Hello tout le monde!
Je poste ce chapitre en même temps que le résultat des élections législatives françaises, c'est pour ça que je suis un peu en retard. Quelle bonne surprise, je suis trop heureuse que le NFP ait gagné! Merci à tous ceux qui ont voté à gauche, et à bas les fachos! :))
Sinon, pour le chapitre. Je crois que vous avez sous-estimé Pansy dans les commentaires la semaine dernière... Vous avez oublié de quoi elle était capable !
Je suis désolée pour ceux qui ne sont pas fans de l'amitié Pansy/Drago, parce que c'est un chapitre très centré là-dessus. Ce n'était pas intentionnel mais je pense que j'avais besoin de développer cette facette de leur amitié et redorer la réputation de la pauvre Pansy qui s'en est pris plein la tronche le chapitre dernier hahaha
Je vous laisse à votre lecture :)
tw : sang, baiser non consenti
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Drago
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Drago avait embrassé des dizaines de fois Pansy par le passé.
Il avait appris la forme de ses lèvres par cœur sans même s'en rendre compte. Il l'avait embrassée tellement souvent dans le noir qu'il avait mémorisé le contour de sa bouche, et la manière dont sa respiration devenait vite saccadée. Ça commençait toujours de la même façon, avec une violence du premier contact, comme si l'un des deux voulait montrer lequel des deux était le plus pressé.
Les lèvres de Pansy étaient fraîches, et se heurtèrent contre les siennes avec force. Il sentit ses dents lui percer la lèvre inférieure de surprise, et il prit son cou dans sa main gauche pour la tenir plus près contre lui…
Il connaissait les baisers de Pansy. Ils étaient familiers, réconfortants. Drago ressentit une vague de satisfaction, parce que ce baiser-là n'avait rien à voir avec celui de Granger. Pansy était froide, sa peau était glacée contre la sienne, et ça éteignit enfin le feu qui bouillonnait à l'intérieur de Drago depuis qu'il avait quitté la cage d'escaliers.
Il s'était attendu à ce que Pansy fonde dans ses bras, mais à la première seconde où il l'embrassa, il réalisa que ce baiser n'avait rien à voir avec les précédents. Les lèvres de Pansy étaient trop froides, trop fermées. D'habitude, elle ouvrait ses lèvres automatiquement pour le laisser entrer, elle se collait à lui et passait ses bras autour de son cou. Là, elle était plantée, choquée.
Et Drago eut juste le temps d'éloigner son visage du sien avant qu'elle ne lui assène la deuxième plus grosse gifle qu'il ait reçue de toute sa vie.
La tête de Drago fut projetée sur le côté avec tant de puissance qu'il grogna de douleur. Il eut l'impression que Pansy lui avait désloqué la mâchoire par la force de son coup. Il se massa la joue, là où Potter lui avait donné un bleu le matin-même, sans oser regarder Pansy. La surprise du coup était presque plus douloureuse que la gifle en elle-même.
"QU'EST CE QUE TU FOUS ?!" cria Pansy d'un ton scandalisé.
Drago se leva maladroitement, complètement incrédule, la paume de sa main toujours posée sur sa joue.
"Je sais pas, je pensais que…"
"TU PENSAIS QUOI ? QUE PARCE QUE JE M'INQUIÈTE POUR TOI, TU POUVAIS M'EMBRASSER COMME TU VOULAIS ? POUR QUI TU ME PRENDS, DRAGO ?!"
Drago se crispa en voyant la pure furie inscrite sur chaque trait du visage de Pansy. Elle écumait de rage, une colère bien plus glaciale que celles qu'il avait. Drago avait souvent des crises de rage inexpliquées, mais quand ça arrivait à Pansy, elle était tout simplement inarrêtable.
Elle avait beau faire vingt centimètres de moins que lui, à cet instant, elle le terrifiait.
"Pans', je…"
"IL N'Y A PAS DE "PANS'" QUI TIENNENT, DRAGO MALEFOY !" hurla-t-elle en le poussant violemment. Drago se prit le rebord de la baignoire et se rattrapa de justesse au mur de la salle de bains pour ne pas tomber en arrière. "JE T'AI CHERCHÉ TOUTE LA JOURNÉE ! ALORS QUE TU M'AS ENVOYÉE CHIER SUR LE TERRAIN, J'AI PLEURÉ, J'AI ESSAYÉ DE TE RETROUVER, QUAND BLAISE ET THÉO ME DISAIENT DE LAISSER TOMBER ! JE ME SUIS INQUIÉTÉE POUR TOI, J'AI ATTENDU TOUTE LA JOURNÉE QUE TU DAIGNES REVENIR, ET JE TE SOIGNE, ET JE SUIS GENTILLE, ET TU PROFITES DE MOI COMME ÇA ?! TU PENSAIS SINCÈREMENT QUE J'ALLAIS RÉPONDRE À TON BAISER ? QUE J'ALLAIS TE PROPOSER D'ALLER SUR TON LIT POUR QUE TU PUISSES FAIRE CE QUE TU VOULAIS, POUR TE DÉCHARGER DE N'IMPORTE QUELLE ÉMOTION QUE TU RESSENS ACTUELLEMENT ?"
"Non, pas du tout, je ne sais pas pourquoi j'ai…" bredouilla Drago, mais Pansy ne l'écoutait pas. Des larmes de rage coulaient sur ses joues et faisaient briller ses pupilles couleur charbon.
"TU T'ES DIT QUOI ? QUE LA PAUVRE PANSY, LA PAUVRE AMOUREUSE ÉPLORÉE QUI N'ATTEND QU'UN SIGNE DE TOI SE PLIERAIT À TOUS TES DÉSIRS ? EST-CE QUE TU AS PENSÉ À LA DOULEUR QUE ÇA POURRAIT ME DONNER ? EST-CE QUE TU AS PENSÉ, NE SERAIT-CE QU'UNE SEULE SECONDE, QUE JE SUIS PEUT-ÊTRE PASSÉE À AUTRE CHOSE, QUE J'ESSAYE DÉSESPÉRÉMENT DE TOMBER AMOUREUSE DE QUELQU'UN D'AUTRE, ET QUE TU VIENS DE TOUT GÂCHER ?"
"Pansy, je suis désolé, je ne voulais pas…"
"TU ES UN CONNARD, DRAGO MALEFOY !" hurla-t-elle, les sanglots faisant trembler sa voix. Elle roua la poitrine de Drago de petits coups de poing. Drago les ressentait à peine, mais la voir dans cet état le brisa bien plus que n'importe quelle gifle qu'elle pourrait lui donner. "Tu es un connard ! Tu profites de moi uniquement quand tu en as besoin, juste pour penser à autre chose, sans même prendre en compte ce que je pourrais ressentir… Tu me dégoûtes ! Je ne peux même plus te regarder dans les yeux ! DÉGAGE !"
"Pansy, laisse moi t'expliquer…"
"DÉGAGE !"
Elle pointa la porte de la salle de bains, mais Drago ne voulait pas partir. Il voulait lui expliquer. Quand elle vit qu'il ne bougeait pas, Pansy se dirigea vers la porte, mais il lui attrapa les bras pour l'empêcher de s'enfuir et elle se débattit pour s'échapper de sa prise.
"LÂCHE MOI, DRAGO !"
"PANS', LAISSE MOI T'EXPLIQUER !"
Mais avant que Drago ne puisse la calmer, la porte de la salle de bains s'ouvrit à la volée, et Blaise apparut sur le palier. Il contempla la scène en face de lui sans comprendre : Pansy, qui pleurait et criait à s'en déchirer les cordes vocales, et Drago qui la serrait contre lui avec force.
Les yeux de Blaise s'écarquillèrent d'horreur.
C'était un cauchemar.
"Blaise, je…" commença Drago.
"Qu'est-ce que vous foutez ?!" hurla Blaise, dominant les cris de Pansy par sa voix grave.
Drago lâcha tout de suite Pansy qui alla se réfugier contre le mur d'en face, comme pour s'éloigner le plus de lui. Elle posa sa main sur sa bouche pour couvrir ses sanglots et Blaise lui lança un regard paniqué.
"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" demanda-t-il.
Drago ouvrit la bouche pour formuler une réponse correcte, mais Pansy pointa un doigt accusateur vers Drago et s'écria :
"Il m'a embrassée !"
Blaise écarquilla encore plus grand les yeux et tourna la tête vers Drago. Il n'y avait plus aucune trace de bienveillance sur ses traits. À cet instant, Drago ne reconnut même pas le garçon en face de lui.
"QUOI ?! Mais qu'est-ce qui t'as pris ?!" demanda Blaise.
Drago mit ses mains devant lui et recula d'un pas :
"Blaise, je n'ai pas fait exprès, je ne voulais pas…"
Les pleurs de Pansy redoublèrent. Le regard de Blaise s'assombrit. Il n'y avait plus de lueur caramel dans ses yeux, juste de la haine, qui hérissa les poils de Drago dans sa nuque.
"Tu n'as pas fait exprès de l'embrasser ?! TU TE FOUS DE MOI ?"
Blaise traversa la petite salle de bains en une enjambée et flanqua un coup de poing dans le nez de Drago. À côté, la gifle de Pansy ressemblait à une gentille brise sur sa peau. Le nez de Drago se fendit de nouveau, et il baissa la tête avec un râle de douleur.
C'était bien pire que la blessure de Potter. Il sentit le saignement couler sur son cou pour la deuxième fois de la journée.
"Blaise, arrête !" piailla Pansy.
"Comment as-tu pu faire une chose pareille ?!" gronda Blaise, ignorant Pansy qui continuait de sangloter contre le mur. "Tu sais ce qu'elle a traversé ! Tu sais ce qu'elle ressentait pour toi ! Et toi, tu l'embrasses comme bon te semble ? Alors qu'elle n'en avait clairement pas ENVIE ?!"
"Je n'ai pas réfléchi !" protesta Drago, en se tenant le nez du mieux qu'il pouvait. "Je pensais que… Que…"
"Que QUOI ?" questionna Blaise. "Qu'elle serait d'accord ? Que c'est un objet que tu peux utiliser quand t'en as envie ? Drago, putain ! C'est Pansy !"
"Je le sais très bien !" s'égosilla Drago, avalant son sang au passage.
"Pourquoi t'as fait ça ?" demanda Blaise, de sa voix grave et menaçante. "Tu veux te remettre avec elle ?"
