Le chapitre qu'on attendait tous est enfin là! Le match des Gryffondors contre les Serpentards! Et c'est aussi le chapitre le plus long que j'ai jamais écrit, avec 55 pages…

J'ai particulièrement hâte de lire vos réactions sur celui-là! Je n'ai pas pu répondre aux commentaires de la semaine dernière parce que j'étais tellement débordée, j'ai presque pas eu le temps de traduire ce chapitre aujourd'hui… Mais ce sont les dernières semaines qui sont les plus difficiles, je suis bientôt en vacances et j'aurai tout le temps d'écrire et traduire à partir du 5 juillet :)

Je vous laisse à votre lecture, n'oubliez pas de commenter ce que vous en avez pensé!

tw : sang, violence, blessures, asphyxie.

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Hermione


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"Qu-quoi ?" bredouilla Hermione, soudain à court de mots.

Elle s'était attendue à une blague, à ce que George arrive derrière elle et la fasse sursauter, ou que Fred fasse exploser quelque chose devant son visage, ou qu'il modifie sa voix pour parler comme Ombrage pour la faire rire. Hermione n'aurait jamais pu imaginer une seule seconde qu'il puisse lui demander ça, qu'il puisse la questionner sur son secret le plus cher.

Le sourire de Fred s'agrandit davantage, étirant ses tâches de rousseur communes des Weasley.

"Vrai ou Faux ?" répéta-t-il.

Hermione ouvrit la bouche, puis la referma, puis l'ouvrit de nouveau. Elle sentait ses joues et son cou brûler, et tout le sang tomber jusqu'à ses pieds. Elle avait l'impression que Fred venait de lui balancer un seau d'eau glacé au visage tant elle était pétrifiée. Ce n'était pas possible, ce n'était pas en train d'arriver, il ne venait pas de lui demander ça…

"Je… Euh…" bégaya-t-elle en évitant de le regarder pour ne pas accentuer ses rougeurs.

"Et bien, j'avais un petit doute, mais ta réaction vient de me le confirmer." dit Fred avec un petit rire. "Merlin, Hermione, tu es rouge comme une tomate !"

Mais Hermione ne souriait pas du tout. Ses doigts étaient agités par des spasmes de peur.

"Comment ?" demanda-t-elle sous le choc.

"C'est plutôt moi qui devrais te poser cette question, non ?" demanda Fred en s'adossant tranquillement au mur de la Salle sur Demande, comme s'il ne venait pas de bouleverser le monde entier d'Hermione en quelques mots.

"Comment tu l'as su ?" répéta Hermione.

"Je te l'ai déjà dit, Mione." répondit Fred, faussement outragé qu'elle puisse lui poser la question. "George et moi sommes les Weasley les plus observateurs. Après Ginny, bien entendu, mais je suppose qu'elle est déjà au courant. N'est-ce-pas ?"

Il lui fit un grand sourire, dévoilant ses dents, et Hermione sentit de nouveau la peau de son visage s'embraser. Fred hocha la tête comme si elle venait de lui confirmer à voix haute.

"Mais comment as-tu pu le deviner ? Depuis quand ?" demanda Hermione, sa voix de plus en plus aigüe à mesure qu'elle l'utilisait.

Fred retrouva un semblant de sérieux et lui répondit d'une voix tranquille :

"Depuis le début de l'année. J'ai remarqué que tu le regardais beaucoup."

Hermione resta interdite, et Fred continua son explication d'un ton léger, amusé :

"Quand il entre dans la Grande Salle, tu lèves toujours la tête vers lui. Pendant les repas, tu jettes des coups d'œil dans sa direction, et quand tu le croises dans les couloirs, tes yeux sont systématiquement attirés par lui. Mais tu ne le regardes pas comme tu regardes Harry, ou même Ron, tu le regardes avec cet air rêveur, le même que Ginny avait quand elle regardait Harry, avant. Et tu le défends souvent, aussi. Dès que quelqu'un parle de lui, tu as tendance à montrer ses bons côtés, et quand on l'insulte à côté de toi, tu grimaces."

"Je…"

"Il te regarde aussi, parfois." continua Fred, cette fois-ci à voix basse. "Quand il pense que personne ne le regarde. Il t'observe quand tu lis ton manuel à table, ou quand tu discutes avec nous. Mais il est tellement discret que je ne l'ai pas remarqué avant peu."

Il y eut un silence et Fred s'adossa davantage contre le mur en prenant ses aises.

"C'est si évident que ça ?" souffla Hermione, estomaquée par sa découverte.

Fred parut réfléchir quelques secondes, les yeux vers le plafond.

"Non, pas vraiment." concéda-t-il. "George n'a rien remarqué, et on serait bénis le jour où Harry et Ron pourront déduire la moindre chose. Ils ne verraient pas un ogre s'il était en face d'eux. En fait, je pense que cette année, tout le monde est complètement focalisé sur Harry, depuis ce qu'il s'est passé avec Diggory. Plus personne ne fait attention aux autres."

Sa voix n'était plus qu'un murmure quand il ajouta :

"Mais moi, je vois. Je te vois."

Le silence qui suivit fut entrecoupé par les respirations hachées d'Hermione.

"Mione, je sais pertinemment que tu es la sorcière la plus intelligente de ta génération, et tout ça…" dit Fred, toujours de cette voix espiègle. "Tu sais bien que je ne remettrai jamais en cause ton intellectuel, ta perspicacité, ton sérieux, et tout ça, mais… Tu es au courant de qui est le père de Malefoy, au juste ?"

"Oui, crois-moi, je le sais très bien." siffla Hermione entre ses dents serrées, de honte ou d'irritation, elle ne le savait pas.

"Hmm. Est-ce que je dois te faire la conversation du grand frère protecteur, ou tu estimes ne pas en avoir besoin ?" demanda Fred sur le ton de la plaisanterie.

"Non, pas la peine." maugréa Hermione, en dansant d'un pied sur l'autre pour dissimuler son embarras. "Ginny… Ginny s'en est déjà chargée."

"Très bien, alors ça ne sert à rien que j'en remette une couche, je suppose."

Hermione se mordit la lèvre et analysa le comportement de Fred, qui était extrêmement déconcertant : il était à la fois rieur, mais son ton avait une sorte de sous-entendu de reproche qu'Hermione n'arrivait pas bien à cerner.

"Fred, je suis…" commença-t-elle, n'ayant aucune idée comment formuler ses pensées sans céder à la panique. "Je suis désolée."

"Désolée de quoi ?" demanda le jumeau, surpris. "Tu n'as rien fait de mal."

"Si. Je suis tombée amoureuse de Drago Malefoy." répondit Hermione, et c'était la première fois qu'elle prononçait ces mots à voix haute. Elle eut aussitôt la chair de poule.

"Oui, c'est vrai." dit Fred, toujours de sa voix calme. "Mais tu n'as pas à t'en excuser pour autant. C'est pour toi que je m'inquiète. Merlin, tu t'es probablement tapé la tête un peu trop fort pour dire une chose pareille…"

"Fred…"

"Je veux dire, Malefoy !" dit-il, et Hermione regarda autour d'eux pour être sûre que personne ne l'entendait, bien que la Salle sur Demande était complètement vide. Son ton n'avait rien à voir avec l'agressivité qu'elle aurait pu imaginer. Il était calme, sincère, purement curieux. "Celui qui t'insulte depuis que tu es arrivée à Poudlard, que tous les Gryffondors haïssent ? Pourquoi lui ?"

Hermione pensa que c'était probablement la question qu'elle s'était le plus posée depuis que Drago s'était assis à la table de la Bibliothèque. Elle se massa les tempes, la respiration saccadée, en évitant toujours de regarder Fred dans les yeux tant elle était gênée par cette conversation.

"Je ne sais pas." avoua-t-elle après un temps. "Je ne sais pas ce qu'il m'a pris… Au début, je n'y croyais pas non plus, mais j'ai appris à le connaître, et mon Dieu, il est… Il est… Il est gentil, Fred." Hermione prit une grande inspiration, déterminée à lui expliquer : "Drago est probablement le garçon le plus gentil qu'il m'ait été de rencontrer, même si ça peut paraître fou, et insensé. Si tu m'avais dit ça ne serait-ce qu'il y a un an, je t'aurais demandé de m'enfermer à Ste Mangouste, mais… C'est la vérité. Je ne sais pas comment l'expliquer, j'ai déjà du mal à me l'avouer, Merlin, je ne lui ai même pas dit à lui !"

Elle n'en revenait pas qu'elle était en train de parler de ça avec Fred Weasley, le frère aîné de Ron, et qu'il l'écoutait avec ce sourire qui semblait incrusté sur ses traits en permanence.

À la fin de sa tirade, Fred arqua un sourcil et releva simplement :

""Drago" ?"

Hermione s'étrangla à moitié. Elle n'avait même pas remarqué qu'elle l'avait appelé par son prénom.

"Oui, Drago." répéta-t-elle. "Je suis devenue amie avec lui, puis je suis… Je suis tombée amoureuse de lui, pour une raison obscure que j'ai moi-même du mal à comprendre, pour être honnête."

Fred baissa le regard pour l'analyser longuement, perdu dans ses pensées.

"Me permets-tu de te poser une question ?" demanda-t-il d'un ton poli.

Hermione soupira de nouveau et se passa une main dans ses cheveux tout emmêlés.

"Oui, vas-y…"

"C'est réciproque ?"

Elle s'était attendue à cette question, mais ça ne l'empêcha pas de devoir reprendre son souffle longuement avant de répondre.

"Oui. Oui, c'est réciproque." avoua la Gryffondor, une confession qui ressemblait plus à un couinement qu'autre chose.

"Tu étais avec lui, hier soir, n'est-ce-pas ?" demanda Fred, d'un ton un peu plus pressant. "Quand tu es allée "prendre l'air" ?"

Hermione regarda le bout de ses chaussures, les joues cramoisies, et hocha finalement la tête. Fred avait manifestement relié tous les points entre eux et avait compris toute la vérité. Hermione était sidérée de voir à quel point ses amis étaient observateurs, ça en était presque agaçant.

"Je vois." répondit-il simplement.

Tandis qu'il affichait toujours son sourire connaisseur, Hermione sentit les prémices de l'angoisse commencer à picoter ses mains. Elle les passa une nouvelle fois dans sa tignasse et reprit la parole d'un ton beaucoup plus suppliant :

"Fred… Je t'en prie, Fred, tu ne dois rien dire, à personne, surtout à Harry et Ron, ils seraient furieux, et blessés, et je les perdrais, et je ne pourrais pas supporter ça… Et Drago, il risque beaucoup plus que moi, si sa famille l'apprend, il sera renié, ou même pire, et je ne peux pas lui infliger ça, je t'en supplie, Fred…"

En entendant ça, le sourire du rouquin s'évanouit aussitôt. Il se releva du mur sur lequel il était adossé et planta ses yeux dans ceux de la brune avec une lueur d'inquiétude dans les siens :

"Quoi ?" demanda-t-il, abasourdi. "Comment peux-tu penser que je pourrais faire une chose pareille ? Tu me prends pour l'un d'entre eux ? Un Serpentard ?"

Hermione ne répondit rien, la bouche barrée et le sang tapant douloureusement contre les parois de son crâne. Le rouquin la regarda avec une mine épouvantée, comme si l'idée qu'il puisse lui avoir causé du stress ne lui avait pas traversé l'esprit.

"Hermione, je ne ferais jamais rien qui pourrait te faire du mal." assura Fred, sans l'ombre d'un doute dans sa voix. "Tu le sais, non ?"

"Si les autres l'apprennent…"

"Personne n'en saura rien." interrompit Fred abruptement. "Je ne dirai rien. Merlin, je n'imaginais pas que tu pourrais penser le contraire."

"Et toi ?" demanda Hermione piteusement. "Tu m'en veux ?"

Fred prit le temps de réfléchir à la question, et poussa une petite expiration avec son nez, comme s'il évaluait s'il était en colère ou non.

"Je ne vais pas me tenir devant toi et te dire que je comprends, Hermione." asséna-t-il, toute trace d'amusement perdu. "Si tu me dis qu'il est gentil, je te crois, et je suis content que tu sois heureuse quand tu es avec lui, mais… Il ne l'est pas avec moi. Et encore moins avec Ron. Je ne peux pas vraiment apprécier un type qui insulte mon frère comme ça. Je ne t'en veux pas, et je comprends que tu ne veuilles pas en parler à Harry et Ron, mais je ne sais pas si je pourrai un jour… Je ne peux pas te promettre que je comprendrais un jour que tu sois tombée amoureuse du plus gros crétin de Poudlard. Sans vouloir t'offenser." ajouta-t-il avec l'ombre d'un sourire dans le coin de ses yeux.

Hermione comprenait cette réponse, elle était parfaitement logique. Elle aurait probablement eu la même réaction si elle avait entendu ça, à sa place. Mais elle ne put empêcher son cœur de se serrer un peu en écoutant Fred. La déception que Drago ne soit pas "approuvé". La frustration que Fred ne connaisse pas le Drago qu'elle connaissait, elle : celui qui la faisait rire, qui lui disait qu'elle était magnifique alors qu'elle portait un costume d'ange ridicule, celui qui faisait attention à elle et qui pouvait s'avérer être captivant quand il le voulait. Le Drago derrière la façade du Malefoy, qu'il avait dressé au fil des années.

"Je te fais confiance, Mione." poursuivit Fred en la voyant si pensive. "Si tu me dis que Malefoy mérite mieux, je te crois, mais j'ai encore un peu de mal à le voir. Mais je ne t'en veux pas. Je ne t'en voudrais jamais."

Il lui sourit et Hermione fut frappée par la ressemblance qu'il avait avec Ginny : autant physiquement que dans ses propos.

"Merci, Fred." dit-elle sincèrement.

"N'en parlons plus, d'accord ? Je ne voulais pas te faire de mal." implora-t-il, d'une voix beaucoup plus douce, comme s'il craignait qu'elle se mette à pleurer. "Je pensais que c'était juste un stupide crush, je ne pensais pas que c'était si…"

Fred ne termina pas sa phrase et préféra s'approcher d'elle pour la serrer dans ses bras. Hermione enfouit automatiquement son visage dans son pull.

Il lui fit un bisou sur le crâne, au même endroit où sa mère lui faisait pour la consoler, et il réussit à enlever toute la pression qu'Hermione ressentait rien qu'avec ce geste. Si simple, et si réconfortant. Il l'avait dit en plaisantant, mais Fred lui faisait réellement penser à un grand frère à ce moment-là, et elle était un peu envieuse de Ginny qui avait la chance d'en avoir six.

Ils se détachèrent lentement l'un de l'autre et Hermione chassa ses cheveux qui s'étaient plaqués contre son visage à cause de l'étreinte. Fred sourit de nouveau, son expression faciale naturelle.

"Je suppose que tu aurais pu choisir pire, tout compte fait." dit-il en retrouvant son ton de plaisanterie : il n'avait jamais réussi à tenir une conversation sérieuse trop longtemps. "Si tu m'avais dit que tu étais tombée éperdument amoureuse de Crabbe, je ne sais pas si j'aurais pu réagir aussi bien."

Hermione grimaça et lui tapa le bras en entendant ça, ce qui le fit éclater de rire. Ils se dirigèrent vers la sortie de la Salle sur Demande, et Fred le fit d'une démarche si décontractée qu'Hermione se demanda s'ils avaient participé à la même discussion. Elle avait eu le temps de paniquer, de supplier et d'être rassurée en moins de cinq minutes, un ascenseur émotionnel difficile à supporter.

Fred ouvrit la porte et passa sa tête dans l'entrebâillement, regarda des deux côtés du couloir, et quand il vit qu'il était désert, il fit un petit hochement de tête en direction d'Hermione et ils sortirent tous les deux dans le couloir.

"Je dois y aller, j'ai promis à George que je le rejoindrai pour s'entraîner avant le match contre les Serpentards." annonça-t-il.

Hermione fut tentée de lui rappeler l'heure du couvre-feu dans moins d'une heure, mais se ravisa à la dernière minute en se souvenant qu'elle s'était échappée en plein milieu de la nuit pour rejoindre Drago pas plus tard que la nuit dernière.

"Très bien, amusez-vous bien." dit Hermione avec un sourire.

Elle devait être encore un peu pâle, parce que Fred analysa son visage une seconde et lui rappela dans un souffle :

"Je ne dirai rien, Hermione, tu peux compter sur moi."

"Pas même à George ?" demanda-t-elle sur un ton de supplique.

Le rouquin fit une tête horrifiée :

"Tu me demandes vraiment de garder un secret à mon propre jumeau ? La chair de ma chair ?!"

En voyant son air désemparé, il la rassura :

"Je rigole, Mione, relax ! Je ne dirai rien à George !"

Hermione eut un soupir soulagé.

"Merci."

"Avec plaisir. À tout à l'heure dans la Salle Commune, peut-être ?"

Fred la salua d'un geste de la main et n'attendit pas sa réponse pour dévaler les escaliers à toute vitesse. Hermione le regarda partir, ne sachant pas si elle devait céder à la terreur ou au soulagement, et continua vers la Salle Commune en se demandant si elle n'était pas dans un de ces rêves étranges dont Trelawney parlait souvent.

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Drago


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Pendant la semaine qui précéda le fameux match Serpentard contre Gryffondor, Drago s'entraîna tous les soirs. Il voulait être au maximum de ses performances pour le jour J, même si ça voulait dire qu'il somnolait à moitié en classe à cause du manque de sommeil, et qu'il n'alla pas une seule fois à la Bibliothèque de la semaine.

