Hermione


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Coucou maman et papa,

Harry m'a offert une caméra sorcière pour mon anniversaire, alors j'ai passé mon mois d'Octobre à faire le plus de photos possibles pour vous les envoyer. Comme ça, vous pourrez voir un peu de Poudlard.

(Les photos bougent, alors évitez de les accrocher sur le frigo au risque que vos invités ne les voient. C'est juste pour vous.)

Alors, en premier, nous avons le Château vu de loin. Vous voyez la grosse tour sur la droite ? C'est la tour des Gryffondors, c'est là où je passe mon temps quand je ne suis pas en classe. Tout en haut, il y a la Salle Commune. Mon dortoir est la quatrième fenêtre en partant du bas. De l'autre côté, c'est la plus grande tour de Poudlard, la tour d'Astronomie, avec le bureau d'Albus Dumbledore qui domine tout le Château. C'est ma tour préférée.

Ensuite, nous avons Pattenrond qui dort sur les genoux de Ginny. Elle est assise dans notre canapé de la Salle Commune des Gryffondors, celui qui est pile en face du feu. Pattenrond dort parce qu'il est épuisé d'avoir joué avec ma boule de laine toute la soirée, comme vous pouvez le voir, elle est complètement défaite…

En troisième, j'ai demandé à Ginny de me prendre en photo avec Harry et Ron. J'en ai gardé une pour moi, et je vous envoie l'autre. Je l'adore ! Je n'avais évidemment pas vu que Ron me mettait sa baguette dans l'oreille, mais au moins, ça a fait éclater de rire Harry à ma gauche. J'aime beaucoup la boucle que ça fait, avec Harry qui rit et Ron qui tire la langue. C'est assez rare de voir Harry sourire ces derniers temps, alors je suis contente d'avoir pu immortaliser son rire en photo.

Madame Pince a très gentiment accepté que je prenne une seule photo de la Bibliothèque à condition que je ne mette pas le flash, alors la voilà. Comme vous pouvez le voir, les livres se rangent tout seuls. Il est interdit de lancer un Accio, alors c'est toujours compliqué d'en retrouver un parmi les immenses étagères. La grande table au centre de la pièce, à gauche de la photo, c'est celle qu'on utilise le plus souvent avec Harry et Ron. Comme ça, on est piles sous la fenêtre pour profiter des rayons de soleil quand il y en a.

Ron m'a aidée à prendre mon sortilège de Métamorphose en photo : au début, c'est un petit hérisson, et après mon sortilège, il devient un peigne. Vous voyez comment ses épines se rétractent pendant le sortilège ? Professeure McGonagall m'a félicitée et m'a dit que cette métamorphose tomberait sûrement aux BUSES, donc je vais m'entraîner pour la produire encore plus rapidement. (pas d'inquiétude, j'ai évidemment remis l'hérisson à sa forme initiale après la classe.)

Ensuite, vous avez une photo d'un entraînement de Quidditch d'Harry et Ron. La photo est très floue parce que les balais vont trop vite, mais au moins, vous voyez maintenant à quoi ressemble un terrain à taille réelle. Les grandes tours derrière, c'est là où je me mets pour pouvoir les regarder en hauteur pendant les matchs. Harry est numéro 7, et Ron est un peu plus loin, en face des buts. C'est celui qui fait un looping.

Ma dernière photo est la plus récente, je l'ai prise cette après-midi en allant visiter Hagrid pour prendre un thé avec lui. Je fais très souvent ça le dimanche après-midi. Hagrid vient seulement d'arriver, il était parti en voyage humanitaire pendant le début de l'année. Vous voyez maintenant à quel point il est vraiment immense comparée à ma petite tasse de thé sur la table. Il était à la cannelle, naturellement, et accompagné de ses petits biscuits maison qui craquent sous la dent.

J'essaierai de vous prendre en photo plus de choses prochainement. Peut-être que je vous enverrai une lettre par mois avec des photos ? Comme ça, cet été, je pourrais en faire un album photo qu'on cachera pour que personne ne puisse tomber dessus. Il faut que je vous montre l'herbier que mamie m'a offert et que nous sommes en train de compléter avec Neville, on en est déjà aux trois quarts !

Je vous embrasse et pense fort à vous,

Vous me manquez,

Hermione

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Drago


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Malgré le fait que Pansy avait dormi dans son lit la veille, elle refusa d'adresser la parole à Drago le lendemain. C'était frustrant, mais au moins, elle ne l'ignorait pas non plus complètement : elle mangea avec eux au petit-déjeuner, et passa la matinée avec Blaise, Théo et lui.

Il sentit de nouveau le regard de Granger le transpercer à chaque fois qu'ils étaient dans la même pièce. Il savait qu'elle attendait le moment opportun pour lui hurler dessus d'avoir osé l'embrasser, alors il évita de la regarder pour fuir le problème plutôt que de l'affronter. C'était lâche, et il se doutait qu'elle utiliserait cet argument dans leur prochaine dispute, mais Drago était bien trop épuisé mentalement pour y faire face dès maintenant.

Il était en train de boire une gorgée de café noir pour essayer de se réveiller un peu quand Théo s'exclama bruyamment :

"Merlin, il est revenu."

Drago tourna la tête vers la table des professeurs et s'arrêta brutalement en voyant Hagrid. Sans qu'il comprenne vraiment pourquoi, son cœur fit un petit bond dans sa poitrine. S'il était tout à fait honnête, il ressentait un certain… soulagement à l'idée qu'il ne soit pas mort. La table semblait plus complète lorsqu'il était assis là. Poudlard ressemblait plus à Poudlard.

Drago ne pensait pas réellement ça, il était surtout content que Granger ne subisse pas le deuil de son garde-chasse préféré. Oui, c'était définitivement ça. Rien à voir avec lui.

Il afficha donc une grimace de dégoût immédiate :

"Je croyais qu'il s'était fait écrabouiller par un géant ?"

"Il faut croire que non." dit Blaise en observant Hagrid à son tour. "Quoique…"

Au début, Drago ne comprit pas de quoi Blaise voulait parler. Il réalisa ce qu'il voulait dire quand ils arrivèrent à la lisière de la Forêt pour le cours de Soins aux Créatures Magiques. Théo traînait des pieds à cause de la neige qu'il haïssait, ce qu'il répéta une vingtaine de fois du Château jusqu'à la cabane d'Hagrid, et Drago aperçut le visage de son "professeur" qu'à cet instant. Il laissa échapper un cri écoeuré.

Le visage d'Hagrid était contusionné de partout, avec des bleus qui se dégradaient du vert jusqu'au jaune tout le long de son nez, de ses joues et de son front. Son œil gauche était enflé, et plusieurs plaies dégoulinaient de sang séché. Pour compléter ce look des plus attrayants, il portait un cadavre de vache sur son épaule comme un torchon.

Drago entendit un gémissement de dégoût à sa droite et reconnut Pansy sans mal.

"Aujourd'hui, on va travailler là-bas !" annonça joyeusement Hagrid en montrant d'un signe de tête les arbres sombres de la forêt. "C'est plus abrité. D'ailleurs, ils préfèrent l'obscurité."

Le souvenir de sa retenue de première année remonta à la surface. Il n'avait pas besoin de consulter le livre dans sa bibliothèque mentale, il se souvenait parfaitement bien de la terreur qu'il avait ressenti ce soir-là. Depuis, Drago veillait soigneusement à éviter les abords de la Forêt Interdite, et encore moins de s'aventurer dans les arbres. Pour lui, cette Forêt grouillait de dangers, et il préférait largement rester enfermé entre quatre murs sûrs du Château.

"Qui est-ce qui préfère l'obscurité ?" demanda-t-il à Théo sans pouvoir cacher l'horreur dans sa voix. "Qu'est-ce que c'est que ça, encore, vous avez entendu ?"

Théo et Blaise haussèrent les épaules. Drago déglutit et se décala astucieusement aux côtés de Crabbe et Goyle. Si quelqu'un l'attaquait, il préférait être protégé par eux plutôt que par Théo, qui tremblait comme une feuille à cause de la neige.

"Prêts ?" demanda Hagrid. "Bon, alors, pour votre cinquième année, je vous ai réservé une petite excursion dans la Forêt. Je pense qu'il vaut mieux voir ces créatures dans leur milieu naturel. Ce qu'on va étudier aujourd'hui est plutôt rare. Je crois bien que je suis la seule personne au Royaume-Uni à en avoir dressé."

"Et vous êtes vraiment sûr qu'elles sont dressées, vos créatures ?" demanda Drago d'une voix où la panique perçait de plus en plus. "Ce ne serait pas la première fois que vous nous amèneriez des bêtes sauvages."

Il entendit un murmure d'approbation secouer les rangs de Serpentards, et même certains de Gryffondors. Il se rapprocha encore plus de Goyle et essaya tant bien que mal de ne pas regarder Granger.

"Bien sûr qu'elles sont dressées." répondit Hagrid, soudain moins enjoué.

"Alors, pourquoi vous avez la figure dans cet état ?" demanda Drago.

"Occupe-toi de tes affaires !" répliqua Hagrid avec colère. "Et maintenant, si vous avez fini de poser des questions stupides, allons-y !"

