tw : émétophobie (Pansy pendant le cours de Métamorphose)
J'ai réalisé en écrivant ce chapitre que le nom de "Pansy" vient en fait de la fleur "pensée", donc je trouve que mon titre est parfaitement adéquat avec le chapitre! :)
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Hermione
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Hermione ne se souvenait pas exactement du moment où elle était tombée amoureuse de Ron.
Ça s'était fait tellement progressivement qu'elle ne s'en était pas rendu compte tout de suite. Avec des effleurements de doigts involontaires, avec des compliments dissimulés par de la taquinerie. Elle adorait ses sourires, il aimait sa voix. Elle riait à ses blagues et il écoutait quand elle lui parlait du roman qu'elle lisait. Ils s'étaient habitués à la présence de l'autre. Et même s'ils se disputaient souvent, ça ne durait jamais longtemps. C'était comme un jeu.
Ginny le savait, Harry le savait, tous les Gryffondors le savaient. Et Hermione l'avait toujours su, au fond d'elle. Elle surprenait ses regards, parfois. Il ne la regardait plus comme en première année. Depuis le Bal, il la voyait différemment. Il la touchait plus souvent. Il prenait ses cuisses pour les poser sur les siennes quand ils s'asseyaient dans le canapé, et lui faisait des câlins qui duraient un peu plus longtemps que nécessaire. Quand elle entrait dans une pièce, il tournait automatiquement la tête vers elle. Elle aimait l'écouter parler, entendre la passion vibrer dans ses phrases. Quand elle entendait quelque chose de drôle, elle se tournait tout de suite vers lui pour partager un sourire. Il était jaloux de Viktor et elle mentirait si elle disait que ça n'était pas flatteur.
Ça s'était fait progressivement, avec des petites attentions, des touchers, des mots. Tomber amoureuse de Ron avait été familier, confortable. L'amitié s'était doucement transformée en un sentiment plus fort, plus profond.
Tomber amoureuse de Drago n'avait rien à voir.
Tomber amoureuse de Drago avait été brutal, violent.
Hermione avait lu des centaines de livres dans sa vie, où l'héroïne raconte à quel point l'amour lui était "tombé" dessus. Comme si, du jour au lendemain, elle réalisait qu'elle ne pouvait plus se passer de lui, qu'elle était éperdument amoureuse du héros. Hermione avait toujours trouvé ça stupide. Comment était-ce possible de ressentir de l'amour pour quelqu'un aussi rapidement ? Il fallait apprendre à se connaître, avant, être sûre que la personne nous correspond.
Pourtant, Drago ne lui correspondait pas du tout. Ils se disputaient tout le temps, bien plus qu'avec Ron. Elle n'était pas d'accord avec lui sur plein de sujets et elle haïssait son attitude, parfois. Il était arrogant, et méchant, et Hermione détestait ça. Ce qu'elle aimait, c'était la douceur de Ron, son humour, cette amitié qui les unissait.
Mais alors, pourquoi ressentait-elle des sentiments plus forts à l'égard de Drago ?
C'était la seule personne qui arrivait à la dérouter. Elle arrivait à la Bibliothèque sans jamais savoir de quoi ils allaient parler. Son humeur changeait en permanence et Hermione adorait les découvrir une par une. Elle l'écoutait parler, parce que c'était rare et que chacune de ses phrases était calculée. Ils pouvaient débattre pendant des heures sans qu'il se fatigue de son obstination. Ils avaient des points de vue différents, mais il était toujours intéressé par les siens. Il l'écoutait. Il savait qu'elle avait besoin d'étudier, et il le respectait. Il ne lui avait jamais reproché de le faire, contrairement à Ron qui lui disait qu'elle était une Miss-Je-Sais-Tout une fois par jour. Il faisait attention à elle d'une manière que personne n'avait fait jusqu'à alors. Il l'observait si bien qu'il la connaissait par cœur. Il lui offrait des cadeaux, mais plus que ça, il lui donnait des petites attentions qu'elle chérissait bien plus qu'elle n'aimerait l'avouer.
Il la rendait folle, mais plus le temps passait, plus Hermione se demandait si ce n'était pas pour ça qu'elle allait à la Bibliothèque tous les soirs.
Tomber amoureuse de Drago s'était fait brutalement. C'était comme si elle s'était jetée d'une falaise et qu'elle attendait la chute. Il n'avait rien de confortable ou de familier, il était dangereux, interdit, et c'était précisément ça qui faisait vibrer les veines d'Hermione dès qu'elle était près de lui. C'était comme une addiction : elle connaissait tous les risques en se rapprochant de lui, elle culpabilisait jusqu'à s'en rendre malade, mais elle ne pouvait pas s'arrêter. Elle revenait à chaque fois.
La confession de Drago résonnait encore plus que d'habitude, le lendemain matin. Elle ne faisait pas attention aux conversations autour d'elle, à la table du petit-déjeuner. La voix flottante de Luna qui racontait à Ginny comment elle avait attrapé des créatures aux noms imprononçables la veille n'arrivait pas à percer ses pensées.
"Granger, je suis amoureux de toi."
La première fois qu'elle avait entendu cette phrase, son cœur s'était arrêté de choc. Elle n'avait pas imaginé une seule seconde qu'il puisse ressentir ça pour elle, encore moins lui dire de la sorte, aussi franchement. Mais maintenant qu'elle le savait, elle se demandait comment elle n'avait pas pu le remarquer plus tôt.
Il était jaloux de Viktor depuis le Bal, mais pas comme Ron : sa jalousie était pleine de colère, de haine, d'appropriation.
Il avait fait des centaines de kilomètres pour la retrouver dans Londres, au milieu d'un monde moldu dont il ne connaissait rien, juste pour vérifier qu'elle allait bien.
Il avait tourné le dos aux valeurs de sa famille pour passer du temps avec elle, et avait changé ses opinions si tranchées sur elle et ses préjugés.
Il était amoureux d'elle. C'était évident. Et c'était à la fois une pensée plaisante, mais aussi une terrible menace. S'il était amoureux d'elle, et qu'elle était amoureuse de lui, ça mettait en péril toutes ses convictions. Ils étaient séparés par une ligne invisible que traçait la guerre, chacun dans le camp opposé à l'autre. Lumière et obscurité. Famille ou coeur.
"Mione, tu peux me passer le jus de citrouille s'il te plaît ?"
Hermione tendit la carafe à Ginny d'un geste si morne qu'elle reçut un regard alerté.
"Mione ? Tout va bien ?"
"Oui, oui…" répondit-elle évasivement.
Elle se reconcentra sur ses alentours et vit que plusieurs personnes la fixait du même air perplexe que Ginny. Hermione s'éclaircit la gorge et secoua la tête dans l'espoir d'éloigner ses propres pensées.
"Ça va, juste un peu fatiguée. J'ai étudié tard hier soir."
Tout le monde hocha la tête. C'était un mensonge facile. Ils semblaient sortir plus facilement qu'avant, désormais. Depuis qu'elle partageait une table avec Drago Malefoy à la Bibliothèque, elle avait appris à mentir sans rougir.
Hermione jeta un coup d'œil vers la table des Serpentards et sentit l'habituel tressaut d'estomac en le voyant. Il était à peine réveillé, les cheveux tout décoiffés et les paupières plus lourdes que d'habitude. Il avait l'air de très mauvaise humeur et grommelait quelque chose entre ses dents, visiblement à l'adresse de Théodore qui répondit avec ferveur, mais le brouhaha de la Grande Salle l'empêchait d'entendre leur dialogue. Il l'avait manifestement réveillé un peu trop tôt pour un samedi. Drago lui fit un geste vulgaire et Zabini interrompit leur querelle calmement. Étonnamment, ça marcha : aucun des deux ne répliqua et Théodore se remit à lire son livre tandis que Drago but une gorgée de son café noir.
Ses yeux se posèrent alors une seconde sur elle et ils échangèrent un regard, et Hermione aurait pu jurer qu'elle était capable de compter les nuances de bleus et de gris dans ses pupilles malgré la distance qui les séparait. Ce fut lui qui tourna la tête le premier, et Hermione fit de même. Tout le monde était reparti dans des conversations avec leurs voisins, sauf Fred, qui la regardait toujours avec inquiétude. Elle lui sourit, et continua de manger son porridge, la tête en vrac.
C'était sûrement ça, la différence entre les deux amours qu'elle avait. Avec Drago, elle avait sans cesse la tête en vrac.
Et bizarrement, elle adorait ça.
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Le seul moment de sa journée où Hermione réussit à penser à autre chose que sa propre réalisation de la veille fut sa séance de révisions avec Neville. Ils travaillaient à la Bibliothèque, comme tous les samedis, et Hermione essayait de ne pas regarder dans la direction de la table ronde trop souvent quand Neville reposa sa plume :
"J'ai fini." déclara-t-il avec fierté.
Hermione haussa les sourcils d'étonnement : c'était la première fois qu'il finissait un devoir avant elle. Elle ne lui fit pas remarquer, cependant, et lui offrit de le relire. Mis à part quelques dates et des noms d'ogres erronés, Neville avait plutôt réussi son essai d'Histoire de la Magie. Elle le félicita et son visage joufflu rougit de plaisir.
"Qu'est-ce que tu veux faire, maintenant ?" demanda Hermione en rangeant ses affaires d'Histoire de la Magie, prévoyant déjà de finir son essai avec Drago le soir-même.
"Et bien, il ne me reste plus qu'à lire le chapitre douze de "Théories des stratégies de défense magique" en Défense Contre les Forces du Mal…"
Hermione roula des yeux pour montrer son désaccord.
"... Et mon journal de rêves de Divination, mais je suppose que tu ne peux pas vraiment m'aider là-dessus." termina Neville.
"Non, malheureusement, mon troisième oeil ne s'est pas ouvert ce matin." dit Hermione, ce qui fit rire Neville.
"Alors, j'ai tout fini." conclut-il en refermant ses cahiers d'exercices.
Elle le regarda ranger ses cahiers et eut soudain une idée.
"Et si on commençait l'herbier ?" proposa Hermione avec enthousiasme.
Aussitôt, les yeux de Neville s'illuminèrent.
"Tu l'as pris ?" demanda-t-il.
"Oui, il est dans mon sac…"
Elle le sortit et le posa au centre de la table. C'était un magnifique carnet vert mousse, incrusté de petites jades sur la couverture. Hermione n'y avait jamais prêté trop d'attention depuis qu'elle l'avait reçue en première année, et elle n'avait jamais trouvé le temps de le compléter. Mais en voyant Neville si comblé, elle se ravisa et sourit tendrement.