"Non…"
En entendant ça, le poing de Blaise partit impulsivement. Il lui envoya une droite pile sur son côté gauche, sur son oreille, et Drago tomba en arrière. Il s'écroula contre la baignoire et manqua de se prendre le rebord en cuivre à deux centimètres près de son œil. Il emporta dans sa chute le portant à serviettes en métal, qui s'écroula à côté de lui dans un bruit assourdissant.
"PUTAIN !" hurla Drago.
Il voulait s'énerver, mais il n'y arrivait pas. Il ne voulait pas se battre avec Blaise. Il savait qu'il avait raison, il savait qu'il venait de faire une grave erreur. Il savait qu'embrasser Pansy était une idée de merde, et qu'il l'avait fait uniquement dans le but de se sentir mieux, sans prendre en compte ses sentiments.
Il ne voulait pas se battre avec Blaise, parce qu'il ne lui en voulait pas du tout. Il s'en voulait à lui-même, et c'était une genre de colère que la violence physique n'arriverait pas à apaiser.
Et comme si ce moment n'était pas assez catastrophique, la porte du dortoir s'ouvrit, et Théo entra en fredonnant gaiement.
"Y a quelqu'un ?" appela-t-il dans le dortoir.
Personne ne lui répondit, mais quand il vit la porte de la salle de bains ouverte, Théo s'approcha curieusement. Quand il arriva dans le champ de vision de Drago, il réalisa qu'il devait revenir de la Bibliothèque, parce qu'il tenait encore son sac de cours débordant de parchemins.
Théo se posta dans l'embrasure de la porte et son regard passa de Pansy, en larmes et tremblante et blottie contre le mur, Blaise, au-dessus de Drago, le corps animé par une rage telle qu'il était tout simplement effrayant, puis vers Drago, qui était recouvert de sang, par terre, apeuré.
Théo lâcha son sac de cours qui s'écrasa contre le carrelage.
"C'est quoi ce bordel ?" demanda-t-il, bouche-bée.
"Théo, ce n'est pas ce que tu crois…" commença Drago d'une voix enrouée.
"Drago vient d'embrasser Pansy, alors qu'elle ne le voulait pas." énonça brutalement Blaise, aucune expression dans sa voix.
Drago vit Théo prendre la nouvelle et son visage se teinta d'horreur. Il laissa passer quelques secondes pesantes, puis il entra dans la pièce. Il ne s'attarda pas sur l'état de Drago, ne tourna même pas la tête dans sa direction. Il se dirigea plutôt vers Pansy et se rapprocha d'elle prudemment.
"Viens, Pans'." dit-il gentiment, en lui tendant la main.
Pansy se précipita dans les bras de Théo et pleura dans le creux de son cou. Théo lança un regard noir à Drago, le genre de regard qu'il n'oublierait pas de sitôt, et il éloigna Pansy de la salle de bains. Blaise et Drago entendirent la porte du dortoir claquer, et les sanglots de Pansy s'évanouirent.
Blaise et Drago se regardèrent quelques secondes, dans un silence de mort. Drago ne pouvait pas détourner le regard du visage de Blaise. Il était si souvent inexpressif que le voir animé par la fureur aurait presque été captivant si Drago n'était pas si terrifié.
"Blaise, je te jure, je ne sais pas ce qu'il m'a pris." assura Drago à voix basse. "C'était stupide. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, j'étais perdu, et elle était juste là, et… C'était stupide."
Blaise roula sa langue contre la paroi de sa joue.
"Tu avais l'intention de coucher avec elle ?" demanda-t-il froidement.
"Non, putain, non !" s'écria aussitôt Drago.
Blaise l'observa comme pour jauger s'il mentait, puis, il soupira.
"Il faut que tu te ressaisisses, Drago." avertit Blaise d'une voix un peu plus calme. "Faut que tu règles le bordel dans ta tête. Tu ne peux pas réagir comme ça à chaque fois que tu ressens quelque chose de bizarre. Tu ne peux pas te casser le pied quand t'angoisses, ou te faire péter le nez quand t'es énervé. Et tu ne peux pas emporter Pansy dans tes conneries."
"Je sais." bredouilla-t-il piteusement.
"Je suis sérieux, Drago." continua Blaise. "Ça ne peut plus durer, tu vas te pourrir de l'intérieur si tu continues comme ça. Faut que tu doses. Et si tu refais ce genre de truc à Pansy, je te jure sur tout ce que j'ai que je t'internerai moi-même à Ste Mangouste. C'est compris ?"
Drago acquiesça et Blaise soupira une seconde fois. La colère sembla s'évaporer de lui à mesure que les secondes passaient. Il le regarda avec un air de soudaine pitié.
Blaise se pencha en avant, et pendant un instant, Drago crut qu'il allait lui remettre une droite, mais il lui tendait simplement la main pour l'aider à se relever. Drago le fit tant bien que mal en s'appuyant sur l'évier. La main de Blaise fut aussitôt couverte du sang de Drago mais il ne fit rien pour s'en débarrasser.
"Blaise… Je suis désolé." dit le blond d'une voix accablée.
Le concerné arqua un sourcil, surpris de l'entendre s'excuser.
"Ce n'est pas à moi que tu dois t'excuser Dray, c'est à Pansy." répliqua Blaise du tac au tac.
Drago hocha la tête. Blaise pointa le sang sur le cou de Drago avec un mouvement de menton :
"Tu devrais aller à l'infirmerie. Il n'est pas question que je te répare ton nez, et tu ne peux pas le faire tout seul."
Drago avala sa salive avec difficulté. Il n'avait pas du tout envie d'aller à l'infirmerie, mais il n'avait pas le choix. Blaise ne lui réparerait jamais la figure après l'avoir cassé lui-même, Théo lui en voulait probablement bien trop pour l'aider à cet instant, et Pansy… Pansy n'était même pas une option. Crabbe et Goyle risquaient de le défigurer encore plus…
Et il ne pouvait pas demander à Granger, parce qu'il avait foutu en l'air en l'embrassant.
Drago n'avait pas d'autres amis dans le Château. Il se rendit compte à quel point il avait tout gâché à cet instant. À quel point il avait foutu le bordel dans sa propre existence en une journée.
Il sortit donc du dortoir et traversa la Salle Commune la tête baissée. Il ne voulait pas croiser le regard larmoyant de Pansy, ou se confronter à Théo. Il sortit par la porte, et personne ne l'arrêta.
Il remonta les escaliers péniblement, en laissant des petites gouttes de sang tout le long de son chemin. Il ne croisa personne sur la route.
Quand il ouvrit les doubles portes de l'infirmerie, Pomfresh était occupée à organiser les tables de nuit des lits vides. Elle leva la tête pour voir qui était entré, et ses traits tombèrent quand elle vit le nez cassé de Drago.
"Encore, Mr. Malefoy ?"
Drago ne fit qu'acquiescer. Pomfresh soupira profondément et lui désigna un lit d'un geste de la main. Il s'y assit sans rien dire.
L'infirmière retourna à son bureau, puis revint avec une potion blanche.
"Je vais prévenir votre directeur de Maison, Malefoy. Ça ne peut plus durer. Combien de fois allez-vous vous battre comme ça ? C'est encore en rapport avec ce maudit Quidditch ?"
Drago secoua la tête, mais n'élabora pas plus. Il n'avait certainement pas envie de se confier à Pomfresh. Cette dernière fit un sifflement agacé entre ses lèvres pincées et posa la potion brutalement sur la table de nuit.
"Il est déconseillé de relancer un Episkey sur une blessure trop récente, alors vous allez être obligée de prendre cette potion. Ça sera douloureux, et long, vous devrez passer la nuit ici. J'espère que ça vous servira de leçon."
Drago lut "Poussos" sur l'étiquette, mais il ne réagit pas. Pomfresh lui servit un grand verre et le scruta pendant qu'il buvait. La potion était immonde, presque brûlante tant elle était acide sur sa langue, mais il ne grimaça pas et lui retendit le verre vide.
"Reposez-vous, Malefoy." ordonna l'infirmière d'une voix sévère avant de quitter la pièce.
Drago retira enfin sa robe de Quidditch qui était imbibée de sang séché, de boue et de neige fondue qui lui glaçait la peau. Il enfila un pyjama que Pomfresh avait laissé à disposition à côté de lui et s'allongea sous les draps du lit trop petit. C'était inconfortable, et la couette était trop fine, mais Drago n'y prêta pas attention.
Tous les événements de la journée revinrent le tourmenter à l'instant où il posa ses yeux sur le plafond blanc de la pièce.
Il s'était fait blesser par quatre personnes différentes, dont deux fois le nez, il avait ressenti de la colère comme rarement il en avait ressenti, il s'était fait gifler par Pansy, il l'avait fait pleurer après l'avoir embrassée contre son gré, il avait hurlé sur Fred Weasley et s'était fait hurlé dessus par Pansy, Blaise, et Granger, il avait perdu le match le plus important de l'année, il avait révélé ses sentiments à un Weasley, et il avait probablement perdu les trois amitiés les plus chères à ses yeux.
Mais pourtant, la seule chose à laquelle il pensait, la seule chose qu'il n'arrivait toujours pas à réaliser, c'était qu'il avait embrassé Granger.
Il l'avait embrassée.
Et il avait adoré ça.
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Hermione
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Harry contemplait la fenêtre obscure qui donnait sur le parc du Château d'un air affligé depuis déjà bonnes cinq minutes quand Angelina dit, pour la centième fois de la soirée :
"Interdits à vie. Interdits à vie. Plus d'Attrapeur, plus de Batteurs… Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire ?"
Tous les joueurs de Gryffondors soupirèrent ensemble, y compris Ginny, qui semblait très affectée par cette injustice, bien qu'elle ne fasse pas partie de l'équipe.
"C'est tellement injuste." dit Alicia d'un air hébété. "Et Crabbe qui t'a envoyé un Cognard après le coup de sifflet final… On ne lui a pas interdit de jouer, à lui ?"
"Non." répondit Ginny à la place d'Harry, dépitée. "Il a simplement eu des lignes à copier. Ça faisait beaucoup rire Montague pendant le dîner."
"Et interdire Fred alors qu'il n'a rien fait du tout !" s'exclama Alicia furieusement en tapant du poing sur son genou.
"Ce n'est pas ma faute si je n'ai rien fait." assura Fred avec une expression redoutable sur le visage. "Si vous ne m'aviez pas retenu, toutes les trois, j'aurais réduit ce petit fumier en charpie."
Il tourna les yeux vers Hermione et elle baissa la tête pour ne pas qu'il puisse voir la honte qu'elle ressentait à cet instant.
