais juste que tu le saches. Mais je ne veux pas que ça t'empêche de réviser avec moi, et de me parler sur notre banc. Je préfère être ton ami que rien du tout. Et surtout, surtout, je ne veux plus qu'on en reparle. C'est dit, maintenant, on passe à autre chose. Je ne veux pas de curiosité Grangerienne là-dessus. Je veux que tu agisses comme si je n'avais rien dit, d'accord ?"

Pourquoi ses yeux étaient si gris ? S'ils n'étaient pas aussi envoûtants, elle pourrait trouver une réponse appropriée. Elle pourrait arrêter d'être bouche-bée et avoir une réplique intelligente à lui donner. À la place, elle dû prendre quelques secondes pour détacher son regard du sien et se concentrer sur ce qu'il venait de dire.

Il ne voulait pas de questions, alors qu'elle mourrait d'envie d'en poser. Depuis quand ? Qu'est-ce qu'il l'a fait réaliser ? Était-ce avant ou après sa crise de jalousie du Bal ? À qui l'avait-il dit ? Est-ce que Théodore Nott, Pansy Parkinson et Blaise Zabini parlaient de la fille dont était amoureux Drago Malefoy, dans la Salle Commune des Serpentards ? Pourquoi a-t-il eu peur de la lettre de son père ? Qu'est-ce qu'il voulait dire par "travailler sur moi pour ne pas que ça affecte ta vie" ?

"Granger ?"

Elle replongea son regard dans celui de Drago - gris, hypnotisant. C'était difficile de réfléchir quand il la regardait comme ça.

"Je veux qu'on en parle." dit-elle d'une voix pas assez affirmée.

Drago secoua la tête :

"Non."

"Tu as dit que j'avais des questions illimitées." pointa-t-elle.

"Pas là-dessus. Désolé, Granger, je ne peux pas. C'est trop risqué."

"Qu'est-ce qui est risqué ?"

"Te le dire est déjà risqué." dit-il fermement. "Mais je préférais te dire où j'en étais pour ne pas te laisser dans le flou. Mais si tu penses que mes sentiments peuvent être dangereux pour toi, je comprendrais que tu veuilles couper les ponts."

"Qu- ? Non, non, je veux pas couper les ponts !" s'exclama-t-elle, scandalisée par la tournure des évènements. "Laisse-moi juste… Peux-tu me laisser le temps de réfléchir à tout ça ?"

"Tu n'as pas besoin d'y réfléchir." asséna-t-il. "Si tu es d'accord pour qu'on reste amis, ça me suffit. On a plus besoin d'en parler."

"Je pense qu'on a besoin d'en discuter, Drago." dit-elle. Parler des sentiments amoureux de Drago avec Drago était très étrange. "J'estime que je suis bien placée pour pouvoir…"

"Non, Granger."

Il lâcha brutalement ses mains qui tombèrent misérablement sur ses cuisses. Elle s'était tellement habituée à ce contact que l'enlever était presque douloureux. Il s'éloignait d'elle, physiquement et moralement : ses pupilles se refermaient déjà. Il remettait en place ce masque de marbre froid qui camouflait ce qu'il ressentait.

"Je te l'ai déjà dit : je ne veux pas en parler." dit-il d'une voix dénuée d'émotions. "Tu es au courant, maintenant, c'est fait. Tu vas retrouver Weasley chez lui et on se reverra à la rentrée en ayant oublié cette conversation, d'accord ? Maintenant, explique-moi ce que font les garçons, là-bas."

Drago pointa quelque chose du doigt et Hermione mit du temps à tourner la tête pour voir de quoi il parlait.

"Le match de football ?"

"Le football ? C'est le sport moldu équivalent au Quidditch, ça ?"

Hermione lui expliqua d'une voix blanche en quoi consistait le football, et Drago écouta attentivement, ne dévoilant pas une seconde ce qu'il venait de faire sur son visage. Mais le cœur d'Hermione battait toujours frénétiquement contre sa cage thoracique, et à chaque fois qu'elle tournait la tête vers lui, il accélérait encore plus.

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Ils passèrent une bonne partie de l'après-midi ensemble. Après le parc, ils arpentèrent les rues aux alentours, et Hermione expliquait tout ce que Drago ne comprenait pas à voix basse. Elle lui parla des publicités, des églises, du téléphone, de la mode moldue, mais malgré toutes ces explications, Hermione était toujours ailleurs. Elle était toujours sur la pelouse du parc, à entendre la confession de Drago encore et encore dans sa tête. Il était passé si vite à autre chose après avoir insisté de ne plus jamais en parler qu'Hermione suspectait son cerveau d'avoir tout inventé.

Il ne trahissait rien sur son visage. Il avait repris une attitude totalement normale, comme s'il ne s'était rien passé, ce qui perturbait encore plus Hermione. Mais elle n'osait pas revenir sur le sujet, de peur de le rendre bougon.

"À quelle heure tes parents rentrent du travail ?" demanda-t-il en observant une vitrine d'un magasin de vêtement avec une mine interloquée.

"Vers 18h30." répondit Hermione en consultant sa montre. "Dans une heure."

Drago fit dévier son regard de la vitrine à sa montre et fronça les sourcils. Les montres moldues étaient très différentes de celles des sorciers : elles avaient des chiffres autour du cadran, ce qui avait l'air d'intriguer énormément Drago. Mais il ne fit pas de commentaire et hocha la tête à la place :

"D'accord. Je ne devrais pas tarder, de toute façon."

"Comment vas-tu rentrer ?" demanda Hermione.

Il plongea sa main dans la poche de son pantalon et en sortit deux billets et des pièces.

"Est-ce que ça suffira pour retourner au Chemin de Traverse ?" demanda-t-il en observant les pièces.

"Oui, largement." dit Hermione avec un petit sourire. "Même dans le monde moldu, tu es plus riche que moi."

Il eut un petit rire et remit les pièces dans sa poche. Il regarda les alentours, peut-être en quête d'une station de train, mais Hermione n'avait pas envie qu'il parte tout de suite. C'était la première fois qu'elle pouvait le voir aussi longtemps sans avoir à rentrer à la Salle Commune, ou à se demander si des gens pouvaient les voir. Et le temps était passé si vite, l'après-midi avait filé en quelques minutes.

"Continuons à marcher un peu, d'accord ?" dit-elle d'un ton léger. "Tu as encore du temps ?"

Drago hésita, mais finit par lui proposer son bras. Ils marchèrent côte à côte, les bras emmêlés, dans les rues de Londres. Personne ne les regardait, ici. Ils passaient pour un couple, et personne ne leur donnait la moindre attention. C'était un changement plaisant, ça la libérait d'un poids, de la volonté de se cacher quand elle était avec lui. Hermione eut la sensation que Drago aimait ça aussi, parce qu'il resserra son emprise pour qu'elle se rapproche de lui.

"Au fait, où est-ce que les Weasley vivent ?" demanda Drago au bout de plusieurs minutes de marche.

"À Devon, dans le village de Loutry Ste Chaspoule."

"Et pourquoi est-ce que tu l'appelles le Terrier ?" dit-il avec une pointe de dégoût dans la voix.

"C'est comme ça que la famille de Ron appelle leur maison." expliqua Hermione. "Je pense que c'est parce qu'elle est constamment rempli de gens. Je veux dire, entre tous les Weasley, Harry, moi, et tous les gens qui passent du Ministère, de la famille… Ça grouille de personnes en permanence. C'est la maison la plus chaleureuse que je connaisse." ajouta-t-elle avec douceur.

"Oh." dit-il simplement, perdu dans ses pensées.

Hermione observa Drago de biais : il regardait la route, mais ses yeux étaient un peu perdus. Elle se demanda s'il pensait à l'absence de chaleur dans son grand Manoir froid.

Il se reconcentra et continua son interrogatoire :

"Comment vas-tu faire pour y aller ? Ça fait une trotte de Londres."

"Probablement en Magicobus, comme la dernière fois." dit-elle en haussant les épaules.

Cette fois-ci, Drago s'arrêta pour la regarder. Plusieurs passants faillirent lui rentrer dedans sur le trottoir.

"Quoi ?" dit-elle en essayant de le faire avancer.

"Tu as déjà pris le Magicobus ?" demanda-t-il, surpris.

"Oui, l'année dernière. Drago, tu gênes le passage !"

Il remarqua la présence des passants irrités et reprit sa marche, sans arrêter de la regarder curieusement.

"Pourquoi es-tu si étonné ?" demanda-t-elle avec un petit rire.

"Je… Je n'ai jamais pris le Magicobus." dit-il platement.

"Oh." dit Hermione, un peu étonnée. "Et bien, je te le déconseille. Il secoue beaucoup."

Mais Drago la regardait toujours avec insistance. Elle se tourna vers lui et demanda d'un ton plus exaspéré :

"Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?"

"Pour rien. Je suis simplement étonné de voir à quel point tu es… Débrouillarde."

"Tu as pris le métro moldu tout seul et tu as réussi à me retrouver à Londres." pointa-t-elle. "C'est toi le plus débrouillard."

Il afficha un sourire fier en entendant ce compliment. Ils passèrent devant un bâtiment où une immense horloge décorait la devanture. Drago perdit son sourire en comprenant l'heure qu'il était.

"Je devrais rentrer. Si mon elfe ne me retrouve pas sur le Chemin de Traverse, je pourrais avoir des problèmes."

