Omg, je ne pouvais pas l'écrire dans les notes du dernier chapitre parce que j'ai reçu le cadeau que plusieurs heures après mais un énorme MERCI à tous ceux qui ont participé au magnifique livre que m'a offert mon meilleur ami avec vos messages écrits dedans! Je ne peux même pas exprimer les émotions qui m'ont traversée quand j'ai reçu ce cadeau extrêmement précieux, si ce n'est un immense merci, je suis trop reconnaissante de vous avoir dans ma vie et que vous aimiez autant ma fic, j'espère que les chapitres que je crée tous les jours vous plaira toujours autant :) Merci à tous ceux qui m'ont souhaité un joyeux anniversaire, soit ici, soit sur Insta, soit sur Twitter, soit à travers ce magnifique livre qui regroupe tous les plus beaux messages de souhaits et de compliments que je vais chérir toute ma vie!
Et enfin, merci à mon meilleur ami qui se reconnaîtra, que j'aime très fort :) Je ne sais pas ce que je ferai sans toi, au sens littéral du terme! Merci pour ce beau cadeau plein de symbolisme!
Et maintenant, le chapitre d'aujourd'hui ! Étant donné que j'ai commencé un travail depuis peu et qui me prend beaucoup de temps et d'énergie, je n'ai pas tout le temps que j'aimerais pour écrire, alors j'espère que mon avance me suffira… Je vous tiendrai au courant au fil des semaines!
tw : crise d'angoisse, discussions sur les parents (abandon/maltraitance)
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Hermione
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Sans savoir exactement pourquoi, Hermione ressentit un profond soulagement. Elle avait eu peur de croiser un Serpentard hargneux, un préfet, ou pire, un professeur, mais Théodore Nott ne lui avait pas traversé l'esprit.
"Merlin, tu m'as fait peur !" couina-t-elle sans pouvoir s'en empêcher.
Il arrêta de froncer les sourcils et ses yeux bleus se plissèrent légèrement.
"Je t'ai fait peur ?" murmura-t-il d'un ton scandalisé. "Ce n'est pas moi qui entre par effraction dans la réserve de Rogue en plein milieu de la nuit !"
Il passa son regard sur les étagères de la réserve de Rogue derrière elle, puis sur ses mains qui tenaient la fiole.
"Essence de Dictame ?" demanda-t-il doucement.
Hermione fut surprise qu'il puisse deviner la potion aussi facilement.
"Euh… Oui."
"C'est pour toi ?"
Nott leva la tête vers elle, un pli soucieux entre les sourcils cachés par ses cheveux bouclés.
"Non, c'est… C'est pour un ami." dit-elle maladroitement.
"Potter ?"
Hermione ne répondit pas. Il perçut sa réluctance à l'avouer, parce que sa posture changea radicalement : une seconde, il était alerte, et la seconde d'après, il s'adossa contre le mur en la regardant avec intérêt.
"C'est pour sa cicatrice ?"
Hermione comprit qu'il parlait de la marque en forme d'éclair sur le front d'Harry.
"Qu'est-ce que ça peut te faire ?" demanda-t-elle dans un chuchotement. "Si tu comptes me dénoncer, fais-le tout de suite, au lieu d'essayer de savoir pourquoi j'ai fait ça."
C'était la deuxième fois qu'elle se faisait attraper par un Serpentard dans ce même couloir. La première fois, elle avait reçu un sortilège de coupure dans sa nuque. Mais cette fois-ci, son intuition lui soufflait à l'oreille qu'elle ne courait aucun danger. Elle ne connaissait pas Nott, mais après avoir entendu toutes les descriptions de Drago et ses récits par lettres cet été, elle ressentait un sentiment de sécurité qu'elle ne comprenait pas vraiment.
Pourtant, c'était tout de même un Serpentard. Ses nombreuses discussions avec Drago lui avaient appris qu'il fallait toujours se méfier de leurs humeurs changeantes…
"Je ne compte pas te dénoncer." énonça Nott calmement, et sans savoir pourquoi, Hermione le crut instantanément. "Je trouve ça surprenant, c'est tout."
"C'est parce que tu me vois comme une Miss-Je-Sais-Tout incapable d'enfreindre la moindre règle…"
"Oh, crois-moi, Granger, ce n'est pas du tout comme ça que je te vois." coupa Nott avec un sourire espiègle. "Ça fait longtemps que je ne te vois plus comme ça. En fait, je suis même… Impressionné, par ce que tu fais avec Ombrage."
Il cracha tellement ce dernier nom qu'Hermione haussa les sourcils sans le vouloir.
"Je ne fais rien…" commença-t-elle, mais Nott l'interrompit :
"Non, je ne fais rien." dit-il fermement. "Toi, tu lui réponds. Tu dis ce que tu penses. Une qualité de Gryffondor, parce que je n'aurais jamais le courage de faire ça, alors je suis admiratif. Tu dis tout haut ce que nous, les autres, pensons tout bas."
Hermione était reconnaissante que les torches des cachots soient éteintes, parce qu'elle devait être en train de rougir.
"Euh… Merci." dit-elle, sans savoir comment réagir en entendant ce compliment. "Je ne savais pas que les Serpentards pouvaient être contre elle."
"Malheureusement, je crois bien que je suis le seul." soupira Nott en dégageant une mèche de cheveux qui s'était posée devant ses yeux. "Personne ne réalise que sa présence implique…"
"... Une emprise totale du Ministère sur Poudlard." termina Hermione à sa place, et Nott la regarda avec surprise.
"Oui… Exactement." dit-il après plusieurs secondes d'hésitation. "C'est exactement ça."
Puis, il se détacha du mur sur lequel il s'était adossé et s'approcha d'elle tout doucement, comme s'il craignait qu'elle s'éloigne s'il s'avançait trop près d'elle.
"Écoute, Granger, je comprends que tu ne veuilles rien me dire, mais je veux juste que tu saches que je ne suis pas contre toi." avoua Nott dans un souffle. "Je voulais juste que tu saches ça."
Hermione trouvait ce garçon très courageux, malgré ce qu'il disait. Elle ne lui avait jamais parlé directement, et pourtant, elle ne put empêcher un élan d'affection pour lui. Elle observa ses yeux bleus et n'y trouva aucun malice, aucune ruse. Il était sincère.
"Ce n'est pas pour sa cicatrice sur son front." avoua Hermione. "C'est pour… D'autres cicatrices."
Nott fronça les sourcils, surpris qu'elle lui confesse un tel secret.
"Causées par quelqu'un ?" demanda-t-il. "Ou infligées tout seul ?"
Hermione fit tourner l'Essence de Dictame quelques secondes dans ses doigts, le temps de réfléchir à la manière de formuler sa réponse. Elle ne voulait pas dévoiler les secrets d'Harry, mais en même temps, sans pouvoir l'expliquer, elle avait confiance en Nott. Elle avait le sentiment qu'il voulait l'aider.
"Causées par quelqu'un." finit-elle par murmurer. "Quelqu'un de très mauvais."
Il fronça les sourcils en considérant ces paroles. Puis, en un mouvement fluide et rapide, il sortit sa baguette de sa poche et la dirigea vers l'étagère de Rogue, sans même regarder dans la direction qu'il pointait, et chuchota :
"Accio."
Une autre fiole, bien plus grosse, vola dans sa main. Hermione l'observa une seconde, et reconnut le liquide jaune et poisseux à l'intérieur.
"Essence de tentacules de Murlap ?" devina-t-elle.
Nott eut un nouveau petit sourire espiègle, qui fit monter le coin de sa lèvre et creusa une petite fossette dans sa joue.
"Tout à fait. Cinq points pour Gryffondor."
À la grande surprise d'Hermione, il lui tendit.
"Fais lui tremper sa main une bonne heure dedans." conseilla-t-il. "Ça le soulagera, contrairement à l'Essence de Dictame, et ça cicatrisera plus vite."
Hermione prit la bouteille avec hésitation.
"Je ne savais pas que tu étais si doué en Potions." confessa-t-elle.
Nott ne perdit pas son sourire, mais ses yeux se voilèrent quelque peu. Il murmura alors doucement :
"Disons simplement que Potter n'est pas le seul à avoir des cicatrices."
Hermione ne sut comment réagir à ce propos teinté de douleur.
Soudain, la porte du bureau de Rogue s'ouvrit et des bruits de pas résonnèrent dans le couloir. Hermione eut, pour la seconde fois de la soirée, le souffle coupé par le stress. Elle voulut mettre les fioles dans sa poche pour les cacher, mais Nott fut plus rapide. En un battement de cœur, il marcha vers elle et lui arracha des mains, pile au moment où Rogue sortit de l'obscurité pour se planter face à eux.
Le faisceau de lumière que dégageait la baguette de Rogue illumina une seconde le visage d'Hermione en face de lui, et ses yeux noirs s'écarquillèrent légèrement en l'apercevant. Puis, un sourire sadique retroussa ses lèvres.
"Miss Granger." salua-t-il, cachant à peine la satisfaction dans sa voix. "Qu'est-ce que vous faites dans les cachots à une heure pareille ?"
Le regard de Rogue dévia sur la porte de sa réserve, toujours grande ouverte, et son sourire se crispa, lui donnant un visage sévère.
"Ah, en train de voler des ingrédients, en plus de ça ? Très bien… Alors, je suppose qu'un mois de retenue devrait faire…"
"En fait, Professeur, c'était moi." intervint Nott en s'interposant entre Rogue et Hermione.
Il lui montra les fioles de potions et les yeux de Rogue s'écarquillèrent davantage. Il n'avait probablement pas remarqué Nott à côté d'elle. Il passa le faisceau de lumière sur lui, et Nott ne ferma même pas les yeux.
"Nott ?" appela Rogue, étonné. "Qu'est-ce que…"
"Granger m'a surpris, Professeur." débita Nott d'une voix calme. "Elle était en train de faire sa ronde de préfète, et m'a surpris en train de voler dans votre réserve. Elle s'apprêtait à me punir quand vous êtes arrivé."
Rogue ne s'attendait visiblement pas à un tel aveu, et Hermione encore moins. Ses mains étaient encore crispées, comme si elle tenait toujours les fioles entre ses doigts, et elle regardait Nott avec stupéfaction.
Rogue observa le visage du garçon d'un air sceptique. Mais Nott était indéchiffrable, le menton légèrement levé et les yeux flamboyants.
"Qu'avez-vous pris ?" demanda Rogue, d'un ton beaucoup plus mesuré que celui qu'il avait utilisé pour s'adresser à Hermione.
Avant qu'il ne puisse répondre, Rogue lui prit les fioles des mains et les inspecta.
"Essence de Dictame et solution filtrée de tentacules de Murlap…" dit le professeur à mi-voix. "Pourquoi Merlin avez-vous besoin de ça, Nott ?"
Il décala le bout de sa baguette pour éclairer Nott. Hermione vit sa pomme d'Adam remonter le long de son cou quand il déglutit. Sans jeter le moindre coup d'oeil vers Hermione, il dit d'une voix claire :
"Pour soigner les cicatrices que mon père m'a gentiment infligées, Professeur."
En entendant ça, Rogue et Hermione se redressèrent d'un coup, comme s'il les avait giflés. La gravité de sa phrase contrastait avec le ton presque dérisoire qu'il utilisait, et c'était dérangeant. Nott ne lâcha pas son professeur du regard. Ses yeux bleus étaient ardents, comme s'il le défiait de répondre.
"Je vois." répondit simplement Rogue.