En priant pour que ça soient les géants qui aient déformé l'énorme tête d'Hagrid et non pas les crocs acérés d'une bête sauvage et dangereuse, Drago avança de quelques pas.

Granger était, évidemment, tout devant, juste derrière Hagrid. Drago pouvait voir ses boucles se balancer dans son dos à chacun de ses pas. Étrangement, cette vision le détendit un peu.

Il se demanda comment elle avait réagi quand elle avait appris le retour d'Hagrid. Il était sûr qu'elle s'était précipitée à sa rencontre, peut-être même fait un câlin tant il lui avait manqué. Était-ce après, ou avant qu'il l'embrasse, samedi dernier ? Est-ce que ça avait égayé son week-end désastreux ? Est-ce que son retour avait éclipsé le baiser de sa mémoire ?

Est-ce qu'elle était si proche d'Hagrid qu'elle pourrait lui confier ce genre de chose ?

Frappé d'horreur par la possibilité que Granger ait pu raconter à Hagrid qu'il l'avait embrassée, Drago Occluda.

Ils marchèrent pendant une dizaine de minutes. Drago alternait entre regarder le sol pour ne pas trébucher sur les morceaux de racines gelés, et les cheveux de Granger qui virevoltaient à cause du vent et de ses pas. Il mourrait d'envie qu'elle se retourne pour la regarder, parce qu'il avait l'impression qu'il ne l'avait pas vue depuis des semaines, alors que ça faisait à peine trois jours.

Soudain, Hagrid s'arrêta et Théo faillit glisser sur une plaque de verglas à cause de l'arrêt brutal. Il marmonna une insulte particulièrement odieuse dans sa barbe et Blaise se retint d'éclater de rire. Avec un grognement, Hagrid déposa la carcasse de vache par terre et attendit que tout le monde se rassemble devant lui. Drago vit du coin de l'œil Pansy agripper la cape de Blaise de panique.

"Rapprochez-vous, rapprochez-vous !" les encouragea Hagrid. "Ils vont être attirés par l'odeur de la viande, mais de toute façon, je vais les appeler parce qu'ils aiment bien savoir que je suis là."

"Mais qui ça, ils ?" demanda Drago en sentant un frisson remonter dans sa nuque qui n'avait rien à voir avec la neige.

"J'en sais rien, probablement des yétis des neiges…" grommela Théo qui tentait de remonter sa robe pour ne pas qu'elle trempe par terre.

Le garde-chasse secoua sa tête pour enlever les cheveux collés à son visage et poussa un cri perçant qui glaça le sang de Drago. Tout le monde s'immobilisa autour de lui. Drago fixait les arbres, s'attendant à en voir sortir une immense silhouette de géant à tout instant.

Pitié, Merlin, que je ne meurs pas maintenant, s'il te plaît… supplia-t-il intérieurement.

Crabbe et Goyle se ressèrerent contre lui et il sentit leurs bras trembler.

Hagrid siffla une deuxième fois, puis une troisième fois. Les bêtes, quelle qu'elles soient, ne se montrèrent pas. La peur paralysait les jambes de Drago, si bien qu'il se demanda s'il serait capable de s'enfuir en courant si besoin. Il était en train d'évaluer la distance entre lui et Granger pour l'attraper avant de prendre la fuite quand Théo maugréa :

"Ah, bah c'est pas trop tôt !"

Drago tourna la tête vers les arbres, les battements de son cœur si frénétiques qu'il pouvait les sentir jusque sur le bout de ses doigts, mais il n'y avait rien. Pas même un hibou sur une branche, ou un hérisson près d'un buisson.

"Ils sont terrifiants…" continua Théo en fixant l'orée des arbres, presque écoeuré.

"De quoi tu parles ?" demanda Blaise sans comprendre. "Il n'y a personne."

Théo se tourna vers lui, un sourcil arqué :

"Non, rien du tout, bien sûr. Mis à part l'énorme cheval noir ailé sans yeux pile en face de nous !"

Mais en voyant le visage plein d'incompréhension de Blaise, Théo stoppa court à l'ironie et fronça les sourcils de panique :

"Tu plaisantes ? Tu ne le vois vraiment pas ?"

"Non…"

Théo se tourna, plein d'espoir, vers Drago, qui secoua la tête également :

"Je ne vois pas de chevaux."

"Vous me faites une blague ?" demanda Théo en balayant son regard entre Blaise et Drago, comme s'il s'attendait à ce que l'un des deux éclate de rire. "Vous ne le voyez vraiment pas ? Mais… Juste là ! Il est énorme !"

Il pointa du doigt un endroit dans la neige, et Drago crut apercevoir des traces de sabots.

"Oh Merlin, je sais ce que c'est !" s'écria soudain Pansy d'une voix aiguë. "C'est un Sombral !"

Dès qu'il entendit ce nom, Théo perdit toutes ses couleurs. Ses joues, qui étaient rougies par le froid, devinrent aussi pâles que la neige autour d'eux. Il fit tomber son bras tendu le long de son flanc.

"Quoi ? Non, ce n'est pas possible…" dit-il, pétrifié de peur.

Drago, qui n'avait aucune idée de ce qu'était un Sombral, regarda Théo pâlir à vue d'œil sans comprendre. Blaise ne saisissait pas non plus. Pansy, cependant, fixait Théo avec un air anxieux qui ne présageait rien de bon.

"Ah, en voilà un autre !" lança gaiement Hagrid, indifférent à la panique des quatre Serpentards.

Drago regarda les arbres mais ne vit rien d'autre que le même chemin obscur entre deux ifs. Crabbe et Goyle regardaient stupidement en haut des branches.

Théo, lui, s'était reculé de stupeur.

"Maintenant, levez la main ceux qui arrivent à les voir !" dit Hagrid d'une voix forte.

Pansy posa une main sur le bras de Théo pour l'empêcher de le faire. Elle regardait maintenant le garde-chasse avec des yeux flamboyants de rancœur.

Potter fut le seul à lever la main. Cette vision n'était pas très rassurante : si Théo partageait les mêmes visions que Potter, il était foutu. Après un petit temps, Londubat leva timidement le doigt aussi et Granger lui lança un regard compatissant. Drago se demanda si ce n'était pas une plaisanterie orchestrée par les Gryffondors pour faire peur à Théo. Si c'était le cas, c'était réussi : il était pratiquement translucide et ses yeux dansaient vers l'espace vide derrière Hagrid.

"Non, ce n'est pas possible…" gémit Théo. "Ce sont vraiment des Sombrals ? Drago, demande-lui."

"Excusez-moi ?" appela Drago d'un ton incertain. "Euh, qu'est-ce qu'on est censés voir, au juste ?"

Pour toute réponse, le "professeur" montra le cadavre de la vache. Drago vit alors des morceaux de chair s'arracher tout seuls et flotter dans les airs un instant avant d'être engloutis par la créature, qui était vraisemblablement invisible. Tout le groupe d'élèves se recula d'un même mouvement.

"Oh Merlin, c'est vraiment ça !" s'écria Pansy, apeurée. "Il a vraiment fait ça ! Oh, Théo, je suis tellement désolée…"

Elle pressa ses paumes contre ses paupières et se retourna pour être dos à eux.

"Quoi ? Quoi, qu'est-ce que c'est ?" demanda Blaise, qui continuait de regarder sans voir l'espace entre les deux arbres.

"Ce sont des Sombrals, ça porte malheur ! Cache-toi les yeux !" commanda Pansy d'une petite voix. "C'est un présage terrible… On dit que tous ceux qui peuvent les voir sont frappés par le malheur !"

"Comme le Sinistros ?" demanda Drago.

"Non, pas vraiment." dit Pansy, qui dans sa frayeur, avait oublié qu'elle ne lui parlait plus. "On voit le Sinistros quand on va mourir dans les prochains jours. Les Sombrals ne sont vus que par des personnes spécifiques, que ceux qui…"

Elle se tourna vers Théo et ne termina pas sa phrase.

"Ce sont des Sombrals." expliqua fièrement Hagrid, confirmant la théorie de Pansy.

Théo fit un nouveau pas en arrière et se prit le tronc de l'arbre derrière lui de plein fouet.

Drago put voir que Granger venait de remettre des pièces ensemble d'un puzzle que Drago ne connaissait pas. Elle fixa Potter, puis Londubat, puis Théo en se mordant la lèvre. Potter se retourna à son tour pour observer brièvement le groupe des Serpentards, clairement étranger aux Sombrals, lui aussi.

"Qui peut me dire pourquoi certains d'entre vous les voient et d'autres pas ?" demanda Hagrid.

Aussitôt, la main de Granger fendit l'air.

"Je t'écoute."

"Les seules personnes qui peuvent voir les Sombrals… sont celles qui ont vu la mort." expliqua-t-elle.

Sa phrase sonna comme un gong, comme si sa voix se répercuta contre les troncs pour frapper Théo en plein dans la poitrine. Il trébucha contre Blaise qui le rattrapa de justesse. On aurait dit qu'il allait s'évanouir à tout instant.

Drago, lui, sentait ses membres s'engourdir à mesure que la phrase de Granger lui parvenait au cerveau.