"D'accord." dit-elle, en essayant de masquer la déception de sa voix. "Je t'emmène à la station la plus proche."

Elle continua à marcher en entraînant Drago pour le diriger vers la station d'Underground d'Hampstead.

"Qu'est-ce que tu vas faire, ensuite ?" demanda-t-il, pendant qu'Hermione se repérait pour trouver son chemin mentalement.

"Je suppose que mes parents seront rentrés quand j'arriverai, alors je dînerai avec eux, et je lirai un livre avant de me coucher."

"Est-ce que Danny dîne avec toi ?" demanda-t-il, sans pouvoir s'empêcher de mettre une pointe d'amertume quand il prononça son prénom.

Hermione tourna la tête pour jauger son expression. Contrairement à ce qu'elle aurait pu penser, il n'affichait rien d'autre qu'un intérêt poli. Mais Drago avait un certain talent pour dissimuler ses émotions.

"De temps en temps, oui. Ses parents viennent souvent chez moi, ils sont amis avec mes parents."

"Je vois. Et tu passes tes journées avec lui ?"

"En général, oui." dit-elle évasivement.

"Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de lui avant, s'il était si important pour toi ?"

"Parce que j'ai l'impression que tu n'aimes pas trop quand je parle des garçons de mon entourage." dit-elle avec sarcasme.

Drago eut un sourire en coin, son sourire typique.

"Pas faux." répondit-il simplement.

Ils tournèrent dans une rue beaucoup plus bondée de passants, où ils durent se faufiler. Hermione ne lâcha pas le bras de Drago.

"Si ça peut te rassurer, je n'ai jamais parlé de lui à Harry et Ron." dit-elle.

"Vraiment ?" dit Drago, surpris et intrigué. "Pourquoi ?"

"Je suppose que je voulais garder cette partie de ma vie séparée de ma vie de… Sorcière." dit-elle, plus doucement pour que les Moldus autour d'eux n'entendent pas.

"Mais ta vie est ta vie de sorcière." pointa Drago.

"Pas faux." dit-elle à son tour, avec un petit sourire.

Ils arrivèrent (bien trop vite) devant la station d'Underground d'Hampstead, où des dizaines de personnes descendaient et montaient les escaliers rapidement. Hermione n'arrivait pas à imaginer Drago dans un paysage aussi banal et familier que le métro londonien. Il n'était pas censé être là, le choc mental de le voir ici ne s'était toujours pas dissipé.

Drago regarda la bouche de métro, puis elle. Il avait l'air triste. Hermione l'était aussi, elle n'avait aucune envie de lui dire au revoir. Elle retira lentement son bras du sien.

Il était inquiet qu'elle passe son temps avec Danny, alors qu'elle voulait passer toutes ses journées avec lui.

Elle lui expliqua son itinéraire avec le plus de détails possibles, et Drago se contenta d'hocher la tête sans répondre. Il avait toujours cet air triste sur son visage. Elle lui donna la monnaie exacte pour un ticket, lui répéta plusieurs fois l'arrêt auquel il devait s'arrêter, puis la route jusqu'à Charing Cross Road.

"Tu restes bien sur le trottoir de droite, et une fois que tu verras une boutique abandonnée de vinyls, tu entres discrètement, et tu seras au Chaudron Baveur." finit-elle d'expliquer.

Drago acquiesça une dernière fois, et Hermione faillit lui demander de lui répéter ce qu'elle avait dit pour être sûre qu'il n'allait pas se perdre au beau milieu de Londres, mais elle fut coupée dans sa question lorsqu'il remit une mèche de cheveux bouclée derrière son oreille, dans un geste si tendre qu'il fit décoller le rythme cardiaque d'Hermione.

Puis, il plongea son regard gris dans le sien pendant une longue seconde, assez longue pour qu'elle se perde dedans.

"Merci, Granger. On se voit à la rentrée." dit-il dans un murmure.

"Oui…" dit-elle, incapable de trouver quelque chose de sensé à dire.

Elle avait envie de lui demander de rester encore un peu, ou de revenir demain, mais elle savait que c'était impossible. C'était un caprice. Il avait déjà beaucoup risqué pour venir quelques heures, elle savait que lui demander ça n'était pas raisonnable.

Pourtant, elle avait égoïstement envie de le faire.

"Tu viendras à la Bibliothèque, le premier jour de classe ?" demanda-t-elle avec espoir.

Il hocha la tête avant même qu'elle termine sa question :

"Oui, bien sûr. Je serai là." assura-t-il.

"J'y serai aussi." promit-elle. "Et, Drago…?"

"Oui ?"

"Tu sais qu'on peut continuer les lettres jusqu'à dimanche ? Je veux dire, avant que je parte au Terrier, on peut toujours s'écrire…" dit-elle maladroitement.

Dans les yeux tristes de Drago, une petite étincelle de joie brilla soudain.

"Ça me va." répondit-il en souriant.

Il s'éloigna d'elle, et Hermione ressentit une profonde tristesse à l'idée qu'il parte. Ne pas le voir pendant un mois lui paraissait bien trop difficile maintenant qu'elle avait passé la journée avec lui, et qu'il avait…

"Drago ?" appela-t-elle une seconde fois.

"Oui, Granger ?" répéta-t-il.

"Pour ce qui est de… Ce que tu as dit, au parc… Je pense qu'on devrait vraiment en discuter…"

"Pas de curiosité malsaine Grangerienne, Granger." dit-il avec un sourire. "Tu n'as qu'à penser à toutes les questions que tu voudras me poser au Terrier, d'accord ? Comme ça, tu penseras un peu à moi, là-bas."

Hermione ne put s'empêcher de lui dire :

"Je pense souvent à toi, Drago."

Il parut touché par cette réponse, mais le masque de marbre l'empêchait de voir ce qu'il en pensait vraiment. Il ne répondit pas. Hermione crut qu'il allait se retourner sans un mot de plus. Mais il se pencha, pour lui déposer un baiser sur la joue, juste à côté des lèvres. Hermione se figea complètement, le cœur menaçant d'exploser dans sa poitrine.

Il lui lança un dernier sourire en coin très Malefoy, puis recula, et s'engouffra dans la station de métro.

Hermione resta figée là, le regard fixé sur les marches du métro. Plusieurs passants la bousculèrent pour passer en râlant, mais elle ne bougea pas.

"Granger, je suis amoureux de toi."

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Le dimanche arriva bien trop vite au goût d'Hermione. Pour la première fois de sa vie, elle avait un petit peu moins envie de partir au Terrier. Elle essayait de se convaincre que c'était parce qu'elle voulait rester avec ses parents, passer du temps avec Danny, mais c'était un mensonge. La seule raison pour laquelle elle voulait rester était les lettres quotidiennes de Drago.

Ils ne reparlèrent pas du fait qu'il était venu à Londres. Il répondit simplement à sa lettre et ils continuèrent leur correspondance comme avant. Ils discutèrent de tout et de rien. Drago lui raconta brièvement son retour au Manoir, que personne n'avait remarqué son absence de la journée. Hermione ressentait une certaine culpabilité à l'idée de le laisser "seul" pendant le reste de l'été, alors que Théodore et Blaise étaient absents pendant encore une semaine. Il avait l'air de s'ennuyer profondément sans eux.

Le matin du dimanche, Hermione resta allongée dans son lit bien plus longtemps que d'habitude. Elle regardait la lumière du soleil filtrée par ses rideaux et rêvassait. Sans qu'elle s'en rende compte, la confession de Drago tournait en boucle dans sa tête.

"Mimi ?" appela sa mère à travers la porte.

"Je suis réveillée, maman." répondit-elle en se redressant contre ses oreillers.

La mère d'Hermione entra avec un panier de linge dans les bras.

"Tu es malade, ma chérie ?" demanda-t-elle en la voyant toujours allongée.

"Non, non. Je me reposais simplement."

"Ah ! Je vois. Tu as parfaitement raison, les vacances, c'est fait pour ça." décréta sa mère en rangeant le linge dans la commode d'Hermione. "À quelle heure comptes-tu aller chez les Weasley ?"

"Je voulais y aller pour le thé." répondit Hermione.

"Parfait. Alors, ça te dirait d'aller à la librairie avec moi ce matin ? Je dois acheter quelques livres."

"Oui, avec plaisir." dit Hermione avec un sourire. Elle prenait chaque moment qu'elle pouvait avec sa maman, voulant profiter d'elle au maximum avant de repartir. "Je dirai au revoir à Danny en début d'après-midi."

"Bonne idée. Comment était le spectacle, hier ?"

Hermione raconta en quelques mots le spectacle auquel elle avait assisté la veille avec Danny et son père, à Piccadilly Circus. C'était un spectacle de magie grandiose, mais Hermione n'avait pas été très attentive : elle n'avait pas cessé de penser à la lettre de Drago qui l'attendrait à son retour.

À la fin de son récit, sa mère avait presque fini de plier tous les vêtements propres. Quand Hermione se leva pour se préparer à aller petit-déjeuner, sa mère dit doucement :

"J'aime beaucoup Danny. Un garçon très bien élevé, très poli. Et je crois qu'il t'aime beaucoup, aussi."

Hermione connaissait que trop bien sa mère pour comprendre l'insinuation de sa phrase.

"En effet. C'est un très bon ami à moi." dit-elle en insistant particulièrement sur le mot "ami".

