Hello tout le monde! Merci pour toutes vos reviews, ça me fait trop plaisir de vous lire! J'essaie d'y répondre un maximum, mais sachez que même si ce n'est pas le cas, je lis tous les commentaires et je screen même ceux que j'aime le plus pour les relire quand j'écris/manque d'inspiration :)

Pour me faire pardonner de mon absence de la semaine dernière, ce chapitre est un peu plus long que d'habitude, 43 pages sur Docs, et c'est un de mes préférés parce qu'Halloween est ma fête préférée! Bonne lecture à tous!

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Drago


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La dernier jeudi d'Octobre, alors qu'un orage faisait trembler les murs du Château et grondait au-dessus de leurs têtes pendant le dîner, Drago se rendit dans le bureau de Rogue, comme toutes les semaines.

Quand il fut invité à entrer, cependant, il remarqua tout de suite que quelque chose avait changé.

D'habitude, le bureau de Rogue était pratiquement plongé dans l'obscurité. Seule la lueur de quelques chandelles posées sur la cheminée ou le bureau éclairait la pièce, lui donnant un aspect lugubre que Granger aurait probablement détesté. Ce jour-là, une autre source de lumière illuminait le bureau de Rogue. Une lumière bleue foncée, qui était projetée au plafond et formait des petites ondulations sur la pierre, comme les vagues d'un océan.

Drago chercha la source et la trouva au fond de la pièce. C'était une grande bassine en pierre grise, avec des runes gravées sur les rebords. Il y avait de l'eau à l'intérieur, mais Drago n'avait jamais vu une eau si lumineuse, si éclatante. Rogue était penché au-dessus, les yeux fermés, et Drago remarqua que des filaments blancs sortaient de sa tête et s'emmêlaient autour de sa baguette. C'était une vision étrange, que Drago ne comprit pas.

"Asseyez-vous." ordonna Rogue, et Drago le fit sans le quitter des yeux.

Rogue arracha deux autres filaments, sans rien afficher sur son visage qui pourrait montrer que cette entreprise était douloureuse. Il les déposa délicatement dans la bassine, et les filaments fondirent dans l'eau vaporeuse étrange, jusqu'à disparaître dans les profondeurs.

"Savez-vous ce qu'est cet instrument, Drago ?" demanda Rogue de sa voix grave.

Drago se souvenait avoir déjà vu une bassine de la sorte dans le bureau caché de son père au Manoir, mais elle était beaucoup plus petite, et il ne se souvenait plus du nom. Il secoua la tête et son professeur expliqua, en continuant de s'extraire des fibres laiteuses de sa tempe :

"Ceci est une Pensine. Un instrument très rare, et très utile. On y extrait des pensées, on les dépose à la surface, et nous pouvons ensuite les consulter."

"Les consulter ?" répéta Drago, ébahi.

"Oui. Il suffit de pencher sa tête jusqu'à toucher la pensée, et la personne est plongée dans le souvenir comme si elle les revivait du point de vue de la personne qui y a assisté."

Rogue utilisa sa baguette pour la tremper dans l'eau de la Pensine et faire tournoyer les filaments de pensées. Quand il le fit, Drago se rendit compte que la bassine n'était pas vraiment remplie d'eau, mais plutôt d'une matière très étrange, que Drago n'avait jamais vu auparavant : une sorte d'air solide, qui projetait cette lumière bleue sur le visage pensif de Rogue.

Finalement, le professeur se recula et la surface de la Pensine retrouva un aspect blanc. Rogue contourna la chaise de Drago et s'assit à son bureau. Il contempla le garçon en face de lui une bonne minute, dans un silence pétrifiant, puis déclara d'une voix solennelle :

"Drago, vous avez réussi."

"Réussi ? Quoi donc ?" demanda Drago, sincèrement perdu. Il jeta un regard vers la Pensine, effrayé de ce que Rogue avait pu voir là-dedans pour lui faire dire ça.

"Vous avez réussi à parfaitement maîtriser la science de l'Occlumancie." expliqua Rogue.

Drago écarquilla grand les yeux, ne s'attendant pas du tout à une telle annonce. Il avait pensé qu'après ce que Rogue lui avait fait endurer depuis la rentrée, il était encore loin d'être en contrôle de sa tête comme il l'aurait voulu.

"Quoi ? Déjà ? Mais vous arrivez encore à entrer dans ma tête quand je ne m'y attends pas !"

"Plus maintenant." dit Rogue en posant son menton sur ses doigts entremêlés. "Vous parvenez à fermer votre esprit, me repousser, ou subir mes intrusions sans rien montrer sur votre visage. Tous vos souvenirs sont rangés dans votre pièce secrète et personne ne peut y accéder. Même pas moi."

Rogue avait une expression étrange sur le visage, et Drago était incapable de dire si c'était de la fierté ou de la rancoeur.

"Qu'est-ce que ça veut dire ? Nous n'aurons plus de leçons ?" demanda-t-il.

"Et bien, si vous le souhaitez, vous pouvez continuer à venir et vous entraîner ici." dit Rogue, en montrant la pièce autour d'eux. "Ou alors, vous pouvez venir les jeudis soirs pour méditer et ranger vos souvenirs sans être dérangé. Ou bien… Je peux vous apprendre… autre chose."

Il désigna la Pensine au fond de la pièce d'un revers de la main.

"La Legilimancie." annonça Rogue gravement.

Aussitôt, les sourcils de Drago se froncèrent. Il ne savait pas encore comment marchait vraiment la Legilimancie, mais il savait que c'était un art bien plus sombre que l'Occlumancie.

"Comment ?" demanda Drago d'un air suspicieux.

Rogue décolla son menton de ses mains et contempla Drago calmement, comme s'ils parlaient de son évaluation de Potions de la semaine précédente et non pas de l'une des branches les plus obscures de la magie noire.

"Et bien, au lieu que je rentre dans votre esprit, c'est vous qui rentrerez dans le mien."

Drago fronça encore plus les sourcils. Quand il parlait avec Rogue, il avait toujours l'impression de résoudre une énigme complexe, ou que son professeur gardait volontairement des informations précieuses pour que Drago utilise chacun de ses neurones pour comprendre les sous-entendus de ses phrases. Il avait toujours pensé que ça ressemblait à un jeu d'échecs, sauf que Rogue avait toujours quelques pièces en plus.

"Vous voulez que je pratique la Legilimancie sur vous ?" demanda Drago pour être sûr de bien comprendre.

"Si vous êtes d'accord." répondit le professeur. "J'ai mis tous mes souvenirs privés dans la Pensine, pour que vous n'y soyez pas confrontés si vous parvenez à entrer dans mon esprit. Je vous apprendrai comment faire, et nous verrons si vous avez des prédispositions à la Legilimancie autant que vous en avez en Occlumancie. Voulez-vous essayer ?"

Drago était sur le point de refuser. Il pensait que forcer son passage dans l'esprit de quelqu'un pour y trouver des informations était un geste particulièrement atroce, et il n'avait jamais eu l'attention de le faire jusqu'à présent.

Puis, il pensa à Pansy, Théo et Blaise, qui s'entraînaient à méditer depuis qu'ils avaient appris la véritable raison pour ses entrevues avec Rogue, et à Granger, à qui il voulait impérativement enseigner l'Occlumancie pour qu'elle puisse garder ses souvenirs cachés, elle aussi. S'il voulait leur enseigner, il était obligé d'apprendre la Legilimancie pour les entraîner.

Donc, Drago se fit une promesse. Il se promit de n'utiliser la Légilimancie qu'à des fins enseignantes, ou en cas d'urgence.

Il hocha la tête en direction de Rogue pour montrer qu'il était d'accord. Il ne fit pas de commentaire et se leva, et Drago fit pareil, presque avec autant d'hésitation que la première fois qu'il s'était levé pour pratiquer l'Occlumancie. Il se plaça face à son professeur et sortit sa baguette.

"La Legilimancie n'est pas aussi fatiguant que l'Occlumancie, mais vous verrez qu'elle nécessite une plus grande dose de magie." expliqua Rogue. "Vous devez prononcer clairement le sort "Legilimens", et vous verrez mon esprit s'ouvrir à vous. Je ne m'y opposerai pas, du moins, pas au début. Ensuite, vous devrez trouver une pensée, et la saisir, pour pouvoir la lire."

Drago acquiesça, bien qu'il ne comprenait pas grand-chose à cette explication qui était bien trop abstraite.

"En quoi est faite votre baguette ?" demanda abruptement Rogue.

"Euh… En bois d'aubépine, Professeur. Avec du crin de licorne."

"Un bois propice aux accès de colère, très instable." commenta Rogue. "Les baguettes en tilleul argenté, comme la mienne, sont reconnues pour être performantes entre les mains de ceux qui ont le don de la Legilimancie. L'aubépine est plus résistante, ce qui correspondrait bien plus à l'Occlumancie, dans votre cas."

Drago n'avait jamais entendu autant de détails sur une baguette basée uniquement sur son bois.

"Celle de ma mère est en noyer noir." dit Drago, et Rogue hocha la tête comme si cette information était évidente.

"Naturellement. Un bois sûr, fiable, en accord avec les croyances de son maître. Je ne suis pas étonné que votre mère possède une baguette de ce genre, c'est un bois extrêmement propice avec l'Occlumencie."

Drago ne cacha pas son étonnement en entendant cette analyse. Ça lui faisait penser aux prédictions de Pansy basées sur les planètes ou les mois de l'année.

Rogue vit son incompréhension et poursuivit d'une voix plus basse :

"Vous savez, l'art des baguettes révèle énormément de choses sur la personnalité de ses utilisateurs. C'est un sujet passionnant. Je pense que ça pourrait vous plaire, si vous ne savez pas encore quoi faire après Poudlard."

"Ça l'est sûrement… Mais je ne suis intéressé que par les Potions et l'Alchimie, Monsieur." dit Drago sur un ton d'excuse.

Un sourire étira les lèvres de Rogue.

"Je comprends pourquoi. Vous avez clairement une aptitude aux Potions qu'aucun cinquième année n'a."

Drago sourit fièrement en entendant ce compliment.

"Merci, Monsieur."

"Très bien, préparez-vous." dit Rogue, retrouvant son sérieux en l'espace d'une seconde. "Tendez votre bras, et pointez votre baguette en me fixant. Surtout, ne perdez jamais ce contact pendant toute la durée de votre intrusion."

Drago tendit le bras, expira, et regarda Rogue qui ne cilla pas quand Drago s'écria d'une voix forte :

"Legilimens !"

Il sentit aussitôt la magie parcourir ses doigts et traverser sa baguette, mais rien ne se passa.

Drago secoua sa main vigoureusement pour chasser les fourmis qu'avait crée les vibrations, puis visa de nouveau son professeur qui attendait patiemment face à lui.

"Legilimens !"

Rien ne sortit de sa baguette. Drago soupira, frustré, mais Rogue le rassura :

"C'est une magie difficile, Drago, et bien au-dessus de votre niveau de classe. Je ne m'attendais pas à ce que vous réussissiez du premier coup. Réessayez."

Et Drago le fit, encore et encore, mais sans résultat. Il sentait la magie brûler son poignet, parfois même faire trembloter sa baguette, mais sans jamais en sortir. Il grogna de colère en serrant et desserrant ses doigts pour faire partir les frémissements de magie.

Au bout de la vingtième tentative, Rogue lui conseilla dans un murmure austère :

"Vous devez me regarder dans les yeux, Drago. Vous devez rester focalisé sur mes pensées, votre désir de les connaître."

"Avec tout mon respect, Professeur, vous êtes un homme mystérieux." marmonna Drago, légèrement irrité. "C'est impossible d'imaginer à quoi vous pouvez penser."

Rogue ébaucha un second sourire, ce qui était très rare.

"Nous allons commencer par une requête simple, alors." décida le professeur de Potions. "Vous allez vous concentrer pour essayer de savoir quel est… Mon plat préféré."

Drago trouva cette demande singulière, mais il acquiesça tout de même et se reconcentra. Cette fois-ci, il plongea son regard dans celui de Rogue, quelque chose qu'il avait évité de faire jusqu'alors tant ses yeux noirs étaient extrêmement perturbants. Il brandit sa baguette, concentré sur le plat préféré potentiel de l'homme devant lui, et prononça d'une voix blanche :

"Legilimens !"

Cette fois-ci, quelque chose se passa. Drago sentit la magie partir comme une étincelle, brûlant sa peau au passage, mais il ne lâcha pas leur contact visuel et se sentit happé par les prunelles profondes de Rogue. C'était comme s'il s'avançait vers lui sans qu'il ne bouge. Il se rapprochait, rapprochait, encore plus, et d'un coup, il plongea littéralement dans ses pupilles.

Au début, tout était noir. Drago ne parvenait pas à voir les cloisons de l'esprit de Rogue, simplement un néant sans limite.

Puis, il vit au loin un éclat blanc. Il virevoltait dans les airs, la seule source de lumière dans l'obscurité. Drago reconnut un filament de pensée, exactement comme celui que Rogue avait arraché pour mettre dans la Pensine un peu plus tôt.

Se souvenant de ce que son professeur lui avait dit, Drago se pencha en avant pour essayer de le saisir, mais il n'arrivait pas à s'approcher suffisamment près. Il sentit son bras faiblir, et cligna des yeux plusieurs fois en sentant des vagues de douleur parcourir son corps...

L'instant d'après, il était revenu dans le bureau de Rogue. Ses yeux étaient mouillés par des larmes d'effort.

