J'ai réussi à traduire et à mettre en forme le chapitre juste avant de le publier, ouf !
J'ai adoré Dublin, c'était la première fois que j'allais en Irlande et c'était vraiment un voyage formidable. Si vous y allez un jour, je vous recommande la magnifique Trinity College Library, l'une des plus belles bibliothèques du monde, et la Marsh's Library, qui ressemble beaucoup à celle de Poudlard :) (J'ai une passion pour les vieilles bibliothèques, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué...)
Mais revenons au chapitre d'aujourd'hui ! C'est un chapitre que j'ai beaucoup aimé écrire parce qu'il y a beaucoup de dialogues, ce que je préfère écrire, mais ce qui le rend un peu plus court que les autres. Pour ce qui est du titre, il m'est arrivé une chose assez étrange qu'il fallait absolument que je partage : J'ai hésité entre deux titres tout au long de l'écriture du chapitre : entre "Gémeaux" et "L'ultimatum d'Hermione Granger", pour aller avec le titre de dimanche dernier. J'hésitais encore en sortant de la bibliothèque où j'écris (Bibliothèque Sainte Geneviève à Paris 5 pour ceux qui la connaissent, une autre belle bibliothèque à voir absolument si vous êtes à Paris (désolée encore pour l'obsession)). J'y pensais en rentrant chez moi, et c'est là que j'ai vu une publicité dans le métro, avec "GÉMEAUX" écrit en grosses lettres juste devant moi. C'était une publicité pour une exposition à Paris et j'ai été tellement choquée par cette coïncidence que j'ai décidé que c'était un signe de Merlin et que je devais donner ce nom à mon chapitre.
Voilà, c'est la fin de l'anecdote, on peut maintenant passer à la lecture ! N'oubliez pas d'écouter la playlist que j'ai créée pour l'occasion si vous aimez écouter de la musique d'ambiance pendant votre lecture, je vous redonne le lien : /nhys3nF4ZDU?si=gTbLKXj9Rr6xTJUu
On se voit dans les commentaires ! :)
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Hermione
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Le sourire de Drago s'effaça dès qu'Hermione parla.
"Ah." dit-il avec un soupir, en se redressant contre le dossier de sa chaise. "La voix haut-perchée. Ça promet."
Hermione ignora son commentaire et s'appuya sur la chaise devant elle avec ses deux mains. Elle voulait rester debout pour lui dire ce qu'elle avait récité dans sa tête. Il attendit, en face d'elle, à la fois amusé et un peu interloqué.
Elle prit une inspiration, puis débita en évitant de poser ses yeux sur lui :
"J'ai du mal à te comprendre. Dès que je crois que je t'ai cerné, ou que nous sommes devenus amis, tu fais quelque chose qui me blesse ou qui me rappelle qui tu es vraiment. Comme si tu attendais le moment où je suis assez à l'aise avec toi pour me faire un coup bas. En embêtant Harry et Ron, en parlant à Rita Skeeter en secret… Je suis constamment paniquée à l'idée que tu redeviennes méchant, que tu redeviennes "Malefoy.""
Il avait toujours les sourcils haussés. Hermione continua sa tirade :
"Et d'un autre côté, quand nous sommes seuls ici, tu deviens le garçon le plus intéressant, drôle, gentil qu'il m'ait été donné de connaître. Quand je suis à cette table, le temps passe plus vite. J'adore te parler, même si parfois on se dispute, ou qu'on est pas d'accord, ou que tu me rends folle de rage. J'adore aller sur notre banc et apprendre à te connaître. Apprendre à connaître Drago. Celui avec qui j'ai mangé un œuf de Pâques, celui à qui j'ai offert des partitions, celui qui m'écrit des lettres qui me font sourire plusieurs jours, celui qui brave tous les interdits pour venir me voir à Hampstead Park…"
Drago ne montra rien sur son visage qui pourrait indiquer qu'il était touché par ces mots. Hermione ne se laissa pas abattre pour autant, déterminée à terminer son discours :
"J'aime autant Drago que je hais Malefoy. Et j'en ai marre de devoir choisir parmi ces deux personnalités. J'en ai marre de culpabiliser quand je passe du temps avec toi parce que je ne peux pas parler de toi à mes amis, parce que pour eux, tu seras toujours ce Malefoy infâme qui prend du plaisir à faire du mal aux autres. J'en peux plus de tes humeurs changeantes, je déteste quand tu dis ces choses atroces à Harry…"
"Je te l'ai déjà dit, Granger." interrompit sèchement Drago. "Mon amitié avec toi ne change rien au fait que Potter restera mon ennemi."
"Mais pourquoi ?" demanda-t-elle impatiemment. "Il ne t'a rien fait ! Je ne demande pas à ce que tu deviennes soudainement son meilleur ami, je te demande simplement de le respecter, ou simplement de l'ignorer…"
"Je ne peux pas, Granger." dit-il, comme une finalité.
"Pourquoi ?"
"Parce que je le déteste." dit-il avec un haussement d'épaules. "Je le hais, ça a toujours été le cas, et ça ne changera jamais. Il est insupportable, il prend l'attention de tout le monde avec sa prétendue "célébrité" en jouant les martyrs alors qu'il n'a jamais réussi à faire quelque chose de bien dans sa vie…"
"Ce n'est pas vrai, tu n'as aucune idée…"
"Il ne se rend pas compte de tous les gens derrière lui qui sont là pour l'aider, Dumbledore et tous les autres professeurs, toi, et même Weaslaid…" continua Drago d'un ton de plus en plus irrité. "Et nous, alors ? Les autres ? Qui était là quand Pansy s'est évanouie en plein milieu d'un cours ? Qui était là pour Théo quand…"
Il s'arrêta brusquement et posa son poing serré contre la table en expirant plusieurs fois.
"Rogue." finit-il par dire. "Rogue a été le seul à nous aider, nous. Pas Dumbledore, pas McGonagall, pas Hagrid, pas Lupin. Rogue."
"Mais Harry n'a rien à voir avec ça…"
"Il a tout à voir avec ça." gronda Drago en levant la tête vers elle. "Et il ne s'en rend même pas compte. Il pleure quand la moindre chose lui arrive…"
"La moindre chose ?! Drago, il a perdu ses parents ! Ils se sont fait assassinés par Tu-Sais-Qui !" s'exclama Hermione avec colère.
"Parfois, perdre ses parents est mieux que d'en avoir." murmura Drago.
Il baissa le regard sur ses livres. Hermione ne comprenait pas trop ce qu'il insinuait. Elle ne savait pas s'il voulait parler de ses parents à lui, ou de ceux de ses amis.
"Je te l'ai déjà dit dans mes lettres." continua-t-il sans la regarder. "J'ai accepté le fait qu'on puisse être amis, tous les deux. Mais Potter, c'est hors de question. Je ne peux pas. Mon père…"
"Ton père ?" interrompit-elle avec un rire jaune. "Tu vas vraiment utiliser l'excuse de ton père maintenant ?"
"Oui, c'est exactement ce que je vais faire !" cria Drago en se levant d'un bond, cognant sa chaise contre le rebord de la table et faisant sursauter Hermione qui recula d'un pas. "Je risque déjà beaucoup en te parlant, Granger ! Je fais tout pour que ça reste secret, pour veiller à ta sécurité, pendant que tu balances tout à un putain de Bulgare !" cracha-t-il avec fureur. "Si je me mets à apprécier Potter, comment penses-tu que ma famille réagirait ? Alors que mon père travaille pour Lui ? Je n'ai pas le luxe de pouvoir choisir ce que j'en pense, je suis forcé à le détester, parce que si je ne le fais pas, je pourrais me faire déshériter, ou pire !"
"Mais tu as toujours le choix !" dit-elle avec la même force, oubliant momentanément qu'elle devait réciter un texte appris par cœur.
"Je n'ai pas le choix ! Je n'ai jamais eu le choix !" hurla-t-il.
"Et bien moi, je l'ai !" s'énerva Hermione. "Et j'en ai marre d'être sans cesse tiraillée entre tes deux personnalités ! Je crois Harry, je croirai toujours Harry, et j'en peux plus de cette culpabilité qui me dévore de l'intérieur dès que je passe du temps avec toi, ou que je pense à toi !"
"Et pourquoi ça ne te fait chier que maintenant, Granger ?" siffla Drago entre ses dents, à la manière d'un serpent prêt à mordre sa proie. "Ça ne t'a jamais dérangée avant ! Rien n'a changé !"
"Tout a changé !" cria Hermione avec hargne. "Tout a changé depuis que tu m'as dit que tu m'aimais !"
Aussitôt, tout le corps de Drago se figea. Il la contempla, hébété, un doigt accusateur toujours en l'air. La veine qui pulsait contre la peau son cou était plus visible que jamais. Ses pupilles glacées qui lançaient des éclairs jusqu'à présent se dilatèrent subtilement.
Il recula de stupeur, et se passa une main sur le visage, puis monta jusqu'à ses cheveux pour les prendre entre ses doigts. Il ferma les yeux quelques secondes pour se calmer.
Puis, il se rassit sur sa chaise, et parla d'une voix beaucoup plus basse :
"Je savais que je n'aurais jamais dû te dire ça."