Il ouvrit le carnet précautionneusement.
"Je n'ai jamais eu d'herbier." dit Neville avec une pointe d'amertume dans sa voix. "Ma grand-mère m'achète toujours des livres pour mon anniversaire. Je crois que les herbiers sorciers reconnaissent la feuille et donnent ses propriétés quand on la colle sur une page, mais je crois que je préfère quand même celui-là… C'est du papier moldu ?"
"Oui, et tu vois le film protecteur par-dessus ?" demanda Hermione en lui montrant la feuille transparente sur la première page. "C'est pour glisser la plante à l'intérieur. On pourrait trouver des noms de fleurs sorcières et les écrire, puis aller les chercher dans la vallée, qu'en penses-tu ?"
Hermione ne se souvenait pas avoir vu Neville si investi dans un projet. Il s'empressa de se lever pour aller chercher trois volumes de Botanique et trouver des noms de plantes à noter. Très vite, ils se retrouvèrent à lire des pages entières de manuels et proposer à tour de rôle des noms de fleurs et de plantes qu'ils voyaient :
"Des fleurs d'Aconit ?" proposa Hermione, qui feuilletait "Les plantes de tous les jours."
"Oui, je crois qu'il y en a aux bords de la Forêt, mais il faudra faire attention à ne prendre que les fleurs, les feuilles sont toxiques." dit Neville, dont le visage était caché par l'immense ouvrage de "L'abécédaire des plantes, fleurs, feuilles et végétations du monde magique."
Il tourna quelques pages, les traits de son visage plissés par la concentration.
"Une jonquille klaxonnante ?" proposa-t-il après plusieurs minutes de lecture.
"Oh oui, bonne idée, et je crois que Chourave en a quelques-unes dans la première serre !" dit Hermione avec entrain. "Il faudra bien les couper pour ne pas que mon herbier se mette à klaxonner, par contre."
Neville hocha la tête avec un petit rire. Hermione chercha la page sur les joncquilles klaxonnantes dans son manuel pour voir si elles continuaient de faire du bruit quand elles était coupées, mais une image à côté de la définition retint soudain son attention. C'était un magnifique bouquet de fleurs aux pétales blancs, avec des coeurs jaunes en leurs centres. Hermione regarda l'image et se fit la réflexion que c'était des fleurs magnifiques. Elle lut la légende qui accompagnait la photo :
"La narcisse, déviée de la jonquille, est la fleur qui symbolise la fin de l'hiver et le début du printemps. Elle est composée de six pétales, allant du blanc au jaune, et d'une couronne centrale."
En lisant ça, Hermione eut un souvenir précis. "Ta maman est la seule de ta famille qui n'a pas été nommée d'après une constellation, ou une étoile, ou une comète. C'est la seule de la famille Black a être nommée d'après une fleur, la Narcissus." Elle se mordit la lèvre en repensant à ce moment, qui semblait remonter à des décennies. La première fois qu'elle avait parlé à Drago sans se disputer. La première fois qu'ils avaient eu une conversation, à la table ronde située à quelques mètres d'elle et dissimulée par les étagères.
Tout lui faisait penser à lui. Même quand elle ne le voulait pas, quelque chose lui rappelait Drago. Elle retourna à l'image des fleurs : sans savoir pourquoi, elle trouvait qu'elles étaient particulièrement magnifiques, et qu'elles représentaient bien la prestance de la mère de Drago.
"Et… Que penses-tu des narcisses ?" demanda Hermione avec hésitation.
Neville ne leva pas la tête de son manuel et répondit distraitement :
"Pas mal. Ça pourrait être joli dans l'herbier, mais elles ne poussent qu'après l'hiver. Peut-être qu'on peut en planter quelques-unes et attendre qu'elles fleurissent vers Mars ?"
"Oui, bonne idée." dit Hermione.
Puis, elle tourna la page et essaya de penser à autre chose que Drago Malefoy en se concentrant sur les fleurs du livre.
Au bout de deux heures, Neville et Hermione avaient enfin terminé de préparer l'herbier. Ils l'avaient séparé en trois : fleurs médicinales, fleurs décoratives, et plantes utiles. Hermione avait inscrit des noms de fleurs sur chaque page, et une fois cela fait, ils se dirigèrent tous les deux vers les serres de Botanique pour commencer à récolter.
Il ne faisait pas très froid, alors Hermione sortit simplement en pull et en jean. Mis à part la petite brise habituelle de Septembre qui soulevait ses cheveux par moments, les rayons du soleil timide d'automne réussissaient à la réchauffer suffisamment. Neville et Hermione marchèrent le long du chemin vers les serres en parlant de leur herbier avec excitation.
Le long de la serre numéro trois, Neville avait repéré des capucines, et ils se mirent à les chercher en essayant de ne pas marcher sur des plantations. Neville finit par les retrouver, et il en coupa une, avec tant de tendresse qu'Hermione fut touchée par ses gestes si méticuleux. Il posa la fleur dans le creux de sa main et la montra à Hermione. Elle était rouge vif, avec des toutes petites tâches noires vers le centre.
"Je suis étonné qu'elles aient réussi à tenir jusque-là." dit Neville en observant la fleur. "D'habitude, les capucines fânent vite quand elles n'ont pas de soleil plus de la moitié de la journée. Je suppose que Professeure Chourave les a plantées ici pour qu'elles puissent bénéficier le plus du soleil, mais il faut aussi leur dose d'humidité, c'est pour ça qu'elles poussent souvent dans les vallées humides…"
Hermione écouta son exposé avec attention. Elle trouvait que la Botanique était une matière très intéressante, mais elle l'était encore plus quand c'était Neville qui en parlait. Elle pouvait l'écouter parler de fleurs pendant des heures.
Il découpa ensuite précautionneusement la tige et glissa la fleur entre les deux pages correspondantes dans l'herbier. Puis, ils se mirent à la recherche d'achillée, une fleur blanche vivace que Neville avait déjà aperçu aux alentours de la serre numéro deux. Ils étaient tous les deux accroupis dans l'herbe en train de chercher les fleurs en question quand Professeure Chourave sortit de sa serre en trombe, une tige immense dans la main droite :
"Hé ! Hé, je vous vois, arrêtez immédiatement de… Oh." Elle s'arrêta en voyant Hermione et Neville, un peu plus loin. "Excusez-moi, je pensais que c'était ces maudits jumeaux Weasley, ils traînent toujours dans les parages pour trouver des feuilles d'achillée pour en faire de la poudre à éternuer…"
La professeure de Botanique laissa tomber la tige le long de son corps. Elle était vêtue d'un tablier gris, et ses cheveux bouclés étaient enfermés sous une sorte de chapeau. Elle jaugea les deux élèves en face d'elle :
"Qu'est-ce que vous faites ici ?"
"Nous sommes justement venus chercher de l'achillée aussi, Professeure." répondit Neville sans hésiter.
Hermione ne dit rien, un peu effrayée par la réaction de la professeure Chourave. Elle ne savait pas si c'était autorisé de récolter des plantes de la sorte. Neville, lui, n'avait pas l'air de s'inquiéter. Chourave devait beaucoup l'apprécier, parce qu'elle sourit en l'entendant :
"Ah oui ? C'est pour faire un philtre d'Embrouille ?"
"Non, pas du tout, c'est pour un usage personnel."
Chourave fronça les sourcils sans perdre son sourire.
"Qu'est-ce que vous me chantez, Londubat ?"
Il se remit debout et lui apporta l'herbier qu'il tenait dans ses mains comme s'il s'agissait d'une pierre précieuse extrêmement fragile.
"Hermione a reçu cet herbier pour son anniversaire, et nous avons noté toutes sortes de noms de plantes pour le compléter avec les fleurs de la vallée…" expliqua-t-il en lui tendant.
Chourave fit tomber sa tige par terre et ouvrit l'herbier, qu'elle feuilleta avec la même délicatesse que Neville. Plus elle avançait, plus ses sourcils montaient sur son front. Quand ils furent complètement cachés par sa frange qui dépassait de son chapeau, elle laissa échapper un sifflement d'admiration :
"Et bien ma foi, c'est l'un des plus beaux herbiers que j'ai pu voir dans ma vie !" croissa Chourave. "C'est moldu, Miss Granger ?"
"Hum, oui, c'est ma famille qui me l'a offert." répondit-elle timidement.
"Et vous avez déjà récolté la capucine, à ce que je vois ?" continua Chourave, qui consultait les pages de l'herbier. "Très bien, très bien… Une excellente initiative, vous deux ! Dix points pour Gryffondor. Chacun !"
Neville se tourna subtilement vers Hermione, tout sourire.
"Je vois que vous avez noté l'Alihotsy, une très bonne plante aux feuilles intéressantes…" lut Chourave avec attention. "Elle va être compliquée à trouver par contre, mais j'en ai quelques-unes ici… Pareil pour les fleurs parapluie, elles ne poussent pas dans la vallée, mais j'en ai au plafond de la serre numéro deux… Venez, on va le faire ensemble."
Hermione et Neville entrèrent dans la serre, ravis, surtout Neville dont le visage rayonnait de bonheur à l'idée d'un cours particulier de Botanique. Ils remplirent donc une partie de l'herbier grâce au Professeure Chourave, qui non seulement leur donnèrent les fleurs qu'ils ne pouvaient pas trouver dans la nature, mais qui en plus leur donnait des explications sur chaque plante.
Ils ressortirent de la serre avec un herbier à moitié rempli, des nouvelles connaissances plein la tête et vingt points pour Gryffondor. Ils décidèrent de continuer leur récolte le samedi suivant et retournèrent dans la Salle Commune en discutant gaiement des découvertes botaniques qu'ils avaient faites pendant la journée.
"Si seulement les autres cours pouvaient être aussi intéressants." se lamenta Neville en montant les escaliers jusqu'au septième étage.
"Je sais que tu n'aimes pas les Potions, mais tu ne penses pas que les autres matières sont intéressantes ?" demanda Hermione.
Neville haussa mollement les épaules.
"Disons que la Métamorphose et les Sortilèges sont tellement compliqués qu'il est difficile d'y trouver de l'intérêt." dit-il en listant les matières une par une. "L'Histoire de la Magie et l'Astronomie sont franchement nulles, je n'y comprends absolument rien et j'y passe mon temps à lutter contre le sommeil. Potions, je ne t'en parle même pas… La Divination n'est pas vraiment une matière… Défense Contre les Forces du Mal était pas mal quand Lupin était professeur, il arrivait même à rendre ça passionnant. C'est lui qui m'a appris à jeter le plus de sorts depuis que je suis à Poudlard. Maintenant que cette Ombrage l'a remplacé, autant te dire que la matière a vite perdu son charme…"
Hermione acquiesça vivement pour marquer son approbation.
