Hello tout le monde :)

Alors j'ai une petite note à vous transmettre avant qu'on ne commence le chapitre :

J'ai décidé de changer le rythme des publications de chapitres. Je pense que ça ressent depuis quelques semaines, mais j'ai beaucoup de mal à garder mon rythme hebdomadaire. J'ai commencé un nouveau travail qui m'empêche d'écrire autant que je le voudrais et je n'ai presque plus d'avance sur mes chapitres. Malheureusement, je n'ai pas le temps d'écrire, de traduire et de mettre en page en seulement quelques jours, en plus de tout le travail que j'ai à côté. Donc, je vais passer à un chapitre un dimanche sur deux jusqu'à la fin de l'été, soit le 1er septembre où j'espère pouvoir revenir à un chapitre par semaine.

Ne vous en faites pas, je continue évidemment à écrire, c'est simplement pour vous proposer du meilleur contenu : je n'ai pas le temps de relire ce que j'écris et je crois que ça ressent sur le texte. Je ne veux surtout pas bâcler Mon Ange Gardien, je veux avoir le temps et ne pas avoir de pression d'écriture pour sortir un chapitre absolument le dimanche. Je suis vraiment désolée, je sais que beaucoup d'entre vous attendent les notifications chaque semaine (coeur sur vous). Je vous promets qu'écrire est ma priorité numéro 1, mais je dois prendre un peu de temps pour écrire mieux.

Merci beaucoup à tous ceux qui comprendront, j'espère que vous ne vous lasserez pas de mes chapitres s'ils arrivent moins souvent...

En attendant, si vous ne savez pas quoi lire en attendant le dimanche dans deux semaines, voici une liste des meilleures fics que j'ai pu lire :

- Secrets and Masks by Emerald_Slytherin : /works/32136715/chapters/79619566
- All the Young Dudes by MsKingBean89 : /works/10057010/chapters/22409387
- All the Young Dudes (Sirius perspective) by Rollercoasterwords : /works/34577035/chapters/86070550
- Until the Ink Runs Dry by AccioMjolnir : /works/30946961/chapters/76428473?style=disable
- Alice, look at me by Rollercoasterwords : /works/41141181
- Draco Malfoy and the Mortifying Ordeal of Being in Love by isthisselfcare : /works/34500952/chapters/85870804

Voilà, merci à tous de me suivre encore et d'aimer MAG autant que je l'aime, j'espère que vous ne serez pas trop déçu par mon changement de rythme et je vous souhaite à tous une excellente lecture :) Love you!

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Hermione


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Ron et Harry avaient décidé d'accompagner de nouveau Hermione à la Bibliothèque. Ils s'installèrent à la même table que la veille, la grande près de l'entrée, et travaillèrent chacun sur leurs devoirs respectifs. Dehors, des rafales de vent faisaient trembler les fenêtres, accompagnées de gouttes de pluie qui tapaient doucement contre la vitre. L'ambiance préférée d'Hermione quand elle travaillait à la Bibliothèque.

Elle avait beau vérifier toutes les cinq minutes, Drago ne se montra pas. Elle était persuadée qu'il travaillerait avec Théodore Nott, à leur table de révisions habituelle, comme la veille. Mais Théodore resta seul pendant toute la soirée.

Hermione préféra se concentrer sur son manuel de Potions plutôt que de s'attarder là-dessus. Elle était avec Harry et Ron. Elle n'était pas censée penser à Drago dans ces moments-là, elle était censée apprécier la compagnie de ses meilleurs amis.

La culpabilité revint se loger dans sa gorge et elle but une gorgée de thé à la cannelle pour essayer de la faire partir, sans succès. Elle regarda Harry à sa droite, en train de lire les ingrédients de la potion sur laquelle ils seraient interrogés vendredi. Ses yeux étaient rougis par la fatigue. Il était en train de vivre un début d'année très difficile, et elle passait son temps à penser à Drago…

Hermione tourna ensuite vers Ron, qui notait les ingrédients sur une feuille et les lisait dans un murmure imperceptible entre ses lèvres, dans l'espoir de les retenir par cœur.

Sans trop savoir pourquoi, les pensées d'Hermione dévièrent vers Lupin. Elle pensa à ses leçons passionantes et regretta de ne pas avoir plus profité de cette matière par le passé. Elle haïssait la sensation de ne rien apprendre dans une classe. Ombrage était définitivement la pire professeure qu'ils avaient eu depuis qu'ils étaient à Poudlard.

Hermione repensa à sa propre proposition de nommer Harry comme enseignant, et hésita à remettre le sujet sur le tapis de nouveau. Harry était tellement instable depuis cet été, valsant d'une humeur à l'autre à une vitesse effroyable, qu'elle ne savait pas comment lui en reparler sans l'énerver.

Elle opta donc pour la franchise.

"Harry ?"

"Hmm ?" dit le brun, la tête toujours baissée sur son livre.

"Je me demandais si tu avais repensé au cours de Défense Contre les Forces du Mal ?"

"Bien sûr que oui." répondit-il d'un air grognon. "Difficile d'oublier, avec cette harpie qu'on a comme prof…"

"Je voulais parler de l'idée qu'on avait eue, Ron et moi." précisa Hermione.

Ron tourna la tête vers elle pour lui lancer un regard à la fois affolé et menaçant. Elle fronça les sourcils face à ce manque de coopération et rectifia :

"Bon d'accord, l'idée que j'ai eue de te demander de nous donner toi-même des leçons."

Harry continua de lire son manuel, mais Hermione pouvait voir que ses yeux s'étaient voilés par la réflexion et qu'il ne lisait plus vraiment. Apparemment, il était en plein dilemme intérieur.

Elle attendit qu'il brise le silence en premier, ce qu'il fit avec un soupir capitulateur :

"Oui, bon, je… J'y ai un peu pensé." admit-il sans les regarder.

"Et alors ?" demanda Hermione avec avidité.

"Je ne sais pas…" répondit-il.

Il regarda Ron, et ce dernier dût comprendre qu'Harry n'allait pas repartir dans une crise de colère au beau milieu de la Bibliothèque parce qu'il hocha la tête avec assurance :

"Moi, j'ai tout de suite trouvé que c'était une bonne idée."

L'approbation de Ron sembla conforter Harry dans son choix. Il se tremoussa un peu sur sa chaise, manifestement très mal à l'aise.

"Vous m'avez bien écouté quand je vous ai dit qu'il y avait une énorme part de chance dans tout ça ?" demanda-t-il.

"Oui, Harry." répondit Hermione avec douceur. "Mais ce n'est pas une raison pour prétendre que tu n'es pas doué pour la Défense Contre les Forces du Mal, parce que tu as ce don, c'est incontestable. L'année dernière, tu as été la seule personne à pouvoir résister complètement au sortilège de l'Imperium, tu es capable de produire un Patronus, tu sais faire toutes sortes de choses dont même des sorciers d'âge mûr sont incapables. Viktor m'a toujours dit…"

"Quoi ?" s'exclama Ron en tournant si fort la tête que sa nuque craqua. "Qu'est-ce qu'il a dit, Vicky ?"

"Oh là là…" répondit Hermione d'une voix lasse.

Elle essaya de ne pas penser à la réaction qu'aurait Drago s'il apprenait qu'elle entretenait une correspondance avec Viktor. Il serait probablement fou de rage. Cette pensée déclencha une vague de papillons dans le creux de son estomac qu'elle essaya d'ignorer.

"Il a dit que Harry savait faire des choses que lui-même ne connaissait pas et pourtant il était en dernière année à Durmstrang." termina Hermione.

"Tu n'as pas gardé de contact avec lui, quand même ?" demanda Ron, suspicieux.

"Et si c'était le cas, qu'est-ce que ça ferait ?" demanda Hermione en tournant la tête vers lui d'un air dédaigneux, malgré les rougeurs sur ses joues. "J'ai le droit d'avoir un correspondant si…"

"Il ne voulait pas seulement être ton correspondant !" s'écria Ron d'un ton accusateur, récoltant un claquement de langue autoritaire de la part de Mrs. Pince derrière son bureau.

Hermione secoua la tête d'un air exaspéré et se retourna vers Harry :

"Alors, qu'en penses-tu ? Tu veux bien nous donner des cours ?"

"Simplement à toi et à Ron, on est d'accord ?" demanda Harry.

"Oh, euh… Et bien…" dit Hermione, soudain hésitante. "Ne… ne commence pas à monter sur tes grands chevaux, s'il te plaît… mais je crois que tu devrais accepter comme élèves tous ceux qui veulent apprendre. Tu comprends, il s'agit de nous défendre contre V-Voldemort -Ron, arrête, tu es ridicule-, ce ne serait pas juste si on ne donnait pas la même chance à d'autres."

Harry réfléchit un moment puis répondit :

"Oui, mais à part vous, je ne pense pas que qui que ce soit ait envie de suivre mes cours. Je suis cinglé, ne l'oubliez pas."

"Je crois que tu serais surpris de voir combien de gens ont envie d'entendre ce que tu as à dire." assura Hermione. Puis, elle se pencha un peu pour ne pas que d'autres personnes puissent entendre sa proposition : "Tu sais que notre première sortie à Pré-au-Lard aura lieu le premier week-end d'Octobre ? Qu'en penserais-tu si nous disions à tous ceux qui sont intéressés de nous retrouver au village pour qu'on puisse en parler ?"

"Pourquoi faut-il le faire en dehors de l'école ?" demanda Ron.

Hermione se redressa sur sa chaise et fit semblant de lire le schéma du Chou mordeur de Chine, qui était primordial pour la composition de la potion de vendredi.

"Parce que je ne pense pas qu'Ombrage serait ravie si elle découvrait ce qu'on prépare." dit-elle simplement.

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Pendant toute la fin du mois de Septembre, Hermione s'employa donc à proposer aux plus d'élèves possibles des cours de Défense Contre les Forces du Mal avec Harry. Tandis que Ron se chargeait des élèves des équipes de Quidditch, Hermione demanda à Colin Crivey, Justin Flinch-Flitchey et aux autres préfets. Tous acceptèrent, et Hermione les invita chacun à en parler discrètement autour d'eux pour savoir qui serait intéressé.

Quand elle proposa à Ginny, lors d'un petit-déjeuner matinal, cette dernière hocha la tête aussitôt :

"C'est une excellente idée, je suis partante. Je proposerai à Michael, aussi. Peut-être qu'il voudra ramener des copains à lui de Serdaigle."

"Hum…" commença Hermione avec hésitation. "Ginny, tes frères seront là…"

"J'espère bien !" dit la rouquine avec un rire.

"Est-ce que tu es sûre que tu veux qu'ils voient Michael ?" demanda Hermione, soucieuse.

Ginny fit un geste évasif de la main.

"Oui, ça m'est égal. En fait, j'aimerais qu'ils sachent que je sorte avec lui."

"Vraiment ?" demanda Hermione, surprise.

"Oui, j'ai décidé qu'il était temps." dit Ginny résolument. "J'en ai marre qu'ils me voient toujours comme la petite fille qui avait un crush sur Harry. C'est pour ça qu'ils ne comprennent pas que je puisse faire du Quidditch, ou que je puisse avoir un copain. Et au début, ça me terrifiait qu'ils l'apprennent, que leurs images de moi changent… Mais j'ai décidé que maintenant, je m'en fichais éperdument. Percy s'est enfui de la maison, Ron est ami avec le fameux Harry Potter, et Fred et George ont dû faire des choses bien plus graves que n'importe qui entre les murs de ce Château. J'ai le droit d'avoir un copain. Surtout que la guerre arrive, autant profiter du temps qu'il nous reste, non ?"

Hermione ne put qu'acquiescer, estomaquée par ce discours plein de sagesse. Ginny plongea sa cuillère dans son bol de céréales et se remit à manger, indifférente à la surprise de la Gryffondor en face d'elle.

"Je pense que je peux survivre à quelques remarques de mes frères. Je m'y suis habituée, maintenant." ajouta-t-elle avec un sourire.

Hermione ne pouvait que saluer son courage. En fait, elle trouvait que Ginny avait énormément grandi, en ce début d'année. Elle était radicalement différente de la Ginny de l'année précédente. Peut-être que le fait qu'elle n'était plus amoureuse d'Harry, ou simplement la maturité à cause de la guerre qui avait officiellement commencé cet été. En tout cas, elle la trouvait beaucoup plus sage, et Hermione appréciait beaucoup cette évolution chez sa meilleure amie.

La veille de la sortie à Pré-Au-Lard, alors qu'ils étaient en plein milieu du cours de Potions du vendredi après-midi, Ron profita qu'Harry était focalisé sur sa préparation pour glisser à l'oreille d'Hermione :

"Tu as réussi à prévenir tout le monde ?"

Hermione plissa les lèvres sans le vouloir. Elle avait, en effet, prévenu toutes les personnes auxquelles ils avaient pensé. Elle avait demandé à aux préfets, à Parvati, et avait même proposé à Luna Lovegood sous les conseils de Ginny. Ron s'était occupé de Dean, Fred et George, qui avaient proposé aux filles de leur promotion et Lee Jordan. Elle savait qu'elle avait, techniquement, prévenu tout le monde.

Mais une dernière personne lui trottait dans la tête. Une personne à qui elle n'avait pas osé demander.

En entendant la question de Ron, Hermione tourna subtilement la tête vers lui.