Granger avait compris qu'il s'entraînait et ne lui fit pas la moindre remarque, mais Drago réalisa, cette semaine-là, que moins il passait de temps avec elle, plus il était à cran. Il n'avait pas expérimenté le calme de sa bulle à la Bibliothèque depuis trop longtemps, et même l'Occlumancie ne l'empêchait pas d'avoir des crises de colère foudroyantes, sans que personne ne comprenne pourquoi. Pansy et Théo restèrent prudemment loin de lui pendant la semaine.

Blaise, lui, se proposa de l'aider à s'entraîner tous les soirs où il ne jouait pas avec l'équipe, et Drago acceptait son aide à chaque fois.

Le Quidditch avait toujours eu cette capacité extraordinaire de calmer Drago, mais cette année-là, c'était l'opposé. Le Quidditch ne l'avait jamais mis autant dans un état de nerfs constant. Il était attentif, concentré du début à la fin, les yeux rivés sur la balle en or qu'il convoitait tant et la tête vidée de toute autre pensée. Drago était déterminé, obnubilé à l'idée d'arracher cette victoire à Potter, et le ridiculiser enfin devant tout le monde.

Blaise comprenait ça.

Il ne lui disait rien, même quand Drago poussait l'entraînement à des heures ridiculeusement tardives, même quand il lui demandait de le chronométrer pour la vingtième fois de la soirée, et même quand il piquait une crise de colère quand il n'arrivait pas à attraper le Vif d'Or assez vite à son goût.

Blaise ne disait rien, et recommençait, encore et encore, sans se plaindre une seule fois.

Le jeudi soir, trois jours avant le grand match, Drago était tellement exténué qu'il avait du mal à lever sa baguette correctement vers Rogue, et encore moins entrer dans son esprit. Il fit quelques maigres tentatives, en sentant à peine la brûlure de magie dans sa main.

"Vous n'avez pas médité." accusa Rogue de sa voix grave après une dizaine de minutes de Légilimencie ratée.

"Comment pouvez-vous le savoir ?" demanda Drago, étonné de voir à quel point Rogue avait visé juste.

"Votre esprit n'est pas aiguisé, pas comme d'habitude. Vous êtes tourmenté par quelque chose, et vos capacités magiques en subissent les frais."

Il désigna la chaise de son bureau pour inviter Drago à s'asseoir et il obéit en un instant, désireux de reposer ses jambes courbaturées. Rogue prit place en face de lui, avec l'habituel bruit de frottement de sa cape noire contre le sol de son bureau.

"Qu'est-ce qui vous tourmente, Drago ?" demanda Rogue très sérieusement.

Drago le regarda, ahuri par cette question :

"Le match, Professeur." répondit-il du tac au tac.

Comment avait-il pu oublier ? C'était le match le plus important de la saison !

"C'est tout ?" demanda Rogue, les traits durcis et les yeux perçants. "Rien d'autre ne vous tracasse ?"

Drago se demanda s'il voulait parler de Granger. Il déglutit et Occluda, malgré l'effort éreintant qu'il dut déployer pour le faire.

"Non, rien, Monsieur." mentit Drago. "Rien d'autre."

Les yeux noirs de Rogue se plantèrent dans les siens, et Drago n'osa pas interrompre le contact de peur que le professeur le prenne comme un signe de faiblesse. Comme d'habitude, il avait l'impression que les yeux de Rogue arrivaient à percer Drago et lire son âme. Qu'il pouvait lire dans ses pensées sans même lever sa baguette, sans le moindre effort physique.

"Très bien." finit par dire son directeur de Maison. "Vous pouvez y aller."

Drago ouvrit la bouche pour contester, mais Rogue fit soudain glisser une fiole le long de son bureau. Il lui ordonna, sans même avoir l'obligeance de le regarder en le faisant :

"Et donnez cette potion à Mr. Nott, il doit avoir fini son premier flacon à présent."

Drago rangea l'Essence de Murlap dans sa poche avec un grommellement inintelligible.

"Mais… On a à peine commencé, Professeur." se plaignit Drago en le voyant l'expédier de la sorte.

Rogue leva la tête vers lui d'un air blasé :

"Vous êtes épuisé, Drago. Vous tenez à peine debout, vous n'arriverez à rien dans cet état. Reposez-vous, et continuez de vous entraîner demain. J'ai réservé le terrain pour les Serpentards toute la journée du samedi aussi."

Drago grogna de nouveau, bien que savoir que son lit douillet l'attendait à quelques mètres était une raison suffisamment motivante pour l'aider à se lever. Rogue avait raison, il était épuisé. Il ne sentait pratiquement plus ses jambes, et ses paupières tombaient toutes seules, le suppliant de les laisser se fermer dans un sommeil réparateur.

Drago se dirigea vers la porte et marmonna un "bonne nuit" à Rogue. Il s'était attendu à ce qu'il ne réponde rien, mais il fut étonné d'entendre la voix gutturale de Rogue retentir une nouvelle fois dans son dos :

"Drago ?"

Ce dernier se retourna mollement pour lui faire face de nouveau. Rogue plissa ses lèvres et marmonna :

"Tâchez de gagner, je vous prie. Je détesterais voir la coupe de Quidditch une année supplémentaire dans le bureau du Professeure McGonagall."

Drago eut un petit rire amer :

"Moi aussi, Professeur. Comptez sur moi."

Drago traversa rapidement les cachots et prononça le mot de passe dans un bâillement. La porte s'ouvrit tout de même, et Drago trouva ses trois amis assis à leur place habituelle. Il n'y avait pas de fête, un changement qui ne semblait pas vraiment plaire aux autres Serpentards qui regardaient tous Pansy avec un air maussade sur leurs visages. Mais cette dernière était occupée à jouer aux échecs avec Théo sur la table basse devant le canapé, et faisait exprès d'ignorer les regards sur elle.

"Tour en A5." énonça-t-elle au moment où Drago prit place dans son fauteuil préféré.

Pansy lui jeta à peine un regard, mais Théo était encore pire : il était tellement focalisé sur sa partie d'échecs que Drago se demanda s'il l'avait entendu arriver.

"Tu n'as pas eu ton cours ?" demanda Blaise, qui lisait dans le fauteuil en face de Drago et consulta sa montre avec surprise.

"Rogue m'a renvoyé ici." expliqua Drago dans un marmonnement fatigué. "Il dit que je suis trop crevé pour faire quoi que ce soit."

"Il n'a pas tort." pointa Pansy, les yeux toujours fixés sur l'échiquier. "C'est ton tour, Théo."

"Je sais." dit Théo, le mot étouffé par sa main qu'il avait posé sur sa bouche. "Je réfléchis."

Pansy leva les yeux au ciel et détourna son attention du jeu pour inspecter Drago.

"Tu es dans un état déplorable." dit-elle d'une voix posée, dénuée de toute émotion. "Tu vas t'endormir sur ton balai samedi si tu ne retrouves pas un rythme de sommeil convenable."

Drago haussa les sourcils, surpris de reconnaître la voix de Granger dans celle de Pansy. C'était une première.

"C'est toi qui me dit ça ?" demanda Drago avec un petit rire. "À quelle heure tu t'es couchée, hier soir ? Quatre, ou cinq heures du matin ?"

"Six." corrigea Pansy avec un air digne qui fit rire Blaise. "Mais ça ne m'empêche pas de massacrer Théo aux échecs."

"Tu ne massacres personne." répliqua sèchement Théo, qui n'avait toujours pas changé de position depuis que Drago était entré dans la pièce. "Cavalier en G7."

La pièce du cheval glissa le long du plateau et percuta de plein fouet un des pions de Pansy, qui explosa en morceaux. Pansy ne cilla pas, cependant. Elle dégagea les morceaux de son pion avec sa main parfaitement manucurée et énonça calmement :

"Fou en B2."

"Merde !" s'écria Théo en s'apercevant de son erreur. "Putain de merde, j'avais pas vu ton putain de fou !"

Deux premières années qui révisaient pas loin firent les gros yeux et s'éloignèrent en entendant Théo s'exclamer de la sorte. Pansy, elle, eut un petit sourire fier.

Il fallait dire que Pansy s'était révélée aux échecs depuis que Théo lui avait proposé de lui apprendre. Maintenant qu'elle avait compris toutes les règles, elle avait trouvé des techniques de stratégie qui avaient le don de troubler Théo. Ce dernier semblait regretter son deal avec Pansy : il perdait aux échecs, et il était contraint d'apprendre à méditer deux fois par semaine, une pratique qu'il n'arrivait pas à apprécier malgré l'insistance de Pansy.

"Pourquoi est-ce qu'on a accepté que ces deux-là jouent ensemble aux échecs, au fait ?" demanda Drago à Blaise.

"M'en parle pas." grommela le garçon en face de lui. "Ça fait deux heures qu'ils sont dessus."

Drago consulta l'échiquier et vit que la plupart des pièces de Pansy étaient toujours debout, contrairement à Théo qui perdait clairement la partie. Il n'osa pas le faire remarquer, de peur que le garçon n'envoie valser le plateau. Tout le monde autour de la table basse savait à quel point Théo pouvait être un très mauvais joueur.

"Vous ne vous entraînez pas, ce soir ?" demanda Pansy à l'adresse de Drago et Blaise.

"Non, c'est les Gryffondors qui ont le terrain de réservé pour ce soir." grogna Drago.

"Et tu es confiant ?" demanda sa meilleure amie en lui jetant un regard craintif à travers ses longs cils noirs. "Tu penses qu'on va gagner ?"

"Et bien, Montague et Percey sont forts." répondit Drago, en listant les joueurs de son équipe. "Warrington est incapable de viser juste mais il est plutôt bon pour les passes, donc c'est un atout. Bletchley est bon, encore mieux que l'année dernière. Les seules personnes qui m'inquiètent, ce sont…"

Il tourna la tête vers Crabbe et Goyle, assis sur un autre canapé un peu plus loin. Ils étaient en train de faire leurs devoirs, ou du moins essayer, parce que Goyle tenait sa plume à l'envers et Crabbe avait renversé du jus de citrouille sur son manuel. Ils jetaient des regards implorants à Théo, le suppliant silencieusement de leur faire pour eux, mais ce dernier était bien trop focalisé sur l'échiquier pour faire attention à eux.

"Je suis étonné qu'il ne se soient pas encore mutuellement fracassé le crâne avec leurs battes." commenta Blaise en observant les deux garçons, une moue de dégoût faisant froncer son nez.

"Ne parle pas de malheur, ça pourrait très bien arriver demain." Drago avisa. Lui non plus ne plaçait pas une grande confiance dans les talents de Crabbe et Goyle.

"Je ne comprends toujours pas pourquoi tu n'es pas allé aux essais, Blaise." intervint Pansy en détruisant la tour de Théo sans ménagement.

Pour toute réponse, Blaise haussa les épaules.

"C'est vrai que j'aurais aimé que tu sois là." avoua Drago, qui contemplait le feu couleur émeraude qui scintillait dans l'antre de l'immense cheminée en granit. "Si t'étais là, je serais sûr qu'on gagnerait haut la main."

Blaise ne répondit pas, mais Drago crut voir sa bouche se tordre un peu en entendant ça.

"Ne pars pas pessimiste." conseilla Pansy en se tournant vers Drago, un air résolu sur ses traits concentrés. "Si tu penses qu'on a des chances de gagner, alors c'est qu'on en a."

"Mais ne pars pas trop confiant non plus." ajouta Blaise. "Tu as tendance à te laisser aller quand tu sens que tu peux gagner, et c'est là que tu exposes tes faiblesses. Potter n'hésitera pas à te voler la victoire en quelques secondes cruciales."

Drago hocha la tête en bâillant.

"En tout cas, j'ai hâte de voir la performance de Weasley." commenta Drago d'un ton moqueur.

"Tu l'as vu jouer ?" demanda Pansy, qui continuait de jouer aux échecs en suivant la conversation autour d'elle.

"Ouais, et à chaque fois que je le voyais, il était pathétique." répondit-il avec un petit rire. "C'est à se demander s'il sait se tenir sur le manche de son balai. Je pense que même Hagrid aurait eu un peu plus de prestige."

Pansy ricana méchamment et souffla un ordre à ses pièces : sa Reine s'avança et contra le Roi de Théo, qui put s'échapper de peu.

"Ça doit être le stress, ça lui monte à la tête." devina Blaise.

Drago haussa les épaules, peu intéressé par l'analyse des états d'âme de Weasley. Il était sur le point de prendre congé pour aller -enfin- dormir, quand Pansy murmura :

"Tu devrais le prendre à ton avantage."

"Quoi ?" demanda Théo, qui ne comprenait pas à quelle pièce ce conseil lui était adressé.

"Non, pas les échecs." dit-elle en secouant la tête. Elle tourna la tête vers Drago, et il reconnut la lueur de malice qui animait les pupilles de Pansy quand elle venait d'avoir une bonne idée. "Tu devrais utiliser le stress de Weasley à ton avantage, Drago."

"Comment ?" demanda-t-il sans comprendre. "Je ne peux pas vraiment me foutre de sa gueule en plein vol, il est Gardien, ça serait trop…"

"Pas sur le terrain." coupa Pansy, un petit sourire vicieux étirant ses lèvres peintes de noir. "Dans les gradins."

Drago fronça les sourcils, le cerveau trop embrumé par la fatigue pour déchiffrer ce qu'elle voulait dire.

Blaise, lui, était suffisamment alerte pour comprendre le plan de Pansy immédiatement :

"Tu veux le déstabiliser en plein milieu du match ?"

"Pourquoi pas ? On pourrait demander aux Serpentards de crier en simultané. Les buts des Gryffondors sont juste devant notre tour. Il entendra forcément."

"Crier quoi ?" demanda Drago, de plus en plus intéressé par le plan de Pansy.

La brune haussa les épaules, mais Drago était sûre qu'elle avait déjà tout prévu intérieurement et feignait l'indifférence. Et en effet, il pouvait voir la lueur malicieuse grandir dans ses yeux à mesure qu'elle parlait.

"Quelque chose pour le déstabiliser. Un slogan, une phrase en répétition, n'importe quoi qui pourrait lui faire perdre ses moyens."

Drago réfléchit à cette proposition en fixant les cases de l'échiquier. Cette proposition lui faisait un peu penser à son idée -stupide- de se déguiser en Détraqueur pour faire peur à Potter, et il avait peur que ça lui retombe dessus plus tard.

Théo grogna dans sa barbe en signe de désapprobation. Pansy fixait Drago dans l'espoir qu'il la rejoigne. Et Blaise était perdu dans ses pensées, les yeux fixés sur la fenêtre qui donnait sur le Lac Noir.

"Alors ?" demanda Pansy après plusieurs secondes de silence, avide de connaître son avis sur la question. "On le fait ?"

Drago pouvait entendre l'excitation percer dans sa voix. Il soupira bruyamment et fut sur le point de répondre, mais Blaise parla avant lui :

"Je pense que c'est une excellente idée."

Pansy et Drago se tournèrent vers lui, stupéfaits. C'était la première fois que Blaise exprimait un avis positif sur un plan qui visait les Gryffondors. D'habitude, il se mettait en retrait et faisait semblant de ne rien voir. Même Théo, qui n'avait pourtant pas détaché ses yeux du jeu d'échecs en face de lui, détourna enfin son attention pour fixer Blaise d'un air ahuri.

"Hein ?"

Blaise cessa de regarder par la fenêtre et posa son regard caramel sur les trois Serpentards en face de lui.

"Je pense que c'est une excellente idée. Weasley sera complètement désemparé, et ça déstabilisera Potter, et Drago pourra prendre le Vif d'Or pendant qu'on les déconcentre depuis les gradins. C'est brillant."

"Tu penses, toi, Blaise Zabini, que cette idée de merde est brillante ?" répéta Théo, incrédule.

Blaise hocha la tête sans hésiter. Théo garda son air affligé mais retourna à son jeu quand ses pièces lui crièrent de trouver une nouvelle tactique.

"Quel slogan on pourrait faire ?" demanda Pansy.

Blaise sourit. Le genre de sourire qu'il réservait pour les occasions extrêmement spéciales et rares, généralement celles des vengeances.

"Il faudrait plus qu'un slogan." dit-il, d'une voix décidée qui surprit Drago. "Si on répète sans cesse la même phrase, Weasley s'y habituera vite et pourra l'ignorer. Non, il faudrait créer un truc plus long. Comme une chanson."

"Une chanson ?" répéta le blond, qui était tout de suite plus enclin à réaliser l'idée quand Blaise était impliqué.

"On pourrait faire apprendre la chanson par coeur aux Serpentards et leur faire réciter demain, depuis les gradins. De plus en plus fort. Weasley se sera probablement évanoui avant la fin du match."

Drago ricana en imaginant Weasley tomber dans les pommes sur son balai. Pansy, elle, semblait déjà composer la musique dans sa tête.

"C'est interdit, je vous signale." grommela Théo. "Roi en A5."

"Les chants de supporters ne sont pas interdits." contesta tout de suite Blaise, comme s'il attendait que quelqu'un fasse cette remarque. "Il n'est pas stipulé dans le règlement qu'il est interdit de soutenir son équipe."

Il épousseta son pantalon des morceaux de pièce en bois du Fou de Théo qui venait de se faire déchiqueter par un pion de Pansy.