"C'était très bien." dit Rogue, sans aucune expression dans sa voix. "Vous avez réussi à entrer dans mon esprit. Maintenant, il vous suffit de mettre un peu plus de force mentale pour parvenir à entrer complètement."

Drago s'essuya les yeux et baissa son bras endolori pour se masser l'avant bras. Rogue remarqua son geste et fronça les sourcils :

"Mais ça sera tout pour aujourd'hui." asséna-t-il fermement.

"Quoi ? Non, Professeur, nous venons à peine de commencer !" contesta immédiatement Drago.

"Ça ne sert à rien de vous épuiser, vous n'arriverez à rien. La Legilimancie demande une concentration mentale et une quantité de magie extrêmement élevées, il faut le faire progressivement. Nous nous verrons jeudi prochain pour la suite."

"Mais je ne sais même pas quel est votre plat préféré !" grommela Drago, un peu puérilement.

"Vous le saurez quand vous parviendrez à entrer convenablement dans mon esprit." dit Rogue d'un ton décisif, comme pour clore la conversation.

Et il se rassit à son bureau, et Drago comprit que la séance était bel et bien terminée. Il grommela et rangea sa baguette dans sa poche. Juste avant qu'il ne reparte, Rogue ajouta :

"Et n'oubliez pas de continuer à travailler l'Occlumancie. Ce n'est pas parce que vous la maîtriser qu'il faut la délaisser au profit de la Legilimancie. Il est impératif de continuer à travailler son esprit, et à méditer, pour être sûr d'être en contrôle. Vous pouvez y aller."

Drago salua son professeur d'une voix morne, mais il ne savait pas si c'était à cause de la fatigue ou de la frustration de ne pas avoir réussi.

Quand il entra dans la Salle Commune, Drago fut surpris de ne pas être agressé par une musique trop forte et des odeurs d'alcools forts dans l'air. La Salle était remplie d'élèves, mais ils étaient tous assis ici et là, et une musique classique s'échappait du gramophone. Drago suspectait Pansy d'avoir arrêté d'organiser trop de fêtes, à la demande de Théo, ou simplement pour lui faire plaisir.

Il les trouva dans le canapé habituel. Blaise était en train de faire ses devoirs sur la table basse, Théo avait la tête posée contre le dossier du canapé, et Pansy était penchée vers lui, en train de lui murmurer des instructions à l'oreille. Quand Drago s'approcha, il entendit ses murmures :

"Détends-toi, ne pense à rien, vide-toi la tête…"

Théo ne disait rien, mais Drago pouvait voir ses traits suspicieux incrustés sur son visage, même quand il avait les yeux fermés. Pansy ne se laissait pas décourager pour autant et continuait de lui enseigner la méditation calmement :

"Imagine toi dans un endroit relaxant, où tu te sens bien…"

"Je croyais que je ne devais penser à rien." maugréa Théo en rouvrant brutalement les yeux, et Pansy soupira. "Pourquoi tu me dis de me vider la tête, et ensuite de m'imaginer dans un endroit relaxant ?"

"Vide-toi la tête de tes problèmes !" expliqua Pansy, soudain agacée. Manifestement, ça faisait longtemps qu'ils s'entraînaient sans y arriver. "Pas de toutes tes pensées !"

"Si je pense à un endroit relaxant, c'est forcément une pensée…"

Pansy roula des yeux et ferma son manuel avec un "clap !"

"Oh, salut." dit-elle en apercevant Drago, qu'elle n'avait pas vu arriver. "Comment s'est passée ta séance ? Tu as fini plus tôt que d'habitude."

"Rogue m'a dit que j'avais officiellement terminé." annonça Drago en prenant place dans le fauteuil à côté du canapé.

"Terminé quoi ?" demanda Blaise.

"L'Occlumancie. Rogue m'a annoncé que je la maîtrisais officiellement. J'arrive non seulement à ranger mes souvenirs, mais j'arrive à parer les attaques mentales, maintenant." dit Drago.

Théo releva sa tête du dossier pour le contempler avec des yeux ronds.

"Wow ! Bravo, Drago !" s'exclama Pansy.

"Merci. C'était difficile, mais je suis content d'y être arrivé." avoua-t-il, très sincèrement.

En fait, c'était l'une des premières fois de sa vie qu'il était véritablement fier de quelque chose. Drago avait toujours été fier, voire arrogant, mais cette pratique de l'Occlumancie lui avait pris énormément d'énergie mentale, bien plus que tout ce qu'il avait entrepris auparavant, et il ressentait une immense vague de satisfaction à l'idée d'avoir réussi à perfectionner quelque chose sans l'aide de personne d'autre que lui-même.

"Tu veux dire que t'arrives à faire cette méditation de merde ?!" s'étonna Théo.

Pansy, n'ayant rien sous la main pour lui envoyer à la figure, préféra lui donner une tape sur la tête, aplatissant ses cheveux au passage qu'il s'empressa de recoiffer en la fusillant du regard.

"Ça fait des mois que j'arrive à méditer, je te signale. J'ai appris l'année dernière." pointa Drago en prenant une pomme dans un saladier en guise de dîner. Il reprit place dans son fauteuil, sous le regard médusé de Théo.

"Je ne pensais pas que c'était si… Avancé." confessa le garçon. "Et tu imagines un endroit relaxant quand tu médites, toi ?"

"Non, pas vraiment." dit Drago. "Je vide mon esprit, je le visualise, et je range mes souvenirs."

Théo fit une tête interloquée, alors Drago ajouta :

"Je suppose que ça change en fonction des gens. Moi, j'arrivais à penser à rien, mais imaginer un endroit calme doit marcher aussi."

"Et bien, je n'y arrive pas." grommela Théo en se redressant complètement sur le canapé. "Un mois que Pansy essaye de m'apprendre, et je n'arrive pas à méditer."

"C'est une activité à faire seul." dit Pansy. "Le plus important, c'est de vouloir fermer son esprit, pas se forcer à le faire juste pour être fort dans quelque chose."

"Vous, vous y arrivez ?" demanda Drago à Pansy et Blaise.

Blaise hocha distraitement la tête, toujours occupé à faire ses devoirs. Pansy, elle, afficha un grand sourire prétentieux :

"J'y arrive parfaitement. Je le fais tous les soirs, comme tu l'as demandé."

Théo la mima grossièrement derrière elle, et Drago se retint de ne pas rire.

"Au fait, qu'est-ce que tu as fait avec Rogue ce soir, si tu as terminé l'Occlumancie ?" demanda Blaise.

"Il m'a proposé de m'enseigner autre chose. La Legilimancie." dit Drago.

Théo cessa tout de suite son imitation de Pansy et fit une grimace indignée.

"Ne me dis pas que tu as accepté !" s'écria-t-il. "L'Occlumancie, je peux comprendre, mais la Legilimancie, c'est juste barbare !"

"J'ai accepté, mais uniquement pour me permettre de vous enseigner l'Occlumancie quand vous serez prêts." expliqua Drago avec fermeté. "Je ne l'utiliserai jamais de force."

Théo fronça le nez mais parut satisfait de cette réponse.

"Mais comment as-tu fait pour t'entraîner à la Legilimancie ?" demanda Pansy.

"Rogue s'est proposé." dit Drago.

Ses trois amis ne cachèrent pas leur surprise. Blaise releva la tête de son essai avec une expression scandalisée.

"Rogue ?! Tu es entré dans son esprit ?"

"En quelques sortes." grommela Drago, dont le souvenir cuisant de son échec était encore douloureux. "Mais je n'ai pas complètement réussi, c'est très difficile et il a refusé que je continue en me disant que je devais réessayer la semaine prochaine."

"Qu'est-ce que tu as vu ?" demanda Blaise avec curiosité.

"C'était très étrange." dit Drago, en se souvenant des tréfonds sombres de l'esprit de Rogue. "Tout était noir, puis j'ai aperçu un filament de pensée que j'ai essayé de saisir, mais je n'y arrivais pas, c'était trop épuisant."

"Qu'est-ce que tu penses que c'était ?" questionna Pansy avec une avidité qu'elle n'arrivait pas à dissimuler.

"Il m'avait demandé de trouver ce qu'était son plat préféré." dit Drago, et les épaules de Blaise et Pansy s'affaissèrent en même temps de déception en entendant une réponse aussi banale.

"Je parie que c'est de la viande de gobelin, ou une soupe de sang de dragon." dit Théo d'un ton lugubre, ce qui fit éclater de rire tout le monde et fit redescendre la tension qu'avait apportée la gravité de la conversation.

Ils échangèrent ensuite des théories sur le plat préféré de Rogue entre plusieurs fous rires. Théo, en particulier, trouvait des noms particulièrement drôles, qui faisaient mourir de rire Pansy.

Après une bonne demie-heure de théories, Pansy changea radicalement de sujet :

"Alors, vous avez trouvé en quoi vous allez vous déguiser, ce week-end ?"

Drago, Blaise et Théo poussèrent le même soupir ennuyé en entendant cette question.

Pour la première fois depuis qu'ils étaient à Poudlard, Halloween tombait un jour de week-end, une nouvelle qui comblait Pansy de joie. Pas forcément pour la célébration en elle-même, dont elle se fichait éperdument, mais plutôt pour l'opportunité d'organiser une immense fête déguisée dans la Salle Commune des Serpentards.

Elle avait eu l'idée début Octobre, et n'avait cessé d'harceler les trois garçons à ce sujet depuis. Elle avait tout prévu, tout organisé, pour ce qu'elle appelait "la fête de la décennie". Drago avait rarement vu autant de Serpentards excités à la perspective d'une fête, mais il fallait dire que Pansy était une excellente organisatrice et que cette soirée promettait d'être, en effet, phénoménale.

"Moi, je l'ai." dit Blaise.

"Moi aussi." dit Drago, bien que son costume n'était pas le plus élaboré.

"Très bien… Et toi, Théo ?" demanda Pansy en se tournant vers le garçon en question.

Ce dernier roula des yeux pour montrer à quel point il était ravi de cette idée.

"À quoi ça sert que je me déguise ?!" demanda-t-il. "Je reste toujours trente secondes dans ce genre de trucs."

"Tu ne resteras pas trente secondes cette fois, sinon je te fais la gueule jusqu'à la fin de l'année." avertit Pansy sèchement, et Drago était sûr qu'elle était complètement sérieuse.

"Tu es sûre que je ne peux pas me déguiser en lecteur de romans introverti ?" demanda Théo d'un ton suppliant.

Pansy lui lança un regard noir :

"Pour la dernière fois, non. Tu as intérêt à trouver un costume d'ici samedi, Théodore Nott, ou je te jure que je te ferai la misère."

Elle pointa sur lui un doigt menaçant et Théo poussa, une nouvelle fois, un long et douloureux soupir. Blaise se leva à ce moment-là, et il fit mine de ranger son parchemin pour se pencher à l'oreille de Drago et lui chuchoter :

"Il a son costume préparé depuis des mois. Il aime juste l'embêter."

Drago sourit, absolument pas étonné.

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Pendant toute la journée du samedi, Pansy fut introuvable.

Blaise déduisit qu'elle était en train d'organiser la fête du soir-même Merlin savait où, et manifestement accompagnée de Daphné, qui avait également disparue depuis le petit-déjeuner. Théo passa donc sa matinée à répéter inlassablement que si Pansy avait la même motivation pour réviser ses BUSES que pour organiser des fêtes, elle l'aurait dépassé du classement depuis longtemps.

Drago, lui, passa une bonne partie de sa journée à observer Granger et Londubat réviser ensemble à la Bibliothèque. Bien qu'il était un peu jaloux dès que Granger parlait à quelqu'un du sexe opposé, il devait admettre qu'il n'y avait visiblement rien d'ambigu entre les deux Gryffondors. Granger considérait clairement Londubat comme un ami, et Londubat aussi, même si Drago ne comprenait pas comment c'était possible d'être désintéressé par cette fille.

Ils révisèrent les Potions (et Londubat en avait bien besoin), puis ils passèrent aux Sortilèges. Drago regarda le pauvre garçon joufflu s'entraîner à lancer un sortilège d'Engorgement convenable, et échouer lamentablement à chaque fois. La plume que Granger utilisait comme cible changea de couleur, perdit l'intégralité de son plumage, et tomba une centaine de fois de la table, mais ne grandit pas d'un centimètre. Pendant que Londubat, rouge de honte, se confondait en excuses, Drago pouvait entendre Granger répéter :

"Ne t'en fais pas, ce n'est pas grave, on va réessayer, c'est difficile…"

Il connaissait Granger, assez bien pour percevoir une certaine impatience dans sa voix lorsqu'elle le rassurait. Drago ricana fréquemment face à ce spectacle, et s'amusait encore plus quand Granger lui lançait un regard d'avertissement en l'entendant se moquer.

Théo arriva en début d'après-midi, et s'installa en face de Drago.

"Je t'ai pas vu au déjeuner." dit-il, plus une remarque qu'un reproche.

Drago haussa les épaules :

"J'avais pas faim."

Théo ne répondit rien, mais lui tendit une pomme qu'il avait apparemment piqué de la table des Serpentards. Drago la prit en le remerciant et vérifia que Madame Pince n'était pas dans les parages pour croquer dedans. Granger lui jeta un regard scandalisé avant de reporter son attention sur Londubat.

"Qu'est-ce que tu révises ?" demanda Théo en sortant trois parchemins de son sac.

"Je m'entraîne au sortilège d'Engorgement." dit Drago, bien que ce n'était pas du tout le cas. Il posa la pomme devant lui et lança, assez fort pour que Granger et Londubat entendent de la table d'à côté :

"Amplificatum !"