Elle enfila sa robe de chambre avec un petit sourire, en pensant au fait que Drago aurait pu lui demander subtilement la même chose. "Tu m'as demandé pourquoi je pensais que tous les garçons de ton entourage avaient des sentiments pour toi. Je ne le pense pas, Granger, je le sais. Je le sais parce que je suis comme eux."

"Oh très bien. Et Ron, alors ?" continua sa mère en lissant une chemise déjà parfaitement repassée. "Comment ça s'est passé, après le Bal ?"

"Pas grand chose." dit Hermione d'une petite voix. "Il n'a pas vraiment reparlé de ça. Je crois qu'il n'a pas trop apprécié que j'y sois allée avec Viktor."

"Oh. Je vois." dit-elle. "Et ce Viktor, tu as des nouvelles de lui ?" demanda sa mère évasivement, même si Hermione savait pertinemment qu'elle était intéressée par la réponse.

Elle repensa à la lettre qu'elle avait reçue une semaine auparavant, où Krum l'invitait de nouveau en Bulgarie pour l'été. Elle avait mis deux jours pour envoyer son refus, prétextant devoir travailler pour les BUSES.

"Un petit peu, oui." répondit-t-elle, aussi évasivement que sa mère.

Rachel hocha la tête. Hermione pouvait voir que sa mère voulait lui poser plus de questions, mais qu'elle ne voulait pas paraître insistante. Elle finit par ranger la chemise qu'elle lissait depuis cinq bonnes minutes et se tourna vers sa fille.

Leur regard se croisèrent et Hermione crut, pendant une seconde, qu'elle allait lui parler de Drago. Elles n'avaient toujours pas parlé du fait qu'il était venu à Londres. Pourtant, Hermione savait qu'elle savait. Elle soupçonnait même qu'elle l'avait reconnu, ce garçon méchant d'il y a quelques années. Sa mère avait toujours eu une mémoire excellente. Mais elle n'en avait pas parlé, pas une seule fois, et Hermione ne comprenait pas pourquoi.

Il y eut une seconde de silence, où Hermione élabora une réponse maladroitement dans sa tête : "Oh, c'est rien, c'était juste Drago Malefoy, un garçon de Serpentard avec qui je m'entends bien, et qui était justement dans le quartier…"

Mais sa mère lui fit simplement un petit sourire.

"Petit-déjeuner ?" proposa-t-elle tendrement.

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À 16h, Hermione boucla sa valise dans sa chambre. Elle avait réussi à caser tous ses livres, même les moldus, ses chaudrons, son kit de potions, ses vêtements, son uniforme, et son télescope. Pattenrond était enfermé dans sa cage, endormi. Sa baguette était rangée dans sa poche, et ses affaires de voyage dans son sac, pendu à son épaule. Elle était prête à partir.

Elle regarda une dernière fois la chambre de son enfance, son lit aux draps violets, son bureau, ses étagères qui débordaient de bouquins. Juste avant de descendre, elle extirpa la lettre de Drago de son sac, qu'elle avait reçue plus tôt dans la journée.

"H,

Je te souhaite un bon été.

On se voit tu-sais-où.

D.M."

Elle relut chaque mot, chaque lettre de cette écriture en italique qu'elle avait fini par mémoriser par cœur au fil des jours de l'été. Puis, elle la rangea dans son sac, avec toutes les autres qu'elle avait reçu depuis le début des vacances, et descendit avec ses affaires. Ses parents prenaient le thé dans le salon.

"Besoin d'aide, Mimi ?" proposa son père en la voyant descendre les escaliers.

"Non, ça va !"

Elle posa sa valise sur le palier de la porte, avec la cage de Pattenrond et son sac de voyage, et entra dans le salon.

"Bon, et bien… Je vais y aller." annonça-t-elle.

"Tu es sûre que tu veux prendre ce Magicabus ?" demanda sa mère pour la dixième fois de la journée.

"Magicobus." corrigea Hermione. "Et oui, ça ne prendra que quelques minutes, je ne veux pas vous faire conduire plus de trois heures pendant votre seul jour de congé."

"Comment est-ce qu'un bus peut prendre que quelques minutes pour aller si loin ?" demanda le père d'Hermione, qui avait toujours du mal à saisir les coutumes des sorciers qui défiaient les lois de la physique.

Hermione ouvrit la bouche pour répondre, mais fut soudainement interrompue par un gros bruit à côté d'elle. Elle se tourna vers la droite et fut alors projetée en arrière par un coup de vent violent, accompagné d'un "CRAC" sonore. La mère d'Hermione sursauta tellement fort qu'elle renversa tout son thé sur sa blouse.

Juste avant qu'Hermione ne tombe en arrière sous l'impact, quelqu'un lui rattrapa le bras à la dernière minute et la redressa.

Hermione ouvrit les yeux, et vit avec stupéfaction des cheveux roux, des tâches de rousseur, et deux grands sourires. Fred et George Weasley se tenaient devant elle.

"Hey, Mione ! Désolé, on a dû atterrir là où tu étais…" dit Fred, celui qui l'avait rattrapée.

Il s'assura qu'Hermione tenait bien debout, et retira sa main de son bras. Hermione oublia tout de suite son choc.

"Fred ! George ! Qu'est-ce que vous faites là ?!" s'exclama-t-elle.

"Bah, on est venus te chercher, pardi !" répondit Fred, toujours souriant.

"Vous avez passé le permis ?" demanda Hermione, stupéfaite.

"Evidemment !" continua George. "Dès que nous avons eu l'âge, nous nous sommes empressés de le passer !"

Puis, les jumeaux se tournèrent vers les parents d'Hermione, qui étaient toujours assis dans le canapé, avec deux airs choqués sur le visage. Fred s'approcha d'eux avec son grand sourire :

"Excusez notre impolitesse. Mrs. et Mr. Granger. Je suis Fred Weasley, et voici George. Nous sommes les frères aînés de Ron, et nous tenions à chercher Hermione en transplanage pour lui éviter de prendre le Magicobus."

Le père d'Hermione fut le premier à bouger : il se leva pour serrer la main de Fred, puis George. La scène était tout aussi irréelle pour Hermione que d'avoir vu Drago à Londres. C'était définitivement l'été des événements inattendus.

"Bien sûr, bien sûr." dit-il, toujours un peu chamboulé. "Comment allez-vous ?"

"Parfaitement bien. Et vous ?" répondit George.

"Un petit peu surpris." confessa John.

"Merlin !" s'écria Fred. "Je suis navré pour votre thé, Mrs. Granger ! Me permettez-vous d'arranger ça ?" demanda-t-il en sortant sa baguette.

Rachel acquiesça avec hésitation. Fred pointa sa baguette vers le bas de sa blouse et lança un sortilège de séchage. Hermione regarda le processus avec envie : le manque de magie lui picotait les doigts.

"Oh, merci beaucoup." bredouilla la mère d'Hermione. "J'aimerais avoir ça en guise de lessive."

Les jumeaux eurent un rire poli.

"Hum… Souhaitez-vous un thé ?" proposa John.

"Ce n'est pas de refus." répondit Fred, toujours aussi galamment.

Hermione avait rarement vu les jumeaux aussi sages, d'habitude, c'était les premiers à faire des blagues. Le fait de les voir aussi respectueux et "gentlemen" était troublant. Ils aidèrent même le père d'Hermione à préparer le plateau de thé, qu'il posa sur la petite table ronde du salon des Granger.

Tout le monde s'assit autour. Hermione était toujours aussi silencieuse et perturbée par cette intrusion des jumeaux. Eux semblaient parfaitement à l'aise. Ils sucrèrent leur thé et croquèrent dans les biscuits dans des gestes parfaitement synchronisés.

"Vous parliez de permis ?" dit le père d'Hermione pour entamer la conversation. "Le permis de se téléporter, c'est ça ?"

George fronça les sourcils.

"Nous ne connaissons pas ce mot." admit-il.

"Oh." dit son père, surpris. "Mais… C'est ce que vous venez de faire…"

"Transplaner, papa." dit Hermione. "Chez les sorciers, c'est le verbe "transplaner.""

"Se téléporter ?" répéta Fred, pensif.

Hermione était sûre qu'il allait le répéter à son père dès qu'il retournerait au Terrier.

"Alors, oui, nous pouvons bien nous téléporter." reprit George en étalant du beurre sur un scone. "Dès qu'un sorcier a l'âge de dix-sept ans, il a le droit de passer le permis, et s'il le réussit, il peut se "téléporter" où il veut."

"Partout dans le monde ?" demanda la mère d'Hermione, très intéressée.

"Et bien, techniquement, oui." répondit Fred après une seconde de réflexion. "Mais il faut tout de même respecter les limites de distance. Je ne pourrais pas transplaner en Australie d'ici, par exemple. Pour se déplacer aussi loin, il faudrait que j'utilise un Portoloin."

John et Rachel acquiescèrent. Hermione leur avait déjà parlé des Portoloins l'année précédente, lorsqu'elle avait dû en prendre un pour se rendre à la Coupe du Monde de Quidditch.

"Et ce permis, il vous permet également d'utiliser la magie comme bon vous semble ?" demanda le père d'Hermione.

