notes :
- je fancast Rodolphus avec Ezra Miller, si vous avez besoin d'une image mentale :)
- c'est un chapitre avec pas mal de canon, je suis désolée si c'est relou...
Bonne lecture à tous!
Drago
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Drago passa les jours suivants le départ de Granger à errer dans son Manoir.
Le dimanche, quand il ne reçut aucune lettre, il comprit que Granger était définitivement partie "au Terrier". Il s'imagina son voyage pendant la journée. Il avait du mal à visualiser Granger dans le Magicobus, ou même dans les villages sorciers d'Angleterre. Le soir, il se demanda dans quel lit elle devait dormir là-bas. Il se doutait que les Weasley étaient bien trop pauvres pour lui offrir un lit pour elle toute seule, alors il en déduit qu'elle dormait avec Weaslette.
Le lundi, il préféra méditer plutôt que de penser. Il tria ses souvenirs toute la journée, ne s'arrêtant que quelques heures pour manger avec sa mère. Il fut tellement épuisé d'avoir rangé sa bibliothèque mentale qu'il s'endormit en un clin d'œil.
Le mardi, il se réveilla avec un mal de tête à la tempe droite et évita de trop Occluder, alors il passa sa journée à réfléchir anxieusement à ce qu'il pouvait se passer chez les Weasley. Il se demanda si Granger était plus en danger là-bas, dans l'autre camp de la guerre, plutôt que dans son Londres moldu. Il se demandait aussi ce qu'elle pouvait bien faire de ses journées : était-elle en train de monter sur un balai pour son pari ? Lisait-elle dans un canapé ? Riait-elle avec Weasley ? Cette question le fit déprimer plusieurs heures.
Le mercredi, il passa sa journée à errer dans son Manoir sans but. L'après-midi, il s'ennuyait tellement qu'il mémorisa tous les portraits du Manoir un par un. Il visita quatre fois chaque pièce et marcha sans s'arrêter pour faire quelque chose. Il avait peur que s'il s'asseyait pour lire ou se reposer, le sentiment d'angoisse qui l'habitait reviendrait avec force. Il erra donc, pendant plusieurs heures, jusqu'à ce qu'un bruit l'interrompt en fin d'après-midi.
C'était un hibou, derrière l'une des fenêtres devant laquelle il venait de passer. Pendant une folle seconde, Drago pensa que c'était Granger qui avait réussi à lui envoyer un mot depuis la maison des Weasley, mais il réalisa bien vite que ce n'était pas le cas quand il vit ce que tenait le hibou dans son bec : une carte postale bleue.
Drago alla dans sa chambre pour payer l'hibou et s'assit sur son lit pour lire la carte. C'était une carte postale moldue, qui représentait la grande étendue d'eau, surplombée par des montagnes où des maisons de toutes les couleurs étaient éparpillées sur les côtes. Drago la regarda longuement, étonné de voir que la surface du lac ne bougeait pas, ou que les oiseaux figés sur le papier ne continuaient pas leur trajectoire. Il comprit que le lac était celui dont Blaise avait parlé avant leur départ : le Lac de Côme.
Drago retourna la carte et reconnut sans mal l'écriture de Théo, à l'encre bleue nuit :
Hey Drago et Pansy !
On vous envoie cette carte d'un petit village moldu qu'on a visité après le mariage, en cachette. Blaise n'a pas trop aimé, mais moi, j'ai adoré ! On a même visité une église !
Le mariage s'est bien passé. La cérémonie s'est déroulée sur la rive du Lac, face à l'eau, c'était magnifique. Etant donné que la mère de Blaise est très occupée à organiser le séjour, on a le droit de visiter, donc on s'est baladés à Côme, Bellano et ce soir, on va à Varenna. On mange bien, et il fait super chaud.
On espère que tout se passe bien pour vous et que vous ne vous ennuyez pas trop sans nos présences irremplaçables. On sait qu'on vous manque énormément. Mais ne vous inquiétez pas, on revient demain en début d'après-midi pour remettre du soleil dans vos vies déprimantes.
Bisous d'Italie !
Théo et Blaise.
Drago eut un sourire en lisant cette carte. Il imaginait la scène comme s'il y avait assisté : Théo qui insiste pour acheter une carte postale et Blaise qui accepte en haussant les épaules, mais qui refuse d'écrire la moindre chose dessus. Il pouvait presque entendre la voix de Théo : "allez Blaise, juste un petit mot !"
Cela expliquait pourquoi la signature de Blaise était d'une signature différente : le seul mot qu'il avait accepté d'écrire sous les implorations de Théo.
Drago relut plusieurs fois les quelques phrases de son meilleur ami. Théo n'avait pas totalement tort quand il disait qu'ils allaient remettre du soleil dans leurs vies à leur retour : leur absence était presque douloureuse.
Un mouvement dehors attira le regard de Drago et il vit par la fenêtre Pansy et son cousin Rodolphus transplaner dans le jardin du Manoir de Pansy. L'atterrissage fut violent : Drago vit le corps de Pansy valser et s'écraser dans l'herbe sur le dos, tandis que Rodolphus fut projeté cinq mètres plus loin. Pourtant, Pansy ne semblait pas gênée par la brutalité de ce transplanage : elle riait à gorge déployée, allongée dans l'herbe.
Drago fronça les sourcils. Il n'avait jamais apprécié le cousin de Pansy, et le voir transplaner de la sorte n'aidait pas à améliorer son opinion sur lui. Il mettait Pansy en danger, et elle était trop admirative pour le remarquer !
Il descendit rapidement les marches du Manoir et ouvrit la porte arrière vers le jardin. Sa mère n'était pas là, probablement dans ses appartements. Il ne croisa personne et traversa l'immense jardin tout seul, longea la fontaine, et arriva jusqu'à la haie, qu'il enjambea. Il se retrouva dans le jardin de Pansy, mais il ne vit personne, alors il alla toquer à la porte principale.
Ce fut son elfe de maison qui ouvrit, mais Pansy et Rodolphus étaient dans le hall derrière lui, toujours hilares. Quand elle le vit, Pansy eut un grand sourire :
"Drago ! Qu'est-ce que tu fais là ?" demanda-t-elle en s'approchant de lui.
"Je venais voir comment tu allais." répondit Drago sèchement. "Je vous ai vus atterrir, j'ai cru que tu étais blessée…"
"Drago Malefoy !" s'écria Rodolphus en le voyant. "Enfin, je te revois !"
Son accent américain faillit faire lever les yeux au ciel de Drago. À l'entendre, on aurait pu croire qu'il avait toujours vécu là-bas, alors qu'il y faisait juste ses études. Il pensait certainement que ça lui donnait un air plus cool.
"Ouais. Salut, Rodolphus." dit Drago du ton le plus blasé possible.
Rodolphus lui serra la main, bien plus fort que nécessaire, mais Drago fit semblant de ne rien sentir. Le cousin de Pansy avait exactement les mêmes traits qu'elle : les mêmes yeux allongés, de la même couleur charbon. Il avait des cils très longs, un teint pâle, et une bouche pleine, souvent étirée dans un sourire en coin narquois. Les deux seules choses qui le différenciait du physique de Pansy était ses cheveux, noirs encre et bouclés qui arrivaient à ses épaules, et sa taille.
Rodolphus avait les cheveux mi-longs depuis que Drago le connaissait, et il avait toujours trouvé ça affreux. Il était sûr qu'il les laissait pousser pour se différencier des codes familiaux des Parkinson. Drago ne comprenait pas comment le père de Pansy pouvait laisser passer un tel affront de la part de son neveu, alors qu'il ne supportait pas quand Pansy avait ne serait-ce qu'un cheveu mal peigné.
"T'étais enfermé dans ta tour pendant tout ce temps ?" demanda Rodolphus avec un rire moqueur. "Première fois que je vois ta tête depuis que je suis arrivé. Tu ne viens pas dire bonjour à ton cousin préféré ?"
"Tu n'es pas mon cousin." grinça Drago, qui avait du mal à faire semblant d'apprécier ce type.
"Peut-être, mais je suis quand même ton préféré." objecta Rodolphus. "Tu vas pas me dire qu'il y a quelqu'un dans ta famille qui est aussi sympa que moi ?"
Avant que Drago puisse contester, Pansy s'exclama d'une voix fière :
"Non, il n'y a personne ! Drago, tu ne vas jamais croire ce qu'on a fait aujourd'hui !"
Pansy contourna son cousin pour se planter devant Drago. Elle transpirait tellement le bonheur qu'il était difficile d'être fâché contre Rodolphus en la voyant comme ça. Depuis combien de temps ne l'avait-il pas vue aussi heureuse ?
"S'éclater la gueule dans le jardin ?" ironisa Drago.
"Hey ! N'insulte pas mon transplanage !" intervint le cousin de Pansy avec un rire.
"L'atterrissage était génial !" dit Pansy pour le rassurer. "Je n'arrivais plus à m'arrêter de rire !"
Drago passa son regard désapprobateur sur la tenue de sa meilleure amie. La Pansy qu'il connaissait aurait détesté tomber dans l'herbe de cette façon, et elle n'aurait jamais accepté d'avoir de la boue sur ses vêtements. Il ne dit rien pour ne pas la froisser, et la laissa continuer :
"Non, c'est encore mieux ! On a passé la journée… En France !" hurla Pansy de bonheur.
Cette fois-ci, Drago ne cacha pas sa surprise.
"En France ?" répéta-t-il, incrédule. "Je croyais que tu détestais la France."
Pansy avait toujours répété haïr ce pays. Personne ne comprenait vraiment pourquoi, mais Drago savait que c'était parce que sa mère s'était enfuie là-bas quand elle l'avait abandonnée.
"C'est parce qu'elle ne l'avait pas encore visitée avec moi !" dit Rodolphus en attrapant Pansy par la taille pour lui frotter sa main sur le haut de son crâne.
La Pansy que Drago connaissait aurait hurlé de rage à l'idée que quelqu'un puisse la décoiffer de la sorte, mais la Pansy en face de lui éclata de rire.
Drago se souvint subitement pourquoi il était resté cloîtré dans son Manoir tout ce temps : il préférait largement contempler les portraits de ses couloirs plutôt que de passer cinq minutes dans une pièce avec Rodolphus.
"Je dois y aller, ma mère m'attend." mentit Drago. "Tiens, je voulais te passer ça. Je l'ai reçue à l'instant."
Il tendit la carte à Pansy qui lâcha un petit cri de joie et commença à la lire. Son cousin, aussi envahissant que d'habitude, ne se gêna pas pour la lire aussi par-dessus son épaule. Drago le regarda en serrant les dents. Il n'aimait pas du tout l'idée que Rodolphus puisse lire une lettre privée de Théo et Blaise.
"Oh, merci, Drago ! J'ai tellement hâte qu'ils rentrent !" s'écria Pansy quand elle eut terminé.