La pomme tripla de volume en gardant sa forme ronde, et Drago s'en empara de nouveau pour la croquer une seconde fois. Il fit un clin d'œil discret à Granger qui leva les yeux au ciel. Elle se tourna vers Londubat, dont les oreilles étaient encore plus rouges qu'avant :

"Ne fais pas attention à lui Neville, il n'en vaut pas la peine…"

Théo observa la table à côté d'eux et soupira en comprenant pourquoi Drago venait de faire ça. Il pointa sa baguette sur la pomme et marmonna :

"Reducto. T'es vraiment chiant quand tu le veux, tu le sais ? Tu peux pas juste les laisser réviser tranquillement, t'es obligé de les emmerder ?"

"Ça va, c'était juste une blague !" se défendit Drago. "Pourquoi t'es si de mauvaise humeur ?"

"Je ne suis pas de mauvaise humeur." asséna Théo, ce qui prouvait le contraire.

"Allez, dis-moi. C'est la fête de Pansy qui te saoule ?" essaya Drago.

Théo fronça les sourcils, n'ayant visiblement même pas pensé à cette éventualité.

"Non, pas du tout. Que serait Pansy sans une "fête sensationnelle" une fois par mois ?"

"Rien, j'imagine." répondit Drago. "Alors, c'est quoi ton problème ?"

"Je suis juste débordé, c'est tout." dit Théo en dévissant son pot d'encre pour le poser à côté de lui.

En un coup d'œil, Drago comprit directement de quoi son meilleur ami voulait parler : les trois parchemins qu'il avait posés était respectivement le sien, celui de Goyle, et celui de Crabbe. Drago avait déjà du mal à terminer ses propres devoirs à temps, il n'imaginait pas devoir travailler trois fois le même essai. Il était fatigué rien qu'en imaginant le faire.

"Pourquoi est-ce tu ne laisses pas ces deux idiots le faire eux-mêmes ?" demanda Drago, et s'il avait gagné un Gallion à chaque fois qu'il avait posé cette question, il serait plus riche que son père.

"J'ai refusé de leur faire pas mal de devoirs ces derniers temps." expliqua Théo d'une voix enrouée de fatigue. "Pour que le choc entre leurs notes actuelles et celles des BUSES ne soit pas trop remarquable, mais ils m'ont demandé de faire celui-là, et j'ai dit oui…"

Il frotta ses paupières avec le dos de sa main.

"Tu comptes leur faire avoir quelle note avec ça ?" demanda Drago.

Théo jaugea les deux parchemins avec une grimace :

"J'sais pas… Désolant ?"

"C'est dans quelle matière ?"

"Botanique."

"J'ai fini le mien hier." dit Drago. Il avait repoussé l'essai au dernier moment pour le faire avec Granger, mais elle ne s'était pas montrée à la Bibliothèque de la semaine, donc il avait été contraint de le terminer seul. "Passe-moi en un, pour que je t'aide."

"T'es sûr ? Tu ne veux pas t'entraîner un peu plus à faire grandir ta pomme pour faire chier Londubat ?" demanda Théo sarcastiquement.

"Non, il a compris la leçon." répondit Drago avec un grand sourire. "Allez, donne."

"Lequel tu veux ?" demanda Théo.

"Celui du moins stupide."

"Ils sont tous les deux stupides." pointa le brun.

"Pas faux. Alors, donne moi celui de Goyle."

Théo lui tendit le parchemin et Drago le relut intégralement, ajouta une description douteuse des Bubobulbs, et fit exprès de confondre le Champifleur avec le figuier d'Abyssinie. Pendant qu'il travaillait, Granger continuait d'étudier avec Londubat, mais cette fois-ci, ils avaient rangé leurs affaires et lisaient un carnet que Drago n'arrivait pas à voir de là où il était.

Après quelques minutes, Londubat et Granger sortirent de la Bibliothèque, et Drago termina l'essai de Goyle avec un peu moins d'enthousiasme qu'avant, parce qu'il n'avait plus personne à observer de biais, mis à part Théo qui s'arrachait les cheveux de stress devant lui.

"J'ai fini." déclara Drago après une heure. "Il ne devrait pas avoir mieux qu'Acceptable, normalement. Tiens, tu peux t'en inspirer pour écrire celui de Crabbe, si tu veux."

"Merci, Drago, tu me sauves." dit Théo sans cacher son soulagement. "J'espère terminer ça avant ce soir."

"Je te retrouve au dîner, j'ai mon entraînement de Quidditch dans vingt minutes."

Théo lui fit un geste de sa main tachée d'encre et se replongea dans son travail dès que Drago eut quitté la Bibliothèque.

Le temps que Drago retourne au dortoir prendre son balai, qu'il marche dans le parc de Poudlard jusqu'au terrain de Quidditch et qu'il enfile sa tenue, Montague sifflait déjà le début de l'entraînement.

Tous les joueurs de Serpentards se rassemblèrent devant leur capitaine.

"Bien, aujourd'hui il fait beau, pour une fois, donc profitons-en pour s'entraîner sur vos angles morts." annonça le capitaine en consultant ses papiers de tactiques. "Warrington, il faut absolument que tu t'entraînes sur ta réception du Souaffle, tu le rates trop souvent et ça nous fait perdre l'avantage. Goyle, Crabbe, essayer de ne pas vous frapper le crâne avec vos propres battes cette fois-ci."

Drago ricana en voyant les deux garçons froncer leurs nez stupidement.

"Malefoy…" continua Montague en lisant ses notes. "T'as attrapé le Vif d'Or en trente-deux minutes la dernière fois, c'est vraiment pas mal, essaye de battre ton record aujourd'hui."

Montague finit par ouvrir la boîte et les balles s'envolèrent sur le terrain de Quidditch. Comme à chaque fois qu'il enfourchait son balai, Drago ressentit ce frisson d'adrénaline parcourir ses membres qu'il adorait.

"À vos marques, prêts… Partez !" hurla Montague en sifflant en même temps.

Drago frappa le sol avec son pied et décolla à une vitesse effarante. Tandis que les Poursuiveurs commençaient leur habituel entraînement avec le Souaffle, et que Crabbe et Goyle se mirent sur deux côtés opposés du terrain en essayant de ne pas tomber à la renverse, Drago monta en altitude et atteignit la partie haute du terrain, au-dessus des cercles du gardien.

Il surveilla les alentours en se concentrant sur un éclat doré, mais fut vite déconcentré par le spectacle qu'offraient Crabbe et Goyle : Drago les avait rarement vu jouer, et il ne savait pas s'il devait rire tant ils étaient ridicules, ou pleurer de leur prestation qui n'annonçait rien de bon pour le match des Serpentards contre les Gryffondors le week-end suivant.

Il se reconcentra sur son objectif et chercha le Vif d'Or en faisant des larges cercles aériens. Il entendait les cris des joueurs en-dessous de lui, le bruit du Souaffle qui passait dans les cerceaux, et le sifflement d'un Cognard quand il passait près de lui, mais il prenait soin de ne pas regarder pour rester concentré sur sa quête du Vif d'Or.

En cherchant la petite sphère dorée tant convoitée, le regard de Drago fut soudain attiré par deux silhouettes qui marchaient dans la vallée. Il plissa les yeux pour voir quelque chose, malgré le vent qui lui fouettait le visage, et reconnut la tignasse de Granger au loin. Elle était toujours en compagnie de Londubat, et semblait accroupie près d'un parterre de fleurs.

Drago se demanda s'ils prolongaient leur essai de Botanique, et fut tellement hypnotisé par sa vision de Granger qui ramassait des fleurs qu'il loupa deux fois le Vif d'Or, qui passa pourtant juste sous son nez.

.

.

.

.

"Aïe."

"Arrête, je ne te fais même pas mal."

"Tu m'as mis ta baguette dans l'œil."

"N'importe quoi. T'es tellement un bébé parfois…"

Drago poussa Pansy en entendant ce commentaire et elle envoya un jet de maquillage noir sur la couverture du lit sur lequel il était assis. Elle afficha une expression blasée.

"Si tu me pousses, tu ne ressembleras à rien." dit-elle sèchement en nettoyant la tâche avec un Recurvite. "Arrête de bouger, et laisse moi faire."

Drago roula des yeux mais Pansy claqua sa langue de mécontentement, probablement parce qu'il avait encore étalé du maquillage en le faisant. Il resta donc tranquille, en se plaignant de temps en temps par bonne mesure, et Pansy termina son œuvre avec un coup de baguette qu'elle utilisait comme un pinceau.

"Tada ! Fini." annonça-t-elle après plusieurs minutes.

Elle lui tendit son miroir de poche, le doré qu'elle avait sur elle en permanence, et Drago analysa le maquillage méfieusement.

Son visage était entièrement peint en blanc, dans une teinte assez proche de sa couleur naturelle pour ne pas jurer trop fort avec le reste de son corps. Pansy avait ajouté des traits gris pour accentuer certains angles de son visage, comme la mâchoire et le nez, les faisant ressortir encore plus que d'habitude et lui donnant cet aspect sinistre qu'il avait demandé. Ses yeux gris étaient entourés de deux cercles noirs, et sa bouche était peinte comme si elle était creusée par des longs sillons noirs jusqu'à ses oreilles.

Le maquillage était parfait, exactement comme il l'avait imaginé. Il ne trouva rien à redire.

"Un vrai squelette !" s'écria Pansy en admirant son travail avec fierté.

"Merci Pans', c'est très réussi." admit Drago en regardant son reflet avec stupéfaction.

Il fallait dire que Pansy était douée dans ce genre de trucs, elle avait même réussi à donner à ses cheveux une texture mouillée pour les coiffer en arrière avec plusieurs potions que Drago ne connaissait pas, et qui avaient toutes des odeurs poudrées écœurantes.

Pansy, elle, avait un maquillage bien différent : elle avait un teint rosé, et elle avait peint ses yeux pour les étirer, avec une jolie couleur verte qui allait avec sa robe couleur vert forêt, et un trait doré sur sa paupière. Elle portait des longues ailes de fées qui épousaient la courbure de son dos et remontaient jusqu'à l'arrière de sa tête, et qui frétillaient magiquement dès qu'elle bougeait. Elle avait également tressé ses cheveux pour faire dépasser deux longues oreilles pointues.

C'était une magnifique fée, Drago était obligé de le reconnaître, et en la complimentant, il essaya de ne pas penser à l'autre fée verte capturée dans la photo qui lui servait de marque page.

"Bon, je dois aller aider Daphné à enfiler sa tenue." piailla Pansy d'une voix surexcitée. "Dépêchez-vous de vous préparer, la fête commence d'un instant à l'autre !"

Elle parla au dortoir, bien que Drago était seul : Blaise était dans la salle de bains, et Théo était toujours à la Bibliothèque. Drago enfila la tenue entièrement noire qu'il avait préparé, vérifia que son maquillage n'avait pas coulé et que ses cheveux tenaient bien en arrière, puis frappa à la porte de la salle de bains où Blaise était enfermé depuis plus d'une heure :

"Tu t'es endormi ou quoi ? Pansy va te tuer si tu ne viens pas à sa fête !"

Il entendit le verrou cliqueter et Blaise sortit de la salle de bains, entièrement vêtu d'une sorte de robe voluptueuse, de la même couleur que celle de Pansy. Drago réalisa qu'ils avaient assorti leurs déguisements : Pansy était une fée, et Blaise était un elfe. Drago reconnut le même maquillage que Pansy sur les yeux de son meilleur ami avec les éclats dorés sur ses paupières, et les oreilles pointues qu'il avait posées sur ses propres oreilles qui étaient de la même teinte que sa peau.

"Alors, je ressemble à quoi ?" demanda Blaise en regardant sa propre tenue. "J'ai essayé de mettre ce foutu trait doré pendant vingt minutes sur mes yeux, mais j'ai dû recommencer dix fois…"

"Non, ça va, c'est réussi." dit Drago.

Voir un de ses amis déguisé en elfe, avec les mêmes ailes que Pansy pour compléter le look, aurait pu faire éclater de rire Drago aisément si Blaise n'avait pas cette… prestance. Il avait tellement de charme naturel qu'il pouvait tout porter sans avoir la moindre once de ridicule.

"Où est Théo ?" demanda Blaise, qui essayait de jeter un sort à ses ailes pour qu'elles arrêtent de frétiller.

"Au festin, j'imagine. Tu sais, celui qu'on a même pas eu le temps de goûter avant de se faire arracher de nos sièges par Pansy pour aller se faire maquiller…"

"Allez, courage." dit Blaise d'un ton consolateur. "Tu sais à quel point c'est important pour elle, ce genre de trucs… Putain d'ailes de merde !" s'exclama-t-il quand ses ailes lui frappèrent la tête à cause de ses mouvements trop soudains.

Drago sortit sa baguette de sa poche et la pointa sur les ailes de Blaise :

"Immobulus."

"Merci. On y va ?"

Drago le suivit pour se rendre dans la Salle Commune. Pansy leur avait caché les yeux pour aller aux dortoirs, donc ils eurent la surprise de découvrir l'ampleur des décorations qu'à cet instant. Drago fut tout de suite impressionné. C'était aussi beau que dans la Grande Salle : une dizaine de citrouilles pendaient du plafond, mais celles-ci projetaient une lumière verte qui illuminait le sol, les murs, et les gens de la Salle. Le feu de la cheminée flamboyait, aussi vert que les lumières, qui réchauffait l'ambiance toujours glacée des Serpentards. Le phonographe diffusait une musique fantomatique, ajoutant à l'atmosphère creepy, et tous les élèves étaient déguisés.