Théodore Nott était en train de couper son dard de Billywig avec une concentration extrême. Blaise Zabini était à côté de lui et contemplait la mixture dans le chaudron avec un air indifférent sur le visage. Hermione regarda Théodore couper son ingrédient, ses yeux rivés sur le dard, et repensa à l'aversion qu'il avait exprimée envers Ombrage, quelques semaines plus tôt. Elle savait qu'il était contre la politique imposée par le Ministère, et qu'il serait ravi de prendre des cours de Défense Contre les Forces du Mal supplémentaires pour se mettre à niveau. Il serait forcément doué, et curieux d'en apprendre plus. Elle ne le connaissait pas vraiment, mais elle avait l'impression qu'ils pensaient un peu pareils, tous les deux. Qu'ils se ressemblaient. Et elle était sûre qu'il serait intéressé par sa proposition.

Mais les yeux d'Hermione glissèrent sur le col de Théodore et s'arrêtèrent sur le vert de sa cravate, et elle détourna le regard.

"Oui." répondit Hermione dans un souffle. "Oui, j'ai prévenu tout le monde."

Ron hocha la tête et se remit au travail.

Pendant tout le reste du cours, elle se demanda comment Ron réagirait si elle proposait le nom de Théodore Nott. Elle se demanda comment les autres élèves le regarderait, s'il se présentait à la Tête du Sanglier le lendemain. Comment ils le jugerait, juste parce qu'il appartient à une Maison "adverse". À quel point ils seraient révoltés, et dégoûtés qu'Hermione puisse lui avoir proposé à lui. Un Serpentard.

Hermione avait toujours haï les différences entre les Maisons. Elle avait toujours trouvé ça sectaire, et elle avait appris à ne pas se fier à la famille de quelqu'un pour le juger. Elle connaissait suffisamment Drago maintenant pour savoir qu'il était méchant à cause de ses parents, de son éducation. Que c'était une technique de défense qu'il s'était construit pour se protéger. Elle avait compris que Théodore n'était pas ce garçon méprisant qu'elle avait toujours imaginé. Elle savait, grâce à Drago et à sa première rencontre avec lui, que c'était un garçon gentil, sensible et loyal. Elle savait que ça serait un excellent élément à ajouter pour les cours d'Harry, mais qu'il ne pourrait jamais y assister, parce que c'était un Serpentard.

Et elle trouvait ça injuste.

Le soir, Hermione attendit que la Salle Commune soit vide pour descendre discrètement.

Elle avait préparé un plan pendant la semaine, et avait profité du fait que Drago avait cours d'Alchimie le jeudi soir pour se renseigner à la Bibliothèque. Elle avait même demandé conseil à Flitwick, en utilisant un prétexte de révisions pour dissimuler ses véritables intentions.

Hermione prit un parchemin sur l'une des étagères de la Salle Commune et s'assit sur l'une des tables de révisions. Puis, elle sortit sa baguette et la pointa sur le papier. Elle prit une grande inspiration, concentra toute sa magie qu'elle pouvait sentir pulser contre la peau de son poignet, et énonça clairement :

"Perdet linguam cicatrix in faciem tuam."

Dès qu'elle prononça le sort, Hermione sentit une dose considérable de magie vibrer contre ses doigts. Un faisceau sombre sortit de sa baguette et alla se poser sur la surface du parchemin, qui se noirçit légèrement. Hermione reposa ensuite sa baguette et prit une plume, qu'elle utilisa pour écrire le mot "cafard". Pendant une seconde, le mot resta là, puis le parchemin absorba l'encre et il ne resta plus rien du mot qu'elle venait d'inscrire sur le papier. Il ressemblait maintenant à un parchemin tout à fait banal.

Pourtant, Hermione savait que si quelqu'un écrivait son prénom dessus et révélerait la nature des meetings organisés par Harry, son visage serait aussitôt couvert de pustules qui formeraient le mot "cafard".

C'était la première fois qu'Hermione lançait un maléfice. Elle se sentait subitement épuisée, comme si la magie qu'elle avait utilisée lui avait pris son énergie en s'échappant de sa baguette. Sa main la démangeait un peu. En la massant distraitement, Hermione se mit soudain à regretter son geste. C'était un maléfice inoffensif, mais ça restait tout de même de la magie noire. Si quelqu'un les dénonçait, il serait probablement marqué à vie.

Elle se demanda comment les garçons réagiraient s'ils apprenaient qu'elle avait lancé un maléfice sur le parchemin. Ils seraient probablement effarés. Pourtant, elle avait déjà fait des sortilèges illégaux par le passé : elle avait enfermé Rita Skeeter dans un bocal pendant une semaine, et lui avait fait du chantage. Elle avait préparé une potion de Polynectar au beau milieu des toilettes de Poudlard. Elle avait utilisé un Retourneur de Temps en cachette, en mentant à tout le monde…

Elle se demanda ensuite ce que Drago en penserait. Sa réaction serait probablement opposée à celles d'Harry et Ron : il clamerait qu'elle était bien une Serpentarde, et serait sans doute fier d'elle. Cette pensée la fit sourire sans raison.

Soudain, elle entendit des pas dans les escaliers et s'apprêta à ranger le parchemin à toute vitesse, avant de se souvenir qu'il était vierge. Fred et George entrèrent alors dans la Salle Commune, et froncèrent les sourcils simultanément en la voyant assise là.

"Mione ?" appela George. "Qu'est-ce que tu fais là à une heure pareille ?"

"Rien de spécial." répondit-elle en haussant les épaules. "Je travaille."

Elle montra sa plume et le parchemin, mais les jumeaux devaient bien la connaître maintenant, parce qu'aucun des deux ne fut dupe.

"Qu'est-ce que tu fais vraiment ?" demanda Fred en s'approchant d'elle, un air suspicieux sur le visage.

"Rien !"

"Menteuse. Tu as cet… air." répliqua-t-il en la désignant du doigt. "Qu'est-ce que tu trafiques encore ?"

"Quel air ?" demanda Hermione avec surprise.

"Cet air de malice." répondit George, en s'approchant de la table à son tour.

"Je n'ai pas d'air de malice, et je ne fais rien de particulier." répondit-elle avec le plus de conviction possible.

"Tu mens !" répéta Fred. "Tu as ta voix de mensonge ! Qu'est-ce que tu fais ?"

Fred s'était suffisamment approché pour pouvoir regarder le parchemin d'Hermione, les sourcils froncés. Elle remarqua à cet instant qu'il tenait une boîte dans son dos, qui faisait un bruit suspect de cliquetis à chacun de ses pas.

"Et vous, qu'est-ce que vous faites ?" demanda Hermione en les pointant tous les deux du doigt.

Les jumeaux se reculèrent d'un coup avec deux visages pleins de fausse innocence.

"Rien." répondirent-ils en chœur, bien trop vite pour que ça soit vrai.

"Très bien, alors, nous n'avons qu'à dire qu'aucun de nous ne fait quelque chose, et on garde ça secret ?" proposa Hermione.

Fred et George se regardèrent, puis acquiesèrent d'un même mouvement :

"Très bien."

"Très bien." répéta Hermione en prenant son parchemin et sa plume. "Bonne nuit, les garçons."

Et elle retourna à son dortoir, le cœur battant à tout rompre.

Le lendemain matin, Harry, Ron et Hermione mangèrent un petit-déjeuner rapide sous le ciel clair de la Grande Salle, puis ils firent la queue devant Rusard qui vérifiait qu'ils avaient bien tous leurs autorisations. Hermione montra la sienne avec la signature de ses deux parents, et Rusard cocha son nom avec un grommellement en guise d'approbation.

Quand ce fut au tour d'Harry, cependant, le concierge fit quelque chose de très étrange : il se pencha vers lui et le renifla, comme s'il essayait de détecter une odeur particulière sur son pull. Puis, il hocha la tête et le laissa partir.

"Euh… Pourquoi Rusard te reniflait comme ça ?" demanda Ron tandis qu'ils prenaient la route qui menait au village sorcier.

"Ah oui, j'imagine qu'il essayait de détecter une odeur de Bombabouse." répondit Harry avec un petit rire. "J'avais oublié de vous dire… L'autre jour, quand je suis allé donner ma lettre pour Sirius à Hedwige, Rusard est arrivé en courant dans la volière et m'a ordonné de lui montrer mon courrier, sous prétexte que quelqu'un lui avait signalé que j'avais commandé des Bombabouses. Heureusement, j'avais déjà envoyé ma lettre, donc je lui ai dit que c'était trop tard et… Cho, qui se trouvait là par hasard…" (Harry se gratta soudain le nez et Hermione le suspecta de rougir), "m'a défendu en disant qu'elle m'avait vu l'envoyer et que je n'avais rien commandé du tout. Depuis, Rusard me renifle à chaque fois que je passe à côté de lui pour vérifier que je n'ai pas reçu les fameuses Bombabouses."

Ron éclata de rire en entendant l'histoire, mais Hermione ne trouvait pas ça drôle du tout.

"Il a dit qu'on lui avait signalé que tu commandais des Bombabouses ?" demanda-t-elle. "Mais qui le lui a signalé ?"

"Je ne sais pas." répondit Harry en haussant les épaules. "Peut-être Malefoy, pour faire une blague."

Ce nom fit froncer davantage les sourcils d'Hermione, maintenant plongée dans ses propres réflexions.

"Malefoy ?" répéta-t-elle d'un ton sceptique. "Oui… Peut-être…"

Elle savait que Drago serait capable de faire ça, après tout, il s'était déguisé en Détraqueur juste pour faire peur à Harry, deux ans auparavant. Mais il avait promis d'arrêter d'embêter Harry. Est-ce qu'il l'avait fait parce qu'il trouvait que ça ne constituait pas vraiment comme une insulte, mais plutôt comme une farce pas blessante ?

Ou alors… Et à cette idée, les poils des bras d'Hermione se hérissèrent sous son manteau. Ou alors, c'était quelqu'un d'autre qui avait trouvé cette excuse pour pouvoir fouiller le courrier d'Harry. Et Hermione suspectait une personne en particulier, qui serait bien capable de faire ça.

Ombrage.

Peut-être voulait-elle connaître les correspondances d'Harry, et avait ordonné à Rusard de lui intercepter son courrier en utilisant le prétexte des Bombabouses. Si Harry n'avait pas envoyé sa lettre à temps, est-ce qu'Ombrage aurait pu comprendre qu'il envoyait des nouvelles à son parrain recherché dans tout le pays ?

"Où va-t-on ?" demanda soudain Harry, et Hermione réalisa qu'ils étaient arrivés aux abords du village. Elle n'avait même pas vu le trajet passer. "Aux Trois Balais ?"

"Oh non, c'est toujours plein de monde et beaucoup trop bruyant." répondit-elle en se reconcentrant sur le moment présent. "J'ai dit aux autres de nous retrouver à La Tête de Sanglier, c'est un autre pub, vous savez, celui qui n'est pas sur la grand-rue. Je crois que l'endroit est un peu… Comment dire… Un peu louche… Mais généralement les élèves de Poudlard n'y vont pas, alors je pense que nous ne risquons pas d'être entendus par des oreilles indiscrètes."

Ils remontèrent toute la grande rue de Pré-Au-Lard, en passant devant toutes les vitrines emblématiques du village. Ils ne furent pas surpris de trouver Fred, George et Lee à Zonko avec trois grands sacs remplis de farces et attrapes. Ils passèrent ensuite devant le magasin de thés où Hermione comptait aller après la réunion, la poste où des hiboux sortaient par les fenêtres à intervalles réguliers, puis par le magasin de vêtements où Ginny et Hermione avaient acheté leurs robes pour le Bal. Pansy Parkinson était à l'intérieur, en compagnie de Daphné Greengrass et Tracey Davis, en train de regarder la nouvelle collection.

Ils tournèrent dans une rue latérale, où l'enseigne grinçante de la Tête du Sanglier pendait misérablement au-dessus de la porte du pub. Si Hermione n'avait pas retenu l'adresse, elle ne se serait jamais arrêtée là : l'auberge ne payait pas de mine, et semblait destinée à une clientèle mal famée.

Elle se tourna vers Harry et Ron qui contemplaient la devanture avec des mines inquiètes.

"Bon, vous venez ?" dit-elle.

Harry ouvrit la porte et entra en premier.

La première chose qu'Hermione perçut fut une bouffée d'air chaud, dont l'odeur rappelait les crottins de chèvres. Elle fronça le nez et entra dans le pub, dont la pièce principale était minuscule comparée aux Trois Balais. Le sol était couvert de crasse incrustée dans la pierre, et la petite salle miteuse n'était éclairée que par des bouts de chandelle sur chacune des petites tables. Il n'y avait pas énormément de monde : un homme au comptoir était entièrement vêtu de bandages sales, excepté au niveau de sa bouche pour laisser entrer sa boisson répugnante. Deux silhouettes recouvertes d'épais capuchons discutaient dans des murmures graves à une table, et une sorcière enveloppée d'un voile noir de la tête au pied était assise près de la cheminée.

"Je ne sais pas si c'est vraiment ce qui nous convient, Hermione." dit Harry tandis qu'ils se dirigeaient tous les trois vers le comptoir d'une marche peu assurée. "Tu ne crois pas qu'Ombrage pourrait se cacher là-dessous ?" demanda-t-il en montrant la sorcière voilée du menton.

Hermione évalua la sorcière en un coup d'œil, mais Ron garda la tête résolument baissée vers le sol plein de boue.