"Moi, je suis contente que tu l'aies fait." admit Hermione, en parlant à la même intensité que lui.
Drago se repassa une main dans les cheveux, la tête baissée.
"Assieds-toi." dit-il doucement.
"Non, je veux rester debout."
"Hermione…" chuchota-t-il dans un soupir. "Assieds-toi. S'il te plaît."
Elle ne savait pas si c'était parce qu'il avait appelé par son prénom, ou si c'était parce que sa voix était presque suppliante, mais Hermione consentit à s'asseoir. Elle avait tellement crispé ses doigts contre le rebord de la chaise qu'ils étaient tout ankylosés.
Quand elle prit place, Drago leva enfin la tête et la détailla plusieurs secondes, en silence.
"Je peux les mettre de côté. Mes… sentiments." expliqua-t-il dans un murmure, si bas qu'Hermione dû se pencher pour l'entendre. "Je te l'ai dit parce que je voulais que tu saches pourquoi j'étais si énervé quand Krum t'as emmenée au Bal, ou en date, ou peu importe. Je voulais que tu le saches, mais je ne voulais pas que tu insistes dessus, parce que je ne veux pas que ça change quelque chose entre nous. J'avais oublié que je parlais avec la fille la plus têtue d'Angleterre..."
"Ta déclaration est la seule preuve que tu mérites qu'on soit amis." dit-elle avec franchise. "C'est la seule chose qui me pousse à venir te voir à la Bibliothèque. Parce qu'après ton comportement d'hier, je n'étais vraiment pas sûre de venir."
"Mais tu m'avais dit que tu le ferais." dit-il d'une toute petite voix.
Hermione se souvenait parfaitement du moment auquel il faisait référence. Devant la station d'Hampstead Park, au milieu du Londres moldu, le soleil chauffant ses joues…
"Mais tu étais différent à ce moment-là." contredit Hermione le plus gentiment possible. "Tu étais Drago. Mon Drago. Depuis hier, tu es Malefoy."
"Je ne peux pas changer qui je suis, Granger." dit Drago. "Je ne peux pas être que Drago. Je dois être Malefoy. Même si, parfois, j'ai du mal à l'être, quand tu me regardes avec autant de déception dans tes yeux."
"Tu as emmené Crabbe et Goyle." accusa-t-elle, et elle se surprit à percevoir de la douleur dans sa propre voix.
"Je sais. C'était stupide." dit-il avec un soupir affligé.
Elle hocha la tête et ne dit rien pendant plusieurs minutes. Drago était dans un état qu'elle avait du mal à définir : il était à la fois accablé, à moitié penché sur la table et le regard triste, et en même temps, elle pouvait sentir la colère émaner de son corps. Elle pouvait voir qu'il essayait de se contrôler.
Hermione s'autorisa enfin à le regarder. Pour la première fois depuis le mois de Juillet, Drago était devant elle. Et maintenant que son visage n'était pas marqué de cette expression hostile, elle apprécia pleinement son observation : ses cheveux blonds tout décoiffés par l'assaut de ses mains, ses yeux gris orageux, ses mains posées sur la table et ornée de plusieurs bagues en argent… Elle avait tellement pensé à lui pendant l'été, et pourtant, son imagination n'arrivait pas vraiment à représenter la perfection de ses traits. La couleur de sa peau qui se mariait magnifiquement bien avec la couleur de ses lèvres. Ses longs doigts qui effleuraient le bois de la table sans s'en rendre compte. Sa mâchoire contractée par la concentration…
La table était silencieuse depuis trop longtemps. Et Hermione détestait le silence. Elle détourna les yeux de Drago et reprit la parole avec hésitation :
"Ron est venu me parler hier…"
Aussitôt, Drago leva la tête d'un mouvement sec, ce qui la força à le regarder de nouveau. Sa bouche était tordue par l'inquiétude, mais ses yeux avaient retrouvé la couleur glacée de la colère.
"Je n'en ai rien à foutre de Weasley." siffla-t-il avec un air de défi. "Qu'est-ce qu'il te voulait ?" demanda-t-il tout de même.
Hermione faillit lever les yeux au ciel en entendant cette réaction disproportionnée.
"Il voulait me dire qu'il était loyal envers Harry." expliqua-t-elle.
Drago arqua un sourcil.
"Ah. Et il lui a fallu cinq ans pour comprendre ça ?" demanda-t-il, plein de sarcasme.
"Laisse-moi finir. Il m'a dit qu'il croyait Harry, et que si c'était mon cas aussi, je devais le soutenir plus que jamais en ce moment. Tout le monde croit la Gazette, tout le monde veut croire qu'il dit n'importe quoi pour ne pas admettre que Tu-Sais-Qui pourrait être de retour."
Drago leva les yeux au ciel, mais Hermione ne savait pas si c'était en réaction à Harry, ou aux personnes qui étaient assez stupides pour croire la Gazette. Hermione réalisa que de toutes les personnes dans ce Château, Drago était l'une des seules qui savait que Voldemort était bel et bien revenu.
"Et qu'est-ce que tu lui as répondu ?" demanda Drago avec un mépris qui laissait entendre que la réponse lui importait peu. Mais Hermione savait qu'il était secrètement intéressé par la réponse.
"Que je croyais Harry." répondit-elle sans hésiter. "Que je lui étais loyale, autant que Ron."
Drago soupira en la regardant d'un air déçu.
"Pour une fille aussi intelligente que toi, je trouve cette décision complètement stupide." dit Drago en détournant le regard.
"Peut-être, mais ça ne change rien à mes convictions." asséna Hermione d'une voix qui avait monté d'un octave contre son gré. "Harry restera ma priorité. Je lui fais confiance, et je sais qu'il a besoin de moi. Tu t'es promis qu'il sera ton ennemi… Et je me suis promis que je me battrais pour lui. Et je le fais. Je me suis même disputée avec Lavande Brown hier parce qu'elle doutait de lui. Je suis complètement de son côté. Mais tu es ma seule faille. Et le poids de la culpabilité est trop lourd à porter."
"Qu'est-ce que tu veux dire, Granger ?" lança Drago avec un ricanement amer. "Tu veux tout arrêter ?"
Il désigna la table ronde de la main.
"Je ne veux pas." corrigea Hermione. "Mais je serai obligée de le faire si tu n'es pas d'accord avec moi."
Quelque chose de très étrange se passa alors sur le visage de Drago. Une seconde, il écoutait ce qu'elle disait, et l'autre, son visage se ferma complètement. Elle n'eut guère le temps de percevoir la surprise sur ses traits. Rien n'avait changé, pourtant, si ce n'était que ses yeux étaient plus foncés, et que sa mâchoire était serrée. Mais Hermione avait tout de même la sensation étrange que Drago s'était éloigné d'elle sans avoir esquissé le moindre pas.
"Fais attention à ce que tu dis, Granger." dit-il, et sa voix était beaucoup plus froide et menaçante qu'avant. "Si tu me demandes de choisir entre haïr Potter ou passer du temps avec toi à la Bibliothèque…"
"C'est exactement ce que je fais." coupa-t-elle. "Je te propose un choix. Soit tu continues à embêter Harry et nous arrêtons d'être amis, soit on continue à se voir en secret et tu arrêtes de te moquer de lui."
"C'est du chantage." siffla-t-il.
"Non, c'est un ultimatum." rectifia Hermione.
"Si tu penses vraiment que tu es assez impor…" commença-t-il, et Hermione comprit que le ton qu'il était en train d'employer n'était pas réservé aux mots les plus gentils.
Elle le coupa une seconde fois :
"Je ne veux pas ta réponse tout de suite. Prends le temps d'y réfléchir. Et si tu veux en discuter, je serai sur le banc, ce soir. Si tu décides que tu préfères défouler ta haine contre Harry, soit. Ne viens pas, et je comprendrais que tu as choisi ton camp. Mais s'il te plaît, Drago, réfléchis bien, d'accord ? Je serai sur le banc à t'attendre, ce soir, après le dîner."
Et là-dessus, Hermione se leva, laissant un Drago médusé à la table ronde de la Bibliothèque.
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Drago
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Drago n'avait jamais été aussi perplexe en entrant dans la Grande Salle. Granger était partie de la Bibliothèque depuis une vingtaine de minutes déjà, pourtant, sa voix fluette était toujours gravée dans sa tête. À chaque pas qu'il faisait, ses paroles résonnaient en lui comme un mauvais présage. "Soit tu continues à embêter Harry et nous arrêtons d'être amis, soit on continue à se voir en secret et tu arrêtes de te moquer de lui."
Drago n'avait aucune idée de ce qu'il était censé faire. Il savait, en son for intérieur, qu'il devait haïr Potter. C'était ce que sa raison lui dictait. Mais, l'idée de perdre Granger était tellement effrayante qu'il en perdait ses principes. La perspective qu'elle ne vienne plus à la Bibliothèque était plus terrifiante encore que son père.
Il s'assit mécaniquement à la table des Serpentards, les yeux dans le vide. Crabbe et Goyle étaient déjà assis, mais même s'ils lui avait parlé, Drago n'entendit rien. Ses pensées tourbillonnaient trop dans sa tête pour prêter attention à ses alentours.