À l'entendre, on aurait pu croire que cette alternative était logique, comme si Rogue ne doutait pas un seul instant que son père était capable de faire une chose pareille. Hermione ne connaissait pas l'histoire de la famille de Nott, mais du peu qu'elle avait entendu, elle se doutait que son père était aussi méchant que celui de Drago. Elle savait que c'était un Mangemort, parce qu'Harry lui avait dit qu'il se trouvait dans le cimetière, le soir où Cédric était mort.
Un nœud contracta son estomac en imaginant toutes les horreurs qu'avait dû subir Théodore avec un père si violent.
"Vous auriez dû me le dire." maugréa Rogue, d'une voix relativement plus douce. "J'aurais pu vous aider, Nott…"
"Je ne crois pas, Monsieur." répondit-il avec un haussement d'épaules.
Le directeur de Maison plissa les lèvres, et baissa le regard. Hermione n'avait toujours pas retrouvé son souffle depuis l'apparition de Rogue. Ce dernier soupesa les fioles distraitement dans sa paume ouverte, avant de les tendre à Nott :
"Prenez-les." dit-il. "Je vous en préparerai d'autres quand vous aurez… Terminé celles-ci."
Le garçon hocha la tête. Il ne le remercia pas, mais Rogue ne devait pas s'attendre à en recevoir de toute manière. Les Serpentards disaient rarement merci.
Le professeur de Potions tourna de nouveau sa baguette vers Hermione, qui essaya de dissimuler la surprise de ses traits. Elle ne pouvait pas bien voir Rogue à cause de l'obscurité, mais il paraissait troublé.
"Hum, Miss Granger, ça sera tout." dit-il, comme s'il était gêné qu'elle ait pu assister à un échange si personnel. "Retournez avec votre binôme pour finir de patrouiller."
Hermione n'en crut pas ses oreilles. Non seulement Théo avait réussi à lui éviter des semaines de punition, mais en plus, il repartait avec les précieux flacons. Elle laissa échapper la respiration bloquée dans sa gorge.
Elle repensa aux paroles de Drago, quelques jours plus tôt : "Ingénieuse, déterminée, sournoise…" Nott avait toutes les qualités d'un véritable Serpentard.
Rogue ferma la porte de sa réserve et marmonna le sort de verrouillage pendant qu'Hermione tournait sur ses talons, stupéfaite. Elle n'arrivait pas à croire que Nott ait pu faire une chose pareille pour l'aider. Il n'avait pas hésité une seule seconde. Pas rougi, pas bégayer. Il s'était dévoilé à Rogue, juste pour lui éviter une punition.
Elle remonta les escaliers des cachots et attendit patiemment dans un coin peu éclairé du Hall. Les portraits dormaient autour d'elle, laissant entendre un ou deux ronflements de chaque coin de l'immense pièce. Hermione contempla les marches de l'escalier en se demandant s'il allait venir. Peut-être avait-il vraiment besoin de ces potions, et qu'il ne comptait pas lui rendre.
Après plusieurs minutes, cependant, elle entendit des pas feutrés et vit Nott monter les escaliers, sa silhouette s'échappant de la noirceur du sous-sol. Quand il la vit, il lui fit un sourire :
"J'étais sûr que tu attendrais là."
Il se faufila dans le coin où Hermione était cachée et se mit devant elle. Il était plus grand qu'elle, mais pas autant que Drago. Elle fut surprise de voir à quel point il était proche d'elle : si près, d'ailleurs, qu'elle pouvait sentir son odeur émaner de sa chemise : l'encre, le cacao, et une faible odeur de fumée de cigarette.
"Tiens." dit-il en lui montrant le liquide jaune. "Dis à Potter de tremper sa main dedans."
Il lui fourra la fiole dans ses mains sans préambule, mais Hermione la repoussa :
"Non !" chuchota-t-elle. "Nott, si ce que tu disais est vrai…"
Le garçon fit une grimace :
"S'il te plaît, ne m'appelle pas comme ça." plaida-t-il. "Appelle-moi Théo."
Hermione faillit sourire en se rappelant d'une certaine ligne dans une certaine lettre, mais retrouva bien vite son sérieux :
"Théo." corrigea-t-elle. "Si ce que tu disais est vrai, tu en as besoin autant que lui."
"J'ai des stocks dans ma chambre." affirma-t-il, comme si c'était une simple conversation autour d'un thé. "Ne t'inquiètes pas pour moi, Granger."
"Hermione." reprit-elle, avec l'ombre d'un sourire. "Si je peux t'appeler Théo, tu peux m'appeler Hermione."
Théo eut un petit sourire et hocha la tête.
"Granger ou Hermione, dans tous les cas, tu dois donner cette potion à Potter." urgea-t-il en lui remettant l'Essence de Murlap dans ses mains.
"Je…" chuchota-t-elle. "Je ne sais pas comment te remercier…"
Il eut un petit rire, qui résonna autour d'eux.
"Pourquoi est-ce que tu me remercies ? C'est moi qui devrais te remercier d'avoir tenu tête à Ombrage comme ça, aujourd'hui. Elle est vraiment horrible, surtout avec Potter."
Hermione approuva d'un hochement de tête, sans cacher son étonnement qu'il puisse partager son point de vue avec autant de ferveur. Il continua sa tirade murmurée :
"Je crois qu'elle est effrayée qu'il réussisse à rallier assez de gens pour le croire. Si tout le monde se rallie à Potter, il arriverait aisément à contrer le Ministère. C'est sûrement pour ça qu'elle lui donne tellement de retenues. Pour l'empêcher de créer une armée, ou quelque chose comme ça."
Il haussa vaguement les épaules, alors que le cerveau d'Hermione venait de faire "clic".
Une armée.
Sirius l'avait dit, dans le feu. Fudge est terrifié à l'idée que Dumbledore crée une armée. Il avait peur qu'il puisse convaincre suffisamment de gens pour vaincre le Ministère.
Elle avait trouvé cette idée stupide, au début. Mais dit comme ça, Hermione se demanda…
Et si c'était précisément ce qu'il fallait faire ?
"Hé, vous, là !" cria une voix féminine derrière elle.
Pour la troisième fois de sa soirée, Hermione se fit surprendre en train d'enfreindre le règlement. Elle rangea hâtivement la potion dans sa poche et regarda derrière Théo qui bloquait sa vue, prête à affronter la préfète qui patrouillait.
Elle se retrouva alors face à Pansy Parkinson, dont les traits contractés par l'exaspération se figèrent dès qu'elle la vit. Une brève expression de surprise anima ses prunelles, avant qu'elle ne retrouve sa froideur habituelle.
Drago était derrière elle. Quand il reconnut Hermione, il s'arrêta net dans ses pas. Elle vit ses prunelles grises passer successivement entre les deux, comme s'il calculait l'espace qui les séparait.
Hermione réalisa, à cet instant, que les deux préfets en patrouille n'étaient autres que Drago et Pansy Parkinson. Merlin avait probablement décidé de la tester, ce soir.
Théo se retourna alors, et l'expression hostile sur les traits de Parkinson se transforma en pur choc. Drago, lui, écarquilla grand les yeux, et Hermione put aisément voir de la fureur déformer son visage.
"Théo ?!" couina Parkinson. "Qu'est-ce que tu fous ici avec elle ?"
"Bonsoir, préfète." dit joyeusement Théo, comme si la voir était le meilleur moment de sa journée.
"Réponds à ma question !" piailla Parkinson d'une voix si aiguë qu'elle écorcha les tympans d'Hermione.
"J'ai le droit d'être là où je veux, je te signale." dit-il, avec le sourire espiègle qui creusait une fossette dans sa joue.
"Le couvre-feu est largement passé…"
"Oh, ne me sors pas ce genre de conneries, Pans'." s'exclama Théo, rieur. "Tu dépasses le couvre-feu tous les soirs depuis ta première année, et tu as dit toi-même il y a une semaine que je méritais bien plus d'être préfet que toi."
"Ça ne répond pas à ma question !" dit Parkinson en croisant les bras sur sa poitrine. "Qu'est-ce que tu fous avec elle au beau milieu de la nuit ?"
"C'est… Un secret." répondit Théo d'une voix détachée.
Hermione se tourna subtilement vers lui pour détailler son visage : il était parfaitement calme, presque nonchalant, contrairement à Parkinson et Drago qui affichaient deux postures complètement opposées. En entendant ça, Drago fronça les sourcils et approcha de quelques pas :
"Un secret ?" répéta-t-il, la voix beaucoup plus rauque qu'à l'ordinaire. "Quel genre de secret ?"
"C'est le principe d'un secret, Drago, c'est que je ne peux pas le dire." répliqua-t-il cyniquement. "Vous avez plein de secrets, j'ai bien le droit d'en avoir quelques-uns à moi, non ?"
"Tu ne supportes pas d'être exclu d'un des nôtres !" contredit Parkinson de sa voix suraiguë.
Hermione avait l'impression d'assister à une partie de Quidditch déjantée, comme si trois joueurs se passaient le Souaffle trop vite pour qu'elle y voit quelque chose. Elle n'avait jamais entendu trois personnes parler si vite. Il était évident qu'ils se disputaient souvent de la sorte.
"Disons simplement qu'Hermione et moi avons trouvé… Un terrain d'entente." dit Théo.
En entendant ça, le visage de Drago sembla s'allonger considérablement.
""Hermione ?" Depuis quand tu l'appelles par son putain de prénom ?"
Parkinson posa son regard noir sur Drago, mais il ne sembla pas le remarquer : le sien était fixé sur Théo, et Hermione pouvait presque voir les éclairs briller dans ses pupilles tant ils étaient remplis de fureur. Théo, lui, l'observa sans broncher.
"Je vais remonter dans ma Salle Commune." glapit Hermione, embarrassée à l'idée de se retrouver au milieu de leur dispute. Elle contourna Théo, qui s'était mis face à elle dans une posture protective. "Euh… Bonne nuit, tout le monde."
Elle commença à faire quelques pas avant que Parkinson lui lance d'une voix forte :
"Pas si vite, Granger ! Tu crois tout de même pas que tu vas t'en sortir sans retenue ?"
Hermione s'arrêta et lança un regard noir à la fille en face d'elle.
"Tu ne vas pas lui donner de retenue, Pans'." avertit calmement Théo.
"Et pourquoi donc ?" demanda Parkinson, la lèvre retroussée sur ses dents dans une grimace menaçante.
"Parce que je te demande de ne pas le faire." expliqua-t-il doucement. Puis, il ajouta dans un souffle : "S'il te plaît."
Sa supplique retentit à peine dans le Hall, comme un sifflement. Hermione assista alors à un étrange spectacle, aussi bizarre que celui de voir Rogue proposer son aide à Théo. Elle vit distinctement l'expression de colère sur le visage de Parkinson fondre dès qu'elle entendit ces mots. Elle soupira, et continua à avancer, comme si elle avait subitement oublié l'existence d'Hermione en face d'elle :
"Très bien, rentrons, alors. Je suis fatiguée."
Les deux garçons obéirent et se mirent de part et d'autre d'elle pour la suivre jusqu'aux cachots. Drago lança tout de même à Hermione un regard stupéfait derrière son épaule, avant de disparaître dans les profondeurs des souterrains de Poudlard.
Hermione retourna à sa Salle Commune, la tête bien plus remplie de questions qu'avant. Tous les événements de la soirée avaient été si rapides et absurdes qu'elle dû les revivre plusieurs fois dans sa tête pour réaliser qu'ils étaient vrais.