"À la rigueur, il y a Soins aux Créatures Magiques que j'aime beaucoup, mais depuis qu'Hagrid n'est plus là, ce n'est pas pareil…" dit Neville d'une voix triste.
En entendant son nom, Hermione sentit un coup au cœur et l'angoisse typique qui semblait lui emprisonner le cou. Ils n'avaient toujours pas eu de nouvelles de leur garde-chasse, et son absence faisait grandir les inquiétudes d'Hermione jour après jour.
Neville prononça le mot de passe (Mimbulus mimbletonia, le premier qu'il arrivait à se souvenir), et le tableau pivota pour les laisser entrer dans la salle chaleureuse. Ron et Harry avaient un entraînement de Quidditch, et Ginny était partie les regarder depuis les gradins. La Salle était presque vide.
"Neville…" dit Hermione lentement. "J'ai pensé à une manière de rendre les cours de Défense Contre les Forces du Mal un peu plus attrayants."
Le garçon se tourna vers elle, étonné.
"Si tu veux parler de votre manière de répondre à Ombrage, avec Harry, je ne pense pas que ça soit une bonne idée, les retenues…"
"Non, je ne parlais pas de ça." coupa Hermione. "Justement, ça serait un moyen d'obéir à Ombrage tout en s'entraînant quand même à la défense."
"Je t'écoute ?"
"Et bien, j'ai pensé qu'Harry pourrait nous donner des cours en secret." expliqua Hermione. "Après tout, c'est celui qui s'y connaît le plus en Défense Contre les Forces du Mal ici, et je pense que ça pourrait être mieux d'apprendre autre chose que la théorie, de notre côté..."
Elle s'était attendue à ce que Neville éclate de rire, mais il resta parfaitement stoïque, considérant la proposition d'Hermione avec sérieux.
"Je pense que c'est une excellente idée." déclara-t-il après plusieurs secondes de réflexion. "Je suis sûr qu'Harry serait un excellent professeur, peut-être même autant que Lupin. Dis à Harry que je suis intéressé, ça ne me ferait pas de mal un peu de révisions… On se voit au dîner !"
Et il partit vers le couloir des garçons. Hermione sourit : elle était sûre qu'elle pouvait compter sur lui.
Elle se rendit compte qu'elle n'avait pas grand chose à faire à part tricoter, donc elle le fit devant le feu de la cheminée. Évidemment, à l'instant où elle agita ses aiguilles pour coudre une nouvelle paire de chaussettes pour les elfes (elle n'arrivait toujours pas à le faire avec sa baguette), son cerveau dériva vers la personne qui occupait tout son esprit ces derniers temps.
Elle passa le reste de l'après-midi à cogiter. Apparemment ça l'aidait à se concentrer, parce qu'elle cousut deux paires de chaussettes pour les elfes, et une paire de gants un peu difformes pour Danny. Elle était en train de commencer un sous-tasse en tricot, les pensées toujours tournées vers un certain blond, quand Ron et Harry arrivèrent par le tableau de la Grosse Dame, suivis par Ginny.
"Alors, cet entraînement ?" demanda Hermione en continuant de tricoter.
"Il n'a pas plu, heureusement." dit Harry en essuyant ses lunettes avec sa robe de Quidditch bordeaux. "Et j'ai attrapé le Vif d'Or en vingt trois minutes."
"Bravo Harry !" dit-elle d'un ton enjoué.
"Et moi j'ai réussi à ne pas me faire humilier en faisant tomber le Souaffle." dit Ron avec un soupir.
Il tomba sans grâce dans le canapé, faisant rebondir Hermione sur le coussin.
"C'était parfait, Ron." corrigea Ginny en s'asseyant dans le fauteuil à côté d'eux. "Il faut juste te redresser un peu plus sur ton balai et ne pas oublier le cerceau en haut à gauche, tu as tendance à te mettre trop sur la droite et tu laisses une ouverture pour l'adversaire."
Ron arqua un sourcil en écoutant l'analyse sportive de sa sœur. Harry remit les lunettes sur son nez et s'assit dans le fauteuil juste à côté de Ginny, mais cette dernière n'afficha pas l'air choqué qu'elle avait toujours pris quand il était à moins d'un mètre d'elle. Elle agit comme s'il n'était pas là et regarda les chaussettes qu'Hermione avait tricotées avec surprise :
"Tu as fait tout ça en une après-midi ?"
"Oui, je n'avais pas grand chose à faire…" commença Hermione.
"La chance." grogna Ron avec mauvaise humeur. "Nous, on croule tellement sous les devoirs qu'on pourrait se noyer dans les bouquins. Et il faut encore qu'on fasse ce stupide journal de rêves…"
Harry répondit par un vague mouvement de la main, visiblement déjà exténué à l'idée de devoir écrire ce journal.
"Tu vas continuer à tricoter après le dîner, Hermione ?" demanda Ron, probablement dans l'espoir qu'elle leur propose de corriger leurs travaux.
"Non, je vais aller à la Bibliothèque pour terminer mon essai d'Histoire de la Magie." dit-elle avec une certaine froideur.
"Oh Merlin, j'avais oublié cet essai…" maugréa Ron d'une voix plaintive.
"Ce n'est pas faute de t'avoir prévenu, petit frère." intervint George, qui venait de revenir de l'entraînement, lui aussi.
"On t'avait pourtant dit que la cinquième année était synonyme de surmenage, de devoirs en retard, de révisions nocturnes…" continua Fred.
Ron grogna et Harry se ratatina dans son fauteuil en entendant de telles prédictions.
"Notre offre de 5 Gallions sur les Boîtes à Flemme tient toujours, vous savez…" dit Fred d'un ton mystérieux.
Ron se redressa contre le dossier du canapé :
"Vraiment ?"
"Ron, tu es préfet." gronda Hermione. "Et vous, vous êtes culottés de venir vendre des farces et attrapes juste devant moi !"
"Une simple proposition, rien de plus…" dit George, plein de fausse innocence.
"On va manger ?" proposa Harry en se levant.
Tout le monde le suivit. L'entraînement avait dû être fatiguant, parce qu'aucun des joueurs ne parla pendant le chemin vers le dîner. Ils s'installèrent à leurs places habituelles et mangèrent avec appétit. La tête de Ron vacillait de fatigue pendant qu'il engloutissait le plus de pommes de terre possibles.
Pendant tout le repas, Hermione essaya de ne pas tourner la tête, mais elle se rendit compte qu'elle en était incapable. Elle ne cessait de regarder discrètement Drago, et elle était persuadée qu'il faisait pareil quand elle ne regardait pas. Comme si elle pouvait sentir son regard lui brûler le cou de là où il était assis.
À la fin du repas, Harry somnolait à moitié sur le banc. George lui donna une tape amicale dans le dos qui le projeta par inadvertance sur la table :
"Allez mon vieux, on va se coucher !"
Ils se levèrent tous en même temps et se dirigèrent vers la porte, au même moment où Drago et Parkinson sortaient aussi. Fred lança un regard à Hermione par-dessus son épaule :
"Tu viens aussi, Mione ?"
"Non, je vais à la Bibliothèque pour finir mon essai…" dit-elle doucement, en prenant une autre direction.
"Merlin, Mione, je ne cesserai de saluer ton implication dans cette école." dit George en entendant sa réponse. "C'est honorable de passer autant de temps devant un cahier."
Elle sourit penaudement et Fred lança en s'éloignant :
"Tu ne nous oublieras pas quand tu seras Ministre de la Magie, hein ?"
Hermione eut un petit rire. Ron s'arrêta à son niveau pendant qu'Harry lui souhaitait une bonne nuit d'un geste de la main, l'autre devant sa bouche pour étouffer un bâillement.
"Tu es sûre que tu ne veux pas réviser dans la Salle Commune ?" demanda Ron.
"Non, je préfère aller à la Bibliothèque, mais je peux t'aider dans tes devoirs demain si tu veux." proposa-t-elle gentiment.
Ron fronça le nez, ce qui fit plisser ses tâches de rousseur éparpillées sur son nez :
"Je ne disais pas ça pour que tu fasses mes devoirs, Mione. Je disais ça pour passer la soirée avec toi. Mais si tu veux aller à la Bibliothèque, je ne te retiens pas."
Il lui sourit et Hermione ne put que l'imiter, touchée par ces mots.
"Merci, Ron. À demain !"
Et Ron s'éloigna en courant pour rejoindre ses deux frères. Hermione eut le pressentiment qu'il était en train de se renseigner sur les fameuses Boîtes à Flemme.
Elle tourna sur ses talons pour se diriger vers la Bibliothèque. Parkinson et Drago étaient toujours devant l'entrée de la Grande Salle. Parkinson avait ses bras croisés sur sa poitrine, et scrutait Drago avec une étincelle de fureur dans ses prunelles noires.
"Je te l'ai déjà dit Pans', je ne peux pas ce soir…" Drago marmonna, si bas qu'Hermione faillit ne pas l'entendre.
"C'est la troisième fois que tu me sors ça, Drago." répondit Parkinson sèchement. "La troisième soirée que tu annules ! C'est quoi ton excuse, cette fois ?"
"Je dois faire mon essai d'Histoire de la Magie…"
Pansy s'esclaffa méchamment.
"En Histoire de la Magie, sérieusement ? Tu te fous vraiment de ma gueule, Drago."
"Je ne me fous pas de ta gueule !" répliqua-t-il d'une voix impatiente.
"Tu t'en as rien à foutre de l'Histoire de la Magie, depuis toujours !" renchérit Parkinson d'une voix aiguë. "Depuis quand est-ce que tu te passionnes pour ce genre de conner…"
Elle s'arrêta subitement en voyant Hermione les contourner, et lui lança un regard noir de haine. Hermione frissonna et accéléra le pas, mais elle put tout de même entendre la réponse de Drago à cause de son ton qui avait monté :
"J'en ai rien à foutre, mais je suis obligé de passer ! Y a les BUSES à la fin de l'année ! Et tu devrais faire pareil Pans', parce que t'es dans la merde si tu continues à rien foutre !"
"Arrête de parler comme Théo !" piailla-t-elle.
Hermione s'éloigna et l'écho de leurs voix se mêlèrent aux bruits des escaliers qui bougeaient. Elle atteignit la Bibliothèque après un petit détour et s'installa à la table ronde.