Soudain, il entendit le brouhaha habituel de la Grande Salle se transformer en messes basses. Potter venait d'entrer, accompagné de Granger et Weasley. Dès qu'il s'installa à sa table, les autres élèves ne se gênèrent pas pour le montrer du doigt en échangeant des théories en chuchotant. La nouvelle que Potter s'était emporté contre Ombrage pendant le premier cours de Défense Contre les Forces du Mal s'était manifestement répandue très vite dans le Château.
Pendant que tout le monde regardait Potter, Drago observait Granger. Rien, dans son comportement, ne laissait entendre qu'elle venait d'hurler sur quelqu'un. Elle discutait simplement avec ses deux meilleurs amis. Il détourna le regard en sentant la colère monter face à son indifférence.
Drago savait qu'il ne devait pas aller sur ce banc. C'était une excellente manière de se débarrasser de ce problème. Elle lui offrait une issue. Mais pourtant, il était incapable d'imaginer laisser Granger seule dans le parc et réaliser à quel point il était un connard.
Théo, Blaise et Pansy prirent soudain place à côté de lui, et Drago Occluda immédiatement.
"Je déteste cette femme." asséna Théo.
Il jeta un regard plein de haine à Ombrage, assise au bout de la table des professeurs. Cette dernière ne remarqua rien et continua de boire sa soupe.
"Pourquoi ?" demanda Pansy en se servant de la salade. "Je veux dire, elle n'a pas une personnalité super attrayante, je te l'accorde, mais elle est de notre côté, non ? Elle déteste Potter, comme nous, et elle était à Serpentard, comme nous."
"Elle travaille au Ministère de la Magie." pointa Théo.
"Et alors ? Ce n'est pas là où tu voulais travailler ?" demanda Blaise qui jeta un regard curieux à Théo.
Les oreilles du garçon devinrent un peu rouges.
"Euh… Oui, mais plus maintenant." répondit-il timidement, en s'intéressant soudain au contenu de son assiette.
"Tu voulais travailler là-bas ?" s'étonna Pansy. "Dans quel département ?"
"Ministre de la Magie." répondit Blaise à la place de Théo.
Pansy et Drago s'esclaffèrent tandis que le concerné jetait un regard noir à Blaise.
"C'était il y a longtemps." marmonna-t-il en piquant dans son omelette. "Je ne veux plus travailler là-bas. Si c'est plein de harpies dans ce genre-là, je m'en passerai."
Il désigna une nouvelle fois Ombrage avec le bout de sa fourchette.
"Merlin, pourquoi la détestes-tu autant ?" demanda Pansy.
"T'as pas suivi ce qu'elle disait, en classe ?" demanda Théo d'un ton exaspéré.
"Pas vraiment, j'étais plutôt déconcentrée par les hurlements de Potter…"
"Avant ça." dit Théo. "Elle bannit la pratique de la magie dans sa classe !"
"Et alors ? On sait très bien se défendre par nous-mêmes." remarqua Pansy avec un haussement d'épaules.
"Justement, ce n'est pas normal." s'impatienta Théo. "On ne devrait pas avoir à apprendre les techniques de défense par nous-mêmes. Cette bonne femme refuse de nous les apprendre. Nous faire croire que le monde est beau et qu'aucun danger extérieur nous attend…"
"Je peux t'apprendre, moi, si tu veux." dit Blaise avec un sourire. "Mais moi, ça sera sans baguette."
Il dit craquer ses phalanges et Pansy eut un petit rire. Théo, lui, resta de marbre.
"Elle veut nous faire croire que Vous-Savez-Qui n'est pas revenu !" murmura-t-il d'un ton pressé.
"Si les gens sont assez stupides pour penser que ce n'est pas le cas, alors tant pis pour eux." dit Blaise de sa voix emplie de sagesse.
"Ils pensent que Potter est un fou…" continua Théo.
"Il l'est." coupa Pansy.
"Parce qu'il a fait un cauchemar une fois en cours de Divination ?" railla Théo. "Crois-moi, je ferais des cauchemars aussi si je me retrouvais à entendre un mot de cette folle de prof."
Les yeux de Pansy se fendirent méchamment en entendant une telle injure à l'encontre de sa professeure préférée.
"Il n'a pas fait qu'un cauchemar, il a eu une vision." corrigea-t-elle d'une voix envenimée.
"Je croyais que c'était bien, d'avoir des visions ?" demanda Blaise à Pansy, sincèrement perdu. "Tu as dit toi-même que les voyants…"
"Potter n'est pas un voyant !" dit Pansy en levant les yeux au ciel. "Il n'a pas de Troisième Oeil, ou de prédispositions à la Divination, c'est juste un traumatisé qui ne sait pas gérer trop d'émotions à la fois et qui explose en permanence ! Tu l'as vu toi-même en classe, il était complètement déchaîné !"
Drago se demanda ce que penserait Granger de cette description.
"Il a vu Diggory mourir devant ses yeux." dit Théo très sérieusement. "Personnellement, je serais traumatisé aussi si ça m'était arrivé, pas toi ?"
Pansy haussa les épaules, mais elle déglutit difficilement. Théo avait visé juste. Ils finirent leurs assiettes en silence. Quand les desserts apparurent, Blaise prit une grosse part de tarte aux pommes.
"Ombrage est chiante avec Potter, c'est un fait." dit Pansy après plusieurs minutes de silence. "Mais pourquoi tu la détestes ? Elle ne t'as rien fait."
"Je déteste qu'on me force à penser quelque chose." expliqua Théo fermement. "C'est ce que mon père a essayé de faire toute sa vie et j'ai détesté ça. Je veux pouvoir décider par moi-même. Et cette… vipère ne me laisse pas le faire."
Ombrage était toujours en train de manger tranquillement, insensible à la haine de Théo à son égard à quelques mètres d'elle. Pourtant, si ses yeux étaient une baguette, elle serait morte sur le champ.
"Et en plus, ses cours sont nuls." conclut Théo avec un soupir.
"Ça, c'est vrai." dit Pansy en hochant la tête. "Je n'ai pas lu une ligne de son texte dans le manuel. C'était chiant à mourir."
"C'est du rabâchage de conneries." dit Théo, qui n'avait pourtant jamais critiqué le moindre livre auparavant. "On ne va rien apprendre. Je préférais presque Lupin, au moins, on pouvait pratiquer la magie."
"Non. Pas à ce point-là." dit Pansy.
Personne n'était au courant, mais Drago savait que Pansy avait un très mauvais souvenir de Lupin, à cause de l'Épouvantard qu'elle avait dû affronter aux examens de fin d'année.
"On aimait pas le professeur, mais tu ne peux pas dire que les cours n'étaient pas intéressants." remarqua Blaise entre deux bouchées de tarte.
"C'était un loup-garou." dit Pansy dans un murmure, comme si le fait de prononcer ce mot à voix haute pouvait lui porter malheur.
"Ou ce qu'Ombrage a décrit comme "un hybride particulièrement dangereux."" dit Blaise avec un rire, probablement amusé que le Lupin miteux qu'ils connaissaient pouvait être considéré comme un être dangereux.
Théo, lui, ne riait pas.
"C'est atroce de traiter quelqu'un comme ça." dit-il férocement.
"Tu es défenseur des droits des loup-garous, aussi ?" se moqua Pansy.
"Non, je dis simplement que c'est horrible d'appeler quelqu'un comme ça. Surtout quand on porte un cardigan rose aussi laid."
Là-dessus, Pansy ne put qu'acquiescer. Elle jeta un regard vers Ombrage et retroussa les lèvres, comme à chaque fois qu'elle voyait un vêtement qui ne lui plaisait pas. Elle reposa sa cuillère dans son assiette.
"C'est tellement moche que ça m'a coupé l'appétit." dit-elle d'un ton écoeuré.
Blaise s'empressa de lui prendre sa part de tarte.
"Je la déteste." répéta Théo. "Je vais rater mes BUSES à cause d'elle…"
"Oh, Théo !" se lamenta Blaise en regardant le ciel de la Grande Salle comme s'il appelait Merlin pour le secourir. "Encore avec ces maudites BUSES… C'est dans neuf mois !"
"Il faut réviser tous les cours depuis la première année !" dit Théo. "Évidemment que j'en parle dès maintenant ! Et si c'est cette Ombrage qui nous entraîne, alors il faut que je révise la défense impérativement…"
"Tu parles comme Granger !" se plaignit Blaise.
Drago faillit éclater de rire tout seul en pensant au nombre de fois où il s'était dit la même chose. Il mangea un gros morceau de pomme pour ne pas le faire et fit extrêmement attention de ne pas lever la tête. Il ne voulait pas paraître intéressé par la tournure que venait de prendre la conversation.
À cet instant, des bruits de couverts qui tombent et de banc qui racle se firent entendre dans la Salle et tout le monde leva la tête pour observer Potter, Granger et Weasley sortir de la pièce en trombe. Potter était dans le même état que lors de la classe d'Ombrage : absolument furieux. Granger jeta un regard circulaire menaçant aux élèves qui les regardaient partir et s'échappa par la grande porte principale, sans même avoir terminé son dessert.