"Ah, te voilà enfin !" s'exclama Ron en la voyant entrer, clairement soulagé. "J'ai cru que tu avais eu des problèmes avec un professeur…"
Oh, tu ne crois pas si bien dire, pensa Hermione amèrement.
Elle posa la fiole sur la table :
"De l'essence de tentacules de Murlap." énonça-t-elle. "Apparemment, ça aide à soigner les cicatrices plus efficacement que l'Essence de Dictame…"
"Parfait." marmonna Ron sans regarder la fiole. "Heureusement que tu révises ta Botanique, Mione…"
Hermione fit un "hmm" perplexe et remplit un bol du liquide poisseux sous le regard fatigué de Ron. La Salle Commune s'était vidée en son absence, et Harry n'était toujours pas revenu. Hermione prit place sur la même table qu'avant pendant que Ron s'endormait à moitié dessus.
C'est sûrement pour ça qu'elle lui donne tellement de retenues. Pour l'empêcher de créer une armée, ou quelque chose comme ça.
Il était brillant. Il ne le réalisait pas, mais il venait de trouver la réponse à un problème qui lui trottait dans la tête depuis qu'elle avait entendu le discours d'Ombrage le jour de la rentrée. Un moyen de sauver Harry des coupures répétitives sans avoir à le dire à un professeur. Un moyen de bénéficier de cours qu'ils n'avaient plus à cause des cours insipides de Défense Contre les Forces du Mal. Un moyen de se venger.
Une solution de Serpentard.
Le tableau pivota et Harry entra dans la Salle Commune, le teint gris. Il serrait son bras contre sa poitrine, enroulé dans le foulard qu'Hermione avait aperçu plus tôt. Il était couvert de sang.
Il s'assit devant eux sans un mot, et Hermione lui tendit le bol qu'elle avait préparé pour lui :
"Tiens." dit-elle. "Trempe ta main là-dedans, c'est une solution filtrée de tentacules de Murlap marinés, ça devrait te faire du bien."
Harry ne se fit pas prier et plongea sa main ensanglantée dans le bol. Dès que sa peau toucha la potion, il aspira l'air entre ses dents en fermant les yeux. Cela parut lui faire du bien, comme Théo l'avait prédit. Hermione le regarda reprendre des couleurs au fil des secondes.
Pattenrond miaula à leurs pieds et se hissa pour se rouler en boule sur les genoux d'Harry en ronronnant. Harry lui gratta distraitement l'oreille.
"Merci." dit-il avec reconnaissance.
À travers la solution jaune, Hermione pouvait distinguer la phrase déformée sur sa main, "Je ne dois pas dire de mensonges", et serra les dents de colère.
"Je pense toujours que tu devrais te plaindre à quelqu'un." dit Ron d'une voix craintive.
"Non." répondit Harry d'un ton catégorique, exactement comme l'avait imaginé Hermione.
"McGonagall serait folle de rage si elle savait ça…" insista Ron.
"Oui, sans doute." dit Harry. "Et combien de temps crois-tu qu'il faudrait à Ombrage pour faire passer un nouveau décret stipulant que quiconque se plaindra de la Grande Inquisitrice sera immédiatement renvoyé ?"
Ron ouvrit la bouche, mais finit par la refermer quand il ne trouva rien à redire à ça, dépité.
"Cette bonne femme est abominable." dit Hermione à voix basse. "Abominable… Il faudrait qu'on fasse quelque chose à son sujet."
"Je suggère le poison." dit Ron d'un air lugubre.
"Non… je voulais dire quelque chose par rapport à ses cours où on n'apprend rien du tout pour se défendre." expliqua Hermione. "En fait, je me disais…"
Ron se tourna vers elle, plein d'espoir. Hermione essaya de formuler ce qu'elle avait préparé dans sa tête :
"Je me disais que le moment est peut-être venu de… de faire les choses nous-mêmes." annonça-t-elle à voix basse.
"Nous-mêmes ?" répéta Harry d'un ton soupçonneux.
"Oui… Apprendre la Défense Contre les Forces du Mal par nous-mêmes." reprit Hermione.
"Qu'est-ce que tu racontes ?" grogna Ron, qui ne s'était pas attendu à ça. "Tu veux nous donner du travail en plus ? Est-ce que tu te rends compte que Harry et moi, on a encore pris du retard dans nos devoirs ? Et on n'en est qu'à la deuxième semaine !"
"Oui, mais ça, c'est beaucoup plus important que les devoirs."
Harry et Ron la fixèrent avec des yeux ronds.
"Je ne savais pas qu'il y avait dans tout l'univers quelque chose de plus important que les devoirs !" dit Ron.
"Ne sois pas stupide, bien sûr que si." répliqua Hermione. "Il s'agit de nous préparer, comme l'a dit Harry au premier cours d'Ombrage, à ce qui nous attend dehors. De faire en sorte que nous puissions véritablement nous défendre. Si nous n'apprenons rien pendant une année entière…"
"On n'arrivera pas à grand-chose tout seuls." soupira Ron d'un ton accablé. "Oh, bien sûr, on peut toujours aller à la Bibliothèque pour étudier des maléfices et essayer de les appliquer…"
"Non, cette fois, je suis d'accord, nous avons dépassé le stade où l'on n'apprend les choses que dans les livres." dit Hermione, décisive. "Il nous faut un professeur, un vrai, qui sache nous montrer comment utiliser les sortilèges et nous corriger en cas d'erreur."
"Si tu penses à Lupin…" commença Harry.
"Non, non, je ne pense pas à Lupin." coupa Hermione. "Il est trop occupé avec l'Ordre et de toute façon, nous ne pourrions le voir que pendant nos week-ends à Pré-au-Lard, ce qui ne serait pas du tout suffisant."
"Alors, qui ?" demanda Harry, les sourcils froncés.
Hermione poussa un profond soupir. Il n'en avait donc aucune idée ?
"C'est évident, non ?" dit-elle. "Je veux parler de toi, Harry."
Il y eut un petit flottement, où seul le crépitement de la cheminée lui répondit. Harry la contempla sans comprendre.
"De moi de quoi ?" interrogea Harry.
"De toi comme professeur de Défense Contre les Forces du Mal." asséna Hermione.
Comme par réflexe, Harry se tourna vers Ron, et parut stupéfait de voir qu'il considérait l'idée d'Hermione avec un grand sérieux.
"C'est une idée." dit Ron finalement.
"Qu'est-ce qui est une idée ?" dit Harry.
"Toi." répondit Ron. "Que tu deviennes notre professeur."
"Mais…" Harry sourit, comme s'il s'attendait à ce que Fred et George débarquent d'un instant à l'autre pour lui annoncer que c'était un canular. "Je ne suis pas professeur, je ne peux pas…"
"Harry, tu es toujours le meilleur en cours de Défense Contre les Forces du Mal." dit Hermione.
"Moi ?" s'étonna-t-il, en souriant de plus en plus. "Bien sûr que non, tu m'as battu à tous les examens…"
"Non, ce n'est pas vrai." répliqua-t-elle froidement. "Tu m'as battue en troisième année, la seule année où on ait tous les deux passé l'examen avec un professeur qui savait de quoi il parlait. Mais il ne s'agit pas d'examens, Harry, pense plutôt à ce que tu as fait !"
"Qu'est-ce que tu veux dire ?"
"Tu sais, finalement, je n'ai pas très envie d'avoir comme prof quelqu'un d'aussi idiot." dit Ron à Hermione, avec un petit sourire moqueur. Il se tourna vers Harry. "Réfléchissons, euh… première année, tu as sauvé la pierre philosophale des mains de Tu-Sais-Qui…"
"Simple coup de chance." dit aussitôt Harry. "Ce n'était pas mon habileté personnelle…"
"Deuxième année." l'interrompit Ron. "Tu as tué le Basilic et anéanti Jedusor."
"Oui, mais si Fumseck n'avait pas été là, je…"
"Troisième année." poursuivit Ron en élevant la voix. "Tu as affronté une centaine de Détraqueurs à la fois…"
"Là encore, un coup de chance, si le Retourneur de Temps n'avait…"
"L'année dernière…" reprit Ron, qui criait presque à présent. "Tu as combattu Tu-Sais-Qui une nouvelle fois…"
"Écoutez-moi !" s'exclama Harry, presque avec colère. Ron et Hermione eurent un petit rire en observant sa réaction si modeste. "Vous m'écoutez, oui ? Ça paraît très bien quand vous en parlez comme ça, mais c'était uniquement de la chance. La moitié du temps, je ne savais pas ce que je faisais, je n'avais rien prévu, j'ai simplement improvisé comme je le pouvais et j'ai presque toujours eu de l'aide…"
Ron ricana, et Hermione lui sourit tendrement.
"Ne restez pas là à sourire comme si vous saviez tout mieux que moi !" s'emporta soudain Harry. "C'est moi qui étais là, non ? Je sais bien ce qui s'est passé ! Et si j'ai réussi à faire tout ça, ce n'est pas parce que j'étais brillant en Défense Contre les Forces du Mal, mais parce que… parce que j'ai reçu une aide au bon moment ou parce que j'avais bien deviné… mais, croyez-moi, j'ai complètement pataugé, je n'avais aucune idée de ce que je faisais… ET ARRÊTEZ DE RIGOLER !"
Il avait hurlé tellement fort qu'Hermione sursauta et se cogna le bras contre la table. Harry s'était levé. Il balança le bol d'Essence de Murlap qui s'écrasa par terre, et la potion jaunâtre se déversa sur le sol. Pattenrond s'enfuit sous le canapé, apeuré.
"Vous ne savez pas ce que c'est !" hurla Harry de toutes ses forces. "Ni l'un ni l'autre vous n'avez eu à l'affronter ! Vous pensez qu'il suffit de se souvenir de quelques sortilèges et de les lui jeter à la figure, comme si on était en classe ? Pendant tout le temps où vous êtes face à lui, vous savez qu'entre vous et la mort, il n'y a plus rien d'autre que votre… votre cerveau, vos tripes, ou je ne sais quoi. Comme si on pouvait réfléchir normalement quand on sait que dans une fraction de seconde, on va se faire tuer, torturer ou voir ses amis mourir… Ils ne nous ont jamais appris ça en classe, ce que c'est que d'affronter ce genre de choses… Et vous deux, vous êtes là à faire comme si j'étais un brave garçon bien intelligent sous prétexte que je suis vivant, comme si Diggory, lui, n'était qu'un idiot qui a raté son coup… Vous n'y comprenez rien, j'aurais très bien pu mourir à sa place, c'est ce qui se serait passé si Voldemort n'avait pas eu besoin de moi…"
"On n'a rien dit de tout ça, mon vieux." se défendit Ron, effaré. "On ne s'en est jamais pris à Diggory, pas du tout, tu te trompes complètement…"
Il jeta un regard désemparé vers Hermione qui s'était pétrifiée. Voir Harry hurler de la sorte lui rappelait le Square Grimmaurd, quand il était revenu de la maison des Dursley sans avoir reçu de nouvelles d'eux depuis un mois.
Depuis quelques temps, Harry avait des pulsions de colère qui avaient le don de la clouer sur place. C'était tellement rare de le voir s'énerver aussi fort… Elle pouvait entendre les sanglots menacer d'exploser dans sa voix tremblante, et l'image brutale du corps de Cedric tomber lourdement sur le sol s'afficha derrière ses paupières.
"Harry." dit Hermione timidement, sans oser le regarder. "Tu ne comprends donc pas. C'est… c'est exactement pour ça qu'on a besoin de toi… on a besoin de savoir co-comment c'est… de… de l'affronter… d'affronter Voldemort."