"Ombrage est plus petite que cette femme." décréta-t-elle. "Et d'ailleurs, même si Ombrage venait ici, elle ne pourrait rien dire parce que j'ai vérifié à plusieurs reprises le règlement de l'école et nous ne sommes pas hors des limites autorisées. J'ai demandé au Professeur Flitwick si les élèves pouvaient venir à La Tête de Sanglier et il m'a répondu oui, mais m'a fortement conseillé d'apporter nos propres verres. J'ai aussi lu et relu tout ce que j'ai trouvé sur le sujet et on a parfaitement le droit d'étudier ou de travailler à ses devoirs en groupe. Mais je ne pense pas pour autant que ce soit une bonne idée d'afficher ce que nous avons l'intention de faire."

"Non, surtout qu'il ne s'agit pas de devoirs." dit Harry.

Le barman sortit soudain d'une arrière salle et se mit devant le comptoir. Il avait une longue barbe grise foncé, presque aussi longue que ses cheveux de la même couleur. S'il n'avait pas un air si sombre, il aurait presque pu ressembler à Dumbledore.

"Quoi ?" grogna le barman.

"Trois Bièraubeurres, s'il vous plaît." dit Hermione.

Le barman sortit trois bouteilles couvertes de poussières sous le bar et les posa bruyamment sur le comptoir.

"Six Mornilles."

"Je m'en charge." dit Harry en donnant quelques pièces argentées.

Ils prirent leurs Bièraubeurres et allèrent s'installer à la table la plus reculée du pub.

"Vous savez quoi ?" dit Ron d'un ton enthousiaste en promenant son regard sur la salle. "On pourrait commander tout ce qu'on veut ici. Je parie que ce type serait prêt à nous vendre n'importe quoi, il s'en ficherait. J'ai toujours voulu goûter du Whisky Pur Feu…"

"Ron, tu es préfet." rappela Hermione.

"Ah oui, c'est vrai." dit Ron qui perdit son sourire.

Hermione se rappela soudainement de sa soirée alcoolisée et se rongea distraitement les ongles en pensant à son manque d'impartialité. Elle n'avait jamais bu de Whisky Pur-Feu, mais elle connaissait un autre préfet qui en avait probablement déjà goûté dans sa vie.

"Alors, qui doit nous rejoindre ?" demanda Harry en ouvrant sa Bièraubeurre.

"Oh, juste deux ou trois personnes." répondit Hermione en consultant sa montre pour ne pas affronter le regard inquisiteur de son meilleur ami. "Je leur avais dit de venir à peu près à cette heure-ci et je suis sûre qu'ils savent où ça se trouve… Ah, regardez, c'est sûrement eux."

La porte du pub s'était ouverte et un rayon de soleil illumina une seconde la pièce plongée dans l'obscurité, mais fut vite obstrué par le nombre impressionnant de personnes qui se pressaient sur le palier pour entrer.

Neville fut le premier à entrer, suivi par Dean, puis Lavande (qu'Hermione fut très étonnée de voir là), les jumelles Patil, Cho et sa meilleure amie Marietta, au grand bonheur d'Harry qui ne put s'empêcher de sourire derrière sa bière. Puis, Luna Lovegood entra, avec un air si rêveur sur ses traits qu'il était impossible de savoir si elle venait pour la réunion ou si elle était simplement entrée par hasard. Les trois filles de l'équipe de Quidditch de Gryffindor entrèrent à leur tour, Justin Finch-Fletchley, Ernie McMillan, Susan Bones et Hannah Abbot qui paraissait extrêmement nerveuse. Ginny et Michael Corner entrèrent ensuite, accompagnés par deux amis de Michael de Serdaigle, Terry Boot et Anthony Goldstein. Juste avant que la porte ne se referme, Zacharias Smith se glissa dans l'ouverture, et Hermione cacha sa déception, parce qu'elle n'aimait pas trop ce garçon. Fred, George et Lee fermèrent la marche.

"Deux ou trois personnes ?" dit Harry d'une voix paniquée. "Deux ou trois personnes ?"

"En fait, on dirait que l'idée a eu pas mal de succès." répondit Hermione d'un ton enjoué. "Ron, tu veux bien aller chercher d'autres chaises ?"

Tout le monde commanda une Bièraubeurre chacun, ce qui causa un remue-ménage infernal dans le pub minuscule. Ron était en train d'ajouter des chaises autour de la table quand Harry attrapa la manche du pull d'Hermione entre ses doigts :

"Hermione, qu'est-ce que tu leur as raconté ?" dit-il à voix basse. "Qu'est-ce qu'ils veulent de moi ?"

"Je te l'ai dit, ils veulent simplement écouter ce que tu as à leur dire." En voyant son air soudain furieux, elle ajouta : "Tu n'as pas besoin de faire quoi que ce soit pour l'instant, c'est moi qui leur parlerai d'abord."

"Salut Harry !" lança joyeusement Neville en prenant place face à lui.

Harry lui rendit un pâle sourire plein d'angoisse. Hermione pouvait voir qu'il jetait des regards frénétiques vers Cho qui prenait place à côté de Ron. Quand tout le monde eut fini de s'installer et qu'ils fixaient intensément Harry, Hermione s'éclaircit la gorge :

"Euh… Et bien, euh, bonjour."

Elle imagina, le temps d'une brève seconde, la tête de Drago s'il entendait sa voix fluette à cet instant.

"Alors, euh… Bon, vous savez pourquoi vous êtes ici. Euh… donc, Harry a eu l'idée (Harry la fusilla du regard)… Je veux dire, j'ai eu l'idée… Que ce serait peut-être bien pour les gens qui veulent étudier la Défense Contre les Forces du Mal, et je veux dire étudier vraiment, pas se contenter des idioties que nous fait faire Ombrage, parce qu'on ne peut pas appeler ça des cours de Défense Contre les Forces du Mal…"

"Bien dit !" s'exclama Anthony Goldstein avec un sourire, ce qui rassura considérablement Hermione.

"Donc, j'ai pensé que nous devrions peut-être prendre nous-mêmes les choses en main." affirma-t-elle d'une voix plus assurée. "J'entends par là apprendre à nous défendre pour de bon, pas seulement en théorie, mais en jetant réellement les sortilèges…"

"Tu veux quand même réussir l'épreuve de défense le jour des BUSE, non ?" demanda Michael Corner.

Hermione se tourna vers lui. C'était la première fois qu'elle parlait avec le copain de Ginny.

"Bien entendu. Mais, plus encore, je veux suivre un véritable entraînement défensif parce que… parce que…"

Hermione prit une grande inspiration et ferma les yeux pour achever sa phrase :

"Parce que Lord Voldemort est de retour."

Le spasme qu'elle ressentit sur les bras en le disant ne fut rien comparé aux réactions excessives des autres : Marietta sursauta et fit tomber de sa bière sur sa robe, Terry Boot eut un spasme violent, et Neville laissa échapper un gémissement craintif.

"Enfin… C'est notre projet, en tout cas." poursuivit Hermione. "Si vous décidez de vous joindre à nous, il faudra voir comment nous ferons pour…"

"Où est la preuve que Tu-Sais-Qui est de retour ?" demanda Zacharias Smith d'un ton agressif.

"Eh bien, Dumbledore le croit…" commença Hermione.

"Tu veux plutôt dire que Dumbledore le croit, lui." répliqua-t-il, en désignant Harry d'un signe de tête.

"Et toi, t'es qui ?" demanda Ron brusquement.

Pour une fois, Hermione ne lui fit pas de regard noir en constatant sa grossiereté.

"Zacharias Smith." répondit le garçon. "Et j'estime que nous avons le droit de savoir exactement ce qui lui fait dire que Tu-Sais-Qui est de retour.

"Écoute, ce n'est vraiment pas l'objet de cette réunion…" dit Hermione.

"Laisse, Hermione." intervint Harry.

Il se redressa et fixa Zacharias dans les yeux pour lui répondre, avec une froideur peu commune :

"Ce qui me fait dire que Vous-Savez-Qui est de retour ? C'est que je l'ai vu. Mais Dumbledore a déjà raconté l'année dernière à toute l'école ce qui s'était passé et si vous ne l'avez pas cru, lui, alors vous ne me croirez pas, moi, et je n'ai pas du tout l'intention de perdre l'après-midi à essayer de convaincre qui que ce soit."

Toute la table retint son souffle. Même le barman semblait écouter le récit d'Harry en faisant semblant de nettoyer son verre.

"Tout ce que Dumbledore nous a dit l'année dernière, c'est que Cedric Diggory a été tué par Tu-Sais-Qui et que tu as ramené son corps à Poudlard." répliqua Zacharias avec dédain. "Il ne nous a donné aucun détail, il ne nous a pas expliqué comment Diggory avait été tué et je pense que nous aimerions tous savoir…"

"Si tu es venu pour entendre raconter ce qui se passe exactement quand Voldemort assassine quelqu'un, je ne peux rien pour toi." l'interrompit Harry. Un nouvel élan de colère le fit trembler. Il regardait Zacharias avec une étincelle de haine dans ses yeux verts. "Je ne veux pas parler de Cedric Diggory, d'accord ? Alors, ceux qui sont venus pour ça peuvent repartir tout de suite."

Il se mit à côté de l'oreille d'Hermione pour qu'elle puisse entendre son murmure saccadé :

"Partons, ce n'était pas une bonne idée, ils me regardent tous comme si j'étais une bête de foire…"

Hermione était sur le point de contester quand une voix flottante les interrompit :

"Est-ce que c'est vrai que tu arrives à faire un Patronus corporel ?"

Hermione n'eut pas besoin de chercher la source de la voix, elle reconnaissait le timbre de voix particulier de Luna Lovegood. Tout le monde s'était tourné vers elle, ahuris, mais ses yeux bleus transperçants étaient fixés sur Harry.

Ce dernier resta debout, les poings serrés le long de ses flancs, visiblement hésitants à se vanter devant tous ces gens.

"Oui, c'est vrai." répondit Hermione à sa place. "Je l'ai vu."

"Ça alors, Harry, je n'avais aucune idée que tu pouvais faire ça !" renchérit Dean, dont le visage était marqué par une certaine admiration.

"Maman a demandé à Ron de ne pas répandre la nouvelle." déclara Fred en souriant à Harry. "Elle dit que tu attires suffisamment l'attention comme ça."

"Elle n'a pas tort." marmonna Harry.

Plusieurs personnes éclatèrent de rire, ce qui réussit à détendre l'atmosphère tendue qui s'était instaurée depuis que Zacharias Smith avait pris la parole.

"Et tu as vraiment tué un Basilic avec l'épée qui se trouve dans le bureau de Dumbledore ?" demanda Terry Boot. "C'est ce que m'a dit l'un des portraits quand je suis allé là-bas, l'année dernière…"

"Hum, oui… C'est vrai…" répondit Harry.

Justin Finch-Fletchley émit un sifflement, et Lavande laissa échapper un "Wouao !" à mi-voix.

"Et à la fin de notre première année…" dit Neville en s'adressant à tout le monde, "Il a arraché la pierre phénoménale…"

"Philosophale." souffla Hermione.

"C'est ça, oui… À Vous-Savez-Qui." acheva Neville.

"Et il ne faut pas oublier toutes les tâches qu'il a accomplies l'année dernière pendant le Tournoi des Trois Sorciers." ajouta Cho avec un faible sourire. "En affrontant des dragons, des êtres de l'eau, l'Acromentule et tout le reste…"

Il y eut un murmure admiratif.

"Ecoutez…" dit Harry, et tout le monde l'écouta. "Je… Je ne veux pas jouer les faux modestes, mais j'ai toujours bénéficié de beaucoup d'aide au moment où je faisais tout ça…"

"Pas avec le dragon, en tout cas." dit aussitôt Michael Corner. "Ça, c'était une sacrée démonstration de vol."

"Bon, d'accord…" admit Harry à contrecoeur.

"Et personne ne t'a aidé à te débarrasser de ces Détraqueurs l'été dernier." fit remarquer Susan Bones.

Hermione et Ron échangèrent un regard amusé à l'idée qu'Harry soit félicité pour ses prouesses.

"Non…" reconnut Harry. "non. Bon, d'accord, je sais que j'ai réussi certaines choses sans aucune aide, mais ce que je voudrais vous faire comprendre, c'est…"

"Tu essayes de te défiler pour ne pas nous montrer ce que tu sais faire ?" intervint Zacharias Smith.

"Tiens, j'ai une idée pour toi." dit Ron d'une voix forte. "Et si tu la fermais ?"

Le garçon devint écarlate.

"Enfin, quoi, on vient tous ici pour qu'il nous apprenne des choses et là-dessus, il nous raconte qu'il ne sait rien faire du tout."

"Ce n'est pas ce qu'il a dit." grogna Fred.

"Tu veux qu'on se charge de te laver les oreilles ?" demanda George en sortant d'un des sacs de chez Zonko un long instrument de métal à l'aspect meurtrier.

"Ou n'importe quelle autre partie de ton corps, nous on n'est pas difficiles, on veut bien te coller ça où tu voudras…" ajouta Fred.

"Bien, alors." reprit précipitamment Hermione. "Essayons d'avancer… Le premier point, c'est : sommes-nous tous d'accord pour suivre des cours que nous donnerait Harry ?"

Tout le monde accepta, sauf Zacharias qui croisa les bras sans rien dire, trop occupé sans doute à surveiller l'instrument que Fred tenait à la main.

"Bien." dit Hermione, soulagée que quelque chose ait enfin été décidé. "Alors, la question suivante, c'est à quel rythme va-t-on le faire ? À mon avis, il faut au moins une séance par semaine, sinon ça ne vaut pas le coup…"

"Attends un peu, coupa Angelina. Nous devons être sûrs que ça ne va pas se télescoper avec notre entraînement de Quidditch."