Il fallait avoir vu la mort de ses yeux pour pouvoir voir les chevaux ailés ?

Mais alors…

Qui Théo avait-il vu mourir ?

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Hermione


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Le mercredi soir, alors que la Salle sur Demande bourdonnait d'éclats de voix des membres de l'Armée de Dumbledore, Hermione était complètement effacée. Elle resta dans un coin de la pièce pendant toute la séance, en prétextant avoir trouvé un passage très intéressant sur la défense magique dans un livre, alors qu'en réalité, ses yeux dansaient sur la page sans la lire.

Elle n'avait pas parlé à Drago depuis le samedi dernier. Il n'était pas venu à la Bibliothèque, malgré le fait qu'Hermione y avait passé tout son temps libre dans l'espoir qu'il apparaisse. Il ne s'était pas montré non plus sur leur banc, même après les heures tardives où Hermione avait attendu en serrant un bocal de confiture dans ses mains pour ne pas mourir de froid.

"Granger, je suis… Putain, je suis désolé."

La phrase de Drago était marquée dans son esprit, mais Hermione n'arrivait pas à en comprendre le sens. Désolé de quoi ? De l'avoir embrassée ? Avait-il peur de sa réaction ? Qu'elle n'en avait peut-être pas envie ? Pourtant, Hermione en avait eu envie. Même si ce n'était pas bien, qu'ils n'auraient pas dû, que c'était interdit, Hermione n'avait eu qu'une envie, dans cette cage d'escaliers de la Tour d'Astronomie : qu'il l'embrasse. Toute sa raison s'était envolée à l'instant où il s'était approché d'elle. Et elle ne le regrettait pas une seule seconde, même après plusieurs jours de silence de sa part.

Son ignorance l'agaçait. Au début, elle avait pensé qu'il avait simplement eu peur, et qu'ils en discuteraient calmement à la Bibliothèque après que le choc soit passé. Mais après le cours d'Arithmancie où Drago n'avait même pas regardé dans sa direction, puis son absence à la Bibliothèque et sur le banc, Hermione devenait de plus en plus impatiente. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire pour qu'il réagisse de la sorte ? Pourquoi ne venait-il pas pour en parler ?

"Hey." dit Ginny en s'approchant du pouf où Hermione s'était réfugiée.

"Hey." répondit la brune, en fermant le livre qu'elle faisait semblant de lire depuis une heure.

"Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette."

Ginny attrapa une bouteille d'eau qui venait de se matérialiser sur l'étagère et en but la moitié d'une traite. Visiblement, le sortilège de Bouclier qu'Harry leur enseignait était fatiguant.

"J'ai un peu mal à la tête." mentit Hermione.

Ginny roula aussitôt des yeux :

"Hermione Granger, ne me mens pas."

La concernée lança un regard perplexe à Ginny.

"Je ne mens pas."

"Si, tu mens. Je le vois sur ton visage. Harry et Ron ne voient peut-être rien, mais moi, je vois tout. Tu penses à autre chose. Qu'est-ce qu'il y a ?"

Ginny prit place sur le pouf en face d'elle. Ses joues et son cou étaient tachés de rouge à cause de l'effort, et la racine de ses cheveux était trempée.

Hermione soupira. Ginny était vraiment bien trop observatrice, c'était impossible de garder le moindre secret en sa présence. Elle regarda autour d'elles pour vérifier que personne n'écoutait, mais les membres de l'A.D. étaient bien trop occupés à hurler "Protego !" toutes les cinq secondes.

"Je me suis disputée." avoua Hermione. "Avec Drago."

"À cause du match ?" demanda Ginny.

Hermione hocha la tête, impressionnée par les qualités de déduction de sa meilleure amie.

"Il t'en veut d'avoir pris la défense d'Harry ?" demanda-t-elle.

"Non, pas vraiment…"

Ginny analysa quelques secondes le visage fermé d'Hermione. Elle dut réaliser qu'elle n'avait pas envie d'en parler, parce qu'elle abandonna le sujet et se leva en lui tendant la main.

"Et bien, je pense que tu as raison, peu importe la raison. Maintenant, viens me lancer des sorts au visage, ça va te changer les idées."

Hermione eut un petit rire et accepta la main de Ginny qui l'aida à se relever. Elle ne la lâcha pas quand elle fut sur ses pieds et l'emmena plutôt dans un coin de la pièce, où Michael Corner attendait en tapotant sa baguette contre sa cuisse.

"Oh, bonjour Hermione." salua-t-il cordialement. "Tu viens t'entraîner avec nous ?"

"Elle va plutôt m'aider à s'entraîner." corrigea Ginny en se mettant devant Hermione. "Tu es nul pour me lancer des sorts."

Hermione crut que Michael allait s'offenser, mais il offrit à Ginny et Hermione un sourire gêné.

"J'ai un peu de mal à attaquer ma petite amie en pleine face."

Hermione sourit à son tour et Ginny lui fit un rapide baiser sur la joue :

"Je te pardonne. Mais heureusement, Hermione n'a pas peur de me lancer des Maléfices Cuisants. C'est parti Granger, donne tout ce que t'as !"

Michael fit semblant de se cacher les yeux, mais il n'aurait pas eu besoin de le faire : à chaque maléfice qu'Hermione lui lançait, Ginny arrivait à lancer un magnifique bouclier pile avant que le sort ne l'atteigne.

L'intervention de Ginny réussit à enlever Drago de la tête d'Hermione pendant quelque temps, mais très vite Harry annonça la fin de la séance, et ils remontèrent tous dans la Salle Commune des Gryffondors. Elle s'assit sur son canapé préféré, entre Ron et George. Fred et Ginny avaient pris le même fauteuil et se chamaillaient sur qui des deux pouvait s'asseoir là, et Harry était assis au pied du canapé et discutait avec Neville de sa performance remarquable pendant leur entraînement.

Hermione contempla ses amis éparpillés autour d'elle avec un soupir de contentement. Le flot de leurs paroles réussissait à calmer Hermione, presque à l'endormir tant leurs voix étaient reposantes. Elle ne pensait pas au banc, ni au garçon aux yeux gris qui l'attendait peut-être là-bas. Sans même le savoir, ils arrivaient à la consoler sans connaître ses tourments.

"Ne bougez pas, je reviens." annonça-t-elle subitement.

Elle se leva, fit un aller retour au dortoir et revint avec sa nouvelle caméra sorcière. Quand elle se posta face à eux, George écarquilla grand les yeux de surprise :

"Merlin Hermione, c'est une Noctua Oculus 3DX ?!"

Hermione regarda son appareil avec hésitation :

"Euh… Sûrement…"

"Comment t'as pu l'avoir ?! J'en rêve d'avoir ce modèle depuis des années !"

Hermione repensa à la caméra des jumeaux, celle qu'ils avaient utilisée pour la prendre en photo pendant ce terrible pari où elle avait dû monter sur un balai au Square Grimmaurd. Elle se mordit la lèvre :

"Je l'ai achetée à Pré-Au-Lard." dit-elle.

"Merlin Hermione, cette caméra coûte une fortune !" intervint Fred en fixant l'appareil comme s'il s'agissait d'une montagne de Gallions entre ses doigts. "Comment t'as pu l'acheter ?"

"Mes parents." mentit-elle, en utilisant la même excuse qu'elle avait sorti à Harry, Ron et Ginny pour expliquer sa nouvelle acquisition. "Ils m'ont envoyé de l'argent pour mon anniversaire, en me demandant d'en acheter une pour qu'ils puissent enfin voir Poudlard."

"C'est une brillante idée !" lança Neville avec un sourire. "Qu'est-ce que tu as pris pour l'instant ?"

Hermione leur énuméra les clichés qu'elle avait envoyés à ses parents dans sa dernière lettre, puis tout le monde proposa des idées : Ginny voulait qu'Hermione prenne une photo groupée des membres de l'Armée de Dumbledore pour l'accrocher dans la Salle sur Demande, Harry et Ron lui conseillèrent de prendre en photo le prochain cours d'Hagrid, et Fred et George la supplièrent de les prendre en photo en train d'imiter Ombrage dans son dos. Ron rejeta l'idée en disant qu'Ombrage était probablement une vampire, et qu'elle n'apparaîtra donc sûrement pas sur la pellicule.

"Est-ce que ça vous dérange que je vous prenne en photo tous ensemble ?" demanda Hermione.

Les Gryffondors acceptèrent et se regroupèrent pour poser devant la caméra. Hermione cliqua et le flash les illumina avec un gros "pouf !" Quand la photo sortit, Hermione sourit tendrement en voyant la boucle : Fred faisait des oreilles de lapin à Ginny, Ginny en faisait à George, et Ron et Harry se tenaient par les épaules avec deux grands sourires.

Hermione en fit une autre pour la garder comme marque page, et George lui montra ensuite l'option "photo à retardement" que proposait la caméra. Il posa l'appareil sur la cheminée et se jeta sur le fauteuil au moment où le "pouf !" retentissait de nouveau, créant une boucle parfaite où George était dans les airs.

Puis, pendant que chacun d'entre eux essayait l'appareil photo, Hermione s'endormit paisiblement dans le canapé de la Salle Commune, entourée par les gens qu'elle aimait, en pensant au seul qui manquait.