Les jumeaux leur expliquèrent alors la notion de "Trace" sur les sorciers mineurs. Ses parents écoutèrent avec attention, bien qu'ils étaient visiblement perturbés par la manière de parler de Fred et George, c'est-à-dire, à tour de rôle et en finissant les phrases de l'autre. Hermione s'y était tellement habituée au fil des années qu'elle ne remarquait même plus.

Ils parlèrent de Poudlard, de l'année à venir, de leurs projets futurs. Fred expliqua aux parents d'Hermione leur volonté d'ouvrir une boutique de farces et attrapes, ce qui leur valut une dizaine de questions. Ils répondirent avec patience et fluidité. Hermione fut surprise de les voir parler avec tant de passion, elle n'avait pas réalisé à quel point cette boutique leur tenait à cœur.

Quand ils eurent fini leur thé et leur gâteaux, Fred et George remercièrent chaleureusement leurs hôtes et se tournèrent vers Hermione, qui avait toujours du mal à comprendre ce qu'il se passait dans sa propre maison.

"Mione, tu es prête ?"

"Mais comment allez-vous faire pour transplaner ?" demanda son père, maintenant au point sur les termes sorciers. "Mimi n'a pas encore dix-sept ans…"

"Oh, il est tout à fait possible de transplaner avec quelqu'un qui n'a pas le permis." dit Fred. "Nous appelons ça le transplanage d'escorte. Hermione n'aura qu'à s'accrocher à nous et elle arrivera au Terrier en un rien de temps !"

En voyant les mines clairement hésitantes de ses parents, George s'empressa de les rassurer :

"Ne vous en faites pas, nous n'avons jamais eu de problème depuis que nous avons le permis. Et nous nous sommes entraînés des centaines de fois avec notre soeur !"

"D'accord…" répondit la mère d'Hermione, visiblement toujours pas très rassurée.

Hermione leur expliqua une nouvelle fois le principe de transplanage en minimisant les effets pour ne pas les inquiéter. Puis, Fred et George dirent au revoir aux parents et se dirigèrent vers le palier pour porter la valise d'Hermione. Quand George prit la cage de Pattenrond, ce dernier lui lança un regard mauvais.

Hermione embrassa ses parents plusieurs fois, les enlaça, et leur promit de leur écrire le plus possible. Ils lui souhaitèrent une bonne année scolaire et une bonne fin d'été entre plusieurs embrassades, et enfin, Hermione rejoignit Fred et George dans l'entrée.

Fred tenait sa valise, et George la cage de Pattenrond. Hermione fit un dernier sourire à ses parents, puis se plaça entre les deux garçons et leur agrippèrent le bras.

"Je sais que vous ne pouvez pas vraiment le contrôler… Mais s'il vous plaît, pas trop fort… J'ai le vertige…" dit Hermione d'une petite voix.

"On va essayer !" promit George à sa droite.

"Accroche-toi bien, Mione." conseilla Fred à sa gauche.

Hermione empoigna les bras des jumeaux le plus fort possible, et sentit soudain le sol se décoller de ses pieds. Elle aperçut une dernière fois les visages nerveux de ses parents avant de fermer les yeux le plus fort possible.

Elle se fit tirée, étirée et propulsée férocement, comme si une impulsion arrachait violemment son corps à l'endroit où elle se trouvait. Hermione refusa d'ouvrir les yeux, et se concentra plutôt sur ses paumes serrées autour des bras de Fred et George, bien tangibles à côté d'elle, et sur leurs corps qui s'entrechoquaient avec le sien pendant le voyage. Ce fut interminable, et les secousses ne diminuaient pas. Hermione eut soudain peur que les jumeaux n'aient pas réussi : qu'ils étaient tous les trois coincés dans les airs, bloqués entre deux destinations pour toujours.

Puis, brutalement, Hermione sentit ses pieds atterrir contre le sol. L'impact fut tel qu'elle fut, encore une fois, projetée en arrière, et retenue de nouveau par les jumeaux qui lui serrait toujours les bras.

"Mione ? C'est fini, tu peux ouvrir les yeux !" lui dit l'un des deux garçons.

Hermione le fit avec réticence. Elle aperçut alors, sur des kilomètres devant elle, des plaines vertes et boueuses qui s'étendaient à perte de vue. Au loin se dessinaient les contours d'une maison à contre-jour, avec des étages irréguliers et des fenêtres de travers. Le Terrier.

Hermione aurait aimé profiter de la vue. Mais son corps n'avait toujours pas accepté le voyage, et protestait avec de violents vertiges qui lui brouillaient la vue. Elle se pencha en avant et ferma de nouveau les yeux.

"Mione ?" appela George. "Tu vas vomir ?"

Elle laissa passer quelques secondes sans répondre. Des frissons désagréables continuaient de lui faire frémir la peau, et l'effet ne s'attenua qu'après deux bonnes minutes. Elle souffla un gros coup et releva enfin la tête :

"C'est pire que les Portoloins." décréta-t-elle, d'une voix légèrement tremblante.

"Merlin, Mione, tu es toute blanche !" s'écria George en la regardant avec un drôle d'air.

Elle contempla les deux mines parfaitement normales des jumeaux devant elle et rouspéta :

"Pas vous."

"Normal, on l'a fait cinquante fois cet été." dit Fred pour la rassurer. "Je peux t'assurer que la première fois, on était pas bien non plus. George a failli vomir dans les rues de Pré-Au-Lard le jour du permis, et en face de Madame Rosmerta, en plus !" dit-il avec un rire moqueur à l'adresse de son frère.

"Et Fred a perdu la moitié de ses cheveux la première fois qu'il a transplané." commenta George, ce qui fit disparaître le sourire de son jumeau aussitôt. "Comment tu te sens, Mione ?"

"Un peu mieux." dit-elle après avoir inspirée plusieurs fois pour faire passer la nausée. "Merci de m'avoir escortée. C'est plus rapide que le Magicobus, même si les effets sont affreux."

"Ne crois pas que ce vertige va t'empêcher de monter sur un balai cet été, Mione. Tu n'as pas oublié notre petit pari, hein ?" dit Fred, de nouveau enjoué.

Hermione leva les yeux au ciel, ne préférant pas penser à cette fatalité qui approchait. Les jumeaux éclatèrent de rire, prirent les affaires d'Hermione, et se dirigèrent vers le Terrier.

Le soleil était pile en face d'eux, et Hermione fut reconnaissante qu'ils portent sa lourde malle. Elle fit attention de ne pas marcher dans les flaques de boue le long du trajet.

Juste avant qu'ils n'atteignent le chemin qui menait vers la maison, George reprit alors la parole d'un ton plus grave :

"Mione, au fait… On ne voulait pas le dire devant tes parents, au cas où tu ne voulais pas qu'ils soient au courant, mais, on voulait te prévenir…"

"... Les choses sont un peu compliquées à la maison en ce moment." continua Fred, très sérieusement.

"Ah bon ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? " demanda Hermione.

"Ron t'expliquera…" dit George avec un soupir. "Mais il faut que tu saches que l'ambiance n'est pas vraiment la même depuis notre retour de Poudlard."

"Entre le retour de Tu-Sais-Qui, les rumeurs sur Harry dans la Gazette… Et… Il s'est passé quelque chose la semaine dernière…"

"Quoi donc ?" s'inquiéta Hermione, qui n'était pas habituée à voir les visages des jumeaux aussi sombres.

"On te racontera une fois en haut." répondit George dans un murmure. "Mais on te déconseille de mentionner Percy devant papa ou maman."

Hermione eut envie de poser plusieurs questions, mais elle n'eut pas le temps, parce qu'ils étaient arrivés sur le palier du Terrier. Fred entra sans frapper, et Hermione fut invitée à entrer dans la maison des Weasley.

Elle était exactement comme dans son souvenir : chaleureuse, étroite, et pleine de personnes qui occupaient tout l'espace.

Molly Weasley était en train de tricoter, mais au lieu de coudre elle-même, elle agitait sa baguette dans des gestes experts pour créer un cardigan rose à toute vitesse. Ginny buvait un thé à la table de la cuisine, tandis que Bill et Remus Lupin (qu'Hermione fut surprise de voir là) discutaient à voix basse de l'autre côté. Quant à Ron, il était assis sur le canapé à côté de sa mère, plongé dans un magazine de Quidditch abîmé.

Quand Fred, George et Hermione entrèrent, tout le monde s'arrêta et leva la tête vers eux. Il y eut une exclamation générale et tout le monde se précipita vers Hermione pour lui souhaiter la bienvenue et lui demander comment s'était passé le transplanage.

"Hermione, te voilà enfin !" s'exclama Ron quand Ginny eut fini de l'étreindre. "Qu'est-ce qui vous a pris tant de temps ?"

"Fred et George ont pris un thé avec mes parents." dit-elle, elle-même surprise par cette déclaration.

"Mione, on pose tes affaires dans la chambre de Gin', d'accord ?" lança George qui montait déjà les escaliers.

"Merci beaucoup !" lança-t-elle en retour.

Elle fut alors surprise de voir le visage de Ron face à elle. Avec l'agitation de leur arrivée, elle n'avait pas remarqué qu'il ne souriait pas avec la même chaleur que d'habitude. Elle voulut lui demander comment il allait, mais avant qu'elle puisse le faire, il fit alors quelque chose qu'il n'avait jamais fait jusqu'alors : il la prit dans ses bras.