Elle attendait ce moment depuis le matin-même. Pas pour réviser, cette fois, mais pour passer du temps avec Drago.
Ce dernier arriva quelques minutes après elle, un peu agité. Dès qu'il la vit, il l'avertit d'une voix forte :
"Je ne veux pas parler de Pansy, alors pas de questions là-dessus."
Hermione n'en fit rien, malgré sa langue qui brûlait d'avidité. Drago s'assit et se passa une main dans les cheveux, puis sortit son manuel d'Histoire de la Magie qu'il posa avec force sur la table. Pendant qu'il fouillait dans son sac pour trouver sa plume, Hermione jeta un sortilège de Bulle de Silence discrètement autour d'eux.
"Tu avais une fête de prévu, ce soir ?" demanda-t-elle d'un ton léger.
Drago releva la tête de son sac pour la foudroyer du regard.
"Granger, je t'ai spécifiquement dit que je ne voulais pas en parler…"
"Je ne parlais pas de Parkinson, je parlais de la fête !" se défendit Hermione avec ardeur.
"Si tu parles de fêtes, tu parles de Pansy !" répliqua Drago avec colère. "C'est elle qui les organise !"
"Comment voulais-tu que je le sache ?!" demanda Hermione en imitant son ton.
Il leva les yeux au ciel et Hermione se demanda si c'était vraiment de ce garçon dont elle était amoureuse. Il pouvait être tellement exaspérant quand il le souhaitait…
Drago posa sa plume et se massa les tempes en fermant les yeux, comme pour faire baisser sa colère. Quand il reparla, sa voix était beaucoup plus posée :
"Il y a des fêtes tous les soirs." expliqua-t-il. "Pansy est énervée quand je ne viens pas à l'une d'entre elles alors qu'il y en a en permanence, mais elle ne veut rien savoir."
Hermione se garda bien de faire un commentaire sur les fêtes, bien qu'elle ne put retenir une inspiration brusque. Tous les soirs ? Même la semaine ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien se passer, là-bas ?
"Est-ce que tu penses qu'elle se doute d'où tu vas, le soir ?" tenta-t-elle.
Drago se pinça l'arête du nez et soupira :
"Je n'en sais rien." admit-il franchement.
Hermione plissa les lèvres sans rien dire. Elle savait que Parkinson était au courant des escapades à la Bibliothèque avec Drago, elle lui avait dit lorsqu'elles avaient dû partager une table en Potions. Parkinson lui avait dit qu'elle ne le dirait à personne, mais Hermione avait du mal à faire confiance à cette fille. Elle était perfide, et Hermione était sûre qu'elle n'hésiterait pas à balancer son secret le plus cher juste pour la faire souffrir. Mais il fallait croire qu'elle était vraiment amie avec Drago, parce qu'elle n'avait rien dit jusqu'alors. Même pas à lui, apparemment.
Hermione inversa les rôles mentalement. Si elle apprenait qu'Harry voyait une fille de Serpentard en secret, comme Daphné Greengrass, est-ce qu'elle le balançerait à tout le monde ?
Non, jamais.
"Tu as d'autres questions curieuses pour moi, ou c'est fini pour ce soir ?" demanda Drago de sa voix traînante.
Hermione en avait une. Elle en avait même plusieurs, en fait, qu'elle avait listé dans sa tête toute l'après-midi. Mais elle secoua la tête et se mit au travail, craignant sa réaction si elle osait lui parler de ce sujet sensible.
Ils travaillèrent en silence. Hermione se fit un thé à la cannelle et lui tendit à plusieurs reprises pour qu'il puisse en boire aussi, et bien qu'il n'en montra rien, Hermione était persuadée que ça lui remontait le moral. Il travailla sa Métamorphose et son essai d'Histoire de la Magie, puis s'entraîna encore aux sortilèges de Disparition avec les conseils avisés d'Hermione.
À la fin, une demi-heure avant que la Bibliothèque ne ferme, il avait l'air d'avoir retrouvé sa bonne humeur.
"Théo va être fou quand il va voir que j'ai terminé mon essai avant lui." chantonna-t-il avec un sourire mesquin. "Il n'a pas eu le temps de le faire et il doit en faire trois demain, il est complètement angoissé à l'idée de ne pas les rendre à temps."
"Trois ?" demanda Hermione sans comprendre.
"Le sien, celui de Crabbe, et celui de Goyle."
"Quoi ?! Parce qu'il continue de faire leurs devoirs ?" s'écria-t-il, stupéfaite.
"Ouais, depuis toujours." dit Drago en haussant les épaules. "Je crois qu'il gagne pas mal de sous avec, et il ne s'est jamais fait remarquer par un professeur, alors…"
"Mais c'est une charge de travail énorme !" objecta Hermione. "Il doit être complètement épuisé."
Drago réfléchit une seconde, avant d'hausser de nouveau les épaules :
"Non, pas vraiment. Il passe juste son temps à travailler… Un peu comme toi."
Hermione ressentit, encore une fois, un élan d'admiration pour ce garçon. Elle n'avait jamais rencontré de personne aussi studieuse qu'elle, mais elle devait admettre que Théodore était un très bon adversaire.
"Il va aux fêtes des Serpentards, lui aussi ?" demanda-t-elle.
"Tu es bien trop curieuse, Granger." dit Drago, un de ses mantras préférés. Il répondit tout de même à sa question : "Non, il n'aime pas les fêtes."
"Et pourquoi Parkinson ne le pousse pas à y aller, comme elle l'a fait pour toi tout à l'heure ?"
La question fit soupirer Drago, mais il prit tout de même le temps de formuler une réponse dans sa tête avant de lui répondre paresseusement :
"Parce que j'avais l'habitude d'adorer ça, fut un temps."
Hermione resta perplexe. Elle n'imaginait pas Drago profiter d'une fête, ça ne lui ressemblait pas trop.
"Est-ce que tu as fini avec tes questions, Granger ?" demanda-t-il une seconde fois en prétexant être agacé, alors qu'Hermione savait qu'il aimait secrètement quand elle lui posait des questions.
Elle se mordit la lèvre avec hésitation et Drago fit glisser son regard vers sa bouche inconsciemment.
"En fait, oui, j'ai une autre question." dit-elle, d'un ton qu'elle espérait être déterminé.
"Quoi donc ?"
"Tu me promets de ne pas t'énerver ?" demanda-t-elle anxieusement.
En entendant ça, Drago se redressa contre sa chaise et son regard s'assombrit.
"Ça dépend." dit-il, avec une certaine appréhension dans sa voix. "C'est une question sur quoi ?"
Hermione laissa passer un silence. Elle mourrait d'envie de lui poser cette question depuis des lustres, mais n'avait jamais trouvé le courage de le faire, et après avoir réalisé qu'elle était amoureuse de lui la veille, la question n'avait jamais été aussi pressante. Pourtant, elle savait qu'à l'instant où elle lui en parlerait, il se fermerait et refuserait de lui répondre.
Elle profita donc de sa vision de lui avant qu'il ne fuie : ses cheveux blonds cendrés, ses yeux d'un gris voluptueux, posés sur elle avec une attente palpable, ses muscles bandés sous sa chemise blanche…
"Granger ?"
Elle se reconcentra et sentit les battements angoissés de son cœur pulser contre la peau sous ses oreilles.
"Ça concerne ta confession au parc d'Hamptead." répondit-elle doucement.
Comme elle l'avait prédit, le visage de Drago se ferma complètement. Ses yeux se fendirent et il la regarda à travers ses cils.
"Je t'ai dit que je ne voulais pas en parler." dit-il d'une voix ferme.
"Et moi, je t'ai dit que j'avais besoin d'avoir des réponses." contesta-t-elle aussitôt.
"Ce n'était pas censé changer ta perception de moi." siffla-t-il, presque accusateur.
"Alors, pourquoi tu me l'as dit ?"
Drago ferma la bouche, pris de court. Il desserra la mâchoire et l'observa avec surprise. Puis, il capitula :
"D'accord, tu peux me poser une question…"
"J'en ai plusieurs, en fait…" dit-elle, mais il leva la main pour l'interrompre :
"Non, qu'une seule. Et j'ai le droit à quelque chose en retour."
Hermione leva les yeux au ciel dès qu'elle entendit ce chantage :
"On avait dit qu'on avait des questions illimitées !" pointa-t-elle de sa voix fluette qui avait le don pour sortir à des moments inappropriés.
"Et moi je t'ai dit que tu n'avais pas le droit là-dessus." répliqua-t-il du tac au tac. "C'était censé être une confession spontanée, et qu'on en reparle plus jamais ensuite !"
"Alors, il ne fallait pas le dire à la fille "la plus curieuse d'Angleterre" !"
Elle s'attendait à ce qu'il s'énerve, mais à sa grande surprise, il sourit.
"Tu ne crois pas si bien dire, Granger." dit-il, amusé. "En tout cas, c'est mon deal. Une question là-dessus égale à quelque chose en retour."
"Toujours des deals…" maugréa Hermione.
"Bienvenue chez les Serpentards, Granger." répliqua Drago, plein de sarcasme.
Elle contempla son sourire en coin et réalisa que c'était devenu l'une de ses expressions faciales préférées, malgré le fait que ce sourire l'avait tant énervé par le passé.
"La Bibliothèque va fermer." annonça-t-il en lui montrant les fenêtres assombries par l'obscurité. "Tu veux aller sur le banc ?"
Hermione pesa le pour et le contre en exactement une seconde : contre, elle dépassait le couvre-feu et brisait plusieurs règlements de l'école alors qu'elle était préfète, et qu'elle avait grondé Ron pour avoir fait exactement la même chose quelques heures plus tôt.
Pour, elle pouvait continuer à passer du temps avec Drago.
"D'accord." dit-elle en prenant ses affaires.
Ils sortirent côte à côte de la Bibliothèque vide et ne parlèrent pas pendant toute la marche jusqu'au banc de dehors. Le temps s'était largement rafraîchi depuis sa séance de Botanique improvisée avec Neville, un vent frais lui rafraîchissait maintenant les joues.
Ils s'insllèrent sur le banc et Hermione contempla le ciel noir. Comme à chaque fois qu'elle voyait la pleine lune, Hermione pensa à Lupin.
"Alors ?" demanda-t-elle finalement. "Qu'est-ce que tu veux, en échange ?"
Le sourire malicieux de Drago revint, faisant creuser une petite fossette sur sa joue. Elle attendit sa proposition en l'observant. Le ciel noir rendait sa peau encore plus blanche que d'habitude, et Hermione appréciait le contraste : on aurait dit un ange.