Drago hocha la tête, et fut sur le point de faire demi-tour quand des bruits de pas se firent entendre dans les escaliers. Rodolphus tira aussitôt sa baguette et lança un sortilège de nettoyage à Pansy pour enlever les tâches de boue sur sa jupe.
"C'est vous que j'entends dans le hall ?" lança la voix rauque du père de Pansy.
"Oui, Père, nous venons d'arriver." dit Pansy, d'une voix bien plus sage et posée que celle qu'elle avait quelques secondes plus tôt.
Drago la vit cacher la carte dans son dos pendant que le père de Pansy se positionna face au groupe de trois, le regard froid et calculateur. Il portait son fameux costume gris qu'il ne quittait jamais. Son visage était encore plus angulaire que sa fille, ce qui lui donnait un air autoritaire un peu effrayant. Il posa ses yeux noirs sur chacun d'entre eux et s'arrêta une seconde sur Drago.
"Mr. Malefoy. Que nous vaut cet honneur ?" demanda-t-il.
"Bonsoir Mr. Parkinson." salua respectueusement Drago. "Je passais simplement pour dire bonsoir à Pansy, que je n'avais pas vue depuis quelques jours. Je vais rentrer dîner."
Le père de Pansy hocha gravement la tête. Quand il se tourna vers sa fille, il retroussa ses fines lèvres dans une grimace de dégoût :
"Où est ton serre-tête ? Tes cheveux sont dans un état déplorable."
"Dans ma poche, Père." répondit piteusement Pansy en s'empressant de sortir l'accessoire pour le poser sur ses cheveux. Le regard sévère de son père ne s'atténua pas pour autant, il la jaugeait comme si elle était couverte de morve de troll.
"Comment peux-tu te présenter à tes invités de la sorte ?" siffla-t-il, si bas que Drago se demanda s'il ne parlait pas en Fourchelangue. "C'est une honte, Pansy."
"Pardon, Père." s'excusa Pansy, les joues rouges, la tête baissée.
Drago n'essaya pas de penser à toutes les fois où il avait vu Pansy dans un état bien pire que celui-là : en train de danser à une fête, la jupe presque relevée, ou en train de boire le plus grand nombre de shots avant de tout vomir dans les toilettes pendant qu'il lui tenait les cheveux, ou en train d'enchaîner les cigarettes moldues dehors…
Il ferma son esprit aussitôt, plaçant tous les souvenirs compromettants de Pansy dans sa bibliothèque mentale, au cas où son père serait un Legilimens.
"Pourquoi ce ton si sérieux, tonton ?" demanda soudain Rodolphus en riant. "Ce n'est qu'un serre-tête !"
Drago bloqua brusquement sa respiration en entendant l'appellation que venait d'utiliser le cousin de Pansy à l'adresse de son oncle. Même Pansy, qui excusait toujours le comportement de Rodolphus, lui lança un regard outré. Jamais personne n'osait s'adresser à son père avec si peu de respect.
À la surprise générale, le père de Pansy ne sembla pas énervé. Il se tourna vers son neveu :
"C'est une question d'apparence, Rodolphus. J'imagine que les Etats-Unis te dispensent d'y faire attention, mais ici, bien se tenir est toujours d'actualité." dit-il d'un ton tranchant. "Je venais justement te voir, j'aimerais te parler seul à seul dans mon bureau, j'ai quelques informations à te transmettre avant que tu ne repartes demain."
"Demain ?" répéta Pansy dans une exclamation étranglée.
"Pansy !" cria son père aussitôt. "Cesse de couper la parole !"
Pansy baissa légèrement la tête.
"Pardon, Père. Je voulais simplement être sûre d'avoir bien entendu, Rodolphus était censé rester une semaine de plus…"
"Ce n'est plus le cas." dit froidement le père de Pansy. "Il repartira demain aux Etats-Unis. Suis-moi, Rodolphus. Dans mon bureau."
Le père de Pansy fit un bref mouvement de tête à l'adresse de Drago, fit demi-tour et monta les marches de l'escalier. Rodolphus lança un regard désolé à sa cousine avant de le suivre.
Juste avant qu'ils n'atteignent l'étage supérieure, la voix du père de Pansy résonna dans le hall :
"Pansy, va te nettoyer immédiatement !"
Elle sursauta, et regarda Drago. Elle avait l'air extrêmement attristée.
"D'accord, Père !" lança-t-elle en réponse.
Elle marcha à côté de Drago, qui crut qu'elle allait lui ouvrir la porte pour qu'il s'en aille, mais il réalisa qu'elle prenait en fait une plume dans un tiroir. Elle prit la carte postale de Théo et Blaise et écrivit dans un coin :
"Fontaine, 20h ?"
Drago hocha la tête avec plaisir. Ils ne s'étaient pas vus à côté de la fontaine depuis que Rodolphus était arrivé. Pansy acquiesça, lui redonna la carte, et monta rapidement dans sa chambre pour se changer.
"Mère ?"
Narcissa leva la tête, surprise. Drago n'avait pas parlé du repas, qu'ils avaient donc partagé en silence. Narcissa semblait pensive, perdue dans ses pensées lointaines, jusqu'à ce que Drago s'adresse à elle vers la fin du dîner.
"Oui ?"
"Que penses-tu de Rodolphus Parkinson ?"
Narcissa fronça les sourcils une seconde, puis demanda :
"Le fils de Vivian Parkinson et Helen Fawley ? Le cousin germain de Pansy ?"
Drago acquiesça, impressionné par la capacité de sa mère à se rappeler de tous ces gens. Narcissa plissa les lèvres légèrement :
"Je l'ai rencontré quelques fois dans des dîners officiels, mais je ne lui ai jamais adressé la parole. C'était comme s'il avait constamment l'envie de se démarquer, à parler trop fort, ou à faire un commentaire déplacé pour impressionner tout le monde." dit-elle en secouant la tête en signe de désapprobation. "Mais j'ai entendu dire que c'est un garçon intelligent, et assez sympathique. Affreuse coupe de cheveux, soit dit en passant."
Drago hocha la tête.
"Il est en vacances chez Pansy depuis quelques jours. Je ne l'aime pas beaucoup." admit-t-il.
"Oh, est-ce pour ça que tu ne passes pas beaucoup de temps avec elle, en ce moment ?"
"Oui… Entre autres."
Drago fut surpris de voir que sa mère avait constaté qu'il restait souvent au Manoir. Il ne la voyait jamais, mais elle était tout de même au courant de ses agissements.
"Et quand est-ce que Blaise et Théodore seront de retour d'Italie ?" demanda Narcissa en prenant une gorgée de vin.
"Demain." répondit Drago, une pointe d'excitation dans la voix.
"As-tu reçu des nouvelles ?" demanda-t-elle.
Drago fut sur le point de lui parler de la carte postale, quand il s'arrêta nettement. Il repensa soudain à l'ordre de son père, quelques semaines auparavant, de ne plus être ami avec Théo. Il n'en avait jamais reparlé avec sa mère, et il eut soudain peur qu'elle le teste : s'il répondait oui, le dirait-elle à Lucius ? Pourrait-il avoir des problèmes ?
Comme si elle devinait dans ses pensées, sa mère le rassura immédiatement :
"Drago, tu peux tout me dire."
"Et bien… Oui, ils m'ont envoyé une carte…"
Narcissa hocha la tête avec un petit sourire.
"Je suis contente qu'ils passent du bon temps là-bas. Je suis navrée que tu n'aies pas pu t'y rendre, tu aurais aimé l'Italie, je pense."
"Tu n'es pas fâchée ?"
"Fâchée ?" répéta-t-elle sans comprendre.
"Père… Il m'a demandé de ne plus parler avec Théo…" commença Drago, mais Narcissa l'arrêta en levant sa main :
"C'était une requête stupide." dit-elle, si sèchement que son ton le surprit. "Théodore est un garçon tout à fait respectable, issu d'une famille compliquée. Je ne voudrais certainement pas que tu arrêtes d'être ami avec lui juste parce que ton père te l'as demandé. Je ne lui dirai rien, et ça restera un secret entre nous. Ça te va ?"
Cette proposition ravit Drago, qui s'empressa d'hocher la tête. Sa mère contredisait rarement les ordres de Lucius, mais Drago savait qu'elle avait une affection particulière pour Théo. Narcissa acquiesça, comme pour sceller leur accord, avant de se lever gracieusement :
"Je suis fatiguée. M'en voudrais-tu si j'écourte ce repas ?"
"Non, pas du tout. Je n'avais plus faim de toute manière." dit-il en se levant aussi.
"Parfait." dit sa mère en s'éloignant. "Alors, souhaite une bonne nuit à Pansy de ma part."
Drago cligna plusieurs fois des yeux, étonné par cette requête, puis sortit de la salle à manger aussi et ouvrit la porte du jardin.
Il était encore tôt par rapport au rendez-vous qu'avait fixé Pansy, alors Drago s'allongea seul à côté de la fontaine et attendit qu'elle arrive en méditant un peu. Le bruit de clapotis de la fontaine à côté de lui réussit à apaiser son esprit rapidement.
Quelques minutes plus tard, des pas feutrés se firent entendre,et Pansy se coucha dans l'herbe à côté de lui. Elle avait son serre-tête dans les cheveux, qu'elle retira sur le champ.
Ils ne parlèrent pas pendant plusieurs secondes, profitant du silence.
"Il part demain." annonça finalement Pansy, la voix pleine de sanglots.
Drago se tourna vers elle, contemplant quelques secondes son visage tourné vers les étoiles. Égoïstement, il était un peu content de retrouver sa meilleure amie pour lui tout seul, et en même temps, il détestait la voir dans cet état. Il ne supportait pas son cousin, mais il supportait encore moins de voir Pansy aussi triste. Il tâtonna dans l'herbe pour trouver sa main.
"Je suis désolé, Pans'." murmura-t-il.
"C'est pas juste." dit-elle, en reniflant un peu. "Il était censé rester deux semaines."
"C'est ton père qui ne veut pas qu'il reste ?" demanda Drago.
"Même pas. C'est lui. Il dit qu'il a des affaires là-bas et qu'il ne peut finalement pas rester…"
Elle passa son autre main sur son visage, probablement pour essuyer des larmes que Drago fit semblant de ne pas voir.
"C'est de ça dont il voulait parler avec ton père, dans son bureau ?"
"Je ne sais pas, ils sont restés plus d'une heure là-dedans, et ils n'ont pas parlé de ça pendant le dîner. Rodolphus m'a juste laissé un mot dans ma chambre avant d'aller se coucher…"
Elle lui tendit le petit mot froissé que Drago lut à la lueur de la lune :
Pansy,
Je suis désolé de ne pas t'avoir dit que je partais demain. J'ai des choses à régler aux Etats-Unis, des choses que je dois faire impérativement. Mais on se reverra bientôt, promis.
Prends soin de toi.
Rodolphus.
Quand il termina de lire, Pansy pleurait vraiment, maintenant. Drago lui redonna le mot et lui tapota la main dans un geste réconfortant :
"Je suis désolé, Pans'..."
