tw : Ombrage

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Drago


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"C'est Weasley ?! Le préfet de Gryffondor, c'est Weasley ?" chuchota Pansy dans l'oreille de Drago d'un ton révolté.

Drago avait été tellement happé par sa vision de Granger, assise sur le rang devant lui, qu'il n'avait même pas remarqué qui l'accompagnait. Et effectivement, quand il regarda sur la chaise à sa gauche, il reconnut les cheveux roux de Weasley. Il haussa les sourcils. Il se doutait que Granger serait préfète (qui d'autre pourrait l'être si ce n'était pas elle ?), mais il ne s'attendait certainement pas à ce que Weasley soit l'autre préfet de Gryffondor.

"Il est aussi bête que Crabbe et Goyle !" continua de chuchoter Pansy. "J'étais sûre que ça serait Potter !"

"Moi au-"

"Hé, vous, là-bas !" s'écria la Préfète-En-Chef en pointant Pansy et Drago du doigt. "Vous avez quelque chose à dire ? Une objection au règlement, peut-être ?"

Drago décréta sur le champ qu'il détestait cette fille.

"Non, pas du tout." répondit Pansy, du ton mielleux qu'elle réservait d'habitude aux professeurs qu'elle voulait impressionner. "Je me demandais simplement : dans quels cas pouvons-nous être amenés à retirer des points ?"

"Ah. Euh… On va y venir." dit la Serdaigle, qui ne s'attendait visiblement pas à ce que Pansy lui réponde.

Pansy lui fit un sourire faux et continua de chuchoter dès que la Serdaigle poursuivit son explication :

"Théo va être furieux. Quand il va apprendre que Weasley a été élu préfet et pas lui…"

"Il te reparle, à toi ?" murmura Drago en se tournant vers sa meilleure amie.

"Oui, un petit peu." répondit-elle sans le regarder.

"Et pourquoi est-ce qu'il continue de m'ignorer, moi ?"

"Je ne sais pas, j'imagine qu'il est… Un peu jaloux."

"Jaloux ?" répéta Drago, abasourdi. "Ce n'est pas moi qui ai choisi d'être préfet, Merlin ! C'est à Rogue qu'il devrait faire la gueule !"

"Oui mais tu connais Théo… Il est vexé, et il a besoin de porter le blâme sur quelqu'un. Que ce soit toi est un has-"

"Vous pouvez arrêter de parler, tous les deux ?!" s'impatienta la Préfète-En-Chef, qui était maintenant en train de lire une clause du règlement intérieur de l'école.

Cette fois-ci, Pansy ne répondit rien et se mise droite sur sa chaise, feignant d'écouter. Granger tourna alors subtilement la tête pour jeter un regard sévère à Drago, qui faillit éclater de rire en voyant son visage si autoritaire. Voir Granger aussi sérieuse était toujours aussi jubilant.

Tandis que les deux Préfets-En-Chef continuaient de débiter un flot de paroles que Drago n'écoutait pas, il observa les cheveux ondulés de Granger. Ce jour-là, elle ne les avait pas attachés, et Drago réalisa qu'il adorait quand elle lâchait ses cheveux de la sorte. Elle était plus… Granger.

Il ne savait pas vraiment pourquoi ses pensées prirent une tournure aussi nostalgique, probablement parce qu'il se trouvait dans le Poudlard Express, mais Drago se rappela soudain de la première fois qu'il avait vu Granger. Un sourire arqua le coin de sa lèvre en se rappelant de ses cheveux ébouriffés, et de ses joues roses qu'il n'avait jamais vu jusqu'alors. Il se souvint aussi qu'il avait pensé qu'elle avait une voix haut-perchée agaçante. Il ne le savait pas encore à ce moment-là, mais c'était désormais sa voix préférée. Il pouvait donner tout ce qu'il avait pour l'entendre. Il n'avait pas entendu sa voix depuis tellement longtemps…

Dès la première fois qu'il l'avait vue, il savait qu'elle allait devenir préfète. Elle était destinée pour ce poste, personne d'autre ne méritait d'être plus préfète que Granger. Merlin, même la Préfète-En-Chef chiante devant lui le méritait moins que Granger.

Quand il vit qu'elle était en train de prendre des notes du règlement sur un calepin, il étouffa un rire.

"Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?" demanda aussitôt Pansy en murmurant.

"Rien." répondit-il en détournant le regard.

"On s'ennuie, non ?" demanda-t-elle en croisant les jambes dans un geste impatient. "Tu penses que ça va durer enco-..."

"Miss Parkinson, pourriez-vous répéter ce que je viens de dire ?" demanda la Préfète-En-Chef en voyant Pansy discuter.

"Qu'il ne fallait pas abuser de sa position pour enlever plus de points que nécessaire." répondit Pansy immédiatement, en fixant la Serdaigle dans les yeux.

Cette dernière ne put que bredouiller un "très bien", et reprit le cours de sa lecture.

"Je la déteste." chuchota Pansy à l'oreille de Drago. "Pourquoi est-ce qu'elle me reprend à chaque fois ?"

"Peut-être parce que tu parles sans arrêt." dit Drago avec un petit rire.

"C'est logique que je parle, on se fait chier à mourir ici…"

Elle sortit son petit miroir de poche et inspecta son rouge à lèvres. Drago se reconcentra sur la réunion :

"... - rondes seront par paires, avec un préfet et une préfète. Vous devrez donc surveiller les couloirs du Château pour vérifier que chaque élève est bien dans sa Salle Commune avant le couvre-feu. Pour rappel, le couvre-feu pour les premières et deuxièmes années est à 20h, troisièmes et quatrièmes années à 20h30, et pour le reste, 21h."

Drago et Pansy eurent un ricanement simultanément. Aucun des deux n'avait respecté le couvre-feu depuis la première année.

"Tout élève qui sera retrouvé dans les couloirs après son couvre-feu se verra retirer des points, ou même donné une retenue, si c'est un comportement répétitif." continua le Préfet-En-Chef, un Gryffondor que Drago n'avait jamais vu. "Lorsque vous êtes en ronde, vous devez inspecter chaque couloir jusqu'à 23h30."

"Étant donné qu'il y a six préfets par Maison, vous aurez enviro rondes par mois." poursuivit la Serdaigle. "Mais vous ne serez pas forcément en pair avec le préfet de votre Maison, vous pouvez être avec un préfet d'une autre Maison, mais toujours de votre promotion."

Drago vit Granger noter ces informations à toute allure dans son petit carnet.

"Les plannings des rondes seront affichés un mois avant dans vos Salles Communes et dans la salle de Métamorphose." indiqua le Gryffondor. "Vous pouvez évidemment échanger des rondes entre vous, si l'une d'entre elles ne colle pas avec une activité extra-scolaire, par exemple."

"Les fêtes, ça compte ?" demanda sarcastiquement Pansy dans l'oreille de Drago.

Le Préfet et la Préfète-en-Chef distribuèrent ensuite des brochures qui résumaient ce qu'ils venaient de dire, et le planning des rondes de Septembre. Granger se jeta dessus dès qu'elle le reçut et l'analysa dans une concentration extrême. Drago vit Weasley se moquer d'elle, mais elle l'ignora somptueusement.

Pansy rangea le papier sans même le consulter, déjà impatiente de finir la réunion. Drago y jeta un coup d'oeil pour chercher son nom :

"Mercredi 10 Septembre : Drago Malefoy et Pansy Parkinson.

Vendredi 19 Septembre : Drago Malefoy et Hermione Granger.

Mardi 29 Septembre : Ernie MacMillan et Drago Malefoy."

La coïncidence était trop belle. Il leva automatiquement les yeux vers Granger en voyant leur deux noms côte à côte et croisa son regard. Visiblement, elle avait vu cette ligne aussi. Elle détourna les yeux aussitôt et écouta plutôt Weasley à côté d'elle, mais Drago pouvait voir qu'elle était pensive.

Une ronde avec Granger jusqu'à 23h30 dans Poudlard. De quoi pouvait-il rêver de mieux ?

"Merci à tous de nous avoir écoutés !" dit la Serdaigle insupportable. "N'oubliez pas que vous devez impérativement surveiller les élèves quand le train arrivera, surtout ceux de premières années qui seront probablement un peu perdus. Oh, et bien sûr, vous avez accès la salle de bains des préfets du cinquième étage. Le mot de passe est "Fleur de lin". Vous devez évidemment le communiquer à personne d'autre !"

La réunion se termina et tous les élèves se levèrent en même temps.

"On y va ?" proposa Pansy à la seconde où elle se leva. "Je meurs de faim."

"Ouais, allons-y."

Drago rangea la brochure dans son sac et regarda une dernière fois Granger. Il fut étonné de voir qu'elle était en pleine discussion avec Ernie MacMillan, le préfet de Serdaigle. Il fronça les sourcils. Il n'avait aucune idée que Granger était si populaire. Il n'aimait pas trop ça.

Il décréta sur le champ qu'il haïssait Ernie MacMillan.

Pansy ouvrit la porte du wagon et il fut contraint de la suivre. Elle marcha le long du couloir et s'arrêta à un compartiment dont elle fit coulisser la porte.

"C'était nul, et chiant." annonça-t-elle dès qu'elle entra. "Ils auraient mieux fait de nous donner une brochure directement."

Drago entra derrière elle. Blaise, Théo, Crabbe et Goyle étaient déjà installés sur les banquettes. En voyant le visage de Théo, Drago comprit directement qu'il n'avait pas terminé de bouder. La présence de Crabbe et Goyle ne devait pas aider à remonter son moral. Drago et Pansy s'assirent sur la banquette en face de Théo et Blaise.

"Alors ? Qui sont les autres préfets ?" demanda Blaise en posant son magazine de Quidditch pour écouter Pansy.

"Goldstein et la jumelle Patil pour Serdaigle." lista Pansy sans hésiter. "MacMillan et Abbott pour Poufsouffle…"

"Abbott ?" répéta Blaise avec un petit sourire.

"Oui, pourquoi ?"

"Elle est jolie, non ?" demanda-t-il avec une lueur amusée dans le regard.

"Merlin, Blaise, elle est à Poufsouffle !" s'écria Pansy, écoeurée.

"Et alors ? Ça ne m'a jamais dérangé."

"Tu sortais avec ma meilleure amie je te signale, je ne suis pas censée savoir ce genre de détails !" se lamenta Pansy.

"Désolé. Continue." répondit-il simplement, sans quitter son sourire malicieux.

Pansy reprit sa liste en comptant sur ses doigts :

"Granger à Gryffondor…"

Drago nota que Pansy avait craché son nom comme s'il était venimeux.

"Évidemment." dit Blaise en hochant la tête.

"Et Weasley." conclut Pansy.

"Weasley ?!" s'exclama Théo en posant brutalement son livre. "Tu plaisantes ?"

Il avait manifestement écouté toute la conversation.

"Ouais, Weasley. On était persuadés que ça serait Potter." dit Pansy en haussant les épaules.

"Peut-être que quelqu'un a enfin réalisé que Potter n'était peut-être pas le parfait élève qu'ils essayent de nous faire gober." dit Blaise d'un ton blasé. "Je veux dire, il n'a jamais de retenue, alors qu'il est constamment au centre des problèmes."

"Mais mettre Weasley à la place ?" rétorqua Pansy. "Dumbledore a vraiment perdu la boule."

Tout le monde approuva d'un hochement de tête, y compris Crabbe et Goyle, qui avaient pourtant du mal à suivre la conversation.

"Weasley…" répéta Théo, outré. "Non mais vraiment…"

Pansy avait raison : il était furieux. Il évitait soigneusement de regarder Drago, comme s'il n'existait pas, et reprit son livre pour faire semblant de lire.

Drago comprenait pourquoi il était vexé, mais ses réactions commençaient sérieusement à l'agacer. Ce n'était pas de sa faute s'il avait été nommé préfet ! Pourquoi parlait-il à Pansy et pas à lui ?

Il décida de l'ignorer aussi, et le compartiment tomba dans le silence. Sans vraiment savoir pourquoi, Drago était furieux. Et quand il baissa les yeux et vit son insigne sur sa robe, il lâcha un grognement et le retira prestement. Ce rôle de préfet n'était définitivement pas aussi amusant qu'il l'avait pensé la veille.

Il se tourna vers la fenêtre et essaya de penser à autre chose. Ses pensées dévièrent immédiatement vers l'étrange chien de la gare. Il avait vraiment eu un comportement anormal, et Drago était persuadé qu'il y avait quelque chose qui se tramait derrière. Il n'avait jamais vu Potter avec un chien. Il s'en serait souvenu.

"Hey, est-ce que Potter a un chien ?" demanda Drago à l'adresse de Pansy, qui était à moitié couchée sur lui.

Pansy fronça les sourcils. Drago se rendit compte que le wagon était plongé dans le silence depuis très longtemps, et que c'était bizarre de l'interrompre avec cette question. Du coin de l'œil, il vit Blaise et Théo lui jeter un regard interloqué.