"En parlant de Granger…" siffla Pansy en observant la Gryffondor avec un air de profond dégoût sur le visage.
"Une chose est sûre, Théo, c'est qu'elle déteste Ombrage autant que toi." remarqua Blaise, qui se resservait une troisième part de tarte aux pommes. "Je l'avais jamais entendue se rebeller de la sorte en cours, avant."
Drago devait avouer qu'il avait raison. Granger avait été méconnaissable pendant cette classe à répondre aussi insolemment à une professeure. Elle n'avait même pas rougi. Drago l'avait rarement vue aussi fiévreuse. Il avait pu deviner ses pensées médisantes à l'égard d'Ombrage à travers chacune de ses expressions faciales.
Il eut un petit sourire en se rappelant de ce moment, avant d'Occluder de nouveau.
"Moi, oui." intervint Pansy. "Divination, troisième année. Elle était partie de la classe en balançant une boule de cristal aux pieds de Trelawney, vous vous souvenez ?"
"Si seulement tu pouvais avoir des visions des prochains cours de Divination pour me prévenir que je vais rater une scène mythique…" dit Blaise avec un soupir.
Pansy leva les yeux au ciel.
"Et bien, moi, j'ai trouvé très courageux ce qu'a fait Granger." déclara Théo.
Cette fois-ci, Drago leva la tête vers lui. Ses oreilles étaient toujours rouges et il était tellement penché sur sa tarte que son nez frôlait les pommes dessus.
"Courageux ? Sérieux ?" s'étonna Blaise.
"Oui." affirma Théo d'un ton décisif, malgré ses rougeurs. "Elle a osé dire ce que je pensais tout bas. Je n'aurais jamais osé m'adresser de la sorte à une professeure, mais je suis ravi qu'elle l'ai fait. Elle a agi dans le respect mais sans se laisser faire, contrairement à Potter… Je dis simplement que si vous trouvez que je parle comme elle, c'est plutôt un compliment à mes yeux."
Pansy et Blaise le contemplèrent avec choc, mais ce n'était rien par rapport à Drago, qui devait le fusiller du regard sans même s'en apercevoir. Il n'aimait pas trop quand il parlait de Granger de la sorte, aussi… gentiment.
Blaise finit par hausser les épaules et Pansy ne fit pas de commentaire. Malgré sa jalousie, Drago ne put s'empêcher de ressentir un élan d'admiration pour Théo. Il disait toujours ce qu'il pensait, même si c'était une opinion que les autres ne partageaient pas. Il avait même tenu tête à son père, la personne la plus effrayante que Drago ait pu rencontrer.
Théo réglait un problème que Drago subissait depuis la première année : affirmer ce qu'il pense sans avoir peur des répercussions.
Alors, juste pour ça, la jalousie de Drago s'atténua un peu, et il continua de manger son dessert.
"Et toi, Dray, t'en penses quoi de cette Ombrage ?" demanda soudain Blaise.
"Euh… Pas grand chose." dit-il, s'adressant à voix haute pour la première fois du repas. "Elle est insupportable et ses cours sont bien pourris, mais mon père dit qu'il faut se ranger de son côté pour se faire bien voir, alors j'imagine qu'elle ne doit pas être si horrible."
Théo roula outrageusement des yeux en entendant ça.
"Mais toi, t'en penses quoi ?" demanda Blaise.
"J'en pense que tant qu'elle fait chier Potter, je serais son ami." répondit Drago avec un sourire en coin.
Pansy approuva d'un hochement de tête. Blaise n'insista pas. Mais Drago entendit distinctement le marmonnement de Théo :
"Toujours ces deux personnalités…"
Il tiqua en entendant ça.
"Qu'est-ce que t'as dit ?" l'interpella Drago.
Théo leva la tête pour le regarder. C'était la première fois qu'ils se parlaient depuis la veille de la rentrée.
"J'ai dit : toujours avec ces deux personnalités." répéta Théo en articulant chaque syllabe comme si Drago était aussi stupide que Crabbe et Goyle.
"Moi ?"
"Oui, toi !" répondit Théo avec un énième soupir. "Tu es toujours partagé entre deux opinions, ou deux humeurs, ou deux personnalités, c'est chiant !"
Drago le regarda sans rien dire, stupéfait par cette remarque. C'était exactement ce que lui avait dit Granger à la Bibliothèque il y a moins d'une heure.
"Drago a toujours été comme ça." intervint Pansy, absolument pas déconcertée par l'analyse de Théo. "C'est dans sa nature."
"Quoi ? Mais de quoi vous parlez putain ?!" s'énerva Drago, qui détestait être analysé de la sorte.
"Tu vois !" s'écria Pansy en le montrant de la main. "Là, t'es passé à la colère. Tu valses d'une humeur à une autre sans t'arrêter. Tu es constamment en dualité. Mais c'est complètement logique, si on y réfléchit bien."
"Pourquoi ?" demanda Théo.
"Parce que Drago est Gémeaux." répondit Pansy en haussant les épaules, comme si cette réponse expliquait tout.
Drago ne put retenir un soupir agacé.
"N'importe quoi." dit-il, vexé.
"Ce n'est pas n'importe quoi. Les Gémeaux sont définis par leur dualité." expliqua Pansy à la manière d'une professeure qui donnerait classe. "Ils oscillent toujours entre deux éléments intérieurs. Soit dans l'opposition par le conflit, l'instabilité, la dispersion, voire la destruction, ou dans la complémentarité, donc plutôt dans les liens, les échanges, la curiosité…"
Drago se fit la réflexion qu'à force de lire son bouquin de Divination, Pansy l'avait probablement appris par cœur. Blaise et Théo l'écoutaient avec attention, ce qui était assez rare quand elle parlait d'Astrologie.
"Comme avec son père, par exemple ?" demanda Blaise.
"Hé !" s'énerva Drago.
"Exactement." dit Pansy, ignorant le blond. "Il sera toujours partagé. Entre la différence et la ressemblance, indépendance et solidarité, conflit et union, égoïsme et générosité, haine et amour…"
"Est-ce que vous pouvez arrêter de parler de moi comme ça ?" grogna Drago, qui surveillait les alentours pour vérifier que personne n'entendait.
"Pour toi Théo, c'est différent." poursuivit Pansy de sa voix formelle. "Les Vierges voient tout en noir et blanc. Il n'y a pas vraiment de nuances dans tes pensées. C'est soit bien, soit mal. Et pour Blaise et moi, nos perceptions changent beaucoup en fonction de notre affect."
"Wow." lâcha Théo d'un ton impressionné. "Tu sais quoi, je n'ai jamais cru à ces conneries de signes, mais là… Je dois admettre que c'est la connerie de Divination la plus vraie que j'ai entendu."
"Ce n'est pas que de la Divination, c'est aussi de l'Astrologie." corrigea Pansy en se levant de table, maintenant que Blaise avait terminé (entièrement) la tarte. "Je suis sûre que si tu t'intéressais un tant soit peu à cette science, tu serais choqué de voir à quel point elle est exacte sur plein de sujets."
"Je ne sais pas si ça serait le cas, mais en tout cas, cette analyse de Drago est affreusement réelle." dit Théo en sortant de la Grande Salle. Il frissonna en entrant dans le couloir. "Merlin, qu'il fait froid dans ce Château…"
"Théo, si j'avais gagné un Gallion à chaque fois que tu avais prononcé cette phrase, je serais plus riche que tous nos parents réunis." répliqua Blaise.
Pansy éclata de rire, mais Drago était bien trop préoccupé pour rire aussi. La description des Gémeaux de Pansy était, il devait l'avouer, extrêmement précise et juste. Ce n'était pas la première fois qu'elle lui donnait l'impression que la Divination n'était pas aussi merdique qu'il l'aurait pensé.
Il n'aimait pas vraiment l'idée de pouvoir être lu aussi ouvertement. Il n'avait jamais réalisé que ses amis puissent le connaître assez bien pour connaître toute sa personnalité. Parfois, il aurait préféré traîner qu'avec Crabbe et Goyle, ça lui aurait reposé le cerveau.
Ils traversèrent les cachots. Il faisait déjà presque nuit, dehors. Pansy murmura le mot de passe et la porte s'ouvrit. Naturellement, il y avait une fête dans la Salle Commune. La musique n'était pas aussi forte que d'habitude, mais plusieurs personnes dansaient déjà près des gramophones. Théo fila directement au dortoir pour aller mettre un pull.
Le temps que Drago s'asseye dans leur canapé habituel, Pansy avait déjà un gobelet de whisky à la vanille de la main gauche et une cigarette allumée de la main droite.
Elle prit place à côté de Drago, et Blaise s'assit dans son fauteuil attribué. Drago remarqua que Daphné s'en alla pile quand Blaise arriva.
Drago n'avait pas trop suivi la "relation" entre Blaise et Daphné. Il avait simplement réalisé au fil des semaines que ce n'était plus vraiment un plan cul mais plutôt un couple, avant qu'ils se séparent abruptement en fin d'année. Pansy devait tout connaître de l'histoire, mais pour une fois, elle n'avait partagé aucun potin, probablement à la demande de Blaise. Il ne parlait jamais de ce genre de choses. Drago ne savait même pas qui avait rompu avec qui.