Hermione savait que l'ambiance de la Salle Commune était désastreuse uniquement à cause de Malefoy. Elle savait que, dans chaque recoin de cette pièce, tout le monde le haïssait. Tout le monde devait être en train de penser aux horreurs qu'ils aimeraient lui infliger pour les avoir privés d'Harry, Fred et George de l'équipe. Elle savait que, sans eux, Gryffondor n'avait aucune chance de gagner le Tournoi.
Pourtant, Hermione ressentait tout autre chose. Un sentiment complètement opposé. Elle aussi, elle pensait à Malefoy, mais elle ne pensait pas aux endroits où elle aimerait le frapper, ou aux injures qu'elle aimerait lui balancer. Elle pensait à ses paumes froides sur sa joue, elle pensait à la pression de ses lèvres contre elle, sur sa bouche, son cou, sa mâchoire. Elle pensait au son qu'il avait fait quand elle avait tiré sur ses cheveux, et sentait une vibration dans son bas-ventre à chaque fois que l'écho de sa voix résonnait dans sa tête.
Hermione essaya désespérément d'enlever ces images de son esprit. Elle voulait être présente pour Harry dans ce moment difficile. Mais à chaque fois qu'elle y parvenait, l'image revenait devant ses paupières, et ses paumes de main devenaient moites.
"Je vais me coucher." annonça Angelina en se levant lentement du fauteuil. "On va peut-être s'apercevoir que tout ça n'était qu'un cauchemar… Peut-être qu'en me réveillant demain matin, je réaliserai que le match n'a pas encore eu lieu…"
Un à un, chaque personne de l'équipe alla se coucher. Ginny fut la dernière à s'en aller, après avoir serré affectueusement la main d'Hermione pour lui dire bonne nuit. Hermione fit pareil, en essayant de ne pas penser à quel point elle ne méritait pas son amitié ce soir.
"Tu as vu Ron ?" demanda Hermione à Harry à voix basse.
C'était la première fois qu'elle parlait depuis le dîner. Personne n'avait vu Ron depuis la fin du match. Harry secoua la tête.
"Je crois qu'il nous évite." devina Hermione. "Où penses-tu qu'il…"
Pile à cet instant, le tableau de la Grosse Dame pivota et Ron entra dans la pièce. De la neige parsemait ses cheveux et ses épaules, son teint était extrêmement pâle, et ses lèvres presque bleutées par le froid. Hermione se leva d'un bond en le voyant. Il resta dans l'entrée, interdit, pensant probablement qu'Harry et Hermione s'étaient déjà couchés.
"Où étais-tu ?" demanda-t-elle d'une voix anxieuse.
"Je suis allé faire un tour." marmonna Ron.
Il portait toujours sa tenue de Quidditch. Hermione retroussa les lèvres en constatant qu'elle lui collait à la peau.
"Tu as l'air frigorifié…" dit-elle. "Viens t'asseoir."
Ron prit place dans le fauteuil le plus éloigné d'Harry, en évitant soigneusement de le regarder dans les yeux. Il mit ses mains devant le feu et Hermione vit qu'il claquait des dents. Le Vif d'Or qu'Harry avait attrapé volait au-dessus de leurs têtes.
"Je suis désolé." grommela Ron d'un air penaud.
"Pourquoi ?" demanda Harry.
"D'avoir cru que je saurais jouer au Quidditch." répondit Ron. "Je vais donner ma démission demain matin à la première heure."
"Si tu démissionnes, il n'y aura plus que trois joueurs dans l'équipe." dit Harry.
Ron le regarda sans comprendre et Harry expliqua mécaniquement :
"Je suis interdit de Quidditch à vie. Fred et George aussi."
"Quoi ?" glapit Ron.
Voyant qu'Harry ne voulait pas donner plus de détails, il se tourna vers Hermione. Cette dernière lui raconta toute l'histoire dans un murmure saccadé. Quand elle arriva à la partie où Drago l'avait provoqué, elle évita les détails, non seulement pour ne pas raviver des souvenirs pénibles à Harry, mais aussi parce qu'elle ne voulait pas repenser à ce moment.
"Tout ça est de ma faute…" dit Ron à la fin du récit d'Hermione.
"Ce n'est pas toi qui m'as poussé à me battre avec Malefoy." répliqua Harry avec colère.
Hermione eut un frisson.
"Si je n'étais pas si mauvais au Quidditch…"
"Ça n'a rien à voir."
"C'est cette chanson qui m'a énervé."
"Ça aurait énervé n'importe qui."
Hermione se leva brutalement et se posta devant la fenêtre pour observer la neige. Elle ne voulait pas les entendre. Quand ils parlaient de Drago, ça lui rappelait qu'ils s'étaient embrassés et son estomac lui faisait mal à cause du mélange de plaisir et de culpabilité.
"Bon, laisse tomber, tu veux ?" s'exclama Harry. "C'est déjà suffisamment pénible comme ça, pas la peine en plus de t'entendre dire que tout est de ta faute !"
Hermione se concentra sur le paysage enneigé pour laisser gambader ses pensées. Elle se sentait à la fois terriblement mal, et en même temps, il y avait cette étincelle de joie qui la faisait sourire malgré elle. C'était un sentiment très étrange qu'elle n'arrivait pas à comprendre, et ça la rendait folle.
Elle promena son regard sur la vallée et s'arrêta soudain sur les contours de la Forêt Interdite. Elle plissa les yeux. Était-ce…
Était-ce de la lumière qu'elle voyait, à travers les fenêtres de la maison d'Hagrid ?
"Je ne me suis jamais senti aussi mal de ma vie." dit Ron d'un ton accablé.
"Bienvenue au club." répondit Harry avec amertume.
Non, Hermione ne rêvait pas. C'était définitivement de la lumière qu'elle voyait. Et de la fumée. De la fumée s'échappait de sa cheminée. Elle en était sûre.
Elle poussa un soupir de soulagement qu'elle ne savait pas qu'elle contenait.
Depuis le jour de la rentrée, quelque chose manquait. Quelque chose perturbait son équilibre. Mais tout allait se réparer, maintenant. Tout irait mieux.
Parce qu'Hagrid était revenu.
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Harry alla chercher la cape d'invisibilité dans son dortoir, Ron partit se changer, et Hermione enfila une tenue un peu plus chaude pour affronter la neige. Ils traversèrent le Château sous la cape d'invisibilité, et Ron devait plier ses genoux pour ne pas dépasser tant il avait grandi. Harry regardait la Carte du Maraudeur à intervalles réguliers pour vérifier que personne ne traînait dans les couloirs, et Hermione pensa à toutes ces fois où elle avait bravé le couvre-feu pour rejoindre Drago sur leur banc.
Ils ne croisèrent personne d'autre que Nick Quasi-Sans-Tête, qui glissait au-dessus du sol en fredonnant une musique qui ressemblait beaucoup à Weasley est notre roi. Quand ils arrivèrent enfin dans le parc, ils accélérèrent le pas, en veillant à rester bien recouverts par la cape pour que personne ne puisse deviner leurs silhouettes depuis les fenêtres du Château.
Plus ils s'approchaient, plus le cœur d'Hermione tambourinait d'excitation. Elle avait eu tellement peur de ne plus jamais voir Hagrid que la perspective de le revoir éclipsait tous les sentiments qu'elle avait pu ressentir pendant cette journée calamiteuse.
Leurs pieds crissant contre la neige, ils arrivèrent enfin devant la porte de la petite maison et Harry frappa trois fois contre la porte. Crockdur aboya aussitôt.
"Hagrid, c'est nous !" dit Harry à travers le trou de la serrure.
"J'm'en serais douté !" répondit la voix bourrue d'Hagrid à travers la porte.
Quand elle reconnut sa voix, Hermione tourna instinctivement la tête vers Ron et ils partagèrent un grand sourire heureux. Ron avait retrouvé des couleurs, visiblement, revoir Hagrid lui faisait aussi oublier sa prestation pendant le match.
"Ça fait trois secondes que je suis rentré…" dit Hagrid en remuant des choses derrière la porte de sa hutte. "Fiche le camp de là, Crockdur… J'ai dit fiche le camp, espèce d'endormi…"
Il déverrouilla la porte et sa tête apparut dans l'entrebâillement. Au début, Hermione sourit toujours de toutes ses dents, mais quand elle vit l'état du visage du garde-chasse, elle poussa un cri incontrôlé.
"Par la barbe de Merlin, tais-toi donc !" dit Hagrid en jetant des regards frénétiques au-dessus de leurs têtes. "Ah, vous avez pris la cape, hein ? Allez, entrez, entrez !"
"Je suis désolée !" dit-elle, le souffle court.
Ils entrèrent en se faufilant entre lui et la porte et enlevèrent la cape. Une odeur de cannelle envahirent leurs narines et Hermione l'inspira plusieurs fois sans s'en rendre compte.
"J'ai simplement... Oh, Hagrid !" s'écria-t-elle avec horreur quand il termina de verrouiller la porte et de tirer les rideaux.
"C'est rien, rien du tout…"
Le visage d'Hagrid était gonflé de partout, avec des hématomes qui oscillaient entre le vert et le violet sous toutes les nuances possibles et inimaginables. Son œil gauche était fermé, et du sang séché collait ses cheveux contre sa joue gauche. Ses mains et son cou étaient couverts de plaies, dont certaines saignaient encore, et il se déplaçait avec précaution, laissant indiquer qu'il avait plusieurs côtes cassées.
"Hagrid, qu'est-ce qui vous est arrivé ?" demanda Harry en contemplant ses blessures, ahuri.
"J'vous l'ai dit, rien du tout !" répondit Hagrid d'un ton ferme. "Voulez une tasse de thé ?"
"N'essayez pas de nous faire croire ça." dit Ron. "Vous êtes dans un état épouvantable !"
"Je vous dis que je vais très bien." insista Hagrid.
Il essaya de leur faire un sourire, mais ce fut plutôt une grimace crispée par la douleur. Il traversa la petite pièce et prit un énorme steak qui trônait sur la table, que Crockdur observait en se léchant les babines. Hermione pensa qu'il allait le jeter sur une poêle, mais à la place, il l'étala sur la partie gauche de son visage et poussa un soupir apaisé.
"Ah, ça va mieux. C'est bon pour calmer la douleur, vous comprenez ?"
"Alors, vous allez nous raconter ce qui vous est arrivé ?" demanda Harry avec une pointe d'impatience.
"Peux pas, Harry. Top secret. Si je vous le disais, ça me coûterait plus que mon poste."
"Ce sont les géants qui vous ont battu, Hagrid ?" demanda Hermione d'une voix craintive.
Hagrid laissa échapper son steak de surprise qui tomba sur sa poitrine.