Le temps d'atteindre le canapé qui leur était toujours réservé, Drago eut le temps de voir une momie, un pirate, un baron, un garçon à la tête coupée, et même un Poufsouffle habillé en dragon avec une queue qui bougeait.

Blaise servit un grand verre de liqueur à la pomme à Drago, qui le sirota en observant les costumes. Pansy s'était surpassée, et avait apparemment menacé tout le monde de porter un costume, parce qu'aucun élève n'était vêtu d'autre chose que des couleurs éclatantes ou du faux sang qui dégoulinait de partout.

Pansy arriva une vingtaine de minutes plus tard, le teint rayonnant de maquillage et de bonheur.

"Alors, vous aimez ?" demanda-t-elle en contemplant son travail d'un air fier.

"C'est magnifique. Bravo, Pans', c'est probablement ta meilleure fête à ce jour." dit Blaise en lui faisant un bisou sur la joue pour la féliciter.

Pansy haussa les épaules, mais on pouvait lire le plaisir sur son visage en entendant un tel compliment.

"J'attends que tout le monde arrive pour changer la musique et rendre ça un peu plus dansant." expliqua-t-elle. "J'ai croisé Théo, il est en train de se changer. Vous avez vu Crabbe et Goyle ?" demanda-t-elle avec un petit rire moqueur.

"Non ?"

Elle pointa du doigt le bout de la salle, où Crabbe et Goyle étaient déguisés en…

C'était difficile de savoir s'ils avaient voulu prendre l'apparence de gobelins, ou d'elfes de maison. Ils avaient probablement confondu les caractéristiques des deux créatures, parce que Crabbe avait un long nez et des grandes oreilles, mais Goyle était vêtu d'un torchon sale, ce qui rendait le résultat très comique. Blaise et Drago n'avaient pas terminé de rire quand Théo finit enfin par arriver.

Il était méconnaissable dans son costume. Il était vêtu d'une grande cape noire, sous laquelle il avait mis une sorte de gilet en velours rouge surmonté d'un col blanc. Il avait pâli son teint, en ajoutant des veines imbibées de sang sur ses pommettes, et avait teint ses cheveux pour les rendre plus foncés et les plaquer contre son crâne. Quand il ouvrit la bouche, Drago aperçut des fausses dents pointues pleines de sang.

"Vampire ?" devina Blaise.

"Pas n'impofte quel vampife !" annonça Théo d'une voix magistrale, malgré le fait que les fausses dents lui donnaient un cheveu sur la langue. "Dfacula !"

"Qui ça ?" demanda Drago en se penchant en avant pour mieux entendre.

"Dfacula !" répéta Théo en levant les bras pour ouvrir sa cape dans une allure majestueuse.

"C'est qui ça ?" questionna Blaise, aussi perdu que Drago.

Théo écarquilla les yeux, comme si cette simple question était un outrage qui méritait une peine de prison à perpétuité à Azkaban.

"Dfacula !" répéta-t-il obstinément. "Le célèbfe vampife moldu, bien sûf !"

"Jamais entendu parler." dit Blaise, et Théo fit tomber mollement ses bras le long de son corps de dépit.

"Dfacula !" répéta Théo, comme si entendre une troisième fois le nom les aiderait à mieux comprendre en qui il était déguisé. "Le pfremier vampife qui aurait existé, le comte Dfacula, de l'auteur Bfam Stokef, ça vous dit vfaiment fien ?"

"Tu es venu déguisé en vampire moldu pour la fête de Pansy ?" demanda Drago. "T'es malade ?"

"Poufquoi ?" demanda Théo, qui eut soudain une lueur inquiète dans le regard à l'idée que Pansy puisse lui hurler dessus.

"Et bien, espérons simplement qu'elle ne connaisse pas "Dfacula" comme nous." dit Drago en haussant les épaules.

Blaise marmonna un "ça ne risque pas" que Théo n'entendit pas.

"Qu'est-ce que tu veux boire, Théo ?" demanda Blaise. "Et pour l'amour de Merlin, ne réponds pas une Bièraubeurre."

"Je ne peux fien boife avec ces dents." dit Théo en se passant la langue sur ses fausses canines.

"Il faut que tu boives quelque chose, tu vas être ridicule si tu n'as rien dans les mains." fit remarquer Drago.

"Alof, passe-moi ton veffe, Blaise."

Blaise obéit et lui tendit son verre de Whisky Pur-Feu, que Théo recracha à la première gorgée. Drago, quant à lui, but son verre de liqueur et sentit les effets de l'alcool pulser agréablement contre la peau de son cou. Il s'en resservit un, mais au lieu de le boire d'un coup, il profita du goût sucré de la pomme sur sa langue. Pansy avait changé la musique et dansait maintenant au centre de la pièce, entourée de plusieurs filles hilares. Elle était incroyablement belle, avec ses ailes qui bougeaient en rythme de la musique et sa robe qui ressemblait à des feuilles de chêne foncées.

Drago essaya de rentrer dans l'ambiance de la soirée, de s'impliquer, de profiter comme il l'avait fait tant de fois auparavant. Il essaya de savourer les effets de la liqueur qui rendait sa tête embrumée, il essaya de sentir la musique s'insinuer en lui. Mais il n'arrivait pas à rentrer complètement dedans. Même Théo, qui haïssait pourtant ce genre d'événements, passait un meilleur moment que lui.

Quand une fille s'approcha de lui pour lui proposer de danser avec elle, Drago se força à accepter. Il voulait que Blaise le voit partir avec une fille pour ne pas qu'il soupçonne ses véritables sentiments envers une autre fille, huit étages au-dessus d'eux. Ce ne fut que quand il arriva sur la piste de danse qu'il comprit que la fille était habillée en diablesse, avec une robe rouge moulante qui lui arrivait en haut des cuisses. Ils commencèrent à danser, et elle se colla automatiquement à lui pour danser l'un contre l'autre. Drago réalisa qu'il ne connaissait même pas son prénom.

Il bougea au rythme de la musique mystique qui sortait du gramophone, et essaya vainement d'apprécier le contact de la peau de la fille contre ses mains, ou de l'odeur sucrée que ses cheveux dégageaient. Mais il n'arrivait pas à penser à autre chose que la fraise dans les cheveux d'une autre. Il s'imaginait prendre les hanches de Granger à la place de celles de la fille, en se demandant si elles seraient plus pleines dans ses mains. Il pensait à la couleur des joues embrasées de Granger s'il lui avait proposé de danser de manière si osée.

La musique s'arrêta, et la fille le regarda avec espoir. Il était sûr qu'elle voulait l'embrasser. Il se recula juste au moment où elle s'approcha et dissimula son geste par une fausse escapade :

"Je vais me resservir un verre, tu en veux un ?"

La fille accepta et Drago lui servit un gobelet vert de la première boisson qu'il aperçut, avant de s'éloigner discrètement au risque qu'elle lui propose une nouvelle danse. Quand il retourna dans le canapé, Pansy était assise entre Théo et Blaise, visiblement déjà assez éméchée pour ne pas remarquer le costume de vampire moldu à côté d'elle.

"Drago !" lança-t-elle d'une voix traînante en le voyant arriver. "Viens t'asseoir, on va commencer une partie de Vérité ou Shot !"

Elle semblait ravie par cette idée, contrairement à Théo et Blaise, qui abordaient pour le premier une expression terrifiée, et l'autre ennuyée.

Terence Higgs, un garçon de septième année que Drago avait eu l'occasion de connaître pour avoir été dans l'équipe de Quidditch des Serpentards, s'approcha alors du canapé et posa une énorme bouteille sur la table basse.

"Si vous voulez faire ça, je joue, mais qu'avec ça pour faire les shots."

"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Blaise, soudain intéressé.

"Crachat de Dragon, distillé dans la seule brûlerie au monde, en Roumanie. Mon père travaille là-bas, il m'a envoyé une bouteille et j'ai décidé de l'ouvrir pour fêter ma dernière année à Poudlard." expliqua Higgs d'une voix teintée de dédain.

Théo regarda la bouteille avec une aversion évidente sur son visage maquillé.

"Je ne boirai pas de ça." marmonna-t-il à Blaise dès que Higgs ouvrit la bouteille.

"Alors, tu devras dire la vérité." répondit Pansy avec un petit rire.

La fameuse bouteille de Crachat de Dragon sembla éveiller les curiosités, parce qu'une dizaine d'élèves rejoignirent le petit groupe pour jouer aussi. La partie commença, et tout le monde dit la vérité de peur de devoir boire une gorgée de cette boisson au nom effrayant. Quand une fille de sixième année demanda à Drago qui il aimerait embrasser dans ce Château, cependant, il répondit un peu trop vite :

"Personne."

"Menteur. On veut tous embrasser quelqu'un, ici." répondit Tracey Davis.

"Très bien, alors, Pansy." répondit Drago en feignant le désintérêt.

"Je croyais que vous aviez rompu ?" demanda Millicent Bulstrode, juste à côté de Tracey, d'une voix mielleuse.

Drago soupira et Higgs coulissa la bouteille jusqu'à lui :

"Réponds, ou t'as un shot."

Drago chercha un nom de fille, n'importe qui qui pourrait faire l'affaire plutôt que Granger, mais il se rendit compte avec horreur qu'il n'en connaissait aucune autre. S'il disait Daphné, il se prendrait sûrement un coup de poing de la part de Blaise, et s'il disait le nom d'une fille autour de la table, ça lui poserait un gros problème. Il pensa à Astra, mais elle n'était techniquement plus dans le Château, et il ne se rappelait d'aucun nom de fille dans d'autres Maisons.

"D'accord." grogna-t-il, battu. "Je vais prendre un shot de ce truc."

Il pencha la bouteille pour remplir son gobelet d'un fond de liquide. Dès qu'il entra en contact avec le plastique, il y eut un bruit de corrosion et de la fumée orange s'échappa du verre. Drago arqua un sourcil et regarda Terence, qui avait un grand sourire sadique sur le visage :

"Si tu sens que ça brûle trop, on t'emmènera à l'infirmerie." promit-il.

Drago n'avait pas peur, il savait que cette boisson n'était pas dangereuse et prit donc le verre pour le porter à sa bouche. Théo, par contre, était tout simplement terrorisé. L'avertissement de Terence semblait avoir marcher sur lui, parce qu'il leva le bras pour l'empêcher de boire en criant un "non !" apeuré, mais c'était trop tard.

Drago sentit le liquide chaud se répandre dans sa bouche, puis dans sa gorge. Ça avait un goût d'orange à peine pétillante, qui n'eut aucun effet. Il arqua un sourcil en direction de Higgs, et plusieurs élèves eurent des plaintes dépités.

Ce fut à cet instant que Drago le sentit.

Quelque chose, dans le fond de sa gorge, qui remonta le long de son oesophage, comme un puissant jet d'eau, mais qui brûlait tellement fort que Drago ouvrit la bouche pour tousser, ou vomir. Mais la boisson qu'il éjecta ne fut pas liquide : c'était une immense flamme orange qui jaillit de sa bouche, de la même manière qu'un souffle de feu de dragon. Tout le monde autour de lui recula de stupeur, y compris Théo qui hurla d'horreur. Il sursauta tellement fort qu'il bascula par-dessus le rebord du canapé.

Drago sentit la flamme s'atténuer qu'après plusieurs secondes, avant de disparaître complètement, mais en laissant le goût vif du feu sur sa langue. Il s'étouffa à moitié, et réussit à se calmer qu'une fois qu'il eut ingurgité le grand verre d'eau que Blaise lui tendit.

Quand il parvint enfin à rouvrir ses yeux, tous les élèves de Serpentards le regardaient avec appréhension, puis quand ils virent qu'il allait bien, la Salle éclata en bruits divers, soit de peur, soit de rires, soit d'élèves qui voulaient essayer. Pansy fut la seule à se précipiter sur Drago pour vérifier qu'il allait bien.

"Ça va, ça va, c'est passé." dit Drago pour la rassurer, la main posée sur sa poitrine en feu. "Occupez-vous plutôt de Théo, je crois qu'il s'est évanoui."

Tandis que Pansy et Blaise cherchaient Théo, qui s'était en fait réfugié sous le canapé, Drago remplit son verre d'eau et le but d'une traite.

"Pas mal, hein ?" dit Terence fièrement. "Je t'avais prévenu que c'était du bon !"

"Ouais… Ouais, c'était… Assez fou." répondit Drago, bien que ses yeux piquaient encore.

Il regarda la table basse où les élèves étaient agglutinés pour tester la boisson interdite, et remarqua une énorme trace de brûlure sur le bois. Il la montra fièrement à Pansy quand elle réussit à rassoir Théo sur le canapé, qui était livide.

À cet instant, Daphné sortit de la foule de danseurs pour aller se prendre un verre. Elle était facilement reconnaissable avec sa robe noire jusqu'aux pieds, un costume loin d'être aussi sensationnel que celui de Pansy. Ses cheveux pendaient autour de sa tête dans une tentative ratée de coiffure, et son maquillage noir coulait sous ses yeux, bien qu'il était impossible de déterminer si c'était fait pour, ou si elle avait pleuré. Drago était incapable de dire en quoi elle était déguisée.