"Euh, non ? Les chiens sont interdits à Poudlard." répondit Pansy.

"Je sais ça." répliqua Drago, un peu plus fort que ce qu'il aurait voulu. "Mais je l'ai vu avec un chien à la gare."

"Tu as dû rêver." intervint Blaise. "C'était peut-être un chat ?"

"Crois-moi, ce n'était vraiment pas un chat." dit Drago, se souvenant de la taille impressionnante de la bête.

"Et tu es sûr que c'était celui de Potter ?" demanda Théo, oubliant soudainement qu'il lui faisait la tête.

"Oui ! Il jouait avec ! Il était énorme, il devait faire trois fois sa taille !"

"Tu es sûr que ce n'était pas Lupin qui s'est transformé plus tôt ?" demanda Pansy avec un rire mesquin, en reprenant son magazine Boule de Cristal.

"Non !" répondit Drago, mais il vit que plus personne dans le compartiment l'écoutait.

Blaise avait lui aussi repris sa lecture, et Crabbe et Goyle discutaient tous les deux. Seul Théo était attentif à ce qu'il racontait, mais quand il vit que c'était le seul, il se rallongea sur la banquette et retomba dans son silence boudeur.

Au bout de plusieurs minutes, Drago ressentait toujours cette colère bouillonnante sous sa peau, alors il se leva subitement, bousculant Pansy au passage.

"Hé ! Où tu vas ?!" demanda-t-elle, surprise par son mouvement brusque.

"Je vais… Me dégourdir les jambes." dit Drago en traversant le compartiment pour atteindre la porte. "Goyle, Crabbe…?"

Les deux garçons se levèrent d'un coup, toujours aussi heureux de participer. Blaise soupira :

"Tu vas encore emmerder Potter ? Dray, après toutes ces années…?"

"Je veux savoir ce qu'il se cache derrière ce chien !"

Blaise leva simplement les yeux au ciel en guise de réponse. Pansy ne faisait plus attention à la conversation, trop immergée dans ses horoscopes.

Juste au moment où Drago fit coulisser la porte et qu'il posa un pied dans le couloir, cependant, il entendit distinctement la phrase acerbe de Théo dans son dos :

"Super exemple, préfet."

Drago ne répondit rien et s'engagea dans le couloir du train, flanqué par Crabbe et Goyle. Pourtant, la rage le consumait de l'intérieur. La phrase pleine de sarcasme de Théo était ancrée dans son crâne.

Il Occluda, et toute l'affection qu'il ressentait envers Théo, son meilleur ami, disparut loin dans son esprit.

"C'est vrai, Drago ? On va vraiment faire chier Potter ?" se réjouit Goyle, qui faisait craquer ses doigts dans un geste menaçant.

Drago n'avait, en réalité, toujours pas digéré ce que Crabbe et Goyle avaient fait à Granger, peu de temps avant la troisième Tâche. Il avait même encore du mal à les regarder dans les yeux. Mais, l'esprit aussi vidé, c'était toujours plus facile de les supporter.

"Ouais." grommela-t-il, en poussant une première année qui gênait son passage.

Il n'eut aucun mal à trouver le compartiment de Potter : c'était toujours le plus rempli du train. Quand il ouvrit la porte, il tomba sur Londubat, Weaslette, Weasley, Potter, Granger, et une fille blonde qu'il n'avait jamais vu. En plus de tout ce monde, il y avait aussi deux hiboux, le chat de Granger et un crapaud. Pas de chien noir.

"Qu'est-ce que tu veux ?" lâcha Potter en le voyant arriver.

Drago posa son regard sur lui et esquissa un sourire moqueur. Potter avait toujours été maigre, mais ce jour-là, c'était flagrant. Il avait l'air plus épuisé que jamais.

"Poli, Potter, sinon je serai obligé de te donner une retenue." railla Drago.

Il dévia ensuite subtilement son regard vers Granger : elle était toute rouge. Il ne savait pas si elle était gênée de le voir lui, ou s'il avait juste raté un moment embarrassant pour elle. Ils échangèrent un regard, elle honteuse, lui énervé.

La voir écarta toutes les émotions qu'il ressentait à cet instant.

Pendant une seconde, il ne vit qu'elle. Le wagon autour d'eux était vide, tout son être était aspiré par ses prunelles chocolat et ses joues rouges. Il pensa à sa propre phrase, qu'il avait prononcée cet été. Granger, je suis amoureux de toi.

Est-ce qu'elle y pensait aussi ?

Elle détourna le regard. Drago cligna des yeux, et balaya ses yeux sur le reste du wagon. Il y avait une fille blonde qu'il ne reconnaissait pas, et il remarqua qu'elle tenait son magazine à l'envers. Pourquoi Granger traînait-elle avec cette fille ?

Il refocalisa son attention sur Potter :

"Tu vois, contrairement à toi, j'ai été nommé préfet, ce qui signifie que, contrairement à toi, j'ai le pouvoir de distribuer des punitions."

En une seconde, il comprit qu'il avait touché un point sensible. Granger fit les gros yeux, Weasley se ratatina dans son siège, et Weaslette fronça les sourcils dans une mine qu'elle devait penser être menaçante.

"C'est ça." répliqua Potter. "Mais toi, contrairement à moi, est un imbécile, alors dégage et fiche-nous la paix."

Le compartiment éclata de rire. Drago sentit la colère ressurgir, plus forte encore. Il entendit Crabbe grogner dans son dos.

"Dis-moi, Potter, quel effet ça fait de se retrouver deuxième après Weasley ?" cracha-t-il.

Aussitôt, Weasley cessa de rire. Il jeta un coup d'œil inquiet vers son meilleur ami. Drago avait raison : il avait bel et bien touché un point sensible. L'élection des préfets n'avait pas dû être une soirée drôle pour eux non plus…

"Ferme-la, Malefoy." répliqua Granger d'un ton sec.

C'était la première fois qu'il entendait sa voix depuis qu'elle lui avait dit au revoir à Hampstead Park. Elle était haut-perchée, comme à chaque fois qu'elle était agacée, mais cette fois-ci, Drago n'en profita pas autant que d'habitude. Cette fois-ci, il haït cette voix, parce qu'elle était pleine de rancœur.

Il réalisa alors avec horreur que c'était la première fois que Granger osait lui parler de la sorte devant ses précieux Potter et Weasley. Et cette constatation le blessa autant qu'elle l'énerva.

Il Occluda pour ne pas montrer à quel point ça le touchait.

"Tiens, on dirait que j'ai touché un point sensible." constata-t-il avec un sourire narquois. "En tout cas, fais attention à toi, Potter, parce que je vais te suivre à la trace, comme un chien, et si jamais tu fais un pas de travers…"

Les yeux de Granger s'agrandirent, et il sut qu'il avait eu raison. Il y avait bien quelque chose de bizarre derrière ce chien. Sa réaction le prouvait.

"Fiche le camp !" piailla-t-elle en se levant brusquement.

Elle s'avança vers lui, et juste avant de fermer la porte, elle regarda successivement Crabbe et Goyle, et ses traits s'affaissèrent légèrement. Puis, elle lui lança le regard le plus noir, le plus vénimeux qu'elle pouvait, et lui claqua la porte au nez.

Drago savait ce qu'elle pensait. Il pouvait lire en elle comme sur un livre ouvert. "Comment peux-tu toujours être avec eux après ce qu'ils m'ont fait ?"

En rebroussant chemin, Drago se dit qu'il n'en avait aucune putain d'idée. Comment pouvait-il continuer à leur parler, alors qu'ils avaient blessé Granger ? Comment pouvait-il les utiliser pour la faire chier ?

Il serra et desserra le poing plusieurs fois pour essayer de faire passer toutes les émotions qui le traversaient : la colère, la culpabilité, le regret. Il avait eu ce qu'il voulait. Il avait réussi à faire chier Potter et Weasley, et à confirmer ses doutes sur ce chien.

Mais pourquoi ce n'était pas aussi satisfaisant que ce qu'il pensait ? Pourquoi se sentait-il aussi mal ?

"T'as vu, Drago, il n'y avait pas de chien." constata Crabbe une fois qu'ils furent devant leur compartiment, sur un ton fier, comme s'il avait percé un mystère particulièrement difficile.

Drago ne réagit pas. Quand il posa sa main sur la poignée, il se rappela soudain de l'attitude de Théo et arrêta son geste :

"Allez-y, les gars, je vais… Continuer à marcher." dit Drago d'un ton évasif, et il s'éloigna sans qu'ils aient le temps de répondre.

Drago marcha le long du couloir sans regarder où il allait, et ouvrit la porte du premier compartiment vide qu'il vit. Il s'assit sur la banquette, cala sa tête contre la fenêtre, et médita pour enlever le regard noir de Granger de son esprit.

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Drago retourna dans son compartiment qu'à la dernière minute. Il se changea en vitesse, épingla son insigne à son uniforme, puis sortit dans le couloir avec la cage d'Ébène qui dormait. Il fut surpris de voir que le couloir du train était bondé.

"Pourquoi ça n'avance pas ?" grommela Pansy, qui essayait de lire son magazine en plein milieu du rang.

"Quelqu'un doit bloquer devant…" dit Blaise, en observant devant eux. Étant donné qu'il dépassait tout le monde d'au moins dix centimètres, c'était facile de voir au-dessus de tout le monde.

Le rang avança lentement. Tellement lentement, d'ailleurs, que Drago se mit à lire son horoscope par-dessus l'épaule de Pansy. Il était en train d'arriver à ce qui allait lui arriver le 19, quand la porte du compartiment à leur droite s'ouvrit à la volée et que trois premières années sortirent à toute vitesse. Ils se frayèrent un chemin, bousculant Pansy de plein fouet au passage.

"Putain !" cria-t-elle de douleur, en faisant tomber son magazine sous l'impact.

Il lui avait donné un coup dans la côte. Dès que Drago la vit froncer les sourcils de douleur, il ne put se retenir : il attrapa le col du première année qui l'avait cognée et le ramena en arrière brutalement. Il le retourna et lui agrippa le col de devant, le soulevant du sol de quelques centimètres tant il était léger.

"Hé ! T'as pas l'impression d'avoir bousculé quelqu'un, imbécile ?" s'écria Drago.

Le garçon avait l'air terrorisé. Il se débattait lamentablement, incapable de s'enfuir de la poigne de Drago. Pour une fois, Théo et Blaise ne firent aucune remarque sur son comportement : Blaise regardait aussi le garçon furieusement, contrarié qu'il ait pu blesser Pansy, et Théo était penchée sur cette dernière et lui lançait un sortilège pour soigner sa côte endolorie.

"Excuse-toi !" grogna Drago.

"Pa-pardon !" glapit le première année, les yeux exorbités.

Drago analysa la réaction de Pansy de biais. Elle ne répondit rien, mais ses yeux lançaient des éclairs, et ses lèvres étaient retroussées dans une grimace de haine presque effrayante.

"Continue ton chemin, et si tu bouscules encore quelqu'un comme ça, je te file une retenue avant même que t'arrives au Château." dit Drago de sa voix la plus menaçante, avant de reposer le garçon qui déguerpit dès que ses pieds retouchèrent le sol.

"Ça va, Pans' ?" demanda Blaise, qui se baissa pour lui ramasser son magazine.

"Ça va. Mais ce petit con a failli déchirer ma robe…"

Drago tourna la tête pour voir si le garçon était toujours devant eux. Mais quand il chercha, il vit quelqu'un d'autre, à quelques mètres de lui. Elle était toute rouge, et son visage était encore plus menaçant que celui de Pansy quelques secondes plus tôt. Granger se retourna et descendit du train, et Drago râla intérieurement. Évidemment qu'elle avait assisté à cette scène.

Quand il sauta enfin sur le quai, Drago fut accueilli par la brise automnale de Pré-Au-Lard et inspira l'odeur de feuilles mortes et des pins autour du Lac pour essayer de se calmer. Puis, ils marchèrent en silence jusqu'aux diligences. Une petite file d'attente s'était déjà formée pour que chaque groupe puisse embarquer, et Drago repéra bien vite Granger, qui aidait maintenant les premières années à se diriger vers les bateaux pour les emmener à Poudlard. Son insigne de préfète rouge et or brillait sur sa poitrine.

Weasley était à côté d'elle, aussi inutile que d'habitude. Ce garçon avait la même prestance de préfet qu'un babouin.

Drago, quant à lui, avait complètement oublié qu'ils étaient censés aider les autres élèves. Pansy aussi, visiblement, parce qu'elle lisait toujours Boule de Cristal en marchant. De toute façon, Granger le faisait déjà pour eux : elle guida chaque élève perdu avec un sourire et une parole rassurante.

Pourtant, Drago la connaissait suffisamment par cœur pour savoir que quelque chose n'allait pas. Son visage était voilé, attristé. Pendant que Pansy, Blaise, Théo, Crabbe et Goyle attendaient dans la file d'attente, Drago observa discrètement Granger pour essayer de comprendre ce qui n'allait pas. Il eut la réponse assez rapidement. Ce n'était pas Hagrid qui guidait les premières années vers les barques, comme les années précédentes. C'était sa remplaçante, une femme austère et sèche qui n'avait rien d'accueillant.