"Les géants ?" répéta-t-il. Il remit le steak sur son visage et les regarda tous les trois de son seul œil valide. "Qui vous a parlé de géants ? Qui vous avez vu ? Qui vous a dit ce que j'ai… ? Qui a raconté que j'avais été… hein ?"
"On a deviné." répondit Hermione sur un ton d'excuse.
"Ah, c'est ça, deviné ?" dit Hagrid.
"D'une certaine manière, c'était… évident." ajouta Ron.
Hagrid grommela et se releva pour enlever la bouilloire qui sifflait. Il remplit quatre tasses d'eau bouillante et plongea des sachets de thé à l'intérieur.
"Jamais vu des mômes aussi doués pour en savoir plus que ce qu'ils devraient." grogna-t-il. "Et ce n'est pas un compliment. On appelle ça des fouineurs. Des gens qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas."
Mais étrangement, Hagrid souriait.
"Alors, vous êtes parti à la recherche des géants ?" demanda Harry en prenant place autour de la petite table.
Hagrid posa trois tasses de thé fumantes sur la table et Hermione reconnut la senteur de cannelle. Elle échangea un regard avec le garde-chasse, et ne put s'empêcher de sourire.
Tout revenait à sa place.
Pendant une demi-heure, Hagrid leur raconta l'aventure qu'il avait vécu avec les géants. C'était un récit passionnant, où Harry, Ron et Hermione étaient pratiquement au bord de leurs chaises tant ils étaient captivés. Hagrid leur détailla leurs premières nuits dans le camp, puis les meurtres auxquels ils avaient assisté. Il expliqua la hiérarchie des géants, et même si Hermione avait étudié les guerres de longues heures pendant ses révisions d'Histoire de la Magie, elle devait admettre que l'entendre de la bouche d'Hagrid était bien plus intéressant.
Hagrid était en train d'arriver à la partie de l'histoire où il s'était fait massacrer le visage quand quelqu'un l'interrompit en frappant trois coups secs contre la porte. Hermione sursauta si fort que sa tasse tomba par terre et se fracassa sur le sol. Crockdur se remit à aboyer, peut-être pour couvrir le bruit qu'Hermione avait produit. Hermione tourna abruptement la tête vers la fenêtre à côté de la porte, et reconnut sans mal la petite silhouette trapue à travers le rideau.
"C'est elle !" murmura Ron avec horreur.
"Vite, vite, là-dessous !" ordonna Harry en montrant la cape d'invisibilité pour qu'ils puissent s'y cacher.
Il attrapa Hermione par l'épaule qui se fit recouvrir par le tissu léger et Ron se jeta à leur côté. Puis, ils se décalèrent dans un coin de la pièce en veillant à faire le moins de bruit possible.
"Hagrid !" appela Hermione en chuchotant à moitié. "Cachez nos tasses !"
Hagrid, qui ne semblait rien comprendre à la tournure étrange des événements, prit les tasses d'Harry et Ron et alla les cacher sous un coussin. Puis, il écarta Crockdur avec sa jambe et ouvrit la porte.
Ombrage se tenait dans l'encadrement, vêtue d'un chapeau malgré l'heure tardive. Elle inspecta Hagrid de là où elle se tenait, c'est-à-dire à peu près au niveau de son nombril, les lèvres retroussées de dégoût.
"Alors ?" dit-elle lentement, en détachant chaque lettre comme si Hagrid ne comprenait pas l'anglais. "C'est vous, Hagrid ?"
Elle n'attendit pas de réponse et se faufila par l'embrasure de la porte pour entrer dans la pièce. Quand elle renifla l'odeur préférée d'Hermione au monde, elle plissa le nez comme si la maison d'Hagrid était recouverte de bouses de dragons.
"Euh…" commença Hagrid, toujours sur le palier. "Je ne voudrais pas paraître malpoli, mais, nom d'une gargouille, j'aimerais fichtrement bien savoir qui vous êtes !"
"Je m'appelle Dolores Ombrage."
"Dolores Ombrage ?" répéta Hagrid, qui paraissait totalement désorienté. "Je croyais que vous faisiez partie du Ministère… Ce n'est pas vous qui travaillez avec Fudge ?"
"J'étais sous-secrétaire d'État auprès du Ministre, en effet." dit-elle froidement.
Ombrage se mit à arpenter la pièce en quête d'indices. Elle s'arrêta un instant sur le parapluie rose à l'entrée et le sac à dos qu'Hagrid avait posé sur l'une des chaises.
"Maintenant, je suis la Professeure de Défense Contre les Forces du Mal…"
"Courageux de votre part." remarqua Hagrid. "On n'en trouve plus beaucoup qui voudraient faire ce travail."
"... Et également la Grande Inquisitrice de Poudlard." ajouta Ombrage, comme si elle ne l'avait pas entendu.
"C'est quoi, ça ?" demanda Hagrid, les sourcils froncés.
"Voilà précisément la question que j'allais vous poser." répondit Ombrage en montrant les débris de la tasse d'Hermione par terre.
"Oh, ça !" dit Hagrid. "Ça, c'est… C'est Crockdur. Il a cassé une tasse. Alors, j'ai été obligé d'en prendre une autre."
Il montra sa propre tasse, son autre main tenant toujours le steak de dragon contre son œil. Ombrage cessa de tourner dans la petite pièce et s'arrêta pour scruter le visage d'Hagrid sans retenue.
"J'ai entendu des voix." dit-elle.
"Je parlais à Crockdur." affirma Hagrid.
"Et il vous répondait ?"
"Ben… d'une certaine manière, oui." répondit Hagrid, mal à l'aise. "Je me dis parfois que Crockdur est presque humain…"
"Dehors, dans la neige, il y a les traces de pas de trois personnes qui sont allées du Château jusqu'à votre cabane." fit remarquer Ombrage d'une voix doucereuse.
Hermione inspira de surprise et Harry lui plaqua une main sur la bouche.
"Je viens tout juste de rentrer." dit Hagrid, son énorme main montrant le sac à dos. "Peut-être que quelqu'un est venu me voir tout à l'heure, quand je n'étais pas encore là."
"Il n'y a aucune trace de pas qui reparte de votre cabane."
"Eh ben, je… je sais pas, moi…" balbutia Hagrid. Il tira nerveusement sur sa barbe.
"Que vous est-il arrivé ? Où avez-vous eu ces blessures ?" demanda-t-elle impétueusement.
Hagrid retira le steak de dragon, révélant encore plus son oeil au beurre noir.
"Oh, j'ai eu… Un petit accident." dit-il maladroitement. "J'ai… J'ai trébuché."
"Vous avez trébuché." répéta Ombrage avec froideur.
"Oui, c'est ça. Contre… contre le balai d'un ami. Moi-même, je ne vole pas. Vous avez vu ma taille ? Je ne pense pas qu'il existe un balai capable de supporter mon poids. Cet ami élève des chevaux, des Abraxans, je ne sais pas si vous en avez déjà vu, de grandes bêtes avec des ailes, un jour, j'ai fait un tour sur l'un d'eux et c'était… "
"Où étiez-vous ?" demanda Ombrage, interrompant d'une voix glaciale les balbutiements de Hagrid.
"Où je…"
"Où vous étiez, oui. Le trimestre a commencé il y a deux mois. Un autre professeur a dû assurer vos cours. Aucun de vos collègues n'a pu me donner de renseignements sur vos coordonnées. Vous n'avez laissé aucune adresse. Où étiez-vous ?"
"Je… je suis parti pour ma santé." répondit-il après un temps.
"Pour votre santé…"
Le regard du professeur Ombrage se promena sur le visage bariolé et enflé de Hagrid. Du sang de dragon s'égouttait lentement sur son gilet.
"Oui." dit Hagrid. "Un peu de… d'air frais, vous comprenez ?"
"Bien sûr, comme garde-chasse, vous devez terriblement manquer d'air frais." répondit Ombrage d'un ton mielleux.
Ils se jaugèrent pendant une longue minute. Hermione pouvait voir le sourire grotesque d'Ombrage creuser chacune ridule autour de ses lèvres et fut encore une fois frappée par sa ressemblance avec un crapaud.
Puis, elle se dirigea vers la porte.
"Il faut aussi que vous sachiez qu'en tant que Grande Inquisitrice, il est malheureusement de mon devoir d'inspecter mes collègues enseignants. Nous nous reverrons donc sans doute dans peu de temps. Hagrid, bonsoir."
Elle sortit et referma la porte avec un bruit sec. Hermione vit Harry soulever la cape d'invisibilité mais elle l'arrêta :
"Pas encore." lui souffla-t-elle à l'oreille. "Elle est peut-être restée derrière la porte."
Hagrid alla à la fenêtre et contempla la silhouette d'Ombrage s'éloigner dans la neige. Quand ils furent sûrs qu'elle ne reviendrait pas, ils enlevèrent la cape d'invisibilité. Hagrid leur resservit une tasse de thé, et Hermione, Harry et Ron lui racontèrent en détails comment Ombrage avait chamboulé tout Poudlard depuis la rentrée.
Hagrid, comme à son habitude, resta enthousiaste et confiant. Il avait toujours eu la faculté de voir le bon chez les gens, même quand il s'agissait d'un cauchemar ambulant comme Ombrage. Quand Hermione essaya de le prévenir de faire attention s'il se faisait inspecter par elle, il haussa joyeusement les épaules. Hermione voulut insister, mais la journée avait été longue, et pleine de rebondissements, et elle n'eut pas la force de le faire. Elle préféra rentrer au Château avec les garçons.
Ils parlèrent du retour d'Hagrid sur tout le chemin du retour, la querelle concernant le Quidditch complètement oubliée. Hermione, elle, resta silencieuse, le cerveau bouillonnant de pensées et de souvenirs. Elle n'arrivait pas à croire que le match avait eu lieu le matin-même. Tellement de choses s'étaient passées depuis…
Ron prononça le mot de passe et ils se souhaitèrent chacun une bonne nuit avec un sourire rassuré sur leurs visages.
Mais quand Hermione monta dans son dortoir, elle put deviner la forme des cheveux blonds de Lavande à travers la petite ouverture du rideau et sans savoir pourquoi, elle se sentit soudainement atrocement seule.
Elle avait embrassé un garçon pour la deuxième fois de sa vie, et elle ne pouvait pas en parler. Pourtant, elle avait toujours pensé que si ça lui arrivait, elle en parlerait à Lavande en premier. C'était elle qui lui avait parlé des garçons la toute première fois. C'était vers elle qu'elle se tournait quand elle avait besoin de "conseils de filles." Mais elle ne pouvait pas, parce qu'elles se parlaient plus, et que si Hermione lui confiait que c'était Drago Malefoy qu'elle avait embrassée, ça ferait un immense scandale.