"Il ne m'a même pas dit au revoir…" dit-elle entre deux sanglots. "Il va partir demain matin très tôt et je ne le reverrai même pas…"
"Je suis sûr qu'il voulait, mais qu'il n'a pas pu le faire devant ton père… C'est peut-être mieux comme ça…"
"Je voulais lui présenter Théo et Blaise…" dit-elle d'une toute petite voix.
"Blaise l'a déjà vu, non ?" répondit Drago. "Et il a dit qu'il reviendrait bientôt, Théo pourra le rencontrer à ce moment-là… Et tu as bien profité de lui, non ? Tu as passé une bonne journée avec lui, c'est bien que ça se termine là-dessus, tu ne penses pas ?"
Pansy hocha la tête tristement. Drago continua de lui caresser le dos de la main pendant qu'elle se calmait un peu. Elle essuya une dernière fois ses larmes et demanda doucement :
"Pourquoi tout le monde finit par m'abandonner ?"
Le cœur de Drago se serra en entendant cette question.
"Il ne t'abandonne pas, Pans'..." murmura-t-il. "Et je suis là, moi. Blaise et Théo aussi. On sera toujours là, tu le sais."
En guise de réponse, Pansy serra les doigts de Drago, qui comprit sa reconnaissance à travers ce simple geste. Ils n'étaient pas très doués pour parler de ce genre de choses, alors il comprenait qu'elle ne veuille pas s'étendre sur le sujet.
Après un long silence, elle se tourna vers lui, les yeux noirs un peu embués :
"Tu ne l'aimes pas beaucoup, Rodolphus, non ?"
Elle connaissait déjà l'avis de Drago sur son cousin, mais il ne voulait pas la blesser davantage ce soir. Alors, il répondit plutôt :
"J'aime quand tu es heureuse."
Elle parut satisfaite de cette réponse.
Pendant que Drago cherchait sa constellation dans le ciel couvert de nuages, elle reprit doucement :
"Je lui ai dit."
"Dit quoi ?" demanda Drago.
"Que je suis amoureuse de toi. À Rodolphus, je lui ai dit."
"Oh." répondit Drago, surpris par cette confession. "Qu'est-ce qu'il a dit ?"
"Que j'étais stupide."
"Il ne m'aime pas beaucoup non plus, alors." conclut Drago avec un petit rire.
"Non, pas trop, je crois." admit Pansy. "Mais il ne connaît pas les bons côtés de toi, tu es toujours un peu froid quand on ne te connaît pas bien."
"C'est pour ça qu'il m'a serré la main super fort, tout à l'heure." devina Drago en se souvenant de la poigne du cousin de Pansy.
"Peut-être. Mais il veut simplement me protéger, c'est tout." dit Pansy, qui défendait toujours Rodolphus.
"Je sais, je le comprends. Je serais énervé aussi si tu m'avais dit ça."
"Pourtant, c'est ma faute. Mais cette année, je vais arrêter d'être amoureuse. Je vais essayer de changer, d'aller de l'avant. Je te le promets." dit-elle d'une voix beaucoup plus sûre.
"Je ne veux pas que tu changes trop non plus." dit Drago, qui n'aimait pas cette promesse.
"Théo m'a dit que je devais d'abord essayer de m'aimer moi-même avant d'aimer quelqu'un d'autre." dit-elle.
"Je pense que c'est un excellent conseil." assura-t-il. "Essaye de comprendre ce que tu ressens, et prends ton temps, et fais-le sainement, et tu verras que ça ira beaucoup mieux."
Toujours en lui caressant le dos de la main, Drago lui fit un sourire auquel elle répondit.
"Tu ne m'as même pas raconté la France." dit-il, pour changer de sujet.
Pansy commença à raconter d'un ton beaucoup plus excité ses aventures de la journée. Drago écouta sagement, en essayant de ne pas réagir à tous les moments où Rodolphus l'énervait, puis ils s'amusèrent à trouver sa constellation malgré les nuages qui recouvraient le ciel.
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Le lendemain, comme à son habitude, Drago se réveilla en pensant à Granger. Il resta dans son lit quelques minutes à se demander ce qu'elle pouvait bien faire de sa journée, avant de méditer et de fermer son esprit. Il se prépara, mangea son petit-déjeuner le plus longtemps possible, lut le journal deux fois, et s'assit à la bibliothèque du Manoir pour lire, sans succès. Quand elle n'était pas là, avec ses thés à la cannelle et ses dizaines de cahiers dispersés, c'était comme s'il n'arrivait plus à se concentrer.
Il décida de sauter le déjeuner et de se rendre chez Blaise. Il n'y était pas allé depuis qu'ils étaient partis en Italie, mais Drago ressentait le besoin de se dépenser pour oublier son ennui. Il prévint sa mère, et partit le long du chemin du village.
La bâtisse de Blaise était complètement vide, dénuée de lumières et de vie, ce qui la rendait beaucoup moins accueillante que d'habitude. Quand Drago arriva devant la porte, Cooky l'ouvrit avant même qu'il ne toque :
"Bonjour Mr. Drago." salua-t-il de sa voix fluette.
"Je viens faire un peu de Quidditch." expliqua Drago, qui se trouva un peu ridicule à venir utiliser le terrain tout seul.
L'elfe ne commenta pas et le laissa entrer.
"Est-ce que Cooky peut vous servir quelque chose ?" proposa l'elfe. "À manger ? Ou une boisson rafraîchissante, peut-être ?"
"Non, merci, pas pour l'instant." dit Drago en allant dans le jardin.
Heureusement, Cooky ne le suivit pas. Drago se dirigea d'un pas automatique vers le placard pour vêtir son équipement de Quidditch et prendre un des nombreux balais de Blaise. À l'instant où il l'enfourcha, il eut l'impression qu'un poids considérable de stress s'évapora de ses épaules. Il s'envola et fit plusieurs fois le tour du terrain, profitant du vent chaud qui lui frappait le visage avec délectation.
Le Quidditch, et voler sur un balai en général, lui avait toujours procuré des sensations uniques. Il avait toujours adoré ça. Mais maintenant que sa tête était constamment occupée par des pensées néfastes, parcourir les airs était encore plus libérateur. Là-haut, il n'y avait pas de stress, pas de Lucius, pas de pensées honteuses, pas de sentiments cachés, pas de Rogue, pas de secrets. Il était seul avec sa tête vide, et ça lui faisait un bien fou. C'était comme une nouvelle forme d'Occlumancie.
Drago profita de cette sensation pendant quelque temps, puis s'entraîna au Quidditch. Au début, il apprécia chaque seconde, comme une liberté nouvellement retrouvée.
Puis, il commença à chercher Blaise du regard.
Drago n'avait jamais joué au Quidditch sans Blaise, excepté à Poudlard. Et il se rendit compte très vite que la sensation de liberté qu'il associait au Quidditch était aussi liée à son meilleur ami. Quand il jouait, c'était généralement en riant aux éclats, ou en testant des nouvelles techniques à deux, ou en se défiant avec des jeux inventés. Toujours avec Blaise.
Le fait que personne n'était là pour lui rattraper la balle fut vite déprimant. Deux heures après que Drago ait commencé, Cooky vint lui apporter un plateau avec des pommes et du jus qu'il déposa sur l'herbe avant de repartir, mais Drago ne prit rien. Il préféra rester dans les airs et virevolter sans but, en regrettant amèrement que son meilleur ami ne soit pas là.
Il était en train d'essayer d'enchaîner trois loopings à la suite quand il entendit soudain quelqu'un s'écrier dans son dos :
"Hey, Dray !"
Croyant rêver, Drago se tourna vers la voix et vit avec stupéfaction Blaise s'approcher du terrain, suivi de près par Théo, qui lui souriait. Aussitôt, le cœur de Drago se remplit d'une joie sans nom.
"Vous êtes là !" cria-t-il avec soulagement.
"Évidemment qu'on est là, tu n'as pas reçu notre carte ?" lança Théo, qui était toujours trop loin pour que Drago entende parfaitement sa voix.
"Ta carte, Théo." corrigea Blaise en entrant sur le terrain. "Dray, t'as de la place pour moi ?"
Drago hocha frénétiquement la tête, trop ému pour pouvoir exprimer à quel point il était heureux qu'il soit là. Blaise ouvrit le placard pour sortir son balai tandis que Théo levait les yeux au ciel en riant. Il s'installa par terre, à côté du plateau que Cooky avait apporté, sortit son livre de sa poche et commença à lire en mangeant la pomme.
Tandis que Blaise montait sur son balai, Drago réalisa alors qu'il n'avait pas vraiment besoin d'Occlumancie ou de Quidditch pour se sentir bien.
Voir ses amis lui procurait la même sensation de bonheur.
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Le 2 Août 1995, Drago décréta qu'il avait complètement acquis l'Occlumencie.
Il avait perfectionné toutes ses techniques, s'était entraîné des centaines de fois, avait rangé l'intégralité de ses souvenirs dans des livres de sa bibliothèque. Il pouvait maintenant naviguer librement dedans, sans même se sentir épuisé après l'avoir fait. Il pouvait fermer son esprit en moins de trois secondes et devenir complètement hermétique, paré à toute attaque possible. Il n'avait plus aucun doute sur ses capacités. Il était en pleine conscience de ses propres pensées.
Son père était finalement revenu de sa mission, plus accablé que jamais. Les cernes sur sa peau cireuse étaient flagrantes. Il avait l'air d'avoir passé un mois très difficile.
Dès qu'il était dans la même pièce que lui, Drago Occludait. Ça lui permettait de ne plus ressentir la même peur qu'avant. Il n'avait plus rien à cacher, c'était un fils modèle, parfaitement sain, sans aucun sentiment déplacé. Son père ne remarqua pas les changements physiques de son fils que causait l'Occlumancie. En fait, il ne remarqua pas grand chose : Lucius passait son temps enfermé dans son bureau, et ils dînaient rapidement et en silence.
Dès qu'il le pouvait, Drago se réfugiait donc chez Blaise.
Comme pour rattraper leur absence, Drago passa beaucoup plus de temps là-bas que chez lui. Pansy y allait souvent aussi, dès qu'elle pouvait s'absenter sans éveiller les soupçons de son père. Blaise, et surtout Théo, racontèrent de long et en large tout leur séjour en Italie. Théo était surexcité, lui qui n'avait jamais vraiment voyagé.
"Quelle chance vous avez !" avait soupiré Pansy, le soir où ils étaient revenus, juste après que Théo eut fait un long exposé sur le goût de la glace italienne Stracciatella. "Je n'ai même pas voyagé cet été !"
Drago avait essayé de ne pas penser au fait qu'il avait, lui, bien voyagé, dans le Londres moldu aux côtés de Granger.
"Qu'est-ce que tu racontes ?" avait-il plutôt demandé. "Tu es allée en France avec Rodolphus."