Ron la serra contre son torse dans un geste si affectueux qu'elle émit, sans le vouloir, un petit soupir de bonheur. Hermione passa ses bras autour de son cou dans un geste automatique, inspirant l'odeur si réconfortante des Weasley qui émanait de ses cheveux roux. Il se détacha bien vite, mais son sourire était revenu.

"Je suis tellement content que tu sois là." dit-il avec sincérité. "On attendait ton arrivée pour embellir un peu l'ambiance ici."

Hermione fronça les sourcils. Il devait faire référence à ce que venait de lui dire les jumeaux, à propos de Percy. C'était le seul Weasley (mis à part Charlie, qui vivait en Roumanie), à ne pas être là dans le Terrier. Ron s'éloigna alors d'elle pour laisser la place à sa mère, qui l'enlaça à son tour.

"Oh, Hermione ! Je suis tellement contente que tu sois parmi nous." dit la mère de Ron.

"Merci pour l'invitation, Mrs. Weasley, je suis très reconnaissante de pouvoir passer le reste de l'été avec vous."

La matriarche lui tapota gentiment la main :

"Enfin, tu es toujours la bienvenue ici, Hermione ! Ça fera un peu de compagnie féminine à Ginny, elle attendait ton arrivée avec impatience."

Hermione partagea un regard avec sa meilleure amie à l'autre bout de la pièce, qui lui fit un grand sourire.

"J'avais hâte de la revoir aussi." assura Hermione à Mrs. Weasley.

Bien que la mère de Ron était toujours aussi accueillante, Hermione ne put s'empêcher de remarquer les mêmes traces de tristesse que sur le visage de son fils. Elle avait l'air d'avoir pleuré, ses yeux étaient plus rouges, gonflés, et elle avait des cernes. Son sourire était toujours aussi maternel, mais crispé.

Hermione salua ensuite Bill et Lupin qui s'étaient levés pour l'accueillir, discuta un peu, puis s'excusa et monta discrètement les escaliers vers la chambre de Ginny. Fred, George et Ginny étaient déjà là, assis sur le lit de la rouquine. Ginny avait déjà libéré Pattenrond de sa cage et le caressait doucement. Lui non plus n'avait pas trop aimé le transplanage : son pelage était tout ébouriffé.

"Ça va mieux, Mione ?" demanda George.

"Oui, beaucoup mieux, merci. Mais je ne compte pas transplaner de nouveau avant longtemps." ajouta-t-elle avec une grimace.

Ginny eut un sourire compatissant :

"C'est toujours difficile la première fois. Les effets s'estompent rapidement, après."

Ron fit irruption dans la chambre à ce moment-là et ferma doucement la porte derrière eux.

"Maman est dans un sale état." dit-il dans un murmure en se mettant à côté d'Hermione.

"Elle a vu un bouquin à lui tout à l'heure." chuchota Fred, à la fois peiné et agacé. "Elle a pleuré pendant dix minutes, Bill n'arrivait plus à la calmer."

"Quoi ?" s'étonna Hermione. "Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Et où est Percy ?"

Les quatre Weasley devant elle baissèrent la tête en même temps, leur bouche tordue par la tristesse.

"Il est parti." répondit George doucement.

"Parti ?" répéta Hermione.

"Parti." répéta Fred. "Ça s'est passé il y a quelques jours, juste après qu'on soit revenus de Poudlard. Percy est revenu un soir et a annoncé à tout le monde qu'il avait eu une promotion au Ministère. Il était tout fier, il pensait qu'on allait tous l'applaudir."

Son ton hostile ne lui ressemblait pas du tout.

"Assistant personnel de Fudge." enchaîna George de la même voix irritée. "Quand papa a entendu son nouveau rôle, il est devenu fou de rage."

"On ne l'avait jamais vu comme ça." commenta Ginny, les yeux dans le vide, sans s'arrêter de caresser Pattenrond qui s'assoupissait dans ses bras.

"Fudge cherche à limiter tous les contacts des employés du Ministère avec Dumbledore." expliqua Ron. "Il croit toujours que Tu-Sais-Qui n'est pas revenu et que Dumbledore dit des mensonges. Tu as vu ce que la Gazette dit sur Harry ?"

Hermione hocha la tête. Depuis le début de l'été, deux articles du journal faisaient référence à Harry, en le traitant d'affabulateur aux récits fantasques. C'était une sorte de plaisanterie à répétition, qu'Hermione avait tout de suite détectée comme une manière de rendre la déclaration d'Harry moins crédible.

"Percy croit la Gazette, c'est ça ?" demanda Hermione.

Les Weasley acquiescèrent avec colère.

"Percy est devenu furieux à son tour." dit George, les yeux dans le vide. "Il a dit qu'il devait déjà supporter la réputation de papa au Ministère, qu'il n'avait jamais eu d'ambition et que c'est pour ça qu'il ne ramenait pas assez d'argent à la maison."

"Quoi ?" souffla Hermione, choquée par ces mots si violents.

"Ensuite, il a dit qu'il ne supportait plus Dumbledore." continua Fred, sur un ton si hargneux qu'il avait l'air de siffler entre ses dents. "Et que si papa le faisait, c'était un idiot. Il a aussi remis la parole d'Harry en question, en disant que ça ne lui suffisait pas, qu'Harry pouvait mentir sur Son retour pour avoir de l'attention." (Ginny gronda furieusement.)

"Le ton est monté, encore et encore." murmura George. "Maman a essayé de les séparer, mais c'était impossible. Percy a dit que si papa et maman montraient leur soutien publiquement à l'égard de Dumbledore, alors il ne voulait plus faire partie de notre famille. Il est monté faire ses valises pendant que maman pleurait dans mes bras. Puis, il est parti en Poudre de Cheminette sans dire au revoir."

Hermione lâcha une exclamation étouffée. Elle n'aurait jamais pu penser que Percy, le garçon si studieux qu'elle avait d'habitude d'admirer en première année, pouvait faire une chose pareille à ses parents.

"Où est-il parti ?" demanda-t-elle.

"Il vit à Londres." répondit Ron d'un ton amer. "Maman est allée le voir hier, mais il a refusé de lui parler. Elle a pleuré toute la soirée. Bill est venu dès qu'il a appris la nouvelle, pour être auprès d'elle. Mais elle est inconsolable."

"Et votre père ?" demanda Hermione.

"Papa est surtout en colère." expliqua Ginny, et au vu son ton, elle l'était aussi. "Il n'a toujours pas décoléré. Il faut dire que les mots de Percy ont été particulièrement difficiles à entendre. Et papa et maman croient Harry, ça les blesse de savoir que leur propre fils peut penser ça."

"Et Harry, dans tout ça ? Qu'est-ce qu'il en pense ?" demanda Hermione.

En entendant cette question, le visage de Ron s'assombrit davantage.

"Vous vous êtes écrit, depuis le début de l'été ?" demanda-t-il.

"Juste une fois." dit Hermione, surprise par cette question. "Il m'a envoyé une lettre au tout début des vacances pour me raconter à quel point il s'ennuyait dans la maison de son oncle et de sa tante, et que son horrible cousin lui rendait toujours la vie difficile. Pourquoi ?"

"J'en ai reçu plusieurs de sa part. Il me demande des nouvelles, mais… Mes parents m'ont demandé de ne pas trop lui raconter." dit Ron.

"Quoi ? Pourquoi ?"

"J'sais pas." répondit piteusement Ron, visiblement attristé de devoir le faire. "Ils ont dit qu'Harry ne devait pas être mis au courant pour le moment…"

"Au courant de qu-"

La question d'Hermione fut interrompue par la voix de Molly Weasley qui retentit dans les escaliers :

"À table !"

Ron se tut et les quatre Weasley et Hermione descendirent les escaliers en silence pour aller dîner.

Des nuages gris avaient remplacé le soleil éclatant de la fin d'après-midi, et une fine pluie tombait dans le jardin, ce qui les empêchait de manger dehors. Alors, tout le monde s'entassa sur la table de la salle à manger. Molly fit passer une grande marmite de ragoût à la tomate et tout le monde se servit en silence.

L'ambiance était, comme avait prévenu les jumeaux, bien plus maussade que l'été précédent. Hermione jetait des regards discrets vers Mrs. Weasley, qui ne mangea rien du repas, le regard perdu vers les fenêtres de la maison. Il n'était pas difficile de deviner qu'elle pensait à Percy. Arthur Weasley était rentré du travail, et après une rapide accolade de bienvenue avec Hermione, il sombra dans le silence à son tour. Hermione voyait bien que l'air habituellement enjoué du père de famille avait été remplacé par un profond désarroi.

Hermione pensa à Harry en mangeant son ragoût. Elle n'avait pas pensé à son meilleur ami depuis près d'une semaine. Elle avait été tellement occupée à écrire à Drago, et le voir à Londres, et digérer sa confession qu'elle avait mis de côté Harry. Elle ne lui avait même pas renvoyé de lettre, alors qu'il devait être en train de souffrir atrocement. Il avait vécu un événement traumatisant à la fin de l'année, et il était condamné à rester enfermé dans une maison qu'il haïssait pendant deux mois…

La culpabilité l'étrangla tellement qu'elle arrêta de manger. Hermione se sentait terriblement mal : elle avait tellement été accaparée par Drago qu'elle en avait oublié Harry. Depuis quand mettait-elle son coeur avant sa raison ? Ça ne lui ressemblait pas, et elle n'aimait pas du tout ce sentiment.