Hermione prit donc son oreiller et monta les escaliers d'un étage supplémentaire. Elle ouvrit la porte du dortoir de Ginny et s'approcha de son lit.
Sa meilleure amie dormait, mais quand Hermione s'approcha et que son ombre se balada sur sa couette, Ginny ouvrit un œil.
"Mione ?" appela-t-elle d'une voix ensommeillée. "Qu'est-ce que tu fais là ? Il doit être 2h du matin…"
"Est-ce que je peux dormir avec toi ?" demanda Hermione dans un murmure honteux. "Je n'ai pas trop… Je ne veux pas dormir seule ce soir."
Ginny hocha la tête sans hésitation et se décala pour lui laisser de la place. Hermione se glissa sous les couvertures chaudes, et serra son oreiller contre elle.
"Qu'est-ce qui t'arrive ?" demanda Ginny, d'un ton légèrement inquiet.
"Rien. J'ai juste… La tête pleine." chuchota Hermione.
Ginny analysa chaque trait de son visage, comme si elle espérait trouver la réponse à ses interrogations dessus.
"Ne t'inquiètes pas, je suis sûre que Pomfresh pourra lui réparer son nez en deux trois mouvements." dit-elle, probablement pour la rassurer.
Hermione hocha la tête, bien que le nez de Drago n'était pas vraiment le sujet de ses pensées. C'était plutôt ses lèvres qui semblaient habiter chaque recoin de sa tête.
"Hagrid est revenu." annonça Hermione pour changer de sujet.
"C'est vrai ? Oh, enfin une bonne nouvelle !" dit Ginny en bâillant. "J'irai le voir demain."
Elles tombèrent dans le silence. Ginny avait fermé les yeux. Hermione s'attendait à ce que ses respirations endormies soulève progressivement sa poitrine pendant que le sommeil la rattrapait, alors elle fut surprise quand Ginny chuchota, sans ouvrir les yeux :
"Je sens ton cerveau surchauffer d'ici, Mione."
"Désolée."
Ginny soupira en l'entendant dire ça et se tourna pour prendre sa baguette sur sa table de nuit. Elle ferma les rideaux, et posa un sortilège de Silence autour de son lit.
Puis, Ginny posa une petite machine carrée et noire sur le drap qu'Hermione eût du mal à reconnaître à cause de la pénombre.
Quand elle tapota sa baguette dessus, Hermione réalisa que c'était sa radio sorcière. Une musique classique très basse sortit des hauts parleurs et enveloppa tout le lit à baldaquin de Ginny.
Hermione ferma les yeux pour profiter de l'air. Elle ne le connaissait pas. Elle se demanda si ça venait du fameux compositeur sorcier dont Drago lui avait parlé, un jour.
"Ecoute la musique et ne pense à rien d'autre, d'accord ?" conseilla Ginny dans un murmure.
Hermione suivit son conseil. Au début, ses pensées essayaient toujours de s'échapper vers Drago, mais elle réussit à se focaliser sur la musique et oublia le reste. Elle se concentra sur chaque note de musique qui envahissait le petit espace, et qui semblait s'infiltrer en elle à mesure que le sommeil l'attrapait.
Et, contre toute attente, Hermione s'endormit paisiblement.
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Drago
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"Putain… J'ai fait une connerie…" se lamenta Drago pour la trentième fois de la journée.
"Oui. Une énorme connerie." approuva Blaise, pour la trentième fois de la journée.
Ils étaient tous les deux assis à une table d'étude de la Salle Commune. Blaise faisait ses devoirs, et Drago avait la tête entre les mains, les épaules voûtées, le dos courbé, complètement accablé. Il était toujours en pyjama alors qu'il était bien après midi, mais il s'en fichait éperdument.
Il n'avait pas vu Pansy depuis la veille. C'était comme s'ils vivaient dans deux Châteaux différents : Drago l'avait cherchée partout, mais elle était introuvable. Elle ne mangea pas dans la Grande Salle, elle ne traversa aucun couloir, et ne s'assit pas une seule fois de la journée dans son canapé habituel de la Salle Commune. Drago la suspectait de s'être enfermée dans sa chambre avec Daphné, que personne n'avait vue non plus. Drago était même resté jusqu'à une heure indécente pendant la fête du samedi soir, mais Pansy ne s'était pas montrée.
Et comme si ce problème n'était pas déjà suffisant, Drago devait aussi éviter Granger. Il n'avait pas encore établi de plan sur sa manière de procéder avec elle. Il savait qu'il avait fait une énorme connerie en l'embrassant, que ça avait été un geste impulsif et qu'il le regrettait amèrement. Maintenant, Granger avait toutes les raisons pour arrêter de lui parler, et même s'il savait qu'elle aurait eu raison de le faire, Drago ressentait une profonde tristesse quand il y pensait. Alors, il préférait méditer et repousser ce problème dans un coin de son esprit. Pour l'instant, il devait absolument réparer sa bêtise de sa tentative de baiser ratée avec Pansy.
"Qu'est-ce que je dois faire ?" demanda Drago, la voix camouflée par ses propres mains qui recouvraient son visage.
"Je te l'ai déjà dit." dit Blaise, parfaitement serein. "Tu dois t'excuser auprès d'elle."
"Et comment est-ce que je suis censé faire ça sans la voir ?" questionna Drago avec mauvaise humeur.
"J'en sais rien." répondit Blaise. "C'est à toi de voir, ça. Je ne vais pas te donner des conseils pour tout, je suis toujours furieux contre toi, je te rappelle."
Drago grogna et posa son front sur la table d'étude.
"Hé, c'est quoi déjà le troisième ingrédient pour l'antidote de la potion de Weedosoros ?" demanda Blaise.
"Dard de Billywig." répondit instantanément Drago.
"Ah, oui, merci…"
Drago l'entendit griffonner quelque chose sur son parchemin. La porte de la Salle Commune s'ouvrit, et Drago releva la tête si brusquement qu'il entendit craquer quelque chose dans sa nuque. Mais ce n'était que Théo qui revenait de la Bibliothèque, visiblement très agacé. Il intercepta Drago et Blaise et posa ses affaires violemment sur la table.
"Impossible de me concentrer, les élèves balancent des boules de neige sur les fenêtres toutes les cinq minutes, c'est insupportable."
"Et bien, au moins, tu n'auras pas ce problème ici." commenta Blaise, qui avait toujours la tête baissée sur son parchemin.
Théo marmonna quelque chose que Drago n'entendit pas et sortit sa carte d'Astronomie qu'il étala sur toute la table, puis s'installa à la dernière chaise restante. Drago fut surpris : il pensait que Théo lui en voulait après ce qu'il avait fait à Pansy. Il ne lui avait pas adressé la parole depuis la veille.
"Et bien, t'as l'air joyeux." fit remarquer Théo en voyant la position défaitiste dans laquelle il était installé.
"J'ai fait une connerie." marmonna Drago.
"Ouais, je sais." dit Théo avec une grimace. "Une énorme connerie, je dirais même. Où avais-tu la tête ?"
"Dans son pantalon." répondit sarcastiquement Blaise.
"Non !" s'écria Drago, indigné. "Ça n'avait rien à voir avec ça !"
"Qu'est-ce qui t'as pris, alors ?" demanda Théo.
"J'étais juste… J'étais juste dégoûté pour le match, et j'avais la tête… Je voulais penser à autre chose, je voulais me vider la tête, et je pensais qu'elle serait partante." résuma Drago en bégayant quelque peu. "Visiblement, j'ai eu tort."
"Et bien, au moins, on peut dire que tu as un bon sens de déduction." répondit-il avec un petit rire.
"Tu l'as vue ?" demanda Drago à Théo, d'un ton soudain peiné. "Depuis hier soir ? Elle t'as dit quelque chose ?"
Théo fronça les sourcils derrière ses boucles châtains qui commençaient à redevenir bien trop longues.
"Ouais." répondit-il évasivement.
"Et ?" demanda Drago avec espoir, en se relevant légèrement pour se pencher vers lui. "Qu'est-ce qu'elle a dit ?"
"Je ne sais pas, elle pleurait trop pour que je l'entende." répliqua froidement le garçon.
Un frisson désagréable remonta dans l'échine de Drago et il se renfrogna de nouveau sur la table.
"Qu'est-ce que je peux faire ?"
Blaise soupira bruyamment :
"Tu pourrais me laisser faire mon essai de Potions en paix, par exemple."
"Tu as essayé de t'excuser ?" demanda Théo avec une pointe d'ironie.
"Non, parce que je ne l'ai pas vue depuis hier." expliqua sèchement Drago. "Sérieusement, on dirait que cette fille se promène avec une cape d'invisibilité !"
"Elle t'évite." expliqua Théo avec sérieux, comme si Drago n'était pas déjà arrivé à cette conclusion lui-même. "Laisse lui du temps, et quand elle se sentira prête à te revoir, tu t'excuseras en bonne et due forme."
Drago hocha la tête. C'était le même conseil que Blaise, mais il était difficile à entendre. Il était terrifié à l'idée que Pansy ne veuille plus jamais lui parler.
Généralement, dans ce genre de moments, Drago se réfugiait dans la Bibliothèque. Là-bas, c'était plus facile de réfléchir dans sa bulle au parfum de cannelle et de vieux livres. Il aurait pu demander conseil à Granger, elle qui avait toujours le bon mot.
Mais il ne pouvait pas y aller, parce qu'il avait tout gâché avec elle aussi.
En l'espace d'une journée seulement, il avait réussi à perdre les deux filles les plus importantes de son existence.
Il soupira une énième fois et remit sa tête entre ses bras.
"Je suis toujours aussi furieux contre toi, d'ailleurs." dit Théo.
"Je sais."
"Tant mieux. En tout cas, si tu ne fais rien et que tu veux te faire pardonner, n'hésite pas à faire le devoir sur les antidotes de poisons de Crabbe, ça, ça me ferait plaisir."
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Le lendemain, Drago eut une idée. Il savait que Pansy ne viendrait pas au petit-déjeuner pour ne pas le croiser, alors il se leva tôt et parcourut la vallée de Poudlard à la recherche de perce-neiges, les fleurs préférées de Pansy.
Il en trouva au bout d'une heure de recherches, à l'ombre d'un arbre gigantesque. Il les cueillit et les arrangea en bouquet du mieux qu'il pouvait. Une fois dans la Grande Salle, il demanda à Théo de transfigurer une page de journal en plateau, et déposa dessus le bouquet de perce-neiges, des toasts au miel, et la page des horoscopes du jour, en prenant soin d'entourer celui des Scorpions.