"En échange d'une question sur ma confession d'Hampstead Park…" dit le garçon d'un ton mystérieux. "Je veux… Voir la photo de toi en fée."
Il contempla sa réaction avec un petit rire. Hermione ne s'était absolument pas attendu à une telle requête, elle avait complètement oublié qu'il avait réclamé la voir par lettres.
"Vraiment ? C'est tout ?"
"Oui, c'est tout." affirma Drago d'un air fier.
"Pas de deals Serpentardiens ? Pas de promesses cachées ? Pas de secrets ?" insista-t-elle, se méfiant de ce sourire un peu trop sincère.
"Non, juste la photo de toi en fée. Tu as bien pensé à la prendre, j'espère ?" demanda-t-il.
"Bien sûr." dit-elle. "Je l'ai même sur moi, en fait, je l'utilise comme marque-page pour le roman que je lis en ce moment…"
Elle sortit le livre de son sac et le posa sur ses cuisses en analysant Drago. Il était calme, bien plus calme qu'au début de la Bibliothèque. Il la regardait tranquillement, les rayons de la lune illuminant ses cheveux blonds de sa clarté laiteuse.
"Donc, quelle est ta question, Granger ?"
Hermione prit une grande inspiration et détourna le regard. Elle ne voulait pas être confrontée à ses yeux en lui demandant, comme si partager un regard était plus intime que la question qu'elle s'apprétait à poser.
"Bien, alors…" (Elle repoussa des mèches de cheveux derrière ses oreilles et Drago l'observa faire avec un petit sourire.) "Tu m'as dit que tu étais amoureux de moi."
Drago arqua un sourcil.
"C'est ça ta question ?" demanda-t-il sarcastiquement. "Oui, Granger, mais je ne pensais pas que tu avais besoin de deux mois pour le réaliser…"
"Non, c'était un fait, pas une question !" s'écria Hermione. "Tu me l'as dit, et même si j'ai mis du temps à le réaliser et à comprendre ce que ça impliquait…"
"Ce n'est toujours pas une question, Granger…" objecta Drago.
"... On est passés si vite d'ennemis, à amis, à… Toi qui est tombé amoureux de moi." dit-elle, en baissant la voix à mesure que sa phrase avançait. "Je voulais savoir… Depuis quand ?"
"Depuis quand ?" répéta-t-il sans comprendre.
"Depuis quand… Ressens-tu ça. Pour moi." termina-t-elle, rouge comme une pivoine.
Drago, lui, ne semblait pas gêné. En fait, il était toujours aussi apaisé, presque amusé de la situation. Leurs deux attitudes étaient relativement opposées et Hermione réalisa que ça aurait dû être le contraire, normalement.
"Depuis quand est-ce que je le ressens, ou depuis quand je l'ai réalisé ?" questionna-t-il.
"Les deux."
Drago posa sa tête sur le dossier du banc pour observer la pleine lune, pensif. Il avait l'air de ressasser dans des souvenirs, et Hermione aurait donné beaucoup pour les voir, elle aussi.
"Depuis toujours, je crois." finit-il par dire.
"Quoi ? Depuis toujours ?" s'étonna Hermione.
"Oui. Depuis que je t'ai vue la première fois, tu as toujours été… Différente des autres." expliqua Drago, les yeux fixés sur la lune. "Plus expressive, plus intrigante. Dès l'instant où j'ai appris à te connaître, j'ai su que tu étais captivante."
Hermione cessa de respirer, transfixée par les propos de Drago qui continuait de regarder la lune en répondant casuellement :
"Après, j'ai appris que tu étais une née-moldue, et tous mes préjugés de merde inculqués par mon père sont venus m'embrouiller et foutre le bordel dans ma tête. Pendant longtemps, j'ai pensé qu'il avait raison et que tu étais là pour me distraire, comme les sirènes. J'ai pensé que ta condition de fille de Moldus te rendait spéciale et… Envoûtante."
Il eut un petit rire qui secoua ses épaules.
"J'étais stupide. Si je m'étais concentré trois secondes sur les autres nés-moldus de Poudlard, j'aurais réalisé que tu étais la seule à me faire cet effet. Tu es différente, mais pas à cause de tes origines. Je ne sais pas vraiment pourquoi, d'ailleurs, mais en tout cas, je ne voyais que toi. J'étais omnubilé par toi. Je t'attendais dans les couloirs pour t'arracher trois mots de répartie et ressentir l'adrénaline que j'ai toujours quand je te parle."
Hermione ne bougeait pas, par peur que si elle le fasse, il s'arrête de parler. Il se confiait rarement sur ses sentiments, et maintenant qu'il était lancé, elle voulait à tout prix connaître la suite.
"Une fois qu'on a sympatisé, c'était plus difficile de faire semblant." poursuivit-il, plongé dans ses souvenirs. "Les préjugés de mon père se sont évaporés, parce que tu m'as montré qu'ils étaient faux. Tu ne trichais pas, tu étais vraiment intelligente. Et cultivée, et drôle, et le temps passait plus vite quand j'étais avec toi, et j'ai vite réalisé que je n'arrivais plus à m'éloigner de toi. Quand j'ai reçu la lettre de mon père, j'ai compris que ce que je faisais était mal et j'ai arrêté de te parler pour te protéger. Mais je suppose que je suis un égoïste, parce que je n'arriverai jamais à te résister, je crois."
Il détourna sa vue de la lune pour poser ses yeux gris bleus dans les siens, et continua d'une voix basse et grave :
"C'est à peu près à ce moment-là que j'ai réalisé que j'étais amoureux de toi. Ça m'a frappé quand tu es descendue des marches dans ta robe de Bal et que je n'étais pas ton cavalier. J'étais jaloux de Krum, mais j'étais surtout envieux qu'il ait le droit de danser avec toi devant tout le monde sans que personne n'objecte. Je ne pourrais jamais faire ça avec toi. À cause de ma famille, de ma lignée, de mon sang, et de tout ce que ça engendre. Je n'ai aucune chance contre Weasley, parce que je ne peux pas me battre pour toi."
Il insipra et se redressa soudainement, comme si parler de Ron l'avait piqué et qu'il ressentait la douleur dans sa nuque.
"En tout cas, pour répondre à ta question, c'était à ce moment-là. J'ai réalisé l'ampleur de mes sentiments pour toi quand te voir danser avec un autre garçon m'a énervé comme jamais rien ne m'a énervé jusque là. Peut-être que tu as raison, peut-être que ma jalousie est bel et bien maladive, mais je n'arrêterai jamais de l'être, parce qu'elle me montre à quel point je suis amoureux de toi."
Hermione relâcha une inspiration bloquée au niveau de sa gorge depuis qu'il avait commencé à parler. Elle n'aurait jamais pensé qu'il puisse se livrer autant avec une simple question. Et surtout, elle avait du mal à réaliser que le garçon sournois qui l'avait harcelée lors de ses premières années à Poudlard puisse avoir ressenti autre chose que de la haine à son égard. Elle avait pensé qu'il avait commencé à éprouver des sentiments pour elle qu'à partir de la quatrième année, quand ils avaient commencé à se parler en secret…
La dose d'informations était trop colossale. Elle avait à peine eu le temps de digérer qu'il conclut la conversation :
"La photo de la fée a intérêt à valoir le coup, parce que je viens de te dévoiler mes secrets les plus sombres."
Son ton léger contrastait autant avec sa confession que le ciel noir contre sa peau.
"Drago, je…"
"Non, non, Granger." interrompit-il en posant sa main contre la sienne pour la faire taire. "Je t'ai dit oui à une question, mais je ne veux pas que mes sentiments se transforment en débat. Je te l'ai déjà dit, je ne veux pas en parler. Maintenant, tu sais. On peut arrêter d'en parler une bonne fois pour toutes, maintenant ?"
"Pourquoi ?" demanda Hermione impulsivement. "Tu me dis un aveu pareil et je ne suis pas censée réagir ?"
"Je ne veux pas que tu te sentes obligée de répondre juste parce que je te confesse quelque chose de personnel." dit Drago, plus fermement qu'avant. "Je ne veux pas t'embrouiller. On ne pourra jamais être quoique ce soit, tous les deux, alors autant mettre ça derrière nous et profiter de l'amitié qu'on a construit autant qu'on le peut. Tu ne crois pas ?"
"Si, j'aime notre amitié, mais…"
"C'est tout ce que je te demande, Granger." siffla-t-il.
"Pourquoi es-tu si pessimiste ?" s'énerva Hermione.
"Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste." asséna Drago. "Mon père est un Mangemort qui n'hésiterait pas à te tuer une seule seconde s'il le pouvait. Je suis un Serpentard, et le pire ennemi de ton meilleur ami qui est censé nous sauver de la guerre en chevauchant une licorne qui crache des confettis. Tu es amoureuse d'un autre garçon à Gryffondor, qui vient d'une famille visiblement aimante et tolérante, soit l'exact opposé de la mienne. Je n'ai aucune chance face à ça. Je le sais, et tu le sais. Je ne suis pas pessimiste, c'est toi qui es trop optimiste. Moi, je prends ce que je peux jusqu'à ce qu'on ne puisse plus et que la guerre nous mette dans deux camps opposés."
Hermione eut une exclamation qui ressemblait presque à un sanglot.
"Tu crois vraiment que ça va se terminer comme ça ?" demanda-t-elle, bien qu'elle connaissait la réponse.
"Évidemment, Granger." répliqua Drago, sûr de lui. "La guerre a déjà commencé, et on ne joue pas dans le même camp."
Hermione était passée si vite de l'émerveillement au désarroi qu'elle sentait le changement bouillonner dans ses veines. Il fallait croire que les humeurs brusques de Drago étaient contagieuses.
"Mais arrêtons de parler de ça." dit-il, comme une finalité. "Montre-moi plutôt la photo."
Hermione renifla et décida de mettre de côté toute la discussion qu'ils venaient d'avoir dans un coin de sa tête. Elle préféra ne pas insister au risque qu'ils se disputent et gâchent sa bonne humeur. Et puis, penser à ce genre de choses alors qu'elle était à côté de lui semblait être un gâchis de temps.
Drago tendit sa paume de main vers elle.
Hermione ouvrit donc le livre et lui donna la photo. Elle était un peu abîmée sur les côtés, et il y avait une pliure au milieu à force d'être restée dans le cadre de ses parents. Mais on pouvait toujours voir le sourire d'Hermione qui ne s'était pas effacé sur le papier glacé.
Drago porta la photo à ses yeux pour l'observer à sa guise, et sourit en voyant sa robe verte pâle et sa baguette magique en forme d'étoile.