Drago balada son regard parmi les danseurs sans trop les voir. Quand il aperçut Daphné, les yeux rivés sur Blaise et prête à éclater en sanglots, Drago comprit alors qui avait quitté qui.
"Hu-oh." dit Pansy en apercevant sa meilleure amie en même temps que lui. "Je reviens. Tu peux me tenir mon verre ?" demanda-t-elle à Drago en lui fourrant le gobelet dans sa paume sans attendre sa réponse.
Elle se leva et fonça dans la foule de danseurs. Juste avant qu'elle n'intercepte Daphné, elle se retourna, faisant virevolter ses cheveux lisses :
"Ne le bois pas, il n'y en a plus beaucoup !" avertit-elle en pointant son verre du doigt.
"Aucun risque." marmonna Drago en sentant les effluves répugnantes de vanille émaner du gobelet.
Blaise regardait les deux filles parler avec une expression quelque peu tourmentée.
Contre toute attente, Théo s'assit alors à côté de Drago dans le canapé, à la place qu'occupait Pansy quelques secondes plus tôt. C'était surprenant pour deux raisons : la première était que Théo assistait rarement aux fêtes, et s'il le faisait, c'était d'assez loin, assis à une table de révisions. La seconde était qu'il était censé toujours bouder Drago.
Théo regarda les danseurs, lui aussi perdu dans ses réflexions. Il avait revêtu un sweat noir de Blaise pour se couvrir du froid.
Puis, tout à coup, il se tourna vers Drago.
"Hum… Hey." dit-il piteusement, sans le regarder dans les yeux.
Drago haussa les sourcils. Il le saluait alors qu'ils avaient passé la journée ensemble ?
"Hey…?" répondit Drago avec méfiance.
"Je voulais te parler." murmura Théo en triturant ses mains, visiblement intimidé par cet exercice. "En fait, je voulais m'excuser."
"T'excuser ? Pourquoi ?" demanda Drago, abasourdi.
"Pour mon comportement. J'ai réagi comme un gamin…" dit Théo avec un soupir chagriné. Drago avait l'impression que c'était la centième fois qu'il soupirait de la journée. "J'ai mal pris le fait que t'aies été nommé préfet et j'ai tout déchargé sur toi, alors que ce n'était pas de ta faute. Et après, j'ai commencé à te faire la gueule, et il était trop tard pour revenir en arrière. Je suis désolé."
"Ce n'est pas grave." répondit impulsivement Drago, surpris par cette excuse inattendue. "Je comprends pourquoi t'étais dégoûté. Je l'aurais été aussi si j'avais été dans ton cas."
Théo eut un petit sourire rassuré et osa enfin lever la tête. Ses boucles aux reflets noisettes étaient presque aussi longues qu'avant le Bal de Noël, et cachaient ses yeux bleus en amande.
"Tu te souviens de ce que je t'ai dit, l'année dernière ?" demanda-t-il avec espoir.
"Tu m'as dit beaucoup de choses l'année dernière, Théo." répondit Drago d'un ton sarcastique.
"Je t'ai dit qu'on sera toujours potes, et qu'aucune connerie que tu pourrais faire ne m'empêchera d'être ami avec toi." rappela-t-il avec un sourire gêné. "Je me suis rappelé qu'être préfet n'était donc pas vraiment une raison pour t'en vouloir."
"Si je pouvais, je te donnerais mon badge." promit Drago. "Ça a l'air d'être beaucoup plus chiant que ce que j'imaginais."
Il se garda bien de ne pas lui révéler la seule raison valable pour laquelle il aimait être préfet. Théo hocha la tête :
"Ouais, j'ai cru remarquer."
"Alors, tu m'en veux plus ?" demanda Drago.
"Nan." répondit Théo avec un mouvement de la main, comme s'il voulait éloigner cette idée le plus loin possible. "En plus, j'ai réalisé que pour être préfet, fallait parler avec des gens, donc je crois que ce n'est pas trop mon truc."
Drago éclata de rire, et au même moment, Blaise lâcha un "oh non…" désespéré. Drago se tourna vers lui et vit qu'il n'avait pas prêté la moindre attention à leur conversation. Il regardait toujours Pansy et Daphné, un peu plus loin. Cette dernière pleurait maintenant à chaudes larmes contre l'épaule de la brune qui la consolait du mieux qu'elle pouvait en lui caressant le dos.
"Elle pleure pour toi ?" demanda Théo, surpris.
À cet instant, Daphné leva la tête de l'épaule de Pansy et jeta à Blaise un regard noir et injecté de sang.
"Ah." dit Théo, les yeux écarquillés. "Je suppose que j'ai ma réponse."
"Je ne comprends pas pourquoi elle pleure…" se lamenta Blaise, qui paraissait extrêmement affecté à l'idée qu'il soit à l'origine de la détresse de Daphné. "J'ai tout bien fait, dans les règles de l'art, je l'ai quittée en douceur…"
"Peut-être qu'elle t'aime." devina Drago.
Blaise se tourna vers lui, affolé.
"Quoi ?! Tu crois que c'est possible ?"
"J'en sais rien." dit Drago en faisant tournoyer le whisky à la vanille de Pansy pour faire quelque chose de ses mains. "J'ai découvert que Pansy m'aimait un an après tout le monde, je ne suis pas expert dans ces choses-là."
Blaise passa de Drago à Théo et l'implora silencieusement. Théo leva les deux mains en l'air :
"Me demande pas à moi, je ne suis jamais sorti avec personne !"
"Qu'est-ce que je peux faire ?" demanda Blaise, avec une pointe de panique dans la voix. "J'ai toujours été respectueux, c'est la première fois qu'une fille pleure à cause de moi comme ça…"
"Ça doit être ton charme irrésistible." tenta Théo. "Peut-être que c'est impossible de te résister ?"
Drago ricana mais Blaise était si consterné qu'il s'arrêta bien vite.
Après une dizaine de minutes, Théo se plaignit d'un mal de tête à cause de l'odeur du whisky à la vanille de Pansy et alla se coucher. Blaise était toujours perdu dans sa contemplation paniquée de Daphné qui pleurait. Alors, Drago était livré à ses propres pensées. Et évidemment, il pensait à Granger.
Elle n'avait pas précisé d'heure pour le banc, mais il se doutait qu'elle voulait sortir en cachette après que Potter et Weasley se soient couchés. Il ne savait toujours pas s'il devait y aller ou pas. Sa dualité de Gémeaux, comme dirait Pansy, lui donnait deux ordres contraires : y aller, s'excuser, et lui promettre de ne plus jamais insulter Potter, ou alors rester résolument assis sur ce canapé et ne plus jamais la voir à la Bibliothèque.
S'il écoutait sa propre envie, il avait désespérément envie de prendre la première option. Imaginer ne plus jamais la voir à cette table ronde était une perspective bien trop déchirante, il ne pourrait pas le supporter. Mais d'un autre côté, promettre de ne plus jamais emmerder Potter ne représentait pas seulement de renoncer à un passe-temps qui l'amusait, c'était aussi briser sa propre promesse. Décevoir implicitement ses parents… Parce que devenir ami avec Granger était une chose, mais soutenir Potter en était une autre, aux conséquences bien plus destructrices…
Assailli par son propre dilemme, Drago alla se servir un verre. Ça remplacerait la méditation. Il ne vit pas la liqueur à la pomme, sa préférée, alors il prit un grand verre de Whisky-Pur-Feu. La brûlure dans son œsophage quand il but la première gorgée était toujours aussi douloureusement addictive, surtout après ne pas en avoir bu pendant autant de temps. Il retourna s'asseoir sur le canapé avec les deux gobelets dans la main.
Sans savoir pourquoi, ses pensées dévièrent vers ses amis. Il se demanda ce que eux feraient dans son cas.
Il pensa à Théo, qui avait toujours un avis tranché, et qui n'avait pas peur de parler de ses convictions. Lui se serait définitivement excusé auprès de Granger. Il aurait suivi son vrai instinct sans s'attarder à ce que les autres pourraient penser de lui.
Blaise, avec ses manières de gentleman et son air affligé à l'idée qu'une fille puisse pleurer par sa faute, aurait probablement été dévasté en imaginant Granger assise toute seule sur ce banc. Il y serait allé, sans aucun doute.
Au début, Drago pensa que Pansy aurait pris la deuxième option. Elle mettait trop d'importance dans les "promesses" et les "valeurs" pour les briser de la sorte. Puis, Drago observa sa meilleure amie en train de consoler Daphné, et il réalisa qu'il avait tort. Pansy était prête à tout pour les gens qu'elle aimait. Il n'y en avait pas beaucoup sur la liste : Drago, Blaise, Théo, et Daphné. Mais si quelque chose leur arrivait, elle ferait tout pour l'arrêter, quitte à se mettre elle-même en danger. Drago corrigea donc sa réponse. Elle serait définitivement allée voir Granger pour essayer d'arranger les choses.