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Drago


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Pendant les jours qui suivirent le cours désastreux d'Hagrid sur les Sombrals, Théo refusa catégoriquement d'en reparler. Il passait ses soirées à la Bibliothèque, et revenait tard le soir, les doigts plein de tâches d'encre et les yeux plus bouffis que jamais. Il ne restait jamais aux fêtes de Pansy, contrairement à d'habitude où il la surveillait discrètement pour vérifier qu'elle allait bien. Il se couchait tôt, et fermait ses rideaux pour éviter d'être dérangé. Une fois ou deux, Drago crut entendre des sanglots à travers le tissu.

Drago n'osa pas poser de questions sur l'état de Théo à Pansy et Blaise. ll se doutait qu'ils savaient qui il avait bien pu voir mourir, surtout Blaise qui connaissait Théo bien avant Poudlard, mais il ne voulait pas demander une information aussi confidentielle. Il savait que Théo lui en parlerait, une fois qu'il serait prêt.

En plus, Pansy refusait toujours de parler à Drago, du moins, pas frontalement. Elle utilisait Blaise pour faire l'intermédiaire entre les deux, et ne le regardait jamais dans les yeux. Elle ne retourna pas dormir dans son lit non plus, au grand désarroi de Drago qui supportait difficilement l'absence de sa meilleure amie.

Pendant une semaine entière, l'ambiance demeura froide et inconfortable. Théo se noya dans les devoirs, Pansy boudait toujours, Blaise abordait toujours cet air maussade inexpliqué, et Drago évitait Granger. Il n'était pas allé à la Bibliothèque depuis bien trop longtemps. Il mourrait d'envie de la rejoindre pour lui parler, mais cette fois-ci était différente. Ce n'était pas une dispute qu'ils pourraient régler autour d'un thé à la cannelle et quelques réparties bien lancées. Drago était allé trop loin, et il n'arrivait pas à se résoudre à se confronter au problème maintenant qu'il était devenu omniprésent.

À sa grande tristesse, Granger semblait avoir abandonné aussi. Elle n'alla pas à la Bibliothèque pendant la semaine suivante, et resta exclusivement aux côtés de Potter et Weasley. Elle ne le cherchait plus du regard, pas même pendant le cours d'Arithmancie, alors qu'il était assis à la table à côté d'elle. Drago se doutait qu'elle lâcherait l'affaire, mais ça ne l'empêchait pas de sentir un élan de désespoir à chaque fois qu'il notait son ignorance.

Perdre Pansy et Granger la même semaine lui avait donné un coup au moral conséquent. Drago souffrait à nouveau d'insomnies, que même les dernières gouttes du flacon de Sommeil-Sans-Rêve que Théo avait volé l'année précédente n'arrivait pas à guérir. Il voyait Granger dans ses rêves, mais ce n'était pas la Granger fiévreuse qu'il avait embrassée, ou la Granger angélique sur leur banc, c'était sa version glacée, dénuée de vie. Parfois elle était même allongée dans le lit de l'infirmerie, comme la fois où il l'avait vue après qu'elle se soit faite pétrifiée.

Avec sa pile de devoirs à faire, une lettre de son père qui attendait une réponse depuis des jours, Ombrage qui sortait un nouveau décret stupide par jour, et l'équipe des Serpentards qui n'avait toujours pas digéré la défaite du match contre les Gryffondors, Drago était tout bonnement épuisé, aussi bien physiquement que mentalement.

Ce ne fut donc pas une grande surprise quand Rogue poussa un gros soupir mécontent lors de leur séance du jeudi soir.

"Vous ne faites aucun effort, Drago !" s'écria-t-il avec colère.

Drago ne cilla même pas. Tout son corps était douloureux, et sa tête bien trop pleine pour pouvoir se concentrer sur la tâche ardue de la Légilimencie. Il n'avait pas réussi à entrer dans la tête de Rogue une seule fois depuis qu'ils avaient commencé leur nouvelle leçon, et ça avait l'air de frustrer Rogue bien plus que Drago.

"Vous ne méditez pas assez !"

C'était vrai. Drago n'avait pas réussi à calmer son esprit depuis le soir du match. Comme si embrasser Granger avait réduit sa bibliothèque mentale à néant. Comme si, en brisant pour la première fois cette tension qui s'était accumulée depuis le jour où il s'était installé à la table reculée, il avait également brisé son Occlumancie.

"Qu'est-ce qui vous arrive, Merlin ?" demanda Rogue avec une pointe de mépris dans son ton.

"Je suis juste fatigué, Professeur." marmonna Drago en regardant le parquet sous ses pieds. "Les BUSES…"

"Oh, ne me sortez pas cette excuse bidon, Malefoy." grogna Rogue. "Vous avez toujours réussi à méditer, ce ne sont certainement pas les examens qui arrivent dans six mois qui vous déconcentre !"

Drago ne répondit rien. Rogue avait raison, il n'en avait rien à faire des BUSES, mais il ne pouvait pas vraiment lui avouer l'étendue de ses problèmes personnels. Il se voyait mal raconter à Rogue qu'il avait embrassé sa meilleure amie pour effacer le souvenir à la fois terriblement agréable et horrifiant du baiser avec Granger.

Le professeur soupira une nouvelle fois et retourna s'asseoir derrière son bureau. Drago fit de même dans un geste mécanique.

"Êtes-vous sûr que vous souhaitez continuer la pratique de la Légilimancie ?" demanda-t-il.

Drago fixa le bois sombre du bureau de Rogue. En avait-il envie ? Pouvait-il vraiment l'enseigner à Pansy et Théo ? Théo était incapable de méditer, et son esprit était clairement ailleurs ces derniers temps. Pansy refusait de lui parler, Drago doutait qu'elle accepte qu'il fouille dans ses pensées. Et Granger…

Fut un temps, Drago était tellement motivé à l'idée de lui apprendre à ranger ses souvenirs qu'il avait appris l'Occlumancie jusqu'à s'en évanouir. Il avait été persuadé que l'enseigner à Granger était un moyen de la protéger. Mais maintenant, égoïstement, il ne savait pas s'il voulait vraiment voir ce qu'elle pensait de lui de sa perspective. Il ne voulait pas ressentir la haine qu'elle avait à son égard pour avoir osé l'embrasser, ou assister à l'amour qu'elle ressentait pour Ron Weasley. Il ne savait pas s'il pourrait le supporter.

"Je vous laisse quelques jours pour y réfléchir." décréta Rogue face à l'absence de réponse du garçon. "Si vous souhaitez arrêter, je comprendrais. C'est une science difficile, sombre, qui nécessite beaucoup d'efforts mentaux pour quelqu'un d'aussi jeune que vous. Mais s'il vous plaît, Drago, continuez à méditer. Vous avez des prédispositions évidentes à l'Occlumancie, et je ne voudrais pas… Je n'aimerais pas que tous vos efforts soient gâchés."

Drago acquiesça, et Rogue le congédia avec une froideur presque aussi palpable que la température de la pièce.

Quand il arriva dans la Salle Commune, Drago ne fut pas surpris d'y trouver une Pansy éméchée. Elle dansait mollement autour du phonographe, un gobelet vert à la main et son rouge à lèvres noir étalé autour de sa bouche. Daphné était à côté d'elle, mais elle ne dansait pas : elle avait les bras croisés sur sa poitrine et fixait Blaise d'un regard noir, mais ce dernier ne l'avait pas remarquée, trop occupé à discuter avec une fille très jolie devant la table des bouteilles d'alcools. Manifestement, il était en train de lui parler de son classement des meilleurs hydromels.

Drago hésita à prendre un verre aussi, mais opta plutôt pour une douche. Il se rendit au dortoir et ouvrit la porte un peu trop fort, ça fit sursauter Théo qui lisait un livre dans son lit.

"Désolé." dit Drago en le voyant. "Je pensais que tu serais à la Bibliothèque."

"J'y étais, mais elle vient de fermer." expliqua Théo d'une voix blanche. "Je pensais que tu serais avec Rogue."

"J'y étais, mais il m'a envoyé chier." grommela Drago en s'asseyant sur son lit. Il se frotta les yeux et bâilla dans sa main. "'Il dit que je suis trop fatigué pour pratiquer correctement."

Théo murmura un "hmm".

Drago prit une seconde pour observer son meilleur ami. Il était atrocement pâle, il pouvait voir ses veines sombres ressortir sous la peau de son cou et de ses mains. Il paraissait exténué. Drago se demanda si lui aussi ne souffrait pas d'insomnies, ces derniers temps.

"Théo…" appela-t-il doucement.

Le garçon leva la tête, faisant tomber une mèche de cheveux couleur châtaigne devant ses yeux bleus. Il était tellement innocent, comme ça. C'était difficile de penser que c'était ce même garçon qui était arrivé ensanglanté dans une antre de cheminée, ou qui avait pu voir la mort de ces mêmes yeux remplis de sincérité.

"Oui ?"

"Tu… Comment ça va ?" demanda Drago.