Hagrid n'était pas là.

Drago avait toujours détesté Hagrid. Depuis sa première année, il l'avait toujours trouvé sauvage, instable, et très mauvais professeur. En plus, depuis qu'il avait appris l'année précédente qu'il était en fait un demi-géant, il l'effrayait un peu. Mais constater son absence lui fit un peu mal, pour une raison obscure qu'il n'arrivait pas à saisir. Peut-être parce que ça rendait Granger triste ?

"Dray, tu viens ?"

Blaise lui tenait la porte de la diligence. Il le remercia vaguement et entra dedans. Théo était toujours en train de lire, et toujours en train de bouder. Drago préféra donc regarder le paysage défiler par la petite fenêtre, jusqu'à ce qu'il aperçoive les contours du Château au loin.

La Grande Salle était, comme chaque année, magnifiquement décorée pour la rentrée. Drago observa les chandelles flottantes en marchant. Au-dessus d'elles, le ciel était plongé dans le crépuscule nocturne.

Drago s'installa à sa place habituelle, en face de Pansy et à gauche de Blaise. Il fut surpris de voir que Granger était toujours accompagnée par cette fille étrange aux longs cheveux blonds quand elle entra dans la Grande Salle à son tour.

"Cette fille, là…" murmura Drago à l'oreille de Pansy, en pointant du doigt la Serdaigle. "Elle est nouvelle ?"

Pansy se retourna pour regarder dans la direction indiquée, puis revint sur lui, clairement étonnée :

"Non. Pourquoi cette question ?"

"C'est la première fois que je la vois." admit Drago en haussant les épaules.

"Luna Lovegood, quatrième année." informa Pansy, qui connaissait l'identité de chaque élève de Poudlard sur le bout des doigts. "Complètement folle dingue. Son père est le directeur du magazine pourri, le Chicaneur…"

Drago ne connaissait pas du tout ce magazine, mais il n'eut aucun mal à croire Pansy. Elle reporta son attention sur quelque chose d'autre, mais Drago continua d'observer l'étrange fille. Il ne comprenait pas comment Granger pouvait l'apprécier, elle qui était tellement rationnelle. Elle ne lui avait jamais parlé d'elle.

Granger s'installa à sa place habituelle également, qui était judicieusement placée pile en face de Drago. Quand elle prit place, elle lança des sourires et des bonjour à plusieurs autres Gryffondors, dont les deux filles avec qui elle partageait un dortoir. Drago fronça les sourcils, toujours aussi surpris par la popularité grandissante de Granger : avait-elle toujours eu autant d'amis ? Ou était-ce à cause de son meilleur ami ?

"C'est qui, ça ?" demanda soudain Théo, ce qui fit tourner la tête de Drago.

Il n'avait pas du tout fait attention à la table des professeurs jusqu'à présent. Dumbledore était, comme à son habitude, au centre de la table, et vêtu d'une longue robe pourpre parsemée d'étoiles. Autour de lui étaient assis tous les professeurs habituels, excepté Hagrid, qui brillait par son absence. Sa remplaçante était assise à sa place.

"Gobe-Planche, la remplaçante d'Hagrid." dit Pansy, qui regardait au même endroit que Drago. "Tu sais, elle nous avait fait un cours sur les licornes, l'année der…"

"Je ne parle pas d'elle. Je parle de la dame habillée tout en rose…"

Quand Blaise, Pansy et Drago regardèrent là où Théo montrait, ils eurent tous les trois la même réaction : une grimace de répugnance. Drago n'avait jamais vu autant de rose sur une personne : du ruban dans ses cheveux, en passant par son cardigan pelucheux, jusqu'à ses ballerines rose poudré. Il imagina sans mal les lèvres plissées de sa mère si elle pouvait contempler ce look.

"Merlin, c'est le cardigan le plus laid qu'il m'ait été donné de voir." glapit Pansy d'un ton révulsé.

La femme avait une tête un peu allongée, comme un crapaud géant. Ses lèvres fines et peintes d'un rose fuchsia étaient retroussées dans un sourire crispé.

"Défense contre les Forces du Mal." devina Blaise. "Ils ont encore réussi à nous trouver une perle."

Les portes de la Grande Salle s'ouvrirent dans un grand bruit, et McGonagall entra alors, suivie d'une quarantaine d'enfants apeurés. Ils étaient tous habillés en noir, et regardaient autour d'eux avec de grands yeux ébahis. Ils s'avancèrent jusqu'au tout devant de la Salle et attendirent la Répartition en tremblant de peur.

"Pourquoi sont-ils tellement stressés ?" siffla Pansy avec un mouvement de tête suffisant.

"On l'était aussi." objecta Théo.

"Non, pas moi." dit Blaise, ce qui était vrai : Blaise avait été le seul à être resté calme pendant la Répartition, cinq années auparavant.

McGonagall posa alors le fameux tabouret, sur lequel elle déposa délicatement le vieux Choixpeau tout abîmé. L'ouverture de la bouche du Choixpeau s'étira pour dévoiler sa bouche, et il se mit alors à chanter :

"Aux temps anciens lorsque j'étais tout neuf,

Et que Poudlard sortait à pein' de l'œuf,

Les fondateurs de notre noble école,

De l'unité avaient fait leur symbole…"

Drago cessa d'écouter, peu intéressé par les paroles d'un chapeau. C'était à peu près aussi stupide que lorsque le planning de Granger lui avait crié dessus pour l'ordonner de travailler. À ce souvenir, il arqua un sourire, et tourna automatiquement la tête dans sa direction.

Elle écoutait attentivement chaque parole du vieux Choixpeau, comme si elles contenaient un message caché à deviner. Ses sourcils étaient froncés, et ses cheveux tout ébouriffés à cause du vent de dehors. Quand la chanson fut terminée, elle échangea quelques phrases avec Potter et Weasley avec un air inquiet sur son visage, puis la Répartition commença. Elle applaudit à chaque fois qu'un élève fut Réparti, y compris pour les Serpentards. Mais en réalité, elle était pensive, calculatrice. Drago se demandait ce qui pouvait bien se passer dans sa tête.

Comme chaque année, Pansy et Blaise jouaient à essayer de deviner quel élève serait réparti où :

"Poufsouffle, c'est sûr." chuchota Pansy en montrant la fille qui venait de monter sur le tabouret.

"Non, Gryffondor." contredit Blaise en secouant la tête.

"Tu plaisantes ? Tu as vu son pantalon tout raccommodé ? Poufsouffle, obligé."

"POUFSOUFFLE !" annonça le Choixpeau d'une voix forte, et Pansy fit un petit sourire fier.

"Putain !" s'écria Blaise avec une moue déçue.

Drago le vit faire glisser quelques pièces sur la table, que Pansy prit avec délectation.

Drago fut vite ennuyé par le jeu, et retourna à sa contemplation discrète de Granger. Elle aussi semblait s'impatienter, ses applaudissements avaient un peu moins d'entrain. Puis, tout à coup, au moment où Rowan, Isidore se fit appeler, Granger tourna la tête vers lui.

Ils échangèrent un regard.

Même avec trois tables pour les séparer, Drago ressentit ce coup de chaud qu'il avait toujours quand elle le cherchait. Au début, ses yeux chocolat s'écarquillèrent simplement, probablement étonnée qu'il la regarde déjà. Ils se regardèrent quelques secondes, avec une telle intensité que Drago eut l'impression qu'elle était à quelques centimètres de lui. Puis, ses yeux s'assombrirent, et elle fronça les sourcils, avant de détourner brutalement le regard.

Elle était furieuse.

Drago soupira. Il comprenait pourquoi elle était si énervée. Il était venu dans son compartiment avec les deux garçons qui l'avait blessée, et avait mal parlé à son putain de Potter. Sa réaction était totalement appropriée.

Un livre dans sa bibliothèque mentale trembla légèrement, et Drago l'ouvrit.

C'était une journée chaude d'été, où l'air était saturé par l'odeur du soleil, de l'herbe fraîche et de glace à la menthe. Granger avait des petites tâches de rousseur sur le nez, les joues rouges, et une bouche rose à cause du cassis. Ils se tenaient devant la bouche du métro londonien, entourés par les passants Moldus qui se pressaient pour rentrer ou sortir. Drago se souvint avec perfection du timbre de voix de Granger, plein d'espoir, quand elle lui avait demandé : "Tu viendras à la Bibliothèque, le premier jour de classe ?"

Comment avait-il pu tout gâcher ? Pour la première fois de sa vie, Drago regretta d'être allé emmerder Potter. Il avait pensé que ça l'aurait déchargé de la colère qui l'avait habité dans le train. Mais en voyant le regard noir de Granger, il réalisa qu'il l'avait simplement transmise à la personne qu'il voulait le plus voir en ce moment.

Soudain, un tonnerre d'applaudissements retentit dans la Grande Salle, faisant trembler le banc de Drago. La Répartition était terminée. Pansy avait vraisemblablement gagner le jeu : elle abordait un grand sourire comblé, et piquait joyeusement dans son assiette.

Drago se servit et mangea en silence. De temps en temps, il relevait la tête pour observer Granger. Elle parlait avec le fantôme de Gryffondor, et jetait des regards furieux à Weasley par intermittence. Elle ne tourna pas la tête vers les Serpentards pendant tout le repas.

Quand les assiettes disparurent et que Drago ne put retenir un bâillement en pensant à son lit douillet qui l'attendait aux cachots, Dumbledore se leva et s'éclaircit la gorge, faisant retomber le silence dans l'assemblée.

"À présent que nous sommes tous occupés à digérer un autre de nos somptueux festins, je vous demande de m'accorder quelques instants d'attention afin que je puisse vous donner les traditionnelles recommandations de début d'année." déclara Dumbledore. "Les nouveaux doivent savoir que la Forêt située dans le parc est interdite d'accès. Il ne serait d'ailleurs pas inutile que quelques-uns de nos plus anciens élèves s'en souviennent aussi…"

Potter, Weasley et Granger échangèrent un sourire entendu.

"Mr Rusard, le concierge, m'a demandé de vous rappeler, pour la quatre cent soixante-deuxième fois selon lui, que l'usage de la magie n'est pas autorisé dans les couloirs entre les heures de cours et que beaucoup d'autres choses sont également interdites, dont la liste complète est désormais affichée sur la porte de son bureau."

Blaise ricana doucement.

"Nous aurons cette année deux nouveaux enseignants. Je suis particulièrement heureux d'accueillir à nouveau parmi nous le professeur Gobe-Planche qui assurera les cours de Soins aux Créatures Magiques. J'ai également le plaisir de vous présenter le professeur Ombrage qui enseignera la Défense Contre les Forces du Mal."

La dame rose sourit en entendant son nom et Drago se rappela brutalement pourquoi il le connaissait :

"Mon père m'a parlé d'elle !" murmura-t-il à ses amis.

Théo et Blaise se tournèrent vers lui en fronçant les sourcils.

"Ah bon ?"

"Oui, il m'a dit qu'elle travaillait au Ministère, je crois…" dit Drago, qui essayait de se souvenir des paroles de son père du matin même. "Elle était à Serpentard. Il m'a dit que je devais absolument me ranger de son côté."

Pansy haussa les sourcils :

"À cette femme ?!"

Visiblement, le fait qu'elle portait un cardigan rose était une preuve suffisante pour Pansy qu'il ne fallait pas lui faire confiance.

"Les essais pour la constitution des équipes de Quidditch de chacune des quatre Maisons auront lieu le…"

La dame rose, Ombrage, toussota. Malgré sa petite taille, son "hum hum" se fit entendre dans toute la Grande Salle tant sa voix était perçante. Dumbledore se rassit poliment pour la laisser parler.

"Merci, cher directeur, pour ces aimables paroles de bienvenue." dit-elle, d'une voix minaudante. "Je dois dire que c'est un grand plaisir de revenir à Poudlard et de voir tous ces joyeux petits visages levés vers moi !"

Pansy éclata de rire. Il fallait dire qu'aucun élève des quatre tables de la Grande Salle avait un visage joyeux. Il la regardait tous comme si elle provenait tout droit d'une autre planète.

"J'ai hâte de vous connaître tous, et je suis sûre que nous deviendrons vite de très bons amis !" continua-t-elle de sa voix criarde.

Drago la catégorisa tout de suite comme insupportable. Sa voix, ses vêtements et la manière de parler comme si elle s'adressait à des gamins étaient profondément agaçants.