"Ni avec le nôtre." dit Cho.

"Ni avec le nôtre." ajouta Zacharias Smith.

"Je suis certaine qu'on peut trouver une soirée qui convienne à tout le monde." dit Hermione d'un ton irrité. Le Quidditch commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. "Vous savez, c'est quand même assez important, il s'agit d'apprendre à nous défendre contre les Mangemorts de V-Voldemort…"

"Bien dit !" dit Justin, qui avait toujours été très gentil avec Hermione. "Personnellement, je pense que c'est très important, peut-être même plus important que tout ce que nous aurons à faire d'autre cette année, même avec les BUSES qui nous attendent !"

"Une fois par semaine, ça paraît bien." approuva Lee Jordan.

"Très bien." dit Hermione. "L'autre chose à déterminer c'est l'endroit où ça se passera…"

Tout le monde baissa la tête pour réfléchir à une proposition.

"La Bibliothèque ?" proposa Katie Bell.

Hermione sentit son coeur taper fort contre sa poitrine en entendant ça. Imaginer pratiquer les sorts à quelques mètres de la table reculée où Drago l'attendrait…

"Je ne pense pas que Madame Pince sera vraiment enchantée de nous voir pratiquer des maléfices dans sa Bibliothèque." dit Harry, au plaisir d'Hermione qui put mieux respirer.

"Bon, alors, on essayera de trouver autre chose." dit Hermione. "Nous enverrons un message à tout le monde lorsque nous aurons fixé une date et un lieu pour le premier rendez-vous."

Elle sortit un parchemin de son sac. Pour tout le monde, c'était un parchemin parfaitement normal, seule Hermione pouvait sentir le papier brûler sous le bout de ses doigts à cause du maléfice qu'elle lui avait lancé, la veille.

Pas la seule, apparemment. Fred et George observèrent le parchemin avec une expression perplexes sur leurs visages identiques.

"Je crois que nous devrions tous écrire notre nom simplement pour savoir qui était présent à cette première rencontre." annonça Hermione. "Mais je pense également que nous devrions tous promettre de ne pas crier sur les toits ce que nous avons l'intention de faire. Donc, si vous signez, vous vous engagez à ne rien révéler de ce que nous préparons, ni à Ombrage, ni à quiconque d'autre."

À sa gande surprise, Fred fut le premier à tendre la main. Il signa sans la moindre hésitation, puis le donna à George qui fit la même chose, et lança un sourire malicieux à Hermione.

"Euh…" dit lentement Zacharias, sans prendre le parchemin que George lui passait. "En fait, il suffira qu'Ernie me dise à quel moment aura lieu la prochaine réunion."

George le tendit à Ernie, mais ce dernier ne le prit pas non plus.

"Je…" dit-il avec hésitation. "Enfin, bon, nous sommes préfets… Et si jamais cette liste était découverte… Je veux dire… Tu nous as avertis toi-même, si Ombrage s'aperçoit…"

"Ernie, tu penses vraiment que je vais m'amuser à laisser traîner cette liste ?" demanda Hermione avec mauvaise humeur.

"Non, bien sûr que non." répondit Ernie qui sembla un peu moins anxieux. "Je… Oui, bien sûr, je vais signer."

La liste passa parmi tout le monde et quand Hermione la récupéra, elle fut surprise de constater que tout le monde avait signé. Elle rangea le parchemin dans son sac et croisa le regard de Ginny, qui lui fit un clin d'œil rassurant.

Petit à petit, chacun s'en alla vaquer à leurs occupations. Hermione termina sa Bièraubeurre et sortit avec Harry et Ron en dernier. Dès qu'ils eurent passé le palier, elle inspira plusieurs fois l'air pur de l'extérieur, qui était bien meilleur que l'odeur de la Tête de Sanglier.

"Je crois que ça s'est bien passé." dit-elle d'un ton joyeux.

"Ce Zacharias est un vrai furoncle." grommela Ron, en observant la silhouette du blond s'éloigner sur la grande route en face d'eux.

" Moi non plus, je ne l'aime pas beaucoup." dit Hermione. "Mais bon, plus on est, mieux ça vaut. Par exemple, Michael Corner et ses amis ne seraient pas venus si Michael ne sortait pas avec Ginny…"

Elle avait prévu de l'annoncer à Ron avant qu'il ne l'apprenne de quelqu'un d'autre, à la demande de Ginny. Elle savait qu'il le prendrait mal, mais elle ne s'était pas attendu à une réaction si disproportionnée : il avala de travers sa gorgée de Bièraubeurre qu'il avait toujours dans la main et recracha tout sur sa robe.

"Il QUOI ?" bredouilla-t-il en s'essuyant la bouche, les oreilles rouges. "Elle sort avec… Ma sœur sort… Qu'est-ce que tu veux dire par là, Michael Corner ?"

"C'est précisément pour ça qu'il était là avec ses amis… Bien sûr, ça les intéresse d'apprendre à se défendre, mais si Ginny n'avait pas dit à Michael ce qui se préparait…"

"Et quand est-ce que… Qu'elle… ?"

"Ils se sont rencontrés au bal de Noël et ont décidé de rester ensemble à la fin de l'année dernière." répondit posément Hermione.

Elle s'arrêta devant le magasin de plumes Scribenpenne. Drago lui en avait parlé à la fin de l'année précédente, et Hermione regarda les plumes de paon bleues quelques secondes. C'étaient les plus belles plumes qu'elle ait vues de sa vie. Mais le prix la découragea et elle tourna plutôt le regard vers les plumes de faisan, qui étaient beaucoup moins chères.

"Mmmm… J'aurais bien besoin d'une nouvelle plume." dit-elle.

Elle entra dans le magasin avec Ron et Harry.

"C'était lequel Michael Corner ?" demanda Ron, furieux.

"Le brun." répondit Hermione.

"Il ne me plaît pas du tout." dit-il aussitôt.

"Ça, c'est étonnant."

"Je croyais qu'elle avait un faible pour Harry !" continua Ron.

Hermione soupira en prenant l'aile des plumes de faisan, qui étaient exposées dans des pots en cuivre. Elle trouva la moins chère et inspecta son plumage marron, bien loin de la splendeur de la plume bleue de Drago.

"Ginny avait un faible pour Harry, mais elle a renoncé à lui il y a plusieurs mois. Ça ne veut pas dire qu'elle ne t'aime pas, bien sûr." ajouta-t-elle aimablement à l'adresse d'Harry.

Ce dernier ne semblait pas touché par ce changement, l'esprit ailleurs. Ron tremblait furieusement, ce qui agaçait énormément Hermione.

"C'est pour ça qu'elle me parle, maintenant ?" demanda Harry à Hermione. "D'habitude, elle ne disait jamais rien devant moi."

"Oui, exactement." répondit-elle. Elle prit une plume noire, et l'inspecta. "Bon, je crois que je vais prendre celle-ci…"

Elle alla au comptoir et paya sa plume. Ron, toujours aussi furieux, était collé à elle et respirait bruyamment contre sa nuque. Quand elle se retourna, il était si proche d'elle qu'elle lui marcha sur le pied.

"Ron !" s'écria-t-elle. "Voilà exactement la raison pour laquelle Ginny ne t'a pas raconté qu'elle sortait avec Michael, elle savait que tu le prendrais mal. Alors, pour l'amour du ciel, arrête de radoter avec ça."

"Qu'est-ce que ça signifie ? Qui prend les choses mal ? Je ne radote pas du tout…" dit Ron en sortant du magasin.

Tandis qu'il grommelait à voix basse, Hermione se tourna vers Harry et lui demanda à mi-voix :

"En parlant de Michael et Ginny… Ça va, entre Cho et toi ?"

Harry écarquilla grand les yeux et tourna précipitamment la tête vers elle.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Eh bien, elle te dévorait des yeux." répondit-elle avec un petit sourire.

Les joues d'Harry se colorèrent légérement et il reporta son attention sur la grande rue de Pré-Au-Lard, avec une expression de pur bonheur sur son visage qu'Hermione n'avait pas vu depuis des mois.

.

.


Drago


.

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"C'est quand même bizarre."

Pansy et Drago levèrent la tête en même temps vers Théo, qui venait de parler. Comme très souvent, il disait une phrase à voix haute, sans se rendre compte qu'elle n'avait aucun sens s'il ne partageait pas le reste de ses interrogations mentales.

"Qu'est-ce qui est bizarre ?" demanda Pansy.

Théo désigna la place vide à côté de lui, sur le banc des Serpentards.

"Blaise ne se lève plus en avance."

Drago regarda la place vide de son meilleur ami et haussa les épaules. Il avait remarqué le changement d'attitude de Blaise, lui aussi. D'habitude, Blaise était toujours le premier à s'asseoir à la table de la Grande Salle, et Drago arrivait le dernier. Cette fois-ci, Blaise n'était toujours pas là, et c'était souvent le cas depuis le début de l'année.

"Il reste encore plein de temps avant que les classes commencent." dit Pansy, aussi désinteressée que Drago. "Il doit être fatigué, c'est tout."

Drago reprit son petit-déjeuner, c'est-à-dire une pomme verte et un café. Théo retourna à sa lecture, avec l'intemporelle ride d'inquiétude marquée entre ses deux yeux.

Après une quinzaine de minutes de petit-déjeuner silencieux, Blaise arriva enfin. Drago le vit à l'entrée de la porte de la Grande Salle, et quand il vit son expression faciale, il marmonna un élégant :

"C'est quoi ce bordel ?"

Pansy et Théo regardèrent Blaise à leur tour et froncèrent les sourcils. Blaise était le garçon le plus inexpressif qu'ils connaissaient, alors ils étaient évidemment très surpris de le voir sourire de toutes ses dents. Il se fraya un chemin vers sa place habituelle et arriva près d'eux, rayonnant de bonheur.

"J'ai un rêve !" s'écria Blaise avant que quelqu'un ait pu lui demander ce qu'il lui arrivait.

Pansy et Drago eurent le même visage d'incompréhension. Théo, lui, s'esclaffa bruyamment :

"Ah, si seulement vous aviez une culture Moldue, vous saisiriez l'ironie de cette phrase." dit-il en riant.

"Quoi ?"

"Laissez tomber." répondit Théo avec un sourire connaisseur accroché aux lèvres.

"Qu'est-ce que tu racontes, Blaise ?" demanda Pansy.

"J'ai fait un rêve ! Pour la première fois depuis des années ! Je ne me souviens jamais de mes rêves !"

"C'est ça qui te rend si heureux ?" demanda Drago pendant que Blaise se servait un café noir. "Juste un rêve ?"

"J'y pensais pas mal depuis que Trelawney expliquait l'importance des rêves pendant un cours de Divination." dit Blaise, très sérieusement. "Je ne pouvais même pas compléter mon journal, je trouvais ça un peu triste... Mais cette nuit, j'ai fait un rêve ! J'ai un rêve, Pans', et tu peux l'analyser !"

En entendant ça, les pupilles noires de Pansy s'animèrent et elle se précipita sur son sac pour en sortir son foutu manuel de Divination. Théo perdit automatiquement son sourire et grogna :

"Ne me dis que tu crois aux conneries de Trelawney, toi aussi ?"

Blaise haussa joyeusement les épaules.

"Pas celles de Trelawney, mais celles de Pansy, oui."

Drago leva les yeux au ciel. Pansy, elle, eut un petit sourire touché avant de revêtir son visage grave qu'elle abordait tout le temps quand quelqu'un mentionnait sa matière préférée.

"Très bien, alors, raconte moi ce rêve." dit-elle d'une voix un peu mystique en ouvrant son livre.

"Alors, j'étais près d'un lac." commença Blaise. "Je ne sais pas lequel, peut-être le Lac Noir, mais la surface était verte, avec des nénuphars qui flottaient. Soudain, j'ai vu quelque chose dans le reflet, alors je me suis agenouillé sur le rebord et je me suis penché pour voir ce qu'il y avait dans les profondeurs. Au début, je n'ai rien vu, et j'étais prêt à remonter quand la surface a bougé, avec des ondes qui faisaient bouger les nénuphars. Et c'est qu'est apparu un visage."

Théo grimaça d'horreur, mais Blaise était tellement porté par son récit qu'il ne le vit pas et continua d'une voix rêveuse :

"C'était le plus beau visage que j'ai vu de ma vie. C'était une fille, à la peau pâle et à la bouche en cœur. Elle avait des longs cheveux qui flottaient autour d'elle, comme un halo. Elle ne m'a pas parlé, et moi non plus, on s'est juste regardés pendant plusieurs minutes, avant qu'elle ne disparaisse de nouveau dans les profondeurs du lac."

"Est-ce que tu avais peur ?" demanda Pansy, qui était en train de fouiller son manuel pour trouver la description de Blaise.

"Non, pas du tout." répondit-il, les yeux perdus dans le vide, un sourire dessiné sur ses lèvres. "J'étais calme. Elle me calmait. C'était comme si elle avait… Une aura."

"Et qu'est-ce que t'as pris, hier soir, pour faire ce genre de rêve ?" demanda sarcastiquement Théo.

"Ta gueule, Nott." répondit Blaise, sans perdre son air songeur qui lui ressemblait très peu.

"C'était une sirène ?" demanda Pansy.