Théo fronça un peu les sourcils en l'entendant poser cette question. C'était probablement la première fois qu'il montrait son inquiétude aussi franchement. Drago n'avait jamais été doué pour parler des sentiments, il préférait largement fuir et éviter tous les sujets douloureux. Cette fois-ci, cependant, il voulait s'assurer que Théo allait bien. Il se fichait de savoir à quoi il avait bien pu assister pour voir les Sombrals, ou des secrets terribles qu'il devait probablement garder pour lui. Ça ne le dérangerait même pas que Théo se mette à pleurer d'un coup, sans prévenir. Drago voulait simplement lui montrer qu'il était là. Qu'il s'inquiétait pour lui.

Qu'il l'aimait, autant qu'il l'aimait.

"Pas terrible." avoua Théo, avec un petit trémolo dans la voix qu'il dissimula par un rire sans joie.

Drago s'assit sur son lit pour lui faire face.

"C'est à cause d'Hagrid et de ses Sombrals ?" devina-t-il.

Il hocha tristement la tête.

"Ouais, disons que ça m'a... ça a remonté des souvenirs que je pensais avoir oublié depuis longtemps. Des trucs auquels je ne voulais plus penser." admit Théo doucement.

Drago comprit mieux pourquoi Pansy avait critiqué Hagrid pendant l'inspection d'Ombrage au dernier cours. Pansy n'avait jamais aimé Hagrid, mais maintenant qu'il avait traumatisé Théo, elle avait tout fait pour lui faire la misère. Elle avait fait noter tout un tas de choses à Ombrage, qui avait écrit chacune de ses plaintes avec avidité, notamment qu'il avait une affection particulière pour les créatures dangereuses. Avec ce qu'elle avait dit à Ombrage, Hagrid serait probablement viré de Poudlard d'un moment à l'autre, et malgré le désarroi que devait ressentir Granger face à cette probabilité, Drago n'en éprouva qu'un sentiment de réconfort.

"Je comprends." répondit Drago. "Hagrid a été stupide de ramener ça."

"Peu importe, je ne veux plus en parler." dit Théo sur un ton d'excuse. "Je ne suis pas encore prêt à…"

"Je ne veux pas savoir, Théo." dit Drago fermement. "Je voulais juste te dire que je suis là. Si tu as besoin d'en parler, ou même de pleurer, ou ce que tu veux, je suis là."

Théo contempla Drago sans cacher son soulagement d'entendre une telle phrase.

"Merci." dit-il honnêtement. "Je ne pensais pas entendre un jour ces mots sortir de ta bouche."

Drago haussa les épaules et se baissa pour délacer ses chaussures.

"Tu es mon meilleur ami, tu es l'une des seules personnes à qui je pourrais dire ce genre de conneries." répondit-il.

"Même pas à Crabbe et Goyle ?" plaisanta Théo.

Drago leva les yeux au ciel, même s'il était secrètement content que Théo se remette à faire des blagues. Ce n'était pas arrivé depuis trop longtemps.

"Crabbe et Goyle n'auraient jamais chialé devant une licorne." répliqua Drago avec un sourire espiègle.

Théo lui répondit en lui lançant un oreiller en pleine figure, une habitude qu'il avait sûrement pris de Pansy, et ils éclatèrent de rire en même temps.

Drago prit son pyjama pour l'emmener dans la salle de bains, mais juste avant qu'il ne passe le pas de la porte, Théo lui lança dans son dos :

"Drôle de période, tu ne trouves pas ? Avec ton histoire avec Pansy, Blaise qui se comporte trop bizarrement depuis le début de l'année, Ombrage qui contrôle Poudlard, le Seigneur des Ténèbres qui est revenu…"

Il eut un frisson et ne termina pas sa phrase, préférant plutôt se blottir sous la couette.

"Ouais, drôle de période." concéda Drago.

"Ça va, toi ?" demanda Théo.

Drago soupira. Non, ça n'allait pas. Pas du tout.

"Pas terrible." répondit-il, faisant écho à la réponse de Théo d'un peu plus tôt. "Pansy…"

Théo hocha la tête, comprenant tout de suite à quoi il faisait allusion.

"Elle va te pardonner." dit Théo, confiant. "Tu t'es excusé, laisse lui juste le temps de digérer tout ça, et tout redeviendra comme avant. C'est Pansy. Elle ne pourrait jamais arrêter d'être amie avec toi, tu le sais bien."

Drago acquiesça avec un petit sourire et s'enferma dans la salle de bains. Il se dépêcha d'entrer dans la baignoire de peur de s'attarder sur le maudit rebord, à l'endroit où il avait embrassé Pansy et réussi à tout gâcher en l'espace de quelques secondes, ou vers le miroir, où il pourrait voir l'hématome que lui avait fait Weasley prendre une horrible couleur jaunâtre. Blaise lui avait dit qu'il ressemblait à Hagrid et il avait haï le fait qu'il avait raison.

En se lavant, Drago repensa à la phrase de Théo. "Tu t'es excusé, laisse lui juste le temps de digérer tout ça, et tout redeviendra comme avant." Il espérait que ce soit vrai. C'était un de ses vœux les plus chers, en fait. Sans Pansy, il ne parvenait pas à vivre correctement. C'était comme si tout son équilibre volait en éclats. Comme si l'un des piliers qui maintenaient son existence en place disparaissait, et faisait tomber toutes les pièces brutalement. Il était perdu, il n'avait plus d'ancre, plus personne à qui s'accrocher quand tout dégringolait. Pansy devait le pardonner, c'était obligatoire.

"Ce n'est pas à moi que tu dois t'excuser Dray, c'est à Pansy." lui avait dit Blaise, juste après lui avoir cassé le nez.

Drago réalisa à cet instant qu'il ne l'avait pas vraiment fait. Il ne s'était pas vraiment excusé auprès d'elle. Il lui avait répété inlassablement qu'il avait fait une connerie, qu'il n'aurait pas dû et qu'il voulait qu'elle le pardonne, mais il ne lui avait pas demandé pardon. Pas à voix haute. Pas explicitement. Et que c'était peut-être ça, qu'elle attendait.

Il sortit de la douche et s'habilla lentement, se brossa les dents et arrangea ses cheveux qui étaient tout emmêlés, puis retourna dans le dortoir. Les torches étaient toutes éteintes. Théo avait fermé ses rideaux, et le lit de Blaise était inoccupé. Drago rangea ses affaires et était sur le point de s'allonger dans son lit quand quelqu'un toqua doucement à la porte.

Quand il l'ouvrit, il ne fut pas surpris de trouver Pansy. Elle était ivre morte, ça se voyait rien qu'à sa posture, à moitié adossée contre le mur, visiblement en train de se retenir pour ne pas tomber.

"Je… Je…" dit-elle d'une voix lente et pâteuse.

"Rentre." répondit Drago.

Elle tituba à l'intérieur du dortoir et tomba en travers du lit de Drago. À l'instant où sa tête toucha l'oreiller, elle ferma les yeux, et s'endormit.

Drago lança un sortilège de Silence autour de son lit pour ne pas réveiller Théo, puis retira les chaussures à talons de Pansy. Il ne comprenait pas comment elle pouvait marcher, et encore moins danser, avec ce genre de talons aiguilles. Il lui enleva ensuite son collant et sa jupe, en fermant les yeux pour respecter son intimité, même s'il l'avait vue en culotte des centaines de fois par le passé. Il lui mit un de ses shorts de pyjama préféré et lui laissa sa chemise, puis la recouvrit de la couverture en faisant dépasser le haut de sa tête, sa position préférée pour dormir.

Il se glissa à côté d'elle et la regarda. Ses yeux étaient encore maquillés, et son rouge à lèvre noir avait tâché les draps de Drago, mais il s'en fichait éperdument. Il était tellement heureux que, malgré l'erreur qu'il avait commise le week-end dernier, Pansy lui faisait encore suffisamment confiance pour dormir avec lui en étant ivre. Il était tellement soulagé de ne pas avoir détruit le lien étrange et puissant qui les unissait depuis toujours.

"Pans'. Je suis désolé." murmura Drago, inutilement.

Pansy continua de dormir. Drago ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait pu voir son visage aussi détendu.

Il pensa à Théo, qui devait encore être éveillé à quelques mètres de lui, et à Blaise, qui n'était pas revenu, probablement en train de coucher avec une énième fille pour cacher son véritable malheur qu'il subissait depuis plusieurs semaines.

Et Drago réalisa alors que son groupe d'amis dysfonctionnel était probablement devenu la chose la plus proche d'une famille qu'il avait.

.

.
.

Le samedi matin, Pansy ne vint pas au petit-déjeuner.

Ce n'était pas un comportement particulièrement anormal, parce que ça lui arrivait de sauter les petits-déjeuners pendant le week-end, mais Drago n'était pas dupe. Il était sûr qu'elle l'évitait. Qu'elle se privait de manger pour ne pas devoir affronter Drago face à elle pendant tout un repas.

Il fixa son siège vide pendant une vingtaine de minutes, perdu dans ses pensées. Quand il leva la tête pour réchauffer son café tiède, il se fit happé par des yeux chocolat. Granger le regardait par-dessus son manuel de Potions, absolument pas dérangée par le fait qu'elle était entourée de pas moins de sept Gryffondors. Elle fixait tout de même Drago, avec des yeus pleins de reproches et de colère refoulée, et Drago mentirait s'il disait que ça ne lui donna pas un shot d'adrénaline dans ses veines quand il croisa son regard.