"Le ministère de la Magie a toujours accordé une importance primordiale à l'éducation des jeunes sorcières et des jeunes sorciers. Les quelques dons que vous avez pu recevoir à votre naissance ne se révéleraient pas d'une très grande utilité si une instruction attentive ne se chargeait de les cultiver et de les affiner. L'ancien savoir dont la communauté…"

Drago arrêta d'écouter, trop fatigué pour se concentrer. Pansy lisait déjà son magazine sous la table, et Blaise regardait paresseusement les autres élèves, son menton posé sur sa main. Au fur et à mesure, tous les élèves de la Grande Salle perdirent leur attention et se mirent à discuter entre eux, ou regardèrent le plafond, plongés dans leurs pensées. Très vite, Ombrage n'eut plus aucun auditeur, exceptés les deux intellos de l'école : Granger et Théo.

Ce dernier écoutait avec attention tout son discours, comme s'il essayait de juger s'il appréciait cette femme ou pas. Granger, elle, avait les sourcils froncés, et montrait une claire horripilation sur ses traits en écoutant Ombrage. Quand cette dernière eut (enfin) terminé de parler, Granger se tourna, sombre, vers Potter et Weasley pour exprimer ce qu'elle en pensait. Au même moment, Théo se tourna vers Pansy, Blaise et Drago :

"Je déteste cette femme." annonça-t-il sans préambule.

"Moi aussi, mais je n'avais pas besoin d'écouter son discours pour le comprendre." dit Blaise avec un haussement d'épaules.

"Vous savez ce que ça signifie ?" continua Théo, l'air aussi grave que Granger.

"Que cette femme n'a jamais ouvert le moindre magazine de mode de sa vie ?" proposa Pansy d'un ton blasé.

"Ça, et que le Ministère a infiltré Poudlard." dit Théo, s'attendant probablement à ce que cette phrase les fasse bondir de peur. En voyant qu'aucun ne réagit, il poussa un soupir agacé : "Fudge a officiellement envahi le terrain de Dumbledore. Il a envoyé cette femme pour nous laver le cerveau, nous faire croire que Vous-Savez-Qui n'est pas revenu. Je suis prêt à parier mes maigres économies qu'elle va démentir tout ce que Potter dit."

"C'est une bonne nouvelle, alors, non ?" dit Pansy évasivement. "On aime le Ministère, et on aime pas Potter."

"Peut-être, mais je ne veux certainement pas qu'on me dicte ce que je dois croire." grogna Théo, visiblement mécontent de ces réactions.

"Attendons de voir." conclut Blaise, toujours le plus sage de tous. "En attendant, je vais me coucher, je suis claqué."

Il se leva en même temps que tout le monde en s'étirant. Drago comprenait son état : ses paupières tombaient toutes seules, et le repas qu'il avait mangé pesait dans son estomac, le faisait somnoler.

"Pans'." appela-t-il mollement. "On est censés montrer le chemin aux premières années."

En entendant ça, sa meilleure amie leva les yeux au ciel :

"Putain, j'avais oublié…"

Elle fut sur le point de dire autre chose, probablement une plainte, mais elle croisa le regard plein d'animosité de Théo et s'arrêta de parler. Elle se leva de table et leva les bras en l'air pour se faire voir dans la foule environnante : "Les premières années, par ici !"

Plusieurs enfants s'avancèrent vers elle timidement. Drago ne pouvait pas croire qu'il avait un jour été si petit à Poudlard.

"Par ici, nous allons aux cachots !" annonça Pansy d'une voix forte, avant de se retourner pour se frayer un chemin vers le Hall.

Drago ferma le rang, les mains dans les poches. Plusieurs premières années le regardaient avec un air ébahi, et bien que ce genre de démonstration l'aurait rendu euphorique à une époque, il en était maintenant dégoûté. Quand ils arrivèrent dans le Hall, Granger passa au même moment. Drago eut même le temps de percevoir l'effluve du shampooing à la fraise de ses cheveux tant elle était proche de lui.

"Venez, rassemblez-vous !" dit-elle de sa voix haut-perchée. "Nous allons monter au septième étage, dans la tour de Gryffondor qui se trouve à l'est des escaliers…"

Sa voix fut masquée par le brouhaha du Hall et Drago fut emporté par le rang jusqu'aux escaliers des cachots. Là, il faisait beaucoup plus froid et sombre que dans la Grande Salle. Ça sentait le renfermé et l'humidité, l'odeur du sol en pierre après qu'il eut plu.

"Ambitio est hominis essentia." annonça Pansy à la porte dissimulée de la Salle Commune.

La porte s'ouvrit et toutes les premières années s'engouffrèrent dans la pièce en lâchant des "ohh" admiratifs.

Pansy se plaça face à eux. Dans sa robe verte et noire et ses cheveux couleur encre parfaitement coiffés, elle avait l'air d'une professeure.

"Voici la Salle Commune." annonça-t-elle d'un ton morne. "Il y a des tables pour réviser ici, et des canapés pour s'asseoir. Interdiction de s'asseoir sur celui-là, il est réservé." dit-elle fermement en désignant le canapé et les deux fauteuils qu'ils occupaient tout le temps. "Les dortoirs pour les filles sont à droite de l'escalier qui descend, et à gauche pour les garçons. Le couvre-feu est à 20h pour vous, alors évitez de vous faire prendre après cette heure-là."

Les premières années froncèrent les sourcils. Théo, qui s'était installé dans son fauteuil habituel, soupira bruyamment en entendant la dernière instruction de Pansy.

"Drago Malefoy est l'autre préfet de cinquième année de Serpentard." continua-t-elle en désignant Drago de la main. "Mais si vous avez des questions, évitez de nous les poser, on ne sera probablement pas d'humeur à vous répondre. Vous pourrez toujours demander à ceux de sixième et septième année, ou alors vous pouvez vous adresser à Théodore Nott, juste là. Il saura mieux vous répondre que nous de toute façon."

En entendant son nom, Théo releva furtivement la tête de son livre. Il était rouge pivoine. Il marmonna quelque chose dans sa barbe sans regarder les élèves attroupés devant Pansy et se replongea dans sa lecture.

Pansy donna quelques informations supplémentaires aux premières années stupéfaits et Drago en profita pour s'éclipser discrètement. Blaise était sous la douche quand il entra dans le dortoir.

Drago se mit rapidement en pyjama, et médita jusqu'à ce qu'il s'endorme d'épuisement.

.

.


Hermione


.

.

Quand Hermione vit que Drago était le préfet de Serpentard, elle ne put retenir un petit soubresaut de joie dans son estomac.

Évidemment, sa logique froide et rationnelle lui hurlait que ce n'était pas une bonne idée, et ce, pour deux raisons. Premièrement, Drago ne devrait pas être préfet. Son comportement était loin d'être exemplaire, et il n'aurait probablement aucun problème à profiter de sa position pour ses propres fins. Il pouvait être particulièrement méchant, tyrannique même, quand il le voulait. Et elle savait qu'il dépassait souvent le couvre-feu, et qu'il organisait même des fêtes dans sa Salle Commune, ce qui était complètement interdit dans le règlement intérieur.

La deuxième raison était que ça la forçait à passer encore plus de temps avec lui. Et bien qu'elle adorait ces moments secrets, elle était obligée d'avouer que ce n'était pas juste pour Harry ou Ron. Elle leur mentait depuis trop longtemps. Ils allaient s'inquiéter quand elle ferait des rondes avec lui, alors qu'elle les attendait secrètement avec impatience.

La culpabilité était toujours aussi pesante après l'été. Depuis qu'Harry était arrivé furieux au Square Grimmaurd, Hermione n'arrivait plus à se trouver des excuses. Avant, elle se disait que ce n'était que des séances insignifiantes à la Bibliothèque, puis le début d'une amitié inattendue. Mais depuis que Drago lui avait avoué ses sentiments…

Elle s'était promis d'arrêter de penser à lui, et avait plutôt bien tenu sa résolution pendant le mois d'Août. Mais du moment où elle l'avait vu sur le quai de la gare, puis dans le compartiment des préfets, c'était devenu impossible de détacher son regard de lui. Elle n'arrivait pas à se contrôler. Elle l'observait en biais, et sentait son cœur accélérer à chaque fois qu'il tournait la tête vers elle.

Heureusement, Drago restait Malefoy. Et il réussit à le lui rappeler dès qu'elle retourna dans son compartiment.

"Qu'est-ce que tu veux ?" dit Harry d'un ton agressif.

Quand elle releva la tête, Hermione vit Drago, adossé contre la porte du train. Elle ne l'avait pas vu rentrer. Elle eut un petit hoquet de surprise en le voyant d'aussi près. Mais quand elle vit son regard gris et froid, et son visage fermé, elle comprit très vite que le garçon en face d'eux n'était pas du tout Drago. C'était Malefoy.

"Poli, Potter, sinon je serai obligé de te donner une retenue." siffla Malefoy avec un sourire narquois.

Hermione détestait ce garçon. Il était tellement différent de celui qu'elle connaissait... Ce garçon-là n'avait rien à voir avec celui de la Bibliothèque, ou d'Hampstead Park. Elle plissa les lèvres quand elle l'entendit se moquer d'Harry, en le titillant sur le fait qu'il n'était pas préfet.

Quand elle détourna son regard de Malefoy, elle eut un deuxième hoquet de surprise : derrière lui se tenaient, à la manière de deux gardes du corps, Crabbe et Goyle. Elle savait qu'ils étaient toujours "amis", mais les voir flanqués de la sorte autour de Drago lui donna comme un coup dans le ventre. Ils l'avaient blessée. Drago s'était tellement énervé… Il l'avait guérie, sur leur banc… Comment pouvait-il les emmener devant elle ?

Une colère lancinante lui parcourut l'échine.

"Dis-moi, Potter, quel effet ça fait de se retrouver deuxième après Weasley ?" dit Malefoy de sa voix sournoise et traînante qu'il utilisait toujours quand il se moquait d'Harry.

Hermione vit Harry accuser le coup. Ses yeux se voilèrent une seconde. L'élection des préfets était toujours fraîche dans son esprit, une trahison de Dumbledore qu'il n'avait pas encore complètement digérée. En voyant son meilleur ami si peiné, Hermione répliqua :

"Ferme-la, Malefoy."

Au début, elle vit l'effet que sa phrase procura : il tourna la tête vers elle, surpris. Ses yeux s'agrandirent très légèrement. Puis, quelque chose changea. En une fraction de seconde, sa mâchoire se contracta, il se redressa, et ses yeux devinrent… plus sombres ?

"Tiens, on dirait que j'ai touché un point sensible." constata-t-il avec son sourire en coin. "En tout cas, fais attention à toi, Potter, parce que je vais te suivre à la trace, comme un chien, et si jamais tu fais un pas de travers…"

Quand il prononça le mot "chien" avec insistance, Hermione se figea de surprise.

Elle avait intercepté son regard vers Sirius sur le quai.

Elle n'avait aucune idée de ce qu'il savait, mais elle connaissait Drago Malefoy suffisamment pour savoir que c'était un garçon buté. S'il voulait comprendre quelque chose, il remuerait ciel et terre pour le faire. Et voir Patmol l'avait définitivement intrigué.

"Fiche le camp !" cria-t-elle en se levant.

Elle parcourut les quelques mètres du compartiment en deux enjambées pour aller fermer la porte. Malefoy la regardait, mais elle ne le reconnaissait pas. Juste avant qu'il ne disparaisse de sa vision, elle jeta un regard sur Crabbe et Goyle successivement, et ferma brusquement la porte.

Elle retourna s'asseoir les mains tremblantes. Harry la regardait avec une trace d'inquiétude dans ses yeux verts. Lui aussi avait entendu. "Comme un chien"

Ce n'était pas une coïncidence. Il se doutait de quelque chose.

Pendant tout le trajet, Hermione revisualisa la scène encore et encore. Elle avait du mal à comprendre pourquoi Drago agissait ainsi. S'il l'aimait comme il le prétendait, pourquoi blessait-il Harry ? Pourquoi est-ce qu'il continuait de parler à Crabbe et Goyle, après qu'ils l'aient attaquée de dos ? Pourquoi agissait-il comme Malefoy, et non pas son Drago gentil ?

Hermione avait du mal à comprendre ce garçon énigmatique aux humeurs changeantes.

Une chose était sûre, sa culpabilité avait été remplacée par la colère.

Hermione et Ron sortirent du compartiment les premiers, pour veiller à ce que les premières années retrouvent bien leur chemin.

"Ron, tu vas sur le quai pour guider les premières années jusqu'à Hagrid. Moi, je reste dans le couloir pour les aider à sortir du train."

Il acquiesça et sauta sur le quai.

"Les premières années !" cria-t-elle quand les portes des compartiments commencèrent à s'ouvrir. "Les premières années, par ici, devant, s'il vous plaît !"

Plusieurs élèves timides s'approchèrent d'elle et elle leur montra la sortie du train.

"Madame ? Est-ce que c'est vrai qu'on va aller jusqu'au Château à dos de licorne ?" demanda une petite fille livide.

"Non, bien sûr que non, vous irez en barques, marchez jusqu'au bout du quai…"

Plusieurs élèves n'avaient pas encore revêtu leurs robes, alors Hermione les aidèrent à les retrouver dans leur malle. Cela créa rapidement un gros embouteillage le long du couloir.