Il prit une nouvelle gorgée de Pur-Feu qui lui brûla la langue. Granger devait être arrivée, maintenant. Elle devait être assise sur leur banc, à observer les alentours dans l'attente de le voir. Drago tourna le gobelet entre ses doigts. Ce n'était pas une vision agréable à imaginer.
Il fit alors un plan dans sa tête.
Une technique de Serpentard. S'il devait choisir entre deux choses qu'il aimait, il préférait modifier l'accord, contourner les règles imposées pour en tirer une contrepartie. Il passa plusieurs minutes à élaborer un nouvel deal à la Gryffondor qui l'attendait dehors.
Drago termina son verre d'une traite et se leva, soudain porté par une impatience débordante. Il se fraya un chemin parmi les danseurs pour atteindre Pansy. Quand il arriva près d'elle, il pouvait entendre les reniflements de Daphné contre son épaule.
"Tiens, je te rends ça." dit-il en lui tendant son gobelet de whisky à la vanille.
"Merci." dit-elle, un peu déconcertée. "Tu vas où ?"
"Prendre l'air." dit-il, ce qui n'était pas un mensonge.
Et il sortit par la porte dérobée de la Salle Commune. Pour une fois, Drago ne fit pas attention aux préfets qui pouvaient l'intercepter en train de dépasser le couvre-feu, parce qu'il avait un laissez-passer. Il traversa le couloir des cachots à grands pas, remonta les escaliers, et se retrouva au milieu du Hall du Château, plongé dans le noir. Il prit un couloir adjacent, passa la vitrine où reposait des antiquités de l'école, et ouvrit la porte qui menait dehors et que Rusard oubliait toujours de fermer.
Il pleuvait à fines gouttes dehors. Drago suivit le chemin vers le parc de Poudlard sans faire attention aux gouttelettes qui tombaient sur sa nuque. Il finit par la voir au loin. Elle portait un pull bordeaux en laine et un pantalon de pyjama rose. Elle s'était clairement éclipsée de son dortoir pour le retrouver, ce qui lui donna une lueur de joie dans sa tête embrouillée.
"Bonsoir, Granger." dit-il quand il fut arrivé à son niveau.
Elle était assise sur le banc, les jambes en tailleur, les cheveux lâchés qui tombaient sur ses épaules. Elle avait visiblement réalisé un sortilège complexe, qui formait un halo tout autour d'elle pour empêcher la pluie de lui tomber dessus.
Quand elle le vit devant elle, elle ébaucha un sourire sincère qui dévoilait ses dents blanches.
"Je suis contente que tu sois venu." confessa-t-elle d'une petite voix.
À ce moment-là, Drago se demanda comment il avait fait pour hésiter. Il suffisait qu'elle le regarde pour qu'il accepte tout ce qu'elle demandait.
"Viens t'asseoir, je peux étendre mon sortilège de pluie…" commença-t-elle à dire en faisant de la place sur le banc.
"Non, pas la peine." coupa Drago. "C'est moi qui veut rester debout, maintenant."
Il avait peur que, s'il s'approchait trop près d'elle, il soit incapable de réunir ses pensées. Le fait que ses yeux chocolat le scrutait lui suffisait déjà à lui faire perdre un peu ses mots.
"J'accepte ta proposition, à plusieurs conditions." annonça-t-il fermement.
Granger leva doucement les yeux au ciel.
"J'étais sûre que tu dirais ça."
D'habitude, Drago détestait quand les gens pouvaient deviner ce qu'il allait dire ou faire, mais il réalisa qu'il adorait quand c'était elle.
"Je comprends pourquoi tu veux que j'arrête d'emmerder Potter." commença-t-il. Granger fit les gros yeux quand il prononça le mot vulgaire. "D'embêter." corrigea-t-il. "Je suppose que je t'en voudrais si tu te mettais à insulter Pansy, Théo, ou Blaise, même s'ils méritent moins d'être insultés que putain de Potter..."
"Drago !"
"Désolé." se reprit-il. "Je veux donc te dire que je comprends. Et ce n'est pas une chose facile pour moi d'admettre ça, j'espère que tu t'en rends compte."
Granger hocha la tête.
"Maintenant, il faut que tu comprennes aussi que ce n'est pas juste emm- embêter Potter." dit-il. Comme à chaque fois qu'il devait parler de sujets aussi personnels, sa gorge devint sèche. "Depuis la première année, je suis forcé de le détester. Et ça n'a jamais été un problème pour moi, loin de là. Je ne vais pas mentir en te disant que chaque insulte était difficile à dire. Je ne l'ai jamais aimé."
Granger ne cacha pas son agacement en entendant cette phrase. Il continua sans lui laisser le temps de parler :
"Mes parents ne sont pas des saints, et je ne suis pas d'accord avec eux sur beaucoup de choses. Mais ça reste mes parents. Je les aime, malgré tout." (Sa voix trembla légèrement en disant ça, et il toussota pour la contrôler de nouveau.) "Je ne veux pas les décevoir, surtout sur un sujet aussi important pour eux. J'ai peur, en fait. Des conséquences."
"C'est normal." dit doucement Granger pour l'encourager à continuer.
"Mais il s'avère qu'en plus d'être trop curieuse, et butée, et parfois un peu Miss-Je-Sais-Tout, tu es aussi attachante, et je tiens plus à ces séances de révisions à la Bibliothèque et ces discussions sur ce banc que ce que tu imagines. Je suis prêt à changer pour toi. Je suis prêt à essayer, à faire un effort."
Les yeux de Granger s'illuminèrent en entendant ça.
"Je veux bien laisser Potter un peu tranquille." dit Drago, qui arracha cette promesse de sa bouche difficilement. "Je veux bien arrêter de l'emmerder."
"Oh ! Merci Dra-" s'écria Granger en se levant d'un coup, surexcitée, mais Drago arrêta son geste en posant sa main sur la manche de son pull.
"Attends. Je veux bien arrêter de l'emmerder, mais s'il me cherche, parce qu'il le fait souvent, j'ai le droit de me défendre." dit-il en levant le doigt.
"Je suppose que c'est juste." dit Granger avec une petite grimace.
"Deuxième condition." continua Drago en levant un second doigt. "Cette règle ne s'applique pas au Quidditch."
Granger leva de nouveau les yeux au ciel, tout comme Théo un peu plus tôt dans la soirée. La ressemblance entre les deux était, encore une fois, frappante.
"Je n'en peux plus de ce stupide sport à balai !" couina Granger.
"Est-ce que nous sommes d'accord ?" pressa Drago.
Elle soupira et capitula.
"Très bien." dit-il. "Et troisièmement, (il leva un troisième doigt) cette promesse ne s'arrête qu'à Potter. J'ai le droit d'insulter Weaslaid et tout son clan, Hagrid, Londubat, ou n'importe qui."
"Pas Ron…" glapit-elle.
"Ce sont mes trois conditions, Granger." asséna Drago. "À prendre ou à laisser."
Elle secoua la tête et croisa les bras :
"Non. Pas Ron." répéta-t-elle obstinément.
Il soupira et se passa une main dans les cheveux. En voyant l'étincelle de détermination dans ses prunelles, il comprit qu'elle était décidée à ne pas laisser passer cette troisième condition.
"Tu es dure en négociation." remarqua-t-il d'un ton grognon. "Bon, je ne vais pas arrêter, mais je peux essayer de diminuer les moqueries. Ça te va ?"
Au lieu de répondre, elle lui tendit sa main pour sceller leur accord. Drago la prit sans hésiter. La paume de Granger était tendre et chaude, alors que la sienne était trempée par la pluie, et sûrement glacée.
"Marché conclu." dit Granger d'un ton fier.
Ils se regardèrent plusieurs secondes, et eurent le même sourire en même temps. Comme s'ils venaient seulement de se revoir après l'été.
"Viens t'abriter." dit Granger en se rasseyant sur leur banc.
Drago obéit. Pendant qu'elle effectuait des grands gestes autour d'elle avec sa baguette, Drago inspira la douce odeur de fraise qui embaumait toujours ses cheveux et qui lui avait terriblement manqué.
"Il va falloir qu'on établisse un plan." dit Drago pendant que Granger faisait toujours son sort autour d'eux.
"Un plan ?"
"Oui. Si j'arrête d'insulter Potter du jour au lendemain, les gens vont se douter que quelque chose cloche."
Granger plissa les yeux, pensive.
"Tu n'as qu'à m'insulter moi, à la place." dit-elle sur le ton de l'évidence.
"Quoi ?" s'étonna-t-il. "Non, je ne vais pas t'insulter…"
"Pourquoi pas ? Si je sais que tu le fais exprès pour ne pas attirer l'attention, je m'en ficherais complètement. Je suis un peu immunisée aux piques de Malefoy après cinq ans d'expérience…"
Drago grimaça :
"Mais je ne veux pas t'insulter."
"Le mieux serait que tu arrêtes d'insulter les gens tout court." pointa-t-elle d'un ton acéré. "Mais ce n'est vraisemblablement pas possible. Alors, fais comme tu faisais avant. Je suis sûre que Parkinson sera ravie de participer." ajouta-t-elle amèrement.