Il s'en détourna rapidement et reporta son attention sur Théo et Blaise, qui mangeaient silencieusement à ses côtés.

"Vous savez quel jour on est, pas vrai ?" demanda-t-il.

"Evidemment que oui." répondit aussitôt Blaise. "Comment l'oublier ?"

"Je l'ai gâché." se lamenta Drago d'une petite voix. "J'ai réussi à gâcher cette journée, en plus de tout le reste. Elle ne va jamais me pardonner."

Blaise et Théo échangèrent un regard plein de pitié, qui aurait pu irriter Drago s'il n'était pas aussi mal. Il prit sa tête entre les mains, à la fois de désarroi mais aussi pour échapper à la tentation de regarder Granger. Il regretta soudain d'être allé prendre son petit-déjeuner. Il aurait dû rester au lit pour se morfondre seul toute la journée.

Comme s'il lisait dans ses pensées, Blaise lui donna une vigoureuse tape dans le dos et s'écria :

"Ressaisis-toi, Dray !"

Ce dernier se releva brusquement.

"Tu t'apitoies sur ton sort au lieu d'agir !" dit Blaise en désignant sa posture affligée.

Quelques hiboux entrèrent par les fenêtres de la Grande Salle et déposèrent du courrier ici et là. Blaise reçut son habituelle Gazette des Sorciers, mais au lieu de l'ouvrir pour s'y plonger dedans comme tous les matins, il déchira la dernière page et la tendit à Drago, un air déterminé sur ses traits :

"Prends-ça, et apporte lui. Pardonnez-vous, qu'on en finisse, Merlin."

Théo approuva d'un vigoureux hochement de tête, incapable de s'exprimer parce qu'il avait la bouche pleine de lait. Mais le regard résolu de Blaise était suffisamment convaincant pour deux : Drago sentit une nouvelle vibration d'espoir le saisir. Il arracha la page d'horoscopes de ses mains et acquiesça fermement :

"T'as raison. J'y vais."

Et il sortit de la Grande Salle à toute allure.

Drago ne s'arrêta que dans le Hall pour se demander où pouvait bien être Pansy. En réalité, la réflexion ne lui prit pas plus de deux secondes : il savait qu'elle n'était pas dans le dortoir de Daphné, parce qu'elle avait du mal à dormir. Il doutait qu'elle soit en train de fumer une cigarette dans la cour de Métamorphose, parce que McGonagall avait tendance à la traverser le samedi et qu'elle avait failli se faire surprendre trop de fois pour tenter l'expérience de nouveau. Elle n'était pas dans la Salle Commune, ni dans la Grande Salle. Elle n'allait jamais à la Bibliothèque, et encore moins à la volière parce qu'elle n'avait pas de courrier à envoyer.

Drago se dirigea donc d'un pas décidé vers le parc de Poudlard.

En passant la porte d'entrée, il réalisa qu'il avait oublié un petit détail : on était en plein mois de Novembre. Le froid l'agrippa avec tellement de force que ça lui fit mal, mais il continua de marcher. Il ne dégagea même pas les flocons de neige qui se posaient délicatement sur ses joues ou ses cheveux, Drago avança tout droit, focalisé sur son objectif.

Il emprunta le chemin qui menait vers la vallée de Poudlard, en veillant à ne pas regarder le banc inoccupé où il rêvait d'aller tous les soirs depuis deux semaines. Il descendit, en manquant de glisser sur le verglas à plusieurs reprises, puis trouva finalement l'objet de ses recherches quand il arriva à la dernière portion d'allée. Entre les deux serres de Botanique, il aperçut les cheveux de Pansy, un éclat de jais qui se détachait du paysage enneigé tout autour d'elle, comme une tâche d'encre sur du papier blanc. Il ne pouvait pas voir son visage, mais il devina le petit faisceau de feu qui brillait au bout de sa cigarette.

Quand il arriva à sa hauteur, il nota qu'elle ne s'était pas habillée comme le temps l'aurait voulu, elle non plus. Elle portait ses idémodables collants déchirés, une jupe grise et un t-shirt noir à manches longues trop grand pour elle.

Elle entendit ses pas camouflés par la neige et sursauta :

"Putain, Drago, tu m'as fait peur…"

"Je peux ?" demanda-t-il en désignant la place à côté d'elle.

Elle le jaugea une seconde en prenant une grande inspiration sur sa cigarette, puis haussa les épaules en guise de réponse. Drago s'assit, et s'enfonça tout de suite de quelques centimètres dans la poudreuse. Il essaya de ne pas montrer à quel point le froid l'affectait, mais c'était difficile de le camoufler sur son visage. Ses jambes étaient déjà engourdies.

Il lui tendit la page d'horoscopes déchirée. Elle la contempla une seconde sans rien dire.

Puis, Drago murmura :

"Joyeux anniversaire, Pansy."

Elle ne leva pas la tête, et garda sa cigarette dans la main. Son visage était illisible, dissimulé par une mèche de cheveux sombre que Drago rêvait de chasser pour analyser son expression. Pendant une minute entière, ils ne parlèrent pas, enveloppés dans un silence glacé. Et finalement, la main de Pansy se tendit pour prendre la feuille.

"Merci."

Drago ne put retenir un soupir de soulagement qui lui comprimait la poitrine. Il inspira, indifférent à la brûlure au nez que ça lui procura, et se tourna complètement vers elle pour lui dire, avec un ton qui transpirait de sincérité :

"Pansy, je suis désolé."

Elle écarquilla très légèrement les yeux.

"Je ne sais pas ce qui m'as pris. Je n'aurais jamais dû t'embrasser, je n'ai pas fait attention à ce que tu pourrais ressentir et je m'en veux atrocement. Je te demande pardon. Pardon, Pans'."

Pansy ne réagit pas tout de suite, comme si elle voulait s'imprégner de ses mots. Puis, elle porta sa cigarette à sa bouche, avala une nouvelle taffe, et recracha la fumée calmement. Il faisait tellement froid qu'elle aurait pu se glacer dans l'air.

"Elle t'as changé." dit-elle.

Drago comprit directement de qui elle faisait allusion. Toute l'atmosphère autour d'eux se pétrifia davantage, mais Drago était bien trop frigorifié pour en ressentir le changement. La seule source de chaleur autour de lui était la petite flamme que Pansy rallumait avec sa baguette pour allumer sa cigarette.

"En bien, ou en mal ?" demanda-t-il.

Elle réfléchit une seconde, les yeux rivés sur la paroi de la vitre de la serre en face d'eux.

"En bien." décréta-t-elle.

Drago eut un léger petit sourire en entendant ça. À l'entendre, on aurait presque pu croire qu'elle venait de complimenter Granger.

Pansy écrasa son mégot dans la neige, creusant un trou bruni à la surface blanche, puis souffla :

"Je te pardonne, Drago."

"Vraiment ?"

Elle soupira et haussa les épaules.

"Je n'ai pas vraiment le choix, j'imagine. Je n'arrive pas très bien à fonctionner quand on se dispute."

Il acquiesça, parce qu'il avait ressenti la même chose. Pansy était la seule personne pour qui son monde s'arrêtait quand elle s'éloignait. C'était comme s'il était physiquement incapable de respirer.

Drago sortit sa baguette de sa poche et lança un sortilège de Chaleur autour d'eux, que Pansy ne sembla même pas remarquer. Le sort les emmitouflèrent et il profita de la sensation excquise du pardon et du chaud sur sa peau glaciale.

"Mais ne refais plus jamais ça, s'il te plait." demanda-t-elle à voix basse.

"Promis." assura-t-il sur le champ.

Pansy s'enfonça un peu plus dans la neige et observa les alentours en reprenant une cigarette de son paquet. Drago montra la page qu'il lui avait donnée :

"Alors, que te réserve cette journée d'anniversaire ?"

Pansy ébaucha un sourire et lut à voix haute :

"Scorpions : Préparez-vous pour une journée tumultueuse aujourd'hui ! Une surprise inattendue vous attendra dans la soirée, même si ça vous parait loin à cause de la fatigue que vous ressentez depuis quelques semaines. Peut-être qu'une tisane avant de dormir vous ferait du bien ?"

Pansy claqua sa langue contre son palais et froissa le papier pour en faire une boule.

"Quelle fraude, cette Celestia." grommela-t-elle, visiblement agacée par ces prédictions.

"Si tu le dis. Donne-moi une cigarette."

Pansy lui tendit le paquet et il saisit l'une des tiges qu'il glissa entre ses lèvres. Drago en fumait très rarement, voire jamais, mais il estimait qu'il avait bien le droit à celle-ci. Ça faisait des jours qu'il ne dormait pas, et la Bibliothèque lui manquait terriblement. Il avait besoin de faire passer sa frustration dans quelque chose, et le tabac lui paraissait être une solution idéale.

Pansy l'alluma d'un coup expert de baguette et ils fumèrent en silence. Drago observa la neige tomber sur le toît de la serre et trouva cette vision apaisante, sans savoir vraiment pourquoi. Les flocons qui tombaient sur eux fondaient au contact de leur peau à cause du sort de Drago. Il n'y avait aucun autre bruit que les inspirations regulières de Pansy. Tout était paisible.