"Vous ne soutenez pas votre équipe, vous descendez les autres." fit remarquer Théo d'un ton dédaigneux.

"Peu importe." coupa Blaise, maintenant bien trop lancé dans son plan pour être arrêté par une intervention de Théo.

"C'est une idée stupide." insista le garçon.

"Alors, joue et ne participe pas." proposa Pansy en levant les yeux au ciel. "Personne ne t'oblige à écrire la chanson avec nous."

"Si vous faites ça, je ne viendrai pas demain." continua Théo, comme une menace.

"Tu ne viens jamais aux matchs de Quidditch." pointa Drago. "Et de toute façon, on est en plein mois de Novembre, tu ne comptais jamais venir dans un temps aussi glaçial."

Théo ne répondit rien, mais Drago était sûr qu'il avait visé juste. Théo ne venait plus aux matchs des Serpentards depuis que son doigt s'était "gelé" en essayant de tourner une page (une légère exagération, selon Pansy et Blaise.)

Pansy se leva et sautilla jusqu'à la bibliothèque la plus proche d'eux, prit un parchemin et une plume et retourna s'asseoir.

"Laissez-moi faire, je me charge de tout !" piailla-t-elle en se rasseyant dans le canapé.

Elle commença à griffonner son parchemin, bien plus vite que pour n'importe quel devoir qu'elle avait dû faire depuis que Drago la connaissait, sauf peut-être en Divination.

"L'un de vous aurait une rime qui va avec "joie" ?" demanda-t-elle au bout d'un moment.

"Effroi ?" proposa Théo d'une voix blasée au possible. "Hors-la-loi ? Complètement abruti ?"

"Abruti, ça ne rime pas." dit Pansy en analysant sa feuille. Puis, elle passa son regard sombre sur le plateau en face d'elle, comme si elle venait de se rappeler qu'elle était en pleine partie d'échecs. "Reine en A6."

Dès que la Reine de Pansy coulissa sur le plateau, le visage de Théo pâlit considérablement. Pendant que son Roi se rendait en signe de défaite, Pansy continuait d'écrire en tapant joyeusement son pied contre la table en rythme de la musique qu'elle créait.

"Échecs et mat !" annonça-t-elle, bien qu'inutile au vu de la tête dépitée de Théo. "Gagné, encore une fois. Ça fait combien, déjà ?"

"Je vais me coucher." marmonna Théo.

Il se leva et se dirigea vers les dortoirs sans un mot de plus.

"Rat, ça rime." proposa Blaise, et Pansy s'empressa de continuer ses paroles en le remerciant.

Drago bailla pour la centième fois et Pansy l'ordonna d'aller se coucher, en répétant qu'elle gérait tout et qu'il n'avait pas besoin de s'inquiéter, simplement de bien se reposer pour mettre toutes les chances de leur côté.

Drago était bien trop épuisé pour contester, ou trouver des rimes, alors il alla se coucher peu de temps après, non sans avoir prié Merlin pour la victoire de demain, et prit une large gorgée de Potion de Sommeil-Sans-Rêve.

Juste avant de s'endormir, il se demanda comment Granger réagirait en entendant ce genre d'idée. Elle détestait quand il se moquait de Weasley. Peut-être qu'elle lui ferait la tête…

Non, souffla son cerveau endormi. Tu avais dit que le Quidditch faisait exception à ta promesse.

Et avant que Drago ne puisse creuser un peu plus, il s'endormit dans un sommeil de plomb.

.

.
.

Malgré la potion, Drago se réveilla à cinq heures du matin à cause du stress qui l'empêchait de respirer convenablement. Il resta allongé dans son lit jusqu'à l'heure du début du petit-déjeuner, à méditer, à lire "Techniques aériennes des meilleurs Attrapeurs de Quidditch du monde" que sa mère lui avait envoyé par hibou, et à se rappeler à contre-coeur de la performance monumentale de Krum pendant la Coupe du Monde de Quidditch, en essayant d'oublier le fait qu'il avait envie de lui casser le nez après avoir dansé avec Granger.

Il était tellement focalisé sur le match à venir qu'il en avait complètement oublié le plan de Pansy de la veille. Il s'en rappela bien vite, cependant, quand il trouva cette dernière dans la Grande Salle, en train de distribuer quelque chose aux quelques élèves assis à la table des Serpentards. Il était à peine sept heures du matin, aucun professeur n'était encore assis, mais Pansy était déjà là, en train de circuler autour de la table en s'écriant :

"Faut les apprendre ce matin, dépêchez-vous ! Et mettez ça sur vos robes !"

"Pansy ?" appela Drago, et elle tourna sur ses talons avec un sourire.

"Ah, te voilà ! Tu es prêt ?" demanda-t-elle en s'approchant de lui en quelques enjambées.

Elle portait déjà son rouge à lèvres noir, et ses cheveux étaient parfaitement peignés. Il l'avait rarement vue aussi énergique si tôt le matin.

"Qu'est-ce que tu fais ?" demanda-t-il en essayant de voir ce qu'elle tenait entre ses mains.

Elle lui tendit un parchemin, sur lequel était écrit ce qu'il semblait être un chant.

"J'ai écrit les paroles avec Blaise." expliqua Pansy, sans cacher la fierté dans sa voix. "Puis, j'ai dupliqué le parchemin pour le distribuer aux Serpentards. Ils doivent absolument la connaître par cœur avant le match, sinon l'effet sera raté. Et j'ai aussi crée ça."

Elle fouilla dans une boîte en bois et déposa un badge dans la paume de sa main. C'était un badge tout simple, avec une couronne et la phrase "Weasley est notre roi" en dessous. Malgré le fait qu'ils étaient complètement différents, Drago ne put s'empêcher de penser aux badges de la S.A.L.E que Granger trimballait partout.

Comme si elle lisait dans ses pensées, Pansy continua son explication :

"Je me suis inspirée des badges qu'on portait quand Potter a été nommé Champion de Poudlard. À bas Potter, tu te souviens ?"

Drago hocha la tête sans répondre et voulut remettre le badge dans la boîte mais Pansy l'arrêta :

"Non, mets-le sur ta robe ! Il faut que tu en portes un pendant le match, pour que Weasley puisse le voir !"

"Est-ce que tu as dormi, au moins ?" demanda Drago en accrochant le badge à sa poitrine.

"Pas vraiment." répondit-elle en haussant les épaules.

Elle lui tendit un parchemin avec les paroles, mais Drago ne vit pas sa main, il regardait sa peau blafarde et les cernes que même le maquillage le plus efficace ne pouvait pas cacher.

"Pourquoi tu n'es pas venue dormir avec moi, si tu avais du mal à être seule ?" chuchota-t-il. "Je t'ai dit que tu pouvais venir quand tu voulais…"

"J'y ai pensé, mais vu comment tu es flippant en ce moment avec ce match, j'avais peur que tu me prennes pour un Souaffle dans ton sommeil ou un truc dans le genre." expliqua Pansy, ce qui le fit sourire malgré lui. "Et puis, je me suis occupée en faisant tout ça. Je pensais que ça te ferait plaisir."

Drago lut le parchemin des paroles de la musique et hocha la tête :

"Bien sûr que ça me fait plaisir." affirma-t-il après plusieurs secondes. "Weasley va être complètement affolé, et on est sûrs de gagner, maintenant !"

Pansy lui sourit et Drago se pencha légèrement vers elle pour lui faire un bisou sur le front, un geste de reconnaissance qu'elle apprécia visiblement, car son sourire peint de noir s'agrandit davantage.

"Maintenant, viens manger une tartine de miel avec moi, s'il te plaît." plaida Drago. "Tu es debout depuis Merlin sait quand."

Pansy accepta et ils finirent par s'asseoir à leurs places habituelles. Ils furent vite rejoints par Blaise, Crabbe et Goyle, et finalement, Théo, qui avait l'air grandement agacé par le sujet de conversation autour de la table : le Quidditch. Il refusa catégoriquement de porter le badge que Pansy lui tendit et se cacha derrière un bouquin pendant tout le petit-déjeuner.

Blaise récita chaque technique qu'il connaissait pour aider Drago, Pansy lui répéta une dizaine de fois la chanson pour qu'il apprenne les paroles par cœur, et chaque élève de Serpentard autour de lui lui souhaitèrent bonne chance ou le tapa dans le dos. Drago jubilait. Il adorait être au centre de l'attention, surtout quand ça concernait le Quidditch.

Pansy distribua des badges et des paroles pour tous les élèves de Serpentards. Drago avait pensé qu'elle serait obligée de les forcer à coopérer, mais il fut surpris de voir que tout le monde était motivé pour se moquer de Weasley. Bientôt, toute la table explosait de vert : des chapeaux, aux écharpes jusqu'aux badges. La seule personne qui ne respectait pas le code couleur était Théo, qui était vêtu de bleu.

Granger arriva dans la Grande Salle bien trop tôt pour un samedi, accompagnée de Weaslette. Elle portait son écharpe rouge et or qui se mariait bien avec la couleur de ses cheveux. Dès qu'elle passa le palier de l'imposante porte, Granger jeta un regard discret vers la table des Serpentards, pile vers là où il était assis. Ses yeux descendirent automatiquement sur son badge et elle fronça les sourcils, mais Drago était de trop bonne humeur pour s'en soucier. C'était du Quidditch, de la compétition, rien de vraiment personnel.

Quand Potter arriva, il traînait derrière lui un Weasley si gris et miséreux que Drago mit du temps à le reconnaître. Il avait l'air sur le point de rendre son dîner de la veille à tout instant. Blaise constata la même chose et chuchota :

"Hé, Pans', je crois que t'avais même pas besoin de te donner tout ce mal. Il va s'évanouir avant que Bibine ne siffle le début du match."

Pansy eut un petit rire et continua de faire passer les paroles de "Weasley est notre roi" à la table des Serpentards.

Dans le brouhaha qui accompagnait toujours la Grande Salle, Drago crut alors entendre un flot de paroles et tourna la tête vers Théo à sa droite :

"Oui, j'ai bien dormi, merci de demander, c'est toujours agréable quand on s'inquiète pour le bien-être de son ami, j'ai une petite douleur dans la nuque depuis deux trois jours à cause du fait que je suis penché en permanence sur une table, et j'ai dû me lever quelques fois pendant la nuit pour aller faire un petit pipi…"

"Pourquoi tu nous dis tout ça Théo ?" demanda Pansy, qui le regardait aussi sans comprendre.

Théo reposa son livre sur la table avec un air faussement surpris :

"Oh, vous pouvez m'entendre alors ?! Fantastique ! Alors, vous m'entendrez aussi quand je vous rappelerais que cette idée est complètement stupide ?"

"C'est simplement un peu de compétition, rien de bien méchant !" intervint Blaise, qui portait un chapeau de Serpentard trop grand et qui lui tombait devant les yeux. "Tu n'as jamais aimé le Quidditch, tu ne peux pas comprendre…"

"Je n'en attendais pas moins de Drago, parce qu'il a toujours su trouver des idées stupides pour se mettre dans la merde tout seul…" continua Théo comme s'il n'avait pas entendu Blaise parler. "Ça ne m'étonne pas vraiment de Pansy, qui ne perd jamais une occasion pour se moquer de quelqu'un…" (il évita la fourchette que Pansy lui lança avec expertise, s'attendant probablement à cette réaction.) Mais alors… Merlin, je n'aurais jamais cru que toi, Blaise, tu puisses t'abaisser à ça !"

"Drago mérite de gagner contre Potter, et quoi de mieux que d'ajouter un peu de piment à notre victoire ?" demanda Blaise avec un sourire.

"C'est de la méchanceté gratuite." asséna Théo sèchement. "Je déteste ça. Et si j'avais été réparti à Gryffondor en première année ? Vous vous moqueriez de moi comme ça ? Vous balançeriez les pires aspects de ma vie dans une chanson pour me déstabiliser ?"

"Tu n'aurais jamais été réparti à Gryffondor." dit Drago pour le rassurer, mais sa phrase eut l'effet inverse. Théo se leva précipitamment du banc, reprit son livre et s'éloigna en marmonnant un "peu importe".

En le regardant partir, Drago ressentit une légère déception, mais Pansy le rassura bien vite :

"Laisse le, il ne comprend pas. Ça ira bien mieux ce soir quand tout sera fini."

Drago hocha la tête pensivement. Il savait que l'idée de Pansy était puérile, mais il se rappelait sans cesse que si Blaise était dans le coup, alors ce n'était pas si terrible. Blaise était bien trop sage pour participer à un plan foireux.

Blaise, Pansy et Drago étaient en train de critiquer ouvertement l'énorme tête de lion que Lovegod avait mis sur sa tête pour soutenir Gryffondor quand Montague se positionna face à lui :

"Prêts ? On va y aller."

Drago se leva en même temps que Crabbe et Goyle, qui semblaient presque aussi anxieux que Weasley, si c'était possible. Blaise lui donna une tape sur le bras pour lui souhaiter bonne chance, et Pansy lui fit un câlin.

Quand elle serra ses bras autour de sa nuque, Drago vit que Potter et Weasley s'étaient levés aussi. Il regarda Granger se mettre sur la pointe des pieds pour embrasser Weasley sur la joue et ses bras tressaillirent.

"Bonne chance Drago !" lança affectueusement Pansy avant qu'il ne s'en aille.

Il lui fit un pâle sourire et partit avec Crabbe et Goyle. Ils marchaient juste derrière Weasley et Potter, donc Drago eut tout le loisir d'observer Weasley se caresser distraitement la joue à l'endroit où Granger l'avait embrassé et soudain, ce fut lui qui eut envie de rendre son dîner de la veille.

Étrangement, il ne ressentit plus aucune appréhension à l'idée de tourmenter Weasley.

Drago ne parla pas en se changeant. Crabbe et Goyle non plus. L'angoisse commençait à monter, à circuler dans ses veines à chaque battement de cœur. Quand Montague se positionna face aux joueurs pour rappeler les dernières tactiques à adopter et leur donner un discours d'encouragement, Drago n'écoutait qu'à moitié. Il vérifia que son balai était fonctionnel une dizaine de fois, juste pour ne pas écouter le bruit des pas des élèves au-dessus d'eux qui montaient dans leurs gradins respectifs.

"C'est l'heure." annonça Montague une demi-heure plus tard. "Allez, bon courage les gars."

Quand Drago sortit, balai sur l'épaule, il fut accueilli par une rafale de vent qui le décoiffa et un soleil perçant les nuages. Il avança en file indienne sur la pelouse. Il n'eut pas besoin de lever la tête pour savoir où étaient assis Pansy et Blaise : il pouvait déjà entendre les paroles de leur chanson au-dessus de sa tête, mais ça ne l'empêcha pas de les chercher des yeux quand même.

Pansy était dos au terrain, face aux Serpentards qu'elle menait comme une chef d'orchestre. Elle portait un chapeau vert avec un serpent qui s'enroulait autour, et ses cheveux étaient nattés tout autour dans une coiffure très élégante. Blaise était au milieu du chœur, dominant tous les autres par sa taille impressionnante, et ses joues étaient peintes de vert et d'argent, un maquillage sans doute appliqué soigneusement par Pansy.

Rien qu'en les voyant tous les deux, le cœur de Drago redevint léger.

L'équipe des Serpentards arriva au milieu du terrain, pile au même moment où la file indienne des Gryffondors s'arrêta au même niveau. Chacun des joueurs se jettèrent l'habituel regard noir et plein de haine, et celui de Drago se dirigea évidemment vers Potter, qui le regardait déjà. Drago pouvait voir ses phalanges devenir blanches tant il serrait la manche de son Éclair de Feu.

Weasley, en revanche, n'en menait pas large. Il serrait lui aussi le manche de son balai ridicule, (Un Brossdur 11, Drago ne pensait même pas qu'il était encore commercialisé), mais lui, c'était plutôt pour éviter de tomber à la renverse.

"Les capitaines, vous vous serrez la main." ordonna Bibine.

Montague s'approcha de Johnson et lui écrasa les doigts, mais elle eut le mérite de faire semblant de ne rien remarquer.

"Enfourchez vos balais."

Drago obéit et passa sa jambe par-dessus son Nimbus 2001. Quand Bibine siffla, il donna un gros coup de pied dans le sol et décolla d'un coup, voulant à tout prix gagner le plus de hauteur possible dès le début de la partie. Potter partit vers l'Ouest, alors Drago prit tout le côté Est du stade et commença à faire des grands cercles pour repérer le Vif d'Or.

Lee Jordan commença à faire les commentaires, mais Drago n'entendait plus.

En fait, il n'entendait même plus rien.

Le Quidditch avait toujours réussi à lui vider la tête, presque aussi efficacement que l'Occlumencie. Quand il était dans les airs, il ne ressentait plus l'angoisse de perdre, ou de se blesser. Il était tellement concentré que tout disparaissait autour de lui : le public, les applaudissements, la voix du commentateur. Il était dans sa bulle.

Il fit plusieurs fois le tour de terrain et ne trouva aucun reflet doré. Il repensait aux paroles de Blaise de la matinée, qui lui avait décrit les meilleures tactiques pour trouver le Vif d'Or avant Potter, et les appliquaient du mieux qu'il pouvait. Par deux fois, il faillit se prendre un Cognard, mais réussit à les éviter à la dernière seconde grâce à des dérapages serrés que le balai de Weasley aurait lamentablement échoué, sans aucun doute.