Soudain, quelque chose apparut au milieu de la table, ce qui fit sursauter tout le monde. C'était la deuxième fois de la journée qu'Hermione manquait de tomber en arrière de surprise.

Elle vit alors une forme nuageuse, filamenteuse, d'un blanc éclatant, au milieu de la table : un Patronus. Il était en forme de phénix, avec des longues ailes qu'il rabaissa sur les côtés de son corps, comme s'il saluait ses destinataires. Tout le monde se tut pour entendre le message. Le phénix ouvrit le bec, et la voix mélodieuse de Dumbledore en sortit :

"Bonsoir à tous. J'ai plusieurs nouvelles à vous faire parvenir dès ce soir. Je serai au Terrier dans moins d'une heure. À tout à l'heure."

Et le phénix disparut dans un écran de fumée. Toute la famille de Ron, Lupin et Hermione se redressèrent d'un seul coup.

"Ça concerne forcément l'Ordre du Phénix." déclara Lupin d'une voix assurée.

"Qu'est-ce que l'Or…" commença Ginny, mais elle fut interrompue par Bill :

"Ils ont peut-être trouver un Q.G. ?"

"Ou alors, il a une mission à nous confier." continua Arthur, dont le sérieux marquait le visage d'habitude animé d'un sourire.

En entendant ça, Lupin tressaillit.

Hermione fit passer son regard de l'un à l'autre sans comprendre de quoi ils parlaient. Les parents de Ron, Lupin et Bill se regardèrent gravement, plongés dans leurs réflexions. Hermione ne connaissait pas le terme d'Ordre du Phénix, mais elle imaginait que ça avait à voir avec les alliés de Dumbledore. Son message ne contenait pas beaucoup d'indices. Peut-être qu'elle en apprendrait plus une fois qu'il sera là.

"Ça recommence." dit doucement Lupin.

Lui aussi avait une mine particulièrement sombre. Hermione eut l'impression de voir des rides se creuser sur son front à mesure qu'il se perdait dans ses souvenirs. D'un coup, il lui parut très vieux.

"Est-ce que quelqu'un va bien vouloir nous expliquer ce qu'est l'Ordre du Phénix ?" demanda Fred, agacé.

Arthur et Molly se regardèrent une seconde, évaluant en silence s'ils devaient l'expliquer. Hermione fut surprise de voir à quel point ils pouvaient communiquer sans parler. Arthur s'éclaircit la voix et regarda Fred, George, Ginny, Ron et Hermione :

"Avant de vous expliquer ce qu'est l'Ordre du Phénix, il faut que vous compreniez les enjeux. Je suis sur le point de vous communiquer des informations extrêmement confidentielles. Comme vous le savez tous, nous sommes tous du côté de Dumbledore, et d'Harry. Vous devez me promettre que vous aussi avant que je vous livre ce secret."

Tous les enfants répondirent d'une même voix :

"Évidemment qu'on est de leur côté !"

Arthur eut un tic de la bouche. Hermione se demanda s'il pensait à Percy. Plus personne ne parla, tous accrochés aux lèvres du père de famille.

Après de longues secondes de réflexion, il continua à voix basse :

"L'Ordre du Phénix est une société secrète fondée par Dumbledore en personne. Elle a été crée dans les années 70, quand la première guerre a commencé. Elle vise à combattre Vous-Savez-Qui et ses Mangemorts, en recrutant des alliés, notamment."

"Et elle vient d'être instaurée de nouveau." continua Lupin en se levant de sa chaise pour contourner la table lentement. "À l'instant même où le corps de Cédric Diggory a touché le sol de Poudlard, Dumbledore a relancé l'Ordre du Phénix. Nous sommes officiellement de retour en guerre."

Toute la table eut un frisson en entendant ces paroles. Pourtant, c'était acté. Le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était bien réel, bien concret. Harry avait réussi à lui échapper. Hermione savait tout ça, mais l'entendre dire de la part de quelqu'un qui avait connu la première guerre était assez terrifiant. Elle vit Ron perdre le peu de couleurs qui lui restait, de l'autre côté de la table.

"Comment fait-on pour rejoindre l'Ordre du Phénix ?" demanda Ginny, pleine de convictions.

"Ne dis pas de bêtise." dit Arthur avec fermeté. "Tu es encore mineure."

Ginny ne répondit pas, mais l'étincelle typique de Gryffondors dansait dans ses yeux. Hermione la connaissait, cette intensité. Elle-même mourrait d'envie de faire partie de l'action.

Hermione vit Fred et George échanger un regard, mais ils ne dirent rien. Elle les soupçonnait de vouloir rejoindre la société de Dumbledore aussi, mais de ne pas oser le faire devant leur mère, de peur qu'elle fonde de nouveau en larmes.

Toute la pièce se tut. Lupin faisait les cent pas dans la petite cuisine du Terrier, agité. Arthur et Bill tombèrent dans un silence concentré. Et Molly resta en bout de table, silencieuse, troublée. Elle semblait perdue dans des souvenirs douloureux.

Hermione resta assise sur sa chaise, face à son ragoût entamé. Elle n'arrivait pas à imaginer Dumbledore dans ce paysage si familier, si intimiste du Terrier. Pourtant, il devait arriver d'ici peu. Elle échangea un regard avec Ron, qui paraissait perdu, lui aussi. Hermione repensa à Harry, et à ce qu'Arthur venait de leur dire. "Nous sommes tous du côté de Dumbledore, et d'Harry. Vous devez me promettre que vous aussi avant que je vous livre ce secret."

Hermione était chamboulée par toutes ces révélations sur l'état actuel du monde des sorciers, mais elle n'avait jamais été plus sûre de ses convictions qu'à cet instant. Elle croyait Harry, elle n'avait jamais eu le moindre doute sur son meilleur ami. Elle était de son côté, depuis sa première année à Poudlard. Depuis qu'Harry l'avait sauvée du troll dans les toilettes des filles. Depuis qu'il lui avait parlé de sa cicatrice et de la mort de ses parents. Elle croyait Harry, elle croyait Dumbledore. Il n'en avait jamais été autrement.

Comment pouvait-elle faire pour être utile dans un monde où elle était trop jeune pour agir ?

"Nous sommes officiellement de retour en guerre."

Personne ne parla jusqu'à ce que le bruit d'un transplanage se fasse entendre derrière la porte d'entrée. Arthur se précipita pour ouvrir la porte.

"Bonsoir Dumbledore." dit-il en invitant l'homme à entrer d'un geste poli de la main.

"Bonsoir Arthur. Merci de me recevoir."

Dumbledore entra dans la pièce, toujours doté de cette prestance mystérieuse qui l'entourait comme une aura. Hermione se leva respectueusement, par réflexe, et tout le monde autour de la table fit de même. Dumbledore était vêtu d'une robe de couleur prune, avec une cape assortie, qui laissait entrevoir sa longue barbe blanche et un collier étrange d'une sphère qui tournait sur sa poitrine.

Quand il vit tout le monde, il ébaucha un grand sourire :

"Ah ! Je vois que vous étiez en train de manger. Je suis désolé de faire irruption de la sorte." dit-il à l'assemblée.

"Non, pas du tout, nous avions fini." répondit Arthur, et en un coup de baguette, toutes les assiettes et la marmite de ragoût disparurent d'un coup.

"Je suis sincèrement désolé de mon intrusion, je tâcherai de ne pas vous prendre beaucoup de temps." s'excusa Dumbledore.

"Pas du tout, Dumbledore, nous sommes toujours ravis de vous accueillir." répondit Molly avec un petit sourire. "Puis-je vous servir quelque chose ?"

"Non merci, Molly."

La mère de famille se tourna alors vers les jumeaux, Ron, Ginny et Hermione :

"Montez dans vos chambres."

"Mais maman…" protesta Fred.

Sa mère fit les gros yeux :

"Tout. De. Suite."

"En fait, Molly, j'ai besoin de leur parler également." annonça calmement Dumbledore.

Mrs. Weasley alterna son regard surpris entre ses enfants et le directeur.

"Oh, mais… Dumbledore, avec tout le respect que je vous dois, ce sont encore des enfants…"

"Rien de grave, ne vous inquiétez pas." rassura Dumbledore en levant sa main. "Mais ils doivent être au courant de la situation. Après tout, nous sommes tous en guerre. Ils seront au courant bien assez tôt."

"Oh… Hum… Alors, je vois, très bien…" balbutia Mrs. Weasley.

"Allons parler de ça dans le salon." conseilla Arthur, et tout le monde suivit.

Dumbledore fut invité à s'asseoir dans l'un des gros fauteuils moelleux du living-room, celui que Ginny occupait habituellement. Molly, Arthur et Bill s'assirent tous les trois dans le petit canapé en face, Fred et George prirent place par terre à côté d'eux, Ginny et Hermione se partagèrent un fauteuil pour deux et Ron s'assit sur l'accoudoir. Lupin resta debout, et faisait les cent pas dans le petit salon.

"Vous êtes sûre que vous ne voulez rien ?" proposa une nouvelle fois Molly. "Nous avons des dragées au citron…"

"Oh, ça ne serait pas de refus." dit Dumbledore avec un sourire. "Je dois avouer que j'affectionne particulièrement ces confiseries."