"Allez, dépêchez-vous ! Dépêchez-vous !"

"Regarde, c'est Hermione Granger, la meilleure amie d'Harry Potter…" murmura un première année à un autre garçon.

Hermione fit semblant de ne rien entendre. Quand tous les premières années furent sur le quai, elle fut sur le point de sauter à son tour quand elle entendit un éclat de voix, un peu plus loin. Une voix traînante et pleine d'animosité, qu'elle connaissait par cœur.

"Excuse-toi !"

Elle n'eut aucun mal à repérer Malefoy. Ses cheveux blonds platine étaient reconnaissables n'importe où. Il était accompagné de Blaise Zabini, qui dépassait tout le monde, comme d'habitude. Nott et Parkinson étaient à côté d'eux : Nott paraissait soucieux, et Parkinson lui montrait quelque chose sur sa robe.

Hermione écarquilla grand les yeux en voyant que Malefoy tenait quelqu'un par le cou. Un première année, au vu de sa petite taille.

"Continue ton chemin, et si tu bouscules encore quelqu'un comme ça, je te file une retenue avant même que t'arrives au Château !" s'indigna Drago.

Il le reposa violemment, et le garçon se dépêcha de sortir du train en bafouillant de terreur. Hermione était indignée. Elle n'aurait jamais pensé que Drago puisse être aussi barbarique avec un pauvre petit garçon. Son insigne de préfet brillait férocement sur sa poitrine.

Quand il la regarda, elle ne ressentit par l'habituel coup d'électricité. Elle ne ressentit qu'une profonde aversion, et elle lui fit le regard le plus noir qu'elle pouvait avant de sauter sur le quai.

Ron n'était plus là. Hermione avança aveuglément le long du quai, en évitant soigneusement de se retrouver à côté de Malefoy et de sa bande. Elle trouva finalement Harry et Ron au bout du quai, près des diligences.

"Malefoy a été odieux avec un première année." dit-elle à Harry. Cette fois-ci, elle n'eut aucun problème à feindre de la colère. "Je te jure que je vais le signaler, ça fait à peine trois minutes qu'il a son insigne et il en profite déjà pour brutaliser les autres encore plus que d'habitude…Où est Pattenrond ?"

"C'est Ginny qui l'a." expliqua Harry. "La voilà."

En effet, la rouquine s'avançait vers eux, Pattenrond dans les bras, sa cage à bout de doigts.

"Désolée, je n'ai pas réussi à le mettre dedans… Je crois qu'il ne veut pas de la cage…"

Hermione remercia Ginny et prit Pattenrond qui se débattit avec force en pensant retourner dans la cage. Elle le garda donc dans ses bras et jeta un regard aux alentours. D'habitude, Hagrid se tenait toujours près des barques, mais Hermione eut du mal à le repérer, malgré son imposante carrure.

"Où est Hagrid ?" demanda-t-elle à Ginny, qui chercha à son tour.

Soudain, une voix sèche et autoritaire se fit entendre :

"On embarque ! Les retardataires, dépêchez-vous !"

Hermione fut surprise de voir la Professeure Gobe-Planche, les pieds dans l'eau du Lac, en train de guider les premières années. Hagrid n'était pas là. C'était la première fois depuis qu'elle était à Poudlard qu'Hagrid n'était pas là pour les accueillir sur le quai. C'était une vision étrange, et très inquiétante. Où pouvait-être Hagrid ? Était-il toujours en mission pour Dumbledore, comme il leur avait annoncé à la fin de l'année précédente ?

Hermione entra dans la diligence, accompagnée de Ginny, Harry, Ron, Neville, et Luna Lovegood. Hermione connaissait déjà Luna, elles s'étaient vues à plusieurs reprises par l'intermédiaire de Ginny, l'année précédente. Mais pourtant, Hermione avait toujours gardé sa première impression de la jeune femme : elle était étrange. Elle parlait sans cesse de créatures magiques qu'Hermione ne connaissait pas, et son attitude était toujours surprenante. Hermione ne s'y était jamais vraiment habituée, et elle devait avouer qu'elle n'aimait pas beaucoup cette fille. Elle lui faisait penser à une jeune Trelawney.

Les pensées d'Hermione étaient toujours embrouillées quand elle s'installa à la table des Gryffondors, dans la Grande Salle. Et voir qu'Hagrid n'était pas à la table des professeurs la troubla davantage encore.

"Tu ne crois pas qu'il aurait pu être… blessé ou je ne sais quoi ?" demanda Hermione à Harry à voix basse, inquiète.

"Non." répliqua Harry du tac au tac, bien qu'il avait l'air confus par l'absence du garde-chasse également.

"Mais alors, où est-il ?" demanda Ron en chuchotant.

"Peut-être qu'il n'est pas encore rentré. De sa… mission… ce qu'il devait faire pendant l'été pour Dumbledore…" dit Harry tentativement.

"Oui… Oui, ça doit être ça." dit Ron, qui parut rassuré.

Hermione se mordit la lèvre. Elle détestait ne pas savoir où Hagrid pouvait être. Elle était tellement habituée à sa présence qu'elle trouva soudain la table des professeurs bien plus morose qu'avant, comme s'il manquait un rayon de soleil qui illuminait normalement la pièce.

Son œil fut alors attiré par un gros point rose, vers le milieu. Hermione détailla la nouvelle Professeure, probablement celle qui enseignerait la Défense contre les Forces du Mal. Elle était entièrement vêtue de rose, sous toutes ses nuances, du rose bonbon au fushia. Sa tête était anormalement plus grosse que le reste de son corps, avec des joues ballantes qui lui donnaient une forme de visage bizarre. Ses cheveux étaient figés dans un carré volumineux et plein de boucles châtains.

Sans savoir pourquoi, Hermione éprouva un sentiment d'hostilité viscérale à l'égard de cette femme.

"Qui c'est, ça ?" demanda-t-elle aux garçons.

Harry et Ron comprirent tout de suite de qui elle voulait parler. La tenue aux couleurs vives de cette femme contrastait avec l'ancienneté de la pièce, si bien qu'elle se détachait de tout le monde autour d'elle. Ron haussa les sourcils dans une grimace de dégoût, Harry fronça les sourcils en l'analysant quelques secondes. Puis, il ouvrit grand la bouche, comme s'il venait de se souvenir d'où il la connaissait :

"C'est cette bonne femme, Dolorès Ombrage !" s'écria-t-il dans un murmure hâtif.

"Qui ?"

"Elle était au tribunal, elle travaille avec Fudge !"

Hermione comprit qu'il voulait parler de son audition disciplinaire de cet été. Elle regarda de nouveau la femme, les sourcils aussi froncés que ceux d'Harry. Qu'est-ce qu'une associée de Fudge pouvait bien faire à Poudlard ?

"Joli cardigan." remarqua Ron, sa voix pleine de sarcasme.

"Elle travaille avec Fudge ?" répéta Hermione, dubitative. "Qu'est-ce qu'elle fait ici, alors ?"

"Sais pas…" répondit Harry, qui avait détourné le regard vers Dumbledore.

Hermione inspecta de nouveau la table des professeurs. Tous ceux qu'elle connaissait étaient déjà là. Rogue était en bout de table, radicalement opposé au rose vif d'Ombrage avec sa longue cape noire et ses cheveux sombres. Alors, ça voulait forcément dire qu'Ombrage avait intégré l'équipe enseignante…

"Non…" marmonna-t-elle pour elle-même. "Non, sûrement pas…"

À cet instant, McGonagall entra dans la Grande Salle, suivie par les premières années. Elle marcha jusqu'à l'estrade, installa le Choixpeau sur son tabouret, et demanda le silence.

Hermione écouta le Choixpeau, qui réussit à lui faire penser à autre chose, et elle se concentra donc plutôt sur ses paroles d'avertissements.

"Je me demande s'il a déjà donné de tels avertissements dans le passé." dit-elle quand le Choixpeau eut fini de chanter.

"Oh oui." répondit Nick Quasi-Sans-Tête, qui volait au-dessus de la table juste à côté d'eux. "Le Choixpeau estime qu'il est de son devoir de donner des avertissements à l'école lorsqu'il pense que la situation l'exige…"

Il voulut en dire plus, mais la Répartition commença, une tradition qu'Hermione adorait et qu'elle suivit donc avec une attention particulière. Puis, le festin arriva sur la table et Ron se jeta dessus comme un ours affamé.

"Que disiez-vous au sujet des avertissements donnés par le Choixpeau ?" demanda-t-elle au fantôme des Gryffondors.

"Ah oui." s'écria Nick, en détournant sa tête transparente de Ron qui mangeait avec ses doigts. "Oui, j'ai déjà entendu le Choixpeau donner des avertissements à plusieurs reprises. C'était toujours à des moments où il sentait venir des périodes de grand péril pour l'école. Et, bien sûr, il conseille toujours la même chose : rester unis pour être plus forts."

"C'ment un chao ptil aouar quanlécle éten angé ?" demanda Ron sans avaler sa bouchée.

Hermione lui donna un coup dans les côtes, offusquée par ses manières.

"Je vous demande pardon ?" dit poliment Nick.

"Comment un chapeau peut-il savoir quand l'école est en danger ?" répéta-t-il.

"Je l'ignore." répondit le fantôme. "Mais comme il passe son temps dans le bureau de Dumbledore, on peut imaginer qu'il entend parfois des choses…"

"Et il veut que toutes les maisons soient amies ?" demanda Harry en jetant un regard peu amène vers la table des Serpentards. "Il peut toujours rêver."

Hermione jeta un petit coup d'œil vers la table des Serpentards. Parkinson et Zabini discutaient tous les deux, mais Drago était silencieux, la tête penchée sur son assiette. Elle réalisa en le voyant qu'elle était toujours aussi furieuse contre lui, et détourna le regard.

"Vous ne devriez pas adopter une telle attitude." répliqua Nick d'un air réprobateur. "La coopération dans la paix, voilà la clé de tout. Nous autres, fantômes, bien que nous appartenions à des Maisons différentes, savons maintenir des liens d'amitié. En dépit de la rivalité entre Gryffondor et Serpentard, je ne songerais jamais à me disputer avec le Baron Sanglant."

Hermione considéra ces paroles pleines de sagesse.

"Ça, c'est parce qu'il vous fait une peur bleue." dit Ron entre deux bouchées de côtelettes.

"Peur ?" répéta Nick Quasi-Sans-Tête d'un ton offensé. "J'ose espérer que moi, Sir Nicholas de Mimsy-Porpington, ne me suis jamais rendu coupable de couardise ! Le noble sang qui coule dans mes veines…"

"Quel sang ?" s'étonna Ron. "Vous n'avez sûrement plus de…"

Hermione écarquilla grand les yeux, choquée par l'insolence de Ron. Elle lui redonna un coup dans les côtes, mais il ne s'en aperçut pas tant il était occupé à dévorer son plat.

"C'est une façon de parler !" l'interrompit Nick Quasi-Sans-Tête d'une voix forte. "Les plaisirs de la table ont beau m'être refusés, je n'en conserve pas moins le droit d'employer le vocabulaire qui me convient ! Mais je suis habitué à entendre les élèves se moquer de moi sous prétexte que je suis mort, croyez-le bien !"

"Nick, il ne se moquait pas de vous !" dit Hermione en jetant un regard furieux à Ron.

"Pa d'tou v'iu ou 'xer." répondit-il en guise d'excuses.

Le fantôme pencha sa tête qui oscilla une seconde sur son cou coupé, puis s'éloigna en marmonnant des paroles intelligibles.

"Bravo, Ron, bien joué." commenta sèchement Hermione.

"Quoi ?" s'exclama-t-il, sa fourchette à mi-chemin entre son assiette et sa bouche. "Je n'ai même plus le droit de poser une simple question ?"

"Oh, laisse tomber." répliqua Hermione, agacée.

Elle ne lui parla plus du repas. Ron avait le don pour l'irriter rapidement, et la succession des événements étranges de la journée l'avait déjà assez mise à bout de nerfs pour ajouter une dispute avec Ron en plus de ça.

Hermione avait tellement hâte d'entendre le discours de Dumbledore qu'elle ne mangea que très peu. Elle ne cessait de regarder Ombrage. Elle n'aurait su l'expliquer, mais cette femme lui donnait un mauvais pressentiment. Et elle ne savait pas si c'était son imagination, mais elle avait l'impression que la plupart des professeurs ne l'aimait pas trop. McGonagall ne se tourna pas une seule fois vers elle de tout le repas, les lèvres plus plissées que jamais, et discutait avec la Professeure Chourave à voix basse.