Elle se servit un verre de whisky et jeta un regard autour d'elle, et eut le malheur de tomber sur Blaise, qui venait d'aider Théo à boire du jus de citrouille pour sortir de sa transe. Leurs regards se croisèrent, et celui de Daphné s'assombrit, avant qu'elle ne reparte en courant dans la foule pour se fondre dans la masse. Blaise la regarda s'enfuir avec un air de profonde tristesse sur son visage d'elfe.

Le temps que Drago termine son troisième verre d'eau, la sensation de brûlure dans sa gorge et sur sa langue n'avait pas diminué. Il rassura longuement Théo en lui disant qu'il allait bien et que ce n'était pas dangereux, mais le jaillissement de la flamme semblait l'avoir tellement choqué qu'il ne clignait plus des yeux.

"Je vais me rafraîchir au dortoir, je reviens." annonça-t-il à Pansy et Théo après une dizaine de minutes.

Ils acquièscèrent et Drago dû se frayer un chemin parmi les élèves alcoolisées de la Salle Commune, ou les couples qui s'embrassaient et ne voulaient pas se pousser pour le laisser passer. Quand il arriva aux escaliers des dortoirs, il apprécia la fraîcheur lui caresser le visage et calmer la brûlure de la flamme qui lui incendiait toujours la bouche.

Il entra dans son dortoir, et fut surpris d'y trouver Blaise. Il avait pensé qu'il s'était éclipsé pour aller se resservir, pas pour aller se cacher dans les dortoirs. Il avait retiré ses oreilles d'elfe, et contemplait la fenêtre qui donnait sur le Lac Noir avec une expression pensive sur son visage coloré de reflets verts.

"Blaise ? Qu'est-ce que tu fous là ?" demanda Drago en s'avançant dans la pièce.

"Rien de spécial." répondit-il sans se retourner, la voix étrangement lointaine. "Je voulais juste… m'éloigner un peu."

Drago observa son meilleur ami avec un froncement de sourcils. Comme les réveils tardifs, cette attitude était loin de celles qu'il connaissait : Blaise était toujours sociable pendant les fêtes, toujours à boire et rester le plus tard possible. Il dansait toujours avec plein de filles, et en embrassait même une ou deux dans les coins cachés de la Salle Commune. Ce Blaise là, le rêveur qui contemple la fenêtre plutôt que de profiter de la fête de l'autre côté du mur, était méconnaissable.

"Qu'est-ce qui te prend ?" demanda Drago, d'une voix un peu trop impétueuse.

"Rien." assura Blaise, les yeux toujours rivés sur les profondeurs du Lac Noir. "Tu peux y retourner, j'arrive dans pas longtemps."

"Vraiment, Blaise. Quelque chose ne va pas, je le vois bien." insista Drago, son embarras de parler des sentiments surpassé par la curiosité.

Le garçon tourna à peine la tête pour regarder Drago. Ses yeux étaient vitreux, presque éteints.

"Tout va bien, Dray." dit-il avec un pâle sourire.

Drago soupira et décida de le laisser tranquille, parce qu'il ne voulait manifestement pas se confesser ce soir. Il se retourna, prit la poignée, et fut sur le point de rouvrir la porte quand la voix de Blaise retentit dans son dos :

"Est-ce que tu te souviens, l'année dernière quand tu m'as parlé de cette fille que t'aimais bien mais que tu ne pouvais pas avoir ?"

La main de Drago se figea sur la poignée en entendant ce souvenir, et un livre dans sa bibliothèque mentale s'ouvrit sans qu'il le consulte : un dimanche de quatrième année, où Drago avait avoué à Blaise passer du temps avec une fille inaccessible. C'était pendant la période bizarre où Pansy et lui sortaient à moitié ensemble, mais que Drago éprouvait déjà des sentiments pour Granger, et ce souvenir lui parut tellement loin qu'il se demanda comment Blaise pouvait s'en souvenir.

"Euh… Ouais ?" dit Drago, la gorge soudain serrée.

Il allait lui dire ? Lui dire qu'il avait tout compris, tout relier ? Qu'il passait du temps avec Granger alors que c'était prohibé, lui hurler dessus, ne plus jamais lui parler ?

"Je crois que je suis dans le même cas." avoua Blaise, et sa voix se brisa sur le dernier mot.

Drago se retourna vers son meilleur ami sans cacher sa surprise. Blaise s'était assis sur le rebord de son lit, les yeux perdus sur le sol du dortoir et la tête entre les mains. De honte ?

"Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda Drago, qui ne comprenait pas de quelle fille il pouvait bien parler.

"Je crois que je ressens des trucs, pour cette fille, mais… C'est pas possible, je ne devrais pas."

Drago s'approcha timidement du lit de Blaise et se posta face à lui, en gardant une certaine distance pour ne pas l'incomoder. Blaise garda sa tête contre ses bras et refusa de le regarder, probablement de peur que Drago se moque de lui. Pourtant, ça ne lui serait jamais venu à l'esprit. C'était douloureux de voir Blaise souffrir.

"Et… tu te souviens de ce que tu m'as dit, quand je t'ai parlé de la fille que j'aimais bien ?" risqua Drago dans un murmure.

Blaise ne bougea pas, mais Drago continua tout de même :

"Tu m'as dit que j'étais qu'en quatrième année à Poudlard, et que je n'allais pas me marier demain. Que j'avais le droit de profiter avant que les responsabilités reviennent et que les valeurs de mes parents m'empêchent de continuer, et que je ne devrais pas me prendre la tête avec ça."

"C'était un terrible conseil." marmonna Blaise, à peine perceptible.

"En tout cas, je l'ai suivi, et il a plutôt bien marché." répliqua Drago avec détermination. "Tu as dit toi-même qu'on avait grandi trop vite, et qu'il ne fallait pas écouter bêtement nos parents sans voir par soi-même. Si t'aimes bien cette fille, pourquoi est-ce qu'elle causerait un problème ? En plus, ta mère t'aime, elle te soutient bien plus que nos parents à nous. Elle ne s'opposerait jamais à toi."

Blaise releva enfin la tête de ses bras croisés et effleura Drago de son regard caramel, un peu moins éteint qu'au début de la conversation.

"J'ai fait une connerie, Dray." avoua-t-il, d'une voix hachée.

Drago comprit enfin, et soupira sans le vouloir quand il réalisa de qui Blaise parlait.

"C'est Daphné, c'est ça ?"

La bouche de Blaise se tordit dans une grimace, comme si la simple évocation de son prénom était pénible. Il garda le silence pendant longtemps, comme s'il pesait l'idée de lui révéler.

Puis, Blaise hocha lentement la tête :

"Ouais, c'est ça." souffla-t-il doucement. "C'est ça, c'est Daphné."

"T'inquiètes pas mate, ça va s'arranger." dit Drago en tapant amicalement son épaule pour le réconforter. "Je suis sûr qu'elle te pardonnera."

Blaise haussa les épaules. Son visage était un peu moins empreint de la tristesse qui semblait habiter ses traits en permanence, ces derniers temps.

"Merci, Dray. J'avais bien besoin de ça." dit-il avec un petit sourire gêné.

Drago lui lâcha l'épaule et Blaise continua de fixer le sol. Drago sentit qu'il avait besoin d'être seul, alors il parcourut les quelques mètres qui le séparaient de la porte en quelques enjambées, pour le laisser tranquille.

Juste avant qu'il ne quitte la pièce, cependant, Drago se retourna une dernière fois vers Blaise, dont les reflets du Lac Noir ondulaient sur son visage.

"Et, euh, pour la fille dont je t'ai parlé l'année dernière…" dit Drago dans un murmure hésitant. "C'est… C'est terminé. Je ne la vois plus."

C'était un mensonge, mais Blaise acquiesça, dos à lui :

"Ouais. Je m'en doutais."

Drago ouvrit la porte et s'engouffra de nouveau dans la foule de la fête.

La musique avait monté de volume pendant son absence, maintenant, il y avait plein d'élèves qui dansaient au centre, et qui s'aspergeaient de leurs boissons en dansant sans s'en rendre compte, trop alcoolisés ou concentrés pour le remarquer.

Drago pensa trouver Pansy au milieu de la foule, mais il la trouva sur le canapé qu'elle n'avait pas quitté. Elle était assise à califourchon sur les genoux d'un Serpentard que Drago ne reconnaissait pas, en train de l'embrasser fougueusement. Sa cigarette continuait de brûler entre ses doigts, mais elle n'arrêta pas le baiser pour la fumer, inconsciente des cendres qui brûlaient le cuir du canapé. Drago fit une grimace en voyant leurs langues entremêlées.

Il continua sa route et trouva Théo à côté des bonbons. Pansy avait placé une vingtaine de bols avec plein de friandises d'Honeydukes, et Théo était en train de dévorer les fudges au chocolat quand Drago arriva derrière lui. Même s'il était entouré de gens qui portaient un costume, Théo était le seul à se démarquer : son col était tâché de chocolat, et le faux sang qu'il avait fait dégouliner de ses dents avait séché sur son menton.

"Hey." dit-il, faisant sursauter Théo qui fit tomber deux fudges de surprise.

"Oh. Hey." dit-il en reconnaissant Drago. À l'instant où il vit que c'était lui, il remit un fudge dans sa bouche. "Je suis pafti du canapé quand Pansy a commencé à fouler une pelle à un gars."

"Elle y est toujours." dit Drago en prenant un fudge à son tour.

Théo fronça le nez de dégoût et reprit du chocolat, malgré le fait que la moitié de son fudge précédent avait fondu sur ses doigts.

"Je vais aller prendre un peu l'air." annonça Drago, qui prit la décision à cet instant-même.

"Quoi ?" s'indigna Théo, la bouche à moitié entrouverte. "Tu vas me laisser tout seul ici, avec Pansy qui visite la bouche d'un type, Blaise qui est intfouvable et Daphné qui fessemble à la Mort en pefsonne ?"

"Tu peux toujours venir avec moi, si tu veux." proposa Drago, mais il était sûr que le brun refuserait.

Et en effet, dès qu'il entendit cette phrase, Théo eut une exclamation outrée :

"Dans ce ffoid ?! Tu veux ma mof ?"

"Tu n'as qu'à rester là avec tes fudges. Et si tu sors un livre, Pansy ne le remarquera sûrement pas, vu l'état dans lequel elle est…"

Les traits de Théo se détendirent légèrement, passant de l'indignation à l'incertitude.

"Tu cfois ?" demanda-t-il, et Drago devina que l'idée lui était déjà passée par la tête mais qu'il n'avait pas osé la mettre à exécution.

"Oui, elle est bien trop occupée pour s'en rendre compte." assura Drago.

Théo sortit aussitôt un roman abîmé de sa grande poche de cape de vampire :

"Mefci Drago !" lança-t-il, et il se perdit dans sa lecture en mâchouillant distraitement son douzième fudge, insensible aux danseurs autour de lui qui le bousculait.

Drago profita qu'une fille de Serdaigle entrait dans la Salle Commune pour se glisser par l'ouverture et sortit dans le couloir des cachots.

Il ne fut pas étonné de percevoir une silhouette assise sur leur banc du parc. Il ne savait pas vraiment comment l'expliquer, mais il avait été sûr que Granger se trouverait là.

Il marcha vers elle en prenant le chemin habituel, mais s'arrêta quelques mètres avant d'atteindre le banc.

Elle aussi portait un costume.

Drago était étonné de cette information, parce qu'il n'avait jamais imaginé que les Gryffondors puissent organiser une fête d'Halloween aux aussi.

Mais son étonnement n'était rien comparé au choc qu'il ressentit en comprenant le déguisement que portait Granger.

Elle portait une longue robe blanche en soie qui tombait jusqu'à ses chevilles, et des ailes blanches dans son dos, qui étaient légèrement aplaties contre le dossier du banc. Ses cheveux tombaient sur ses épaules, mais pas comme à leur habitude : ils avaient été ondulés, d'une manière beaucoup plus naturelle que pendant le Bal, laissant ses boucles naturelles mais sans qu'elles soient trop volumineuses. Même avec la distance, Drago pouvait voir qu'elle était maquillée, mais le changement était à peine visible : elle avait simplement les joues plus roses que d'habitude, et ses paupières brillaient d'un éclat argenté qui allait avec la couleur de sa robe.

Granger était habillée en ange.

Cette la vision coupa littéralement le souffle de Drago.

Drago resta planté là, à la regarder. Elle ne savait pas qu'il était là, à quelques pas, parce que son visage angélique était tourné vers les étoiles. Sa robe n'avait rien de révélateur, bien loin des robes courtes que Drago venait de voir dans sa Salle Commune, mais pourtant, elle lui donnait des bouffées de chaleur rien qu'en posant ses yeux dessus. Tout, chez elle, inspirait la douceur, la pureté, l'innocence.

Elle n'avait jamais été aussi belle.

C'était comme un présage, envoyé par Merlin en personne pour rappeler à Drago qu'il ne la méritait pas. Elle était un ange envoyé par le ciel pour inspirer les autres, et lui était la tâche noire qui ne pouvait pas s'approcher d'elle. Elle éclairait tout le monde de sa présence, de sa lumière, mais lui restait tapi dans la noirceur.

Noir et blanc.

Lumière et ténèbres.

Il s'éclaircit la gorge et elle tourna la tête vers lui, et eut un grand sourire, celui qui faisait pétiller ses yeux et illuminait ses traits, comme s'il était la plus belle chose qu'elle n'avait jamais vue.

"Bonsoir Drago." dit-elle d'un ton léger, presque rieur.

Drago réalisa qu'il n'avait pas respiré depuis qu'il était arrivé au bout du chemin et inspira longuement, physiquement incapable de regarder ailleurs que la fille en face de lui.