Elle lâcha son nom dans un souffle, et sentit le mot lui brûler la gorge. Ron lâcha son exclamation habituelle, et Harry posa son regard furieux sur elle.
Dès qu'il croisa son regard, il parut se calmer. Il se rassit, la respiration toujours aussi saccadée.
"Ecoute… Penses-y." demanda Hermione d'une petite voix. "S'il te plaît."
Son imploration lui fit penser à Théo, quelques minutes plus tôt, et la manière dont le visage de Parkinson s'était tout de suite détendu. Harry eut la même réaction. Toute la colère qu'il avait ressenti s'évapora, tout comme le liquide de Murlap par terre.
"Bon, je vais me coucher." annonça-t-elle en se levant, alors qu'elle était parfaitement éveillée et savait pertinemment qu'elle ne trouverait pas le sommeil. "Bonne nuit."
Elle monta les escaliers vers le dortoir des filles et entendit Ron demander maladroitement à Harry :
"Tu viens ?"
"Oui, dans une minute, le temps de nettoyer ça."
Hermione le vit se pencher vers les morceaux de bol cassés qui jonchaient le parquet de la Salle Commune.
Avec un pincement au cœur, elle réalisa que Théo avait sacrifié une potion pour rien.
.
.
Drago
.
.
"Alors ? Qu'est-ce que tu foutais avec Granger ?" demanda Drago dès qu'ils eurent atteint les cachots.
"Qu'est-ce que ça peut te faire ?" répliqua Théo du tac au tac.
"J'ai juste envie de savoir, c'est tout !" gronda-t-il, en essayant de mesurer sa voix. "Qu'est-ce que tu foutais avec Granger au beau milieu de la nuit ?!"
"Oh, Drago, grandis un peu !" s'écria Théo sans le regarder. "Tu peux pas mettre tes préjugés de merde de côté juste deux minutes ?"
Drago fut tellement choqué par cette réponse qu'il faillit s'arrêter sur ses pas. Il n'avait même pas réalisé que Théo pouvait voir sa colère de cette manière, il avait complètement oublié qu'il était censé la haïr.
"Ce n'est pas par rapport à ça." se sentit-il obligé de murmurer. "Je trouve ça juste surprenant."
Une nouvelle peur s'installa alors soudainement en lui, paralysant ses muscles :
"Tu lui avais déjà parlé avant, c'est ça ?" demanda-t-il d'un ton si brusque que Pansy tourna la tête vers lui. "Vous vous voyez en secret ?"
Théo ne répondit pas, et préféra donner le mot de passe à la porte dissimulée dans le mur de la Salle Commune. Quand il l'ouvrit, Drago sursauta en entendant la musique qui lui agressa les oreilles.
"Pourquoi est-ce qu'il y a une fête ?" demanda Théo, surpris. "T'étais même pas là, Pansy…"
"Il n'y a pas que moi qui organise les fêtes." pointa-t-elle, en se dirigeant droit vers le canapé qu'occupait Blaise.
Drago la suivit sans même voir où il allait. Sa vision était floue à cause de la colère qui semblait lui brûler les rétines. Depuis quand est-ce que Théo et Granger se parlaient ? Depuis quand se voyaient-ils ? Depuis quand l'appelait-il par son prénom ? Pourquoi Granger ne lui avait jamais dit ?
"Ah, enfin !" s'exclama Blaise en les voyant arriver. "Il est presque minuit, qu'est-ce qui vous a pris tant de temps ?"
Pansy s'asseya à côté de lui et lui prit son verre des mains pour boire une gorgée.
"Figure-toi que nous avons croisé Théo à la fin de notre ronde de préfets…" commença-t-elle.
"Théo ?" s'étonna Blaise, qui devait presque crier pour couvrir la musique. Il se tourna vers le concerné, qui venait de prendre place dans son fauteuil préféré. "Qu'est-ce que tu foutais dehors ? Je croyais que t'étais dans le dortoir !"
"J'étais parti faire quelque chose…" dit Théo.
"... Avec Granger." termina Pansy, avant de reprendre une gorgée de Whisky Pur Feu.
"Avec Granger ?!" répéta Blaise, un peu trop fort.
Entendre son nom donna une décharge de frissons désagréables le long de la colonne vertébrale de Drago.
"Ouais." dit Théo en haussant les épaules.
Son air indifférent était tellement frustrant ! Drago voulait lui attraper le col de sa chemise et le plaquer violemment contre le dossier de son fauteuil pour obtenir des réponses. Il voulait faire partir ce sourire espiègle de sa bouche pour le remplacer par de la peur. À travers la colère qu'il ressentait, et qui montait dangereusement en lui, c'était difficile de se rappeler que le garçon en face de lui était son ami. C'était Théo.
Il serra le poing le plus fort possible et essaya d'inspirer doucement pour se calmer, mais les vagues de rage s'écrasaient en lui de plus en plus fort, chacune plus brûlante que la précédente.
"Depuis quand est-ce que tu traînes avec Granger ?" demanda Blaise, qui avait l'air mi surpris mi amusé.
Théo siffla d'exaspération entre ses dents, sans perdre son sourire en coin qui donnait envie à Drago de lui casser la mâchoire.
"Je ne traîne pas avec Granger, je l'ai simplement croisée par hasard dans les cachots !" dit Théo en levant les yeux au ciel. "Elle avait besoin d'un truc et je l'ai simplement aidée !"
En entendant ça, Drago fut pris de court. Il se demanda pourquoi Granger avait été dans les cachots. Est-ce qu'elle était venue pour le chercher ? Peut-être s'était-elle inquiétée de ne pas l'avoir vu à la Bibliothèque, ou sur le banc… Mais c'était une réaction un peu disproportionnée… Pourquoi le chercher devant sa Salle Commune, où des dizaines de personnes pouvaient la croiser ? Et pourquoi avait-elle eu besoin de le voir absolument ? Avait-elle simplement été surprise qu'il ne vienne pas ? Ou avait-elle eu besoin de lui dire quelque chose de toute urgence ?
Il était tellement perdu dans ses propres interrogations qu'il failli rater la suite de la phrase de Théo, noyée par la musique de la fête :
"... a beaucoup de similarités, elle et moi."
"Ah bon ?" répondit Blaise, la voix pleine de sarcasme. "Comme quoi ? Votre rébellion contre Ombrage ?"
"Votre statut de premier intello de l'école ?" continua Pansy avec un rire moqueur.
"Votre abonnement quotidien à la Bibliothèque ?" poursuivit Blaise.
"Votre haine ridicule contre la Divination ?" tenta Pansy.
"Qu'aucun de vous deux ne sache comment se peigner ?" proposa Blaise en riant.
Pansy éclata de rire aussi, et le son se répercuta contre les murs de la Salle Commune et attira le regard des danseurs autour d'eux.
"Vos gueules." asséna Théo, qui ne souriait pas du tout. "Je dis simplement que Granger et moi sommes les seuls à réaliser le danger que représente Ombrage dans l'école…"
En entendant ça, Blaise et Pansy lâchèrent le même soupir et Théo les fusillèrent du regard.
"Vous soupirerez moins quand elle aura pris le contrôle total de Poudlard !" avertit-il en pointant un doigt vers eux.
"Et pourquoi Granger avait-elle besoin de ton aide ?" demanda Blaise, soit pour changer de sujet, soit parce qu'il était vraiment intéressé par sa réponse.
"Pour quelque chose." répondit-il vaguement.
"Quoi ?" demanda Drago, d'un ton un peu plus agressif que celui de Blaise.
"Bon, si vous allez continuer de parler de Granger…" coupa Pansy d'un air renfrogné. "Je vais aller prendre un verre."
Sur ce, elle se leva. Drago était persuadé que s'il levait les yeux vers elle, il verrait de la peine sur son visage, mais il resta fixé sur Théo et son sourire espiègle qui était revenu.
"Je ne peux pas le dire, c'est un secret." dit-il fièrement.
"Toi, tu as un secret ? Avec Granger ?" demanda Blaise, presque impressionné.
"Tout à fait. Et je sais qu'elle est née-Moldue, et une Gryffondor, et une amie de Potter, et que je "ne devrais pas lui parler"…" dit-il en montrant Drago du doigt, qui se tendit encore plus contre le canapé. "Mais en fait, j'ai réalisé que je m'en fichais pas mal de son statut de sang. Je trouve qu'elle est intéressante, et je suis d'accord avec elle sur pas mal de trucs. Donc, j'estime que lui parler n'est pas un crime, contrairement à ce que tu penses, Drago."
Drago ne rata pas le regard interloqué de Blaise dans sa direction. En s'efforçant d'adopter un timbre de voix raisonnable, Drago joua la nonchalance du mieux qu'il pouvait.
"Ça m'est égal." lâcha-t-il difficilement. "C'était juste… Étrange, de te voir avec elle au beau milieu de la nuit, c'est tout. T'es pas censé avoir une phobie sociale, ou un truc comme ça ?" ajouta-t-il dans un grognement imperceptible.
Théo se repositionna dans son fauteuil, et observa paresseusement la foule de danseurs se presser les uns contre les autres en face de la cheminée. Un couple s'embrassait fougueusement sous le chandelier qui projetait de la lumière verte sur leur peau. Mais Drago n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose que sur Théo. Les questions qu'il voulait tant lui poser menaçaient d'exploser tant elles lui brûlaient la langue. Il voulait savoir tout ce qu'ils s'étaient dit, ce que Granger avait pensé de lui, si Théo ressentait autre chose pour elle que de l'admiration…
La dernière question fut tellement douloureuse qu'il se leva impulsivement. Blaise le regarda bizarrement :
"Où tu vas ?"
"Chercher un verre."
Sans attendre de réponse, Drago se dirigea vers la table des boissons. Il n'avait pas du tout prévu de boire, mais l'alcool semblait soudain être une alternative alléchante comparée à la torture que lui imposait son propre esprit. Il se servit un grand verre d'hydromel à la cerise, et le but d'une traite. Il n'avait pas bu depuis le soir où Théo avait pleuré dans le dortoir à cause de son livre moldu. La brûlure fut si vive que Drago grimaça sans le vouloir. Puis, il s'en resservit un, et retourna s'asseoir.
Blaise s'était levé pour aller danser avec une fille, et Théo était dans son fauteuil, avec un énième livre sur ses genoux. Drago se demanda, pour la centième fois depuis qu'il le connaissait, comment il pouvait lire dans un vacarme pareil. Mais il eut la réponse rapidement : Théo levait fréquemment les yeux de son livre pour observer Pansy dans la foule, comme pour vérifier qu'elle allait bien.
Les questions sur Granger continuaient de fuser dans sa tête, alors à chaque fois qu'il imaginait Théo avec elle, ou qu'il se demandait ce qu'ils avaient pu se dire avant qu'il n'arrive, Drago buvait une gorgée d'hydromel. Il termina son verre très vite. En allant se resservir, une fille se colla à lui pour danser, mais il la repoussa sans ménagement et se rassit dans le canapé.
"Blaise a l'air de s'éclater." commenta Théo.
Drago chercha son meilleur ami dans la foule, et le trouva en train de danser avec une fille blonde que Drago n'avait jamais vu. Un peu plus loin, Daphné était en train de rouler une pelle à un garçon plus jeune qu'eux. Drago se demanda qui avait commencé à rendre l'autre jaloux.
"Ouais." dit-il, d'une voix qu'il ne reconnaissait même pas lui-même.
Théo retourna à son livre, et Drago ne réussit pas à contrôler la question qui sortit de sa bouche contre son gré :
"Elle voulait de l'aide pour quoi, Granger ?"