Quand il passa à côté du gradin des Serpentards, il fut choqué d'entendre la chanson de "Weasley est notre roi" retentir avec fracas, si fort qu'elle perça la bulle de concentration de Drago. Jordan essayait désespérément de couvrir les paroles avec ses commentaires, mais c'était impossible : le son des voix combinées créait un vacarme impossible à ignorer.

Weasley est un grand maladroit

Il rate son coup à chaque fois

Voilà pourquoi

Les Serpentard chantent avec joie

Weasley est notre roi.

Weasley est né dans un trou à rats

Il laisse le Souafle entrer tout droit

Voilà pourquoi

Grâce à lui, c'est sûr, on gagnera,

Weasley est notre roi !

Drago sourit de toutes ses dents et recommença son tour, en marmonnant les paroles de la musique entre ses lèvres sans s'en rendre compte. Il tourna la tête vers Weasley pour jauger son état, qui était catastrophique. Au moment où Drago le regarda, il laissa passer un Souaffle dans l'anneau central et le gradin des Serpentards explosa en cris de joie. Drago hurla de rire, mais s'arrêta bien vite quand l'un des jumeaux Weasley lui lança un Cognard avec force. Il reprit de l'altitude, et continua sa recherche.

Comme l'avait prédit Blaise, la musique réussit à déconcentrer Potter. Il était tellement inquiet pour son pote qu'il s'était carrément arrêté de voler. Il stagnait vers le milieu du terrain, les sourcils froncés derrière ses lunettes, avec un air meurtrier sur son visage, le genre de grimace qui comblait Drago quand elle était inscrite sur les traits de son pire ennemi.

Drago crut alors voir un éclat doré et se renconcentra, mais quand il plongea, il le perdit. Il jura et remonta encore plus haut dans les airs.

Weasley est notre roi.

Weasley est né dans un trou à rats

Il laisse le Souafle entrer tout droit

Voilà pourquoi

Grâce à lui, c'est sûr, on gagnera…

Drago chanta avec les Serpentards tout en scannant le terrain. Potter avait recommencé à faire des tours, mais il était clairement trop préoccupé par Weasley pour être complètement à fond dans le jeu.

Weasley est un grand maladroit

Il rate son coup à chaque fois

Voilà pourquoi

Les Serpentard chantent avec joie…

Soudain, Drago entendit le sifflement familier d'un Cognard juste à côté de son tympan. Il tourna la tête et croisa le regard apeuré de Crabbe.

"Hé ! Fais attention !" hurla-t-il à son coéquipier. "Espèce d'abruti, t'as failli m'avoir ! Je suis dans ton équipe, je te rappelle !"

Il lui montra son uniforme vert et la tête de Crabbe s'enfonça davantage dans ses épaules.

"Désolé Drago, je n'ai pas bien contrôlé…"

Drago roula des yeux d'exaspération et reprit son tour du terrain. Weasley avait encaissé un nouveau but, ce qui leur donnait une bonne avance.

Drago se voyait déjà. Le Vif d'Or dans la main, acclamé par des centaines de personnes, porté jusqu'aux vestiaires par son équipe… Félicité par Blaise, encensé par Pansy, peut-être même impressionner Théo par sa performance… Ils feraient une grande fête en son honneur le soir-même… Et, avec un peu de chance, Granger le complimenterait à la Bibliothèque le soir-même, Drago sourit en imaginant ce qu'elle pourrait bien lui dire…

En pensant à elle, il tourna la tête vers les gradins des Gryffondors. Il la repéra en quelques secondes. Elle portait un chapeau de Gryffondor, d'où s'échappait sa chevelure volumineuse qu'elle avait coincé sous son écharpe rouge et or. Elle dansait d'un pied sur l'autre, probablement à cause du froid, et discutait avec Weaslette en pointant l'un des joueurs du doigt. Visiblement, Weaslette était en train de lui expliquer quelque chose. Elle scanna le terrain en écoutant sa meilleure amie, et quand elle tomba sur Drago qui la regardait, elle lui lança un regard noir qu'il put percevoir facilement, même à plusieurs mètres d'elle.

Peut-être qu'elle ne l'acclamerait pas ce soir, tout compte fait. Peut-être qu'elle lui reprocherait la chanson de Pansy, qu'elle lui hurlerait dessus d'avoir osé se moquer de son précieux Weasley, et bizarrement, cette perspective lui faisait presque autant plaisir que le scénario précédent.

Drago arrêta d'observer Granger pour se focaliser sur la partie. Weasley avait laissé passer deux nouveaux buts, et la chanson continuait de résonner dans l'enceinte du stade, plus fort encore qu'au début de la partie.

WEASLEY EST NÉ DANS UN TROU À RATS

IL LAISSE LE SOUAFLE ENTRER TOUT DROIT

GRÂCE À LUI, C'EST SÛR, ON GAGNERA…

Drago se tourna vers la gauche pour essayer d'apercevoir la tour des professeurs : pour être tout à fait honnête, il était étonné qu'aucun d'entre eux n'ait encore arrêté la chorale de Pansy. Mais au moment où il s'arrêta sur le visage sévère de McGonagall, il aperçut dans sa périphérie visuelle la silhouette de Potter plonger.

Le sang de Drago ne fit qu'un tour.

Il dirigea aussitôt son manche vers le sol, et plongea en piqué pour le rattraper.

Il fonça vers Potter en espérant rattraper ses quelques secondes de retard. Potter avait les yeux fixés devant lui, et Drago le vit enfin. Le Vif d'Or, près des buts des Serpentards.

Heureusement, Drago était plus près des buts que Potter. Il le rattrapa en quelques secondes, et le colla sur sa gauche. Drago sentait à peine le vent contre son visage, il n'entendait plus les hurlements du public, ou même le sang qui tapait contre ses tympans à cause de sa descente sensationnelle. Il ne voyait plus rien d'autre que la petite balle dorée ailée, qui fit un tour du pied du but et vira droit sur l'autre côté du terrain.

Drago bifurqua tellement violemment que ça lui coupa la respiration, mais il refusa de ne serait-ce que cligner des yeux.

Potter fit le même mouvement que lui, et Drago fut surpris de le sentir contre son flanc, à la même vitesse. Comment avait-il fait pour virer aussi vite ?

Le manche du Nimbus de Drago était toujours pointé vers le sol, et il se rapprochait de plus en plus dangereusement de l'herbe du terrain. La balle volait à ras de la pelouse, mais Drago continuait de descendre, toujours plus près… Potter se retracterait sûrement au dernier moment… Drago n'avait jamais réussi à faire tenir Blaise très longtemps dans ce genre de piqué, Potter abandonnerait bien avant lui…

Mais quand il ne resta que quelques secondes avant de toucher le sol, Drago réalisa que Potter était bien trop obstiné pour ça. Il ne perdit pas une once de vitesse, et tendit le bras vers l'avant…

Drago ne réfléchit pas et fit pareil, ignorant la vitesse fulgurante à laquelle ils étaient lancés. Il sentit presque les vibrations des ailes de la balle dorée contre ses doigts, avant que ceux de Potter ne s'écartent davantage. Il toucha la balle du bout des doigts, et attrapa le Vif d'Or dans son poing.

Le cœur de Drago tomba brutalement dans son estomac et il laissa échapper un cri de protestation contre son gré. Il griffa le dos de la main de Potter, mais le Vif d'Or était dans sa paume, et il refusait de la lâcher.

Le Gryffondor remonta, et Drago tourna au dernier moment, une seconde avant de se prendre les buts adverses de plein fouet.

La descente en piqué avait probablement assourdi Drago, parce qu'il n'entendait qu'un bourdonnement continu dans ses oreilles. Il n'entendit donc pas les cris du public, ni les plaintes des Serpentards.

Drago ne pouvait pas y croire.

Toutes ces heures d'entraînement, tout ce stress, toutes ces insomnies, pour un moment si rapide ? Si intense ? Et il avait perdu ?!

Il regarda avec espoir le tableau des scores, comme s'il était physiquement possible que Serpentard ait marqué plus de 150 points en quelques minutes. Quand il entendit finalement les cris de joie des Gryffondors, et qu'il vit Granger prendre Weaslette dans ses bras, Drago voulut tomber de son balai.

Gryffondor avait gagné.

Putain de Potter avait encore gagné.

Drago détestait ce sentiment presque autant qu'il aimait le Quidditch. Cette sensation de déception qui lui brûlait les intestins, cette frustration qui semblait exploser dans sa poitrine, la laissant étrangement vide et douloureuse. Toute l'adrénaline du match retomba aussi brutalement qu'elle était montée.

Mais Drago ne supportait pas la défaite. Alors, plutôt que de vivre ces quelques secondes de douleur, il préféra la remplacer par une émotion beaucoup plus familière.

La colère.

Elle s'empara de lui violemment, faisait bouillir ses veines et redoubler son rythme cardiaque qui s'était pratiquement arrêté. Elle le fit agir sous l'impulsion. Il redescendit sur la pelouse, ignorant les cris de Pansy qui hurlait son prénom, et atterrit à quelques mètres de Potter. Ce dernier était au centre de son équipe et se faisait congratuler de tous les côtés.

"Tu as réussi à sauver la peau de Weasley, alors ?" lança-t-il à Potter, avec une voix teintée de mépris. "Je n'ai jamais vu un Gardien aussi mauvais… Mais après tout, il est né dans un trou à rats… Ma chanson t'a plu, Potter ?"

Il pouvait voir que ses mots affectaient le garçon : son visage se referma aussitôt, et Drago ressentit une petite étincelle de joie à l'idée qu'il puisse encore le toucher, même après sa victoire.

Mais au lieu de répondre, comme il le faisait habituellement, Potter se retourna subitement et serra la main de ses coéquipiers.

Son ignorance raviva un élan de colère que Drago n'avait pas senti depuis très longtemps.

Il la sentit s'écraser contre lui comme une vague déchaînée d'un océan en pleine tempête. Il regarda le Vif d'Or serré dans le poing de Potter et la jalousie, la rancœur, la haine contre lui se transforma en un sentiment de fureur qui surpassait toutes les émotions qu'il ressentait à cet instant. C'était comme si tout son corps s'était réchauffé d'une dizaine de degrés. Sa vision devint floue.

Il n'était contrôlé que par un seul désir : se venger.

Lui faire mal.

Le faire payer.

"On voulait écrire un autre couplet !" hurla Drago, ses paroles sortant de sa bouche sans qu'il puisse contrôler la moindre chose qu'il disait. "Mais on n'a pas trouvé de rimes à "grosse et laide…" On aurait aimé chanter quelque chose sur sa mère, tu comprends ?"

Potter l'ignorait toujours, alors Drago jeta son balai par terre pour se rapprocher de lui, pour voir la colère animer ses prunelles, la même que celle qui devait probablement animer les siennes à cet instant. Il ne pensa plus à rien, plus à Pansy, Blaise, Théo, ou même pas à Granger, il ne pensait qu'au visage de Potter qu'il rêvait de voir ensanglanté.

"On a également eu du mal à caser "pauvre type" dans les paroles, pour son père…" continua Drago d'une voix de plus en plus forte, et il vit que ça blessa Potter parce que sa mâchoire tressaillit un peu.

L'un des jumeaux Weasley arrêta de serrer la main de Potter et se tourna vers Drago, et son visage devint tout à coup bien plus menaçant. Il fit un pas vers lui, mais Johnson lui rattrapa le bras en lui murmurant :

"Laissez tomber, laisse, Fred, laisse-le s'égosiller, il est simplement hargneux parce qu'il a perdu…"

"Mais toi, tu aimes bien les Weasley, Potter ?" reprit Drago, avec l'intention de faire mal à chacun de ses mots. "Tu passes même tes vacances avec eux, je crois ? Je me demande comment tu fais pour supporter l'odeur. Mais enfin, j'imagine que quand on a été élevé chez les Moldus, même le taudis des Weasley ne sent pas trop mauvais…"

Potter ceintura avec force l'autre jumeau Weasley quand il comprit qu'il parlait d'eux. L'autre, Fred, se fit retenir par les trois joueuses de Gryffondor pour l'empêcher de se jeter sur lui.

Étonnamment, Drago n'était pas effrayé. Il était tellement furieux que la perspective de se battre lui était même alléchante. Peut-être que ça lui ferait retomber sa pression.

Drago ne contrôlait peut-être plus son flot de paroles, mais il n'avait pas besoin de sa tête pour trouver les propos les plus méchants à balancer à Potter. Il connaissait toutes ses faiblesses. Alors, ce fut seulement naturel quand il appuya sur l'endroit où il savait que ça le ferait craquer :

"Ou peut-être que tu te souviens de l'odeur que dégageait la maison de ta mère, Potter, et que la porcherie des Weasley te la rappelle ?"

Drago vit l'exact moment où Potter lâcha prise.

Il vit enfin la lueur de fureur qu'il attendait brûler dans ses pupilles vertes.

Potter lâcha le jumeau Weasley, et les deux se précipitèrent sur Drago avec tant d'élan qu'il fut projeté par terre par la force de l'impact.

Quand sa tête cogna le sol, la première pensée de Drago fut "enfin."

La décharge d'électricité que le coup lui procura était délicieusement addictive. Il pouvait sentir tous ses nerfs prendre feu et vouloir répliquer, et son poing se serra par réflexe, prêt à l'asséner dans le premier visage qu'il verrait.

Il sentit son crâne se fendre, et plein de petits points blancs avaient envahi sa vision, mais Drago les ignora. Il balança son poing dans l'espoir d'atteindre Potter, mais le grognement qu'il reçut en retour lui indiqua qu'il avait frappé le jumeau Weasley, George.

Potter, lui, utilisa son poing qui serrait toujours le Vif d'Or pour l'enfoncer dans l'estomac de Drago, qui cracha un juron en sentant sa blessure au crâne se raviver avec le choc. Sans avoir le temps de pouvoir reprendre sa respiration, George Weasley lui éclata alors le nez avec ses phalanges, et Drago entendit un "crac" avant même de ressentir l'atroce vague de douleur qui se déversa le long de son arête de nez.

Drago frappa au hasard avec le plus de force possible, et entendit l'un des deux hurler d'agonie. À en juger par le contact avec son poing, il en déduisit qu'il en avait touché un des deux aux lèvres. Drago sentait son propre sang couler sur sa mâchoire, mais il ne se laissa pas distraire. Il profita du fait que Potter avait tourné la tête vers le jumeau pour lui asséner son poing dans la mâchoire, faisant tomber ses lunettes.

Potter gémit de douleur, et Drago utilisa ses jambes pour pousser le garçon avec l'intention de le retourner pour inverser les positions de force, en lui donnant un coup au tibia au passage qui le ferait sans doute boiter pendant plusieurs jours. Il frappa George à la carotide et le jumeau recula brutalement.

"Impedimenta !"

La force du sortilège de Bibine envoya valser Potter sur le côté. À l'instant où le poids sur son ventre se libéra, Drago se rendit compte qu'il n'avait pas respiré depuis une bonne minute. Il sentit le goût du sang contre sa langue et s'étouffa à moitié dessus.

Il se roula dans l'herbe froide, et se força à cracher le sang qui s'était accumulé dans sa gorge. Sa blessure le lançait douloureusement à l'arrière de son crâne, et il était pratiquement sûr que son nez était cassé.

"Qu'est-ce qui vous prend ?!" s'exclama Bibine. "Je n'ai jamais vu un tel comportement ! Rentrez immédiatement au Château, dans le bureau de votre directeur de Maison ! Allez ! Dépêchez-vous !"

Drago voulut se retourner pour contester, mais il ne pouvait toujours pas respirer. Il s'étouffa et cracha une quantité impressionnante de sang sur l'herbe avec horreur.

Il pouvait sentir une présence à côté de lui, mais n'avait pas la force de se retourner. Si ses tympans ne bourdonnaient pas, il aurait pu entendre la voix criarde de Pansy depuis longtemps, mais il ne put que distinguer ce qu'elle disait que quand elle se jeta à côté de lui :

"MAIS FAITES QUELQUE CHOSE ! IL S'ÉTOUFFE ! VOUS NE VOYEZ PAS QU'IL S'ÉTOUFFE ?!"

Soudain, il sentit deux mains fortes lui agripper les épaules et le retourner avec force contre l'herbe. Le soleil l'aveugla au-dessus de lui, mais Drago parvint tout de même à reconnaître les yeux noirs de Rogue, probablement grâce aux nombreuses heures d'entraînement en Occlumancie.

"Drago, respirez ! Merlin, respirez !" ordonna Rogue d'une voix urgente.

Drago essaya, mais quelque chose le gênait dans sa gorge, il ne pouvait faire passer qu'un filet d'air. Il n'avait pas respiré depuis trop longtemps. Il sentait le sang contre sa langue.

Drago se sentit doucement partir, ses paupières tomber, comme lorsqu'il prenait une Potion de Sommeil-Sans-Rêve, comme dans un rêve cotonneux et chaud, loin de la pelouse de Quidditch…

Il entendait vaguement la voix de Rogue parler, mais il ne s'adressait pas à lui.

"Il a une contusion pulmonaire. J'entends son coeur faiblir. Il ne peut plus respirer…"

Drago ferma les yeux en essayant d'apprécier la douceur dans laquelle il était enveloppé par le sommeil. Peut-être qu'il se réveillerait dans son dortoir émeraude dans quelques secondes, et que tout ça n'était qu'un horrible cauchemar… Peut-être qu'il n'avait pas encore joué, et que Blaise se fouterait de lui en apprenant de quoi il avait rêvé…

Drago sentit le bout de la baguette de Rogue se poser sur son thorax, pile à l'endroit où ça lui faisait mal.