"J'imagine, oui." dit Blaise, qui essayait de se souvenir de son rêve en plissant les yeux. "Je n'ai pas vu le reste de son corps, seulement son visage. Mais elle était si belle…"

"Les sirènes sont belles, c'est justement comme ça qu'elles attirent les hommes pour les piéger." répliqua Drago.

"Alors, une sirène, dans un lac, qui te regarde et qui disparait… J'ai trouvé !" s'exclama Pansy en faisant glisser son doigt sur la page.

"Quoi ?" s'étonna Théo. "C'est impossible que ce manuel pourri trouve un truc aussi précis."

"Si, il suffit d'intercroiser plusieurs mots clés pour trouver l'analyse qui correspond au rêve." dit Pansy.

Drago la vit lire la description du rêve dans sa tête, et son visage se ferma subtilement.

"Alors ?" dit Blaise avec espoir. "Qu'est-ce que ça dit ?"

"Hum…" dit-elle, clairement réticente à lire.

"Allez, dis !" pressa Blaise.

"Très bien, alors…" dit Pansy, hésitante. "Il est écrit : le rêveur va recevoir une nouvelle violente et douloureuse."

Le sourire de Blaise s'évanouit.

"Quoi ? Mais c'était un joli rêve !" dit-il d'une voix plaintive.

Pansy fit la moue, l'air de dire que ce n'était pas de sa faute. Blaise, vêxé, se ratatina sur le banc et but une gorgée de café.

"L'avantage, c'est que ce bouquin est tellement merdique qu'il ne donne pas de date exacte. Peut-être que tu recevras cette nouvelle dans quatre-vingt ans sur ton lit de mort ?" dit Théo, en évitant le pot de miel que Pansy avait jeté dans sa direction en entendant le mot "merdique".

"Ouais, peut-être…" dit Blaise évasivement.

"Tu n'as qu'à demander à Professeure Trelawney, tout à l'heure." proposa Pansy en remettant son manuel de Divination dans son sac. "Peut-être qu'elle pourra ajouter des précisions sur le symbolisme du rêve."

Blaise hocha la tête, mais Drago le connaissait suffisamment pour savoir qu'il ne ferait jamais une chose pareille.

"Et peut-être qu'elle pourra te donner un peu de ses plantes bizarres qu'elle met dans son thé, aussi." intervint Théo avec sarcasme. "Comme ça, tu pourras continuer à rêver de fées et de sirènes…"

Il s'interrompit quand Blaise lui donna une petite tape dans la nuque.

À cet instant, Montague, le garçon qui avait remplacé Flint en tant que capitaine de Quidditch des Serpentards, s'approcha vers eux. C'était un garçon trapu, aux sourcils épais qui lui donnait constamment une expression énervée. Avant même de les saluer, il parla à Drago d'une voix bourrue :

"T'as vu le mot dans la Salle Commune ?"

Théo et Pansy, qui ne faisaient jamais attention aux conversations qui concernaient le Quidditch, arrêtèrent d'écouter : Pansy mangea son toast au miel et Théo se replongea dans son bouquin.

Drago secoua la tête et Montague eut un soupir épuisé :

"Ombrage a interdit tous les rassemblements de plus de trois personnes dans l'école. Tous les clubs et les équipes."

Théo releva brutalement la tête et jeta un regard scandalisé à Montague.

"Pourquoi ?" demanda Blaise, étonné.

Le garçon haussa ses épaules carrées.

"Aucune idée. En tout cas, l'équipe des Serpentards a besoin d'être approuvée…"

"Approuvée ? Par Ombrage ?" demanda Drago.

"Ouais. Il faut qu'elle valide tout avant, sinon elle ne nous laissera jamais jouer. Et je voulais savoir… Tu sais, avec ton père, et tout ça… Est-ce que tu pourrais lui demander d'accélérer le processus ?"

Drago déglutit difficilement et sentit le regard inquisiteur de Théo sur lui.

"Je peux lui demander, ouais." finit par dire Drago en voyant l'air accaparé du pauvre Montague.

"Merci. L'entraînement de ce soir est annulé, mais tu me tiens au courant pour celui de mercredi ?"

"D'accord." dit Drago, et Montague s'en alla pour aller prévenir les autres.

Drago échangea un regard interloqué avec Blaise.

"Pourquoi est-ce qu'Ombrage a fait ça ?" demanda-t-il.

"Probablement pour prouver qu'elle a le contrôle pratiquement total de l'école, maintenant." dit Théo d'une voix lugubre.

"Ça fait chier !" s'écria Drago. "J'avais hâte de pouvoir m'entraîner ce soir !"

Ils n'avaient eu qu'un entraînement de Quidditch depuis la rentrée, mais il avait plu des cordes et Drago n'avait pas réussi à autant en profiter que d'habitude.

Théo arqua un sourcil.

"Ah, c'est maintenant qu'on s'attaque à ton précieux Quidditch que tu réalises enfin la menace qu'amène Ombrage à l'école ?"

Drago préféra ne pas répondre et rumina plutôt dans son coin.

"Vous voyez, c'est comme une partie d'échecs." expliqua Théo avec gravité, bien que personne ne prêtait vraiment attention à ce qu'il disait. "Au début, elle n'avance que quelques pions inoffensifs, pour ne pas attirer les soupçons. Puis, elle commence à attaquer, et mange des pièces agressivement, et nous, on n'a plus rien pour la contrer, et on se laisse prendre l'échiquier sans pouvoir rien faire. Elle est vraiment vicieuse, et je pense que…"

"Venez, on va être en retard." dit Pansy en se levant du banc.

Drago et Blaise la suivit, mais Théo parut offusqué.

"Ne prenez même pas la peine de me répondre, surtout !"

"Désolée." dit Pansy, qui ne paraissait pas désolée du tout. "Je ne comprends rien à ce que tu racontes, je n'ai jamais joué aux échecs."

En entendant ça, Théo écarquilla grand les yeux.

"Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ?"

Le temps qu'il ramasse son bouquin et son journal, Pansy avait déjà tourné les talons et avait atteint les portes de la Grande Salle. Théo trotta pour rejoindre Pansy et marcher à côté d'elle.

"Qu'est-ce que tu voulais dire ?" répéta-t-il.

"Je veux dire que je n'ai jamais joué aux échecs." expliqua-t-elle, indifférente.

"Mais ? Comment est-ce possible ?"

Ils marchèrent le long du couloir de Métamorphose pour atteindre la classe d'Histoire de la Magie, un cours qui permettrait à Drago de grappiller quelques minutes de sommeil supplémentaires. Pansy promena une seconde ses yeux sur Théo, comme pour déterminer s'il se moquait d'elle.

"C'est si grave que ça ?" demanda-t-elle.

"Non, mais… Je veux dire, les échecs…" dit Théo d'un ton saccadé. "J'ai appris à en faire en même temps que j'ai appris à parler… Tu n'avais pas de cours, avant Poudlard ?"

"Non." répondit-elle.

Drago était sûr qu'elle était de mauvaise humeur parce qu'elle n'avait pas le temps de fumer sa cigarette du matin.

"Mais tu as forcément joué avec nous !" continua Théo, toujours aussi estomaqué. "On y joue tout le temps, avec Blaise et Drago !"

"Je vous ai vu y jouer des centaines de fois." corrigea Pansy. "Mais je n'ai jamais joué moi-même. Et à chaque fois, je fais autre chose. Ça ne m'intéresse pas trop, pour être honnête."

"Mais…"

Ils étaient arrivés devant la classe, où le reste des Serpentards attendaient devant la porte.

"Réfléchis, Théo." dit Pansy sèchement. Elle s'adossa sur le mur et regarda Théo, dont les yeux étaient cachés par ses boucles couleur châtaigne. "Est-ce que tu m'as déjà vu jouer ? Est-ce qu'on a déjà joué l'un contre l'autre ?"

Théo réfléchit quelques secondes, puis secoua la tête.

"Je n'en reviens pas…" souffla-t-il.

"Ce n'est pas si choquant." dit Pansy en voyant son air affolé. "J'ai une tête à aimer les échecs ?"

Blaise ricana dans sa barbe mais Théo était toujours aussi effaré.

"Non, pas vraiment, mais… Tout le monde devrait savoir jouer aux échecs. C'est un super jeu."

"Tu aimerais bien, je pense." intervint Blaise. "C'est un jeu de stratégie, tu serais forte."

"Je suis forte à tous les jeux." répliqua Pansy avec un petit rire.

Drago aurait pu se moquer de sa voix hautaine, mais il devait admettre qu'elle avait raison : leur enfance n'avait été constituée que de Pansy qui gagne à tous les jeux et lui qui boude.

"Alors, pourquoi tu n'as jamais appris ?"

"Parce que je n'avais personne avec qui jouer." dit Pansy.

Drago s'insurgea instinctivement :

"Hé ! J'étais là !"

"Oui, mais tu passais ton temps à voler sur ton balai miniature, ou à inventer des jeux d'espions. Tu n'avais jamais la patience de t'asseoir et de m'expliquer les règles." répondit Pansy.

La cloche sonna et ils entrèrent tous dans la salle de classe. Les Gryffondors prirent le côté gauche de la salle, et les Serpentards le côté droit. Pansy s'installa à côté de Drago, et Blaise et Théo sur le pupitre derrière eux. Personne, à part Théo et Granger, ne sortit ses affaires pour prendre des notes. Blaise posa tout de suite sa tête contre le mur et ferma les yeux.

Juste avant que Binns ne fasse son entrée traditionnelle, c'est-à-dire traverser le tableau noir, Théo tapota l'épaule de Pansy devant lui et lui proposa à voix basse :

"Tu veux que je t'apprenne ? À jouer aux échecs ?"

Pansy réfléchit une seconde, l'air clairement pas intéressée. Puis, une idée surgit, et elle se tourna vers Théo :

"D'accord, mais j'ai un deal à te proposer."

Théo se pencha en avant pour l'écouter, avide de connaître sa proposition.

"Tu m'apprends à jouer aux échecs, et en échange, je t'apprends à méditer." annonça Pansy.

Les yeux bleus en amande de Théo se plissèrent un peu et il considéra ce deal silencieusement. Binns entra à cet instant, et salua les élèves d'un ton si morne que Drago faillit s'endormir en entendant ces quelques mots.

Le cours commença, et Drago posa sa joue contre la paume de sa main, prêt à dériver dans le sommeil, en regardant Granger prendre des notes à travers ses yeux à demi-fermés.

Juste avant qu'il ne s'endorme, bercé par le monologue de Binns sur la guerre des géants, il entendit alors le chuchotement de Théo dans son dos :

"Deal."

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Hermione


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.

Même si elle ne voulait pas l'admettre, Hermione aimait beaucoup les lundis, parce que c'était une journée où les Gryffondors partageaient tous leurs cours avec les Serpentards. Les années précédentes, elle avait toujours haï ce mélange. Elle n'avait jamais supporté la voix perçante de Pansy Parkinson ou les moqueries de Malefoy envers Harry.

Cette année, pourtant, elle adorait les lundis. Elle avait tout le loisir d'observer Drago de biais, essayer de deviner ce qu'il écrivait sur son papier, ou d'écouter ses conversations chuchotées avec ses amis. Parfois, il croisait même son regard, et ça lui envoyait une décharge d'adrénaline de la tête au pied.

Ce matin-là, ils avaient cours d'Histoire de la Magie. Ron et Harry avaient depuis longtemps arrêté de prêter la moindre attention au professeur Binns, et passaient plutôt leur cours à dessiner sur leurs parchemins ou somnoler. Un comportement qu'elle leur reprochait à longueur de journées en les menaçant chaque semaine de ne pas leur montrer ses notes pour leurs révisions des BUSES.

Drago faisait la même chose, mais quand c'était lui, Hermione n'était pas aussi vindicative. Elle le regardait discrètement et appréciait la manière dont ses cheveux étaient toujours décoiffés par le réveil, ou ses doigts ornés de bagues qui pliaient ses parchemins pour en faire des origamis. Théodore était généralement derrière lui, à prendre des notes à toute allure.

En ce lundi matin, Hermione était en train de noter la date de la rébellion des Géants quand Dean Thomas, qui était assis devant elle, se retourna pour lui chuchoter :

"Hermione, regarde."

Il pointa du doigt l'une des fenêtres du mur, où Hedwige était postée sur le rebord. Hermione haussa les sourcils, surprise par la présence de la chouette à cet endroit. D'habitude, quand elle apportait du courrier à Harry, c'était dans la Grande Salle au petit-déjeuner.

Elle donna un coup de coude dans les côtes d'Harry qui releva la tête avec fureur, clairement agacé d'avoir été interrompu dans sa somnolence :

"Quoi ?" demanda-t-il agressivement.

Elle lui montra Hedwige du doigt et aussitôt, les yeux d'Harry s'adoucissèrent en apercevant sa chouette. Il regarda le professeur Binns, qui avait la tête penchée sur ses notes, et glissa de sa chaise pour atteindre la fenêtre. Quand il l'ouvrit, Hedwige sauta sur son bras avec un petit hululement plaintif. Heureusement, toute la classe était bien trop endormie pour remarquer. Harry retourna à sa place et observa Hedwige, perchée sur ses genoux.

"Elle est blessée !" murmura-t-il en l'examinant.

Hermione tourna aussitôt la tête vers la chouette et reposa sa plume. Ron avait relevé la tête et regardait Hedwige d'un air hébété.

"Elle a l'aile de travers…" constata Harry, avec une pointe d'inquiétude.

Hermione caressa distraitement la tête d'Hedwige qui ferma les yeux. Quand Harry voulut toucher son aile, elle sursauta légèrement et rouvrit ses grands yeux jaunes pour lui lancer un regard de reproche.