Il avait réalisé son erreur une seconde après l'avoir dit. Pansy avait grimacé en se rappelant de cette journée. Le départ de Rodolphus était toujours un sujet douloureux. Heureusement, Théo et Blaise n'avaient pas remarqué, et lui avaient demandé des détails sur sa journée, et Pansy s'était mis à raconter avec plaisir.
Le 2 Août, Drago décida donc qu'il était enfin prêt, et se dirigea donc vers le Manoir de Blaise d'un pas décidé.
Quand il arriva dans le jardin, Blaise, Théo et Pansy étaient assis à la table du jardin. Comme à leur habitude pendant l'été, ils flânaient et profitaient du soleil : Pansy était complètement allongée sur sa chaise, les pieds posés sur les cuisses de Blaise en face d'elle, avec un réflecteur solaire magicalement destiné à la faire bronzer plus vite. Théo lisait son livre en plissant les yeux, gêné par le soleil, et Blaise mangeait une pêche.
Quand il vit Drago arriver en trombe, Blaise s'esclaffa :
"Et bien, tu m'as l'air bien dynamique pour une heure si matinale."
"Il est 10h, Blaise." objecta Drago en prenant place sur une chaise vide autour de la table.
Aussitôt, Cooky se matérialisa pour lui apporter un thé glacé et des morceaux de pomme.
"Pendant l'été, toutes les heures avant midi sont matinales." fit remarquer Blaise.
"J'ai quelque chose à vous dire." annonça solennellement Drago en regardant ses trois amis.
"Ça peut attendre un peu ?" demanda Théo, sans lever la tête de son livre. "Je suis en train de lire un passage génial…"
Drago jeta un coup d'œil à la couverture : Le Songe d'une nuit d'été, d'un certain Shakespeare. Drago n'avait jamais entendu parler de ce bouquin, il en déduit donc que c'était moldu. Il s'éclaira la voix :
"Je suis enfin prêt à vous dire ce que je faisais le jeudi soir avec Rogue."
Aussitôt, Théo referma son livre, Pansy fit tomber son réflecteur et Blaise se redressa sur sa chaise.
"Quoi ?!" s'écrièrent-ils tous en même temps.
"Vraiment ?" s'exclama Théo, stupéfait.
"Pourquoi aujourd'hui ?" demanda Pansy.
"Je vous avais prévenu que dès que vous serez assez en sécurité pour que je puisse vous le dire, je vous préviendrai. Aujourd'hui, c'est le cas."
"Merlin, Drago, tu ne prépares pas un truc magique en cachette ?" demanda Théo avec une voix paniquée. "Le Ministère va te retrouver si tu utilises la magie avant tes dix sept ans !"
"Je suis au courant de cette loi, merci." répondit ironiquement Drago. "Non, ce n'est pas vraiment un truc magique, c'était plutôt… Un travail sur moi-même."
"Drago, dis-nous, bon sang !" s'impatienta Pansy.
"Rogue me donnait bien des cours particuliers, mais ce n'était pas sur l'Alchimie." expliqua-t-il. "C'était des cours d'Occlumancie."
Blaise et Pansy affichèrent des visages confus. Théo, lui, recula sur sa chaise comme si Drago l'avait frappé.
"T'es sérieux ?" demanda-t-il, stupéfait.
"Occluquoi ?" demanda Pansy.
"Occlumancie." répéta Drago. "C'est une technique de magie qui permet de fermer son esprit, et de ranger ses pensées au cas où quelqu'un essaierait d'entrer. Un Legilimens, en quelque sortes."
"Tu connaissais ça, Théo ?" demanda Blaise. "Tu l'as lu dans un de tes livres ?"
"Pas vraiment." dit-il, d'une voix soudain plus faible et basse. "C'est mon père. Il est Legilimens."
Drago fut surpris par cette révélation. Il s'attendait à ce que Théo connaisse déjà l'Occlumancie, mais il n'aurait jamais pensé qu'il aurait pu en subir les dommages.
"Tu veux dire que ton père a déjà forcé pour entrer dans ton esprit ?" demanda Pansy, écoeurée.
"Non, il ne l'a jamais vraiment fait." confessa Théo. "Il m'a simplement menacé plusieurs fois de le faire. Je savais pas que Rogue en était un."
"Il est surtout un Occlumens." corrigea Drago. "Il m'a appris à fermer mon esprit, et il s'est entraîné sur moi pour que j'apprenne à trier mes pensées de sorte à ce qu'aucun Legilimens puisse les lire librement."
"Entraîné sur toi ?!" répéta Blaise.
"Oui. Il a dit que j'en aurais sûrement besoin dans le futur et il s'est proposé pour me l'enseigner." expliqua-t-il. "C'est pour ça que vous m'avez trouvé dans cet état, la dernière fois. J'étais complètement drainé d'énergie, c'est assez… Intense, comme leçons. Mais maintenant, je suis complètement formé. Je peux fermer complètement mon esprit."
"Mais pourquoi en avais-tu besoin, plus que les autres ?" demanda Blaise, les sourcils froncés. "Qu'est-ce que tu avais besoin de cacher ?"
Drago échangea un très bref regard avec Pansy, qui resta silencieuse.
"Parce que ma famille a un lien avec le Seigneur des Ténèbres." dit-il. "Rogue a pensé que j'avais besoin de protéger des informations confidentielles, sur vous par exemple, pour ne pas mettre en péril ma place dans ma famille. Et maintenant que je suis un Occlumens, je peux vous l'apprendre aussi !"
"Hors de question." coupa Théo. "Je ne veux pas apprendre ça, je trouve que ça devrait être une magie noire, et interdite."
"Moi, je veux !" lança Blaise, surpris par le refus catégorique de Théo. "Sérieusement, tu ne veux pas apprendre à cacher ce que tu ne veux pas que quelqu'un puisse voir ?"
"Cacher quoi ? Je n'ai rien à cacher !" contesta Théo.
"Tu crois que le Seigneur des Ténèbres va apprécier le fait que tu lises ça ?" railla Pansy en pointant du doigt son livre.
"La Legilimancie sert à fouiller l'esprit pour trouver des informations compromettantes sur quelqu'un." précisa Théo. "Je ne pense pas que le Seigneur des Ténèbres serait intéressé par mes lectures du mois."
Théo secoua la tête, puis sembla réfléchir une seconde, fronça les sourcils, et changea d'avis :
"Finalement, ça pourrait être utile…"
"Moi aussi, je veux pouvoir Occluder." déclara Pansy en reprenant son réflecteur bronzant pour le coincer sous son menton. "Je ne sais même pas si mon père est un Legilimens, ça pourrait être pas mal de pouvoir se défendre au cas où. Est-ce que c'est pour ça que tu m'as demandé comment faire pour méditer, Drago ?"
Le concerné acquiesça. Dès qu'il entendit ça, Théo poussa un long soupir agacé, déjà découragé.
Les trois amis de Drago reprirent leur position, chacun encaissant la nouvelle qu'il venait de leur annoncer. Ils étaient perdus dans leurs réflexions quand Blaise déclara :
"En tout cas, je suis soulagé."
"Vraiment ?" s'étonna Drago.
"Oui… J'avais peur que… Je veux dire, des cours particuliers avec Rogue, aussi régulièrement… Je commençais à me poser des questions…" dit Blaise évasivement, avec un sourire en coin.
Drago mit quelques secondes à comprendre ce qu'il insinuait. Quand il réalisa enfin, il grimaça de dégoût :
"Putain, Blaise. Putain !"
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Hermione
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"Mione ? Mione ?"
Hermione entendit la voix de Ginny piquer doucement son sommeil. Elle papillonna des yeux et la vit, penchée au-dessus d'elle, ses longs cheveux roux de part et d'autre de son visage.
"Faut qu'on se réveille, maman est déjà en train de tout préparer…" chuchota-t-elle.
Hermione se concentra sur les bruits du Terrier : en bas, tout le monde s'agitait déjà. Elle pouvait entendre la voix perçante de la mère Weasley donner des ordres à tout le monde.
"D'accord, je me réveille." dit Hermione en se passant une main sur le visage.
Ginny sortit pour se laver le visage tandis qu'Hermione s'habillait et préparait ses bagages. Pattenrond fut surprenamment assez docile pour aller dans sa cage. Il se roula en boule dedans, légèrement inquiet par le voyage.
Quand les deux filles furent prêtes et qu'elles descendirent, elles se retrouvèrent face à un chaos sans nom.
Mrs. Weasley agitait sa baguette répétitivement pour organiser les affaires de tout le monde, ce qui faisait voler des dizaines d'objets au-dessus de leur tête. Les jumeaux, étant les plus grands, n'arrêtaient pas de se prendre des vêtements, de la vaisselle et des affaires de toilettes dans la figure, alors, ils se lancèrent un sortilège de Têtenbulle pour se protéger. Seulement, leur bulle firent rebondir l'intégralité des objets que Mrs. Weasley faisait voler, ce qui causait une cacophonie constituée de cris, de protestations, et de vaisselle cassée.
Hermione réussit tant bien que mal à regrouper ses bagages malgré le désordre de la pièce, en terminant par Pattenrond qui la regardait avec amertume. Ginny et Hermione aidèrent ensuite Mrs. Weasley à ranger les dernières valises, Ron les sorties à l'extérieur, et les jumeaux réussirent à glisser quelques farces et attrapes dans leur sac, dans le dos de leur mère débordée.
"Tout le monde est prêt ?" appela Mrs. Weasley, après une bonne demie-heure. "Allez, on y va !"
Tout le petit groupe se retrouvèrent à l'extérieur de la maison, dans le jardin, et Arthur ferma magicalement le Terrier avec plusieurs sorts complexes.
Hermione regarda la maison avec tristesse : elle aurait aimé passer plus de temps ici. Le Terrier représentait l'été, les vacances, la joie. En voyant Ron, elle vit qu'il devait penser la même chose. Il regarda autour de lui avec un air nostalgique sur ses traits.
Ginny, Ron et Hermione se virent ensuite attribuer une escorte de transplanage. Ginny alla avec son père, Ron avec sa mère, et Hermione avec Bill.
"Ne t'inquiètes pas, je l'ai déjà fait des centaines de fois." lui dit-il pour la rassurer.
Hermione hocha la tête, pas très apaisée tout de même. Transplaner avec les jumeaux n'avait pas été une très bonne expérience, et elle avait espéré ne pas avoir à subir ça de nouveau avant longtemps.
Un par un, chacune des paires disparurent dans l'air en tourbillonnant sur elles-mêmes. Quand ce fut leur tour, Hermione s'agrippa au blouson de Bill de toutes ses forces, ferma les yeux, et sentit le sol se dérober sous ses pieds violemment. Le trajet fut moins désagréable qu'avec Fred et George, mais la sensation était toujours aussi intense. Hermione n'ouvrit pas les yeux, et s'appliqua à respirer profondément, en ignorant le vertige qu'elle ressentait.