"Reparatione livorem !"

La sensation de brûlure qui accompagna le sort le fit d'abord grimacer. Puis, comme si le poumon de Drago s'était agrandi, il put prendre une grande goulée d'air frais qui l'asphyxia. Tout son œsophage brûlait atrocement.

D'autres mains, plus tendres que celles de Rogue, le mirent de nouveau face à la pelouse, et Drago toussa jusqu'à ce qu'il réussisse enfin à cracher le caillot de sang qui s'était logé dans sa gorge et l'empêchait de respirer convenablement.

"Oh, Drago, Drago, Drago !" répétait Pansy de sa voix paniquée.

Il voulait la rassurer, mais il ne pouvait pas s'arrêter de tousser. Quelqu'un lui tapota le dos, et Drago n'eut pas besoin de se tourner pour reconnaître le contact de Blaise.

"C'est Potter ! Il l'a attaqué !" hurla Pansy à l'adresse de Rogue. "On l'a vu ! Ils étaient à deux sur lui !"

"Je l'ai bien vu, Miss. Parkinson." grinça Rogue. "Ils seront punis en conséquence."

Mais Drago s'en fichait éperdument des punitions. Il voulait continuer à se battre, il voulait briser le nez de Potter de la même manière qu'il avait fendu le sien, il voulait le faire cracher du sang dans l'herbe. Il s'essuya la bouche et sa manche fut instantanément imbibée de son sang.

"Potter…" gronda-t-il, mais son nom ressemblait plus à un gargouillement étouffé qu'autre chose.

"Drago, tu saignes…" dit Pansy.

Soudain, la voix tremblante de colère de Blaise retentit à sa gauche, le faisant presque sursauter :

"EST-CE QUE QUELQU'UN POURRAIT SE DÉCIDER À LUI RÉPARER SON PUTAIN DE NEZ ?"

Visiblement, la menace dans sa voix sembla inquiéter tout autant les professeurs, parce que plusieurs d'entre eux s'approchèrent soudain. Drago s'assit dans l'herbe, avec l'aide de Pansy et Blaise, et Flitwick se mit face à lui :

"Je ne suis pas aussi doué que Madame Pomfresh pour les sortilèges de guérison, mais je peux vous réparer votre nez en un clin d'œil. Fermez les yeux, ça risque de piquer un peu… Episkey."

Drago reconnut le sort parce que c'était celui que Blaise avait utilisé pour soigner sa cheville après son épisode d'angoisse, quelques semaines plus tôt. Il grogna de douleur en sentant son nez se redresser, mais au moins, le saignement s'était arrêté.

Il ne remercia pas son professeur de Sortilèges et essaya de se relever. Bibine posa aussitôt une main sur son épaule :

"Ne vous relevez pas tout de suite, Malefoy !"

N'écoutant pas son conseil, Drago se mit sur ses jambes, et il les sentit trembler sous son poids.

"Malefoy ! Attendez une seconde, ou vous…"

"Je vais bien !" hurla-t-il, bien que sa tête était toujours lancinante, que son dos était endolori par sa chute, et qu'il était dégoulinant de sang.

Bibine pinça les lèvres et Rogue se planta face à lui pour jauger son état d'un coup d'œil furtif.

"Allez à l'infirmerie." ordonna-t-il. "Tout de suite."

Drago fit un pas en avant, mais Blaise lui attrapa le bras.

"Dégage !" hurla Drago, faisant reculer Pansy de stupeur. "Je n'ai pas besoin de vous !"

C'était injuste, et faux, et Drago le savait, mais il le dit quand même. Par colère ou par honte, il n'aurait su le dire. En tout cas, il n'avait pas envie de les voir. Il ne voulait pas entendre la voix suraiguë de Pansy ou croiser le regard inquiet et plein de sagesse de Blaise. Il ne voulait pas entendre le rire mesquin de Théo qui s'empresserait de lui dire "Je te l'avais bien dit" dès qu'il le verrait. Il voulait être seul.

Blaise dû le comprendre, parce qu'il le lâcha et le laissa partir sans un mot. Drago était à peu près sûr d'entendre un sanglot de la part de Pansy, mais il ne se retourna pas pour vérifier, et se dirigea droit vers le Château. Il pouvait sentir le torrent de sang qui avait séché sur son menton jusqu'au col de sa robe de Quidditch.

La route vers l'infirmerie fut ponctuée de quintes de toux et de jurons. Sa tête était toujours douloureuse, mais quand Drago se passa une main dans les cheveux, il ne vit pas de sang sur ses doigts. Pourtant, il était persuadé que Potter et Weasley l'avaient poussé suffisamment fort pour lui ouvrir le crâne. Si ce n'était qu'une commotion, Pomfresh pourrait la soigner aisément, et Drago ne ressentirait sans doute plus cette affreuse douleur…

Il monta les escaliers avec difficulté, en contractant son visage sans le vouloir à chaque fois que son pied touchait le sol, parce que ça envoyait un coup de jus à l'intérieur de sa tête.

Quand Drago arriva enfin devant les portes de l'infirmerie, il aurait pu pleurer de bonheur. Madame Pomfresh, cependant, l'accueillit avec la même amabilité qu'un troll des montagnes.

Elle lui soigna la tête en lui rappelant une centaine de fois que le Quidditch n'était qu'un jeu, et que la violence ne résolvait rien, et qu'il ne devait pas se laisser porter par ses pulsions pour blesser les autres, mais Drago la mit en sourdine rapidement et préféra regarder par la fenêtre pour ne pas qu'elle voit l'unique larme de déception rouler sur sa joue.

Pomfresh mit une heure à faire dégonfler la bosse qu'il avait sur la tête. Puis, elle lui soigna correctement le nez pour ne pas qu'il porte le coup de Potter sur son visage toute sa vie, nettoya le sang sur son menton, et essaya de faire disparaître le bleu sur sa joue, sans succès. Elle lui donna une dizaine de potions à avaler, et malgré tous ces soins, Drago avait l'impression de toujours sentir la brûlure des coups, ou le sang imaginaire dans ses cheveux. Il repartit de l'infirmerie en marmonnant un "merci" si peu audible que Pomfresh leva gravement les yeux au ciel.

Quand il retrouva le couloir de l'infirmerie, deux heures s'étaient écoulées, et tout le Château semblait vide. Il n'y avait pas de bruit dans les couloirs, mis à part les propres pas de Drago qui créaient un écho autour de lui.

Drago marcha sans savoir où aller.

Il n'avait pas envie de penser au match, à la victoire de Potter, ou à son envie de reprendre la bagarre là où elle s'était arrêtée. Il se demanda ce que Granger avait pensé de ce spectacle. Si une partie d'elle, même infime, s'était inquiétée pour lui en le voyant se prendre des coups. Même si elle serait forcément du côté de Potter, il espérait qu'il revêtait assez d'importance à ses yeux pour susciter de la crainte chez elle.

Drago était en train de prendre un couloir désert au hasard au troisième étage quand il entendit soudain des pas furieux avancer dans sa direction. Il releva la tête et plissa les yeux pour essayer d'apercevoir quelque chose, mais il ne voyait rien. Drago avança précautionneusement, et les pas se rapprochaient, de plus en plus, jusqu'à ce que quelqu'un apparaisse subitement dans un couloir adjacent et fonça littéralement sur lui.

Drago eut à peine le temps de reculer de quelques pas avant qu'un rouquin plus grand que lui le projette contre le mur.

Au début, Drago pensa que c'était George Weasley, mais l'absence de lèvre tuméfiée lui fit comprendre que c'était son frère jumeau, Fred. Il portait toujours sa tenue de Quidditch tachée de boue et de sang. Quand il agrippa le col de Drago pour le coller contre le mur de pierre, Drago remarqua que tout son bras tremblait.

"Alors, tu es fier de toi, Malefoy ?" siffla-t-il, avec une haine imperceptible dans sa voix. "Tu as réussi ce que tu voulais ?"

"Loin de là, Weasley." cracha Drago, en utilisant le même ton. "Si ton frère ne s'était pas ajouté, j'aurais pu fracasser le crâne de Potter ! Mais non, il a fallu qu'ils se mettent à deux sur moi, comme des lâches !"

"Des lâches ?" répéta Fred avec un faux rire plein d'aigreur. "Tu veux vraiment parler de lâcheté, Malefoy ? Insulter les parents, c'est le niveau le plus bas de la lâcheté, c'est déplorable ! Surtout ceux d'Harry ! Tu n'avais trouvé rien d'autre pour nous provoquer ? Juste parce que tu as perdu comme une merde ?"

Drago se dégagea de l'étreinte du jumeau en le poussant de toutes ses forces, et affronta son regard furieux.

"Potter m'a provoqué bien avant, Weasley, arrêtez de tous penser qu'il est tout blanc !" hurla-t-il. "J'en ai rien à foutre que ça soit le Héros du monde des sorciers, il n'a jamais fait de Quidditch avant d'arriver à Poudlard, mais comme d'habitude, il se fait favoriser !"

Weasley secoua la tête aussitôt :

"Harry est simplement meilleur que toi, et tu le sais, c'est pour ça que ça te ronge de l'intérieur de voir qu'il puisse te battre dans un sport que tu pensais maîtriser…"

Cette remarque piqua Drago bien plus qu'il n'aurait aimé l'avouer : il poussa le rouquin une seconde fois, mais ce dernier en profita pour attraper le col de la robe de Drago, et il fit pareil avec le sien. Le jumeau le regarda de haut en bas, avec un air de profond dégoût marqué sur ses traits, et Drago était sûr qu'elle reflétait l'expression qu'il portait actuellement sur son visage.

Ils se jaugèrent pendant plusieurs secondes, leurs respirations saccadées rebondissant contre les murs du Château, puis Weasley lâcha entre ses dents :

"Merlin… Je ne sais vraiment pas ce qu'elle te trouve."

Sa voix était venimeuse, Drago n'avait jamais entendu un Weasley parler de la sorte. En entendant ça, son visage s'affaissa contre son gré.

"De quoi tu parles, Weasley ?"

"D'Hermione."

Drago Occluda immédiatement en entendant son prénom, comme dans un réflexe. Il repoussa Weasley de toutes ses forces pour l'envoyer vers le mur en face de lui.

"Qu'est-ce que Granger a à voir là-dedans ?" demanda-t-il en crachant son nom du mieux qu'il pouvait.

"Ecoute, Malefoy, j'ai essayé de comprendre, j'ai vraiment essayé." confessa Weasley d'une voix qui avait baissé de plusieurs octaves. "Je me suis dit que si Hermione voyait quelque chose de bien en toi, c'était pour une bonne raison. Mais je crois qu'elle s'est trompée." Le visage de Weasley se contracta davantage encore. "Tu ne mérites rien, et certainement pas quelque chose de sa part. Elle est douce, et généreuse, et bien trop loyale, et elle a tendance à prendre en pitié les êtres inférieurs à elle, et je pense que c'est exactement ce que tu es pour elle, Malefoy. Tu n'es qu'une cause perdue qu'elle essaye désespérément d'aider, et elle n'y arrivera jamais, parce que tu es pourri de l'intérieur par ta famille."

Son regard était bouillant, bien plus que n'importe quel regard que son frère Ron aurait pu lancer à Drago de toute sa vie. Il pensait certainement que ces mots le pousserait à bout, qu'il se remettrait aussitôt à se battre pour défendre son honneur.

Heureusement que Rogue lui avait appris l'Occlumancie, parce que les paroles de Weasley roulèrent sur lui comme une petite brise inoffensive.

"Ça y est, t'as fini ?" demanda Drago à la fin de sa tirade, avec une pointe d'ennui dans son ton.

"Ouais, j'ai fini." cracha le jumeau avec hargne.

"Alors, tu vas écouter avec attention tout ce que je vais te dire, Weasley, parce que je ne me répéterai pas." avertit Drago, soudain menaçant.

Il s'approcha de Weasley, pas à pas, et ce dernier fut tellement étonné par cette réaction qu'il se laissa entraîner.

"Tu crois vraiment connaître Granger ?" demanda Drago, comme un sifflement entre ses dents serrées. "Parce que tu déjeunes à côté d'elle de temps en temps, parce que vous partagez une Salle Commune ? Alors, je vais t'expliquer un truc, Weasley. Tu ne connais rien d'elle. Tu ne connais même pas une once de sa véritable personnalité, tu ne connais que la surface, que ce qu'elle veut te montrer." Il pointa sa propre poitrine avec deux doigts. "Je la connais. Je la connais comme un livre que j'ai lu des centaines de fois. Je peux deviner chacune de ses pensées, chacune de ses émotions, je sais ce qu'elle aime, ce qu'elle déteste, je connais toutes ses habitudes, même celles qu'elle ne veut pas partager aux autres. Vous, Gryffondors de merde, vous êtes persuadés que vous connaissez Granger, qu'elle est cette… intello un peu chiante qui a un faible pour les elfes de maison, mais moi, je la connais. Et je m'en fous pas mal de tes menaces à deux balles, parce que si je peux contester mon propre père en tombant amoureux d'elle, ce n'est pas un Weasley de merde qui va l'éloigner de moi !"

Il s'attendait à ce que Weasley se jette sur lui pour l'étrangler, mais ce dernier était bien trop scandalisé pour répliquer. Il se laissa tomber sur le mur d'en face. Ses yeux n'affichaient plus la fureur d'il y a quelques secondes, ils étaient écarquillés de surprise.

"Si tu connaissais vraiment Granger, tu saurais qu'elle n'a pas besoin de quelqu'un pour lui dire quoi faire. Tu saurais qu'elle serait outrée à l'idée d'être perçue comme tu viens de la décrire, comme une élève désignée pour aider les plus démunis, comme si elle avait pour mission de redresser le pauvre Malefoy qui s'est écarté du bon chemin ! Est-ce que ça t'es déjà venu à l'esprit, Weasley, que ça puisse être moi qui l'aide ? Que c'est moi qui la récupère quand elle a des doutes, quand elle pleure parce que vous la traitez comme des connards, quand elle doit lâcher la pression d'être considérée comme la meilleure élève de Poudlard pour juste redevenir elle-même ?"

"Hermione n'est pas…"

"C'est moi qui la récupère quand vous la forcez à boire pour se ridiculiser !" hurla Drago, interrompant la vaine tentative de réponse de Weasley. "C'est moi qui doit la consoler quand Potter la traite comme si c'était un petit chien qui revient à son pied à chaque fois qu'il a besoin d'elle, mais qui n'hésite pas à l'envoyer chier quand elle essaye de l'aider !"

Weasley ne répondit rien, mais son teint avait perdu des couleurs.

"Alors, ne viens pas ici pour me menacer de me faire perdre Granger, parce que les seules personnes qui méritent de la perdre, c'est vous !" termina Drago, et il vit que ses paroles atteignèrent Weasley bien plus qu'un coup de poing. Il était estomaqué, horrifié de constater que Drago avait raison.

L'Occlumancie l'empêchait de ressentir toute la colère qui devait gronder sous sa peau comme la foudre. Elle l'empêchait d'avoir envie de se battre, de frapper Fred pour se venger de George. Il tourna les talons, avec le cœur plus léger d'avoir lâché cette confession.

Et Fred Weasley le regarda, médusé, sans savoir quoi dire pour se défendre.

Drago avait désespérément envie d'air frais, alors il sortit par la porte dissimulée qu'il connaissait bien et arpenta les parcs enneigés de Poudlard.

Il ne voulait pas aller sur le banc, il voulait marcher, alors il fit le tour du Lac. Il médita en marchant, et ça permit d'éloigner la colère qui ne l'avait pas quitté depuis la fin du match. Il retrouva le calme. Sa petite crise contre le jumeau Weasley avait réussi à l'apaiser, étrangement. Bien plus qu'une bagarre, ou que l'alcool, ou que le Quidditch. Il avait l'impression qu'en défendant Granger comme il l'avait fait, il s'était libéré d'un poids qui lui pesait sur l'estomac depuis quelque temps. Et pour une fois, il s'en fichait pas mal que quelqu'un sache qu'il éprouvait quelque chose pour Granger. Il ne regrettait pas un mot de ce qu'il avait dit dans ce couloir.

Il savait que s'il arrêtait d'Occluder, l'agitation reviendrait. Il n'avait pas encore digéré sa défaite au match, ou l'injustice de Potter qui lui avait refait le portrait en se mettant à deux contre un. Il n'était pas encore prêt à affronter les réactions de Pansy, Blaise et Théo.

Quand sa jambe gauche menaça de s'écrouler à cause de l'effort de la journée, et que la neige avait recouvert tout le parc de Poudlard, Drago retourna au Château.

Le soleil était presque arrivé sur la ligne de l'horizon quand il rentra, projetant une jolie lumière dorée sur la vallée. Drago préféra sauter le dîner. Les potions que Pomfresh lui avait donné lui faisaient mal au ventre, et il ne voulait pas subir les regards meurtriers des autres Serpentards, qui blâmeraient sans doute Drago pour la raclée qu'ils s'étaient pris au match.

Il monta au sixième étage, et emprunta le couloir de la Tour d'Astronomie. S'il se mettait dans les escaliers en colimaçon qui menaient vers la plateforme, il aurait une vue parfaite sur le coucher de soleil par la fenêtre en vitrail.

Drago était arrivé en bas des marches quand il entendit, pour la seconde fois, le bruit d'autres pas s'approcher de lui à toute vitesse.