Harry se leva maladroitement et mit sa chouette dans son dos, en veillant à ne pas la blesser.

"Professeur Binns ?" appela-t-il. "Je ne me sens pas très bien…"

Le fantôme releva une tête confuse de ses notes.

"Vous ne vous sentez pas bien ?" répéta-t-il d'un air absent.

"Non, pas bien du tout." déclara fermement Harry. "Il faut que j'aille à l'infirmerie."

Le changement de voix éveilla Drago qui grommela de colère. Hermione put l'entendre dire "Potter" à Parkinson avec hargne.

"Oui, oui… Oui, à l'infirmerie… Eh bien, allez-y, Perkins…" dit Binns, pris au dépourvu.

Hermione suivit Harry du regard jusqu'à ce qu'il referme la porte et que Binns reprenne sa leçon d'un ton morne. Hermione jeta un regard à Théodore, qui s'était interrompu dans son écriture aussi et contemplait la porte d'un air pensif.

Hermione se tourna vers Ron et lui chuchota :

"Il a dit que c'était en quelle année, la rébellion des géants ?"

Mais un ronflement sonore lui répondit et Hermione leva les yeux au ciel.

Harry ne revint pas pendant toute la classe. Quand la cloche sonna, Ron attendit qu'elle range ses affaires et prirent le chemin vers les cachots pour le cours de Potions.

"C'est quand même bizarre, ce qu'il s'est passé avec Hedwige." dit Hermione, perdue dans ses pensées.

"Ouais, elle n'avait jamais été blessée avant. C'est peut-être le vent qui l'a emportée un peu trop fort, et elle s'est pris un mur, ou quelque chose comme ça…" dit Ron, avant de bâiller avec force.

"Peut-être… Ou alors… Quelqu'un l'a peut-être interceptée ?" proposa Hermione en se mordant la lèvre.

Ron tourna la tête vers elle, la surprise marquée sur ses traits fatigués.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Peut-être que quelqu'un a deviné avec qui Harry… Correspond…" dit Hermione à voix basse pour ne pas que Lavande, qui marchait devant eux, puisse écouter ce qu'ils disaient. "Et que quelqu'un a reconnu Hedwige et l'a interceptée pour lire sa lettre."

Ils tournèrent dans le couloir et tombèrent sur Harry, qui avait le rouleau de parchemin dans la main, mais pas sa chouette. Il s'approcha d'eux et Hermione demanda dès qu'il fut à portée de voix :

"Comment va Hedwige ?"

"Où est-ce que tu l'as emmenée ?" ajouta Ron.

"Je l'ai confiée à Gobe-Planche, et j'ai rencontré McGonagall." expliqua Harry d'un ton anxieux. "Elle m'a dit quelque chose de très étrange, elle m'a dit que les voies de correspondance qui partent et entrent à Poudlard sont étroitement surveillées, l'air de dire que je devais faire attention au contenu de mon courrier…"

Hermione échangea un regard significatif avec Ron.

"Quoi ?" demanda Harry en regardant alternativement Ron et Hermione.

"J'étais justement en train de dire à Ron… Et si quelqu'un avait essayé d'intercepter Hedwige ? Elle n'avait jamais été blessée jusqu'à maintenant…"

"De qui est la lettre ?" demanda Ron en lui prenant le rouleau de parchemin des mains.

"Sniffle." répondit Harry, le surnom qu'il avait donné à Sirius pour que personne ne comprenne de qui il parlait à part eux.

Hermione lut le mot par-dessus l'épaule de Ron :

Aujourd'hui, même heure, même endroit.

"Même heure, même endroit… Ça veut dire la cheminée de la Salle Commune ?" demanda Ron, visiblement encore un peu ensommeillé après sa sieste.

"Bien entendu." répondit-elle. "J'espère que personne n'a vu ça… "

"Le rouleau était bien scellé." répondit Harry d'un ton confiant. "D'ailleurs, si on ignore l'endroit où nous lui avons parlé, personne ne peut comprendre de quoi il s'agit, non ?"

"Je ne sais pas." dit Hermione, inquiète, en remettant son sac à l'épaule alors que la cloche retentissait à nouveau. "Ce ne serait pas très difficile de sceller le parchemin une deuxième fois en appliquant une formule magique… Et si le réseau des cheminées est surveillé… mais je ne vois pas comment on pourrait lui écrire de ne pas venir sans que la lettre soit elle aussi interceptée !"

Le soir, Harry rangeait ses devoirs supplémentaires qu'il avait récolté en Potions, et Ron somnolait (encore) dans son fauteuil, quand le feu se mit à crépiter bizarrement. Quand Hermione tourna la tête vers l'antre de la cheminée, elle ne fut pas surprise de reconnaître le visage de Sirius au milieu des braises.

"Sirius !" s'exclama Ron.

"Salut." dit-il avec un sourire.

"Salut !" répondirent en choeur Harry, Ron et Hermione.

Pattenrond, qui s'était assoupi sur les genoux d'Hermione, ronronna en entendant sa voix et sauta par terre pour essayer de frotter sa tête contre celle de Sirius.

"Comment ça va ?" demanda le parrain d'Harry.

"Pas trop bien." répondit Harry, tandis qu'Hermione tirait Pattenrond en arrière pour l'empêcher de se brûler les moustaches. "Le Ministère a passé un nouveau décret qui nous interdit d'avoir notre équipe de Quidditch…"

"Ou de former un groupe de Défense Contre les Forces du Mal ?" acheva Sirius.

Il y eut un bref silence où Hermione sentit son ventre se tordre.

"Comment tu le sais ?" demanda Harry.

"Vous devriez vous montrer plus prudents dans le choix de vos lieux de rendez-vous." répondit Sirius avec un sourire malicieux. "La Tête de Sanglier ! Non mais vraiment !"

"En tout cas, c'était mieux que Les Trois Balais !" répliqua Hermione, sur la défensive. "Là-bas, c'est toujours plein de monde…"

"Ce qui signifie qu'il aurait été plus difficile d'entendre ce que vous disiez. Tu as encore beaucoup à apprendre, Hermione." répondit Sirius avec espièglerie.

"Qui nous a entendus ?" demanda Harry.

"Mondingus, bien sûr." Ils eurent des visages ébahis, et Sirius éclata de rire. "La sorcière voilée, c'était lui."

"Mondingus ?" répéta Harry, abasourdi. "Qu'est-ce qu'il faisait à La Tête de Sanglier ?"

"Qu'est-ce que tu crois ?" dit Sirius, comme s'il venait de poser une question évidente. "Il te surveillait, bien entendu."

"Je suis toujours suivi ?" demanda Harry avec colère.

"Oui, et ça vaut mieux si la première chose que tu songes à faire, c'est constituer un groupe illégal de défense."

Bien que sa phrase était clairement pleine de reproches, son parrain avait adopté un ton de fierté en le disant.

"Alors, tu ne crois pas qu'on le devrait le faire ?" demanda Ron.

"Moi ? Certainement pas !" répondit Sirius, surpris. "Je crois au contraire que c'est une excellente idée !"

"Vraiment ?" dit Harry, visiblement soulagé.

"Bien entendu !" assura Sirius. "Tu crois donc que ton père et moi, on se serait couchés et qu'on aurait obéi aux ordres d'une vieille harpie comme Ombrage ?"

"Mais l'année dernière, tu n'as pas arrêté de me dire que je devais être prudent et ne pas prendre de risques…"

"L'année dernière, nous avions tout lieu de penser que quelqu'un, à l'intérieur de Poudlard, essayait de te tuer, Harry !" répliqua Sirius, agacé. "Cette année, nous savons qu'il y a quelqu'un, à l'extérieur de Poudlard, qui aimerait bien nous tuer tous et voilà pourquoi apprendre à vous défendre efficacement me semble être une très bonne idée !"

"Et si on se fait renvoyer ?" demanda anxieusement Hermione, dont cette pensée réussisait à l'effrayer suffisamment pour garantir une insomnie.

"Hermione, c'est toi qui es à l'origine de cette idée !" s'exclama Harry.

"Je sais bien. Je me demandais simplement ce qu'en pensait Sirius…" répondit-elle.

Sirius prit une grande inspiration, ce qui envoya une petite rafale de fumée en plein milieu du visage de Pattenrond qui miaula d'offense.

"Il vaut mieux être renvoyé et capable de se défendre que de rester tranquillement assis dans une école sans avoir aucune idée de ce qui se passe dehors." répondit Sirius avec sagesse.

"Bien dit !" approuvèrent Harry et Ron d'une même voix enthousiaste.

"Donc, comment comptez-vous organiser ce groupe ? Où allez-vous vous réunir ?" demanda Sirius avec entrain.

"C'est le problème." dit Harry. "Je ne sais pas du tout où nous pourrions aller."

"Pourquoi pas à la Cabane hurlante ?" suggéra Sirius.

"C'est une idée !" dit Ron, très excité.

Hermione, en revanche, émit un "hmm" sceptique. Les trois autres se tournèrent vers elle, la tête de Sirius pivotant dans les flammes.

"À ton époque, Sirius, vous n'étiez que quatre à vous réunir dans la Cabane hurlante." expliqu-t-elle. "Vous aviez tous la faculté de vous métamorphoser en animaux et j'imagine qu'en vous serrant un peu, vous auriez pu tenir sous une seule cape d'invisibilité en cas de besoin. Mais nous, nous sommes vingt-huit et aucun d'entre nous n'est un Animagus, alors ce n'est pas une cape mais un chapiteau d'invisibilité qu'il nous faudrait.

"Ah oui, tu as raison." répondit Sirius, un peu dépité. "Mais je suis sûr que vous trouverez un endroit. Il y avait un passage secret assez spacieux derrière le grand miroir du quatrième étage, vous auriez peut- être assez de place pour y pratiquer des maléfices…"

"Fred et George m'ont dit qu'il n'existe plus." déclara Harry en hochant la tête. "Il y a eu un éboulement ou je ne sais quoi."

"Ah…" murmura Sirius avec un froncement de sourcils. "Bon, je vais y penser et je reviendrai…"

Il s'interrompit soudain, le visage soudain tendu, anxieux. Sa tête pivota sur le côté, le regard apparemment fixé sur le mur en briques de l'âtre.

"Sirius ?" s'inquiéta Harry.

Soudain, sa tête disparut et les flammes engloutirent le vide qu'il laissa en une seconde. Ils continuèrent de fixer la cheminée, s'attendant à ce qu'il revienne d'un instant à l'autre, mais le feu continua de crépir et Sirius ne revint pas.

"Pourquoi est ce qu'il…"

Hermione poussa alors un petit cri de terreur et se releva d'un bond, en même temps que Pattenrond qui déguerpit à toute vitesse jusqu'aux escaliers du dortoir.

Une petite main boudinée, aux ongles peints en rose fuschia, était apparue au milieu des flammes. Elle attrapait la bûche qui brûlait à la manière d'une pince, comme si elle espérait pouvoir saisir les cheveux de Sirius.

Et Hermione n'eut aucun problème à reconnaître cette main.

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L'apparition d'Ombrage dans le feu était toujours autant marquée dans leurs esprits, le lendemain. Ils passèrent leur matinée à ressasser ce qu'il s'était passé la veille. Hermione était maintenant persuadée qu'Ombrage avait lu le courrier d'Harry, comme elle l'avait suspecté quand Harry lui avait parlé de la fouille de Rusard pour trouver des Bombabouses commandées.

Le seul moment où Harry et Ron retrouvèrent leur moral fut quand Angelina leur annonça que l'équipe des Gryffondors avait été reconstituée, et qu'ils pouvaient s'entraîner dès le soir-même. Cette nouvelle sembla éclipser l'intrusion d'Ombrage de leurs esprits, parce qu'ils ne parlèrent plus que de Quidditch le reste de l'après-midi et pendant le dîner.

Pour Hermione, le moment où elle retrouva le moral fut quand elle entra dans la Bibliothèque et qu'elle retrouva Drago assis à la table ronde et reculée. Et le moment précis où elle oublia complètement la main d'Ombrage dans le feu fut quand il lui sourit en la voyant. Il parvenait à lui vider la tête, une sensation exquise qu'Hermione adorait de plus en plus.

"Bonsoir Granger." salua Drago pendant qu'elle posait ses devoirs sur la table. "Ça fait longtemps."

"Oui, je travaillais avec Harry et Ron…"

Il hocha la tête et n'insista pas. Elle aimait ça, chez Drago. Le fait qu'il ne lui demande pas de se justifier sur ses absences. Il comprenait qu'elle passe du temps avec ses deux meilleurs amis, même s'il les détestait.

"Tu veux du thé ?" proposa-t-elle en sortant sa tasse verte.

Drago hocha automatiquement la tête, l'air ravi de cette proposition. Etant donné qu'elle ne savait pas encore Conjurer des objets qu'elle ne connaissait pas bien, elle posa la tasse au centre de la table, entre eux deux, la remplit d'eau brûlante et y plongea un sachet de thé à la cannelle.

"On a qu'à boire tous les deux dedans." dit Hermione.

Drago accepta et ils se mirent au travail. Hermione avait déjà terminé ses devoirs avec une semaine d'avance, alors elle révisa l'Astronomie. Drago, lui, écrivait des formules de Métamorphose.