Enfin, Harry termina sa part de tarte à la mélasse, Ron se massa le ventre après avoir mangé une dizaine de côtelettes, et le festin disparut. Dumbledore se leva, et commença alors son habituel discours de début d'années, en rappelant le règlement intérieur. Il arriva finalement à la partie qui intéressait Hermione :

" Nous aurons cette année deux nouveaux enseignants. Je suis particulièrement heureux d'accueillir à nouveau parmi nous le professeur Gobe-Planche qui assurera les cours de Soins aux Créatures Magiques." (Hermione jeta un regard inquiet à Harry et Ron, qui lui rendirent.) "Et j'ai également le plaisir de vous présenter le professeur Ombrage, qui enseignera la Défense Contre les Forces du Mal."

Les craintes d'Hermione se confirmèrent. Tandis que la Grande Salle retentit avec des applaudissements polis, Ombrage se leva, ce qui ne faisait pas une grande différence, et s'éclaircit la gorge dans un "hum hum" qui glaça le sang d'Hermione tant sa voix était repoussante.

"Merci, cher directeur, pour ces aimables paroles de bienvenue." dit-elle d'une voix haut-perchée qui ressemblait à celle d'un enfant. "Je dois dire que c'est un grand plaisir de revenir à Poudlard et de voir tous ces joyeux petits visages levés vers moi !"

Hermione plissa les yeux, attentive à chaque parole que cette femme prononçait. Elle voulait savoir pourquoi elle était là. Ombrage se lança alors dans un long discours qu'elle récita machinalement, en mettant en avant toute la volonté du Ministère de la Magie d'enseigner en conservant les anciennes valeurs. Hermione ne put s'empêcher de montrer son désaccord sur son visage. Chaque phrase qu'elle prononçait promouvait le Ministère et insistait sur le fait que l'éducation devrait être factuelle, et non pas progressiste.

Quand elle se rassit, Hermione échangea un bref regard avec McGonagall, qui devait avoir la même tête que celle d'Hermione.

"Merci beaucoup, Professeure Ombrage, pour ce discours très éclairant." dit Dumbledore en s'inclinant vers elle. "À présent, comme je vous l'annonçais, les essais pour la constitution des équipes de Quidditch auront lieu le…"

"Ça, pour être éclairant, c'était éclairant…" murmura Hermione.

"Tu ne vas pas me dire que ça t'a captivée, non ?" dit Ron en tournant vers Hermione un visage éteint. "C'est le discours le plus ennuyeux que j'aie jamais entendu et pourtant, moi, j'ai grandi avec Percy."

Hermione échangea sa théorie avec les garçons, mais le repas avait dû les endormir, parce qu'ils ne comprirent pas la gravité de la situation. Juste avant que les élèves ne se lèvent pour aller se coucher, Hermione tourna alors la tête vers la seule personne susceptible de comprendre ce discours.

Elle le chercha à la table des Serpentards. Elle évita de poser son regard sur Drago, et trouva plutôt Théodore Nott, à droite de Blaise Zabini. Ses sourcils étaient froncés sous ses mèches bouclées qui tombaient sur son front. Il parlait à voix basse à Drago, Zabini et Parkinson. Son visage était marqué par l'urgence. Hermione était contente de voir qu'elle n'était pas la seule à s'inquiéter par la menace que représentait Ombrage en tant que professeure à Poudlard : une volonté du Ministère de laver les cerveaux des jeunes élèves.

Elle mit cette révélation de côté et se dépêcha d'honorer ses fonctions de préfète. Accompagnée de Ron, elle guida les premières années de Gryffondor jusqu'au septième étage, leur donna le nouveau mot de passe (Mimbulus Mimbletonia), puis expliqua longuement le fonctionnement de Poudlard et de la Salle Commune des Gryffondors.

Elle repéra sans problème les élèves issus de parents Moldus. Elle avait l'impression de se voir elle-même, cinq ans plus tôt, aussi angoissée que motivée à l'idée de conquérir ce nouveau monde dont elle ne connaissait rien.

Harry était déjà allé se coucher, alors Hermione se hâta de rejoindre son dortoir aussi. Pattenrond était déjà endormi dans son lit, probablement épuisé par la longue journée qu'il avait passée. Elle sortit ses affaires, tria ses livres, se mit en pyjama, fit sa toilette, et alla se coucher.

Au moment où elle se glissa sous la couverture, elle entendit les piétinements de Lavande et Parvati qui montaient au dortoir, elles aussi. Quand Lavande ouvrit la porte, son visage était animé d'un sourire, mais quand elle vit Hermione allongée dans son lit, il se referma aussitôt.

"Salut les filles." dit Hermione poliment.

"Salut Hermione." répondit Parvati sans la regarder.

Hermione trouva ces deux réactions très étranges. Lavande et Parvati n'étaient ses meilleures amies, mais elles avaient toujours été polies l'une envers l'autre. Hermione ne dit rien et ouvrit son livre pour lire un peu avant de dormir.

Au bout d'un moment, cependant, elle entendit des messes basses. Elle releva la tête et vit Lavande, penchée sur le lit de Parvati, qui lui murmurait quelque chose qu'Hermione ne pouvait pas entendre. Pourtant, elle était sûre qu'elles parlaient d'elle.

"Lavande ? Il y a un problème ?" appela Hermione d'une voix forte.

Parvati sursauta et détourna le regard. Lavande, elle, se redressa et lança à Hermione un regard plein de défi.

"En fait, oui, il y en a un." dit-elle froidement. "Tu es toujours amie avec Harry ?"

Hermione fut tellement déstabilisée par cette question qu'elle haussa les sourcils sans le vouloir.

"Évidemment que je le suis. Pourquoi ?"

"Comment peux-tu croire ce qu'il raconte ?" demanda Lavande en croisant les bras sur sa poitrine.

"Qu- Quoi ?"

"Lavande, arrête…" interrompit Parvati. Hermione fut soulagée de voir qu'elle ne partageait pas son opinion. "Laisse-la tranquille…"

"Mes parents ont failli m'empêcher de retourner à Poudlard, tu sais ?" continua Lavande en ignorant l'intervention de sa meilleure amie. "Et ceux de Seamus aussi. Ils disent que c'est trop dangereux d'être ici avec Harry, parce qu'il a des visions…"

"Des visions ?" répéta Hermione avec un rire amer. "Harry n'a pas de vision. Il n'est pas fou comme La Gazette des Sorciers essaye de faire croire. Tu le connais, Lavande !"

"Je pensais le connaître, avant que j'apprenne ce qu'il est capable de faire !" répliqua la blonde avec un claquement de langue hautain. "Ils disent qu'il est malade, et qu'il invente des mensonges pour nous faire croire que Tu-Sais-Qui est de retour…"

"Tu-Sais-Qui est de retour !" s'énerva Hermione en se relevant de son lit. "Cédric est mort de sa main ! Comment peux-tu douter de ce qu'Harry raconte ?"

"Et comment peux-tu croire tout ce qu'il dit ? On a aucune preuve !"

"J'ai des preuves ! J'ai Harry !" contesta Hermione, qui sentait une nouvelle vague de colère monter en elle. "La Gazette essaye clairement de le décrédibiliser pour faire croire que tout va bien, et les gens croient bêtement tout ce qu'il est écrit !"

"Tu insinues que je suis bête ?" siffla Lavande entre ses dents.

"Si tu crois la Gazette, alors oui, c'est exactement ce que je fais !" répondit Hermione sans hésiter.

"Les filles ! Calmez-vous !" couina Parvati en voyant le visage de Lavande prendre trois teintes de rouge en l'espace de quelques secondes.

"Je ne suis pas bête !" couina Lavande d'une voix furibonde. "Mais on ne sait pas ce qu'il s'est passé, Harry n'a rien dit ! Comment peux-tu être certaine qu'il a raison ? Comment peux-tu être sûre qu'il ne ment pas ?"

"Parce que je lui fais confiance !" dit Hermione d'une voix tranchante. "Comment expliquerais-tu la mort de Cedric, sinon ?"

Lavande parut soudain à court de mots. Elle n'avait visiblement pas pensé à ça. Parvati renchérit :

"Lavande, elle a raison… On connaît Harry… Je crois que Seamus s'est emporté, c'est tout…"

"Comment peux-tu douter d'Harry, mais croire aux stupidités que dit Trelawney en permanence ?" demanda Hermione.

Aussitôt, les yeux pleins de doute de Lavande s'assombrirent.

"Encore avec la Divination ! Tu as toujours détesté cette matière…"

"... Tu dis qu'Harry est fou parce qu'il a des visions mais tu idolâtres Trelawney qui prétend en avoir à chaque classe…" continua Hermione d'une voix forte pour couvrir les paroles de Lavande.

"Ça n'a rien à voir !"

"Peu importe ! Ferme-la !" cria Hermione. "Je descends, comme ça, vous aurez toute la place pour piailler entre vous !"

Hermione prit sa couette et son livre avec fureur. Pattenrond s'était réveillé à cause des hurlements, et observait Lavande à travers ses yeux jaunes d'un air désapprobateur. Quand Hermione ouvrit la porte du dortoir à la volée, Pattenrond la suivit. Hermione claqua violemment la porte, ce qui résonna dans toute la Salle Commune, et descendit les escaliers à toute vitesse.

Elle se retrouva dans la Salle Commune des Gryffondors, mais même l'ambiance feutrée et l'odeur réconfortante du feu de bois dans l'antre de la cheminée ne réussit pas à calmer la fièvre colérique qui s'était insinuée en elle. Elle s'assit rageusement dans le canapé et observa le feu, incapable de lire tant elle était furieuse.

Quelques minutes plus tard, elle entendit des pas dans l'escalier. Elle se tourna, prête à hurler sur Lavande de nouveau, mais elle s'arrêta net quand elle vit Ron. Il portait son bas de pyjama quadrillé bleu et tenait sa baguette de sa main gauche.

"Oh, c'est toi." dit-il platement. "J'ai entendu du bruit, j'ai cru que c'était des premières années…"

"C'était moi, j'ai claqué la porte sans faire exprès." maugréa Hermione.

Ron s'approcha d'elle précautionneusement.

"Qu'est-ce qui t'arrive, Mione ?" demanda-t-il affectueusement.

Hermione aurait pu sourire en entendant ce surnom qu'il réservait aux moments d'extrême urgence si elle n'avait pas été si énervée.

"C'est Lavande." dit-elle avec un soupir irrité. "Elle croit la Gazette des Sorciers, elle pense qu'Harry ment."

Elle n'eut pas besoin d'expliquer davantage. Ron poussa le même soupir qu'elle, et alla s'asseoir sur l'accoudoir du canapé d'Hermione. Il semblait épuisé.

"Seamus aussi." dit-il à voix basse. "Il vient de faire une crise à Harry en disant que ses parents ne voulaient pas qu'il retourne à Poudlard à cause de lui. Harry était furieux."

Hermione plissa les lèvres et ne répondit pas. Elle préféra regarder les flammes de la cheminée en silence, le temps de se calmer un peu.

Elle sentait les battements effrénés de son cœur s'apaiser de plus en plus. Ron ne dit rien non plus, probablement perdu dans ses propres pensées.

Après plusieurs minutes, il lui demanda finalement d'une toute petite voix :

"Tu le crois, hein ? Harry ?"

Hermione tourna la tête vers lui, incrédule. Ron regardait toujours le feu, les flammes dansaient dans ses pupilles fatiguées.

"Évidemment que je le crois." répondit-elle fermement. "Je croirai toujours Harry."

"Moi aussi." affirma Ron avec un hochement de tête, toujours sans la regarder.

Puis, il prit une grande inspiration et dit d'une voix hésitante :

"Hermione, je crois que ça va être une année difficile."

"Pourquoi ?" demanda-t-elle.

"Je pense qu'Harry ne va pas supporter. Tous ces gens qui parlent dans son dos en permanence, qui le pointent du doigt quand il marche… Tous ces gens qui croient aveuglément la Gazette, qui doute de ce qu'il dit… Hermione, on connaît Harry. Tu sais comment il va réagir, non ?"

Hermione reporta son attention sur les flammes qui dansaient dans la cheminée.

"Il va s'isoler." devina-t-elle.

"Exactement. Il va s'isoler. Il va être énervé contre le monde entier, et se sentir seul."

"Il ne sera pas seul." contredit Hermione.

"Non, mais il aura le sentiment de l'être." corrigea Ron d'une voix morne, éteinte. "Mione, je place une confiance inconditionnelle envers Harry. C'est mon meilleur ami, je le défendrai toujours, même quand la Terre entière est contre lui. Quand je t'ai demandé si tu croyais Harry, je voulais te demander si tu le croyais autant que moi."

Hermione tourna de nouveau la tête vers Ron. Cette fois, ses yeux étaient plongés dans les siens. C'était la première fois que Ron lui demandait sa loyauté aussi franchement. Et pendant une brève seconde, elle vit Drago à sa place.

"Bien sûr." affirma-t-elle sans le moindre doute. "Rien ne me fera douter de lui."

Ron hocha la tête.

"Je me suis excusé auprès d'Harry l'année dernière pour m'être comporté comme un con, quand j'ai arrêté de lui parler parce que je pensais qu'il avait mis son nom dans la Coupe." dit-il. "Mais je ne t'ai jamais donné mes excuses à toi."