Heureusement, Théo ne vit pas son interrogation comme de l'insistance, mais toujours comme du mépris. Il leva une nouvelle fois les yeux au ciel.
"En Potions." finit-il par admettre.
Drago s'était attendu à beaucoup de réponses, mais certainement pas à ça. Une fureur écrasante, étouffante, s'empara de lui. En Potions ? Sa matière ? Pourquoi est-ce que Granger avait demandé de l'aide à Théo, et pas à lui ?
"Drago, attention !" s'écria Théo.
Drago regarda ses genoux et vit qu'il avait serré le gobelet trop fort : tout l'hydromel avait coulé partout.
"Je…"
Pansy revint à ce moment-là, et son apparition permit de distraire Théo suffisamment pour ne pas qu'il interroge Drago sur son élan de colère. Elle fumait une cigarette à moitié terminée, et l'enleva de sa bouche peinte de noire uniquement pour boire une gorgée de son whisky à la vanille. Son front était couvert de sueur. Elle se jeta pratiquement dans le canapé vert.
"Wow, je n'avais pas dansé comme ça depuis des mois !" s'écria-t-elle avec joie. "Vous avez vu quand Blaise m'a portée au-dessus de sa tête ?"
"Ouais, on a vu ça." dit Théo avec un sourire attendri. Il montra Daphné du menton, qui était adossée contre la cheminée en granit avec le garçon toujours scotché à ses lèvres. "Daphné essaye de le rendre jaloux ?"
"Je crois, ouais, mais ça ne marche pas trop." dit Pansy, qui pointa Blaise du doigt. Il était en train d'embrasser la blonde que Drago avait aperçue plus tôt. "Il n'a même pas remarqué que Daphné embrassait Simon."
Drago aurait aimé s'impliquer davantage dans la discussion, mais la colère ne diminuait pas.
Potions, potions, potions…
"Vais aller prendre l'air." marmonna-t-il en se levant.
"Quoi ? Qu'est-ce que t'as dit ?" demanda Théo d'une voix forte en tendant l'oreille.
Drago ne prit même pas la peine de répondre : il jeta son gobelet déchiré par terre et sortit par la porte de la Salle Commune. Il traversa le couloir des cachots en essayant de ne pas sentir la brûlure que lui provoquait la rage parcourir son corps. Il avait l'impression que toute sa peau était chaude, comme si la colère bouillonnait en son for intérieur de plus en plus, mais que sa tête était douloureusement froide.
Il arriva sur le banc en très peu de temps, mais au lieu de s'asseoir, il fit les cent pas devant. Il n'arrivait pas à se sortir l'image de la tête : de Granger, dans un coin, cachée par le corps de Théo devant elle. De ses joues rouges et de son expression honteuse. De la manière dont Théo s'était positionné face à elle, comme s'il avait essayé de la protéger de lui. Comme s'il avait peur qu'il lui fasse du mal.
Cette idée raviva de nouveau sa colère, et Drago frappa le pied du banc de toutes ses forces pour l'évacuer, mais ça ne changea rien.
Au début, il avait pensé qu'il l'avait surprise en train d'embrasser un garçon. Ça l'avait pétrifié de peur, littéralement. Il n'avait pu que fixer le dos du garçon qui était -bien trop- proche d'elle. Mais quand il s'était retourné, et qu'il avait reconnu Théo, c'était comme si chaque veine de son corps avait explosé de colère.
Théo.
Son meilleur ami Théo.
Avec Granger.
En train de l'aider pour les Potions.
C'était son rôle, ça. C'était la matière où il arrivait à la battre, elle était censée lui en parler, à lui. Pourquoi avait-elle demandé à Théo ?
Il lui ressemble bien plus que toi, résonna sa voix intérieure dans son crâne, celle qui avait le don pour aggraver encore plus les situations.
La voix avait raison. Théo et Granger étaient pareils sur plein d'aspects, il avait remarqué ça depuis la première année. De leurs performances académiques à leurs caractères, leurs valeurs, leurs goûts…
"Moi, je la trouve jolie", avait affirmé Théo, dans le Poudlard Express, en deuxième année. Drago se souvint de son propre choc, ce jour-là. Comment Théo avait-il pu la trouver jolie avant lui ? Comment avait-il pu l'affirmer devant tout le monde, alors qu'il avait encore du mal à s'avouer ses propres sentiments encore aujourd'hui ?
Quand il avait compris qu'elle utilisait un Retourneur de Temps, en troisième année, Drago s'était indigné. Il avait eu envie de la dénoncer, juste pour la faire chier. Mais Théo s'y était opposé. Il l'avait trouvée "impressionnante", un mot que Drago avait trouvé complètement inapproprié dans ce contexte.
Quand Drago lui avait déformé la bouche avec son sort, Théo avait été le seul à être consterné. Il avait été le seul à confronter Pansy, et à affirmer qu'il avait trouvé ça stupide.
Drago s'était déjà demandé à plusieurs reprises si Théo ne ressentait pas quelque chose pour Granger. Ils avaient toujours eu un lien particulier, sans même se parler. Ils avaient toujours eu cette compétition étrange que Drago ne saisissait pas vraiment, et une sorte de respect mutuel tacite.
Peut-être que Granger ne lui avait jamais dit, mais qu'elle voyait Théo comme elle voyait Drago : en secret, dans un lieu rien qu'à eux. Peut-être qu'ils révisaient ensemble et qu'il lui avait dit qu'il la trouvait jolie depuis longtemps et qu'ils sortaient ensemble en secret…
Rien qu'en pensant à ça, il redonna un gros coup de pied dans le banc. Cette fois-ci, il devait y être allé trop fort, parce que l'impact contre le métal le fit hisser entre ses dents. Il venait manifestement de se casser le pied.
Il s'assit sur le banc et se prit le visage entre les mains pour calmer son envie d'hurler. Il sentait son corps s'échauffer à mesure que les pensées se bousculaient dans sa tête. Il imaginait Théo embrasser Granger et il avait beau essayer d'éloigner l'image, elle restait gravée dans son crâne.
Il essaya de méditer, mais la colère et l'alcool ne l'aidaient pas à vider son esprit. La douleur dans son pied était lancinante, mais ne parvenait pas à lui faire penser à autre chose.
"Disons simplement qu'Hermione et moi avons trouvé… Un terrain d'entente."
Il l'avait appelée par son prénom.
Soudain, la colère devint trop envahissante. Elle lui serra le cœur trop fort, elle lui remonta les tripes, et des petits points blancs apparurent devant ses yeux, brouillant sa vision. Son front était brûlant, il n'arrivait plus à respirer, chaque souffle qu'il prenait était douloureux et semblait contracter encore plus son estomac. Tout à coup, Drago se sentit claustrophobe, alors qu'il se trouvait en plein milieu du parc de Poudlard. Il regarda autour de lui mais ne parvint pas à trouver l'horizon dans la nuit. Il se sentait étouffé dans cet espace trop grand, dans ses pensées trop sombres.
Alors, au milieu du chaos de son esprit, une phrase ressortit soudain.
Un soir, bien avant Poudlard, il avait fait un cauchemar sur son père et s'était réfugié près de la fontaine. Encore aujourd'hui, Drago n'avait aucune idée de pourquoi Pansy se trouvait là au milieu de la nuit, elle aussi. Probablement pour la même raison que lui. Il s'était approché d'elle, et lui avait montré sa gorge pour lui dire qu'il n'arrivait pas à respirer, et Pansy s'était levée, l'avait regardée plusieurs secondes, le front plissé par l'inquiétude.
Puis, elle lui avait simplement conseillé dans un murmure :
"Allonge-toi, et regarde les étoiles."
Au début, Drago n'avait pas voulu : il trouvait que c'était une solution stupide à un problème si urgent. Mais Pansy avait insisté, et il avait fini par céder. L'angoisse avait pris le contrôle de sa tête, il était sur le point de s'évanouir à cause du manque d'air. Mais Pansy était restée parfaitement sereine, et lui avait simplement pointé du doigt toutes les étoiles qu'elle pouvait reconnaître au-dessus de leurs têtes :
"Là, tu vois les quatre étoiles qui forment un carré ? C'est la constellation de Pégase. Et juste au-dessus, c'est Andromède, elle est particulièrement brillante, ce soir. Et encore en haut, si tu suis l'étoile d'Andromède vers le Nord, tu peux voir Cassiopée, mais elle est difficile à voir. Elle a cinq étoiles, tu les comptes avec moi ? Suis mon doigt : une, deux…"
Drago n'aurait jamais pensé que l'Astronomie puisse le distraire suffisamment pour oublier son cauchemar. Pourtant, ça avait marché. Pansy avait cité toutes les étoiles qu'elle voyait, et Drago avait réussi à respirer. L'angoisse avait doucement cessé de l'asphyxier. Ça n'avait été que dans sa tête.
Allonge-toi, et regarde les étoiles.
Drago glissa du banc et atterrit dans l'herbe, sur ses genoux. Il s'allongea en ignorant la douleur dans son pied, la respiration toujours saccadée. Le ciel était clair, ce soir-là. Il s'efforça à réunir ses maigres connaissances sur l'Astronomie, mais étant donné qu'il n'arrivait à citer aucune étoile, il s'imagina plutôt la voix de Pansy dans sa tête et inventa des noms. Pour la constellation pile en face de lui, elle dirait probablement qu'elle s'appelle la constellation du Lionceau, juste en-dessous, celle de Merlin, et celle à gauche était sûrement celle de la Clé, parce qu'elle avait la forme d'une serrure.
Drago n'avait aucune idée de ce qu'étaient ces étoiles, mais il fut surpris de voir que son angoisse diminua de plus en plus. C'était difficile de se sentir étouffé quand on regardait l'étendue infinie du ciel noir.
Au bout d'un moment, il réussit à respirer.
Puis, quand la colère s'était doucement évaporée de ses pores, il parvint même à méditer. Il entra dans sa bibliothèque mentale et parcourut les centaines de livres sur Théo. Théo qui lisait dans son fauteuil, Théo qui riait à la table du dîner, Théo qui bronzait dans le jardin de Blaise, Théo qui pleurait dans son lit, Théo qui perdait des couleurs en lisant la lettre de son père, Théo qui levait les yeux au ciel en entendant Pansy parler de Divination, Théo qui écrivait à la Bibliothèque…
Ces images réussirent à lui faire oublier celles où il embrassait Granger.
Drago inspira un grand coup, et profita de la brise automnale pour laver ses angoisses. Il contempla le ciel encore quelques minutes, profitant du calme. Enfin.
Au bout d'une bonne heure, il se releva et se rappela soudain de la douleur dans son pied gauche quand il le posa par terre. Il boita jusqu'au Château, en réprimant des gémissements de douleur à chaque pas, descendit les marches de l'escalier tout doucement, puis claudiqua jusqu'à la porte de la Salle Commune. Il récita le mot de passe entre ses dents serrées par la douleur et vit à peine les cheveux noirs de Pansy se balancer dans la foule. Il se dirigea directement vers le dortoir.
La pièce était à moitié plongée dans le noir, mis à part les couleurs verdâtres du Lac, et le faisceau de lumière sous la porte de la salle de bains. Blaise était en train de prendre une douche, et Théo avait fermé les rideaux de son lit.
Drago s'approcha sur la pointe des pieds (du moins, un des deux), et entendit les respirations endormies du garçon.