Quand ils atterrirent, Hermione se sentit tomber en avant, incapable de rester debout tant sa tête tournait. Quand elle ouvrit finalement les yeux, elle vit Ron à deux centimètres de son visage. Visiblement, il venait de la rattraper de justesse.
"Merlin, Mione !" s'écria-t-il.
"Je t'avais prévenu que j'avais le vertige." glapit-elle en se remettant debout. "Merci de m'avoir rattrapée."
Ron garda sa main quelques secondes de plus sur son bras, et elle sentit un frisson agréable en sentant ce contact. Puis, il la retira, et quand il se décala sur la droite, Hermione vit alors la maison devant laquelle ils étaient.
C'était une maison londonienne aux briques grises, et aux longues fenêtres blanches tout le long de la façade. Mais au moment où Hermione posa son regard dessus, toute la structure trembla, et la maison n°11 et n°13 s'éloignèrent l'une de l'autre tout doucement. Les Moldus qui regardaient la télévision à côté ne remarquèrent pas le mouvement.
Une nouvelle maison, plus grise et plus sombre, apparut alors entre les deux, comme si elle s'était glissée entre elles. Elle portait le numéro 12.
"Le sortilège de Fidelitas !" comprit Hermione.
"Exactement." dit Arthur. "Depuis que nous avons tous entendu l'adresse de Dumbledore, nous faisons partie du secret. Nous pouvons voir la maison, mais elle serait dissimulée pour tout autre passant qui passerait devant, moldu comme sorcier."
Les Weasley et Hermione regardèrent la maison qui avait apparue avec stupéfaction. C'était un Q.G extrêmement astucieux, parce que même que si quelqu'un de mal intentionné connaîssait l'endroit, il serait incapable d'y entrer.
Hermione fut tout de même surprise par la banalité du paysage devant elle. Elle s'était attendue à une immense bâtisse sorcière et noble, à cause de tout ce qu'elle avait entendu sur la prestance de la famille des Black. Elle avait imaginé un Manoir, comme celui dont Drago parlait souvent. Mais non, il s'agissait simplement d'une maison londonienne comme elle en avait déjà vu des centaines.
Arthur fut le premier à entrer, suivi par toute sa famille. Ils arrivèrent dans un long couloir poussiéreux, où ils durent faire la file indienne pour pouvoir atteindre la fin. Il faisait aussi sombre à l'intérieur que la façade extérieure. L'odeur était tellement désagréable qu'Hermione dû se boucher le nez.
Arthur ouvrit la porte et ils se retrouvèrent tous dans une grande cuisine, avec une immense table en bois au milieu, pouvant recevoir une bonne douzaine de personnes. Au milieu de cette dernière étaient assis Lupin et Sirius. Quand ils virent entrer les Weasley, les deux se levèrent simultanément.
"Oh, vous êtes là ! Super ! Oh, je suis tellement content de vous voir !" s'exclama Sirius.
Il alla saluer chaque personne chaleureusement, et étreignit même Ron et Hermione. Sirius n'avait jamais paru aussi propre depuis qu'Hermione le connaissait : il était rasé, et son visage n'était plus aussi émacié que lorsqu'il s'était échappé d'Azkaban. Ses cheveux étaient maintenant mi-longs et bouclés, et il portait une chemise pourpre surmonté d'un gilet noir en velours.
Hermione réalisa, pour la première fois qu'elle avait fait la rencontre du parrain d'Harry, qu'il était en fait assez séduisant. Elle rougit rien que d'y penser.
Les parents de Ron remercièrent Sirius de son hospitalité, remerciements que Sirius balaya d'un revers de la main.
"Oh, c'est moi qui devrais vous remercier. Accepter de vivre ici… Enfin un peu de compagnie dans cette maison lugubre…"
"À propos, Sirius…" commença tentativement Mrs. Weasley. "Cette maison, elle est…?"
"À moi, curieusement." répondit-il en contemplant les murs de la maison avec une petite moue dégoûtée. "Elle appartenait à mes parents, qui étaient aussi moisis que les murs de cet endroit. Comme ils sont tous les deux morts, tout comme mon frère, elle m'est revenue de droit contre leur gré. Mais ils me le font encore payer…"
"Payer ?" répéta Mrs. Weasley.
"Oh, oui." dit Sirius avec un soupir. "Vous allez bien vite vous en rendre compte. Ma chère mère n'aurait jamais laissé cette maison sans y placer quelques pièges, quelques objets maléfiques ici et là…"
Hermione regarda autour d'elle. La cuisine était moins sombre que le couloir, mais on pouvait aisément voir qu'elle n'avait pas été occupée depuis plusieurs années. Les meubles étaient pleins de poussière, et tous les objets présents semblaient ne pas avoir été nettoyés depuis des lustres. En plus de ça, l'odeur de moisissure persistait, ce qui faisait plisser le nez de Ginny.
Maintenant que Sirius avait parlé de maléfique, Hermione se rendit compte que les frissons qu'elle avait depuis qu'elle était entrée n'étaient pas dûs à la saleté, ou à l'ambiance sinistre de la maison. Elle sentait, comme si ça pesait dans l'air, des ondes de magie noire.
"Mais cessons de parler de ça, vous êtes là, c'est le plus important !" conclut Sirius en tapant dans ses mains. "Lupin et moi allons vous aider à monter vos bagages…"
À cet instant, la porte de la cuisine s'ouvrit et un elfe entra. Cet elfe n'avait rien à voir avec Dobby, qui malgré son physique elfique, avait toujours eu un visage jovial. Cet elfe-là était encore plus crasseux, et plus ratatiné. Il portait un chiffon délavé, aussi sale que le reste de la pièce. Quand il entra, il leva rapidement la tête pour les observer, avant de baisser de nouveau les yeux vers le sol.
"Tiens, des nouveaux arrivants, ça doit être les impurs dont le jeune maître a parlé il y a quelques jours…" murmura l'elfe, comme s'il parlait à lui-même sans se rendre compte qu'il disait tout à voix haute. "Tous ces rouquins, ces impurs, oh, que penserais ma maîtresse si elle était là ? Elle serait dévastée, dévastée de voir tous ces traîtres à leur sang dans sa Maison, la belle Maison…"
"Kreattur !" cria Sirius à l'elfe. "Cesse de marmonner !"
"Pardon, maître." dit Kreattur, bien que son ton indiquait le contraire. Il se remit alors immédiatement à marmonner : "Oh, et une jeune fille est là, mais Kreattur ne la connaît pas, et elle n'est pas rousse, Kreattur se demande qui elle peut bien être…"
"Enchantée, Kreattur." dit Hermione du ton le plus gentil possible. "Je suis Hermione Granger, une amie d'Harry Potter."
Elle vit Ron lever les yeux au ciel. Kreattur continua sa tirade sans s'interrompre :
"La fille parle à Kreattur, elle s'appelle Granger, Granger, Kreattur ne connaît pas ce nom… Elle n'est pas sorcière, Kreattur connaît tous les noms des Sang-Purs, elle n'en fait pas partie… Cette fille est une Sang-de-Bourbe, que dirait ma maîtresse…?"
En entendant l'insulte, tout le monde laissa échapper un petit cri de protestation. Hermione ne dit rien, trop perturbée : elle savait que cet elfe n'avait pas toute sa tête, mais entendre une appellation pareille était toujours désagréable.
"Hé !" cria Ron, révolté. "Je t'interdis de l'appeler comme ça !"
"Kreattur, monte et va préparer les chambres pour les invités, en silence !" hurla Sirius.
Pendant que l'elfe sortait sans cesser de grommeler, Sirius se tourna vers Hermione avec une expression penaude :
"Désolé, Hermione… N'écoute pas ce qu'il dit, il est complètement sénile…"
Elle hocha la tête avec un sourire crispé.
Sirius et Lupin aidèrent les Weasley à s'installer dans leur chambre. Comme au Terrier, Ginny et Hermione dûrent partager une chambre, ce qui ne les dérangeaient pas du tout : au contraire, elle était même un peu rassurée par la présence de Ginny à ses côtés.
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Très vite, Hermione et les Weasley comprirent pourquoi il était si nécessaire qu'ils viennent habiter là. Quand Dumbledore avait réclamé leur aide, Hermione n'aurait jamais pu envisager à quel point ils devraient nettoyer cet endroit. Les jours suivants, ils durent récurer chaque pièce de cette grande maison, et la débarrasser de toute la saleté, les créatures et les maléfices.
Bill et Arthur devant travailler tous les jours, Sirius, Lupin, Molly, Hermione, Ginny, Ron et les jumeaux furent les seuls à pouvoir nettoyer quotidiennement. Et Hermione n'avait pas eu le temps de le voir en arrivant, mais la maison était dans un piteux état. Tout, jusqu'aux meubles, était pourri. Ils durent jeter énormément d'objets, au grand malheur de Kreattur qui pleurait dès que quelque chose était retiré de sa précieuse maîtresse.
La maîtresse en question, la mère de Sirius, avait également réussi à faire coller son propre portrait dans le couloir, au milieu du rez-de-chaussée, avec un Maléfice de Glu Perpétuelle. Ils apprirent donc à ne pas faire de bruit dans le couloir principal, au risque de la réveiller et d'entendre une flopée d'insultes et de hurlements stridents. Sirius, malgré tous ses efforts, n'arriva pas à retirer le maudit portrait.
Pendant tout le reste du mois de Juillet, tout le monde travailla dur pour rendre la maison un peu plus habitable. Comme ils ne pouvaient pas utiliser la magie, Hermione, Ron et Ginny héritaient souvent des tâches les plus ingrates et plus ardues à faire à la main : dépoussiérer, trier, nettoyer.
La dernière semaine de Juillet, la maison fut jugée plus acceptable, et les réunions de l'Ordre du Phénix commencèrent. À leur plus grand malheur, les enfants n'y étaient pas conviés. Mrs. Weasley veillait particulièrement à ce qu'aucun d'entre eux n'entende la moindre information lors de ces réunions, et dès que l'un d'entre eux essayait d'en obtenir par un autre moyen, elle s'énervait. Les jumeaux en subirent les frais à de nombreuses reprises.
Hermione n'aima pas beaucoup cet été-là. Elle s'ennuyait dans cette maison hostile. Elle culpabilisait d'être à Londres et de ne pas pouvoir rentrer chez elle, dans sa maison si près. En plus, elle se faisait insultée à longueur de journées, soit par le portrait de la mère de Sirius, soit par Kreattur. Et même si elle excusait le comportement de l'elfe, elle devait avouer que ça lui faisait mal au cœur à chaque fois.
Ne pas pouvoir raconter à Harry était le plus difficile. Il envoya plusieurs lettres, de plus en plus pressantes à chaque fois. Hermione et Ron furent contraints de taire les détails et de dévier ses questions en lui parlant d'autre chose, ce qui était extrêmement difficile. Imaginer Harry, seul dans cette maison, avec sa famille atroce, à se poser mille et une questions, à se sentir exclu… Hermione pleura plusieurs fois en écrivant ses lettres. Le 31 Juillet, elle lui envoya une grosse boîte de chocolats d'Honeydukes pour essayer de lui remonter le moral, mais elle savait que son meilleur ami avait envie de réponse, pas de confiseries.