"Tu ne me faisais pas la tête." fit-elle remarquer, sans comprendre où il voulait en venir.

"Non, mais je t'en ai fait baver." murmura-t-il en baissant les yeux. "Je suis désolé, Hermione. Je sais que cette période a été difficile pour toi. Tu étais sans cesse partagée entre nous deux et j'ai probablement dû te dire des mots blessants."

Hermione sentit aussitôt ses épaules se décontracter en entendant cet aveu. Elle n'aurait jamais pensé que Ron puisse lui parler aussi ouvertement de ses sentiments. Ça lui fit un bien fou, toute sa colère s'échappa et fut remplacée par un sourire touché.

"Je te pardonne, Ronald." dit Hermione dans un chuchotement.

Ron sourit aussi, un vrai sourire franc, qui lui ressemblait bien plus que le visage morose qu'il abordait jusqu'à présent. Elle pouvait voir ses tâches de rousseur ressortir sur ses joues à la lumière des flammes.

"Merci. Je suis content qu'on ait parlé comme ça." dit-il en montrant l'espace entre eux deux de son doigt. "Tu sais que tu peux toujours me parler, quand tu as besoin ?"

"Oui, bien sûr. Toi aussi, quand tu veux." assura Hermione.

"Bien. Ne dors pas ici parce que Lavande est stupide, s'il te plaît." conseilla-t-il en se relevant de l'accoudoir. "Elle ne mérite pas que tu te casses le dos sur ce canapé…"

"Ne t'en fais pas. Bonne nuit Ron."

Il lui fit un geste de la main et remonta dans son dortoir avec un bâillement.

En entendant ses pas dans les escaliers, Hermione eut un soupir satisfait. Cette discussion lui avait vraiment fait du bien, comme si un poids s'était échappé de ses épaules. Elle était plus détendue, ce qu'elle n'avait pas été depuis avant Square Grimmaurd.

Elle s'endormit bel et bien dans le canapé, un sourire attendri aux lèvres en repensant à cette discussion avec Ron.

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.
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Le lendemain matin, un lundi, Hermione se réveilla de bonne heure. Quand elle alla dans le dortoir pour prendre une douche et s'habiller, Lavande était déjà réveillée. Elles s'ignorèrent toutes les deux, insensibles aux soupirs agacés de Parvati qui était obligée d'assister à la guerre silencieuse entre les deux.

Quand Hermione redescendit avec son sac de cours et son uniforme de Gryffondor sur les épaules, Harry et Ron étaient déjà dans la Salle Commune, prêts à partir au petit-déjeuner. Harry avait l'air de très mauvaise humeur.

"Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda-t-elle, bien qu'elle se doutait déjà de la réponse. "Tu as l'air absolument… Oh, mon Dieu !"

Un flyer rose fluo avait attiré son œil sur le tableau d'affichage. Hermione s'en approcha et vit avec horreur une photo mouvante des jumeaux, deux grandes sourires aux visages, avec écrit :

DES GALLIONS À FOISON

Votre argent de poche n'arrive pas à suivre vos dépenses ? Un peu d'or en plus serait le bienvenu ? N'hésitez pas à prendre contact avec Fred et George Weasley, dans la Salle Commune de Gryffondor, pour petits travaux à temps partiel, simples et quasiment sans douleur. (Nous avons le regret de préciser que les candidats devront agir à leurs risques et périls.)

"Ils dépassent vraiment les bornes !" s'écria Hermione en arrachant le papier du tableau. "Il va falloir qu'on leur dise deux mots, Ron."

"Pourquoi ?" demanda-t-il d'un ton apeuré.

"Parce que nous sommes préfets !" dit-elle en sortant de la Salle Commune.

Ron resta silencieux. Hermione se tourna vers Harry en descendant les marches de l'escalier vers la Grande Salle :

"Alors, qu'est-ce qu'il se passe, Harry ? Tu as l'air furieux."

"Seamus prétend que Harry ment au sujet de Tu-Sais-Qui." répondit Ron.

Hermione le savait déjà, mais Ron n'avait visiblement pas envie qu'Harry sache qu'il en avait déjà parlé. Hermione soupira.

"Lavande pense la même chose."

"Et là-dessus, vous avez bavardé aimablement pour savoir si j'étais oui ou non un petit crétin qui cherche à faire parler de lui ?" demanda Harry d'un ton sarcastique d'où perçait une certaine animosité.

"Pas du tout." répondit-elle calmement. "En fait, je lui ai dit qu'elle ferait bien de la fermer une bonne fois pour toutes. Et ce ne serait pas mal si tu arrêtais de nous sauter à la gorge à tout propos, Harry, parce que, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, Ron et moi, nous sommes de ton côté."

Harry baissa soudain les yeux, un peu embarrassé.

"Désolé." souffla-t-il doucement.

"Ce n'est pas grave." répondit-elle. "Vous vous souvenez de ce que Dumbledore a dit le jour du festin de fin d'année ?"

Ron et Harry lui lancèrent un regard incrédule. Elle soupira une seconde fois face à l'absence quasi-totale de mémoire de ces deux garçons.

"À propos de Vous-Savez-Qui." expliqua-t-elle. "Il a dit que son "aptitude à semer la discorde et la haine est considérable. Nous ne pourrons le combattre qu'en montrant une détermination tout aussi puissante, fondée sur l'amitié et la confiance…""

"Comment tu fais pour te rappeler des trucs comme ça ?" demanda Ron.

"J'écoute." répondit-elle.

"Moi aussi, mais je serais quand même incapable de répéter exactement…" marmonna Ron.

"Il se trouve," interrompit Hermione d'une voix forte. "que nous sommes précisément dans la situation dont parlait Dumbledore. Il y a deux mois seulement que Vous-Savez-Qui est de retour et nous commençons déjà à nous diviser. L'avertissement du Choixpeau était le même : restez ensemble, soyez unis…"

"Et Harry avait raison hier soir." dit Ron, en sautant la dernière marche de l'escalier. "Si ça veut dire qu'on doit devenir amis avec Serpentard, on peut toujours rêver."

Hermione, sous l'impulsion, répliqua aussitôt :

"Je pense qu'il serait dommage de ne pas tenter un rapprochement entre les Maisons…"

Elle s'en voulut à peine dès que la phrase passa sa bouche. Elle n'avait pas voulu le dire de la sorte, on aurait dit qu'elle justifiait son amitié cachée avec Drago. Ron lui jeta un drôle de regard. Harry, lui, avait tourné la tête vers un rang de Serdaigles qui se collèrent contre le mur pour le laisser passer, comme s'il était contaminé par une maladie atroce.

"Oui, il faudrait vraiment essayer de devenir amis avec ces gens-là." dit-il d'un ton sarcastique.

Ils entrèrent dans la Grande Salle et Hermione décida de ne plus parler de coopération entre Maisons. Le ciel était d'une couleur grise maussade, où des gros nuages laissaient tomber une pluie torrentielle qui s'arrêtait juste au-dessus de la tête des élèves. Hagrid n'était toujours pas assis à la table des professeurs. Hermione était intimement persuadée qu'il était toujours en mission pour Dumbledore.

McGonagall passa entre les tables au moment où Hermione se servait une grande tasse de thé noir.

"Regardez ce qu'on a aujourd'hui !" grogna Ron dès qu'il eut reçu le papier. "Histoire de la magie, double cours de Potions, Divination et encore un double cours de Défense Contre les Forces du Mal… Binns, Rogue, Trelawney et cette Ombrage, tout ça dans la même journée !"

Hermione contempla son emploi du temps, les sourcils froncés. Elle ne regarda même pas les cours énumérés par Ron, trop préoccupée à l'idée que tous les cours de la journée étaient partagés avec les Serpentards.

"J'aimerais bien que Fred et George se dépêchent de mettre au point leurs boîtes à Flemme…" se lamenta Ron.

Les jumeaux arrivèrent pile à cet instant. Hermione lâcha son emploi du temps pour se tourner vers eux :

"À propos de vos boîtes à Flemme, il n'est pas question d'afficher dans la Salle Commune vos petites annonces pour recruter des cobayes."

"Ah, et qui a dit ça ?" demanda George.

"C'est moi qui le dis." répliqua Hermione. "Et Ron aussi."

"Ne me mêle pas à ces histoires…" protesta aussitôt Ron dans un murmure.

Hermione le fusilla du regard tandis que Fred et George éclataient de rire.

"Tu changeras bientôt de discours, Hermione." assura Fred en étalant une épaisse couche de beurre sur son toast. "Tu commences ta cinquième année, et tu verras que dans très peu de temps, tu nous supplieras de te fournir des boîtes à Flemme."

"Et pourquoi aurais-je besoin de boîtes à Flemme pour ma cinquième année ?" demanda Hermione d'un ton impérieux.

"Parce que c'est l'année des BUSES." répondit George, comme si c'était une évidence.

"Et alors ?"

"Alors, il va falloir préparer tes examens, et tu passeras tellement de temps le nez collé à ton labeur que tu finiras par avoir la chair à vif." expliqua Fred d'un air satisfait.

Hermione fronça les sourcils. Elle savait que la cinquième année était une année chargée de travail, mais elle n'aurait jamais pensé que Fred et George, les deux plus gros cancres de l'école, puissent partager cet avis. Cette année serait donc synonyme de révisions, encore plus que l'année précédente. À la Bibliothèque…

En pensant à la table reculée et ronde, ses yeux se levèrent automatiquement devant elle. Drago était assis, en face de Pansy Parkinson et à côté de Blaise Zabini et de Théodore Nott. Ce dernier lisait un livre en mangeant de l'autre main, Zabini lisait le journal, Parkinson buvait son café en discutant avec Drago.

D'habitude, il sentait toujours son regard sur lui et il la regardait aussi, mais cette fois-ci, il mangea sans lever la tête une seule fois.

Harry et Ron n'avaient pas tort : la journée fut très compliquée. Pas forcément à cause des cours qu'Hermione adorait, mais plutôt à cause de sa tendance à se déconcentrer pendant ces derniers. En Histoire de la Magie, une matière qu'elle avait toujours religieusement suivie, Hermione se surprit à rêvasser en regardant par la fenêtre.

Elle pensait, encore et toujours, à Drago. Elle était toujours confrontée à ce dilemme. Elle mourrait d'envie de lui parler et de le revoir après ce long mois sans avoir de ses nouvelles. Mais d'un autre côté, il était toujours aussi infect avec Harry et Ron, et la culpabilité remontait toujours à la surface dès qu'elle s'autorisait à penser à lui.

Hermione passa donc la matinée à soupeser le pour et le contre. Il lui avait promis d'être à la Bibliothèque le premier jour de classe. Avait-il oublié ? C'était difficile d'imaginer qu'il attendait ce moment avec impatience quand il se comportait aussi méchamment. Même ses yeux n'étaient pas aussi envoûtants quand ils étaient si fermés et brillants de férocité.

Le cours de Potions fut d'autant plus difficile à suivre. Elle ne savait pas si c'était son imagination, mais elle avait la nette impression de pouvoir sentir son parfum mentholé, alors qu'il se trouvait à deux tables d'elle, et que sa propre potion émanait une odeur totalement différente. Par miracle, elle réussit sa potion de Paix, contrairement à Harry qui reçut la note de Troll.

Le cours d'Arithmancie fut encore plus compliqué, parce que Drago était si proche d'elle qu'elle pouvait sentir son regard sur sa joue, comme s'il la brûlait de ses pupilles glacées. Elle prit soin de ne pas tourner la tête une seule fois vers lui pendant toute la classe, y compris quand Théodore lâcha un cri de joie quand il réussit à prédire convenablement quelque chose avec son diagramme.

Le cours d'Ombrage fut le seul moment où Hermione réussit à penser à autre chose. Elle réalisa très vite que cette Ombrage était exactement ce qu'elle avait prédit : une envoyée du Ministère pour abrutir les élèves. Elle fit un long discours pour expliquer que l'enseignement donné par les anciens professeurs de cette matière était à désirer, et qu'elle devait absolument redresser le niveau pour leur permettre d'avoir leurs BUSES. Puis, elle tapota sa baguette contre le tableau noir et leur demanda de recopier les trois objectifs d'apprentissage :

1) Comprendre les principes qui fondent la défense magique.

2) Apprendre à reconnaître les situations dans lesquelles la défense magique se trouve légalement justifiée.

3) Replacer la défense magique dans un contexte ouvrant sur la pratique.

Hermione sentit l'indignation monter dans sa gorge. Ombrage, toujours vêtue de cet affreux cardigan rose agrémenté de rubans, attendit qu'ils finissent de recopier. Hermione ne le fit pas.

"Avez-vous tous votre exemplaire de "Théorie des Stratégies de Défense magique", par Wilbert Eskivdur ?" demanda-t-elle de sa petite voix couinante.

Un murmure d'approbation dénuée d'enthousiasme parcourut la classe.