Ils s'enfermèrent dans la bulle de concentration qu'Hermione aimait tant. De temps en temps, Drago reposait sa plume pour prendre une gorgée de thé, et Hermione remarqua qu'il fermait les yeux de plaisir à chaque fois qu'il le faisait. Elle n'avait aucune idée qu'il aimait autant ça : si elle avait su, elle lui aurait proposé de partager bien avant.

Ils révisaient tous les deux depuis une demie-heure quand la voix de Drago brisa le silence :

"Est-ce que tu vas bien ?"

Hermione releva la tête, surprise, et vit qu'il l'observait, avec une ombre de scrupules dans ses yeux clairs.

"Oui, bien. Pourquoi ?"

"Tu n'as pas l'air d'aller bien, ces derniers jours." dit Drago, d'un ton presque accusateur.

"Non, je vais bien." dit Hermione avec assurance. "Juste fatiguée, et pas mal de devoirs."

Les traits du garçon se durcirent légèrement, faisant passer ses yeux bleutés d'inquiétude à des pupilles grises et froides, pleines de frustration.

"Tu utilises les mêmes mensonges merdiques que tu sers à Potter et Weasley toute la journée." dit-il, d'un ton soudain dur. "Mais ça ne marche pas sur moi. Quelque chose ne va pas, je le vois bien. Dis-moi, Granger."

Hermione était toujours étonnée de constaster à quel point Drago pouvait lire en elle. Elle se passa une main dans ses cheveux emmêlés en essayant tant bien que mal de les coiffer derrière ses oreilles, puis répondit d'une voix blanche :

"C'est juste que… Cette Ombrage… Je la déteste, c'est tout. Et c'est épuisant de détester quelqu'un… Tu ne trouves pas ?"

Drago réfléchit à ses paroles, puis haussa les épaules :

"Ce n'est pas si épuisant quand tu l'as fait toute ta vie, j'imagine."

Hermione se demanda de qui il pouvait bien parler. Son père, sûrement. Elle préféra ne pas lui poser la question, pour ne pas le rendre mélancolique.

"Qu'est-ce qu'elle t'as fait, pour que tu la détestes autant ?" demanda-t-il.

Comme à chaque fois qu'il lui posait une question, il faisait semblant de paraître détaché, mais Hermione savait qu'au fond, il était très intéressé par ses réponses.

"Elle se met en travers de mon chemin." répondit simplement Hermione.

Elle reprit son manuel d'Astronomie pour clore la conversation, mais Drago dit alors quelque chose d'inattendu :

"Je la déteste aussi."

Hermione reposa son manuel pour le regarder dans les yeux.

"Elle ne t'as rien fait, à toi." pointa-t-elle, se souvenant avec amertume du traitement de faveur qu'Ombrage accordait aux Serpentards.

"Non, pas vraiment." répondit Drago, les sourcils légèrement rapprochés par la réflexion. "Mais Théo la déteste, donc ça doit vouloir dire qu'elle ne mérite pas d'être appréciée, et mon père m'a suggéré de me mettre de son côté, ce qui veut forcément dire qu'elle est infâme."

Hermione acquiesça.

"Je t'ai vu lui parler, hier." dit-elle, d'une voix un peu plus acerbe qu'elle ne l'aurait voulu. "Qu'est-ce qu'elle te voulait ?"

"Montague m'a simplement demandé de profiter de mon statut pour lui demander de reconstituer l'équipe des Serpentards." répondit-il avec une franchise déconcertante. "J'ai juste eu à lui dire mon nom, et elle a tout de suite accepté. Une preuve de plus que je ne devrais pas l'aimer, tu ne crois pas ?"

"Elle est tellement prévisible." grogna Hermione.

"Ouais. En tout cas, je suis bien content de l'avoir fait, j'attends l'entraînement de demain avec impatience. J'ai hâte de monter sur un balai, j'ai l'impression que ça fait six mois."

Il regarda avec envie la fenêtre, bien que le ciel était noir depuis longtemps. Hermione avait levé les yeux au ciel quand Harry lui avait dit la même chose le matin-même, mais elle n'en fit rien pour Drago.

"D'ailleurs…" dit-il soudain, avec un petit sourire au coin des lèvres. "Tu ne m'as jamais dit comment s'était passé le pari ?"

Hermione eut des frissons sur le bras rien qu'en repensant à son expérience sur un balai, au Square Grimmaurd.

"Horrible. Affreux." répondit-elle aussitôt, et Drago éclata de rire en voyant sa réaction scandalisée à l'évocation de ce souvenir. "C'était atroce. J'en fais encore des cauchemars."

"À ce point-là ? Tu es montée à combien d'hauteur ?"

Hermione fit la moue.

"Deux mètres." marmonna-t-elle, ce qui fit éclater de rire Drago de nouveau. "Mais j'avais l'impression que c'était dix !"

"Merlin, j'aurais payé pour voir ça." dit-il, en prenant la tasse d'Hermione pour boire une gorgée de thé.

"Fred a fait une photo, si tu veux." grommela Hermione. "J'ai entendu dire qu'il en avait vendu quelques exemplaires, et Ginny l'a encadrée sur sa table de nuit."

"Tu dois m'en prendre une. Je t'en donne cinquante Gallions." asséna-t-il sur le champ.

Hermione leva les yeux au ciel en entendant une somme pareille, sans pouvoir s'empêcher de sourire. Il continua de rire une bonne minute, puis ils se remirent au travail.

Quand Madame Pince ferma les fenêtres, synonyme de la fermeture imminente de la Bibliothèque, Drago se redressa contre son dossier de chaise avec un soupir.

"Je suis épuisé."

Il rangea ses affaires et mit son sac par-dessus son épaule. Hermione termina le thé tiède d'une traite et commença à enrouler son parchemin. Drago se leva et la salua d'un geste de la main :

"À plus Granger, dors bien."

"Toi aussi, à samedi !" chantonna-t-elle.

Drago s'arrêta sur ses pas et se retourna lentement, les sourcils froncés.

"Samedi ?" demanda-t-il.

Hermione sentit aussitôt les rougeurs habituelles envahir son cou.

"Euh… Oui, je crois…" bredouilla-t-elle.

"Pourquoi samedi ?"

"Et bien… Demain, tu as ton entraînement de Quidditch, jeudi tu as ton cours particulier d'Alchimie, et vendredi tu as une ronde de préfet…"

Le visage de Drago s'étira dans un grand sourire en entendant son explication :

"Tu me traques, Granger ?"

"Quoi ? Non, non, pas du tout…" bégaya-t-elle, les joues maintenant brûlantes.

Drago ne perdit pas son sourire, au contraire, il s'agrandit :

"Oh, pas la peine de le nier, Granger. J'adore quand tu le fais." confessa-t-il, avant de tourner les talons pour de bon.

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Le lendemain, Hermione fut accueillie dans la Salle Commune par un Harry surexcité.

"Hermione ! J'ai trouvé ! Pour les meetings !"

"Un endroit ?" demanda Hermione, et Harry acquiesça vigoureusement.

"C'est Dobby qui a trouvé, en fait ! Il est venu me voir hier soir, après que tu te sois couchée, pour m'apporter Hedwige, et je lui ai demandé s'il connaissait un endroit dans le Château où on pourrait s'entraîner, et il m'a parlé de cette salle…"

"Ralentis Harry, tu parles trop vite !" se plaignit Hermione tandis qu'ils s'engouffraient par le tableau de la Grosse Dame pour aller déjeuner.

"Désolé, désolé !" s'excusa le brun d'un ton toujours aussi saccadé. "Dobby m'a donc parlé de cette salle, elle serait au septième étage et se matéraliserait en fonction des besoins des personnes qui l'utilisent. Par exemple, Dobby l'a utilisée pour y cacher Winky qui avait bu trop de Bièraubeurres, et il y a trouvé des potions pour guérir la gueule de bois, et un lit parfaitement à sa taille !"

"Donc, tu penses que si on cherche une salle pour pratiquer la défense, elle apparaîtrait comme une salle d'entraînement ?" demanda Hermione, perplexe.

"Oui !" s'écria Harry avec joie. "Il faut prévenir tout le monde. Ce soir, à 20h, on s'entraînera pour la première fois dans la Salle sur Demande."

Quand ils entrèrent dans la Grande Salle, la lueur des chandelles au plafond frémissait à cause de la tempête du-dessus.

Il plut toute la journée, sous un ciel plein de nuages gris qui faisaient tomber des gouttes de pluie de la taille de grêlons. Harry, Hermione et Ron firent passer le mot auprès de tous les inscrits des meetings, et par miracle, tout le monde fut disponible.

À 19h30, ils se rendirent donc au septième étage du Château, à l'endroit qu'avait indiqué Dobby. Harry sortit sa carte du Maraudeur et l'observa quelques secondes pour trouver Ombrage. Quand Hermione aperçut le nom de "Drago Malefoy" à la Bibliothèque, son cœur se serra. Son entraînement avait dû être annulé à cause de la pluie…

"Rusard est au deuxième étage, Miss Teigne au quatrième, et Ombrage est dans son bureau. La voie est libre."

Ils suivirent ensuite les instructions de Dobby, c'est-à-dire passer trois fois devant le mur face à la tapisserie, en pensant fort à ce qu'ils voulaient. Au troisième passage, une porte avait magicalement apparue dans le mur en pierres.

Quand ils entrèrent, ils eurent tous les trois le même cri de surprise. La Salle était parfaite, exactement comme ils l'avaient imaginée. Des bibliothèques étaient alignées le long des murs, avec des coussins par terre, utiles pour retomber après une Stupéfixion. Un grand espace en parquet était disponible pour leur permettre de s'entraîner, avec une immense cheminée au bout qui réchauffait agréablement la pièce.

Hermione consulta les ouvrages dans les bibliothèques avec un enthousiasme débordant. Au fur et à mesure, les personnes inscrites entrèrent dans la Salle, ébahis par un tel lieu, et Harry réexpliqua trois fois l'utilisation de la Salle sur Demande. À 20h, tout le monde était arrivé. Chacun s'installa sur un coussin, sauf Harry, qui resta debout face à eux.

"Bien." dit Harry, un peu nerveux. "Voici donc l'endroit que nous avons trouvé pour nos séances d'entraînement et euh… Apparemment, il vous convient."

"C'est fantastique !" dit Cho.

Des murmures approbateurs s'élevèrent de toutes parts.

"C'est bizarre." dit Fred, les sourcils froncés. "Un jour on s'est réfugiés ici pour échapper à Rusard, tu te souviens, George ? Mais, à l'époque, c'était un simple placard à balais."

"J'ai réfléchi à ce qu'on devrait faire au début et… euh… Qu'est-ce qu'il y a, Hermione ?" demanda Harry en la voyant lever la main.

"Je pense qu'il faudrait commencer par élire un chef." dit-elle.

"C'est Harry, le chef." dit aussitôt Cho en regardant Hermione comme si elle était folle.

"Oui, mais je pense qu'il faudrait procéder à un vrai vote." poursuivit Hermione, qui avait la nette impression que Cho ne l'aimait pas beaucoup. "Ça officialisera la fonction et ça lui donnera l'autorité nécessaire. Alors, ceux qui pensent que Harry doit être le chef de ce groupe, levez la main."

Tout le monde le fit sans hésitation.

"Bon, euh… Très bien, merci…" dit Harry, gêné. "Et… Quoi, Hermione ?"

"Je pense que nous devrions aussi nous donner un nom." dit-elle d'une voix claironnante, la main toujours en l'air. "Ce serait une façon de créer une unité et un esprit d'équipe, vous ne croyez pas ?"

"On n'a qu'à s'appeler la Ligue des champions anti-Ombrage." proposa Angelina, avec optimisme.

"Ou alors, le Front de libération contre les Crétins du Ministère, suggéra Fred, avant de faire un clin d'oeil à Hermione avant qu'elle ne puisse s'énerver sur la ressemblance avec le nom de son association.

"Moi, je pensais plutôt à un nom qui ne dévoilerait pas tout de suite ce que nous faisons." reprit-elle. "Comme ça, on pourrait en parler sans risque en dehors des réunions."

"L'Association de Défense ?" risqua Cho. "En abrégé, ça donnerait A.D, personne ne saurait de quoi il s'agit."

"Oui, c'est pas mal l'A.D." approuva Ginny. "Mais ce serait mieux si ça voulait dire l'Armée de Dumbledore, puisque c'est la pire crainte du Ministère, non ?"

Il y eut des éclats de rire.

"Tout le monde est d'accord pour l'A.D ?" demanda Hermione, et tout le monde approuva.

Elle sortit le parchemin avec leurs noms et le placarda au mur de la Salle, puis elle écrivit en toutes lettres :

L'ARMÉE DE DUMBLEDORE

"On passe à la pratique, maintenant ?" proposa Harry. "Je pense que la première chose que nous devrions faire, c'est Expelliarmus, le sortilège de Désarmement. Je sais que c'est assez élémentaire mais je me suis rendu compte qu'il était très utile…"

"Oh, non, s'il te plaît !" dit Zacharias Smith en levant les yeux au plafond, les bras croisés. "Je ne crois pas qu'Expelliarmus puisse vraiment nous aider contre Tu-Sais-Qui…"

"Je m'en suis servi contre lui." dit Harry d'une voix posée. "Ça m'a sauvé la vie en juin."

Smith ouvrit la bouche d'un air niais.

"Très bien." reprit Harry. "Nous allons former des équipes de deux et nous mettre au travail."

Tout le monde se leva et Ron et Hermione s'approchèrent naturellement l'un de l'autre. Ron lui fit un petit sourire timide.