Plus d'une fois, Hermione pensa à rentrer chez elle. De Square Grimmaurd à Islington jusqu'à chez elle, il fallait compter que trente minutes en train. Elle fut tentée de prétexter devoir partir, et de passer le reste de l'été dans son Hampstead Heath, avec Danny et ses parents. Mais elle ne fit pas, pour une raison : Ron.
Ron avait l'air encore plus déprimé qu'elle. C'était la première fois depuis la seconde année qu'il ne passait pas l'été avec Harry, et il était facile de deviner que son meilleur ami lui manquait cruellement. Il ne comprenait pas la décision de Dumbledore, et fut sur le point de l'enfreindre plusieurs fois, jusqu'à ce qu'Hermione lui rappelle les enjeux. Il broyait du noir, dans cette maison sinistre. Il ne souriait plus, ne mangeait plus autant qu'avant. Hermione ne pouvait certainement pas partir, ça lui briserait trop le coeur, et elle ne pourrait jamais faire ça à son meilleur ami.
Le seul point positif de cette fin du mois de Juillet fut sa rencontre avec une personne en particulier.
Avec les réunions régulières de l'Ordre, Hermione vit passer des dizaines de sorciers, dont certains qu'elle connaissait déjà : Lupin, Maugrey Fol'Oeil, McGonagall, Rogue (quand ils le virent, Ron et elle s'était échangé un regard interloqué). Certains d'entre eux restaient pour le dîner, dont une certaine Auror, assez jeune, du nom de Tonks.
Hermione et Ginny s'entendirent bien avec elle dès le premier soir. Elle était fascinante, toujours avec une histoire captivante à partager. Pendant les premiers soirs après le début des réunions, ce fut la seule qui réussit à réchauffer l'atmosphère. Elle fit rire tout le monde, même Sirius, qui était devenu un peu maussade. Elle raconta aux filles ses années à Poudlard, son parcours pour devenir Auror, et surtout, elle leur montra son don de Métamorphomage, c'est-à-dire la capacité de changer son apparence spontanément.
Mais Tonks repartait souvent trop vite, pour participer à des missions bien plus importantes que de nettoyer Square Grimmaurd, et Hermione, Ginny, Ron et les jumeaux se retrouvaient de nouveau seuls, et démoralisés.
Alors, Hermione s'adonnait à la tâche, encore et encore, en se rappelant de pourquoi elle le faisait : aider l'Ordre, aider Harry, aider Dumbledore, participer à l'effort de guerre, même si elle était exclue de toutes les réunions. Et quand elle passait un long moment sur un travail particulièrement pénible, Hermione s'autorisait à s'évader dans sa propre tête, et se rappela de tous les petits moments à la Bibliothèque avec Drago.
C'était tout de suite plus facile, quand elle pensait à lui.
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Le 2 Août 1995, Hermione reçut une terrible nouvelle.
Elle était endormie depuis plus d'une heure, recroquevillée sous l'épaisse couverture, dans le lit voisin à celui de Ginny qui respirait doucement, berçant Hermione dans son sommeil. La pièce était plongée dans l'obscurité et le silence. Pattenrond était roulé en boule contre le flanc d'Hermione et ronronnait paisiblement.
Tout était tranquille.
… Jusqu'à ce que la porte de la chambre ne s'ouvre à la volée, et que la voix de Ron retentisse dans la pièce :
"Ginny, Hermione, réveillez-vous ! Il y a une urgence !"
Hermione se réveilla en sursaut. Elle aperçut la silhouette de Ron dans l'embrasure de la porte entre ses paupières à demi-ouvertes.
"Qu'est-ce qu'il se passe ?" maugréa Ginny, à moitié encore endormie.
"C'est à propos d'Harry !" hurla-t-il.
En entendant, les deux filles se levèrent dans un mouvement simultané. Hermione était, maintenant, complètement réveillée. La panique dans la voix de Ron arrivait à lui faire grimper sa tension à son apogée en l'espace de quelques secondes.
"Harry ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Ron ?" demanda-t-elle en se précipitant en dehors de la chambre.
"On ne sait pas, maman m'a juste dit… Venez, on va dans la cuisine…"
Ron était blafard, les yeux vitreux. Quand il s'accrocha à la rampe pour descendre hâtivement les escaliers, Hermione vit que sa main tremblait. Ginny descendait derrière elle, et elle avait du mal à respirer.
Ron, Hermione et Ginny entrèrent à toute vitesse dans la cuisine en s'écriant :
"Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Est-ce qu'Harry va bien ? Où est-il ?"
Ils s'arrêtèrent brusquement en voyant l'étrangeté de la scène. Molly était assise sur l'une des chaises de la table de la cuisine, en pyjama, le teint aussi blafard que son fils, les yeux dans le vide. Sirius se tenait à côté d'elle, une main sur son épaule, comme pour la consoler. Son visage était complètement fermé. On aurait dit qu'il était furieux.
"Arthur vient d'envoyer un Patronus…" commença Sirius. "Il a dit qu'il viendrait rapidement nous donner les détails."
"Les détails de quoi ?" s'impatienta Ron, au bord de la crise de nerfs. "Qu'est ce qui lui est arrivé ?"
"Harry s'est fait attaquer par des Détraqueurs, ce soir." annonça-t-il froidement.
Hermione sentit un poids l'écraser soudainement, menaçant de la faire s'effondrer par terre. Impulsivement, elle se cramponna à la main de Ron.
"Quoi ?!" vociférèrent Ron et Ginny en même temps.
"Qu'est-ce que c'est que ce raffut ?" demandèrent Fred et George, qui venaient de rentrer dans la pièce en bâillant.
"Harry s'est fait attaquer par des Détraqueurs !"
"Quoi ? Comment c'est possible ?" demanda George, dont le bâillement fut brutalement stoppé par la surprise.
Un craquement sonore se fit entendre, et la porte d'entrée s'ouvrit. Arthur entra alors dans la maison, visiblement troublé, et toujours vêtu de sa tenue de travail, ce qui laissait entendre qu'il n'était toujours pas rentré du bureau ce soir. Dès qu'ils l'aperçurent, tout le monde se précipita sur lui pour lui poser des questions.
"Un Détraqueur ?!" hurla Ron. "Papa, tu dois nous expliquer !"
"Je vais le faire ! Poussez-vous, Merlin !"
Arthur entra dans la cuisine à toute vitesse pour se mettre à côté de sa femme. Molly n'avait pas bougé, comme paralysée. Sirius se jeta presque sur Mr. Weasley :
"Que s'est-il passé, Arthur ?"
Arthur, au lieu de regarder la salle, s'adressa directement à sa femme :
"Harry et son cousin ont été attaqués par des Détraqueurs, ce soir, dans son quartier moldu." annonça Arthur gravement.
"Un quartier moldu ?!" répéta Ginny.
"Oui. On ne sait pas pourquoi ils étaient là, ou qui les a envoyés. Harry a réussi à les éloigner avec un sortilège de Patronus. Il va bien."
En entendant ça, tout le monde lâcha un soupir de soulagement.
"Comment a-t-il pu se faire attaquer ?!" s'énerva Sirius, pas du tout soulagé. "Où est Mondingus ? Ce n'était pas lui qui était censé surveiller Harry ce soir ?"
"Si, mais personne ne sait où il se trouve." dit Arthur, dont le visage s'était crispé de colère en prononçant cette phrase. "Il s'est échappé. Heureusement, Arabella Figg était assez proche, elle l'a raccompagné chez lui."
"Oh, ce Mondingus, je vais le tuer !" s'écria Molly, soudain enragée. "Comment a-t-il pu faire ça ? Comment a-t-il pu laisser Harry seul ? Merlin sait ce qui aurait pu lui arriver ! Oh, Harry !"
Prise par l'émotion, Mrs. Weasley explosa en sanglots. Elle se couvrit le visage avec les mains et essaya de reprendre contenance tandis que Mr. Weasley lui caressait gentiment le dos pour la calmer.
"Ce n'est pas tout." déclara-t-il après plusieurs secondes, et les poils de bras d'Hermione se redressèrent en entendant sa voix aussi sérieuse. "Le Ministère a vu qu'Harry a pratiqué la magie, et ils lui ont envoyé une lettre pour lui annoncer… Qu'il était exclu de Poudlard."
Hermione ouvrit grand les yeux et protesta de sa voix haut perchée :
"Mais ce n'est pas juste ! Il n'avait pas le choix, il l'a fait pour se défendre !"
Tout le monde hocha la tête pour montrer qu'ils étaient du même avis qu'elle.
"Ils ont envoyé une équipe pour venir directement chez les Dursley et lui détruire sa baguette magique." termina Arthur. "Il est également convoqué à une audience disciplinaire."
Ron lâcha une exclamation étranglée et serra fort la main d'Hermione contre la sienne. Elle sentit les larmes lui picoter les yeux. Poudlard sans Harry… Ce n'était pas possible…
"Saleté de Fudge !" fulmina Sirius, en tapant son poing sur la table de la cuisine avec force. "Ils font ça pour l'écarter ! Nous n'avons qu'à y aller, dès maintenant ! Les enfants, préparez-vous, on va tout de suite à Little Whinging, le sortir de la maison de l'oncle et de sa tante comme je le répète à Dumbledore depuis des années…"
"Non, Sirius ! On ne peut pas faire ça, et tu le sais très bien !" contesta Arthur, qui lui prit le bras pour l'arrêter dans sa marche. "Écoute moi ! Dumbledore a réglé le problème, il est arrivé au Ministère dix minutes après qu'Harry ait reçu la lettre, et il a convaincu le service des usages abusifs de la magie d'attendre l'audience pour déterminer la peine qu'Harry va devoir endurer…"
"Mais il ne devrait pas subir de peine du tout !" objecta Sirius, toujours en criant. "Il n'a rien fait de mal, c'est lui qui s'est fait attaquer par des Détraqueurs !"
"On sait, Sirius !" répondit Arthur sur le même ton. "Mais tu ne vas pas l'aider si tu viens le sortir de la maison de son oncle et de sa tante, tu vas simplement donner plus de travail à Dumbledore pour le sortir d'une situation déjà compliquée !"
Sirius tapa de nouveau son poing contre la table, et alla se poster devant la fenêtre de la cuisine en grommelant des paroles intelligibles. Hermione crut percevoir les mots "comme la dernière fois" et "Dumbledore".
Arthur soupira, et s'adressa de nouveau aux enfants face à lui :
"Harry va bien. C'est le principal. Nous allons devoir faire confiance à Dumbledore pour le tirer de là."
"Est-ce que nous pouvons lui envoyer une lettre ? Juste un mot, n'importe quoi ?" demanda Ron, ce qui ressemblait presque à une supplique.