"Je crois qu'il va falloir recommencer." dit la Professeure Ombrage. "Lorsque je vous pose une question, j'aimerais bien que vous me répondiez : "Oui, Professeure Ombrage", ou "Non, Professeure Ombrage." Donc, je reprends : Avez-vous tous votre exemplaire de "Théorie des stratégies de défense magique" par Wilbert Eskivdur ?"

"Oui, Professeure Ombrage." scanda la classe.

"Très bien. Je voudrais maintenant que vous ouvriez ce livre à la page cinq et que vous lisiez le premier chapitre : "Principes de base à l'usage des débutants". Et je vous signale qu'il est inutile de bavarder."

Tous les élèves ouvrirent leurs manuels paresseusement, et Ombrage alla s'asseoir dans son fauteuil. Hermione leva la main. La professeure lui jeta un coup d'œil, puis détourna les yeux et l'ignora.

Hermione fulminait. Aucun professeur ne l'avait déjà ignorée quand elle voulait poser une question. Même Rogue, aussi infâme pouvait-il être, lui accordait toujours la parole. Hermione garda donc le bras obstinément levé, sans quitter Ombrage des yeux.

Après plusieurs minutes de lecture silencieuse, Hermione avait toujours la main levée sans réponse. Harry lui lança un regard interloqué auquel elle répondit par un bref hochement de tête. Quand elle tourna la tête vers lui, elle croisa également le regard de Drago, qui était assis à la rangée de droite. Il avait l'air ahuri de la voir aussi butée face à une professeure. Théodore la regardait aussi, à droite de Zabini, mais lui avait un air… admiratif sur le visage.

"Souhaitiez-vous poser une question au sujet de ce chapitre ?" demanda soudain Ombrage, comme si elle venait seulement de la remarquer.

"Non, pas au sujet du chapitre." répondit-elle.

"Pour l'instant, nous sommes en train de lire." dit Ombrage avec un sourire crispé. "Si vous avez d'autres questions, nous attendrons la fin du cours pour nous en occuper."

"J'ai une question à propos de vos objectifs d'apprentissage." continua Hermione d'une voix ferme.

Ombrage haussa les sourcils.

"Votre nom ?"

"Hermione Granger." répondit-elle fièrement.

"Eh bien, Miss Granger, il me semble que ces objectifs sont parfaitement clairs si vous prenez la peine de les lire attentivement."

Hermione entendit clairement le rire dédaigneux de plusieurs élèves. Tout le monde, dans cette classe, connaissait son aptitude à lire.

"Je ne le pense pas." dit-elle avec assurance. "Rien n'est indiqué au sujet de l'utilisation des sortilèges de défense."

Plusieurs élèves tournèrent la tête vers le tableau pour analyser les objectifs de nouveau.

"L'utilisation des sortilèges de défense ?" répéta la professeure, comme si cette idée était la plus futile qu'elle ait entendu. "Je ne vois pas ce qui pourrait arriver dans ma classe qui nécessite de recourir à un tel sortilège, Miss Granger. Vous ne craignez quand même pas de subir une attaque pendant mes cours ?"

"Alors, on ne fera pas de magie ?" s'exclama Ron.

"Lorsqu'on veut s'exprimer dans ma classe, on lève la main, Mr…"

"Weasley." répondit Ron, qui leva la main à son tour.

Harry fit de même, mais Ombrage ne lui accorda pas un regard :

"Miss Granger ? Vous vouliez demander autre chose ?"

"Oui. La raison d'être des cours de Défense Contre les Forces du Mal, c'est bien de pratiquer des sortilèges de défense, non ?"

"Seriez-vous une experte formée par le ministère, Miss Granger ?" demanda Ombrage d'une voix mielleuse.

"Non, mais…"

"Dans ce cas, j'ai bien peur que vous ne soyez pas qualifiée pour définir la raison d'être d'une matière, quelle qu'elle soit. Notre nouveau programme d'études a été établi par des sorciers beaucoup plus âgés et intelligents que vous, Miss Granger. Vous apprendrez ainsi les sortilèges de défense dans des conditions qui garantissent la sécurité et l'absence de risques…"

"À quoi ça peut bien servir ?" demanda soudain Harry d'une voix forte. "Si nous sommes attaqués, ce ne sera pas avec…"

"Votre main, Mr Potter !" interrompit-elle sèchement.

Harry leva la main de nouveau, mais Ombrage ne l'interrogea pas. À la place, elle répondit à la question de Dean, à laquelle elle répondit de la même manière qu'à Hermione : qu'ils n'avaient certainement pas besoin de sortilèges de défense dans cette classe, et que s'ils voulaient avoir leurs BUSES, ils leur suffisait d'étudier la théorie.

"Et à quoi nous servira la théorie dans le monde réel ?" demanda Harry, la voix chargée de colère.

"Ici, nous sommes dans une école, Mr Potter, pas dans le monde réel." répondit Ombrage avec une fausse douceur agaçante.

"Alors, nous n'allons pas nous préparer à ce qui nous attend dehors ?" demanda Harry.

"Rien ne vous attend dehors, Mr Potter."

"Ah, vraiment ? répliqua Harry avec colère.

"À votre avis, qui aurait l'idée d'attaquer des enfants comme vous ?" interrogea le professeur Ombrage de son horrible voix mielleuse.

"Mmm, voyons…" répondit Harry en faisant semblant de réfléchir. "Peut-être… je ne sais pas… Lord Voldemort ?"

Plusieurs élèves laissèrent échapper des cris de surprise. Lavande faillit presque dégringoler de son tabouret. Mais Hermione observa plutôt la réaction de Drago : il ne laissa rien paraître, si ce n'était que son corps se raidit contre sa chaise.

"Dix points de moins pour Gryffondor, Mr Potter." annonça Ombrage doucement. "Et maintenant, je vais éclaircir certaines petites choses…" Elle se pencha contre son bureau dans une posture que quelqu'un adopterait pour parler à un enfant. "On vous a raconté qu'un certain Mage noir était revenu d'entre les morts…"

"Il n'était pas mort !" s'emporta Harry. "Et c'est vrai, il est revenu !"

"Mr-Potter-vous-avez-déjà-fait-perdre-dix-points-à-votre-maison-n'aggravez-pas-votre-propre-cas !" dit le professeur Ombrage d'un seul souffle. "Comme je vous le disais, on vous a raconté qu'un certain Mage noir est à nouveau en liberté. Il s'agit d'un mensonge."

"Ce n'est PAS un mensonge !" s'exclama Harry avec fureur. "Je l'ai vu, je me suis battu contre lui !"

"Vous aurez une retenue, Mr Potter !" répliqua le professeur Ombrage d'un air triomphal. "Demain soir. Cinq heures. Dans mon bureau. Je le répète, il s'agit d'un mensonge. Le Ministère de la Magie peut vous garantir qu'aucun Mage noir ne vous menace. Si vous continuez à éprouver des inquiétudes, n'hésitez pas à venir m'en parler en dehors des heures de classe. Si quelqu'un vous fait peur en vous racontant des mensonges sur le retour des Mages noirs, j'aimerais bien être mise au courant. Je suis ici pour vous aider. Je suis votre amie. Et maintenant, veuillez reprendre votre lecture. Page 5, "Principes de base à l'usage des débutants.""

Hermione s'était douté que cette femme serait insupportable, mais elle n'aurait jamais pu imaginer que ça soit à ce point. Elle était tellement énervée qu'elle devait serrer le poing sous son pupitre. Mais sa colère n'avait rien à voir avec celle d'Harry. Il se leva d'un bond, faisant sursauter tout le monde. Hermione le regarda, et ne reconnut pas le garçon à côté d'elle, il était tout simplement hors de lui.

"Harry, non !" murmura Hermione en lui tirant la manche de son uniforme, mais il se dégagea.

Elle n'avait pas envie qu'il donne la satisfaction de s'énerver à cette femme. Elle n'attendait visiblement que ça. Mais la colère devait probablement l'aveugler, parce qu'il demanda :

"Alors, selon vous, Cedric Diggory est mort de son plein gré ?"

Sa voix était tremblante, de rage et d'émotion. Toute la classe eut le souffle coupé, y compris les Serpentards. Harry n'avait jamais parlé de ce qu'il s'était passé ce soir-là, mis à part Ron et elle.

Ombrage porta sur lui un regard presque désintéressé.

"La mort de Cedric Diggory a été un tragique accident." récita-t-elle mécaniquement.

"C'était un meurtre." contesta Harry. "Voldemort l'a tué, et vous le savez très bien."

Pendant une seconde, la classe se tut. Tout le monde fixait Harry, qui était toujours debout, les traits du visage contractés dans une grimace de fureur qu'Hermione n'avait jamais vu jusqu'alors. Ombrage n'ébaucha pas la moindre expression faciale qui aurait pu exprimer un quelconque sentiment. Puis, de sa voix la plus doucereuse, elle dit :

"Venez ici, cher Mr. Potter."

Harry donna un coup de pied dans sa chaise et Hermione sauta sur la sienne. Il s'approcha du bureau en tremblant. Ombrage prit son temps pour sortir un parchemin, et une longue plume de paon rose pâle. Elle écrivit à l'abri des regards, puis scella le parchemin et le tendit à Harry :

"Allez donc porter ceci au professeur McGonagall, cher Mr Potter."

Harry tourna sur ses talons et quitta la pièce à toute vitesse. Il claqua la porte violemment et Ombrage fit semblant de ne rien avoir entendu. Elle sourit tendrement aux élèves en face d'elle, toussota un "hum hum" insupportable et dit doucement :

"Reprenez la lecture, je vous prie. Pas d'autres questions."

Tout le monde baissa la tête et continuèrent à lire. Hermione ne sortit pas son manuel. Elle échangea un regard avec Ron, puis passa le reste du cours à préparer un plan mental.

Elle l'intitula "le dilemme de Drago Malefoy."

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À la fin du cours de Défense Contre les Forces du Mal, Harry n'était toujours pas revenu du bureau de McGonagall. Hermione et Ron attendirent quelques minutes dans le couloir, puis voyant qu'il ne venait pas, elle soupira de toutes ses forces, épuisée par cette première journée.

"Quand tu as dit qu'Harry allait se sentir seul et s'isoler, je ne pensais pas que tu voulais dire que ça allait arriver le lendemain."

Ron se pinça l'arête du nez avec ses deux doigts.

"Moi non plus." admit-il d'une petite voix. "Je suis épuisé. Cette Ombrage m'a lessivé pour la journée. Tu veux venir dans la Salle Commune avec moi avant de dîner ?"

"Je vais plutôt aller à la Bibliothèque." dit-elle, en essayant à tout prix de ne pas rosir en disant ça. "Tu sais, on a déjà beaucoup de devoirs…"

"Ne m'en parle pas !" marmonna Ron en agitant ses deux mains. "Je ne veux même pas y penser. Ma tête va exploser. À toute, au dîner."

Et il partit dans la direction opposée d'un pas fatigué.

Hermione prit une grande inspiration, visualisa de nouveau son plan dans sa tête, et se dirigea vers la Bibliothèque.

Cette fois-ci, elle était décidée. Elle avait imaginé tout son discours dans sa tête pendant le cours d'Ombrage, et elle était déterminée à ne pas laisser des yeux gris la distraire dans ses propos. En plus, la colère qui l'avait animée pendant la classe était toujours enfouie en elle, prête à ressurgir d'un instant à l'autre.

Elle arriva dans l'immense pièce et inspira l'odeur des livres par habitude. Elle salua Madame Pince, qui lui fit un grand sourire assez rare, et se dirigea d'un pas assuré vers la fameuse table reculée.

Sans savoir comment, elle était sûre déjà qu'il était là. Et effectivement, quand elle tourna dans l'angle de la dernière étagère, elle le vit assis à sa place habituelle, ses livres déjà sortis. Son uniforme de Serpentard était parfaitement repassé, ses cheveux blonds avaient un peu poussé sur son front, et son teint était toujours aussi pâle.

Quand il leva la tête vers elle, Hermione ne se perdit pas dans ses yeux gris. Il eut un petit sourire en la voyant, mais elle n'y répondit pas. À la place, elle leva sa baguette, et murmura la formule du sortilège de Silence autour de la table.

Drago haussa les sourcils, clairement surpris par cette arrivée.

"Malefoy." dit Hermione. "Il faut qu'on parle."

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Désolée pour mon retard, le site bugait sur mon ordi...

J'ai crée une playlist Mon Ange Gardien ! Voici le lien : /playlist?list=PLQ7Uei7CzLYdXbsMLJb75-2D2M-F26sl-&si=wFBKc2wGjN4C91Lb

J'y ai mis toutes les musiques qui me font penser à ma fic, ou celles que j'écoute quand j'écris. Plusieurs lecteurs m'ont également donné des suggestions de titres que j'ai ajouté, n'hésitez pas si vous en avez d'autres pour que je les ajoute :)

Je pars à Dublin cette semaine, j'espère avoir le temps de traduire et de mettre en page le prochain chapitre de dimanche, je vous tiens au courant sur mon Instagram ( elilou_23) :)