Théo n'avait pas complètement tiré le rideau de son lit à baldaquin : il restait une très légère entrouverture. Drago risqua un coup d'œil. Théo était endormi, à moitié recroquevillé, la couette relevée jusqu'au menton. Sa bouche était très légèrement entrouverte et laissait passer des expirations apaisées et pleines de sommeil. Son visage était dépourvu des habituels froncements de sourcils ou fossettes sur ses joues : il était complètement détendu, serein, calme.
Drago n'arrivait pas à réaliser que c'était de ce garçon dont il était jaloux. Ce garçon si innocent, si familier. Il l'avait vu comme un adversaire au lieu de son ami. Il avait vu Krum au lieu de Théo. L'angoisse l'avait emporté, faisant disparaître sa raison au passage.
La porte de la salle de bains s'ouvrit et Drago s'éloigna du lit de Théo.
"Dray ?" appela Blaise dans le noir. "C'est toi ?"
"Ouais. Chut, Théo dort."
Blaise hocha la tête. Il était vêtu d'un t-shirt à l'effigie de l'équipe de Quidditch d'Italie et d'un boxer blanc. Il alla s'asseoir sur son lit, et jeta un drôle de regard à Drago en passant près de lui.
"Pourquoi ta chemise est toute verte ?" demanda-t-il dans un chuchotement.
"Je me suis allongé dans l'herbe." répondit Drago.
Blaise arqua un sourcil mais ne répondit rien. Il déposa quelques affaires dans sa malle et s'allongea dans son lit.
"C'était qui, la blonde que t'embrassais tout à l'heure ?" demanda Drago pour faire la conversation.
"Pourquoi Malefoy, t'es jaloux ?" répondit Blaise du tac au tac. Il ne pouvait pas voir son visage, mais Drago devina à son ton qu'il souriait.
Drago aurait pu rire en entendant ça, s'il n'avait pas passé la soirée à être jaloux.
"Pansy est toujours là-bas ?" demanda-t-il plutôt.
"Ouais, avec Daphné." répondit Blaise.
Il était complètement allongé, maintenant, prêt à dormir. Drago pouvait deviner la forme de son corps dans son lit. Blaise avait toujours eu la manie bizarre de s'étaler complètement en dormant, en faisant tomber sa couette du lit un jour sur deux.
"Pourquoi tu restes planté au milieu de la pièce ?" demanda soudain Blaise, la voix déjà ensommeillée. "T'es bourré ou quoi ?"
Drago esquissa un pas et se souvint subitement de pourquoi il avait gardé le pied levé. Il grogna de douleur.
"Qu'est-ce que t'as ?" demanda Blaise, un soupçon d'inquiétude dans la voix.
"Je me suis cassé le pied." grogna Drago en se massant la cheville.
"Hein ?!" s'écria Blaise. "Mais tu t'es battu ou quoi ?"
"Non, je me suis pris un truc…"
Blaise poussa un soupir agacé :
"Bah vas voir Pomfresh alors, et arrête de me faire chier !"
Mais évidemment, il se redressa et prit sa baguette sur sa table de chevet, qu'il pointa sur le pied de Drago. Il eut à peine le temps d'expirer quand Blaise lança :
"Episkey."
Drago sentit un point de chaleur à l'endroit exact où il s'était blessé, puis un froid glacial qui se dissipa rapidement. Quand il reposa son pied, il ne ressentait plus aucune douleur.
"Merci." dit Drago avec un soupir soulagé.
Il n'avait eu aucune envie d'aller à l'infirmerie en plein milieu de la nuit. Blaise marmonna quelque chose que Drago n'entendit pas, reposa sa baguette et ferma les rideaux de son lit. Drago, quant à lui, se mit en pyjama et s'allongea dans son lit pour méditer. Il pouvait encore entendre les faibles sons de la soirée à travers les murs en pierre.
Il laissa son esprit vagabonder dans ses souvenirs, quand il entendit quelqu'un frapper à la porte. Il sortit de sa bibliothèque et regarda la porte en fronçant les sourcils, persuadé d'avoir imaginé. Il était presque 3h du matin.
Quelques secondes plus tard, on frappa de nouveau à la porte. Drago se leva en grommelant, enfila un t-shirt et alla ouvrir.
C'était Pansy.
Ses joues étaient couvertes de traces de mascara, et son rouge à lèvre avait débordé de partout. Elle était clairement bourrée : Drago pouvait voir les effets de l'alcool sur son visage même dans la demi-pénombre : ses yeux injectés de sang, ses joues rouges, la sueur qui perlait sur son front. Ses cheveux étaient plus décoiffés qu'à l'ordinaire, probablement d'avoir tellement dansé.
Pendant quelques secondes, ils se regardèrent simplement, puis Pansy ouvrit la bouche et dit d'une toute petite voix :
"Je ne veux pas dormir toute seule."
Pansy n'avait pas dormi dans son lit depuis le soir du Nouvel An de l'année précédente. Comme si, en couchant ensemble une dernière fois, ils avaient scellé sans le dire la promesse qu'elle ne reviendrait pas dormir là. Drago s'y était habitué, mais il devait admettre que sa présence à ses côtés avait toujours réussi à l'apaiser, même dans le sommeil. Alors, il n'hésita pas :
"Viens."
Il la laissa entrer et referma doucement la porte pour ne pas réveiller Blaise et Théo. Il fouilla dans sa malle et lui lança un t-shirt, qu'elle alla enfiler dans la salle de bains. Quand elle revint, son maquillage avait disparu, mais ses yeux étaient toujours aussi rouges et enflés.
Elle s'allongea dans son lit, du côté gauche, comme avant. Il referma les rideaux d'un coup de baguette et Pansy s'enroula dans la couette. Drago lui donna son deuxième oreiller et elle murmura "merci".
"Depuis quand est-ce que tu n'as pas dormi ?" demanda Drago tout doucement.
Il observa la réaction de Pansy : un léger froncement de sourcils. Elle était toujours surprise quand il remarquait des détails chez elle, alors qu'il la connaissait par cœur. Peut-être même plus que lui-même.
"Longtemps." avoua-t-elle. "Et toi ?"
"Je me réveille souvent." admit-il.
"Tu fais des cauchemars ?"
"Non, pas vraiment. Et toi ?"
"Quand je dors seule, ça m'arrive."
"Tu sais que tu peux venir ?" demanda Drago en se tournant vers elle. "Tu peux toujours venir, Pans', quand t'as besoin de dormir avec quelqu'un."
"J'ai peur que ça me rappelle…"
"Je comprends." coupa Drago. "Mais ça sera comme avant. Comme quand on dormait ensemble, quand on était petits. Je ne veux pas que tu te retiennes de venir ici parce que tu as peur de ma réaction. Je veux que tu te sentes en sécurité avec moi. Tu peux venir quand tu veux, je ne te rejetterai jamais."
"Promis ?" demanda-t-elle, d'un ton presque suppliant.
"Promis." répondit Drago, sans la moindre hésitation.
"Même si je prends toute la couette ?" demanda-t-elle avec un sourire.
Drago sourit à son tour.
"Même si tu prends toute la couette." concéda-t-il.
Elle ferma les yeux et Drago fit de même, prêt à dériver dans un sommeil qu'il espérait réparateur, après toutes ces petites insomnies qui avaient ponctuées son rythme nocturne ces derniers temps.
"Pourquoi tu sens la terre ?" demanda soudain Pansy.
Même les yeux fermés, Drago pouvait deviner son nez retroussé et ses yeux inquisiteurs. Il ne les ouvrit pas et sa lèvre s'étira dans un petit sourire triste :
"Je me suis allongé pour regarder les étoiles." répondit-il simplement.
Pansy eut une petite inspiration surprise. Il sentit alors sa petite main froide se poser sur son bras.
"Oh." murmura-t-elle. "Je suis désolée."
Et Drago s'endormit, bercé par sa voix.
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Le lendemain matin, quand Drago se réveilla, Pansy n'était plus là. Elle avait dû se lever avant le réveil de tout le monde pour que personne remarque sa présence dans le lit de Drago, ce dont il était reconnaissant : il aurait senti le regard noir de Blaise toute la journée, s'il avait su.
Il la retrouva au petit-déjeuner, bien plus fraîche et reposée que la veille. Elle ne parla pas de l'endroit où elle avait passé la nuit, et agit exactement comme d'habitude.
Blaise lut sa Gazette des Sorciers, comme tous les matins, et le tendit à Pansy une fois qu'il eut terminé pour qu'elle lise les horoscopes, comme tous les matins. Pansy, comme tous les matins, se plaignit de la médiocrité des prédictions du jour et leur rappela plusieurs fois à quel point Rita Skeeter lui manquait, et Théo soupirait, comme tous les matins.
C'était une journée tout à fait banale, mais Drago avait tout de même ce petit souvenir cruel de la veille qui ressurgissait dans sa tête à des moments hasardeux. En Arithmancie, la vision du corps de Théo devant celui de Granger lui apparut brusquement et il en fit tomber sa plume, qui tâcha tout son diagramme et lui valut un reproche de Vector.
Au déjeuner, au lieu de son habituelle observation de Granger dans la Grande Salle, Drago passa son repas à analyser Théo de biais. Il lisait son livre tranquillement. Son comportement n'avait pas changé depuis la veille. En fait, il agissait exactement comme d'habitude, et il ne reparla pas une seule fois de son "secret" avec "Hermione". Drago ne savait pas si c'était tant mieux, ou s'il aurait préféré qu'il en parle pour avoir enfin des réponses à ses questions.
En cours d'Histoire de la Magie, l'esprit de Drago s'éloigna loin de la classe ennuyante de Binns et préféra s'imaginer le scénario atroce où Granger et Théo sortaient ensemble secrètement. Il l'imaginait comme Krum, à l'emmener sous des arbres ou réviser avec elle à la Bibliothèque. Peut-être l'emmènerait-il à Pré-Au-Lard, pour acheter des plumes et des pots d'encre…
Il Occluda aussitôt, de peur de subir une nouvelle crise d'angoisse.
Ce fut donc avec une impatience démesurée que Drago se rendit à la Bibliothèque, ce soir-là. Il sauta même le dîner et inventa une excuse bidon auprès de ses amis pour y aller le plus tôt possible. Évidemment, quand il arriva, Granger n'était pas encore assise. Il l'attendit en tapant du pied sur le sol, sans jeter le moindre coup d'œil à ses devoirs qui attendaient d'être faits.
Elle finit par arriver une demie-heure plus tard, et écarquilla brièvement les yeux en le voyant déjà installé.
"As-tu sauté le dîner ?" demanda-t-elle d'un ton impérieux, en posant son sac sur la table.
"Je n'avais pas faim."
Elle leva les yeux au ciel, comme si ce n'était pas exactement ce qu'elle avait fait le dimanche précédent. Elle sortit ses affaires d'Arithmancie et se fit un thé à la cannelle, sans le regarder.
Étant donné que la patience ne faisait pas partie des qualités principales de Drago, il lui demanda directement :
"Qu'est-ce que tu foutais avec Théo, hier soir ?"
Granger ne parut pas surprise par cette question. Elle s'installa calmement sur sa chaise et fit tremper son sachet de thé dans l'eau chaude pendant plusieurs secondes.
"Tu ne lui as pas demandé ?" interrogea-t-elle d'un ton détaché.
"Si. Et il m'a dit que c'était un secret, et qu'il n'avait pas le droit de le dire, et que ça concernait les Potions."
Granger haussa les sourcils.
"Vraiment, il a dit ça ?"