Quand son père fit non de la tête, Ron retira sa main de celle d'Hermione pour serrer le poing de colère.
"Je suis désolé." dit Arthur tristement. "Ordre de Dumbledore. Mais je lui ai envoyé une lettre pour lui dire qu'on était en train de régler la situation, et qu'il ne devait surtout pas quitter le domicile, ou utiliser de nouveau la magie."
Sirius eut un ricanement sarcastique un peu plus loin. Arthur se tourna alors vers lui :
"Sirius, envoie-lui en une aussi. Rassure-le, il t'écoutera."
Malgré sa colère, le parrain d'Harry finit par acquiescer et prit une plume pour écrire un mot bref, pour lui ordonner de rester chez lui. Il l'accrocha à un hibou, qui s'envola, et la pièce fut soudain de nouveau silencieuse.
Au bout d'un long moment, Mrs. Weasley renifla, et lança sans les regarder :
"Les enfants, allez vous recoucher. On vous tiendra au courant s'il y a un changement. D'accord ?"
Hermione, Ron, Ginny et les jumeaux hochèrent la tête, trop épuisés pour contester l'ordre.
Évidemment, ils se regroupèrent tous les cinq dans la chambre des jumeaux, qui posèrent un sortilège de Silence autour de leur lit. Ensemble, ils discutèrent de ce qu'il venait de se passer. Ils restèrent longuement à discuter, et à compatir pour Harry. Quand Ron s'endormit sur l'épaule d'Hermione, ils se mirent d'accord pour continuer à en parler le lendemain, et ils regagnèrent chacun leur lit.
Mais Hermione fut incapable de retrouver le sommeil.
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Le lendemain, très tôt, quand Hermione arriva dans la cuisine, elle fut surprise de voir qu'elle était beaucoup plus peuplée que la veille : il y avait Lupin, Maugrey, Rogue, McGonagall, Tonks, Mr. et Mrs. Weasley, et d'autres personnes de l'Ordre qu'Hermione ne connaissait pas. Pensant entrer en plein milieu d'une réunion, elle se retourna en bredouillant timidement :
"Oh, excusez-moi…"
"Ne t'excuse pas, Hermione, tu n'interromps rien du tout." la rassura Lupin. "Nous avons eu des nouvelles pour Harry."
En entendant ça, Hermione oublia instantanément sa gêne d'être en pyjama en face de son professeur de Potions et se retourna brutalement :
"Quelles nouvelles ?"
"Nous allons le sortir de là." dit fièrement Tonks, qui avait les cheveux blancs, cette fois-ci. "Dumbledore nous a autorisés. Il peut venir ici."
Hermione ne cacha pas son soulagement. Elle s'assit à la table de la cuisine et Mrs. Weasley lui servit un grand thé. Pendant que tout le monde élaborait un plan pour le sortir de là, la mère de Ron se pencha légèrement vers elle :
"Il rentre à la maison." murmura-t-elle avec un sourire.
Hermione sourit aussi, pour la première fois depuis très longtemps.
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Mais évidemment, le jour où Harry arriva enfin ne fut pas synonyme des retrouvailles déchirantes auxquelles ils s'attendaient tous. Harry était furieux, et personne ne lui en voulait de l'être. Après tout, il avait été exclu pendant tout l'été, affamé par sa famille monstrueuse qui refusait de lui donner à manger convenablement, et traumatisé par les événements de la fin d'année précédente. Alors, Hermione et Ron le laissèrent leur crier dessus quand il arriva enfin au Square Grimmaurd.
"QUI EST-CE QUI A DÛ FAIRE FACE À DES DRAGONS, DES SPHINX ET TOUTES SORTES D'AUTRES HORREURS, L'ANNÉE PASSÉE ? QUI EST-CE QUI L'A VU REVENIR ? QUI A DÛ LUI ÉCHAPPER ? MOI !"
Hermione regarda son meilleur ami s'énerver sans pouvoir rien faire. Ron, à côté d'elle, était figé de choc.
"MAIS POURQUOI DEVRAIS-JE ÊTRE AU COURANT DE CE QUI SE PASSE ? POURQUOI SE DONNERAIT-ON LA PEINE DE ME DONNER DES NOUVELLES ?" continua-t-il, plus enragé que jamais.
"Harry, nous voulions te tenir au courant, crois-moi…" balbutia Hermione.
Elle savait que ces mots n'auraient aucun effet : Harry avait en lui une fureur bien trop profonde pour qu'il laisse sa raison le calmer. Il avait besoin d'hurler, de cracher sa colère et la peur, accumulées depuis plusieurs jours.
"VOUS N'AVEZ PAS DÛ VOULOIR BEAUCOUP, SINON VOUS M'AURIEZ ENVOYÉ UN HIBOU, MAIS DUMBLEDORE VOUS A FAIT JURER…"
"C'est la vérité…" dit Ron.
"PENDANT QUATRE SEMAINES ENTIÈRES, JE SUIS RESTÉ COINCÉ À PRIVET DRIVE, OBLIGÉ DE FOUILLER LES POUBELLES À LA RECHERCHE DE JOURNAUX OÙ JE POURRAIS TROUVER DES INDICATIONS SUR CE QUI SE PASSAIT…" continua Harry en contournant le lit de Ron pour éviter de les regarder en disant ça.
"On voulait…" commença Hermione, qui allait pleurer d'une seconde à l'autre.
"J'IMAGINE QUE VOUS VOUS ÊTES BIEN AMUSÉS, ICI, TOUS LES DEUX…" hurla Harry en montrant la chambre d'un geste de la main.
"Non, crois-moi…" dit Ron.
"Nous sommes vraiment désolés !" assura Hermione, qui sentait des larmes de désespoir monter. "Tu as parfaitement raison, Harry… à ta place, j'aurais été furieuse !"
Harry lui jeta un regard noir et se détourna pour regarder Hedwige. Hermione eut un sanglot étranglé. Elle savait qu'Harry était furieux, et elle comprenait parfaitement pourquoi, mais c'était toujours difficile de le voir aussi peiné. Pour la première fois de sa vie, elle sentit une vague de haine à l'encontre de son directeur. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi Harry était toujours mis de côté, alors que c'était la clé principale. Il méritait de savoir.
Même après qu'Harry se soit calmé, et que les jumeaux et Ginny les rejoignirent pour lui raconter les dernières nouvelles, Hermione se sentait toujours aussi mal.
Elle repensait sans cesse à ce qu'il avait dit, sur le fait d'avoir passé l'été seul, sans aucune nouvelle, coupé du monde. Qu'il lui hurle dessus était une punition qu'elle méritait, pensa-t-elle. Elle avait passé son mois de Juillet à parler avec Drago, à passer la journée avec lui à Londres, et elle en avait oublié le monde extérieur. Elle en avait oublié son meilleur ami, tout seul. Elle aurait pu aller le voir, elle aurait pu le sortir de là. Elle aurait pu chercher un moyen de lui faire parvenir des nouvelles, contourner les règles… Mais elle n'avait rien fait, parce qu'elle avait été obnubilée par un autre garçon. Et l'ennemi d'Harry, en plus de ça.
La culpabilité la rongea terriblement, jour après jour. Le nettoyage de la maison, l'impossibilité de rejoindre les réunions de l'Ordre, la volonté de retourner chez elle, tout fut effacé par la culpabilité. Elle n'arrêtait pas de penser à toutes les solutions qu'elle aurait pu trouver pour éviter à Harry de subir ce mois d'attente. Elle s'en voulait d'avoir écrit des longues lettres à Drago, alors qu'elle aurait pu les écrire à Harry.
Le jour de son audience au Ministère, Hermione attendait nerveusement à la table de la cuisine. Elle avait l'impression de ressentir tellement de stress que ça lui rongeait les entrailles. Elle regardait la cuisine en pensant à tout ce qu'elle pourrait faire si Harry était vraiment exclu. Elle s'enfuirait avec lui, s'il voulait bien d'elle. Tant pis pour Poudlard, tant pis pour les BUSES. Tant pis pour Drago.
Quand Harry et Mr. Weasley retournèrent dans la cuisine après ce qui semblait être des jours d'attente, Harry leur fit un petit sourire qui souleva instantanément le coeur d'Hermione.
"Je le savais !" s'écria Ron en donnant un coup de poing en l'air. "Tu t'en sors toujours !"
Hermione se tut, incapable de prononcer le moindre mot. Elle était tellement soulagée qu'elle fondit en larmes sans le contrôler.
"Pour des gens qui étaient sûrs que j'allais m'en tirer, vous m'avez quand même l'air bien soulagés." dit Harry avec un sourire.
Pendant que tout le monde dansait et exprimait sa joie de voir qu'Harry était disculpé, Hermione remercia intérieurement Merlin, Dieu, ou n'importe quel ange gardien qu'elle avait. Merci, merci, merci, répéta-t-elle dans sa tête sans arrêt.
Ce jour-là, précisément, Hermione se fit une promesse. Une promesse à la Granger.
Plus jamais je laisserais mes convictions et mes amitiés se faire reléguer au second plan, même pour Drago Malefoy.
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Une fois qu'Harry fut officiellement gracié le 12 Août, la vie reprit son cours au Square Grimmaurd. Hermione ressentait toujours cette culpabilité oppressante, alors pour se "punir", elle se refusa de penser à Drago. Elle arrêta de se distraire en s'imaginant ce qu'il faisait de ses journées. Elle nettoya sans y penser, pour bien sentir la pénibilité du travail. Il n'avait besoin qu'elle s'inquiète pour lui. Il avait un grand Manoir, des amis, une immense bibliothèque, un piano. Il ne passait pas un mauvais été. Harry méritait bien plus d'attention que lui.
Ce dernier s'habitua rapidement à la vie étrange de cette maison. Hermione suspectait que la présence de Sirius l'aidait à l'apaiser. Mais même s'il était de meilleure humeur que depuis son arrivée, Hermione voyait bien qu'il était plus peiné qu'avant. Il ne souriait pas comme avant, et parfois, il s'isolait dans les pièces trop bondées pour être seul.
Dès qu'elle assistait à ça, elle ressentait de nouveau cette culpabilité.
Le mois d'Août fut donc compliqué, lent, et pénible. Ginny n'en pouvait plus de nettoyer, elle n'arrêtait pas de se plaindre. Fred et George étaient constamment en train de se disputer avec leur mère, qui n'approuvait pas leur volonté d'implication dans l'Ordre. Quand elle découvrit qu'ils utilisaient des Oreilles à Rallonge pour écouter les réunions, Mrs. Weasley fut furieuse pendant trois jours consécutifs, et barricada la porte avec un sort d'Impassibilité. Ron était en meilleure forme depuis qu'Harry était revenu, mais il avait toujours cet air maussade qui lui ressemblait peu. Et Hermione était silencieuse, soucieuse pour son meilleur ami, et souffrait de terribles insomnies.