"Bonsoir, Granger." réussit-il à articuler.

Il vint s'asseoir à côté d'elle, et il ne savait pas si c'était son imagination, mais il eut l'impression de percevoir la chaleur émaner de son corps, qui l'enveloppa agréablement dans la fraîcheur de la soirée.

"Joli costume." dit Drago, comme une remarque passagère, parce qu'il ne savait pas comment formuler à voix haute toutes les émotions qui le traversaient en la voyant.

Granger baissa le regard sur sa robe et lui montra un serre-tête en forme d'auréole qu'elle avait posé sur ses genoux avec un petit soupir agacé :

"Ginny." dit-elle en guise d'explication. "Elle a tellement insisté pour faire mon costume que je n'ai pas pu résister, mais je l'ai regretté à l'instant où j'ai vu la panoplie posée sur mon lit tout à l'heure."

Drago déglutit et essaya tant bien que mal de regarder ailleurs, mais il n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose qu'elle.

"Il ne fallait pas. Tu es magnifique." dit-il sincèrement.

Les joues de Granger rosirent davantage sous le maquillage.

"Oh. Merci." répondit-elle, soudain un peu timide. "C'est Ginny qui a tout fait. Les cheveux, le teint, et tout ça… J'ai insisté pour que ça soit naturel, mais je ne sais pas trop si ça l'est…"

Drago contempla le travail de Weaslette, et bien qu'il haïssait tous les Weasley, il était obligé de s'incliner. Il n'avait pas pensé que Granger puisse être plus éclatante qu'elle ne l'était déjà, mais il avait eu tort. Elle était tellement belle qu'il en était presque intimidé, comme si ce n'était pas la même fille à qui il parlait à la Bibliothèque tous les jours, comme s'il venait de la rencontrer.

"De quand date ta mort ?" demanda-t-elle subitement, un sourire toujours accrochée à ses lèvres pulpeuses.

Drago fronça les sourcils.

"Quoi ?"

Elle désigna son visage et sa tenue d'un geste de la main :

"Ton costume."

Drago avait complètement oublié qu'il était déguisé en squelette et posa une main automatique sur sa joue peinte de blanc. Quelle ironie, pensa-t-il. Un ange et un damné, assis sur le même banc.

"Oh. Pansy." dit-il, de la même manière qu'elle avait fait pour expliquer son costume. "Elle a réclamé que tout le monde soit déguisé, alors…"

"C'est très réussi." commenta Granger, les joues toujours rouges. "Je ne pensais pas que je pourrais constaster un jour des talents de Parkinson dans quoi que ce soit, mais je dois admettre qu'elle est douée en maquillage. Surtout les yeux, c'est… Incroyable à quel point le gris de tes pupilles ressort."

Elle porta une main à son visage sans s'en rendre compte, et arrêta brutalement son geste quand elle réalisa ce qu'elle était en train de faire.

Juste avant qu'elle ne reprenne sa main, Drago la saisit mécaniquement par le poignet, et le contact contre sa peau lui envoya une décharge d'éléctricité dans le bras. Granger écarquilla légèrement les yeux, et ils se regardèrent quelques secondes en silence, la bouche de Granger légèrement entrouverte, les joues brûlantes.

Puis, sans que Drago retire sa main de son poignet, Granger approcha doucement sa main vers son visage. Il sentit ses doigts effleurer le contour de ses yeux, lentement, le contact à peine perceptible. Il ne cligna pas, voulant profiter un maximum de cette vision qu'il voulait graver dans sa mémoire. Granger, à quelques centimètres de lui, déguisée en ange.

"Tes yeux changent de couleur." dit-elle, dans un murmure balayé par le vent.

Elle effleurait toujours sa peau, et le geste était plaisant et agonisant à la fois.

Drago ne pensait qu'à l'embrasser. Il n'avait qu'à pencher un peu la tête, et il pourrait enfin sceller ses lèvres avec les siennes. La tension était perceptible dans l'air, comme des particules qui lui brûlait la peau. Les lèvres roses de Granger étaient à peine entrouvertes, et Drago mourait d'envie de l'embrasser, de la sentir plus proche de lui encore qu'elle ne l'était.

Le cœur au bord des lèvres, il s'approcha tout doucement, si proche qu'il pouvait sentir la chaleur de ses joues contre les siennes, et Granger le regardait avec de grands yeux chocolat, et Drago aurait pu jurer que jamais personne ne l'avait regardé comme ça.

Mais il ne pouvait pas.

Il ne pouvait pas l'embrasser.

Il avait beau essayer de se convaincre qu'il avait le droit, qu'il ne risquait rien, sa raison revenait comme un mal de tête qui lui tambourinait la tempe et l'empêchait de se pencher suffisamment. Comment pouvait-il être raisonnable alors que Granger était si proche de lui, l'envie débordant sur ses traits, il n'en avait aucune idée. Mais il savait que s'il osait l'embrasser, tout changerait. Et la perspective de perdre sa raison d'être était trop douloureuse pour envoyer tout valser.

Alors, il se recula légèrement, et il crut percevoir un éclair de déception passer sur le visage de Granger. Drago déglutit et se reconcentra sur la phrase qu'elle venait de prononcer :

"Que veux-tu dire ?"

Granger prit plusieurs secondes pour se ressaisir et chercher ses mots, quelque chose qu'il avait rarement vu chez elle.

"Hum… Tes yeux." dit-elle finalement. "Au début, ils étaient gris, et maintenant, ils ont changé, ils sont… Bleus. Bleus océan."

"C'est juste un reflet de lumière." dit-il, mais Granger secoua la tête aussitôt :

"Non, non, ils changent de couleur. Très souvent, en fait. J'ai remarqué. Comme s'ils s'adaptaient à ton humeur."

Drago fronça les sourcils d'amusement en entendant ça.

"De mon humeur ? Et quelle est mon humeur maintenant, alors, Granger ?"

"Je ne sais pas encore vraiment." décréta-t-elle, avec sérieux. "Quand tu es agité, troublé, énervé, ils ont tendance à être gris. Parfois, ils ressemblent à des nuages orageux, parfois à un gris métallique froid, qui m'effraie presque un peu. Mais quand tu es détendu, ou heureux, ils sont bleus. Bleu foncés, parfois tellement foncés qu'il ressemble au ciel pendant la nuit. Et souvent, quand tu oscilles entre les deux humeurs, ils sont bleu glacés, tirant sur le gris, comme si tu ne savais pas ce que tu ressentais et que tes yeux ne savaient pas quelle couleur adopter."

Drago écouta son analyse avec attention, choqué qu'elle puisse avoir perçu autant de détails sur ses yeux. Il adorait quand Granger lui dévoilait ce genre de remarques, parce que ça montrait qu'elle était presque aussi attentive à lui qu'il ne l'était à elle. L'idée qu'elle puisse avoir remarqué ça le comblait de joie.

"Tu as bu combien de Bièraubeurres ce soir, Granger ?" demanda-t-il avec un petit rire moqueur, et elle utilisa la main qu'il n'avait pas saisi par le poignet pour lui taper l'avant bras.

"Juste une seule !" se défendit-elle dans un piaillement honteux. "J'arrête de parler de tes yeux. Ils sont bleus, c'est tout."

"Non, tu as dit qu'ils étaient bleus océan." pointa-t-il, juste pour voir ses joues rougir davantage encore. "Merlin, Granger, je n'aurais jamais pensé que tu puisses devenir comme Trelawney…"

"Je ne deviens pas comme Trelawney, je pense qu'il y a une raison rationnelle pour le changement de tes yeux !" contesta-t-elle tout de suite, agacée par la comparaison. "Ta famille n'aurait pas de sang de Métamorphomage, par hasard ?"

Il n'y avait vraiment que Granger pour poser ce genre de questions et attendre une réponse précise.

"Pas que je sache." répondit-il honnêtement.

Granger eut un évasif "hmm", mais n'insista pas. Pourtant, ses yeux étaient toujours rivés dans les siens, comme si elle essayait de voir s'ils changeaient toujours de couleur. Drago était persuadé que les reflets de la lune jouaient des tours sur ses prunelles, mais il n'osa pas contredire la théorie de Granger et la laissa contempler ses yeux comme elle le souhaitait.

Granger fit coulisser lentement sa main de la prise que Drago exerçait toujours contre son poignet et posa distraitement ses doigts contre les siens. Il observa son geste en essayant de dissimuler sa joie en la voyant faire ça si naturellement.

"En quoi étaient déguisés les autres Serpentards, ce soir ?" demanda-t-elle, probablement pour changer de sujet.

"Alors, voyons-voir… Pansy s'est déguisée en fée, un costume commun avec Blaise, qui est en elfe…"

"Zabini s'est laissé faire pour se déguiser ?" demanda Granger, les sourcils haussés de surprise.

"Blaise est celui qui s'est fait le plus vite convaincre, en fait." dit Drago, amusé qu'elle puisse penser le contraire. "Blaise accepte toujours ce que Pansy lui demande, c'est même lui qui a dû insister auprès de Théo et moi pour qu'on achète nos costumes."

"Oh." dit Granger, pensive. "Je pensais que Zabini serait le plus résistant à ce genre de choses. Il n'est pas très… expressif." commenta-t-elle.

"C'est parce que tu ne le connais pas assez bien. Une fois qu'on est ami avec lui, c'est probablement la personne la plus loyale qui existe."

Granger sourit légèrement en entendant ça, et attendit la suite avec un petit hochement de tête.

"Théo s'est déguisé en Dracula…" continua Drago.

Cette fois-ci, Granger hoqueta de surprise.

"Dracula est connu chez les sorciers ?!"

"Non, pas du tout." répondit Drago. "C'est Théo, il voulait se déguiser en Moldu…"

"Dracula n'est pas un Moldu, c'est un vampire." souligna aussitôt Granger, de la même manière que Théo quand il faisait son intello. "Je suis surprise que Théodore le connaisse, c'est une vieille légende moldue…"

"Théo a probablement lu l'intégralité des livres moldus sur la planète." dit Drago avec un haussement d'épaules. "Je te l'ai déjà dit, il adore la culture moldue, depuis toujours."

"Qu'est-ce que Parkinson a dit quand elle a vu un tel costume ?" demanda Granger, à la fois rieuse et un peu inquiète.

"Rien, elle n'a pas remarqué." confessa Drago. "Elle était un peu… indisposée."

Granger fronça les sourcils, ne comprenant clairement pas le sous-entendu.

"Elle a pas mal bu." expliqua Drago brièvement, peu désireux d'entrer dans les détails.

"Oh."

Visiblement, Granger ne savait pas comment prendre cette information : elle fixait les planches sombres du banc dans une expression pensive. Puis, elle releva la tête et demanda d'une petite voix :

"Et toi ? Tu as bu ?"

Drago pensa aux deux verres de liqueur de pomme, au shot de Crachat de Dragon, et à tous les verres de whisky qu'il avait bu depuis qu'il était à Poudlard, et sa bouche se tordit d'appréhension à l'idée de lui dire. Granger attendait patiemment, ses grands yeux curieux posés sur lui dans une parfaite représentation de l'innoncence.

"Un petit peu." avoua-t-il.

"Qu'est-ce que tu as bu ?"

"Pas de la Bièraubeurre." répondit Drago, assez évasivement pour ne pas lui répondre franchement.

Granger n'insista pas, et Drago en fut soulagé.

"C'est quand même ironique." dit-il en désignant les ailes dans son dos. "Un ange qui me demande si j'ai pêché… Ça fout la pression."

Granger éclata de rire, et le son se répercuta dans les arbres aux alentours et dans chaque pore de Drago comme une mélodie.

"Et vous, alors ?" demanda Drago après qu'elle ait repris son souffle. "En quoi les Gryffondors se sont-ils déguisés ?"

Elle réfléchit une seconde et un sourire involontaire étira ses lèvres en se souvenant des costumes de ses amis.

"Et bien, Harry est aussi en vampire, ce qui est assez ironique étant donné qu'il est en vampire "sorcier", donc pas aussi pâle que ceux des Moldus." expliqua Granger. "Ginny est en être de l'eau, avec un effet sur ses cheveux pour les rendre mouillés toute la soirée et une fausse queue de sirène qui l'empêche de danser comme elle le voudrait." (Elle rit un peu et Drago ne put s'empêcher de sourire à son tour). "Ron a eu l'affreuse idée de se déguiser en elfe de maison, juste pour m'agacer. Il a pris tous mes chapeaux tricotés pour les mettre sur sa tête…"

Elle leva les yeux au ciel, mais Drago pouvait voir son sourire toujours accroché à ses lèvres, preuve qu'elle n'était pas vraiment offusquée par le comportement du Weasley.

"Fred et George se sont déguisés… en Ombrage." dit-elle, et cette fois-ci, Drago ne put s'empêcher d'éclater de rire. "Ils portent une robe rose en peluche et passent la soirée à genoux en l'imitant avec sa voix criarde, c'est aussi drôle qu'insupportable."

"Théo aurait probablement adoré voir ça." dit Drago en imaginant la réaction de son ami s'il voyait un tel spectacle.

"Et Neville…"

Granger se mordit subitement la lèvre, comme si elle hésitait à lui révéler son costume. Drago arqua tout de suite un sourcil intrigué :

"Oui ?"

"Promets-moi que tu ne vas pas te moquer de lui, s'il te plaît." demanda Granger d'une petite voix.

"Je ne pourrais jamais te promettre ça." répondit Drago du tac au tac.