"Mais…"
"Drago, je saurai que c'est faux. C'est juste pour prétendre que tu me détestes toujours. Et si je suis tout à fait honnête, ça m'arrangerait aussi. Je ne veux pas qu'Harry ou Ron réalise ce qu'il se trame."
Drago fut sur le point de répliquer que Potter et Weasley étaient bien trop stupides pour comprendre, mais se retint à la dernière seconde. Le halo se propagea suffisamment pour couvrir Drago, qui secoua la tête pour chasser les gouttes de pluie sur ses cheveux. Le ciel était recouvert de gros nuages épais et il continuait de pleuvoir autour d'eux. Granger n'avait pas pris de jarre, cette fois. Il faisait encore assez chaud pour ne pas avoir froid aux doigts.
"Très bien. Je ferai ça, alors." céda Drago. "Mais je te promets d'avance que je n'en pense pas un mot. D'accord ?"
Granger sourit un peu :
"Je sais."
Elle se remit droite contre le banc.
"Je pensais vraiment que tu ne viendrais pas." dit-elle doucement en observant les gouttes de pluie qui recouvraient les feuilles d'arbre par terre.
"Vraiment ?" s'étonna Drago.
"Oui. Tu avais vraiment l'air énervé, tout à l'heure." dit-elle en mordant inconsciemment sa lèvre inférieure. "J'ai pensé que tu avais pris ta décision et que tu n'allais pas revenir dessus. Promesse de Malefoy, et tout ça…" dit-elle d'un ton léger.
"J'ai eu le temps de me calmer depuis." dit-il pour la rassurer.
"Tu as dit que je t'avais fait du chantage." pointa-t-elle avec un petit sourire amusé.
Elle le regarda à travers ses cils et Drago réalisa à quel point son sourire lui avait manqué. C'était une des choses dont il se rappelait le plus quand il s'endormait.
"Tu m'as fait du chantage." dit-il, sans aucune accusation dans la voix, un simple fait énoncé. "Attention, tu commences à devenir de plus en plus comme moi, Granger. Une vraie Serpentarde."
Elle secoua la tête aussitôt :
"Oh non, je ne pourrais jamais l'être."
"Pourquoi ?" demanda-t-il.
"Je suis trop… Spontanée." répondit-elle en utilisant ses mains pour parler, comme à chaque fois qu'elle expliquait quelque chose. "J'ai l'impression qu'à chaque fois que je parle à un Serpentard, c'est-à-dire toi, Rogue, et même Parkinson, je joue à une partie d'échecs compliquée. J'agis sous l'impulsion alors que toi, tu réfléchis à tout, tu calcules tout. Je te l'ai déjà dit dans nos lettres, je pense que je suis bien trop empathique pour être aussi sournoise que vous."
"Tu trouves ça compliqué de parler avec moi ?" demanda Drago, qui ne savait pas vraiment comment prendre cette phrase.
"Un petit peu." avoua-t-elle. "Mais c'est justement ce qui est le plus stimulant. C'est différent, c'est rafraîchissant. Je connais tellement Harry et Ron que je peux prédire tout ce qu'ils disent avant même qu'ils n'ouvrent la bouche. Avec toi, c'est toujours nouveau. Toujours surprenant."
"Pourtant, je suis beaucoup plus impulsif que toi." contra Drago. "Tu dis toi-même que je peux partir dans des crises sans prévenir. Pansy dit toujours que je ne devrais jamais parler quand je suis en colère, parce que je dis toujours les mots les plus blessants en premier."
"C'est vrai que tu peux être impulsif." concéda Granger en se tournant vers lui. "Mais je crois que tu es toujours comme ça. Soit l'un soit l'autre, sans juste milieu."
Drago avait déjà entendu ça pas plus tard qu'au dîner, quand Pansy avait décrit son signe astrologique. Il n'aimait vraiment pas le fait que Granger dise les mêmes choses qu'elle, surtout pour l'étudier de la sorte comme s'il était une expérience scientifique.
Il préféra donc changer de sujet :
"En tout cas, tu es bientôt prête à rejoindre les Serpentards, que ça te plaise ou non."
"Pourquoi ?" s'étonna-t-elle.
"Et bien, on m'a toujours dit qu'il fallait avoir certaines qualités, et je pense que tu as les principales." expliqua-t-il très sérieusement. "Ambitieuse… (Il compta avec ses doigts), rusée, loyale, et vue comme tu as défendu Potter, on peut dire que c'est ton cas… Ingénieuse, déterminée, sournoise…"
"Je ne suis pas sournoise !" se défendit-elle.
"Tu m'as fait du chantage, tu es sournoise." contredit Drago fermement. "Fière, et enfin, un petit peu colérique. Et après ton épisode avec Ombrage tout à l'heure, je pense qu'on peut dire que tu es définitivement un peu colérique."
En entendant ça, Granger rougit légèrement. Il était difficile de croire que c'était cette même fille timide qui avait osé reprendre une professeure sur son cours sans broncher.
Elle prit soudain sa baguette et la pointa vers l'espace du banc entre eux deux. Drago eut à peine le temps de cligner des yeux que la tasse de thé de Granger apparut. Elle venait de Conjurer un objet sans le moindre effort, sans même remarquer qu'elle venait d'effectuer un niveau très avancé de magie.
"Maintenant que j'ai appris à te connaître, je peux reconnaître que les Serpentards ne sont pas aussi infâmes que ce que je croyais." déclara Granger, qui ne remarqua pas le choc sur les traits de Drago en voyant ce qu'elle venait de faire. "Mais je n'aurais jamais pu être envoyée là-bas. Je ne suis pas assez… Mystérieuse."
"Mystérieuse ?" répéta-t-il en fronçant les sourcils.
"Oui… Regarde Pansy Parkinson, par exemple. Elle dégage une de ces prestances, un magnétisme… Je ne pourrais jamais atteindre ce niveau. Chaque personne de Serpentard est énigmatique. Ça fait presque un an qu'on se parle à la Bibliothèque, et j'ai l'impression que tu as toujours plein de secrets !"
Drago eut un rire amer.
"Des secrets, moi ?! Tu veux vraiment parler de secrets, Granger ?"
"Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda-t-elle sans comprendre.
"Tu es la fille la plus secrète que je connaisse !" s'écria Drago.
Granger haussa les sourcils. Elle ne répondit pas le temps de poser son sachet de thé à la cannelle et de verser de l'eau chaude dans sa tasse avec sa baguette. Puis, elle porta son thé à son visage et sentit distraitement les effluves du parfum.
"N'importe quoi." dit-elle finalement.
"Vraiment ?" insista Drago d'un ton accusateur. "Très bien. Alors, c'était qui ce chien, à la gare ?"
Granger se raidit alors complètement contre le banc. Ses doigts se crispèrent contre la tasse et elle eut comme une respiration saccadée très courte.
"Je… Je ne sais pas de quoi tu parles." bredouilla-t-elle platement.
"Oh, arrête un peu !" dit Drago. "Je te connais suffisamment pour savoir quand tu mens. Et là, Granger, tu mens. Comme avec ton Retourneur de Temps en troisième année."
"Je n'avais pas de Retourneur de Temps en troisième année, et je ne sais pas de quel chien tu parles."
Mais ses joues la trahirent encore une fois : elles avaient pris une teinte rouge foncée sur ses pommettes qui n'avait rien à voir avec la fraîcheur de la brise.
"Tu vois ? Une vraie Serpentarde." renchérit Drago avec un petit rire narquois. "Tu mens effrontément. C'est à qui, ce chien ?"
Granger but une gorgée de thé pour ne pas répondre, et Drago vit l'exact moment où elle se brûla la lèvre mais fit semblant de ne rien sentir pour continuer sa gorgée.
"C'est le chien de Potter ?" demanda-t-il plus urgemment.
"Drago, lâche l'affaire !"
"Je ne lâche jamais l'affaire." assura-t-il. "Si je veux savoir quelque chose, je finirai toujours par le savoir. Alors, c'est à qui ?"
"Comment ça, "c'est à qui ?"" dit Granger, feignant l'ignorance.
"Ce chien n'avait pas le comportement d'un chien. Je veux savoir pourquoi."
"Ce n'est pas mon secret, c'est celui de quelqu'un d'autre, et j'ai promis de ne rien dire." dit Granger de sa petite voix paniquée.
"Alors, j'avais raison ! Ce chien avait vraiment un truc bizarre !" dit Drago.
Granger se prit la tête dans ses mains, manquant de justesse de renverser son thé brûlant sur ses cuisses.
"Drago, s'il te plaît, arrêtons d'en parler, d'accord ?" supplia-t-elle, sa voix camouflée par son pantalon de pyjama contre sa bouche.
"On peut arrêter d'en parler, si tu veux." dit Drago avec un haussement d'épaules faussement désintéressé. "Mais je vais comprendre pourquoi ce chien était aussi bizarre. Je vais devenir obsédé à l'idée de comprendre, je vais théoriser comme toi avec Rita Skeeter l'année dernière, et…"
Soudain, une idée lui vint à l'esprit. Une idée qui expliquait tout : le comportement du chien, sa proximité avec Potter et la famille Weasley, et la réaction de Granger.