"Oui." dit sèchement Drago, qui sentait la colère monter. "Il n'a pas voulu me le dire parce qu'il a dit que c'était ton secret, alors j'exige que tu me le dises, parce que Théo est mon meilleur ami, et que j'estime avoir le droit de…"
"Tu exiges ?" répéta Granger avec un sourire, comme s'il venait de lui raconter la blague la plus drôle qu'elle ait jamais entendu. "Tu exiges que je te le dise ?"
"Oui !"
"Pourquoi ? J'ai le droit de ne pas tout te dire, à ce que je sache."
Drago serra et desserra le poing.
"Pas quand ça concerne mon meilleur pote, et ma matière préférée !" contesta-t-il avec véhémence.
Les yeux rieurs de Granger s'affaissèrent légèrement quand elle comprit.
"Oh, Drago, ne me dis pas que tu es jaloux ?"
"Non, pas du tout !" s'écria-t-il avec force. "Je veux juste savoir ce que tu foutais avec Théo, c'est tout ! Comment tu réagirais, toi, si tu me voyais tapi dans un coin dans le noir avec Weaslette ?!"
"Qui ?" demanda Granger en fronçant les sourcils.
"Weaslette !" répéta-t-il, un peu trop fort pour la Bibliothèque. "Weasley fille !"
Granger comprit soudain et roula automatiquement des yeux.
"Ne me dis pas que tu ne sais même pas comment elle s'appelle ?"
Drago réalisa à cet instant qu'il n'en avait effectivement aucune idée. Il s'était tellement habitué à l'appeler Weaslette dans sa tête qu'il n'avait jamais retenu son vrai prénom. Cette question le décontenança tellement qu'il cessa de serrer le poing et réfléchit.
"Euh… Emily ?" tenta-t-il.
La mine sévère de Granger face à lui lui indiqua que ce n'était pas le bon prénom.
"Peu importe !" continua-t-il. "Comment tu réagirais, alors ?"
"Je n'en sais rien, je serais surprise, sans doute…" commença Granger.
"Et si tu apprenais que je lui parlais pour avoir des conseils en Arithmancie ?"
"Ginny ne fait pas d'Arithmancie." répliqua-t-elle aussitôt.
"Ginny, c'est ça !" s'écria-t-il en se tapant la main contre le front. Bien sûr que c'était Ginny, il avait déjà entendu son prénom plusieurs fois. Il se reconcentra sur la conversation : "En Études de Runes, alors !"
"Elle ne fait pas…"
"Je m'en fiche, Granger, imagine simplement !" grogna-t-il avec exaspération.
Granger ferma la bouche et réfléchit quelques secondes. Drago aurait pu jurer voir des plaques rouges se former dans le creux de son cou.
"Je n'aimerais pas ça." admit-elle, presque honteusement.
"Donc ? Tu comprends pourquoi je suis un peu agacé ?" demanda Drago.
"Tu n'es pas un peu agacé, tu hurles pratiquement dans la Bibliothèque." pointa-t-elle, avant de lancer un sortilège de silence autour de la table avec sa baguette.
"Écoute, Granger." dit-il avec sérieux quand le sort termina de les entourer. "Je peux supporter Weasley. Même si ça me sidère que tu puisses ressentir la moindre chose pour ce garçon pathétique, je peux accepter Weasley. Je peux, à la rigueur, accepter Danny, ou même Londubat, même si je les trouve plus pathétiques encore que Weasley, soyons clairs. J'ai beaucoup de mal avec Krum, parce qu'il est plus âgé que toi et qu'il n'est pas capable de prononcer ton prénom correctement… Mais Théo, c'est trop pour moi."
En entendant sa tirade, les yeux de Granger s'agrandirent de plus en plus, jusqu'à ce qu'ils soient complètement écarquillés et que les plaques rouges sur son cou soient plus visibles que jamais.
"Oh, Mon Dieu, Drago, tu sais très bien qu'il n'y a rien entre Théo et moi !" glapit-elle, soudain paniquée.
"Vous étiez dans un coin, dans le noir, à quelques centimètres l'un de l'autre, et il t'as appelé Hermione…"
"Je ne lui ai jamais parlé de ma vie avant hier soir !" s'écria Granger avec une consternation qui faisait briller ses prunelles. "C'était la première fois qu'on échangeait ne serait-ce qu'un mot ! Comment peux-tu honnêtement penser qu'il y avait quelque chose entre nous ?!"
En la voyant si déchaînée, si outrée, Drago ressentit le soulagement qu'il attendait depuis la veille. Soudain, toutes les images qui l'avaient torturé lui semblaient complètement ridicules. Elles s'éloignèrent de son esprit et il eut l'impression d'inspirer une grande goulée d'air frais après avoir retenu sa respiration trop longtemps. Ses muscles se détendirent d'un coup, et il laissa échapper un filet d'air entre ses dents, un "merci" dissimulé dans un souffle.
"D'accord, très bien. C'est tout ce que je voulais savoir." dit-il, d'une voix beaucoup plus apaisée qu'avant.
Granger, elle, était toujours aussi révoltée.
"Comment… Drago, c'est censé être ton ami ! Comment peux-tu penser que je suis attirée par lui ? Tu ne nous connais donc vraiment pas, tous les deux ?"
"Et qu'est-ce qui me dit que vous ne voyez pas en secret ?" demanda-t-il, avec l'envie de justifier sa propre panique irraisonnée. "Il t'as appelé Hermione."
"Tu ne me fais donc pas confiance à ce point-là ?" demanda-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
Drago la considéra quelques secondes, surpris par cette question. Il n'en savait, en fait, absolument rien. Il était amoureux d'elle, mais il ne savait pas s'il lui faisait vraiment confiance. Après tout, elle ne lui avait jamais explicitement dit qu'elle le considérait comme un ami aussi proche que Potter et Weasley. Elle pourrait partir du jour au lendemain, ou dévoiler tous les secrets de Drago au grand jour pour le faire tomber. Rien ne la retenait à lui. Si ça se trouve, toutes ces entrevues secrètes étaient en fait partagées parmi tous les Gryffondors, une manière de se venger de toutes les horreurs qu'il leur avait fait subir.
En voyant qu'il ne répondait pas, Granger plissa les lèvres de mécontentement.
"Il faut faire quelque chose pour cette jalousie, Drago. Ce n'est pas sain."
Il repensa vaguement à son pied cassé et son angoisse de la veille et ne répondit rien. Granger ouvrit son manuel d'Arithmancie avec un peu plus d'ardeur que nécessaire et trempa sa plume avec hâte, visiblement troublée.
Puis, juste avant d'écrire, elle murmura :
"J'avais besoin d'une potion pour soigner des blessures qu'Harry s'est fait récemment. Je suis allée voler de l'Essence de Dictame dans la réserve de Rogue…"
"Tu as fait quoi ?" demanda Drago, choqué par son aveu.
"Oh, arrête un peu, tu as fait la même chose l'année dernière !" couina-t-elle en le regardant férocement.
"Oui, mais je ne suis pas la meilleure élève de tout Poudlard…"
L'élève en question leva les yeux au ciel, encore.
"Je suis allée dans la réserve de Rogue, donc…" reprit-elle, agacée. "Et Théo m'a surpris. Il m'a demandé pourquoi j'avais besoin de ce genre de potions, et je lui ai avoué que c'était pour Harry. Il m'a dit que pour traiter des blessures récentes, il fallait plutôt prendre de l'Essence de Murlap, alors il me l'a donnée."
"Pourquoi est-ce que je vous ai croisé dans le Hall, alors ?" interrogea Drago.
"J'y viens !" s'impatienta Granger. "Rogue est arrivé. Il a vu la porte ouverte de sa réserve et a compris que j'avais essayé de lui voler des potions, alors il a voulu me punir… Mais Théo a pris le blâme. Il m'a arraché les potions des mains et a fait semblant que c'était lui qui avait volé, et que je l'avais trouvée pendant ma patrouille de préfète. Rogue n'y a vu que du feu. Il m'a demandé de retourner dans mon dortoir, et quand Théo a pu s'échapper, il m'a retrouvée pour me donner l'Essence de Murlap."
Drago encaissa son récit sans y trouver la moindre brèche. Il savait qu'elle disait la vérité. Il reconnaissait parfaitement Théo dans la description de ces événements. Mais il ne pouvait pas lui admettre qu'il avait surréagi, alors il dit amèrement :
""Théo" ?"
"Tu m'as demandé toi-même de l'appeler comme ça dans ta lettre !" s'écria-t-elle, visiblement excédée par son attitude.
"Alors, vous êtes amis maintenant, tous les deux ?" demanda Drago, avec une pointe de mépris qu'il n'arrivait pas à dissimuler.
"Non, il m'a simplement aidée." dit Granger catégoriquement. "Et dans tous les cas, même si on le devenait, tu n'aurais pas ton mot à dire là-dessus. J'ai le droit de devenir amie avec qui je veux, que ça te plaise ou non."
Elle termina sa phrase par un claquement de langue contre son palais et commença à calculer sa prédiction avec le diagramme du manuel.
Malgré la colère qui continuait de rouler sur ses muscles, Drago ne put s'empêcher de sourire. Il adorait quand elle était comme ça. Fiévreuse.
Il se mit au travail, soudain beaucoup plus détendu. Il révisa le dernier chapitre de Métamorphose, parce qu'il n'avait rien compris et qu'il devait absolument réussir à faire Disparaître un objet avant le prochain cours, au risque de se prendre une nouvelle dose de travail par McGonagall.
Il était en train de lire la formule magique qui accompagnait le sortilège de Disparition quand une petite voix craintive interrompit sa lecture :
"Drago…?"
Il leva aussitôt les yeux vers Granger, alerté par son ton inquiet. Elle n'avait rien écrit sur son parchemin, et semblait agitée. Elle faisait tourner sa plume entre ses doigts sans oser le regarder :
"Théodore a mentionné quelque chose, hier…"
Drago fronça les sourcils, étonné que ce souvenir puisse la perturber autant pour que ça l'empêche de travailler.
"Quoi donc ?"
"Il a dit qu'il avait déjà eu besoin d'Essence de Murlap…" dit-elle précautionneusement, perdue dans ses souvenirs. "Et qu'Harry n'était pas "le seul à avoir des cicatrices." Et quand Rogue lui a demandé pourquoi il avait besoin de ces potions, il a répondu… Il a répondu que c'était pour soigner des cicatrices que son père lui avait infligées."
Drago eut l'impression qu'une boule se logea soudainement dans sa gorge.
"C'était vrai ?" demanda Granger dans un murmure, les yeux pleins de compassion. "Son père lui a vraiment fait… Ça ?"
"Oui, c'est vrai." dit-il, d'une voix qu'il voulait posée mais qui s'avéra être un peu tremblotante.
Même après des années, Drago pouvait encore entendre le bruit du corps de Théodore atterrir dans l'antre de la cheminée de Blaise, couvert de sang et de suie. Il pouvait toujours voir les entailles rouges le long de son torse, de ses bras, de ses épaules. Il pouvait toujours sentir l'odeur du sang, tellement forte qu'il pouvait presque sentir le goût métallique sur sa langue.
Il déglutit, mais la boule dans sa gorge ne diminua pas, elle lui écrasait l'œsophage.
"Quelle horreur, je… Je n'en avais aucune idée…" chuchota Granger, effarée.
Drago se demanda comment elle pouvait ressentir autant de pitié pour quelqu'un qu'elle connaissait à peine.
"Son père est un monstre." dit Drago d'une voix faible. "Ils ne se parlent plus. C'est pour ça qu'il vit chez Blaise."
Granger hocha la tête en écoutant ses paroles, toujours aussi bouleversée.