Drago en était tellement captivé qu'il faillit ne pas voir les deux silhouettes approcher d'eux à sa droite. Quand il tourna la tête, son cœur remonta dans sa poitrine, tellement fort qu'il avala de travers et recracha un nuage de fumée grise.

Granger se tenait là, à quelques mètres seulement de lui.

Elle était accompagnée de ce foutu Londubat, qui tenait un carnet vert dans sa main et était en train de… cueillir des fleurs ? L'image aurait pu le faire éclater de rire si le regard que Granger lui lançait n'était pas aussi meurtrier. Elle s'était arrêtée en plein milieu du chemin, les bras croisés, avec une expression de fureur pointée droit sur lui.

Même si elle avait un nez rouge à cause du froid, et que la moitié de son visage était caché par son écharpe de Gryffondor, Drago ne put s'empêcher de ressentir une petite pointe de peur en la voyant dans cet état. Merlin savait à quoi pouvait ressembler Granger quand elle était énervée, elle pouvait être encore plus flippante que lui.

"Ho-ho." commenta Pansy avec une pointe d'amusement. "Je crois que tu as des ennuis."

"De quoi tu parles ?" demanda Drago avec mauvaise humeur.

"À ton avis ?"

Drago marmonna quelque chose qui ressemblait plus à un grognement qu'autre chose, mais il ne remit pas sa cigarette dans sa bouche avant que Granger ne tourne les talons, non sans lancer d'une voix haut-perchée :

"Viens, Neville. Le coin est manifestement déjà occupé."

Le pauvre Londubat trottina derrière elle pour la rattraper, et Granger s'éloigna sur le chemin sans se retourner, ses nattes dansant contre son dos au rythme de ses pas.

"Elle n'a pas l'air très contente de te voir fumer en ma compagnie." dit Pansy dans une phrase presque chantonnée.

"Je n'en ai rien à foutre de ce que pense Granger." répliqua sèchement Drago.

Il éteignit sa cigarette à moitié entamée et regarda les cendres faire fondre la poudre de neige avec une boule désagréable logée dans sa gorge.

C'était probablement le plus gros mensonge qu'il ait dû prononcer de sa vie.

Drago déjeuna avec Pansy et, pour son plus grand malheur, Daphné. Cette dernière passa le repas à discuter de la toute dernière collection de la marque de sacs à mains Milliner, et Drago fut étonné de constater qu'il était possible de parler de anses pendant vingt minutes consécutives. Pansy écoutait sa meilleure amie attentivement, et donnait son avis sur chacun des sacs en question, et très vite leur discussion devint une série de piaillements surexcités à l'oreille de Drago. Mais il resta tout de même, pour faire plaisir à Pansy qui venait à peine de le pardonner, et aussi pour observer Granger qui mangeait à sa table.

Drago avait développé des techniques au fil des années pour la regarder le plus discrètement possible, et il les appliqua avec soin pour ne pas se faire remarquer. Elle portait toujours ses nattes, une coiffure que Drago adorait particulièrement, et sa peau était rougie par le froid. Elle avait retiré son bonnet en laine qu'elle avait probablement tricoté elle-même, mais elle portait toujours son écharpe et son manteau. Potter et Weasley discutaient à côté d'elle, mais Granger ne leur prêtait pas d'attention, trop concentrée sur l'énorme bouquin en face d'elle pour les entendre. Drago ne pouvait pas lire le titre, mais à en voir le pli entre ses deux sourcils et ses yeux qui parcouraient la page lentement, il devina que c'était un manuel d'une matière bien trop ardue pour n'importe quel élève de ce Château.

"Il faut absolument que je m'achète ce modèle cette après-midi !" s'exclama Daphné, ce qui fit revenir Drago au présent. Elle montrait à Pansy une page de magazine découpée et pointait du doigt un sac en écailles rouge vif. "Tu viens avec moi ?"

Drago avait complètement oublié qu'une sortie à Pré-Au-Lard était prévue l'après-midi même. Il comprit pourquoi Granger avait gardé son manteau, elle devait probablement attendre Potter et Weasley pour partir avec eux.

"Je ne vais pas à Pré-Au-Lard aujourd'hui." dit Pansy avec un soupir. "Je dois préparer la fête de ce soir."

Daphné fit la moue.

"Tu vas préparer ta propre fête d'anniversaire ?" demanda Drago avec surprise. "Mais…"

"Je veux que ça soit moi, parce que celle de l'année dernière était nulle." asséna Pansy sur un ton qui n'appellait pas à la discussion.

Drago ne répondit rien, parce qu'il savait ce que sa phrase sous-entendait : il avait raté la fête de l'année précédente pour passer la soirée avec Granger sur leur banc.

Daphné, elle, ne rata pas cette occasion pour fusiller Drago du regard. Visiblement, elle n'était pas d'accord avec la décision de Pansy de le pardonner.

Quand Granger s'en alla avec Potter, Weasley et Londubat, Drago se retrouva sans distraction mis à part la discussion interminable des maudits sacs à main. Il regarda la porte de la Grande Salle en se demandant où pouvaient bien être Théo et Blaise. Merlin, il était tellement deséspéré qu'il même aimé que Crabbe et Goyle soient là. Ils auraient sûrement trouvé un sujet de conversation plus intéressant. La voix perçante de Daphné qui lui donnait mal à la tête.

Pendant qu'elles entouraient leurs sacs préférés sur la page de magazine entre deux gloussements, Drago se leva, n'y tenant plus :

"On se retrouve tout à l'heure ?" proposa-t-il à Pansy, qui acquiesça.

Il retourna dans la Salle Commune et à peine la porte fut ouverte qu'il tomba sur Blaise et Théo. Blaise portait sa cape d'uniforme d'hiver et des gants. Théo, lui, était recouvert de couches de vêtements de la tête aux pieds. Quand il se tourna vers lui, Drago eut même du mal à discerner son visage parmi les trois capuches qu'il avait entassées sur sa tête.

"Ah, Drago, tu tombes bien !" s'écria le garçon en l'apercevant. "Je peux te prendre de l'argent ?"

"Vous allez à Pré-Au-Lard ?" demanda Drago en analysant la tenue de Théo avec un sourcil arqué.

"Oui." répondit Blaise, toujours aussi composé.

"Et tu veux de l'argent pour acheter ton chocolat, je suppose ?" demanda Drago à l'adresse de Théo, d'un ton presque moqueur.

"Non !" riposta Théo avec ferveur. "On va acheter un cadeau pour Pansy !"

"Théo a eu l'idée depuis des semaines." expliqua Blaise pendant que Théo ajoutait une écharpe autour de son cou. "C'est brillant."

"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Drago.

"Surprise." répondit Théo. "Mais fais moi confiance, elle va adorer. Maintenant, donne moi de l'argent et je dirai que t'as participé."

"D'accord, prends, c'est dans la boîte verte dans ma valise, dans le dortoir."

Théo hocha la tête et s'y rendit, mais la quantité de vêtements l'empêchait de marcher correctement et il trébucha à plusieurs reprises sur le trajet. Quand il revint, ses poches étaient suspicieusement bien plus gonflées qu'avant.

"Merci, à tout à l'heure !"

lls avancèrent vers la porte de la Salle Commune qui s'ouvrit à cet instant. Pansy entra dans la pièce, toujours accompagnée de Daphné, mais quand cette dernière aperçut Blaise, elle fila dans les dortoirs avec un air lugubre. Drago se fit la réflexion que Daphné Greengrass était probablement la personne la plus susceptible qu'il connaissait.

"Où vous allez, comme ça ?" demanda Pansy en jaugeant Théo et Blaise.

"Pré-Au-Lard." répondit Blaise.

Pansy se tourna vers Théo aussitôt :

"Tu vas encore acheter des chocolats ? Il te reste encore quatre boîtes !"

Théo dansa maladroitement d'un pied sur l'autre :

"On est jamais trop prudents."

Pansy leva les yeux au ciel et les avertit froidement :

"Retour à 18h maximum. J'ai besoin de vous pour préparer la fête."

"On sera là." promit Blaise. "À tout à l'heure !"

Et ils s'en allèrent en gloussant, à l'instar de Pansy et Daphné quelques minutes plus tôt.

La brune s'installa ensuite dans son canapé préféré, et Drago prit place dans le fauteuil à côté. À peine assise, Pansy s'alluma une cigarette. Quand elle en proposa une à Drago, il refusa, mais ça n'avait rien à voir avec la réaction de Granger le matin-même, c'était purement par manque d'envie, rien de plus.

"Quel est le thème de la soirée de ce soir ?" demanda-t-il.

"Vert." répondit Pansy, un filet de fumée s'échappant de ses lèvres en parlant. "Tout sera vert, des tenues jusqu'aux lumières."

Drago acquiesça et ils se plongèrent dans leur silence qu'il aimait tant. Pansy observait la pièce autour d'eux, probablement en train de repérer tout ce qu'elle allait préparer dans sa tête. Tandis que son regard balayait les alentours, Drago réalisa qu'elle n'affichait pas l'habituel enthousiasme qu'elle exéburait toujours avant les fêtes. Normalement, elle avait un grand sourire aux lèvres, et décrivait à tout le monde son plan mental pour créer "la fête de l'année."