"S'il te plaît."

"Dis-moi."

"Promets-le !"

"Je te promets que j'essaierai de ne pas rire."

Granger arrêta de se mordre la lèvre et capitula :

"Il s'est déguisé en Mandragore."

Drago eut à peine le temps d'imaginer le corps de Londubat dans un pot de fleur qu'il explosa de rire. Granger eut une moue désapprobatrice, mais il pouvait voir qu'elle se retenait de ne pas rire aussi.

"Drago, arrête !" couina-t-elle.

"En Mandragore ?! Sérieusement ? Mais comment t'as fait pour ne pas éclater de rire en le voyant ?!"

"Parce que c'est mon ami…"

"Oh, arrête ! Je suis sûr que tu te retenais pendant toute la soirée. C'est pour ça que tu es venue sur le banc, c'est ça ? Pour t'échapper de cette vision ?"

"N'importe quoi."

"Ami ou pas, si Théo se ramenait en putain de plante à Halloween, je me fouterais de sa gueule toute la soirée…"

"Drago, ton language !" réprimanda Granger avec des yeux ronds.

L'image de Granger en ange qui l'engueule pour son language était suffisante pour le refaire partir dans un fou rire. La Gryffondor fit semblant de remettre une mèche derrière son oreille pour cacher son propre sourire. Son autre main serra instinctivement les doigts de Drago qu'elle tenait toujours : sa peau était brûlante, il pouvait sentir les pulsations des battements de son cœur contre sa peau fine.

"Tu as dansé ?" demanda-t-il.

Il vit ses yeux s'agrandir de surprise et de gêne.

"Non. Comment tu le sais ?" questionna-t-elle précipitamment, se révélant sans le vouloir.

"Ta peau est brûlante." dit-il.

Sans réfléchir, il entremêla ses doigts dans les siens, se persudant que c'était simplement pour voir si sa paume était moite par l'effort et pas du tout pour lui tenir la main.

"J'ai simplement dansé avec Fred." confessa-t-elle tout doucement. "Une seule danse, mais ça a suffi à me faire mourir de chaud."

Drago ressentit un élan de jalousie à l'idée qu'un des jumeaux Weasley ait pu voir Granger danser, et pas lui, et Granger dû percevoir son changement d'humeur parce qu'elle s'approcha de lui avec un petit rictus :

"Jaloux, Drago ?"

"Pas du tout." mentit-il. "Pourquoi Fred, et pas l'autre ?"

"George était occupé à vendre des friandises interdites aux premières années." grommela-t-elle, soudain agacée. "Je suspecte Fred d'avoir dansé avec moi pour éloigner mon attention de leur petit commerce…"

"C'est eux qui t'ont donné une Bièraubeurre ?" demanda-t-il, devinant déjà sa réponse.

"Evidemment. Ils veulent absolument que je me ridiculise de nouveau devant tout le monde, ils disent que ça les comblerait de bonheur s'ils pouvaient me revoir comme ça…"

Drago grimaça, pas certain de vouloir assister de nouveau à Granger ivre : ça avait été une expérience assez déconcertante.

"J'en ai bu qu'une seule, et j'ai donné toutes les autres à Ginny." confessa Granger avec un petit sourire plein de malice. "Fred et George n'ont vu que du feu."

Soudain, son visage s'affaissa légèrement, et un voile de tristesse passa devant ses yeux.

"C'était une bonne soirée, mais…"

"Mais quoi ?" demanda-t-il.

Granger soupira et chassa une mèche de cheveux pour faire quelque chose de sa main qui n'était pas prise.

"Et bien… Halloween n'est pas vraiment une date pleine de réjouissance pour Harry." marmonna-t-elle.

Drago n'eut pas besoin de lui demander pourquoi. 31 Octobre 1981, une date qui était inscrite dans la mémoire de tous les enfants nés dans ces années-là, le jour où Harry Potter avait vaincu le Seigneur des Ténèbres en personne sans même savoir tenir une baguette. Le jour où ses deux parents s'étaient sacrifiés, et qu'ils avaient changé le cours de l'Histoire en le faisant.

"Il n'a pas aimé la fête, je suppose ?" demanda Drago sans la moindre trace de méchanceté dans sa voix.

"Non, pas vraiment. Et je sais que Fred et George ont organisé la fête pour remonter le moral de tout le monde, mais je pense que c'est une période trop sombre pour être pleinement dans l'ambiance. Avec Ombrage, la guerre, la mort de Cedric encore fraîche dans nos mémoires, et…"

Granger baissa tristement la tête, faisant retomber une cascade de boucles devant son visage.

"Quoi ?" demanda Drago sur un ton d'urgence.

Elle ne releva pas la tête, et Drago voulait éloigner ses cheveux pour voir si elle pleurait. Elle mit un certain temps à répondre, et quand elle le fit, sa voix était pleine de sanglots.

"Pour moi, Halloween a toujours rimé avec Hagrid."

Drago pressa les lèvres, ne sachant quoi répondre. Une partie de lui, celle que Granger appelait "Malefoy", voulait faire un commentaire sarcastique, une moquerie, même une insulte. Mais une autre partie de lui, Drago, celui qui habitait le plus sa tête quand il était à côté d'elle, ressentit une douleur au thorax en la voyant si peinée. Pour la première fois de sa vie, Drago voulait désespérement prendre la tristesse de quelqu'un et se l'approprier, pour la décharger de ce sentiment qui lui faisait du mal.

C'était impossible, bien sûr, alors à la place, il fit ce que Blaise aurait fait dans son cas. Il caressa le dos de sa main avec douceur, et la laissa parler sans l'interrompre :

"Je veux dire, est-ce que c'est vraiment Halloween, sans son jardin de citrouilles ? Sans son thé à la cannelle, et ses biscuits trop cuits ?" demanda-t-elle d'une voix teintée de douleur. "Être à Poudlard sans lui, c'est tellement étrange, j'ai l'impression qu'il va surgir dans un couloir à tout instant avec son grand sourire, ou me proposer un thé dans sa hutte le week-end suivant… Halloween me rappelle juste son absence. Je déteste ne pas savoir où il se trouve. S'il est…"

Granger essuya ses joues avec un reniflement et Drago n'arrêta pas ses cercles sur sa peau.

"Je suis désolé, Granger." murmura-t-il, et il l'était vraiment. Il était désolé de la voir si malheureuse, même s'il avait du mal à en comprendre les raisons.

Ils ne parlèrent pas pendant plusieurs minutes, les mains toujours entremêlées et le vent d'Octobre fouettant leurs visages dans des bourrasques glacées. Granger était toujours aussi triste, il pouvait voir qu'elle se retenait de pleurer avec difficulté. Drago avait du mal à comprendre comment leur conversation avait pu prendre un tournant aussi dramatique : il avait largement préféré quand elle lui avait parlé de ses yeux bleus.

Comme à chaque fois qu'il parlait à Granger, Drago se retrouvait à se confesser beaucoup plus que d'habitude. Il parlait rarement, voire jamais de ses souvenirs douloureux, alors il fut le premier étonné quand sa bouche s'ouvrit toute seule et qu'elle déversa un flot de mots qu'il ne contrôla pas :

"Tu sais, je n'aime pas trop Halloween non plus."

Granger leva la tête, interloquée par cette confession sortie de nul part.

"Vraiment ? Pourquoi ?"

"Ça me rappelle un mauvais souvenir." dit-il évasivement.

Granger était vivement intéressée, à présent. Elle se tourna complètement vers lui et attendit avec impatience la suite de son secret. Drago était intimement persuadé que Granger avait le même effet que le Véritaserum sur lui : une seule question et il se mettait à déverser ses secrets les plus intimes.

"Quand j'avais neuf ans, le soir d'Halloween, je suis allé retrouver Pansy et Blaise dans un champ de citrouilles, pas très loin de chez moi." raconta-t-il à voix basse. "Blaise avait apporté des bonbons, et il avait acheté une sorte de fausse baguette qui faisait des étincelles quand on la secouait trop fort, pour qu'on fasse semblant de faire de la magie."

Granger eut un petit sourire attendri en entendant ça. Drago continua, la voix soudain un peu tremblotante :

"On a joué avec pendant des heures, jusqu'à ce qu'elle ne fasse plus d'étincelles tellement on l'avait usée. Et comme j'étais un petit con, et que je voulais absolument être meilleur que les autres, je leur ai dit que je n'avais pas besoin de baguette, parce que je pouvais faire de la magie tout seul. Évidemment, ils m'ont ri au nez. Personne ne peut faire de la magie avant d'arriver à Poudlard. Et j'ai été tellement humilié, tellement énervé qu'ils puissent se moquer de moi, que j'ai projeté un éclair de magie sans le vouloir. Je suppose que l'accumulation de frustration et de colère a éclaté et que je n'ai pas pu contrôler ma magie. J'ai été touché au visage, juste sous l'œil. Une grosse entaille, assez profonde."

Il lui montra l'endroit, sous ses cils, où sa peau était un peu plus blanche que sur le reste de son visage.

"Pansy a essayé tant bien que mal de la soigner avec des plantes, mais ça n'a rien changé. Ma mère a failli s'évanouir en me voyant. Elle est tellement obsédée par les apparences que voir son fils de neuf ans avec une entaille comme s'il s'était battu, ça l'a mortifiée. Évidemment, mon père l'a su dans la demi-heure. C'était difficile de cacher une blessure aussi flagrante, même si Dobby m'avait déjà un peu soigné."

Il ressentit nettement le frisson parcourir le bras de Granger et Drago resserra sa prise sur sa main, comme pour la rassurer.

"Mon père m'a emmené dans son bureau. Je pensais qu'il allait me hurler dessus, me punir en m'interdisant de quitter le Manoir… Mais à la place, il est resté très calme. Il m'a dit que je devais apprendre à contrôler ma magie, parce que si je me blessais moi-même avec, c'était une preuve de faiblesse. Puis, il a soulevé la manche de sa cape, et m'a montré la marque sur son bras, en me disant que si j'étais faible, il appelerait le Seigneur des Ténèbres pour me punir."

Granger eut une exclamation étouffée et elle porta son autre main à sa bouche, les yeux révulsés d'horreur.

"J'étais complètement figé de peur." expliqua Drago. "La Marque était blanche, éteinte depuis des années, mais j'y ai cru, et j'ai été terrifié. J'ai fait des cauchemars pendant plusieurs jours."

"Oh, Drago, c'est affreux !" gémit Granger.

"Je ne l'ai dit à personne." admit-il. "Pas à Blaise, ni même à Pansy. J'avais honte, je crois. D'avoir peur de Lui."

"Pourtant, c'est normal." dit Granger résolument. "Tout le monde aurait eu peur de lui en entendant ce genre de menace."

Drago hocha la tête. Il aurait aimé qu'elle puisse consoler le petit Drago de cette époque, il en avait bien plus besoin que lui.

"Je suppose qu'on avait tous peur, mais qu'on ne voulait pas vraiment se l'admettre." dit-il. "Tu-Sais-Qui a toujours été un sujet tabou pour nous, nos parents nous en parlaient rarement. J'ai appris son vrai nom que quelques mois avant Poudlard, quand mon père l'a dit sans le vouloir après avoir trop bu."

Ce fut au tour de Granger de caresser le dos de la main de Drago, dans un geste si réconfortant que Drago oublia un instant où il se trouvait. Il n'y avait plus qu'eux, assis sur leur banc, et le pouce de Granger qui traçait des cercles sur sa peau.

"Avec Poudlard, j'ai un peu oublié tout ça." continua Drago avec un soupir. "Je pense que j'ai refoulé tous ces souvenirs horribles de mon père en me persuadant qu'il le faisait pour me protéger. Ce n'est que quand Théo m'a dit que c'était la Marque des Ténèbres dans le ciel, le soir de la Coupe du Monde de Quidditch, que je me suis rappelé de ce moment. Depuis, j'ai un peu de mal avec Halloween."

Elle serra ses doigts et lui fit un petit sourire triste.

"Lucifer est loin." dit-elle, et Drago reconnut le surnom qu'elle lui avait attribué dans ses lettres, comme si elle ne voulait pas dire le vrai à voix haute. "Il est loin maintenant, et toi tu es ici. Tu n'as rien à craindre."

Il ne répondit rien, parce qu'il n'était pas tout à fait d'accord. L'optimisme de Granger aurait pu être tentant, mais il savait que penser ça revenait à se bercer d'illusions. Lucius avait beau être loin en distance, il était constamment dans un coin de sa tête, prêt à surgir pour lui faire peur.

Il s'était attendu à ce qu'ils tombent dans le silence, mais évidemment, la curiosité de Granger revint au galop et elle lui demanda :

"Est-ce que tu l'as revue, depuis ? La Marque des Ténèbres ?"

Drago essaya de se souvenir en parcourant les livres de sa bibliothèque mentale. Après plusieurs minutes, il répondit :

"Mon père me l'a montrée quelques fois après, soit pour me faire peur, soit par inadvertance en enlevant son manteau ou en remontant ses manches. Elle a toujours été blanche. L'année dernière, il m'a dit par lettre qu'il avait pu sentir Son retour, j'imagine que la Marque l'a brûlé à ce moment-là. Et… Rogue m'a montré la sienne, vers la fin de l'année dernière. La sienne était noire, et elle bougeait."