Les morals étaient donc au plus bas, quand, vers la fin du mois d'Août, Fred et George entrèrent dans la chambre de Ginny et Hermione un soir.
"On en a marre." déclarèrent-ils d'une même voix.
"Marre de quoi ?" demanda Ginny, qui était en train de se brosser les cheveux.
"De nettoyer !" s'écria Fred. "Tu sais ce qu'on a fait ce matin ? On a chassé les Doxys qui infestaient les rideaux du bureau du second étage. Et tu sais ce qu'on a fait, cette après-midi ? On a chassé les Doxys qui infestaient les rideaux de la chambre au fond du couloir. Oh, et tu sais ce qu'on a fait, ce soir ?"
"Laisse-moi deviner, chasser des Doxys ?" demanda Ginny avec un rire amer.
"Exactement." reprit George. "On en peut plus des Doxys. J'ai le goût du vaporisateur dans la bouche tellement je l'ai senti aujourd'hui."
"Qu'est-ce que vous faites ici ?" demanda Ron, qui venait d'entrer, avec Harry.
"Ferme la porte." commanda Fred. "On venait se plaindre."
"Vous plaindre ?" demanda sarcastiquement Ron, en prenant place sur le lit, à côté d'Hermione. "Vous avez eu le travail le plus facile aujourd'hui ! Vous, au moins, vous pouvez utiliser la magie !"
"La seule magie qu'on aurait pu utiliser aujourd'hui était un bon Incendio, pour brûler tous ces foutus rideaux." grommela George. "On a dû le faire comme des Moldus, parce que maman nous a confisqué nos baguettes."
"Les Moldus n'auraient jamais vaporisé ça sur des rideaux." contesta Hermione.
"Peu importe. J'en peux plus de regarder des rideaux toute la journée." soupira George. "Qui veut tester nos farces et attrapes ?"
Tout le monde secoua la tête.
"Hors de question. J'ai déjà donné." dit Ron d'un ton ferme.
Trois jours auparavant, il avait mangé une pastille de Gerbe par inadvertance en pensant qu'il s'agissait d'un bonbon ordinaire. Résultat, il avait vomi toute la journée, parce que les jumeaux n'avaient pas encore trouvé la bonne formule pour l'antidote.
"Qu'est-ce qu'on peut faire, alors ?" gémit Fred. "On s'ennuie !"
Tout le monde réfléchit silencieusement, excepté pour Hermione, qui lisait un livre dans son lit. Soudain, Ron s'écria :
"Le pari !"
"Quel pari ?" demanda Harry.
"Ron !" s'exclama Fred, les yeux brillants de bonheur. "Ron, pour une fois dans ta courte vie, tu viens d'avoir une brillante idée !"
"Euh… Merci." répondit le rouquin, les sourcils froncés.
"J'ai justement ce qu'il faut !" dit George d'un ton surexcité, avant de quitter la chambre rapidement.
Il revint deux minutes plus tard. Quand Hermione leva la tête de son livre, elle vit qu'il tenait un vieux balai dans les mains. Elle mit une minute entière à comprendre pourquoi tout le monde la regardait avec cet air d'impatience.
"Oh NON." dit-elle d'un ton tranchant.
"Je suis navré de te dire que tu n'as pas le choix, Hermione." annonça Fred avec une moue faussement attristée.
"C'est hors de question."
"Hermione, tu as perdu." rappela Ron. "Tu n'as pas le choix, tu dois monter sur ce balai."
"Mais je vais me cogner contre le plafond !"
"Il y a une cour, dehors !" dit George en regardant par la fenêtre de la chambre. "On a qu'à aller là, personne nous verra, tout le monde dort."
"Des Moldus habitent juste à côté !"
"Personne ne regardera dans la cour !" dit Fred. "Les lumières sont éteintes, tout le monde dort ! Allez, Mione, tu n'as qu'à monter juste une minute !"
"Et peut-être faire un petit looping." proposa George.
"Hors de question, c'est trop risqué." asséna Hermione en reprenant son livre.
"Allez, Mione, ça pourrait nous remonter le moral, on est tous tellement démoralisés…" dit Ron en lui prenant les livres des mains.
"En quoi me voir monter sur un balai vous remonterait le moral ?" demanda-t-elle d'un ton courroucé.
"Pour un tas de raisons." dit Fred, qui commença tout de suite à énumérer : "L'humiliation, en premier lieu. Le souvenir de ces journées d'été à faire du Quidditch dans le jardin. L'image gravée dans nos mémoires d'Hermione Granger, première élève de Poudlard, à monter sur un balai. La création d'un souvenir qu'on chérira tous pendant des années. La satisfaction d'un gage réalisé…"
"C'est- Ginny, aide-moi !" plaida Hermione en se tournant vers sa meilleure amie.
Cette dernière se mordit la lèvre, clairement hésitante.
"Oh, Mione, je suis désolée, je sais que tu as le vertige et tout ça… Mais c'est vrai que ça a l'air amusant…"
La brune grogna en entendant que son seul potentiel soutien était de l'autre côté. Elle regarda successivement tout le monde, puis marmonna :
"Pas à plus de deux mètres. C'est clair ?"
En entendant ça, tout le monde s'écria de joie, mais pas trop fort, pour ne pas réveiller la maison. Fred et George descendirent en premier pour vérifier que la voie était libre, puis, Ron, Harry, Ginny et Hermione prirent les escaliers à leur tour, le plus délicatement possible. George ouvrit la porte arrière et ils se retrouvèrent tous les six dans un minuscule carré de jardin, à l'arrière de la maison. Une brise estivale s'infiltra dans les cheveux d'Hermione. Ils n'étaient pas sortis depuis tellement longtemps que chacun profita de l'air extérieur quelques secondes.
"Où est-ce que vous avez trouvé ce balai, d'ailleurs ?" demanda Harry, qui inspecta le manche.
"Dans le grenier." répondit George en haussant les épaules. "On l'a trouvé quand maman nous a demandé d'aller chercher des draps là-haut. Il a l'air vieux, mais il n'est pas en si mauvais état."
"C'est un Brossdur !" réalisa Ron en voyant la marque gravée dans le bois. "Pas mal ! À qui pensez-vous qu'il appartient ?"
"Aucune idée." dit Ginny.
"En tout cas, maintenant, il est à toi, Mione." dit Fred avec un grand sourire, en lui tendant le balai en question.
Hermione attrapa le manche avec ses deux mains. C'était la première fois depuis les cours de Vol qu'elle en tenait un. En le sentant vibrer, elle eut un frisson d'angoisse le long de son échine.
"Tu sais comment le monter, au moins ?" demanda George avec un sourire sarcastique.
Hermione lui lança un regard noir. Elle posa l'extrémité du balai par terre et passa sa jambe de droite par-dessus le manche, sur la pointe des pieds.
"Je n'en reviens pas que je fais ça en pyjama." grommela-t-elle, plus pour elle-même que pour les autres.
"Allez, Mione, fais pas ta chochotte, c'est juste un balai !" dit Ron avec un rire moqueur.
"Hermione a le vertige, idiot !" s'exclama Ginny en se tournant vers son frère. "Si je te mettais une araignée sous ton oreiller, et que je te disais que c'était juste une araignée, tu rigolerais ?"
Ron arrêta immédiatement de rire et regarda sa soeur avec effroi. Harry éclata de rire en voyant sa tête.
"Tu ne ferais pas ça, si ?" demanda-t-il d'une petite voix.
Ginny leva les yeux au ciel et demanda à Fred et George :
"Est-ce que je peux au moins monter avec elle ?"
"Désolé, petite soeur, mais les conditions du pari précisent qu'Hermione doit le faire seule." trancha George, intransigeant.
"Merci, Ginny." dit Hermione, qui sentait son estomac se nouer à l'idée de décoller du sol.
Elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration. Puis, elle frappa doucement le sol avec son pied gauche et sentit le balai s'élever de quelques centimètres du sol. Ses chaussettes effleurèrent une dernière fois l'herbe, et elle fut dans les airs.
"Ouvre les yeux, Mione !" conseilla Ron.
Elle obéit. Quand elle baissa la tête, elle vit qu'elle était à plus de deux mètres du sol. Elle atteignait presque la fenêtre de l'étage. Elle voulut crier de surprise, mais l'exclamation resta coincée dans sa gorge.
"Ne regarde pas en bas !" dit Ginny, alors Hermione leva la tête.
De là où elle était, elle pouvait voir tout l'intérieur de l'appartement moldu d'à côté. Tout le salon était éteint, et la fenêtre de la chambre était fermée. Hermione soupira, soulagée qu'aucun Moldu ne pouvait la voir voler de la sorte. Ils pourraient avoir de gros problèmes s'ils se faisaient voir, une possibilité qui l'inquiétait presque plus que d'être aussi haut.
Elle sentit ses fesses glisser doucement contre le manche du balai et elle s'agrippa avec toutes ses forces pour ne pas tomber. Soudain, elle se souvint soudainement du conseil de Drago, écrit dans l'une de ses lettres en italique : "Penche toi le plus en arrière possible. Ça t'évitera de voir le sol et tu glisseras moins sur le manche."
Elle pouvait presque entendre sa voix à son oreille. Elle appliqua son conseil et se pencha en arrière, malgré sa volonté de se mettre en avant. Le balai se redressa et Hermione put apercevoir les étoiles au-dessus de sa tête.
"Comment je fais ?" piailla-t-elle d'une voix étranglée. "Comment je fais pour descendre ?"
Pour toute réponse, elle vit un flash. Quand elle baissa les yeux, elle vit Fred tenir une caméra sorcière entre les mains.
"FRED !" gémit-elle un peu plus fort. "Arrête de prendre des photos et dis-moi comment je fais pour descendre !"
"Désolé, c'était pour ceux qui voulaient une photo dédicacée." répondit-il. Elle pouvait voir son sourire malicieux rien qu'en entendant sa voix.
"Tu dois juste pencher le manche vers l'avant !" dit Harry.
Hermione sentit son estomac se contracter en entendant ça. Ses jambes tremblaient dans son bas de pyjama.
"J'ai peur !"
"Hermione, tu es à deux mètres de haut." dit George avec un ton amusé. "Même si tu tombes, tu ne sentiras rien du tout."
Ce n'était pas une pensée très rassurante, mais elle permit à Hermione de se ressaisir. Elle pensa à tous les Gryffondors qu'elle connaissait, et prit son courage à deux mains, et appuya son poids sur le manche. Elle perdit aussitôt de l'altitude. Quand elle sentit le bout de ses chaussettes toucher la pelouse, elle dégringola rapidement en arrière et tomba sur les fesses.
"Un atterrissage digne des plus talentueux joueurs de notre génération." commenta George en l'aidant à se relever.
"Une dédicace, Miss Granger ?" demanda Fred en lui tendant la photo d'elle, les jambes crispées contre le manche du balai, les yeux fermés.
Elle ne put s'empêcher d'éclater de rire avec les autres.