Molly lui donna un petit bol, puis le fit passer parmi les autres. Hermione n'en prit pas, l'estomac trop noué pour pouvoir manger quelque chose. Une fois qu'il eut terminé de croquer son bonbon, Dumbledore reprit une mine plus sérieuse et annonça sans préambule :

"Comme vous le savez, Voldemort est de retour."

L'intégralité des personnes autour de lui tressaillirent en entendant ce nom tant redouté, mais Dumbledore ignora les réactions et continua :

"Lorsqu'Harry est revenu à Poudlard et m'a annoncé son retour, j'ai tout de suite fait parvenir un message aux anciens membres pour les prévenir que l'Ordre du Phénix était officiellement rouvert. Nombreux d'entre eux ont intégré l'Ordre aussitôt." Dumbledore fit un geste vers Lupin, qui hocha légèrement la tête. "Lupin, mais également Alastor Maugrey, Kingsley Shacklebolt, Sirius Black, Rubeus Hagrid, Mondingus Fletcher, Severus Rogue et Nymphadora Tonks ont accepté mon offre pour le moment. Molly, Arthur…?"

"Vous pouvez compter sur nous." répondit aussitôt le père de Ron, déterminé.

Dumbledore hocha la tête avec l'ombre d'un sourire.

"J'en attendais pas moins de vous. Bill…?"

"Je souhaiterais officiellement rejoindre l'Ordre." dit-il, avec la même ferveur que son père. "Charlie également."

"Très bien." dit Dumbledore.

"Nous aussi !" dirent en chœur Fred et George.

Leur mère se tourna vers eux brusquement :

"Il en est hors de question."

"Mais nous sommes majeurs !" contredit George.

"Je suis sincèrement touché par votre demande." interrompit Dumbledore à l'adresse des jumeaux, avec un petit sourire. "Mais votre mère a raison. Vous êtes bien trop jeunes pour participer."

"Mais…"

"Vous êtes encore à Poudlard." dit le directeur. "Profitez de votre dernière année de scolarité, et nous aviserons votre requête en temps voulu."

Fred et George furent contraints d'accepter, sous le regard noir de leur mère. Hermione sentit Ginny se tendre légèrement à côté d'elle.

"Ainsi donc, l'Ordre est officiellement reconvoqué." annonça Dumbledore en posant ses mains sur ses genoux. "J'ai parlé avec Sirius un peu plus tôt dans la journée, et il m'a proposé un endroit pour un Q.G. Je dois avouer que je n'avais pas pensé à une telle idée, mais elle me paraît tout à fait brillante. Voyez-vous, depuis la mort de ses deux parents et de son seul frère, Sirius a hérité de la maison familiale des Black, transmise de génération en génération. La maison dans laquelle il a grandi, et qui lui appartient désormais. Il m'a proposé d'en faire l'endroit où se dérouleront toutes les réunions de l'Ordre."

"Où se trouve-t-elle ?" demanda Arthur.

"À Londres." répondit Dumbledore. "Par mesure de sécurité, elle est placée sous le sortilège de Fidelitas, et je suis moi-même le Gardien secret de son emplacement exact. Sirius y vit actuellement, et il m'a demandé de vous proposer de venir également."

"Nous ?" répéta Molly, étonnée.

"Oui, vous." répondit Dumbledore de sa voix posée. "Disons que nous aurions besoin d'aide pour remettre la maison sur pied. Sirius a déjà beaucoup travaillé pour la remettre en bonne condition, et pour accueillir du monde, mais comme vous le verrez par vous-même, ses parents ont tout fait pour la rendre… le moins habitable possible. Ainsi, il faudrait la vider de tous les objets maléfiques et autres nuisibles pour permettre à l'Ordre d'y tenir les réunions. Il y a assez de chambres pour loger tout le monde, naturellement."

"Nous, on peut aider !" proposa aussitôt Ron.

"Ça serait extrêmement utile, Mr. Weasley." répondit le directeur en observant Ron par-dessus ses lunettes en forme de demi-lune. "Et très bénéfique pour l'Ordre."

"Très bien, alors… Nous nous arrangerons pour y aller… Je suppose que nous pourrions passer le reste de l'été là-bas…" dit Mrs. Weasley avec hésitation, en regardant déjà partout autour d'elle pour déterminer le temps qu'il faudrait pour déménager leurs affaires.

"Excellent ! Je vous remercie infiniment pour votre investissement et votre engagement auprès de l'Ordre, Molly, Arthur." dit Dumbledore, et sans savoir pourquoi, Hermione eut le sentiment qu'il faisait référence à Percy.

Arthur hocha la tête et entoura sa femme de son bras gauche.

"Voilà qui règle la question." dit Dumbledore. "Maintenant, j'ai une dernière information à vous donner…"

Il dévia alors son regard, qu'il posa sur Hermione et Ron qui était assis sur l'accoudoir à sa gauche.

"Miss Granger." dit le directeur, et Hermione eut la chair de poule en l'entendant s'adresser à elle directement. "Je suis ravi de voir que vous avez pu rejoindre les Weasley chez eux pour l'été. Comment se portent vos parents ?"

Hermione sentit le regard interloqué des jumeaux sur elle.

"Euh, bien, bien." bredouilla-t-elle.

C'était la première fois que Dumbledore lui parlait de ses parents. Ce dernier passa sa main plusieurs fois le long de sa barbe, comme s'il réfléchissait à ses prochains mots avec précaution.

"Une bonne nouvelle." répondit-il sagement.

Hermione hocha la tête en attendant la prochaine question, qui mit du temps à arriver. Elle se demanda pourquoi Dumbledore était intéressé par la vie de ses parents, tout à coup. Peut-être qu'il se demandait si les Moldus subissaient aussi les dommages de la guerre ?

"Mr. Weasley, Miss Granger… Avez-vous parlé à Harry, cet été ?" demanda subitement le directeur.

Ron fut le premier à répondre :

"Oui, un peu. Il me demande des nouvelles, mais…"

Il jeta un regard à ses parents, que Dumbledore intercepta.

"Tes parents t'ont demandé de ne pas lui donner trop de détails." devina Dumbledore. "Un bon conseil, vois-tu, car c'est moi-même qui leur ai demandé de te le dire."

Ron ne cacha pas sa surprise en entendant ça. Le directeur continua de se lisser la barbe pensivement.

"Je vous demanderai, Miss Granger, Mr. Weasley, de ne révéler aucune information importante à Harry, et ce, jusqu'à la fin de l'été."

"Pourquoi ?" demanda impulsivement Hermione, avant de rougir. Elle n'avait jamais osé questionner les ordres de Dumbledore auparavant.

Heureusement, il n'en fut pas gêné.

"Disons simplement qu'Harry est étroitement surveillé." expliqua-t-il. "Plusieurs membres de l'Ordre restent près de la maison de son oncle et de sa tante pour veiller à sa sécurité. Mais je ne peux pas garantir qu'il soit complètement hors d'atteinte. C'est pourquoi il ne faut pas que vous révéliez la moindre information importante, ou confidentielle, dans vos lettres qui lui sont adressées. Elles pourraient être interceptées."

"Mais, Professeur…" contesta Ron d'une petite voix. "S'il n'est pas mis au courant… Il va devenir fou, dans cette maison…"

"Serait-il possible de l'inviter à nous rejoindre ?" proposa Mrs. Weasley. "Il sait qu'il est toujours le bienvenu ici… Ou dans la maison de Sirius, je suis sûre qu'il serait ravi de le revoir…"

"Non, ce n'est pas possible." trancha Dumbledore. "Le transférer serait trop périlleux. Et il est plus en sécurité dans la maison de sa famille moldue, où Voldemort aurait beaucoup plus de mal à le retrouver. Vous devez donc me promettre que vous n'enverrez aucune lettre à Harry qui pourrait avoir des informations compromettantes."

Les Weasley acquiescèrent, bien qu'aucun d'entre eux ne semblait partager ce point de vue. Hermione ne comprenait pas vraiment pourquoi il fallait laisser Harry dans le noir. Il se sentirait d'autant plus isolé, et exclu…

Hermione n'osa pas transmettre ses peurs à Dumbledore, alors elle hocha la tête avec réticence. Ron avait toujours une expression perplexe quand il accepta à son tour.

"Très bien. Je vous remercie de m'avoir accordé de votre temps, et pour ces délicieuses dragées au citron." dit le directeur en se levant de son fauteuil. "Je vais vous communiquer l'adresse de la maison des Black, afin que chaque personne de cette pièce soit mise dans le secret du sortilège Fidelitas."

Dumbledore prit une grande inspiration et récita d'une voix claire :

"12 Square Grimmaurd, Londres."

Hermione ressentit alors une sensation un peu étrange, comme si son cerveau venait de cliquer. Elle fronça les sourcils.

"Vous êtes maintenant tous au courant." dit Dumbledore, pour achever cette entrevue. "Je vous souhaite à tous une excellente nuit."

Il passa son regard bleu et mystérieux sur chaque personne de la pièce, en s'attardant une seconde de plus sur Ron et Hermione, puis quitta le Terrier comme il était entré.

La maison fut assez silencieuse après son départ. Arthur, Bill et Lupin discutèrent pendant un long moment dans la cuisine à voix basse. Molly était retournée à son tricot, mais elle était tellement pensive que les aiguilles s'emmêlaient sans arrêt.