Cette fois-ci, en revanche, les pas n'avaient rien à voir avec le tambourinement de Fred Weasley. Ces pas-là étaient légers, effleurant à peine le sol tant ils étaient rapides, et Drago eut un rictus en les entendant. Il pouvait reconnaître les pas de Granger n'importe où : il avait passé plus d'un an à les mémoriser quand elle entrait dans la Bibliothèque derrière lui.

Elle arriva comme une furie depuis le bout du couloir du sixième étage. Ses joues étaient rouges, elle était essoufflée, et ses yeux lançaient des éclairs malgré la distance qui les séparait.

Drago élut aussitôt cette expression faciale comme sa préférée de toutes celles qu'il connaissait de Granger. Il adorait quand elle était furieuse comme ça. Vibrante. Fiévreuse.

Vivante.

Elle s'approcha de lui en quelques enjambées, et pointa un doigt accusateur vers lui au milieu du couloir :

"Toi !" hurla-t-elle d'une voix perçante. "Qu'est-ce qui t'as pris, Malefoy ?!"

Et juste en entendant cette phrase, Drago sut qu'il allait passer un excellent moment.

.

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Hermione


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.
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"HARRY A ATTRAPÉ LE VIF D'OR ! GRYFFONDOR GAGNE !"

Hermione entendit ses voisins hurler de joie, et Ginny se propulsa en avant pour acclamer Harry, qui remonta en flèche dans les airs. Hermione cria aussi, elle essaya vraiment d'applaudir avec les autres, de sourire, de célébrer la victoire. Mais étrangement, elle n'arrivait pas à le faire. Pas complètement.

Elle essaya de se convaincre que le nœud qu'elle avait à l'estomac, celui qui lui donnait la nausée, était lié à cette chanson horrible des Serpentards et au teint livide de Ron. Elle essaya, sincèrement, de transformer ce sentiment de déception en compassion pour Ron.

Mais elle savait que c'était faux.

C'était faux, parce qu'à l'instant où elle entendit le commentaire de Lee Jordan, ses yeux cherchèrent automatiquement Drago dans les airs. Et même s'il portait le même badge que les autres, même s'il avait préparé cette chanson immonde dans l'unique but d'humilier Ron, Hermione ne put s'empêcher de ressentir une pointe de tristesse en le voyant baisser la tête avec chagrin.

En le voyant comme ça, vaincu, désespéré, Hermione eut l'envie étrange de le prendre dans ses bras. De le consoler.

Elle savait qu'elle ne devrait pas. Elle savait qu'elle ne devrait pas vouloir consoler Drago, mais plutôt Ron, à quelques mètres, qui devait avoir la même expression sur son visage que lui, malgré la victoire. Elle savait que Ron avait besoin d'elle, de soutien, mais Hermione était tout simplement incapable de tourner la tête vers lui à cet instant. Ses yeux étaient glués à Drago.

Tellement glués, d'ailleurs, qu'elle put voir le moment où il passa de la déception à la colère.

Elle le comprit à la manière dont il roula ses épaules sous sa robe de Quidditch, comme pour se débarrasser du malheur qui l'envahissait.

Et alors, tout se passa très vite.

D'abord, Ginny cessa d'applaudir à la droite d'Hermione et poussa un cri d'horreur. Aussitôt, Hermione chercha Harry du regard. Il s'était fait éjecté de son balai par un Cognard lancé par Crabbe à la dernière seconde, et il tomba lourdement sur le sol, sur le dos. Le bruit que sa chute provoqua fit grimacer Ginny et Hermione simultanément.

"Merlin, ce Goyle, quel con !" hurla la rouquine à côté d'Hermione, et cette dernière n'eut pas la force de lui dire que c'était pas Goyle, mais Crabbe.

Ce dernier atterrit sur l'herbe et se fit incendier par Bibine, tandis qu'Angelina aidait Harry à se relever. Il n'avait pas l'air d'être blessé, mais définitivement de mauvaise humeur.

"Oh non, regarde Ron…" marmonna Ginny d'un ton inquiet.

Hermione tourna la tête vers les buts, et trouva Ron en train de partir vers les vestiaires, accablé.

"J'espère qu'il ne s'en voudra pas trop…" dit Ginny en regardant son frère, la bouche tordue par la pitié.

"J'espère aussi…" commença Hermione, mais un mouvement vers le milieu du terrain l'arracha de sa vision de Ron pour se focaliser sur Drago.

Il venait d'atterrir à son tour, juste derrière Harry qui était au milieu de l'équipe des Gryffondors qui le félicitait. Malgré la distance qui les séparait, Hermione pouvait voir que l'expression de Drago était meurtrière. Il paraissait sur le point d'exploser à tout instant. Il dit quelque chose à Harry, qu'Hermione n'entendit évidemment pas, mais elle pouvait deviner que ce n'était pas un compliment sur son jeu.

"Oh non." dit Ginny, qui regardait dans la même direction qu'Hermione. "C'est pas bon signe…"

Aucun Gryffondor ne prêtait attention à Drago, mais ça ne l'arrêta pas. Hermione le regardait crier des insultes et eut la subite envie de se lever pour les rejoindre. Ses mains tremblaient d'appréhension. Elle connaissait Drago, bien plus qu'elle ne pouvait l'admettre elle-même, et elle savait que ses pulsions de colère étaient aussi dévastatrices que son regard. Elle savait qu'il réussirait à atteindre Harry, tout comme il arrivait à l'atteindre elle : avec ses mots.

Et effectivement, Hermione avait raison. Elle vit Fred se précipiter sur lui et Angelina lui prendre le bras pour le retenir. Ça ne sembla pas intimider Drago, qui continua sa tirade jusqu'à ce qu'Harry dût retenir George à son tour.

"Oh, ce n'est pas bon, pas bon du tout…" chuchota Ginny, les yeux écarquillés.

"Quoi donc ? Qu'est-ce que tu veux dire ?" demanda Hermione d'un ton paniqué.

"Fred et George ne se battent jamais." expliqua Ginny, son flot de paroles saccadé et ses yeux toujours fixés sur la scène sur le terrain. "Ils préfèrent d'autres méthodes, comme l'ironie. S'ils se battent… C'est que Malefoy a touché un point sensible. Très sensible."

Hermione n'en fut pas surprise, elle savait que Drago aimait appuyer là où ça blessait le plus pour faire réagir. Mais ça n'empêcha pas son coeur de faire un soubresaut dans sa poitrine.

"Espérons qu'Harry réussisse à les retenir. Espérons que Bibine se charge de lui avant qu'il ne puisse…"

Mais c'était trop tard. Drago ouvrit la bouche une dernière fois, et dès qu'il prononça sa phrase, la réaction d'Harry fut immédiate. Il lâcha George, et ils se jetèrent tous les deux sur Drago avec une telle force qu'ils tombèrent tous les trois à la renverse.

Ça devait forcément être l'imagination d'Hermione, parce que ce n'était pas possible qu'elle puisse entendre le bruit de la tête de Drago se cogner contre le sol gelé d'aussi loin. C'était impossible que le bruit fasse un écho aussi fort, et qu'il se répercute dans son propre crâne avec tant de clarté.

Ginny laissa échapper un cri effrayé, mais Hermione ne dit rien. Elle resta figée, transfixée par le spectacle d'horreur sous ses yeux. Harry et George, frappant Drago de toutes leurs forces. Ses doigts agrippaient le siège des gradins avec tant de violence qu'elle aurait certainement des marques le lendemain. Elle regardait Harry, et sentait son estomac se retourner dès qu'il assénait des coups de poing dans le visage du garçon qu'elle aimait.

Sans qu'elle puisse le contrôler, son cerveau compta les coups.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six…

Le poing de George éclata le nez de Drago qui se mit à saigner abondamment, et il riposta en déchirant la lèvre du jumeau avec sa bague. Harry lui donna un coup dans l'estomac, et Drago lui rendit la pareille en lui frappant la mâchoire.

Hermione avait l'impression de ressentir chacun des coups qu'ils se donnèrent sur son propre corps.

Ginny se leva, mais Hermione resta immobile. Elle ne sentait plus ses jambes. Le sentiment de nausée quand Drago avait perdu s'était intensifié, mais elle n'arrivait pas à se concentrer dessus. Quand Drago asséna un coup de poing dans la carotide de George, Hermione gémit de terreur, contrairement à Ginny, qui hurla de protestation.

Bibine se détourna enfin de Crabbe et sortit aussitôt sa baguette pour la diriger vers les trois garçons. Hermione n'entendit pas le sort qu'elle lança, mais elle le reconnut aussitôt à sa couleur turquoise qui frappa Harry en pleine poitrine : le Maléfice d'Entrave. Il était tellement puissant qu'il fit tomber Harry sur le côté, libérant Drago de son étau. Aussitôt, le blond se mit à tousser, visiblement gêné par quelque chose qui l'empêchait de respirer.

"Qu'est-ce qui lui arrive ?!" demanda Hermione d'une voix suraiguë.

"Et bien, j'imagine qu'il va au bureau de McGonagall…" devina Ginny.

Mais Hermione ne parlait pas du même garçon.

Elle regarda à peine Harry et George se faire envoyer au Château pour se faire punir. Elle n'écouta pas Ginny qui se posait des questions sur leurs sorts ou sur ce que Drago avait bien pu leur dire pour les faire vriller. Hermione ne remarqua même pas Pansy Parkinson et Blaise Zabini courir vers Drago pour s'agenouiller près de lui.

Elle ne regardait que son dos vibrer, son corps trembler au-dessus de la pelouse, et son cœur s'arrêta quand elle réalisa qu'il était en train de s'étouffer avec son propre sang.

Hermione ne remarqua même pas qu'elle s'était levée. Elle enroula ses doigts tuméfiés autour de la balustrade, presque désireuse de sauter par-dessus pour aller l'aider. Elle réfléchissait déjà à une dizaine de sorts possibles pour lui libérer les voies aériennes, et elle serra sa baguette qu'elle n'avait même pas réalisé prendre en premier lieu.

"Il faut l'aider !" s'écria Hermione, impuissante. "Il s'étouffe ! IL EST EN TRAIN DE S'ÉTOUFFER !"

Ginny fronça les sourcils et regarda dans la direction vers laquelle Hermione criait, et arrêta aussitôt de parler. Les traits de son visage s'affaissèrent quand elle réalisa pour qui Hermione s'inquiétait.

"Hermione…" commença-t-elle, mais la brune ne l'entendait plus. Elle se précipita vers les escaliers et les descendirent à toute vitesse, manquant de tomber à plusieurs reprises.

Elle avait complètement oublié qu'elle était entourée d'autres Gryffondors, elle ne voyait que Drago dans l'herbe. Rogue l'avait relevé et lui lançait maintenant un sortilège de guérison sur la poitrine, mais Drago toussait toujours. "Un caillot !" hurlait Hermione intérieurement à répétition, peut-être même en le disant à voix haute sans le réaliser. "Il a un caillot dans la gorge, il s'étouffe !"

Hermione ne pouvait plus compter le nombre de fois où elle avait descendu les marches de ces escaliers en courant, mais en tout cas, elle savait que ça avait toujours été pour Harry. La dernière fois, ça avait été quand il était arrivé avec le corps de Cédric à bout de bras.

Et cette fois-ci, c'était pour sauver la vie de Drago qui était en train de s'asphyxier sans que personne ne l'aide.

Hermione poussa sans ménagement les Gryffondors qui restaient dans les escaliers et arriva enfin sur le terrain. Elle était en train d'arriver au bord de la pelouse, la baguette brandie et prête à lancer un puissant Deobstruere, quand Drago réussit enfin à respirer de nouveau. Il cracha le caillot, aidé par Zabini qui lui tapotait le dos.

Quand il se rassit, elle fut horrifiée par la quantité de sang sur ses lèvres, son menton et son cou. Elle n'avait pas vu à quel point il en était couvert depuis les tours. Il s'essuya la bouche avec la manche de sa robe et Hermione vit ses dents tachées de rouge.

Pile à cet instant, Zabini hurla :

"EST-CE QUE QUELQU'UN POURRAIT SE DÉCIDER À LUI RÉPARER SON PUTAIN DE NEZ ?"

Il avait crié tellement fort, la colère et l'angoisse faisant trembler sa voix, qu'Hermione était sûre que Ginny avait pu l'entendre depuis les gradins. Flitwick s'approcha aussitôt et pointa sa baguette sur le nez de Drago, qu'il répara avec un Episkey efficace.

Drago grimaça de douleur, puis se releva. Bibine essaya de l'en empêcher, mais Hermione savait que c'était impossible de le retenir. Même si ses jambes tremblaient, et que ses blessures étaient bien plus impressionnantes qu'Hermione ne l'aurait cru, il n'aurait jamais voulu rester allongé.

Son visage était peint de fureur. Hermione l'avait rarement vu dans un état aussi avancé de colère. Pour la première fois de sa vie, il lui faisait presque peur.

Rogue évalua son état et lui marmonna quelque chose, probablement qu'il devait se rendre à l'infirmerie. Drago fit quelques pas en avant, mais Zabini l'arrêta en lui prenant le bras.

Il se retourna brusquement vers lui et hurla :

"Dégage ! Je n'ai pas besoin de vous !"

Zabini le lâcha et Parkinson éclata en sanglots. Drago ne sembla pas le remarquer, ou préféra l'ignorer, parce qu'il traversa la pelouse d'un pas déterminé, malgré la souffrance qu'il devait ressentir.

Et même en passant à moins d'un mètre d'Hermione, il ne la regarda pas. Ne posa même pas son regard sur elle une seconde. Et son regard… Hermione ne l'oublierait sans doute jamais.

Parce que son regard n'avait jamais été aussi gris.

.

.
.

Hermione ne vit pas Harry de la journée. Ni Drago. Ni Ron.

Elle les chercha dans tout le Château, faisant le tour plusieurs fois, mais après quelques heures de recherches intensives, elle dû se rendre à l'évidence. Drago, Harry et Ron avaient probablement réagi de la même façon : en se cachant.

Elle n'était pas très étonnée pour Harry. Il avait toujours préféré être seul après les moments comme ceux-là, pour digérer et pouvoir leur en parler plus tranquillement ensuite.

Elle était, cependant, plus inquiète pour Ron. Parce que d'habitude, il préférait se morfondre auprès de quelqu'un, se sentir réconforté par une présence à ses côtés. Le fait qu'il l'évite n'augurait rien de bon sur son état d'esprit. En plus, il n'avait pas assisté à la bagarre entre son frère, Harry et Drago, et Hermione était sûre que ça lui ferait tomber encore plus son moral s'il l'apprenait.

Pour ce qui était de Drago, Hermione devait admettre qu'elle n'en avait aucune idée. Il n'avait jamais réagi comme ça auparavant. Il chargeait, balançait les propos les plus horribles à quelqu'un pour le faire craquer, mais Hermione n'avait jamais connu "l'après". Elle ne savait pas comment Drago faisait pour se calmer, et ne pas savoir où il se trouvait pour le faire la rendait folle.

Elle chercha sur le banc, à la Bibliothèque, dans les cachots, et même près des serres de Botanique, mais elle ne le trouva nulle part. Peut-être que Pomfresh l'avait gardé plus longtemps que prévu, peut-être que ses blessures étaient trop profondes. Peut-être qu'il avait aggravé son cas en marchant, malgré les protestations de Bibine et de Zabini. Peut-être qu'il s'était vidé de son sang stupidement à cause de son égo.

Hermione ne déjeunea pas, et évita Ginny. Elle n'était pas prête à parler de ce qu'il s'était passé. Elle voulait discuter avec Drago. Elle voulait vérifier qu'il allait bien, puis lui hurler dessus pour avoir provoqué Harry de la sorte.

À cinq heures, n'y tenant plus, Hermione se rendit à l'infirmerie. S'il était introuvable dans le Château, c'était qu'il était forcément là-bas, ou dans sa Salle Commune. Elle espérait que c'était la première option, parce que là-bas au moins, elle pouvait lui parler.

Elle ouvrit les portes avec ardeur, récoltant un drôle de regard de la part Madame Pomfresh depuis son bureau. Elle chercha sa silhouette dans les lits, ou du sang par terre, mais ne trouva aucun des deux.

"Vous êtes blessée, Miss Granger ?" demanda l'infirmière en l'inspectant minutieusement.

"Non. Je cherche Dra- Malefoy. Malefoy." dit Hermione d'un ton ferme. "Il est là ?"

Pomfresh ne perdit pas son air surpris.

"Je vous demande pardon ?"

Hermione regardait toujours les lits. Aucun n'était occupé.

"Malefoy." répéta Hermione. "Est-ce que vous l'avez vu, par hasard ?"

S'il n'était pas allé à l'infirmerie, il était définitivement en train de se vider de son sang quelque part dans le Château, une perspective qui fit battre le cœur d'Hermione trop vite d'un coup. Elle s'accrocha à la poignée de la porte pour ne pas céder à la panique.

"Mr Malefoy a quitté l'infirmerie depuis déjà deux heures." indiqua l'infirmière, les sourcils froncés. "Puis-je vous demander pourquoi voudriez-vous savoir ce genre d'information, Miss Granger ?"

Le cerveau d'Hermione fusa avec un mensonge.

"Professeur Rogue le cherchait." dit-elle, comme une évidence.

Aussitôt, le visage de l'infirmière se détendit.