Comme il l'avait prédit, Pansy ne vint pas, alors il emporta le plateau avec lui vers la cour de Métamorphose, où il savait qu'elle prendrait sa cigarette matinale avant les premières classes de la journée.
Il la trouva là, assise sur son banc de prédilection. Elle était accompagnée de Daphné, qui était emmitouflée sous des couches de vêtements épais et paraissait congelée. Pansy, elle, ne portait que son uniforme, avec ses collants déchirés et sa cravate de travers. Elle prit une grande taffe de sa cigarette et recracha la fumée qui s'envola dans des volutes grises, contrastant avec la neige tout autour d'elles.
Daphné vit Drago en premier quand il entra dans la cour. Elle donna un coup de coude pas très discret dans la côte de Pansy et cette dernière tourna la tête vers l'intrus. Même de là où il se trouvait, Drago n'eut aucun mal à voir ses yeux rouges et gonflés de fatigue. Elle n'était pas maquillée, ce qui était extrêmement rare, et elle n'avait manifestement appliqué aucune potion sur ses cheveux, parce qu'ils étaient légèrement ondulés sur les pointes.
Drago traversa la cour en silence et se posta devant les deux filles, qui le contemplèrent toutes les deux d'un air blasé.
"Qu'est-ce que tu veux ?" demanda Daphné agressivement. "Elle ne veut pas te parler."
"J'avais cru remarquer ça, oui." répliqua Drago, en essayant de contrôler sa voix pour ne pas qu'elle tremble d'agacement.
Il se tourna vers Pansy, qui faisait exprès de regarder partout, sauf dans sa direction. Il se mit face à elle mais elle tourna obstinément la tête dans l'autre sens.
"Oh, allez, Pans' !" s'exclama Drago.
"Elle ne veut pas te parler." répéta Daphné.
Elle lui lança un regard noir par-dessus son écharpe de Serpentard et Drago dut réunir toute sa force mentale pour ne pas lui demander gentiment d'aller se faire foutre.
"Je sais." dit-il. Puis il demanda, en insistant sur chaque mot : "Est-ce que tu peux nous laisser un peu seuls, Daphné, pour que Pansy et moi puissions discuter en privé ?"
"Elle ne veut pas." répondit-elle sur le champ. "Elle m'a spécifiquement demandé de rester avec elle toute la journée au cas où tu aurais l'audace de te montrer."
Pansy approuva d'un petit hochement de tête silencieux.
"Et puis, de toute façon, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas parler devant moi." continua Daphné, sans lâcher Drago du regard. "Elle m'a tout raconté. Comment as-tu osé l'embrasser après l'avoir quittée comme ça, sans explication ?"
Drago grimaça et regarda de nouveau Pansy, mais elle fumait en regardant la neige à ses pieds.
"Écoute, Pans', je sais que j'ai déconné." lui dit Drago, en essayant d'ignorer Daphné à côté d'eux. "J'ai fait une connerie, je le sais maintenant. Je n'avais pas… Je n'ai pas réfléchi."
Pansy n'eut aucune réaction. C'était comme si elle ne l'avait pas entendu.
Drago ne se découragea pas, et posa prudemment le plateau sur le banc, pile entre les deux filles.
"Tiens, je t'ai apporté ça." dit-il doucement. "J'ai pensé que ça te ferait plaisir."
Pansy balaya le plateau du regard une seconde, mais n'exprima rien sur son visage qui aurait pu indiquer que cette petite attention lui faisait plaisir. Elle continua de tirer sur son mégot en regardant la neige.
Daphné, elle, eut un petit moqueur.
"Comment ce truc pourrait lui faire plaisir ? Des toasts trop cuits, et du muguet ?"
Drago se mordit la langue pour ne pas l'insulter.
"Ce n'est pas du muguet, ce sont des perce-neiges." siffla-t-il sans la regarder. "Les fleurs préférées de Pansy. Et c'est des toasts au miel, le petit-déjeuner qu'elle prend tous les matins."
Daphné observa de nouveau le plateau, les sourcils haussés de suspicion.
"Pans'..." supplia Drago. "Allez, dis moi quelque chose, n'importe quoi… Juste un mot, s'il te plaît…"
Soudain, Pansy tourna abruptement la tête vers lui. Tout son visage était figé, glacé dans cette expression désintéressée qu'elle maîtrisait si bien, mais ses yeux brûlaient de colère.
"Tu veux un mot, Drago ?" demanda-t-elle d'une tellement voix tellement perçante que Drago recula d'un pas par réflexe. "Dégage."
Il sentit une douleur parcourir ses veines et piquer son cœur en entendant ça. Pansy détourna le regard, jeta son mégot par terre, pile à côté de la chaussure de Drago, et se leva :
"Viens Daph, on va rater le cours de Métamorphose."
Daphné s'empressa de se lever, mais Drago ne savait pas si c'était pour s'éloigner de lui ou pour s'échapper du froid. Elles passèrent devant lui sans lui prêter la moindre attention, et Drago eut juste le temps de sentir l'odeur de tabac froid avant qu'elles ne disparaissent de sa vue.
La frustration le frappa si fort qu'il retourna furieusement le plateau, qui tomba par terre. Drago déchira la page de journal et écrasa les perce-neiges un par un avec le talon de sa chaussure. Quand il sentit quelques larmes perler dans le coin de ses yeux, il s'arrêta pour les essuyer rageusement. Il ne pouvait pas pleurer.
Il s'assit sur le banc et regarda les perce-neiges écrabouillés. Deux hiboux se posèrent par terre pour grignoter les toasts au miel dans la neige et Drago ne fit rien pour les empêcher. Un bout du journal qu'il avait déchiré était planté dans la neige, complètement trempé. Drago se pencha pour l'extirper.
Gémeaux : Journée difficile pour vous ! Les tensions dans votre entourage ne cessent de grandir, et ça vous préoccupe. N'hésitez pas à prendre du recul et à vous reposer. En fin de soirée, vous ser-
Drago déchira le bout de papier en laissant échapper un son, mi-grommellement mi-sanglot, puis rebroussa chemin et retourna au Château.
Pas si nulle que ça, cette Celestia Valpan.
Drago passa l'une des journées les plus difficiles qu'il ait vécu depuis qu'il était à Poudlard. Il n'écouta aucun cours, et passa son temps à chercher le regard de Pansy, qui l'ignorait toujours. Elle resta avec Daphné à chaque minute, et cette dernière avait vraisemblablement pour mission d'assassiner Drago avec ses yeux : partout où il allait, elle le fusillait du regard, ce qui rendait compliquée toute tentative de communication avec sa meilleure amie.
En plus de l'ignorance de Pansy, Drago devait aussi gérer le problème de Granger. S'il cherchait le regard de Pansy, Granger cherchait constamment le sien. Elle passa la journée à essayer d'attirer son attention par tous les moyens possibles et imaginables, et Drago dû se retenir physiquement de ne pas tourner la tête vers elle. Il était tellement habitué à la regarder depuis sa première année que c'était comme un réflexe, une seconde nature. Il reconnaissait ses pas dans les couloirs, et pouvait sentir la fraise dans ses cheveux depuis sa table de Potions alors qu'elle était à trois rangées de lui. Chaque atome de son corps lui hurlait de la regarder, de contempler sa coupe de cheveux de la journée, de voir si ses joues rougiraient en l'apercevant, ou même de se remémorer la manière dont ses doigts avaient attrapé ses cheveux pour le tenir plus près contre elle…
Mais Drago ne pouvait pas faire ça. Il avait fait une erreur. Il avait embrassé Granger, et maintenant, tout était différent. Il avait bouleversé l'équilibre précaire dans lequel ils navigaient depuis l'année précédente. Il avait rendu ça concret. Il avait essayé, désespérément, que leur relation étrange ne reste que de l'amitié, mais il avait échoué, et maintenant, il devait faire face aux conséquences.
Granger le haïssait, probablement. Elle devait le haïr pour ce qu'il avait fait, et voulait sûrement lui hurler dessus de la même manière que Pansy l'avait fait. Mais Drago n'était pas prêt à subir ça de nouveau. Il ne voulait pas voir le dégoût dans ses prunelles, le même qui avait habité celles de Pansy quand elle l'avait poussée contre la baignoire. Il ne voulait pas revivre cette scène avec Granger, parce qu'il était absolument terrifié.
Alors, Drago fit quelque chose de très lâche : il l'évita. Exactement comme Pansy le faisait avec lui.
L'ironie de cette situation aurait pu le faire rire si c'était arrivé à Théo, ou à Blaise. Pourtant, Drago ne riait pas du tout. Il était effondré.
Et comme si sa journée n'était pas suffisamment désastreuse, Rogue choisit ce moment pour entraîner Drago à l'Occlumancie spontanée de nouveau. Drago sentit l'aiguille percer sournoisement quelques couches de son esprit avant qu'il ne réalise ce qui lui arrivait, et il dut Occluder à plusieurs moments de la journée pour ne pas que Rogue atteigne sa bibliothèque mentale.
Cette dernière était sans dessus-dessous, avec des livres par terre et des pages déchirées dissiminées un peu partout. Drago n'avait pas le courage de ranger ses souvenirs récents. Ils étaient encore trop douloureux pour les revoir.
Le soir, Drago avait le ventre bien trop en vrac pour aller dîner. En plus, c'était extrêmement difficile de ne pas céder et de regarder Granger dans la Grande Salle, alors il préféra rester dans la Salle Commune à se morfondre. Il essaya de ne pas l'imaginer assise sur leur table reculée ou sur leur banc à attendre qu'il arrive pour l'insulter de tous les noms.
Blaise et Pansy rentrèrent après le dîner. Blaise s'assit dans le fauteuil à côté du canapé qu'occupait Drago, pendant que Pansy filait dans le dortoir avec Daphné.
"Laisse lui du temps." conseilla doucement Blaise, en suivant son regard qui scrutait la brune. "Elle n'est pas encore prête à te pardonner. Ça va sûrement prendre du temps."
Drago soupira de désespoir.
"Elle t'as pardonné, toi ? Daphné ?" demanda-t-il.
Il vit les doigts de Blaise se crisper contre l'accoudoir du fauteuil.
"Non, pas encore." répondit-il simplement, vraisemblablement peu désireux de s'étaler sur la question.
Drago replia ses jambes sur le canapé et posa son front sur ses genoux.