Au bout d'une demie-heure, Ron et Ginny firent signe à Hermione de les suivre, et après qu'elle eut lancé un timide "bonne nuit" aux Weasley, elle retourna dans la chambre de Ginny. Cette dernière était dans tous ses états :

"Pourquoi Dumbledore voudrait-il qu'on ne dise rien à Harry ?" s'écria-t-elle en marchant autour de son lit à toute vitesse. "Est-ce qu'il a déjà rencontré Harry ? Il ne va jamais vous pardonner de l'avoir ignoré tout l'été !"

"Je ne comprends pas sa décision non plus." admit Hermione en s'asseyant sur le lit de Ginny. "Mais je suppose qu'il faut lui faire confiance, non ?"

Cette probabilité calma un peu Ginny, qui cessa de marcher et s'assit à côté d'elle.

"Tu as raison." dit-elle avec un soupir. "Mais c'est tellement difficile de l'imaginer tout seul dans cette maison… Avec ces gens atroces…"

Ginny se mordit la lèvre. Derrière la colère qu'elle ressentait, Hermione décelait facilement de la peine. Ron, lui, était accablé. Ses yeux étaient rivés sur le sol.

"Il faut faire confiance à Dumbledore." assura Hermione, même si elle avait du mal à y croire elle-même. "S'il pense qu'il faut le faire pour qu'Harry soit en sécurité, alors on le fera."

Ron et Ginny hochèrent la tête mécaniquement.

"Je vais dormir." annonça Ginny après un moment de silence.

Elle sortit de la pièce pour aller faire sa toilette dans la salle de bains. Ron leva finalement la tête et fit un petit sourire triste à Hermione.

"Je suis content que tu sois là." dit-il doucement. "Tu apportes un peu de joie ici."

"Non, pas du tout." contredit Hermione. "J'ai l'impression de ne pas être à ma place."

Ron fronça les sourcils, ce qui plissa son nez constellé de tâches de rousseur.

"Qu'est-ce que tu veux dire ? Tu es parfaitement à ta place ici. La maison était bien pire avant ton arrivée. Tout le monde t'aime ici, Hermione."

Elle sentit son estomac se dénouer en entendant ça. Soudain, il fut peuplé de papillons.

"J'aime tout le monde ici aussi." répondit-elle doucement.

"J'espère qu'aller dans cette maison à Londres va améliorer le moral de tout le monde. Tu as vu comment maman est mal ? Ce maudit Percy va le payer." promit-il, soudain énervé.

"Ne dis pas ça." murmura-t-elle en se levant. Elle posa instinctivement sa main sur la manche du t-shirt de Ron. "N'y pense plus. On en reparlera demain, d'accord ?"

"D'accord." dit-il plus doucement. "Bonne nuit, Hermione."

"Bonne nuit, Ron."

Elle regarda le rouquin sortir de la chambre de sa sœur avec ce même air triste sur le visage. Elle haïssait quand Ron était maussade comme ça. Normalement, son visage était sans cesse étiré dans un sourire.

Hermione sortit ses affaires de nuit de sa malle et fit sa toilette dans la petite salle de bains. Quand elle retourna dans la chambre de Ginny, cette dernière était allongée dans son lit, le regard perdu vers le plafond. Hermione s'allongea sans bruit à côté d'elle.

Elles ne parlèrent pas pendant un long moment, profitant de la pénombre de la petite chambre pour se perdre dans leurs pensées respectives.

Tout à coup, Ginny brisa le silence avec une petite voix :

"Tu sais, maman a perdu ses frères pendant la première guerre."

Hermione se tourna vers sa meilleure amie, surprise par cette révélation.

"Ils sont morts assez jeunes, en se battant contre cinq Mangemorts à la fois." raconta Ginny dans un murmure. "J'avais un mois quand ils sont morts. Maman a été longtemps dévastée. Elle en parle rarement. Ils étaient jumeaux, je pense que c'est pour ça qu'elle a mal réagi quand Fred et George ont proposé d'intégrer l'Ordre du Phénix."

Hermione comprenait mieux la réaction de Mrs. Weasley. Entendre parler de guerre, d'alliés et du Seigneur des Ténèbres devait lui rappeler des souvenirs terribles. Hermione éprouva une vague d'affection pour la mère de famille.

"Je n'en avais aucune idée. Quelle tragédie." souffla Hermione.

Ginny fit un "hmm" ensommeillé.

"Harry va être furieux." dit Ginny après plusieurs minutes de silence.

"Il aurait tous les droits de l'être." répondit Hermione. "Je veux dire, j'aurais très mal vécu votre silence, surtout dans un endroit où je me sens abandonnée chaque été. Je tâcherai de lui envoyer des lettres tout de même, pour ne pas qu'il se sente trop seul…"

Ginny approuva d'un hochement de tête.

Le silence retomba. Hermione contempla les contours de la fenêtre de la chambre en essayant de percevoir quelque chose à travers l'obscurité. Elle pensait que Ginny s'était endormie, elle fut donc surprise d'entendre sa voix camouflée par l'oreiller bien longtemps après :

"Il faut que je te dise quelque chose."

"Quoi ?" souffla Hermione.

"Je sors avec Michael Corner."

Hermione ne s'attendait pas du tout à ça. Elle tourna la tête et regarda Ginny, qui la regardait déjà. Ses yeux noisettes scrutaient la réaction d'Hermione avec fébrilité.

"Oh." répondit Hermione, qui ne savait pas comment réagir à cette information.

Ginny lui avait déjà parlé plusieurs fois de Michael, un garçon de Serdaigle de la même année qu'elle. Hermione ne lui avait jamais parlé personnellement. Elle pensait que Ginny était devenue amie avec lui, mais elle n'avait aucune idée qu'elle éprouvait quelque chose pour lui.

"Depuis quand ?" demanda-t-elle doucement.

"Cet été. On est amis depuis le Bal d'Hiver, j'ai sympathisé avec lui quand je suis allée chercher un verre pour Neville et moi. C'était le barman, tu te souviens ?"

Hermione n'en avait aucun souvenir, mais elle ne préféra pas interrompre Ginny.

"Je l'ai revu plusieurs fois quand j'étais avec Luna, comme elle est à Serdaigle aussi… Enfin bref, on est devenus amis, et il m'a laissé entendre qu'il ressentait quelque chose pour moi en fin d'année, juste avant qu'on embarque dans le train. On s'est un peu parlés par lettres, et il m'a demandé si je voulais devenir sa petite amie."

"Et tu as dit oui." conclut la brune.

"Oui… On verra à la rentrée comment ça se passe." répondit Ginny. "Au début, je voulais dire non, parce que j'étais toujours amoureuse d'Harry mais… Je l'ai attendu assez longtemps comme ça. Tu m'avais dit que je devais voir d'autres personnes pour arrêter de penser à lui, et je pense que j'ai réussi."

"Bien sûr." dit Hermione, bien qu'elle n'en était pas si sûre.

"Il savait ce que je ressentais, et il n'a jamais montré de l'intérêt pour moi, alors j'ai décidé de laisser tomber." dit Ginny d'un ton décidé, comme pour se convaincre elle-même de ses propos. "Maintenant, je suis avec Michael. Parce que Michael est amoureux de moi."

"Je pense que c'est une très bonne chose. Tu te rendais malheureuse à l'attendre. Je suis contente pour toi, Gin'." dit doucement Hermione.

Ginny sembla ravie de cette réponse.

"Merci, Mione. Je savais que je pouvais compter sur toi pour avoir une réaction appropriée. Je n'aurais jamais eu ça de la part de mes frères…"

"Je suis sûre qu'ils seront ravis pour toi." assura la brune.

Ginny afficha son désaccord avec une grimace. Hermione devait admettre que la réaction de Ron en entendant ça n'aurait sûrement rien à voir avec de la compréhension.

"Ne pensons plus à ce qu'il s'est passé ce soir." conseilla Ginny, et Hermione comprit qu'elle faisait référence aux terribles nouvelles de Dumbledore. "Pensons à des choses positives, sinon, on arrivera jamais à dormir."

"Tu as raison. Bonne nuit Gin'."

"Bonne nuit Mione, à demain !"

La rouquine se retourna dans son lit et se tut. Hermione fit de même. Malgré son envie de ressasser tout ce qu'avait dit le directeur, Arthur, Lupin, elle rangea tout ça dans un coin de la tête. Si elle pensait à la situation actuelle, elle ferait certainement une insomnie.

Alors, comme à chaque fois qu'elle voulait penser à quelque chose d'agréable, ses pensées dévièrent sur Drago. Elle accepta ce changement avec plaisir. Elle avait l'impression de ne pas avoir pensé à lui depuis des lustres. Que faisait-il, à cet instant ? Pensait-il à elle avant de dormir, lui aussi ? S'ennuyait-il toujours dans son Manoir ? Jouait-il du piano avec ses partitions ?

Elle s'imagina Drago assis à son piano, en train de lire les petites notes qu'elle avait écrites dans la marge pour expliquer les morceaux moldus. Elle s'imagina Drago, allongé dans son lit, en train de regarder le plafond et de penser à elle. Souriait-il ?

Elle, elle souriait.

Hermione s'endormit paisiblement, loin de la guerre, de la menace qui pesait au-dessus d'elle à cet instant. Elle s'endormit en entendant la phrase de Drago, encore et encore, qui ne cessait de lui donner des frissons dès qu'elle s'en rappelait :

"Granger, je suis amoureux de toi."