"Oh, je vois. Et bien, je ne sais pas où il est allé, mais j'espère fortement qu'il est parti se reposer. Il a perdu beaucoup de sang et souffrait d'une grosse commotion au crâne et d'une contusion pulmonaire sévère. Vous devriez dire au professeur Rogue qu'il est impératif qu'il laisse agir les potions avant d'aller se battre de nouveau avec Merlin-sait-qui."

Elle leva les yeux au ciel pour bien montrer qu'elle était complètement opposée à ce genre de pratique et Hermione marmonna un "merci" avant de tourner les talons.

Si Drago n'était pas à l'infirmerie, alors elle n'avait aucune idée d'où il pouvait bien être. Probablement dans son dortoir, bien qu'Hermione doutait qu'il ait appliqué les conseils de Pomfresh de se reposer.

Au fur et à mesure qu'Hermione montait les marches de l'escalier pour rejoindre sa Salle Commune, l'angoisse se fit remplacer par la colère.

Hermione ressentait rarement de la colère. D'habitude, dans son groupe d'amis, c'était même celle qui était toujours la plus calme et composée. Son cerveau logique l'empêchait de céder à ce genre de ressenti impulsif. Elle préférait analyser une situation de manière pragmatique.

Avec Drago, cependant, ses émotions étaient tellement bouleversées qu'elle restait rarement calme et composée. Il arrivait à la faire réagir bien plus vite, bien plus férocement. Alors, quand Hermione repensa à la manière dont il avait réussi à énerver Harry au point qu'il en devienne agressif, ce qui n'était pratiquement jamais arrivé par le passé, Hermione ressentit les prémices de la colère s'emparer d'elle.

Quand elle arriva au septième étage, la Grosse Dame avait quitté son cadre, probablement pour prendre un thé avec une amie dans un tableau voisin. Hermione resta devant quelques instants en se demandant où elle pourrait aller maintenant. Elle pensa au banc, mais il neigeait dehors, et elle n'avait rien que son pull en laine bordeaux à l'effigie de Gryffondor. Elle était en train de contempler l'option de la Bibliothèque quand quelqu'un arriva derrière elle.

Hermione se retourna, et tomba nez à nez avec Fred.

Il avait un visage différent. D'habitude, Fred souriait en permanence, même quand personne ne le regardait. Cette fois-ci, cependant, il était sombre. On aurait dit qu'il était drainé de toute son énergie, complètement éteint, ce qui était un peu effrayant. Il était toujours vêtu de sa robe de Quidditch.

"Fred ? Qu'est-ce que tu…?" dit-elle d'une petite voix.

"Tu as entendu la nouvelle ?" demanda-t-il froidement. "Harry et George se sont fait bannir de Quidditch. À vie."

Hermione reçut la nouvelle comme un coup de poing dans l'estomac.

"Quoi ? Mais… Mais McGonagall…"

"Oh, ce n'était pas l'œuvre de McGonagall." dit Fred avec un petit rire sec rempli de désolation. "C'est Ombrage. Elle a sauté sur l'occasion, évidemment."

Hermione ferma les yeux en entendant ça. Elle ne pouvait que deviner l'état dans lequel devait se trouver Harry. Le Quidditch avait une importance énorme à ses yeux, c'était l'un des seuls héritages qu'il avait reçu de son père, et une excellente évasion aux tracas qui animaient constamment sa tête. Lui retirer était probablement la pire punition possible, mais ce n'était pas très étonnant venant de ce démon d'Ombrage.

"Non… Mon Dieu, Harry…" souffla Hermione.

Fred la regarda, et Hermione crut voir une ombre de pitié sur son visage avant qu'elle ne disparaisse aussi vite qu'elle n'était apparue. Il y eut un flottement pendant lequel Hermione digéra cette nouvelle et Fred la regardait faire en fronçant les sourcils.

"Tu le cherches." dit-il dans un souffle. "N'est-ce-pas ?"

Elle n'eut pas besoin de lui demander de qui il voulait parler. Elle pinça les lèvres, et hocha timidement la tête.

"Merlin." dit Fred en haussant les sourcils. "Donc, Malefoy a le droit à une seconde chance. C'est super."

"Je ne le cherche pas pour le pardonner." dit Hermione d'un ton pressé, comme pour se justifier. "Je le cherche pour lui reprocher ce qu'il a fait."

"Et bien, j'espère que tu auras plus de chance que moi." soupira Fred en croisant les bras sur sa poitrine. "Je l'ai croisé tout à l'heure."

Les yeux d'Hermione s'arrondirent.

"Croisé ?" répéta-t-elle.

"Disons que les portraits du troisième étage ont assisté à un beau spectacle."

"Oh mon Dieu, Fred, vous vous êtes battus ?!" piailla Hermione.

"Non, pas vraiment." répondit le jumeau en haussant les épaules. "On s'est hurlés dessus, et j'admets l'avoir poussé contre le mur un peu plus fort que prévu, mais rien de bien méchant. Il est parti vers l'Ouest, mais je ne sais pas où il est allé."

"Merci." dit précipitamment Hermione en rebroussant chemin, mais Fred lui attrapa le bras pour la retenir.

"Il a insulté notre mère, Hermione." dit-il sèchement. "Celle qui t'as appris à tricoter, celle qui t'accueille tous les étés parce qu'elle t'aime. Celle qui nous a élevés, malgré les difficultés, malgré la guerre. Il a insulté notre mère, et notre père, et la mère d'Harry."

Hermione ne put que déglutir. Elle savait qu'il avait dit quelque chose de grave, sinon Harry n'aurait jamais attaqué, mais savoir qu'il avait utilisé quelque chose d'aussi personnel pour tourmenter Harry était particulièrement vicieux.

"Je pensais que tu voudrais le savoir." expliqua Fred en lâchant son bras.

Elle l'entendit soupirer dans son dos quand elle emprunta de nouveau les escaliers, mais elle ne se retourna pas. Elle descendit d'un étage avec la ferme intention de retrouver Drago.

Elle traversa le sixième étage de fond en comble, mais elle n'était pas découragée. Elle inspecterait chaque recoin de Poudlard pour le trouver. Elle ne pouvait pas aller dormir sans s'être déchargée de cette rage qui l'habitait, qui lui donnait envie de casser quelque chose.

Heureusement, elle n'eut pas besoin de chercher plus longtemps. Quand elle tourna dans un couloir vide, près de l'entrée de la Tour d'Astronomie, elle entendit quelqu'un marcher, un peu plus loin. Et sans comprendre pourquoi, son instinct lui cria que c'était Drago.

Elle accéléra, et quand elle le vit, illuminé par la lumière dorée que projetait le coucher de soleil à travers les fenêtres et donnant à ses cheveux une couleur de miel, la colère que ressentait Hermione prit possession de tout son corps, embrassant chaque parcelle de sa peau. Elle courut presque vers lui.

"Toi !" s'écria-t-elle pour l'interpeller. "Qu'est-ce qui t'as pris, Malefoy ?!"

Il la regarda se poster devant lui tranquillement, comme s'il ne remarquait pas à quel point elle était furieuse. Il avait un énorme hématome sur la joue, qui partait de sa mâchoire jusqu'en dessous de son œil, mais Hermione fut surprise de constater que ça ne lui fit rien du tout. Elle était trop furieuse contre lui pour s'en soucier.

"Ah, on est revenus à Malefoy ?" demanda-t-il avec un sourire.

"Oui, évidemment qu'on est revenus à Malefoy !" s'emporta Hermione. "Tu pensais sérieusement que je t'appellerais Drago, après ce que tu as dit à Harry ?!"

"Oh, Granger, ne me dis pas que tu vas encore le défendre !" répondit Drago en roulant des yeux. "Tu as vu ce qu'il s'est passé, au moins ? Ils m'ont attaqué, deux contre un, sans baguette ! Je ne pouvais rien faire !"

"Tu n'aurais pas eu besoin de te battre si tu n'avais pas provoqué Harry !" répliqua Hermione furieusement, en posant le bout de son doigt contre son thorax pour le faire reculer. "Je sais ce que tu lui as dit ! Comment oses-tu ? Comment oses-tu insulter les mères de George et d'Harry quand tu sais pertinemment que les parents ne définissent pas quelqu'un ?"

Malefoy perdit son sourire en entendant cette phrase et se redressa, dépassant Hermione d'une dizaine de centimètres pour la regarder de haut.

"Ne me parle pas de mes parents, Granger, ou je te jure que…"

"Tu me jures que quoi ?" demanda-t-elle, et elle entendit sa propre voix vibrer d'animosité. "Que tu vas m'insulter aussi ? Que tu vas me provoquer pour me faire réagir ? Que tu vas te battre avec moi, me blesser ?"

Malefoy tiqua légèrement en entendant ça, mais son regard était toujours aussi gris et froid quand il la fixa méchamment.

"Tu ne vois toujours qu'un côté. Toujours du côté de Potter, jamais le mien." répliqua-t-il avec froideur.

"Tu l'as provoqué gratuitement !"

"J'étais simplement dégoûté de perdre !" contesta Drago d'une voix forte. "J'étais furieux contre lui, il est toujours meilleur, toujours, peu importe le domaine ! Même le mien, le Quidditch, ma plus grande passion depuis que je suis enfant ! Tu sais combien de temps je me suis entraîné pour ce match ? Bien plus que lui, en tout cas ! Je méritais de gagner. Et pourtant j'ai perdu, parce que Potter s'en sort toujours ! Parce que putain de Potter a toujours ce qu'il veut !" Il se recula brusquement et se passa une main dans les cheveux par réflexe. "Peut-être que Dumbledore a ensorcelé le Vif d'Or pour qu'il tombe toujours dans sa paume, j'en sais rien, ça ne m'étonnerait pas, parce qu'il est toujours le putain de favori, et moi je n'ai rien ! Jamais ! Même pas cette victoire-là, alors que j'ai travaillé jour et nuit pour l'obtenir, alors excuse-moi de m'être emporté contre Saint Potter !"

Il prit une grande inspiration à la fin de sa phrase, ses pupilles dilatées par la colère. Hermione pouvait voir son corps trembler sous sa robe de Quidditch pleine de sang.

"Ce n'est pas normal de ressentir autant de rage après une partie de Quidditch, Drago." dit Hermione. "Je comprends que tu sois dégoûté, mais ce n'est qu'un jeu…"

"Ce n'est pas qu'un jeu." asséna Malefoy abruptement. "Ça n'a jamais été un jeu. C'est une compétition, et j'ai perdu, et peut-être que tes précieux Weasley auraient accepté la défaite avec un sourire, mais moi, je ne suis pas comme ça. Et je ne vais certainement pas m'excuser de ne pas l'être, parce que ça fait de moi un bon joueur, contrairement à ton Ron."

Il cracha le nom comme s'il était vulgaire. Hermione pouvait voir la rancœur sur chacun des traits de son visage, sur sa mâchoire contractée.

"Tu avais promis que tu ne les insulterais pas." dit Hermione, d'une voix soudain plus fluette. "Tu avais promis."

"Je t'avais prévenu que ce deal ne s'appliquerait pas au Quidditch."

Hermione poussa un râle de colère :

"Oh, arrête ! On savait très bien que tu voulais parler de tes petites blagues méchantes pendant les parties, quand j'ai accepté ton deal, je ne pensais pas que tu écrirais une putain de chanson pour humilier Ron !"

Drago sembla surpris qu'elle utilise un tel mot, mais il retrouva bien vite son expression figée, celle qui lui faisait ressembler aux statues en marbre de mythologie grecque.

"Ce n'est pas moi qui ait écrit cette chanson." dit-il en s'adossant contre le mur.

"Tu portais un badge." cracha-t-elle avec véhémence. "Encore."

"Tu veux parler de deal, Granger ?" riposta Malefoy. "Ce n'est pas toi qui m'avais promis que tu cesserais de raconter notre "amitié" au premier venu ? Pourquoi est-ce que ce connard de Fred Weasley est au courant de mes sentiments pour toi, alors ?"

D'habitude, elle adorait l'entendre dire ça, mais cette fois-ci, le ton qu'il employa n'avait rien d'attendrissant. Il parlait de son amour pour elle comme une sentence.

"Je ne lui ai rien dit." grinça-t-elle entre ses dents. Elle sentait les vagues de colère que Drago lui avait déjà décrit enflammer sa peau. "Il l'a deviné tout seul. Et il m'a promis qu'il ne le dirait à personne d'autre, parce qu'il me respecte, mais je suppose que son respect a des limites, étant donné ce que tu as fait à son frère jumeau."

Drago leva les yeux au ciel comme si c'était dérisoire.

"Ça va, c'est simplement une lèvre ouverte…" dit-il en agitant sa main dans les airs.

"Harry et George ont été bannis de Quidditch." coupa Hermione férocement. "À vie."

Elle s'attendait à ce que cette information l'étonne, mais il se contenta d'hausser les épaules, ce qui irrita Hermione encore plus. Son manque de compassion était cruel.

"Ils l'ont bien mérité." dit Malefoy, sans même cacher le plaisir que ça lui donnait de savoir qu'Harry ne jouerait plus jamais.

Hermione serra les poings le long de ses flancs.

"Tu es le garçon le plus antipathique qu'il m'ait été donné de rencontrer."

Malefoy ébaucha un sourire narquois :

"J'ai été insulté de bien pire."

Mais Hermione n'avait pas fini. Il savait très bien déstabiliser Harry avec ses mots, mais elle savait qu'elle pouvait le faire aussi, et bien plus sournoisement.

"Comment est-ce que je peux passer du temps avec toi, alors que tu traites les gens avec si peu de considération ?" demanda-t-elle, en pesant chacun de ses mots pour qu'ils s'enregistrent bien dans le cerveau de Malefoy. "Des fois, je pense que tu mérites d'être apprécié, et puis tu fais ce genre de trucs, et je me dis que je ne devrais peut-être plus aller à cette table à la Bibliothèque, finalement."

Les traits de Malefoy se durcissèrent d'un seul coup. Une seconde, il souriait méchamment, l'autre, il la regardait comme s'il voulait l'étrangler.

"Granger, arrête." dit-il, un grondement plus qu'une phrase.

"Je pensais que ça pourrait te rendre meilleur, que ça pourrait te faire devenir Drago plutôt que Malefoy, mais il reste toujours sous la surface, n'est-ce-pas ?" continua-t-elle, en se rapprochant de lui doucement, les yeux plongés dans les siens. "Le vrai Malefoy, celui qui insulte et qui blesse parce qu'il ne sait pas comment s'exprimer autrement, il est toujours là, pas vrai ? Alors, à quoi ça sert que je vienne, qu'on passe du temps ensemble, si je sais que tu vas redevenir le garçon pourri de l'intérieur que j'ai appris à connaître depuis toutes ces années ?"

Soudain, quelque chose craqua chez Malefoy. Elle le vit dans ses yeux orageux. Quelque chose se brisa, et il devint presque sauvage : il se jetta sur elle, et Hermione eut presque peur qu'il lui fasse mal, jusqu'à ce qu'elle sente ses mains se refermer sur ses poignets, déclenchant un courant électrique qui parcourut ses bras à l'instant où sa peau entra en contact avec la sienne, et la fit reculer brutalement.

"Ne dis pas ça !" hurla-t-il.

Il la poussa vers les escaliers qui menaient vers la Tour d'Astronomie, et Hermione monta sur la première marche pour essayer de reprendre l'ascendant, mais c'était peine perdue. Drago monta deux marches au-dessus d'elle, la dominant de toute sa taille.

Il lâcha ses poignets comme si elle l'avait brûlé.

"Ne dis pas ça, Granger !"

Sa voix était plus douce, mais bien plus menaçante que ses hurlements.

"Je sais ce que tu fais." dit-il furieusement. "Tu veux me pousser à bout, me faire craquer, Granger ? Tu penses qu'utiliser la Bibliothèque va me faire tomber à genoux, c'est ça ?"

Hermione ne répondit pas, le cœur au bord des lèvres mais refusant de briser le contact visuel avec ses yeux de pierre.

"Tu croyais qu'en me menaçant de ne plus venir, j'allais me mettre à pleurer, te supplier de me pardonner, c'est ça ?" siffla Malefoy, et son ton était si froid qu'il glaça Hermione sur place. "Comme si c'était que moi, comme si tu n'étais pas aussi addict à cet endroit que moi !"

Hermione l'était, définitivement. Elle se levait tous les matins en espérant qu'il serait là le soir-même et s'endormait en pensant à tout ce qu'ils s'étaient dit. Elle haïssait les jeudis, et adorait les dimanches. Elle reconnaissait ses pas. Elle aimait quand il travaillait les Potions parce qu'il était tellement focalisé dessus qu'elle pouvait le regarder en douce, et elle adorait quand elle sentait son regard la dévorer quand il pensait qu'elle ne le remarquait pas.

Elle était accro, c'était évident. Mais sa fierté l'empêchait de l'avouer à voix haute.

"Tu crois que tu es plus forte que moi, mais je sais que tu aimes me parler autant que j'aime te parler." continua Drago, et il descendit d'une marche pour ne la dépasser que d'une tête. "Je sais que tu aimes quand je te propose d'aller sur notre banc, et je sais que tu aimes quand je l'appelle notre banc, même si tu ne l'admettrais pour rien au monde. Pas besoin de me le dire, Granger, je le vois dans tes yeux. Je réussis à lire en toi depuis des années. Et je sais que tu aimes ça."

Hermione déglutit et le regard de Drago observa le mouvement de sa gorge avant de remonter pour se planter dans le sien.