"Je ne sais pas ce que je suis censé faire sans elle, Blaise." dit Drago dans un murmure affligé. "Je déteste ça. Je déteste quand on ne se parle plus. Et je déteste encore plus quand c'est de ma faute, parce que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même d'avoir été aussi con."
"Tu as été très con." confirma Blaise. "Mais… Est-ce que tu réalises ? La différence entre le Drago de première année, et celui de maintenant ?"
Le concerné regarda Blaise d'un drôle d'air, pas certain de comprendre d'où il voulait en venir.
"Je sais pas, les cheveux ?" demanda-t-il sarcastiquement.
"Oui, y a de ça." dit Blaise avec une esquisse de sourire sur ses lèvres. "Mais je ne parlais pas de ça. Dray, i peine… Deux ans, tu aurais réagi complètement différemment."
"Qu'est-ce que tu veux dire ?"
"Il y a deux ans, tu disais le mot "désolé" comme s'il était contaminé." expliqua Blaise très sérieusement. "Tu blâmais la faute sur les autres, même quand tu savais que tu étais en tort. Tu t'énervais pour un rien, tu te renfermais complètement. Si tu avais fait la connerie que t'as faite samedi en deuxième ou troisième année, tu n'aurais jamais admis avoir fait une erreur. Tu ne m'aurais pas laissé te casser la gueule, tu aurais répondu, tu aurais défendu "ton honneur", "ton égo", tes "valeurs de Malefoy.""
Drago grimaça légèrement en entendant cette appellation. Comment avait-il pu prononcer ces mots un jour ?
"Tu aurais échoué, évidemment." continua Blaise. "Je suis bien meilleur que toi en bagarre. Mais j'avoue que quand je t'ai mis ce coup de poing, j'étais persuadé que tu répliquerais. Mais tu t'es laissé faire. T'as pris les coups sans broncher, parce que tu savais que tu le méritais. Le Drago du passé n'aurait jamais fait. Qu'est-ce qui a changé ?"
Granger. Le cerveau de Drago fusa, mais il ne le dit pas à voix haute. Pourtant, c'était évident. C'était elle qui lui avait appris à s'excuser, sans même le savoir elle-même. C'était elle qui lui avait montré que la haine n'apportait que de la violence, et que parfois, il fallait savoir faire un pas de côté pour garder les gens qu'on aime près de soi. Drago n'avait pas réalisé qu'il avait appliqué ses conseils dans sa vie. Mais il fallait croire qu'il ne les tenait pas très bien, parce qu'il avait perdu deux personnes qu'il aimait quand même.
Drago haussa les épaules, et la question de Blaise resta rhétorique.
Drago se doutait que Blaise savait. Il ne lui avait jamais dit explicitement, mais ce n'était pas possible qu'il ne l'ait pas deviné. C'était le garçon le plus observateur de tout Poudlard. Il analysait les attitudes des gens autour de lui et en déduisait plein de choses sur eux sans même ouvrir la bouche une seule fois. C'était évident qu'il savait ce que Drago ressentait pour Granger, mais il ne lui en parla pas, et Drago l'aimait encore plus pour ça.
"Tu n'as pas tellement changé, toi." commenta Drago. "Tu as toujours été sage, même à onze ans."
Blaise ricana.
"Je t'ai cassé le nez samedi. Tu appelles ça sage, toi ?"
"Je l'avais mérité." dit Drago. "Et même si tu es furieux contre moi d'avoir fait ça, tu continues de me parler. Théo aussi. Pourquoi ?"
Blaise haussa les épaules, sans perdre son sourire narquois, le genre qui laissait sous-entendre qu'il connaissait plein de choses qu'il ne savait pas.
"Et bien, j'imagine que peu importe le nombre de conneries stupides que tu puisses faire, ça ne nous empêchera pas d'être ami avec toi."
"Même si j'ai fait une énorme connerie ?" demanda Drago avec un pâle sourire.
"Je te rappelle que tu as provoqué un hippogriffe de trois mètres de haut et que tu t'es déguisé en Détraqueur pour faire peur à Potter." répondit instantanément Blaise. "Embrasser Pansy est loin d'être ton premier coup d'essai en matière de stupidité. On est habitués, maintenant."
Drago eut un petit rire. À cet instant, Pansy réapparut dans la Salle Commune. Elle portait un collant résille sous sa jupe noire et avait retiré sa cravate pour ouvrir sa chemise en dessous. Drago pouvait voir le haut de son soutien-gorge dépasser.
En évitant soigneusement de regarder Drago dans le canapé, elle se dirigea vers le gramophone pour le régler. Une musique métallique sortit du haut-parleur et plusieurs personnes se levèrent en même temps, soit pour aller danser, soit pour se servir un verre à la table constamment occupée par des dizaines de bouteilles d'alcool. Pansy fit de même, et la foule empêcha vite Drago de pouvoir la regarder.
"Qu'est-ce que Pansy en pense ?" demanda-t-il à Blaise en désignant l'espace entre eux deux. "Que tu continues à me parler, malgré ce que j'ai fait ?"
Le visage de Blaise s'assombrit légèrement.
"Et bien, en fait, elle pense que j'ai été trop dur avec toi." répondit-il, son ton clairement désapprobateur. "Elle dit que je suis allé trop loin en te cassant la gueule. Inutile de te dire que je ne suis pas d'accord avec elle, je pense sincèrement que tu en méritais une troisième."
Il n'y avait que Blaise pour discuter de ce genre de choses aussi calmement.
"C'est elle qui nous a demandé de ne pas te laisser tomber. Elle a dit qu'elle n'était pas encore prête à te reparler, mais qu'elle ne voulait pas que tu sois seul pour autant. J'imagine que ça veut dire qu'elle t'aime toujours. Elle fait attention à ton bien-être, même quand elle est furieuse contre toi."
Drago ressentit une vague de soulagement en entendant ça. Si Pansy lui avait vraiment dit ça, alors Blaise avait raison. Ce n'était qu'une dispute temporaire. Tout reviendrait bientôt dans l'ordre.
Drago resta assis sur le canapé pendant toute la fête. Il essaya d'aller voir Pansy deux fois, mais les deux fois, elle s'échappa subtilement dans la foule pile au moment où il s'approcha d'elle, et il comprit qu'elle voulait être tranquille. Alors, Drago resta assis à sa place, à siroter le verre de liqueur à la pomme verte que Blaise lui apporta, et à observer Pansy en train de danser.
Quand Théo revint de la Bibliothèque, il s'assit dans le canapé à côté de Drago avec un soupir. Il vit du coin de l'œil qu'il se massait la main.
"Grosse session ?" demanda Blaise.
"Ouais. J'ai terminé tous les essais de ces deux idiots." dit Théo en pointant du doigt Crabbe et Goyle, qui étaient assis sur un autre canapé et étaient visiblement en train de se demander si Pansy les autoriserait à danser. "Je suis épuisé."
Il se tourna vers Drago :
"J'étais étonné que tu viennes pas travailler avec moi, d'ailleurs."
Drago eut une sensation désagréable à l'estomac en pensant à la Bibliothèque.
"Pas envie." maugréa-t-il en guise de justification.
"Tu as fait l'essai de Botanique à rendre pour jeudi ?"
Drago hocha la tête, bien qu'il ne l'avait pas fait du tout.
"Et maintenant ? Qu'est-ce que vous faites ?" demanda Théo.
"Et bien, Drago s'appitoie sur son sort en scrutant Pansy comme un psychopathe, et j'essaye de goûter le plus d'hydromels différents pour élire mon préféré." dit Blaise.
Le blond leva les yeux au ciel en entendant ce résumé, mais continua de regarder Pansy qui était en train de sautiller avec Daphné sur des talons bien trop hauts pour elle.
"Et ?" demanda Théo.
"Et bien, celui au miel est définitivement mon préféré." dit Blaise en désignant l'un des nombreux gobelets verts sur la table basse. "En deuxième, je mettrais sûrement celui à la pomme, et en troisième… Peut-être celui au réglisse…"
Blaise continua son classement et sa voix s'atténua de plus en plus dans l'oreille de Drago, probablement à cause de la musique bien trop forte qui résonnait dans la Salle. Pansy s'arrêta de danser une seconde et cria quelque chose dans l'oreille de Daphné et de Tracey Davis. Les trois filles éclatèrent de rire, puis elles se remirent à danser. Tracey colla ses hanches contre celles de Daphné et elles rièrent en tournoyant. Pansy, elle, prit une grosse gorgée dans son gobelet vert et pour la première fois de sa vie, Drago eut envie de sentir les effluves immondes de whisky à la vanille. Merlin, il serait même capable de boire une bouteille entière pour que Pansy le pardonne.
"Pansy m'a dit un truc bizarre, la dernière fois." dit Drago soudainement, en interrompant rudement le classement des hydromels préférés de Blaise.
Les deux garçons se tournèrent vers lui.
"Juste après que… Quand… Quand elle m'a crié dessus." expliqua Drago, qui n'avait pas très envie d'utiliser le mot "embrasser" à voix haute. "Elle m'a dit que j'avais tout gâché parce qu'elle essayait de tomber amoureuse de quelqu'un d'autre… Elle vous en a parlé, à vous deux ?"
Drago se tourna vers Théo et vit que ce dernier avait les sourcils haussés de surprise.
"Non, elle ne m'a rien dit."
Il se tourna vers Blaise, qui secoua la tête avec le même air perplexe sur le visage que Théo.
"Tu es sûr qu'elle t'a dit ça ?" demanda Blaise.
"Comment est-ce que je pourrais l'oublier ? J'ai besoin de vous rappeler à quoi ressemble Pansy quand elle est énervée ?" demanda Drago. "Elle m'a dit qu'elle essayait de passer à autre chose en tombant amoureuse d'un garçon, j'en suis certain. Vous pensez que c'est qui ?"
Théo, Blaise et Drago analysèrent la foule autour de Pansy avec attention.
"En tout cas, j'espère qu'elle a mieux choisi que la dernière fois." commenta amèrement Blaise en pointant quelqu'un du menton.
Drago suivit son regard et trouva Léo Hills, assis sur une chaise isolée. Il discutait avec un garçon de sa promotion, et malgré les lumières tamisées de la pièce, Drago vit l'endroit où Blaise lui avait cassé la mâchoire, comme une sorte de bosse juste sous sa joue.
"Crabbe serait ravi de se proposer, j'ai l'impression." dit Théo en montrant le concerné du doigt.
En effet, ce dernier contemplait Pansy danser comme s'il était hypnotisé.
Daphné lança un regard noir, non pas à Drago, mais à Blaise. Il se recroquevilla instantanément dans son fauteuil comme si elle l'avait giflé.