Il avait dévoilé cette information en pensant que Granger aurait eu un choc en apprenant pour Rogue, mais elle hocha simplement la tête, visiblement déjà au courant de la Marque de son professeur de Potions sur son bras. Drago se demanda comment c'était possible, mais il ne préféra pas lui demander. Il savait qu'il n'avait pas besoin de lui rappeler de ne pas répéter cette information confidentielle. Il avait l'impression que dès qu'ils étaient sur ce banc, tout ce qu'ils se disaient devenait aussitôt un secret entre les deux.

Granger resta pensive quelques minutes, les yeux posés sur les fenêtres allumées de la façade du Château. Drago ne cessait de la regarder. La tête en l'air, les joues rosées par le vent, ses boucles sombres qui ressortaient contre le tissu blanc de sa robe, elle était la représentation parfaite d'un ange.

"Je devrais y aller." dit-elle après plusieurs minutes. "J'ai dit à Fred que je sortais prendre un peu l'air, j'ai peur qu'il commence à me chercher s'il ne me voit pas revenir."

Drago hocha la tête et retira sa main de la sienne, le plus lentement possible, pour profiter de la chaleur de sa peau une dernière fois avant qu'elle ne redisparaisse dans le Château.

Elle se leva, et sa robe blanche retomba grâcieusement à ses chevilles. Elle remit ses ailes droites, mais ne plaça pas l'auréole dans ses cheveux, préférant le garder à la main. Puis, elle dansa d'un pied sur l'autre devant lui, une habitude qu'elle prenait souvent quand elle était gênée.

"Merci." finit-elle par dire, sans vraiment le regarder dans les yeux. "Merci d'avoir été là ce soir. J'espérais que ça soit le cas quand je suis arrivée sur le banc."

Il sourit, parce que c'était l'exacte raison de pourquoi il avait voulu sortir aussi.

"Avec plaisir, Granger." dit-il sincèrement.

"Drago… Est-ce que je peux te demander quelque chose ?"

Le garçon observa son visage entouré du halo de boucles brunes et répondit sincèrement :

"Ce que tu veux."

Il vit une petite lueur d'espoir animer ses yeux brillants.

"En fait, je ne voulais pas te demander, parce que je ne voulais pas connaître la réponse, mais il faut que je sache… Est-ce que tu sais ce qui est arrivé à Hagrid ?"

Drago serra compulsivement le poing en se raidissant contre le banc.

"Je…"

"Tu en as parlé, en cours de Botanique, peu de temps après la rentrée." insista-t-elle en se rapprochant inconsciemment de lui. "Tu as dit à Harry qu'il s'était "frotté à quelque chose de trop gros pour lui." Tu sais quelque chose, n'est-ce-pas ? Ton père t'as dit ce qu'il lui était arrivé ?"

Drago hésita un moment. Granger était face à lui, le visage marqué de tristesse, d'appréhension, d'impatience et de curiosité, et ses ailes blanches dépassaient de l'arrière de sa tête. Avec la lueur des fenêtres encore allumées, Drago avait l'impression qu'elle était entourée d'une aura dorée tout autour d'elle, ce qui renforçait sa prestance angélique.

"Granger, je…"

"Dis-le moi, Drago. Tu m'as toujours dit la vérité, même quand elle faisait mal." dit-elle, la voix pleine d'assurance. "Je veux que tu sois honnête. Dis-moi ce qui est arrivé à Hagrid, je peux le supporter."

Drago n'en était pas si sûr : derrière ses yeux déterminés, il pouvait voir une certaine terreur à l'entendre dire la nouvelle fatidique qu'elle craignait tant. Elle tremblait, et il savait que ça n'avait rien à voir avec le vent.

"Je ne sais pas, Granger." admit Drago dans un soupir accablé. "Mon père m'a juste dit qu'il avait été aperçu dans un camp de géants, et qu'il avait probablement été écrasé depuis. Je n'ai pas d'autres informations sur son état, j'ignore où il est, ou s'il est toujours vivant."

Elle ferma les yeux, et une petite larme roula sur sa joue. Quand elle les rouvrit, elle regarda au loin, dans la direction de la hutte d'Hagrid dont elle pouvait probablement apercevoir les contours dans la nuit. Puis elle acquiesça et fit un sourire à Drago, un sourire dénué de joie, un sourire vide et triste qui lui brisa le cœur.

"Merci." dit-elle simplement.

Puis elle tourna sur ses talons et s'en alla, et Drago put voir l'éclat de sa robe blanche sur tout le chemin, malgré l'obscurité.

Il la suivit peu de temps après, peu désireux de rester assis sur le banc maintenant qu'elle n'était plus là. Il ressentait soudain une fatigue écrasante, et se demanda si ce n'était pas le poids de sa confession qui pesait sur ses épaules.

Quand Drago arriva dans la Salle Commune, Pansy était toujours à califourchon sur les genoux du type qu'elle embrassait à pleine bouche, et Blaise n'était pas là. Drago se rendit au dortoir, et y trouva Théo, qui dormait sur ses couvertures, un livre ouvert à moitié posé sur sa poitrine, une boîte de chocolats à sa gauche. Il dormait la bouche ouverte à cause des dents pointues qu'il n'avait pas enlevées. Le lit de Blaise était fermé.

Drago alla dans la salle de bains et se passa de l'eau sur le visage pour enlever le maquillage de squelette qu'avait appliqué Pansy.

Il observa l'eau colorée tourbillonner au fond de l'évier, blanche, grise, noire, et pensa à son ange au-dessus de lui, en priant pour qu'elle ne s'endorme pas en pleurant ce soir.

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Hermione


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Le lendemain d'Halloween, Hermione était tellement préoccupée qu'elle se fit désarmer par Ron deux fois pendant leur séance de l'Armée de Dumbledore. La troisième fois que sa baguette tomba sur le sol et roula jusqu'aux pieds de Lee, Ron s'approcha d'elle, ses sourcils froncés dans son expression typique d'inquiétude.

"Tout va bien, Mione ? Tu as l'air ailleurs."

En effet, elle l'était. Tout l'esprit d'Hermione était encore focalisé sur sa conversation de la veille avec Drago, sur leur banc. Elle avait l'impression qu'ils n'avaient jamais été aussi proches que cette nuit-là. Drago s'était confessé sur un sujet profondément intime, et sans qu'elle sache exactement pourquoi, ça avait renforcé encore plus ses sentiments pour lui. Il avait été plus humain que jamais.

"Je n'ai pas beaucoup dormi." mentit-elle, une excuse qu'elle avait dû utiliser une bonne centaine de fois depuis leur troisième année.

Pourtant, cette fois-ci, elle était vraie. Hermione n'avait pas réussi à bien dormir, parce qu'elle avait passé le reste de sa nuit à cogiter et à tourner dans son lit sans trouver le sommeil.

"Moi non plus." admit Ron d'une petite voix, et Hermione leva la tête vers lui, surprise. Ron n'avait jamais de problème pour dormir.

"Comment ça se fait ?"

Hermione vit sa pomme d'Adam remonter le long de sa gorge quand il déglutit.

"Le match." répondit-il, l'angoisse perçant dans sa voix. "J'ai peur de.. me ridiculiser, ou je sais pas."

"Ne sois pas bête, Ronald." dit-elle en lui tapotant l'épaule. "Tu vas être formidable, je n'en doute pas."

En réalité, elle n'en avait pas la moindre idée. Elle n'avait jamais vu Ron jouer en tant que Gardien, et le match contre les Serpentards approchait atrocement vite, mais il eut l'air rassuré et ébaucha un petit sourire.

"Fais-moi encore croire que j'arrive à te désarmer quelques fois et ça me redonnera confiance en moi."

Elle eut un petit rire chevrotant, et pile à cet instant, Harry annonça la fin de la séance. Hermione en profita pour prendre le panier qu'elle avait préparé pendant son insomnie de la veille, et montra à tout le monde les pièces de faux Gallions à l'intérieur.

"Au fait, j'ai trouvé un moyen de vous communiquer la date et l'heure de notre prochaine séance." annonça-t-elle. "Je veux à tout prix éviter de se faire remarquer par un professeur, et surtout une en particulier, et si on traverse la Grande Salle à chaque fois, ça va paraître suspect."

Hermione prit l'une des grosses pièces entre ses doigts et leva la main pour que tout le monde puisse l'apercevoir.

"Vous voyez les chiffres, sur la tranche de la pièce ? Sur les vrais Gallions, il s'agit simplement d'un numéro de série désignant le gobelin qui a frappé la monnaie. Sur ces fausses pièces, en revanche, les chiffres changent et indiquent le jour et l'heure de la prochaine réunion. Si la date est modifiée, la pièce chauffe et vous la sentirez dans votre poche. Nous aurons chacun un faux Gallion. Lorsque Harry fixera la date de la prochaine séance, il changera les chiffres de son propre Gallion et comme j'ai soumis toutes les pièces à un sortilège Protéiforme, les autres indiqueront automatiquement les mêmes chiffres."

Hermione remit la pièce dans le panier. En levant la tête, elle fut surprise de voir une dizaine de visages ébahis tournés vers elle. Un grand silence planait dans la Salle sur Demande.

"Enfin je… j'ai pensé que c'était une bonne idée…" dit-elle d'une voix mal assurée. "Même si Ombrage nous demande de vider nos poches, elle ne verra rien de suspect dans un simple Gallion… Mais euh… si vous ne voulez pas de mon système…"

"Tu arrives à jeter un sortilège Protéiforme ?" demanda Terry Boot, ébahi.

"Oui." répondit Hermione.

"Mais c'est… C'est du niveau des ASPIC, ça."

"Oh." dit Hermione, qui essaya tant bien que mal de contrôler ses rougeurs. "Oui, euh, c'est possible…"

"Comment se fait-il que tu ne sois pas à Serdaigle ?" demanda-t-il en regardant Hermione avec une expression proche de l'émerveillement. "Avec un cerveau comme le tien ?"

"Oh, il est vrai que le Choixpeau a sérieusement envisagé de m'y envoyer au moment de ma Répartition, mais finalement, il s'est décidé pour Gryffondor. Alors, vous êtes d'accord pour utiliser les Gallions ?"

Il y eut un murmure d'approbation et chacun d'entre eux vint prendre une pièce dans le panier en la remerciant. Terry Boot la félicita une dernière fois, manifestement abasourdi du niveau d'Hermione. Juste après qu'il soit passé, elle échangea un regard avec Ron, qui paraissait fier d'elle.

Harry, lui, était un peu plus maussade. Quand les jumelles Patil prirent un Gallion, il se pencha vers Hermione pour lui murmurer :

"Tu sais ce que ça me rappelle ?"

"Non, quoi ?" demanda Hermione.

"La marque des Mangemorts." répondit-il, brusquement.

Hermione sentit son coeur tomber un peu en entendant ça. Elle jeta un regard en biais vers son meilleur ami, mais il n'avait aucun air accusateur sur ses traits, simplement de l'amertume.

"En fait… oui." admit Hermione à voix basse. "C'est ce qui m'a donné l'idée…"

Elle repensa à Drago, qui lui avait confié l'annonce de son père sur le retour de Voldemort à cause de sa Marque qui brûle, de sa voix tremblante quand il lui avait dit, de l'idée qui avait germé dans son esprit tard dans la nuit en se souvenant de leur conversation.

"Mais tu auras quand même remarqué que j'ai gravé les chiffres sur des morceaux de métal, pas sur la peau." fit remarquer Hermione d'un ton qu'elle espérait léger.

"Oui… Je préfère ta méthode." dit Harry avec un sourire, en glissant son faux Gallion dans sa poche.

Harry et Ron partirent les premiers pour vérifier que la voie était libre, puis peu à peu, tous les élèves s'en allèrent en discutant gaiement. Hermione remit un peu en ordre la Salle sur Demande, et quand le dernier élève, Colin Creevey, quitta la Salle en lui lançant un joyeux "Au revoir Hermione !", cette dernière prit son propre Gallion et rangea sa baguette dans sa poche. Elle était sur le point d'ouvrir la porte quand elle entendit quelqu'un toussoter derrière elle, et elle sursauta.

C'était Fred.

Elle ne l'avait pas vu, parce qu'il était caché dans un coin de la pièce, plongé dans l'ombre. Il avait son fameux sourire sur les lèvres, celui teinté de malice. George n'était pas là, et c'était une vision extrêmement bizarre de voir un jumeau sans l'autre.

"Fred ?" appela Hermione inutilement.

"Je voulais te parler." dit-il de but en blanc.

Il parcourut les quelques mètres qui les séparaient en trois grandes enjambées, sans perdre son sourire. Il s'approcha d'elle, si près qu'elle pouvait sentir les odeurs de poudre de feux d'artifices et de bonbon accrochées aux mailles de son pull. Il était si grand qu'elle devait lever la tête vers lui pour apercevoir ses yeux pétillants de facétie.

"Fred, si c'est pour me demander si je suis intéressée pour être cobaye d'une de vos inventions…"

"Non, ça n'a rien à voir avec ça." coupa-t-il, toujours souriant, et Hermione arrêta de parler avec un air de surprise. "En fait, ça n'a rien à voir avec moi."

"Quoi donc ?"

"Mione, je vais te poser une question." annonça-t-il, d'un air si solennel qu'Hermione commença à sentir l'inquiétude piquer ses doigts. "Je vais te poser une question, un Vrai ou Faux, et tu devras me répondre honnêtement. C'est d'accord ?"

Hermione contempla le jumeau sans comprendre. S'attendant à une bêtise, elle fronça les sourcils et marmonna un "d'accord" pas très rassuré.

"Tu es amoureuse de Malefoy." déclara-t-il d'une voix tranquille. "Vrai ou Faux ?"