"Très joli costume." commenta Drago.
"Merci." dit-elle avec un petit rire. Elle pointa du doigt la robe qu'elle portait sur la photo : "Ma mère m'a cousu les étoiles sur la robe, et mon père a fabriqué les ailes dans mon dos. Elles sont en toile. Je les voulais en vertes pour aller avec ma robe, mais mon père n'avait plus que du rose, alors j'avais dit oui parce que ça allait avec ma baguette magique. Comme tu peux le voir, mes cheveux sont déjà dans un état catastrophique…"
Drago releva la tête en entendant ça, les sourcils froncés :
"Tes cheveux ne sont pas dans un état catastrophique."
"Tu demanderas à Parkinson si ce n'est pas le cas." dit-elle avec ironie et Drago leva les yeux au ciel. "Je portais le costume pour dormir parfois, ce qui fait que les ailes se sont un peu affaissées avec le temps. Et, comme tu le sais, le garçon de ma classe a causé le terrible incident de la baguette magique…"
"Que tu as propulsé ensuite dans la fontaine télépathiquement." compléta Drago avec un rire. "Je ne devrais pas être étonné, après avoir appris ce que tu as fait à Skeeter…"
"Il méritait bien pire qu'elle." dit-elle d'une voix triste. "J'adorais cette baguette magique."
"Tu ne savais pas que tu en aurais une vraie quelques années plus tard." répondit-il en se penchant de nouveau sur la photo. "Ça me fait toujours bizarre de voir une photo qui ne bouge pas. On dirait que tu es figée sur le papier, ça ne te ressemble tellement pas."
"Je le vois plutôt comme une capture dans le temps." dit Hermione avec sagesse. "Mais je suppose que ça aurait été mieux si mes parents m'avaient pris en photo avec mon nouvel appareil, on aurait peut-être pu voir mes ailes se déployer dans mon dos."
Il observa encore la photo, un sourire aux lèvres. Puis, il lui tendit.
"Tu peux la garder." dit-elle en haussant les épaules. "Mes parents en ont des albums photos entiers, ils ne verront pas qu'un cliché manque à leur collection d'Hermione fée."
Drago parut surpris, mais accepta avec plaisir et la rangea dans sa poche d'uniforme. Puis, il posa de nouveau sa tête contre le dossier du banc et Hermione fit de même. Elle fixa la lune.
Quand Drago était à côté d'elle, c'était comme si le volume sonore de sa tête s'éteignait enfin. Ses pensées, qui traversaient sa tête en permanence et ne lui laissaient pas une seconde de répit, s'écartaient enfin.
Hermione détestait le silence. Mais elle l'aimait quand elle était avec Drago.
Elle tourna la tête vers lui et observa la ligne de sa mâchoire de profil, et ses cheveux décoiffés par le vent. Il avait fermé les yeux et humait doucement, dans un souffle apaisé.
"Drago, je…"
Elle voulait lui dire. Elle voulait arracher les mots de sa bouche, tout comme il l'avait fait quelques mois plus tôt. Elle voulait lui dire qu'elle ressentait la même chose pour lui, qu'elle n'arrivait pas à se passer de sa présence, que l'amour qu'elle ressentait pour Ron était minime comparé aux sentiments écrasants qu'elle avait pour lui.
Mais la confession refusa de passer sa langue. Elle ne savait pas comment le dire, comment le formuler aussi joliment qu'il l'avait fait. Elle ne savait pas comment lui donner cet aveu, comment déposer cette bombe à retardement qui changerait tout.
Alors, elle se tut, et regarda la lune.
Peut-être que si Hermione avait su le peu de temps qu'il leur restait, elle lui aurait annoncé ce soir-là.
.
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Drago
.
.
"Où est Blaise ?"
Drago releva la tête de son assiette du petit-déjeuner et regarda autour de lui. C'était lundi matin, et la Grande Salle grouillait d'élèves pressés de terminer de manger avant le début des classes. Tout le monde parlait et mangeait à toute vitesse, et le bruit se mélangeait à l'arrivée des hiboux qui atterissaient plus ou moins bien sur les tables pour distribuer le courrier. Granger était la seule personne de la Salle à lire un manuel posé sur sa carafe de lait, et indifférente au brouhaha de la pièce.
Théo regardait l'hibou de la Gazette d'un drôle d'air. D'habitude, c'était toujours Blaise qui décrochait le journal et glissait une Noise dans sa sacoche, mais la place de Blaise était vide, et l'hibou tendait la patte en attendant son paiement avec un hululement irrité.
Drago fouilla dans sa poche pour le payer et Pansy prit le journal en haussant les épaules :
"Vous ne l'avez pas vu, ce matin ?"
"Si." répondit Théo. "Il dormait."
"Et bien, c'est sûrement là qu'il est." railla Pansy en ouvrant la Gazette à sa page préférée.
"C'est étrange." répondit Théo d'une voix fatiguée. "D'habitude, Blaise se lève toujours le premier."
Drago acquiesça. Maintenant qu'il y pensait, Blaise était toujours le premier à se lever, et c'était même lui qui poussait les autres à se réveiller, tous les matins. Quand Drago était parti du dortoir, il avait pensé qu'il était déjà au petit-déjeuner et n'avait pas fait attention aux rideaux fermés autour de son lit.
"Il va bientôt arriver." dit résolument Pansy.
Théo consulta sa montre avec une grimace.
"Il a intérêt, on a cours dans dix minutes."
En effet, Drago pouvait voir les élèves des différentes Maisons sortir de la Grande Salle pour rejoindre leurs classes respectives. Granger, Potter et Weasley suivirent le mouvement et Granger lui lança un regard discret juste avant de passer les portes.
"On a Métamorphose, en plus." ajouta Théo, les sourcils de plus en plus froncés. "S'il ne vient pas, il va se faire tuer par McGo."
"Peut-être qu'il pense qu'on a cours d'Histoire de la Magie et qu'il a décidé de sécher." tenta Drago. "On a qu'à dire qu'il est malade."
"McGo ne laissera jamais passer ça." dit Pansy.
Théo regarda pensivement la place de Blaise, puis se leva en entendant la cloche qui annonçait le début des classes.
"Faut qu'on y aille." dit-il. "On dit qu'il est malade, alors ?"
"Non, je vais le chercher." décida Drago en s'essuyant les doigts avec sa serviette.
Puis, il réalisa quelque chose qui le frappa d'horreur.
"Oh Merlin, ne me dites pas que je vais le retrouver nu avec une fille ?!" glapit-il.
Pansy eut un petit rire et Théo hocha la tête avec une moue compatissante :
"Il y a de fortes chances. Et pour avoir vécu une scène un peu semblable il y a un an, je te souhaite tout mon courage et ma force mentale."
Pansy s'arrêta de rire et lui jeta sa cuillère au visage.
Drago chercha Daphné du regard, mais elle était assise à la table des Serpentards en train de parler à Millicent Bulstrode. Son visage constamment strié de larmes prouvait qu'elle n'avait pas passé la nuit avec Blaise.
Ils se levèrent tous les trois et Drago accompagna Théo et Pansy jusqu'aux bas des escaliers.
"Dépêche-toi, vous allez être en retard !" prévint le brun avec urgence.
Ils montèrent rapidement et Drago descendit vers les cachots. Il murmura le mot de passe et traversa la Salle Commune vide en quelques enjambées, descendit dans les dortoirs et s'arrêta devant la porte. Il prit une grande inspiration et ouvrit la porte, prêt à voir la pire scène possible devant ses yeux.
Mais le lit de Blaise était toujours fermé, et il pouvait entendre le bruit de ses respirations filtrées par l'épais rideau. Drago fut tenté de repartir dans l'autre sens, mais pensa à l'affreuse tête sévère de McGonagall si elle apprenait qu'il avait séché son cours et s'approcha à contre-coeur.
En pensant à tout l'amour qu'il avait pour Blaise et en jurant qu'il lui rappelerait qu'il a une dette envers lui jusqu'à la fin de ses jours, Drago agrippa le rideau, serra les dents et se cacha les yeux avec la paume de sa main. Il tira en fermant fort les yeux, voulant à tout prix éviter de voir Blaise nu avec une fille et que l'image reste gravée sur ses rétines à jamais.
"Blaise, réveille-toi." grinça-t-il d'une voix dénuée de cordialité.
Personne ne répondit. Drago écarta deux doigts pour apercevoir quelque chose et trouva Blaise, allongé de tout son long dans son lit, sur le ventre. Il était (merci Merlin) en pyjama, un bras replié sous sa tête et l'autre posé dans une position clairement inconfortable. La couette était à moitié par terre, et ses jambes étaient couvertes par le drap qu'il avait enlevé en dormant. Il était seul.
Drago retira sa main et secoua l'épaule de Blaise :
"Blaise, réveille-toi !" répéta-t-il plus fort.
Un grognement endormi fut sa seule réponse. Drago insista et lui tira le bras pour le faire réagir :
"Blaise ! T'es en retard !"
Le garçon ouvrit enfin un œil et regarda Drago de bas en haut.
"Dégage." marmonna-t-il d'une voix pleine de sommeil.
"On a McGonagall ce matin, si tu sèches, elle aura ta peau."
Nouveau grognement. Blaise changea de position pour poser l'oreiller sur sa tête. Drago leva les yeux au ciel et alla au pied de son lit pour fouiller dans sa malle. Il y trouva une chemise et son pantalon d'uniforme qu'il lui jeta dessus.
"Habille-toi, en vitesse ! On est déjà en retard !"
Blaise grogna encore une fois, mais consentit enfin à relever la tête. Il focalisa sa vision et s'arrêta sur Drago avec un air de surprise sur ses traits encore endormis.
"C'toi qu'est venu ?" demanda-t-il, mi-confusion mi-râle. "J'rais pensé que ça s'rait Théo."
Il se leva paresseusement et retira son t-shirt pour enfiler sa chemise en bâillant.
"Tu crois vraiment que Théo aurait raté cinq minutes de cours ? Non, c'est moi qui m'y suis collé. De rien, d'ailleurs." ajouta Drago.
Il continuait de fouiller sa malle pour trouver une cravate de Serpentard. Blaise ne le remercia pas, et continua de s'habiller de la manière la plus lente possible.
"Théo aurait été plus doux." protesta Blaise.
"Peut-être, mais il t'aurait rabâché qu'il ne faut pas arriver en retard à cause des BUSES de merde sur tout le chemin. Si tu veux, je peux le faire aussi."
"Non, pas la peine."