"Merlin, encore ?" demanda-t-il, soudain paniqué. "Mais qu'est-ce que je peux faire pour qu'elle arrête de me regarder comme si elle voulait me jeter un Avada ?"
"Je ne sais pas." dit Théo avec un petit soupir. "En tout cas, je suis bien content de ne pas être dans vos histoires, ça a l'air infernal."
Et là-dessus, il ouvrit son livre, insensible aux regards implorants des garçons à l'adresse des deux filles qui dansaient devant eux.
À deux heures du matin, Drago décréta qu'il n'arriverait pas à discuter avec Pansy ce soir et alla se coucher. Tout son corps lui faisait mal à cause de la fatigue, mais pourtant, il savait qu'il n'arriverait jamais à dormir. Il n'arrêtait pas de se réveiller depuis le samedi précédent, et il refusait de prendre une potion de Sommeil-Sans-Rêve. Il considérait ça comme de la triche. Il voulait souffrir d'insomnies pour se punir d'avoir embrassé Granger et Pansy.
Il arriva dans son dortoir en traînant des pieds. Théo dormait déjà à poings fermés depuis des heures, et Blaise avait déjà mis les rideaux autour de son lit. Drago prit une douche froide, fit sa toilette et alla sous ses couettes sans grande conviction. Il essaya de méditer, mais il n'arrivait pas à se concentrer suffisamment longtemps pour en profiter. Il lut un peu son manuel de Potions pour essayer de s'endormir, puis s'entraîna à le faire Disparaître, mais sans la voix haut-perchée de Granger pour lui expliquer comment faire, il n'y arrivait pas.
Drago était sur le point d'Occluder pour arrêter de penser, quand il entendit la porte du dortoir s'ouvrir tout doucement. Il resta immobile, le cœur chavirant soudain dans sa poitrine. Qui diable pouvait bien venir dans leur dortoir à trois heures du matin ?
La réponse arriva bien vite. Drago vit les rideaux émeraudes de son lit se secouer un peu, et il devina la silhouette de Pansy par l'ouverture. Elle pointa sa baguette droit sur lui pour l'éclairer, et Drago dut plisser les yeux quand il se prit toute la lumière au visage.
"Merde." murmura Pansy. "Je pensais que tu dormirais."
Elle éteignit sa baguette avec un Nox et fut sur le point de tourner sur ses talons avant que Drago ne lui attrape le bras pour la retenir.
"Non ! Pans', ne pars pas…"
Elle se dégagea prestemment de son emprise, mais resta tout de même debout près de son lit. Quand Drago baissa la tête sur ses vêtements, il vit qu'elle portait un long t-shirt noir qui ressemblait beaucoup à celui qu'il avait "perdu" l'année précédente, et un short en coton de Quidditch qui appartenait définitivement à Blaise. Il était tellement grand qu'il tombait sur ses hanches.
"Qu'est-ce que tu fais là ?" demanda-t-il dans la pénombre.
"À ton avis ?" répliqua froidement Pansy. "Je suis venue dormir ici, je pensais pas que tu serais encore réveillé à cette heure-là."
"Je n'arrivais pas à dormir." expliqua-t-il en se frottant les paupières.
"Moi non plus." répondit-elle. "Je vais dormir avec Daphné."
Elle se retourna mais Drago se jeta en avant pour lui attraper de nouveau le bras. Elle se dégagea, mais avec un petit peu moins d'entrain cette fois-ci.
"Reste dormir ici, Pans'." dit Drago sur un air de supplique. "Je ne ferai rien, je te jure, je ne te parlerai même pas si tu veux. Mais reste dormir ici. S'il te plaît."
Malgré l'obscurité de la pièce, il crut la voir se mordre la lèvre, pensive.
"Je ne pense pas que ça soit une bonne idée…" murmura-t-elle, plus à elle-même qu'à lui.
"S'il te plaît." répéta-t-il. "Tu te souviens de la promesse que je t'ai faite, quand tu es venue dormir ici en début d'année ? Je t'ai dit que tu pourrais toujours venir, que je ne te rejetterai jamais."
"Tu as aussi dit que je serai toujours en sécurité avec toi." rappela-t-elle d'un ton brusque.
"Tu le seras. Promis, je ne ferai rien de plus que dormir. Regarde."
Il se décala suffisamment sur le côté droit pour lui laisser une grosse partie du lit et lui montra l'épaisse couverture qui n'attendait qu'elle. Pansy soupira, puis consentit à s'allonger. Drago essaya de ne pas lui montrer à quel point il était content qu'elle le fasse. Elle s'enroula dans la couette, ne laissant dépasser que le haut de sa tête, puis regarda Drago d'un œil sceptique.
"Tu as le droit de prendre un peu de couette, quand même." dit-elle en lui poussant la couverture du pied pour qu'il puisse se recouvrir avec. "Je ne veux pas que tu meurs de froid non plus."
Drago la prit, mais ne dit rien de plus. Elle soupira :
"Et tu as le droit de parler, aussi ! Merlin…"
Il sourit.
"Tu viens souvent dormir ici quand je dors déjà ?" demanda-t-il, purement curieux et absolument pas dérangé par la perspective qu'elle le fasse.
Pansy secoua la tête contre l'oreiller.
"Non. Je voulais le faire ce soir parce que j'avais du mal à dormir, je pensais que tu dormais déjà. Je comptais partir demain matin avant que tu te réveilles." avoua-t-elle dans un souffle.
"Tu dors où depuis samedi ?" demanda-t-il.
"Avec Daphné."
Elle plissa un peu les yeux et Drago comprit tout de suite que ça ne la réjouissait pas trop.
"En fait, je passe tout mon temps avec Daphné, ces derniers jours." expliqua-t-elle, toujours en murmurant, parce qu'aucun des deux n'avait l'énergie de lancer un sortilège de Silence. "Je l'aime bien, et je sais que je peux compter sur elle, mais parfois, elle est un peu…"
"Chiante ?" proposa Drago.
Pansy lui frappa le bras, mais il savait qu'il avait raison quand ses lèvres se relevèrent imperceptiblement.
"Un peu." confessa-t-elle. "Je sais qu'elle veut m'aider, mais je pense qu'elle a du mal à comprendre ce que je ressens. Elle est un peu trop… Extrême. Non pas que je puisse lui en vouloir, j'ai du mal à comprendre ce que je ressens moi-même, en ce moment."
"C'est de ma faute." dit-il doucement. "Pans', je suis vraiment désolé, j'ai agi comme une merde…"
Elle plaqua une main sur sa bouche pour l'interrompre :
"Non, arrête. Je ne veux pas parler de ça maintenant. Je ne te pardonne pas encore. C'est juste pour m'aider à dormir."
Drago hocha la tête, et elle retira sa main. Ses sourcils étaient froncés, dissimulés par une mèche de cheveux couleur encre en travers de son visage.
"Mais… J'ai juste une question." dit-elle, clairement hésitante. "Si tu y réponds, peut-on ne plus jamais en parler ?"
"Bien sûr."
"Pourquoi tu as fait ça ?" demanda-t-elle aussitôt, comme si la question lui brûlait la langue depuis trois jours. "Je veux dire, tout allait mieux entre nous. Je suis enfin passée à autre chose, et tu as ravivé… Qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?"
Drago sentit ses entrailles se contracter en entendant cette question. Il n'avait pas pensé qu'elle serait si directe. Il ne voulait pas lui mentir, mais il ne pouvait pas vraiment lui révéler ce qu'il avait fait avec Granger.
Rien qu'en repensant à ce moment, une vague de chaleur remonta le long de ses bras.
Granger…
Il ne pensait pas que c'était possible de capturer ce baiser avec autant de précision pour l'enfermer dans l'un de ses livres mentaux. C'était impossible de retranscrire avec exactitude la sensation de ses lèvres contre les siennes, la manière dont elles s'étaient fondues parfaitement ensemble, comme si elles avaient été faites pour s'embrasser. Il n'arrivait pas à se rappeler de la chaleur qui avait émané de chaque endroit qu'il avait touché : ses joues, son cou, sa nuque, ses bras, ses mains. Il ne pourrait jamais reproduire le son qui était sorti de sa bouche quand il avait embrassé son cou, il lui paraissait maintenant irréel, comme si c'était l'un de ses nombreux rêves où il avait laissé son esprit vagabonder et imaginer l'impossible : embrasser Granger.
"J'ai… Je venais de…" dit-il lentement, en essayant de trouver la meilleure formation pour ne pas blesser Pansy.
Cette dernière secoua la tête pour l'interrompre.
"Tu vas me parler… D'elle, n'est-ce-pas ?"
Drago observa ses pupilles noires qu'il pouvait à peine discerner dans la pénombre. Il n'avait pas besoin de lumière pour y voir de la jalousie. Il hocha la tête.
"Alors, je ne veux pas savoir." dit Pansy aussitôt. "Je ne suis pas encore prête à… Je ne peux pas encore t'entendre parler de ça. Pas encore."
"Je comprends." dit-il.
Elle bougea légèrement dans le lit et Drago sentit le matelas s'affaisser sous lui en suivant ses mouvements. Elle prit une poignée de la couette et la remonta encore davantage sous son menton. Drago crut entendre un reniflement, mais il ne lui demanda pas si elle pleurait. Si elle le faisait, elle ne voudrait pas en parler.
"Pourquoi tu n'es pas allée dormir avec Blaise ou Théo, si tu m'en veux encore ?" demanda-t-il, sans aucune trace de colère dans sa voix.
"J'y ai pensé, mais je n'ai jamais dormi avec Théo, alors j'ai eu peur qu'il se réveille et qu'il panique complètement en me voyant." expliqua-t-elle.
Drago eut un petit rire en imaginant la réaction de Théo. Il aurait probablement sursauté tellement fort qu'il en serait tombé par terre.
"Et Blaise ?"
"J'y ai pensé aussi, mais je me suis dit…" Pansy se mordit de nouveau la lèvre. "Daphné ne m'aurait jamais pardonné si j'avais fait une chose pareille."
Drago acquiesça. C'était compréhensible.
Il ne pouvait s'empêcher de ressentir une petite étincelle de réconfort à l'idée qu'elle l'ait choisi lui, plutôt que les deux autres.
"Et tu as préféré venir ici au risque que je sois réveillé." devina-t-il.
Pansy eut un petit sourire triste.
"Je pense que c'est toute l'ironie d'être tombée amoureuse de mon meilleur ami." dit-elle dans un murmure. "Parfois, je suis furieuse contre toi, et la seule personne à qui j'ai envie de me confier… c'est toi."