"C'est comme Rita Skeeter, c'est ça ?" devina Drago d'un ton excité. Il adorait quand il comprenait les énigmes. "C'est un Animagus non répertorié ?"
Granger grommela quelque chose et Drago comprit qu'il avait visé juste sans qu'elle prononce le moindre mot. Son visage était tellement expressif qu'il pouvait simplement lui parler et deviner sa réponse à travers ses mimiques.
"Ne me dis pas que c'est un énième Weasley ?" dit-il, ayant perdu le compte du nombre d'enfants rouquins dans cette famille. Pour lui, ils approchaient la bonne vingtaine.
"Je ne répondrai rien." grinça Granger. "Et arrêtons de parler de ça, sinon je retourne dans la Salle Commune."
"D'accord, d'accord. Ne me dis rien. Mais je finirai par trouver, Granger."
Elle ne répondit rien et but une gorgée de thé. Drago observa la façade du Château, ce qu'il n'avait pas fait depuis qu'il était arrivé sur le banc. Il se souvint des fois où il venait seul ici, pour réfléchir. Maintenant, il associait trop ce banc à Granger pour y passer du temps sans elle.
Toutes les lumières du Château étaient éteintes, mis à part quelques fenêtres qui projetaient encore le reflet des torches. Il devait être 22h. Granger remonta ses pieds sur le banc et posa sa tasse sur ses genoux, sans rien dire. C'était assez étrange de partager un silence avec elle. D'habitude, elle s'empressait de parler pour combler.
À sa grande surprise, ce fut lui qui interrompit pour lui poser une question. Les rôles s'étaient inversés.
"C'est quoi, cette histoire de dispute avec Lavande Brown ?"
Granger soupira, un long soupir plein de fatigue et d'aigreur en se rappelant de ce moment.
"Rien d'important. On s'est simplement pris la tête hier soir après qu'elle ait sous-entendu qu'Harry mentait au sujet de Tu-Sais-Qui."
Elle serra ses cuisses contre elle et les enlaça distraitement avec ses deux bras, la tête posée devant sa tasse qui tenait en équilibre sur ses genoux.
"Qu'est-ce que tu lui as dit ?" demanda Drago, subjugué à l'idée que Granger ait pu se disputer avec quelqu'un.
En entendant cette question, elle esquissa un petit sourire espiègle.
"Je lui ai dit qu'elle était stupide si elle croyait vraiment aux bêtises que Trelawney raconte et pas Harry."
Drago siffla, impressionné.
"Oh, ouah. Je maintiens ce que j'ai dit, alors. Complètement l'étoffe d'une Serpentarde. Tu pourrais aisément gagner une dispute avec Pansy, avec ce genre d'arguments."
Granger tourna la tête vers lui, à la fois fière et hésitante.
"Je ne pense pas. Cette fille me terrifie." chuchota-t-elle craintivement.
"Moi aussi, parfois." admit Drago avec un rire.
Elle but plusieurs gorgées, mais elle n'arrêtait pas de bâiller entre chaque. Drago détailla sa tenue une nouvelle fois et se rappela qu'elle était en pyjama. Il ne l'avait jamais vue habillée comme ça, c'était assez troublant.
"Lavande Brown dort dans ton dortoir, non ?" demanda Drago.
"Oui, pourquoi ?"
"Comment as-tu fait pour t'échapper sans qu'elle te pose de questions ?"
"Oh. J'ai simplement attendu qu'Harry et Ron aillent se coucher pour retourner dans la Salle Commune." expliqua-t-elle. "Quand Lavande et Parvati sont montées, j'ai prétexté être tellement plongée dans ma lecture que je ne comptais pas monter de sitôt, et dès que la Salle s'est vidée, je suis sortie discrètement."
Il devait admettre que Pansy avait raison sur les Gémeaux, mais il n'était pas d'accord avec sa vision des Vierges. Parce qu'Hermione Granger représentait tout autant la dualité que lui. Elle était à la fois la fille la plus sérieuse de Poudlard, mais aussi la plus insolente. Il suffisait d'apprendre à la connaître pour découvrir cette facette de sa personnalité. Elle était aussi malicieuse que Blaise, sournoise que Théo, et perfide que Pansy.
"Une vraie Serpentarde, Granger." constata Drago une nouvelle fois d'une voix triomphante.
Quand Granger s'endormit à moitié contre ses genoux, Drago lui ordonna de rentrer. Elle ne se fit pas prier. Malgré sa fatigue évidente, elle parvint à faire disparaître sa tasse en un mouvement de baguette expert.
Ils retournèrent devant la porte dissimulée et le halo de Granger disparut dès qu'ils arrivèrent à l'intérieur du Château. Toutes les torches du Hall étaient éteintes.
"Lumos !" lança Drago.
Il éclaira le visage de Granger qui grimaça en recevant autant de lumière d'un coup.
"Tu veux que je te raccompagne ?" proposa-t-il à voix basse.
"Non, c'est gentil, mais maintenant que j'ai mon insigne…" Elle désigna son badge rouge et or accroché à son pull, juste au-dessus du badge de la S.A.L.E. qu'elle ne quittait jamais. "Bonne nuit, Drago."
"Bonne nuit, Granger."
Elle monta les marches et disparut dans la pénombre du Château. Drago descendit aux cachots en s'aidant du faisceau de lumière de sa baguette et prononça le mot de passe. Quand il ouvrit la porte, la fête continuait toujours, mais ni Blaise, ni Pansy étaient dans la Salle Commune.
"Hé, Drago " hurla Crabbe. "Viens, on t'as préparé un verre de liqueur !"
"Non, merci." dit Drago d'un ton las. "Je vais me coucher. Bonne nuit les gars."
Crabbe et Goyle eurent des moues déçues. Drago atteignit les escaliers des dortoirs avec difficulté à cause de tous les élèves qui le bousculaient mais parvint finalement à entrer dans le sien.
Pansy était au pied du lit de Drago en train de fouiller dans sa malle. Théo était allongé sur ses couvertures et lisait son roman d'un œil tout en parlant avec Blaise, qui était assis sur le rebord de son propre lit, l'air maussade.
"Ah, Drago, te voilà." dit Pansy avec soulagement quand elle le vit entrer. "Daphné a vomi sur son t-shirt et je lui ai passé mon pyjama pour ce soir. Je peux te piquer un des tiens ?"
Drago ne cacha pas sa surprise : Pansy ne lui avait jamais demandé si elle pouvait lui prendre un vêtement, elle prenait simplement l'habitude de fouiller dans ses affaires pour trouver ce qu'elle voulait.
"Euh, oui bien sûr, sers-toi. Vous venez simplement de revenir ?"
Blaise hocha tristement la tête.
"Daphné s'est mis dans un état catastrophique." marmonna-t-il, comme si c'était lui qui lui avait servi ses verres. "Elle s'est à moitié évanouie contre Pansy en dansant."
"Je vais dormir avec elle." assura Pansy. "Elle ira bien, ne t'en fais pas."
"Oh, au fait, Drago, tu as reçu une lettre." lança Théo.
"Une lettre ?" s'étonna-t-il à mi-chemin vers son lit. "À cette heure-là ?"
Théo haussa les épaules, aussi perplexe que lui.
"Ouais, c'est Ébène qui l'a apportée y a une heure… Je l'ai posée sur le bureau. Elle vient de ton père, je crois."
Aussitôt, le rythme cardiaque de Drago s'accéléra et ses mains devinrent moites. Son père lui écrivait rarement des lettres, et elles arrivaient toujours le matin, jamais aussi tard. Pansy leva la tête de la malle et posa son regard noir charbon sur lui, les sourcils froncés.
"Son père ?" répéta Blaise. "Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir te dire aussi tard ?"
"Peut-être que Rogue l'a averti des fêtes des Serpentards ?" tenta Pansy.
"En prévenant les parents sans même venir nous engueuler ?"
"Tu aurais reçu une lettre aussi, Pansy." remarqua Théo. "Une Beuglante, même."
"Peut-être qu'Ébène a simplement mis du temps à te l'apporter à cause de la pluie." devina Blaise, qui sentait probablement l'angoisse monter chez Drago à une vitesse impressionnante.
"Oui, c'est sûrement ça." approuva Théo, qui avait pourtant l'air aussi angoissé que Drago.
"Ouvre-la." dit Pansy en s'approchant du bureau en même temps que lui. "C'est probablement rien, pas de quoi se monter la tête."
Drago n'était pas du même avis. Quand il reconnut l'écriture de son père sur l'enveloppe, son cœur loupa un battement. Le fait d'avoir passé la soirée avec Granger et de lui avoir promis de ne plus insulter Potter ne devait pas aider.
Il prit l'enveloppe. Elle était légère, pas plus d'un parchemin. Pendant une seconde, il la contempla sans rien faire, étudiant toutes les possibilités, avant que Pansy s'impatiente :
"Allez, Drago, ouvre-la !"
Théo posa son bouquin sur son lit et s'approcha précautionneusement derrière lui pour lire le contenu par-dessus son épaule. Blaise resta assis sur son lit, qui était juste à droite du bureau.
Drago brisa le sceau, prit le parchemin et lut les premiers mots :
Drago,
Je sais tout.