Blaise termina de s'habiller et Drago finit par trouver une cravate pas repassée au fond de sa malle. Il la lança à Blaise qui l'accrocha autour de son cou, puis il passa dans la salle de bains pour se brosser les dents et se laver le visage. Drago patientait à côté de la porte, en comptant les minutes de retard sur sa montre.
Finalement, Blaise sortit de la salle de bains. Il enfila sa robe d'uniforme verte, glissa sa baguette dans sa poche et commença à mettre les manuels de la journée dans son sac.
"Je suis soulagé." dit Drago avec un rire moqueur.
"De quoi ?" demanda Blaise d'une voix toujours endormie.
"Que tu sois seul. J'ai cru que j'allais te trouver en… Charmante compagnie."
Blaise rit jaune.
"Je ne couche jamais dans mon dortoir." dit-il d'un ton décidé.
Drago hocha la tête et regarda son ami empiler ses manuels en bâillant. Il remarqua que son visage était encore plus fermé que d'habitude, avec une lueur triste qui ne lui ressemblait pas trop.
"Ça va ?" lâcha Drago timidement.
"Ce n'était pas un super réveil, non…" marmonna Blaise.
"T'as pas l'air bien." continua le blond, qui détestait parler des sentiments quand ce n'était pas Granger qui lui répondait.
Blaise tourna la tête vers Drago en haussant les sourcils.
"Si, ça va très bien."
Ils sortirent du dortoir et montèrent jusque dans la Salle Commune.
"D'habitude, c'est toujours toi qui nous réveille." insista Drago.
"Et bien plus gentiment, d'ailleurs."
"Blaise, t'es sûr que ça va ?" demanda Drago une dernière fois. "T'as l'air… Triste, ou je sais pas quoi."
Blaise soupira et évita de le regarder pour répondre à voix basse :
"Non, ça va, je me suis juste… Couché tard et j'arrivais pas à dormir. Rien de grave."
Drago observa le visage de son meilleur ami, et bien qu'il trouvait que quelque chose n'allait décidemment pas, il décida de ne pas continuer son interrogatoire. S'il ne voulait pas en parler, Drago ne voulait pas le forcer. Il ne voulait pas ressembler à Pansy et Théo qui posaient toujours trop de questions.
Ils pressèrent le pas et arrivèrent dans le Hall du Château. Le voir vide n'était pas bon signe. Ils dévièrent vers l'aile de Métamorphose d'un pas rapide, et Drago sursauta quand une première année de Serdaigle surgit de nul part face à lui, les yeux embués de larmes. Drago dû freiner brusquement et manqua de la renverser. La fillette avait deux nattes de chaque côté de la tête et semblait bien trop petite pour être ici.
"Hé, fais attention où tu marches !" dit Drago en la contournant rapidement.
"Excusez-moi ?" couina la petite fille d'une voix enrouée de larmes. "Est-ce que vous pouvez m'aider ? Je me suis perdue en allant en cours de Botanique et je ne retrouve plus mon chemin…"
"Qu'est-ce qu'on en a à foutre ?" demanda Drago avec mauvaise humeur en continuant d'avancer.
"Dray ?" appela Blaise d'une voix douce.
"Quoi ?" aboya-t-il.
"T'es pas censé être préfet ?"
Drago s'arrêta brutalement en se tapant le front.
"Merde ! J'avais oublié..."
Il se retourna vers la première année qui le regardait avec des gros yeux ébahis. Elle tremblait de peur.
"Les serres, c'est ça ?" demanda-t-il, et la petite fille hocha timidement la tête. "Il faut que tu prennes cette porte, et que tu descendes sur le chemin de gauche jusqu'à ce que t'arrives sur une intersection. Tu prends à droite, et tu trouveras les serres."
"D'accord, merci monsieur."
Et elle s'enfuit en courant. Drago se remit à marcher à côté de Blaise qui semblait sur le point d'éclater de rire.
"Ne le dis pas à Théo." avertit sèchement Drago.
"Oh, non, jamais." répondit Blaise d'un ton claironnant.
Il toqua à la porte de la classe de Métamorphose et la voix perçante de McGonagall transperça le bois :
"Entrez !"
Blaise ouvrit la porte et ils se firent assaillis par les regards curieux des élèves. La leçon avait commencé depuis déjà un certain temps, parce que chacun d'entre eux avait une souris sur leur pupitre et écoutait les instructions de McGonagall, debout devant le tableau noir. Cette dernière pencha la tête pour scruter les deux nouveaux arrivants par-dessus ses lunettes.
"Ah, vous avez finalement décidé à nous rejoindre." dit la professeure cyniquement. "Quel honneur vous nous faîtes."
"Désolés, Professeure McGonagall." s'excusa Blaise de sa voix charmeuse qu'il réservait aux professeurs.
Sa voix ne marcha cependant pas sur la professeure de Métamorphose.
"Est-ce qu'on peut savoir ce qui vous a retenus ?" demanda-t-elle.
Drago était sur le point de lui parler de la première année qui lui avait demandé son chemin quand Blaise répondit :
"Je ne m'étais pas réveillé, Professeure."
Drago vit Pansy et Théo écarquiller les yeux simultanément en entendant cette excuse, qui était pourtant vraie. Blaise conserva sa posture flegmatique et regarda tranquillement McGonagall, et Drago aurait pu jurer voir un éclair de surprise passer sur son visage ridé en entendant ça.
"Et vous, Malefoy ?" aboya-t-elle.
"Je suis allé le chercher." avoua Drago.
McGonagall regarda les deux garçons l'un après l'autre, sans savoir quoi dire. Elle s'était clairement attendue à un mensonge, et fut assez décontenancée par leur franchise. Finalement, elle trancha :
"J'enlève cinq points chacun à Serpentard. Asseyez-vous."
Drago et Blaise obéirent sans contester et prirent place sur le pupitre situé derrière Pansy et Théo.
"Bien." reprit la professeure. "Comme je le disais donc avant d'être rudement interrompue, nous allons maintenant passer aux sortilèges de Disparition sur les vertébrés. Vous êtes tous censés savoir comment faire Disparaître des objets inertes maintenant, alors je veux que vous vous entraîniez sur les souris en face de vous. Miss Parkinson, vous vous entraînez sur des souris depuis votre première année, pouvez-vous cesser de gémir dès que vous en voyez une ?!" réclama McGonagall en se tournant vers la brune d'un air profondément agacé.
"Mais elle bouge !" se lamenta Pansy d'une voix criarde.
McGonagall roula des yeux et sortit une souris de sa cage pour la poser sur son bureau, à la vue de tous. Puis, elle posa sa baguette sur le dos de la bête et énonça d'une voix claire :
"Evanesco."
La souris disparut instantanément.
"Comme vous pouvez le voir, la souris a disparu." annonça McGonagall, comme si c'était tout à fait normal. "N'oubliez pas de vous concentrer sur l'animal tout comme vous le faites pour les objets inertes, en l'imaginant dans son entiereté." Drago sourit en entendant les propos de Granger. "Vous pouvez commencer."
Drago et sa souris blanche échangèrent un regard, l'un concentré et l'autre apeuré. Il posa le bout de sa baguette sur son dos et la regarda longtemps, puis récita :
"Evanesco."
La souris resta entière et continuait de le regarder avec appréhension. Il réessaya plusieurs fois sans arriver à faire disparaître le moindre poil. Plus ça allait, plus il enfonça sa baguette dans la souris qui commença à couiner en protestation.
La souris grise de Blaise à côté de lui n'était guère plus coopérative. Elle ne cessait de courir le long du pupitre dans l'espoir de s'échapper et Blaise passa son heure à la pourchasser. Crabbe et Goyle pensaient avoir réussi, mais leurs souris s'étaient simplement échappées et ils la cherchèrent dans toute la classe sous le regard autoritaire de McGonagall.
Drago fut vite frustré de ne pas réussir à faire Disparaître son rongeur, et Pansy n'aidait pas en criant dès que sa souris faisait le moindre mouvement.
"Arrête de couiner, tu m'empêches de me concentrer !" s'énerva Théo.
Sa souris marron n'avait plus de queue.
"Ça me dégoûte !" répliqua Pansy, qui avait l'air sur le point de vomir. "Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas s'entraîner sur des chatons ?!"
Elle ferma les yeux et pointa sa baguette au hasard sur le pupitre dans l'espoir de la faire Disparaître.
"Evanesco." répéta inlassablement Drago, mais sa souris était toujours sur le pupitre, et attendait sa sentence en le fixant.
Celle de Blaise réussit à s'échapper de sa poigne et grimpa sur son épaule avec hâte. Blaise essaya de l'attraper, en vain. La souris sauta alors et atterrit sur le pupitre d'à côté, pile dans les cheveux de Daphné qui hurla de terreur.
Blaise se précipita sur elle et lui arracha la pauvre souris qui lui griffa le crâne au passage.
"Désolé, désolé !" dit Blaise, effaré.
Daphné se massa la tête en le foudroyant du regard, mais c'était difficile de savoir si elle visait Blaise, ou la souris. Il retourna s'asseoir tout penaud et Daphné ne détourna pas le regard, plus meurtrier encore qu'un Avada Kedavra.
"Ouah, c'était une des scènes les plus gênantes qu'il m'ait été donné d'assister." commenta Drago avec un rictus.
"Ta gueule." marmonna Blaise, qui serrait toujours la pauvre souris dans son poing.
"J'ai réussi !" s'exclama soudain Théo en montrant son pupitre vide. "J'ai réussi, elle a disparu ! Professeure McGonagall, j'ai réussi !"
"Excellent, Mr. Nott." complimenta McGonagall. "Pourriez-vous me dire où votre souris se trouve, désormais ?"
"Dans le non-être, c'est-à-dire, dans tout." répondit d'emblée Théo.
"Excellent, excellent. Mr. Nott a réussi le premier à faire Disparaître sa souris, en seulement vingt minutes." annonça-t-elle au reste de la classe, et Théo baissa la tête pour cacher son visage avec ses cheveux trop longs. "J'accorde donc dix points à Serpentard."
Drago et Blaise le félicitèrent tandis que Pansy poussa un grand cri, mais ce n'était pas vraiment au profit de Théo mais plutôt du fait que sa souris s'était allongée pour faire une petite sieste sur la table.
"Pouvez-vous aider votre voisine, Nott ?" demanda McGonagall en faisant Réapparaître la souris d'un coup de baguette. "Elle a l'air d'en avoir grandement besoin…"
Théo hocha la tête et se tourna vers Pansy pour l'aider.
Après trente minutes, Drago était franchement agacé.