"Tu agis comme si tu étais plus forte que moi, mais tu es tout aussi dépendante de ces moments que je ne le suis. J'avais peut-être peur de te perdre pendant un temps, mais plus maintenant, Granger. Maintenant, tu es aussi addict que moi. Avoue-le."

Elle secoua la tête et il se décolla du mur pour se rapprocher d'elle :

"Tu reviendras toujours à notre table de la Bibliothèque, parce que tu es incapable de ressentir la moindre chose que je te fais ressentir avec Weasley, ou n'importe quel autre. Avoue-le."

Hermione lui frappa le bras en entendant ça, mais ce fut comme s'il n'avait rien senti.

"Avoue-le, Granger. Arrête de te mentir à toi-même." souffla Drago dans un murmure à peine perceptible.

"Je déteste quand tu insultes Ron et Harry, je déteste quand…" commença-t-elle, mais il descendit d'une marche supplémentaire pour être à la même qu'elle et se rapprocha encore, juste assez pour qu'elle son dos touche le mur de la cage d'escaliers, piégée. Sa phrase mourut sur sa langue.

"Avoue-le, Granger."

"Je n'avouerai jamais ça." dit-elle, déterminée malgré sa voix qui tremblait.

"Si, tu vas le faire." dit-il, sûr de lui. "Pourquoi tu ne le ferais pas ? On sait tous les deux que j'ai raison. Tu me cherches dans la foule d'élèves tous les matins, et tu penses à moi avant de t'endormir. Ce n'est pas vrai ?"

Hermione secoua la tête une seconde fois. Elle avait oublié pourquoi elle lui en voulait. Le parfum de menthe qu'il envoyait à chaque fois qu'il parlait lui faisait perdre suffisamment la tête pour qu'elle oublie tout ce qu'il s'était passé le matin-même. Mais elle savait qu'elle ne devait pas avouer ça. Ça lui donnerait raison, et elle ne voulait pas. Elle s'accrochait à cette dernière volonté pour ne pas céder.

Soudain, il se pencha vers elle, si proche qu'elle pouvait contempler le bleu de ses yeux. Bleu océan. Une effluve de cologne à la pomme lui vint aux narines et elle dû se retenir pour ne pas se pencher en avant. Ses joues s'embrasèrent.

"Avoue-le, Granger." répéta Drago, dans un murmure bien trop faible pour qu'elle puisse l'entendre s'il n'était pas aussi près d'elle.

Il y eut trois battements de cœur de silence, qu'Hermione entendit distinctement contre sa peau, si fort qu'elle pensa que Drago pouvait les entendre résonner autour d'eux. Il fit glisser ses yeux bleus sur ses joues, son cou, avant de remonter pour la fixer.

Et elle capitula.

Hermione éteignit sa raison, et acquiesça.

"Dis-le." ordonna Drago. "À voix haute."

Hermione prit une grande inspiration.

Menthe et pomme verte.

"C'est vrai." dit-elle. "C'est vrai, Drago. Je suis aussi addict que toi."

Alors, Drago l'embrassa.

Ses lèvres s'écrasèrent contre les siennes, et Hermione réagit instinctivement, comme si son corps savait ce qu'il fallait faire alors qu'elle n'en avait aucune idée : elle enroula ses bras contre son cou et le rapprocha d'elle avec force. Les paumes de Drago étaient froides contre ses joues, mais ses lèvres étaient brûlantes contre les siennes.

Comme si son geste l'avait conforté, Drago la pressa furieusement contre le mur et l'embrassa avec plus de fougue encore. Il n'était pas doux, il l'embrassait avec une intensité qui aurait pu faire tomber Hermione s'il ne la retenait pas contre lui. Il lui transmis toute sa colère à travers son baiser, et Hermione lui donna la sienne, et le mélange était violent. Comme si toute la tension entre eux explosait, comme si un feu d'artifice éclatait entre eux, comme si elle venait de tomber de la falaise de laquelle elle s'était jetée quand elle avait réalisé qu'elle l'aimait.

Ce n'était pas seulement leurs lèvres qui s'étaient liées, mais leur magie, aussi. Hermione pouvait sentir sa magie entrer en collision avec celle de Drago, si fort que ça créa des étincelles autour d'eux. Elle pouvait sentir celle de Drago contre le bout de ses doigts, jusqu'aux pointes de ses boucles, comme si elle s'était pris un coup de jus.

Hermione en voulait plus, alors elle mêla ses doigts brûlants de magie aux cheveux de Drago et tira doucement dessus, et le son qu'il fit au fond de sa gorge était enivrant. Elle recommença, et il enleva ses mains de ses joues : l'une se posa à l'arrière de sa tête pour la rapprocher encore, et l'autre effleura sa mâchoire, à l'endroit entre son oreille et son cou, la faisait instantanément frissonner.

Drago n'embrassait pas précautionneusement, il embrassait passionnément. Hermione pouvait ressentir toutes les émotions qu'il voulait lui transmettre à travers ses lèvres : la colère, la rage, la fureur, mais aussi l'anticipation, l'envie, le désir. C'était fulgurant. Elle avait l'impression d'entendre des mots qu'il n'avait jamais prononcés. Qu'ils étaient liés comme jamais ils ne l'avaient été auparavant.

La respiration d'Hermione se bloqua quand elle sentit sa bouche capturer sa lèvre inférieure. Il passa sa langue dessus, et Hermione sentit une traînée de frissons le long de ses bras et dans le bas de son dos. Jamais encore elle n'avait ressenti ça. Jamais elle n'aurait pu penser que son corps réagirait aussi fort, aussi intensément.

Drago se détacha d'elle une seconde et elle gémit de protestation, agrippant davantage ses cheveux pour ne pas qu'il s'en aille, mais elle sentit vite sa respiration dans le creux de son cou, contre sa peau fine qui pulsait de plaisir. Il la parsema de baisers et Hermione leva la tête automatiquement pour lui donner encore plus de place. Entre deux baisers, il lui murmura à l'oreille :

"Putain, Granger, si tu savais depuis combien de temps je veux faire ça…"

Sa voix était grave et chargée d'envie. Hermione voulut répondre, mais elle ne retrouvait plus sa voix. Elle s'enfonça davantage contre le mur, retenue non plus par la gravité, mais uniquement par les mains de Drago contre elle.

Quand il cessa d'embrasser son cou, elle rouvrit les yeux et se plongea dans les siens : un océan bleu à perte de vue. Il se pencha pour poser ses lèvres une dernière fois sur les siennes, puis il s'éloigna d'elle lentement et Hermione dû détacher ses mains de lui pour se rattraper à la rampe de l'escalier.

Ils se regardèrent une seconde, et semblèrent comprendre au même moment ce qu'ils venaient de faire. Hermione sentit ses joues brûler, mais non plus de désir, seulement d'embarras. Elle n'avait jamais embrassé quelqu'un comme ça. En fait, elle n'avait embrassé que Krum dans sa vie, et ce baiser n'avait eu rien à voir avec celui qu'elle venait de partager avec Drago. C'était comme si elle avait été une autre personne.

Elle se rappela avoir gémi, et détourna le regard tant elle avait honte.

Maintenant que l'air n'était plus saturé de menthe et de pomme, elle pouvait penser plus clairement, et tous les souvenirs de la journée la percutèrent de plein fouet. Elle était censée être furieuse contre lui, alors pourquoi voulait-elle écraser ses lèvres contre les siennes de nouveau ? Pourquoi voulait-elle encore sentir sa langue contre le point sensible sous son oreille ?

"Oh, mon Dieu, Drago…" dit-elle d'une voix tremblante. "Je ne…"

Elle jeta un regard furtif vers lui. Il avait l'air terrifié. Ses yeux, mi-gris mi-bleus, s'étaient écarquillés et il regardait Hermione comme s'il ne la voyait pas vraiment. Il se passa une nouvelle fois sa main dans les cheveux, ceux qu'Hermione venait de tirer, et elle put presque compter le nombre de couleurs qu'il perdit sur son visage à mesure que les secondes avançaient.

Juste avant qu'il ne l'embrasse, il y avait eu une tension dans la cage d'escaliers, et maintenant, il y en avait une autre, bien plus pesante, presque palpable dans l'air. Hermione pouvait la sentir tomber sur ses épaules en réalisant pleinement ce qu'ils avaient fait.

L'impact de leurs deux magies mélangées avait fait exploser un carreau de la fenêtre, mais le vent qui s'en échappa ne réussit pas à éteindre le feu qui brûlait chaque parcelle de la peau d'Hermione qu'il avait touché.

"Putain, Granger, je… Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça." lâcha Drago sans la regarder.

Le cœur d'Hermione tomba brutalement dans sa poitrine, une chute tellement vertigineuse qu'elle glissa d'une marche.

Elle était pantelante, le ventre en bouillis, chaque nerf de son corps était en feu, mais il n'avait pas aimé ?

"Tu…" commença-t-elle, mais Drago se recula, mettant le plus de distance entre lui et elle.

Il leva les mains vers lui, comme s'il avait peur qu'elle se jette sur lui pour le frapper, et un air de pure panique sur le visage.

"Granger, je suis… Putain, je suis désolé."

Hermione fronça les sourcils et voulut lui demander de quoi diable il voulait bien parler, parce qu'elle n'était pas désolée : ce n'était pas bien, ce n'était pas raisonnable, mais quelque chose d'aussi bon n'était forcément pas si grave, si ?

Mais avant qu'elle ne puisse prononcer le moindre mot, Drago s'enfuit dans le couloir, et Hermione était bien trop paralysée pour le poursuivre.

.

.


Drago


.

.

Putain, putain, putain.

Putain.

Il venait d'embrasser Granger.

Il avait cédé. Après tout ce temps, il avait cédé.

Putain, putain, putain, putain.

Il traversa tout le Château jusqu'aux cachots, sans même prendre la peine de ne pas faire de bruit. De toute façon, s'il croisait un préfet, il lui jetterait probablement un sort sans même avoir sa baguette : il sentait sa magie brûler ses doigts, prête à jaillir à tout moment.

Il essaya d'Occluder, de ranger ce souvenir loin au fond de son crâne, mais c'était peine perdue. Il était incapable de se concentrer suffisamment pour méditer. Il ne pouvait pas fermer son esprit, parce que les lèvres de Granger étaient gravées dedans. Il était physiquement incapable de penser à autre chose qu'à elle, à la chaleur de sa peau contre ses doigts, au bruit qu'il avait réussi à lui arracher en l'embrassant dans le creux de sa mâchoire.

Drago arriva aux cachots et desserra le col de sa robe. Le coup de chaud qu'il avait n'avait rien à voir avec la colère qu'il connaissait : celle-là était différente, et bien plus plaisante. S'il était honnête, il admettrait même qu'embrasser Granger était la meilleure chose qu'il avait pu faire dans sa vie jusqu'à présent, mais il ne s'était pas encore imprégné suffisamment de la réalité pour pouvoir le faire.

Il cria pratiquement le mot de passe et la porte de la Salle Commune s'ouvrit. Il y avait une fête, évidemment, mais personne ne dansait. Tout le monde était assis dans des fauteuils ou par terre. Blaise discutait avec Travis Davis. Daphné embrassait un garçon un peu plus loin. Deux filles de troisième année essayaient de régler une musique de jazz sur le gramophone.

Drago ne comprenait pas comment le monde avait pu continuer à tourner, le sien s'était arrêté à l'instant où ses lèvres avaient touché celles de Granger.

Il fonça vers les dortoirs avec l'intention de prendre la plus longue douche de sa vie, mais quand il ouvrit la porte, il fut surpris de voir Pansy. Elle était allongée dans le lit de Drago, la tête tournée vers le plafond de son lit à baldaquins. Elle était démaquillée, mais il y avait des traces noires de mascara qui avaient coulé sous ses cils.

Quand elle le vit, elle poussa un cri de soulagement et se leva précipitamment :

"Drago, oh Merlin ! Tu es là ! Enfin ! Je t'ai cherché toute la journée, Pomfresh a refusé…" elle s'arrêta subitement de parler quand elle vit l'hématome sur sa joue. Sa bouche se tordit. "Tout va bien ? Comment tu te sens ?"

"Mal." répondit Drago, et c'était la vérité, mais pas pour ce que Pansy pensait.

Elle fit une petite moue et lui prit la main doucement :

"Viens."

Elle l'emmena dans la salle de bains du dortoir et l'incita à s'asseoir sur le rebord de la baignoire, puis se pencha vers lui pour analyser sa blessure de plus près. Puis, Pansy fouilla dans sa trousse de toilettes quelques minutes, et finit par trouver une pommade sorcière qu'elle appliqua sur le bout de son doigt.

"Je peux ?" demanda-t-elle doucement.

Pomfresh lui avait déjà mis toutes les crèmes inimaginables sur le visage pour accélérer le processus de guérison, mais Drago acquiesça tout de même, parce qu'il savait que Pansy avait besoin de faire quelque chose de ses mains pour se sentir utile. Il grimaça un peu quand elle étala la pommade, mais ses doigts étaient tellement délicats que c'était difficile de se plaindre. Elle l'effleurait à peine, mais le contact froid de la crème contre sa joue réussit à calmer la chaleur qui émanait de son corps.

La chaleur que Granger lui avait donnée.

Il profita de la sensation que ça lui procura en fermant les yeux. Quand elle arrêta son massage, le rythme cardiaque de Drago avait miraculeusement ralenti. Pansy passa sa jambe par-dessus la baignoire pour se mettre derrière lui

"Pomfresh a soigné ta commotion cérébrale ?" demanda-t-elle.

Drago marmonna un "oui", mais Pansy fit semblant de ne pas l'avoir entendu, probablement désireuse de vérifier elle-même. Quand elle passa ses doigts dans ses cheveux pour mieux la voir, Drago tressauta, mais ce n'était pas de douleur. Simplement du souvenir des doigts de Granger qui s'étaient emmêlés au même endroit quelques minutes plus tôt.

Ceux de Pansy se retirèrent brusquement de sa chevelure.

"Je te fais mal ?" s'inquiéta Pansy.

Drago secoua la tête et la laissa appliquer n'importe quelle crème qu'elle voulait. Toute la fatigue des dernières heures était tellement prenante que les épaules de Drago chancelaient légèrement. Le mouvement des doigts de Pansy contre son crâne n'aidait pas : ça le berçait et lui donnait envie de céder à la pression de ses paupières lourdes.

Pendant une dizaine de minutes, aucun des deux ne parla. Pansy s'affairait toujours pour le soigner, et Drago profitait de ce silence pour essayer de méditer. C'était difficile de se retrouver parmi toutes ses pensées qui volaient de partout à l'intérieur de son crâne.

"C'était vraiment horrible." dit soudain Pansy. "Se mettre à deux contre toi… C'était vicieux."

Drago haussa les épaules.

"J'imagine que je réagirais pareil si on m'avait dit les trucs que je leur ai dit. C'est ce que je voulais. Je voulais me battre." affirma-t-il.

"Si Weasley ne s'en était pas mêlé, ça n'aurait été que Potter et toi. Là, tu étais clairement désavantagé."

Elle claqua sa langue dans un son désapprobateur et retourna devant lui pour s'occuper de ses phalanges contusionnées. Chacune était ouverte, et Pansy les soigna une par une, avec une douceur qu'elle ne montrait que très rarement.

"Théo a dit que je l'avais bien mérité, je parie ?" marmonna Drago.

Pansy roula des yeux, visiblement exaspérée par le comportement de Théo.

"Au début, oui, mais Blaise l'a fait taire assez rapidement." dit-elle sèchement. "Il n'était pas là. Il n'a pas vu ce qu'on a vu."

Drago leva les yeux vers elle. Elle pleurait.

"Tout va bien, Pans'. Ce ne sont que quelques égratignures." dit-il doucement.

Il leva doucement sa main pour essuyer la larme qui coulait le long de sa joue et qui étalait les restes de son maquillage. Pansy renifla et reprit sa paume dans la sienne pour continuer à soigner ses phalanges.

"Ce n'est pas ça qui m'inquiète." murmura-t-elle. "Drago, tu étais tellement… Tellement furieux. J'ai cru que tu allais frapper Blaise quand il a essayé de te retenir de partir."

"Je n'aurais jamais fait ça." répondit Drago immédiatement. "Tu sais très bien que je ne ferais jamais une chose pareille."

"Je le sais maintenant, mais sur le moment, je n'en savais rien. Je t'ai rarement vu aussi énervé. Et quand tu t'es étouffé… Drago, j'ai cru que tu allais mourir. Je te regardais sans pouvoir t'aider. J'étais paralysée de terreur."

Même si ses mots étaient censés être terribles, Drago sentit une sensation plaisante réchauffer sa poitrine.

"C'est vrai ?" demanda-t-il, presque une supplique. "Tu t'es inquiétée pour moi ?"

Pansy leva les yeux une seconde de ses mains pour lui lancer un drôle de regard.

"Évidemment que je me suis inquiétée pour toi, Drago." assura-t-elle. "Je m'inquiéterai toujours pour toi."

Peut-être que c'était l'odeur de tabac froid accrochée à la peau de Pansy en permanence et qui avait le don de le calmer, peut-être que c'était la chute d'adrénaline qui lui donnait le vertige, peut-être que c'était le fait qu'elle se soit inquiétée pour lui, peut-être que c'était la familiarité de son sourire.

Peut-être qu'il voulait se rassurer avec un contact familier.

Il n'en savait rien.

En tout cas, Drago se pencha en avant, et embrassa sa meilleure amie de toutes ses dernières forces.