"Il a eu raison de couper les ponts avec lui." décida-t-elle finalement, d'une voix déterminée.
Drago hocha la tête, bien que ce n'était pas exactement la bonne histoire, mais il n'avait pas très envie de dévoiler tous les secrets de Théo à Granger. Il n'avait jamais dit à personne qu'il s'était fait renier de sa famille, et il savait que c'était un secret bien trop intime pour le partager comme ça.
"Comment est-ce qu'un parent peut faire une chose pareille à son enfant ?" demanda Granger, et Drago comprit que c'était une question rhétorique. "C'est cruel, et purement atroce. Pauvre Théodore, il doit souffrir énormément."
"Je crois qu'il s'y est habitué." dit-il pour la rassurer. "Ça fait longtemps, maintenant."
"Je ne pense pas qu'on puisse s'habituer à l'absence d'un parent." dit sagement Granger. Puis, elle fronça les sourcils une seconde en se souvenant de quelque chose en particulier : "Est-ce que c'est de ça que tu voulais parler quand tu m'as dit qu'il valait mieux perdre ses parents plutôt que d'en avoir, parfois ?"
Il fut surpris qu'elle réussisse à citer ses propres mots avec tant d'exactitude. Il hocha la tête, la mâchoire contractée.
"Je comprends un peu mieux ce que tu veux dire, maintenant." confessa-t-elle avec un frisson. "Et ça m'aide à être reconnaissante."
"Reconnaissante de quoi ?"
"D'avoir des parents qui m'aiment." répondit-elle, en posant ses yeux chocolat sur lui. "Je veux dire… J'ai tendance à voir les différences entre nous, ces derniers temps. Plus qu'avant. Ils sont contents que je m'épanouisse à Poudlard, mais comme je te l'ai dit dans nos lettres, il y a toujours cette barrière entre nous. Cette… Incompréhension. Ils ne voient pas le monde comme je le vois, du moins, plus maintenant… Et je ne peux même pas leur montrer Poudlard, parce qu'ils ne verraient qu'un tas de ruines, et je ne peux pas leur envoyer de photos, parce que les appareils moldus ne fonctionnent pas ici, et je ne peux leur parler que par lettres interposées de plusieurs jours… Nos vies sont séparées par cette barrière sorcière qui s'agrandit un peu plus chaque année, et ils s'éloignent de moi de plus en plus, mais…"
Elle baissa le regard sur la table et Drago crut voir une larme briller dans le coin de son œil.
"Mais je sais qu'ils m'aiment, et qu'ils me soutiennent, peu importe ce que je fais. Et je suis désolée que Théodore n'ait pas ça, ou que tu n'aies pas ça… Ça doit être un sentiment horrible, et je compatis."
Drago laissa passer quelques secondes de silence, incapable de dire la moindre chose. Il n'aurait jamais pensé que la compassion de Granger puisse lui faire autant de bien. Il avait toujours vu de la compassion comme de la pitié, et il détestait ça. Mais cette fois-ci, les mots de Granger eurent l'effet inverse : ils lui donnèrent du baume au cœur, et il ne savait même pas qu'il en avait désespérément besoin.
"Merci, Granger." dit-il, avec une sincérité inattendue.
Elle hocha plusieurs fois la tête et essuya les petites larmes qui avaient perlé dans le coin de ses yeux.
"Je crois que je suis un peu émotive." admit-elle avec un petit rire chevrotant. "Je n'ai pas beaucoup dormi ces derniers temps et je crois que mes émotions ressortent bien plus fort que d'habitude…"
"Quelque chose te tracasse ?" demanda Drago, qui avait remarqué les cernes sous ses yeux.
"Non…"
"C'est à cause de ta dispute ? Avec les jumeaux Weasley ?" devina-t-il.
"Non, c'est réglé, ça…"
"C'est Potter ?" tenta-t-il.
Granger ne répondit pas, et il comprit qu'il avait visé juste. C'était toujours aussi facile de savoir ce qu'elle pensait, c'était écrit partout sur son visage. Un livre ouvert.
"Je vais rentrer, il se fait tard et je n'arrive pas à me concentrer." décida-t-elle en refermant son manuel.
Elle rangea ses affaires et mit son sac sur son épaule, toujours aussi pensive. Il la regarda faire, puis, juste avant de partir, elle se tourna vers lui, les sourcils froncés, et dit :
"Tu sais, Drago, tu ne me fais peut-être pas confiance, mais moi, oui." affirma-t-elle, sûre d'elle. "Quand je te promets que je ne répéterai rien, c'est que je ne le ferai pas."
Drago hocha la tête, mais avant qu'il puisse répondre, elle demanda d'une voix moins certaine :
"Les cicatrices d'Harry… Tu garderas ça pour toi aussi ?"
"Bien sûr, Granger." répondit-il sans hésiter. "Promesse de Malefoy."
Elle hocha la tête, satisfaite, puis tourna sur ses talons. Drago la connaissait suffisamment par cœur pour savoir que quelque chose la tracassait toujours, cependant. Son intuition fut
confirmée quand elle dansa d'un pied sur l'autre, hésitante, puis qu'elle finit par se retourner et se rapprocher de la table, un pli soucieux entre ses deux sourcils.
"Hum, et, Drago…?"
"Oui, Granger ?" demanda-t-il, amusé de voir qu'il avait eu raison.
"Est-ce que tu as des cicatrices ?" demanda-t-elle, en regardant partout sauf dans sa direction.
Le sourire de Drago s'effaça de son visage dès qu'il comprit son insinuation. Il déglutit pour chasser la boule qui était toujours coincée dans sa gorge.
"Non." assura-t-il dans un murmure. "Non, mes parents ne me feraient jamais ça."
Il pensait que Granger hocherait simplement la tête, mais à sa grande surprise, elle soupira, un long soupir de soulagement qu'elle devait retenir depuis qu'elle avait entendu parler des cicatrices de Théo.
Drago fut pris de court. Il n'aurait jamais pensé qu'elle puisse s'inquiéter autant pour lui.
"D'accord, c'est… D'accord. Tant mieux." bafouilla-t-elle, toute rouge.
Elle se retourna et s'échappa par les étagères rapidement, non sans avoir lancé un "Bonne nuit, Drago !" derrière son épaule en partant.
Et peu importe le nombre de fois où elle le disait, entendre son prénom de sa bouche le fit sourire malgré lui.
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Le lendemain, au petit-déjeuner, Ébène apporta deux lettres à Drago. La première provenait de sa mère, qui lui racontait les dernières nouvelles au Manoir, et promettait une boîte de chocolats pour Théo la semaine d'après.
La deuxième lettre était beaucoup plus courte, seulement un bout de parchemin où était griffonné :
"Je vous attends pour votre cours particulier ce jeudi à 18h.
Signé : Professeur Rogue."
La première fois qu'il avait reçu ce mot de la part de son directeur de Maison, Drago avait failli s'évanouir. Cette fois-ci, cependant, il le montra à ses amis sans éprouver la moindre angoisse.
"Tu continues ?" demanda Blaise avec étonnement. "Je croyais que tu avais compris comment Occluder."
"Rogue veut sûrement constater par lui-même si j'y arrive. Je ne peux pas vraiment le savoir avant que quelqu'un m'attaque." répondit Drago en chiffonnant le mot pour le mettre dans sa poche.
"Ça fait mal ?" demanda Pansy d'une voix anxieuse.
"Non, pas vraiment." répondit-il après une seconde de réflexion. "C'est désagréable, comme une aiguille qui fouille dans ta tête. Et quand j'Occlude trop longtemps, j'ai mal à la tête. Mais c'est supportable."
Pansy pinça les lèvres, visiblement pas très rassurée par cette réponse.
"Et quand est-ce que tu nous apprends l'Occlumancie ?" demanda Blaise, qui était en train d'ouvrir la Gazette que son hibou venait de lui apporter.
"Avant de vous apprendre à Occluder, vous devez apprendre à méditer." dit Drago.
Pansy hocha la tête, mais Théo releva la tête de son porridge avec stupeur :
"Ah bon ?! C'est obligatoire ?"
"L'Occlumancie est l'art de savoir fermer son esprit, Théodore." riposta Pansy. "Il faut évidemment savoir méditer."
"Mais je n'aime pas ça !" se lamenta-t-il.
"Comment peux-tu le savoir ? Tu n'as jamais essayé !"
Théo se renfrogna et mangea son porridge avec moins d'entrain. Au bout d'un moment, il demanda à Blaise, à sa droite :
"Des actualités intéressantes ?"
"Non, pas vraiment." dit Blaise en refermant le journal. "Rien sur Ombrage, mais un petit article sur la perception de l'éducation par Fudge. Comme si on en avait quelque chose à foutre, de sa perception de l'éducation…"
Pansy attrapa le journal et Théo arqua un sourcil en la voyant faire :
"Ah ? Je croyais que tu n'étais plus intéressée par les horoscopes, depuis que Céleste je-ne-sais-pas quoi les écrit ?"
"Je ne le suis pas, je veux juste voir quelle merde elle a encore pondu aujourd'hui." asséna Pansy en reposant sa tartine de miel pour ouvrir la Gazette à la bonne page.
À peine ses yeux eurent parcourus la première ligne qu'elle s'esclaffa :
"Bélier, vous aurez un fou rire aujourd'hui…" lut-elle avec un rire moqueur. "N'importe quoi…"
Elle continua de lire les horoscopes jusqu'au premier cours de la journée, Sortilèges. Tandis qu'ils patientaient devant la classe, Pansy lisait quelques prédictions à haute voix, s'attendant probablement à ce que tout le monde s'exclame, alors qu'aucun des trois ne comprenait pourquoi ces horoscopes étaient moins bien qu'avant.
Les Gryffondors arrivèrent à côté d'eux, pour aller en classe de Métamorphose. Drago n'eut aucun mal à repérer Granger dans le rang. Après des années d'observations discrètes, il commençait à avoir l'habitude. Ses cheveux étaient lâchés, et son uniforme parfaitement repassé. Elle lisait un livre en marchant, mais Drago n'arrivait pas à voir si c'était un manuel ou un roman.
"Sagittaire, souriez, la vie est belle…" lut Pansy avec un soupir. "Si je dis ça à Daphné, elle va sûrement me mettre un coup de poing dans le nez."
Elle referma le journal et le tendit à Blaise.
"Rita me manque." croissa-t-elle avec désolation. "Si seulement elle pouvait ne serait-ce qu'annoncer son retour !"
"Elle n'a prévenu personne qu'elle n'écrirait plus ?" demanda Théo, à moitié intéressé, parce qu'il avait le nez dans un bouquin.
"Non, et la Gazette n'écrit rien dessus non plus." soupira Pansy. "Ça n'est jamais arrivé, et ça fera bientôt trois mois que ça dure !"
La dernière phrase qu'elle venait de prononcer tiqua dans la tête de Drago.
Sans arrêter de regarder Granger, qui parlait maintenant avec Weasley d'un ton saccadé, il demanda doucement :
"Quand est-ce que Rita Skeeter a arrêté d'écrire, exactement ?"
Pansy ne réfléchit même pas :
"Depuis le jour de la troisième Tâche, le 24 Juin !" piailla-t-elle, offensée. "Aucune nouvelle depuis ! Peut-être que quelqu'un l'a menacée et qu'elle a été obligée d'arrêter d'écrire…"
"Oui… Peut-être…" murmura-t-il, sans même se rendre compte qu'il parlait à voix haute.
Ses yeux étaient toujours rivés sur Hermione.