"Je n'arrive pas à faire Disparaître cette souris de merde !" grommela-t-il, assez fort pour que Blaise l'entende mais pas la professeure qui circulait dans les rangs. "Comment est-ce qu'on est censés "la visualiser dans son entiereté ?" Je suis censé imaginer ses intestins ?"
Pansy eut un haut-le-coeur et Théo se tourna pour lui répondre :
"Non, il faut juste que la perçoives dans ta tête."
"La perçoive ?" répondit Drago, irrité. "Je la vois, c'est suffisant, non ?"
"Non, ça ne l'est pas. Il faut que tu la perçoives, que tu imagines ce qu'elle puisse ressentir." continua Théo.
"C'est une putain de souris." répondit Drago en montrant l'animal de la main. "J'imagine qu'elle veut un bout de fromage ?"
Blaise ricana mais Théo semblait considérer cet exercice avec le plus grand sérieux.
"Imagine que c'est toi à sa place !"
Drago, ahuri, regarda de nouveau sa souris. Elle était blanche, avec des oreilles roses et une queue assez courte qu'elle avait enroulée autour de ses pattes. Ses yeux noirs regardaient frénétiquement autour d'elle.
"Comment est-ce que je suis censé ressentir comme une souris ?" demanda Drago, de plus en plus impatient face à l'étrangeté de la requête.
"Ça ne doit pas être très loin d'une fouine." commenta Blaise avec un petit rire.
Tout le monde rit, y compris Pansy malgré son malaise.
"Ta gueule."
Blaise posa sa souris sur le pupitre et se concentra dessus en la retenant par la queue par peur qu'elle s'échappe de nouveau.
"Evanesco."
Soudain, la souris disparut avec un dernier couinement plaintif.
"Comment t'as fait ça ?!" s'étonna Drago, qui n'avait pas réussi à faire Disparaître une seule moustache depuis le début de la classe.
"J'ai fait comme Théo a dit." dit Blaise en haussant les épaules. "Je me suis mis à sa place."
Drago maugréa dans sa barbe et se concentra sur sa souris. Mais il avait beau essayer de toutes ses forces, il n'arrivait pas à se mettre à la place de la pauvre bête capturée.
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Pour la première fois depuis le début de l'année, Weasley et Potter découvrirent qu'ils avaient des devoirs à faire, et Granger fut contrainte de les accompagner à la Bibliothèque. Drago le comprit avec le petit sourire d'excuse qu'elle lui fit en sortant de la Grande Salle.
Il mentirait s'il disait qu'il n'était pas déçu, mais en même temps, il valait mieux qu'ils y aillent séparement de temps en temps pour ne pas attirer les soupçons. Étant donné que Théo y allait pour réviser son Arithmancie, Drago sauta sur l'occasion et proposa de l'accompagner. Il accepta avec plaisir et ils y allèrent juste après le dîner, sous le regard méfiant de Pansy.
Sur le chemin vers la Bibliothèque, Drago remarqua que Théo se retenait de sourire.
"Qu'est-ce qui te rend si heureux ?" demanda-t-il.
"Tu n'as pas vu le classement général, dans la classe de Métamorphose ?" répondit Théo en chantant à moitié.
"Il n'y a que toi qui regarde ce classement, Nott." grogna Drago.
"Non, justement. Granger le regarde aussi tous les lundis matins."
Drago tourna la tête brutalement vers lui. Il avait toujours du mal à entendre ce nom de la bouche de Théo. Ça l'énervait, comme s'il lui avait donné un surnom affectueux.
"Et ?" demanda-t-il sèchement.
"Je l'ai dépassée en Métamorphose !" répondit-il avec joie.
Drago ne cacha pas son étonnement.
"Vraiment ?"
Théo jaugea son expression et perdit son sourire.
"Merci, ça fait plaisir." grommela-t-il. "Ce n'est pas la première fois, tu sais. Je la dépasse souvent en Métamorphose et en Astronomie. Mais elle arrive toujours à me battre en Histoire de la Magie et en Arithmancie, peu importe à quel point je travaille pour avoir une meilleure note. Ça me rend dingue."
"Et en Potions ?" demanda Drago, sincèrement intéressé par la compétition étrange qui liait les deux depuis la première année. "Et Défense Contre les Forces du Mal ?"
"Je ne compte pas les Potions, parce que Rogue favorise clairement les Serpentards." expliqua Théo. "S'il était objectif, il lui mettrait une meilleure note qu'à moi, c'est évident. Et elle me battait à plates coutures en Défense Contre les Forces du Mal jusqu'à cette année, mais ne commence pas à me lancer sur cette Ombrage, sinon je vais redevenir grognon."
"Et en Botanique ?" demanda Drago.
En entendant ça, le visage de Théo se ferma un peu.
"Tu ne devineras jamais qui nous a dépassés en Botanique cette année." dit-il d'un air grave.
"Quoi, qui ça ? Un Serpentard ?" essaya Drago.
"Non."
"Qui ?"
"Putain de Londubat." grogna Théo.
Drago s'arrêta de marcher et regarda son ami pour voir s'il se moquait de lui. Mais il fallait croire que c'était vrai, parce qu'il ne souriait pas du tout : la perspective d'être dépassé par Londubat avait même l'air d'être un gros coup à son moral.
"Sérieusement ? Londubat ?" répéta Drago. "Mais il sait à peine se servir de sa baguette."
"Justement, il n'y a pas besoin de baguette en Botanique." remarqua le brun.
"C'est sûrement Granger qui l'aide." dit Drago en tournant vers le couloir de la Bibliothèque. "Ils travaillent ensemble tous les samedis."
"Ah bon ?" s'étonna Théo.
Réalisant son erreur un peu trop tard, Drago ajouta dans un marmonnement à peine perceptible :
"J'crois, ouais…"
Ils entrèrent dans la Bibliothèque et Drago repéra Granger en une seconde. Elle était assise à la grande table près de l'entrée, entre un Potter épuisé et un Weasley complètement perdu. Ils croulaient sous les livres. Granger était manifestement en train de travailler sur son Etude de Runes, mais elle avait abandonné son manuel pour se pencher sur celui de Weasley et écrivait quelques lignes de son essai pour lui. Le long nez de Weasley touchait presque les cheveux de Granger et Drago ressentit un puissant élan de jalousie à l'idée qu'il puisse sentir la fraise s'en dégager.
"On s'assoit là ?" proposa Théo en pointant une table un peu plus loin, qui offrait une vue parfaite sur Granger et sa bande. Drago accepta tout de suite.
Ils s'assirent et Théo sortit son manuel d'Arithmancie pour se cacher derrière. Drago savait qu'il ne pourrait pas lui parler pendant la prochaine heure, donc il feignit de lire sa charte en regardant discrètement Granger par-dessus son livre.
Il la vit s'impatienter et reprocher quelque chose à Weasley, qui répliqua avec la même intensité. Drago devinait sans mal qu'il comptait sur elle pour écrire son essai à sa place, mais qu'elle refusait catégoriquement. Granger se remit droite sur sa chaise et lança à Weasley un regard peu amène, le genre qu'elle réservait aux personnes qui l'agaçaient particulièrement.
Drago se demanda si elle ressentait le même frémissement qu'elle ressentait quand ils se disputaient, tous les deux. Pour lui, rien n'avait jamais égalé les disputes qu'il avait avec Granger. Il adorait ressentir les vibrations qui le parcouraient quand il s'envoyait des piques l'un après l'autre, ou voir l'agitation briller dans ses yeux.
Granger finit par prendre une gorgée de thé. Il vit ses yeux parcourir les lignes qu'écrivait Weasley et il devina sa bouche tordue derrière sa tasse. Ses doigts serraient la anse un peu trop fort, comme si elle se retenait d'arracher la plume pour écrire à sa place.
Elle leva les yeux au ciel et tourna la tête vers Harry. En le faisant, elle balaya la salle du regard et s'arrêta sur Drago avec un choc sur ses traits. Il se retint de sourire en voyant sa surprise. Elle n'avait pas remarqué son arrivée, et le voir avait probablement dû être surprenant. Il se plongea un instant dans ses pupilles chocolat, celles qui étaient constamment animées par la curiosité, celles dans lesquelles il pouvait se noyer tant la couleur était hypnotisante, avant que Potter lui tire le bras et qu'elle détourna brusquement la tête pour écouter ce qu'il lui demandait. Il lui pointa quelque chose dans son manuel et Granger lui expliqua doucement, mais Drago pouvait sentir que l'apercevoir l'avait troublée. Elle avait les joues un peu rouges, et avait l'air de se forcer à ne pas le regarder.
Pendant une heure entière, Drago l'observa en biais, et elle fit pareil. Les deux garçons autour d'elle étaient bien trop hapés par leurs devoirs pour faire attention. Et elle avait beau essayer de traduire ses runes, elle n'arrivait pas à ne pas jeter des regards vers lui dès qu'elle le pouvait, comme dans un réflexe.
Et il faisait la même chose.
Regarder Granger étudier avait toujours été un spectacle passionnant, mais le faire dans ces conditions était d'autant plus enivrant. À chaque fois qu'ils croisaient leurs regards, il ressentait comme un coup d'éléctricité sur sa peau. C'était addictif. Très vite, il fut obsédé à l'idée de la regarder, et elle aussi. Il n'avait jamais connu une telle tension avec un simple regard. C'était comme s'ils partageaient un secret, et que tout le monde pouvait le découvrir d'un instant à l'autre.
"Tu comprends le cours, toi ?" demanda soudain Théo en reposant son manuel sur la table.
Drago s'arracha de sa vision et se concentra sur la charte devant lui pour la première fois depuis qu'il s'était assis.
"Non, pas vraiment." dit-il.
Théo soupira en se passant une main sur le visage :
"Moi non plus." admit-il.
Il balaya son regard sur la pièce et tomba sur la table de Potter, Weasley et Granger.
"Dommage que les deux autres soient là, on aurait pu demander de l'aide à Granger." se lamenta Théo d'une voix accablée.
"À Granger ?" répéta Drago d'un air ahuri, en prononcant son nom comme si c'était la première fois qu'il sortait de sa bouche. Il regarda dans la même direction que Théo et fit semblant de ne remarquer leur présence qu'à cet instant. "Hors de question, je ne demanderai jamais de l'aide à cette fille."
Théo roula gravement des yeux.
"T'es vraiment la personne la plus bornée du monde, Malefoy."
Il soupira encore une fois en se replongeant dans sa charte.
Et Drago sourit, parce que Théo n'avait aucune idée que la personne la plus bornée du monde se trouvait à quelques mètres d'eux seulement.