Ils se mirent face à face, la baguette brandie sur l'autre, et s'entraînèrent chacun leur tour. Le désarmement d'Hermione était un peu plus violent que celui de Ron : sa baguette volait sur plusieurs mètres, alors que celle d'Hermione glissait plutôt de ses mains. Ron recommença le sort plusieurs fois avec une motivation qu'Hermione avait rarement vu pendant les classes traditionnelles.

Ils continuèrent de s'entraîner jusqu'à 21h10, et Harry arrêta la première séance pour ne pas trop dépasser le couvre-feu. Ils se mirent d'accord pour se retrouver au même endroit le mercredi suivant, puis rentrèrent chacun dans leurs Salles Communes, avec le sentiment d'avoir fait quelque chose de bien ancrés dans leurs membres endoloris.

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Le samedi matin, alors qu'Hermione prenait son petit-déjeuner habituel avec Ginny, Ernie McMillan vint vers elle pour lui demander s'il était possible d'échanger sa ronde du soir-même avec celle de sa fin du mois, qu'elle était censée partager avec Hannah Abott, parce qu'il avait attrapé un rhume à cause de la pluie. Hermione accepta, bien que ce fut à contrecoeur. Elle n'avait pas vu Drago depuis le mercredi.

Hermione retrouva donc Anthony Goldestein après le dîner.

"Ce n'était pas Ernie qui devait venir ?" demanda-t-il en la voyant s'avancer vers lui, son insigne de préfète de Gryffondor accroché fièrement à sa poitrine.

"Il est malade, il m'a demandé de le remplacer." expliqua-t-elle. "Ça ne te dérange pas ?" ajouta-t-elle, soucieuse.

"Non, non, au contraire !" s'écria Anthony en prenant les escaliers pour commencer à patrouiller.

Hermione lui sourit, et ils échangèrent des premières banalités pour faire une conversation.

Anthony était un garçon aux cheveux blonds aux reflets cuivrés, avec des grands yeux bleus foncés et une mâchoire carrée. Il ne faisait que quelques centimètres de plus qu'Hermione, et il souriait tout le temps, lui donnant une mine sympathique en permanence. Il était très sociable et extraverti, et la conversation était toujours facile avec lui : Hermione n'avait pas besoin de trouver des sujets pour ne pas rendre la ronde embarrassante, ils parlaient de tout et de rien, et Anthony avait toujours quelque chose à dire pour rebondir quand le silence s'installait.

Hermione se fit la réflexion qu'après Drago et Ron, Anthony était probablement son préfet préféré pour faire des rondes.

Ils discutèrent des BUSES et des avancées de leurs révisions respectives, puis ils dérivèrent sur le dernier essai de Botanique. Hermione lui parla de son herbier, et Anthony lui raconta une histoire sur la pauvre Lisa Turpin qui avait fait exploser son Bulbe sauteur en classe la semaine précédente, et son imitation fut tellement drôle qu'Hermione rit pendant tout le deuxième étage, jusqu'à en devenir toute rouge et essoufflée.

Ensuite, ils inspectèrent le troisième étage, puis le quatrième, et ne trouvèrent personne. Quand ils arrivèrent au cinquième, Anthony évoqua sa famille, et Hermione lui demanda d'où il venait. Elle apprit qu'il avait grandi à Yorkshire, dans le Nord de l'Angleterre, et que son père était un Moldu. Ils parlèrent donc de leurs familles et de leurs éducations moldues, et Hermione trouva son héritage tellement intéressant qu'elle ne réalisa pas qu'ils étaient déjà au septième étage.

Quand ils passèrent devant le mur où se cachait la Salle sur Demande, Anthony le pointa du doigt en s'exclamant :

"La première séance était super, tu ne trouves pas ? Harry est vraiment doué en professeur, je n'avais jamais réussi à désarmer quelqu'un aussi rapidement avant !"

Hermione sourit et ils parlèrent de l'Armée de Dumbledore en patrouillant dans la Tour d'Astronomie, puis ils redescendirent tous les étages pour inspecter le rez-de-chaussée. L'heure du couvre-feu était maintenant dépassée : tous les couloirs étaient silencieux, et la plupart des torches étaient éteintes, créant une atmosphère de calme dans le Château. Hermione pouvait entendre les fines gouttes de pluie tomber contre le plafond et les fenêtres.

Quand il ne restait plus que les cachots et une dizaine de minutes avant la fin de la ronde, Hermione proposa de descendre les escaliers jusqu'aux sous-sols puis de remonter dans leurs Salles Communes. Au moment où ils descendirent les escaliers, cependant, ils entendirent un bruit dans le Hall et rebroussèrent chemin en essayant de repérer l'intrus dans l'obscurité.

Ils n'entendirent rien au début, puis des bruits légers de pas feutrés. Hermione pensa même voir Miss Teigne sortir de l'ombre, alors elle fut très surprise de deviner une grande silhouette dans le noir. C'était un garçon qui marchait silencieusement. Quand il s'avança assez près d'eux pour qu'ils puissent voir quoique ce soit, Hermione reconnut ses cheveux blonds d'assez loin et étouffa un hoquet de surprise.

Drago marchait jusqu'aux escaliers des cachots, manifestement perdu dans ses pensées.

Tellement, d'ailleurs, qu'il ne remarqua la présence d'Anthony et d'Hermione qu'à la dernière seconde, et il se stoppa brutalement. Hermione réalisa qu'il devait venir du banc, et qu'il avait probablement emprunté la porte que Rusard oubliait toujours de fermer. Elle sentit un pincement au cœur en pensant qu'il l'avait attendue là-bas. Ses yeux gris restèrent fixés sur Hermione une seconde, et elle put presque deviner de la joie sur son visage, avant que son regard ne se tourne vers Anthony et que son expression faciale se figea.

Anthony s'approcha de quelques pas et eut un réflexe qu'Hermione ne comprit pas vraiment : il sortit sa baguette et la pointa sur Drago, qui, pourtant, n'était pas armé.

"Qu'est-ce que tu fous là, Malefoy ?" demanda-t-il, d'une voix bien lointaine du ton amical qu'il avait employé toute la soirée.

"Je marche, comme tu peux le voir." fut la réponse froide de Drago.

Anthony serra encore plus sa prise sur sa baguette.

"Tu ne devrais pas être là, le couvre-feu est dépassé depuis longtemps."

"C'est pour ça que je voulais prendre les escaliers, mais tu me bloques le passage, Goldstein." grogna Drago. "Pourrais-tu abaisser ta baguette, et dégager de mon chemin ?"

"On pourrait te mettre une retenue, tu sais !" cria Anthony, sans baisser sa baguette pour autant.

Drago ne parut pas du tout intimidé par cette menace, au contraire, il jeta un coup d'œil amusé à Hermione, comme si l'idée qu'elle puisse lui mettre une retenue était hilarante. Anthony intercepta ce regard, mais il dût l'interpréter comme une injure, parce qu'il se mit mécaniquement devant Hermione pour la protéger.

Hermione pouvait voir que Drago n'aimait pas ce geste. Il perdit l'éclat amusé de ses yeux, qui devinrent plutôt des fentes grises pointées sur Anthony. Hermione crut, pendant une seconde, qu'il allait sortir sa baguette aussi et se battre en duel avec le préfet, mais il se retint, et préféra plutôt serrer fort ses poings. Il regarda successivement Hermione et Anthony, qui était toujours placé devant elle, la colère émanant tellement de ses pores qu'Hermione pouvait presque sentir la chaleur de son sang à quelques mètres de lui.

"Je suis préfet, je te signale." cracha Drago avec haine.

"Et alors ? Ça ne te donne pas le droit de te balader dans les couloirs comme tu le souhaites !" répliqua Anthony.

"Oh, arrête un peu, Goldstein." siffla Drago. Il fit quelques pas en avant et s'arrêta quand le bout de la baguette d'Anthony touchait son pull. "Tous les préfets restent dans les couloirs après le couvre-feu, c'est l'un des seuls avantages à devenir préfet, et tu le sais très bien. Tu utilises ça juste parce que c'est moi que t'as croisé. Si c'était la gentille Abbott, tu lui aurais rien dit du tout, pas vrai ?"

Anthony ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, à court de mots, et jeta un regard en biais à Hermione.

"Baisse ta baguette, Anthony." conseilla-t-elle d'une voix douce. "Tu vois bien qu'il n'est pas armé."

Il obéit, mais la garda tout de même le long de son flanc. Drago observa Hermione et son visage se tordit dans une expression de claire hostilité.

"C'est bon, je peux y aller ?" demanda-t-il d'un ton narquois à l'adresse du Serdaigle.

Anthony parut hésiter, puis hocha une fois la tête, et Drago reprit sa marche dans des pas traînants jusqu'aux escaliers. Juste avant de disparaître, il jeta un dernier regard à Hermione, et il était vraisemblablement furieux, sans qu'elle comprenne pourquoi. Elle venait de le sauver, après tout…

Anthony rangea sa baguette et poussa un soupir agacé en se retournant vers elle :

"Ça va, tu vas bien ?"

Hermione fronça les sourcils.

"Euh, oui, très bien… Il n'a rien fait."

"Il aurait très bien pu. Heureusement que les préfets sont par pairs, tu imagines ce qu'il aurait pu te faire si tu avais été seule ?"

Hermione sentit l'indignation lui monter à la tête. Elle mourrait d'envie de défendre Drago, mais elle ne pouvait pas, alors elle hocha la tête à contrecoeur.

Ils descendirent les escaliers en silence. Hermione chercha la porte de la Salle Commune des Serpentards au bout du couloir, mais elle n'était plus là, Drago devait déjà être rentré. Elle laissa Anthony chercher dans les pièces, puis quand ils furent certains que personne n'était caché, ils remontèrent les escaliers jusqu'à la tour des Gryffondors.

"Bonne nuit Hermione !" lança-t-il avec un sourire, juste avant qu'elle ne prononce le mot de passe à la Grosse Dame.

"Bonne nuit Anthony."

Hermione entra dans la Salle Commune vide et monta directement au dortoir. Pattenrond n'était pas là, probablement en train de flâner dans le Château, et les deux lits de Lavande et Parvati étaient fermés. Elle fit une rapide toilette et se mit en pyjama dans la salle de bains, et quand elle en sortit, elle entendit un hululement vers la fenêtre.

Il était difficile de voir Ébène dans la nuit noire, mais Hermione l'avait tellement vu cet été qu'elle le reconnut immédiatement. Elle ouvrit un peu la fenêtre, assez grand pour prendre la lettre attachée à sa patte, mais pas assez pour que les filles puissent entendre le vent s'engouffrer dans la pièce.

Hermione décrocha le parchemin et Ébène resta sur le rebord à attendre sa réponse. Elle le déroula, et l'écriture en italique la fit sourire : elle lui rappelait leur correspondance estivale, où elle attendait chaque lettre avec impatience.

Cette lettre là était courte, avec seulement quelques mots griffonnés à la va-vite :

Qu'est-ce que tu foutais avec lui ? Tu n'étais pas censée être en ronde ce soir.

Hermione pouvait entendre sa voix dire ces mots, avec une telle précision qu'elle se demanda s'il n'avait pas ensorcelé le parchemin pour lire ces mots à voix haute.

Elle prit une plume sur son bureau et répondit, juste en dessous de sa phrase :

Tu me traques, Malefoy ?

Elle donna le mot à Ébène, qui s'envola dans la nuit noire et revint quelques minutes plus tard.

Oui.

Hermione eut un petit rire face à cette franchise et répondit :

Ernie était malade et m'a demandé de le remplacer.

Elle accrocha le mot à la patte du hibou, et la réponse fut encore plus rapide :

Et tu avais besoin de le faire avec Goldstein ?

Hermione leva les yeux au ciel.

Tu es jaloux ?

Quand le parchemin revint, son écriture en italique fut encore plus désordonnée, comme s'il avait écrit trop vite.

Non, pas du tout. Juste protecteur.

Hermione pensait que c'était un mensonge.

Tu n'as pas besoin de me protéger d'Anthony. Il est gentil.

Quand Ebène arriva à la fenêtre, il avait l'air clairement agacé par ces allers-retours : il tendit sa patte, le bec relevé dans une posture outrée.

Je ne l'aime pas.

Hermione leva de nouveau les yeux au ciel en lisant cette réponse enfantine.

Je faisais simplement une ronde avec lui, pas de quoi être jaloux.

La réponse mit du temps à arriver cette fois-ci, Hermione se demanda même s'il allait répondre, mais Ébène revint sur le rebord dans un bruissement d'ailes.

Je ne suis pas jaloux. Je ne l'aime juste pas, c'est tout.

Hermione retourna le papier pour répondre au dos :

Tu n'aimes aucun garçon que je fréquente.

L'hibou repartit, et revint une minute plus tard :

C'est vrai.

Elle se pencha une dernière fois pour répondre :

Bonne nuit, Drago.

Hermione ferma la fenêtre, mais Ébène revint, les plumes plus ébourrifés que jamais et les yeux perçants de reproche.

Bonne nuit, Granger.

Et si tu rêves d'un garçon blond ce soir, je préférerais que ça soit moi.

Elle dû se couvrir la bouche en riant, au risque de réveiller ses colocataires.

Hermione caressa la tête d'Ébène, ferma la fenêtre et rangea le parchemin dans le tiroir de sa table de nuit, sous les lettres de Danny.

Puis, Hermione se mit dans son lit et ferma ses rideaux, en priant pour rêver de cheveux blonds cendrés, et pas des cheveux cuivrés d'Anthony.