Cette fois-ci, cependant, elle ne semblait pas particulièrement heureuse de l'événement. À la voir, on aurait même dit que c'était une contrainte.

En fait, maintenant qu'il y pensait, Drago ne se souvenait plus de la dernière fois qu'il avait vu Pansy être vraiment joyeuse. Il se doutait qu'elle était encore affectée par ce qu'il avait fait, et que ça devait se ressentir sur son moral, mais Pansy n'avait pas l'air dans son assiette depuis des mois désormais. Et personne ne le remarquait, parce qu'elle agissait normalement. Même Daphné, que Drago avait vu plus pleurer en trois mois que Pansy dans toute sa vie, ne semblait pas aussi affectée.

Pansy avait une sorte de voile de tristesse sur son visage depuis l'année dernière, qu'il était difficile de discerner quand on ne la connaissait pas bien. Mais Drago le voyait. Il voyait la manière dont ses yeux brillaient, ou qu'elle ne souriait pas comme avant, comme si elle se forçait. Il voyait que sa meilleure amie était triste, et même si elle essayait de le cacher en prétextant qu'elle allait bien, le voile ne disparaissait jamais complètement. Même quand elle embrassait des garçons, quand elle riait, quand elle dansait dans des fêtes où l'alcool coulait à flots, le voile était là.

Comme l'avait si bien dit Théo, c'était une drôle de période. Tout son entourage était frappé par des malheurs qu'il était impossible de surmonter. Et chacun agissait comme le bon Serpentard qu'il était : en s'isolant, en se refermant, en faisant semblant. Théo pleurait dans son lit, Blaise s'échappait pour rester seul à la moindre occasion, et Pansy buvait jusqu'à s'évanouir pour éviter d'être confrontée à la réalité.

Il reignait, dans le Château, une ambiance pesante que Drago n'arrivait pas bien à définir. Comme si tout le monde attendait un événement, un changement drastique. Le retour du Seigneur des Ténèbres était ancré dans l'esprit de tout le monde, et ça se ressentait en permanence. Drago n'arrivait pas à croire qu'il ait pu céder à ses pulsions en embrassant Granger dans un tel contexte.

Comment ses sentiments pour elle avaient-ils pu surpasser la terreur qu'il ressentait tous les jours ?

Drago essaya de méditer, sans y arriver vraiment. C'était frustrant. Il n'arrivait pas à dominer son esprit, ses peurs fuyaient avant qu'il puisse les dompter. Il pouvait Occluder, mais il sentait ses murs mentaux trembler, comme si la porte de sa bibliothèque mentale menaçait d'exploser à cause de l'accumulation de livres par terre. Drago n'osa pas y retourner, il n'était pas prêt à ranger les derniers souvenirs de sa vie.

Quand il sentit les prémices de l'angoisse monter dans sa poitrine, il se leva en marmonnant quelque chose à propos d'une douche. Pansy hocha la tête d'un air absent, et il prit la direction des dortoirs en sentant un étau désagréable lui comprimer les côtes.

Et comme si tous ses problèmes actuels n'étaient pas suffisants, Merlin voulait manifestement le punir encore plus.

Parce que Drago tomba nez à nez avec l'affiche des rondes de préfets du mois de Novembre.

Et il en avait une de prévu avec Granger, le lendemain.

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Pansy et Drago étaient en train de jouer aux cartes dans la Salle Commune vide quand Théo et Blaise rentrèrent de Pré-Au-Lard. Leurs capuches étaient couvertes de neige, mais pour la première fois de sa vie, Théo n'avait pas l'air de s'en préoccuper. Il tenait quelque chose dans son dos et Drago comprit que c'était le cadeau de Pansy. Ils s'échappèrent discrètement vers les dortoirs sans que Pansy les remarque dans son dos, puis revinrent quelques minutes plus tard, leurs visages fendus par deux grands sourires.

"Déjà rentrés ?" demanda Pansy en posant un Mage de cœur sur le tas de cartes.

"Oui, on voulait te souhaiter dignement ton anniversaire avant que la fête ne commence." répondit Blaise d'un air fier.

Pansy leva la tête vers eux.

"Quoi ?"

"Joyeux anniversaire, Pansy !" s'écria Théo.

Il lui montra une petite assiette avec une part de gâteau à la cerise dessus. Il alluma l'unique bougie plantée dedans et la posa sur la table basse devant elle.

"Joyeux anniversaire !" chantèrent-ils en chœur.

Pansy regarda la part de gâteau avec surprise, comme si elle n'arrivait pas à croire qu'ils aient pu faire une chose pareille. Elle souffla sur la bougie avec un sourire, sous les applaudissements des garçons.

"Merci beaucoup, ça me fait trop plaisir !"

"Et ce n'est pas tout…" dit Théo en lui tendant un énorme paquet emballé qu'il posa sur la table basse. "Ton cadeau, de la part de nous trois."

Pansy et Drago contemplèrent la boîte une seconde. Elle était joliment décorée d'un papier cadeau pourpre avec des fleurs qui ondulaient dessus et d'un noeud blanc. Le cadeau était tellement énorme que Drago ne pouvait voir que le haut de la tête de Pansy dépasser.

Cette dernière se leva pour s'asseoir dans le canapé derrière elle et pointa le cadeau du doigt sans comprendre :

"Pourquoi vous ne me l'offrez pas pendant la fête ?" demanda-t-elle.

Théo, qui n'avait pas quitté son sourire depuis qu'il était entré dans la pièce, écarta ses bras pour montrer la Salle Commune vide :

"On voulait être seuls. On a profité du fait que tout le monde était en train de dîner pour te le donner maintenant."

Pansy regarda Théo et Blaise d'un air suspicieux, puis se tourna vers Drago :

"Tu étais au courant ?"

"Je savais qu'ils avaient utilisé l'excuse des chocolats pour aller t'acheter ça, mais ils ont refusé de me dire ce que c'était." répondit-il honnêtement. "Ils ont dit que c'était une surprise."

"Allez, Pans', ouvre-le !" s'exclama Blaise, visiblement impatient de voir sa réaction.

Pansy prit le paquet sur ses genoux et inspecta le papier cadeau avec un petit sourire touché. Puis, elle ouvrit délicatement le couvercle et pencha sa tête pour observer l'intérieur.

Quand elle vit le contenu du cadeau, elle se figea complètement.

Drago vit alors, pour la première fois depuis des semaines, le voile de Pansy se déchirer légèrement, le masque se briser, assez pour qu'il puisse apercevoir un véritable bonheur inonder son visage. C'était pur, et tellement sincère que Drago retint sa respiration sans le vouloir. Les yeux noirs et vides de Pansy se remplirent automatiquement de larmes de joie, et elle porta une main à sa bouche pour couvrir l'exclamation s'échapper de sa bouche.

"Non, vous n'avez pas… Ce n'est pas possible, c'est…"

"Si, c'est vrai." affirma Blaise, qui regardait Pansy pleurer de bonheur comme si c'était la plus belle chose qu'il ait pu voir. "C'est pour toi. C'est Théo qui a eu l'idée."

Drago regarda sa meilleure amie s'extasier et ressentit une profonde reconnaissance envers Blaise et Théo pour avoir eu cette idée, quelle qu'elle soit.

"Qu'est-ce que c'est ?" demanda-t-il avec une pointe d'impatience, parce qu'il ne pouvait pas voir ce qu'il se trouvait au fond de la boîte de là où il était.

Pansy plongea ses deux bras dans la boîte et les ressortit lentement, comme si elle tenait quelque chose d'extrêmement fragile. Ses yeux ne lâchèrent pas le cadeau une seule seconde.

Quand Drago vit enfin ce qu'elle tenait, cependant, son sourire s'effaça immédiatement de son visage.

"Qu'est-ce que c'est que cette chose ?" questionna-t-il d'un ton dégoûté.

Pansy tenait une sorte de grosse boule aux poils blancs et longs, pas plus grande que son avant-bras. Quand elle la manipula, Drago aperçut un museau, caché par la quantité impressionnante de poils que la bête possédait, puis deux yeux noirs incrustés dans son pelage, qui regardaient tout autour de la pièce avec frénésie. La créature tirait la langue, lui donnant un air de stupidité tel que Drago avait rarement vu chez des êtres vivants autres que Crabbe et Goyle.

"À ton avis ? C'est un chien, évidemment." répondit Théo.

"Hein ?! Mais non, les chiens ne ressemblent pas à ça !" contesta Drago. "Les chiens, c'est grand, c'est majestueux, et ce truc est juste…"

Il ne pouvait même pas décrire la bête que Pansy avait posée sur ses genoux. Elle le caressait en lui parlant d'une voix mielleuse, et Blaise avait l'air attendri par le spectacle. Ils s'assirent tous dans les fauteuils qui entouraient le canapé, comme si aucun des trois n'osait s'approcher trop près de Pansy et de la créature poilue.

"C'est un Spitz nain." expliqua-t-elle doucement, en le regardant comme s'il s'agissait d'un joyau extrêmement rare et onéreux. "J'ai toujours rêvé d'en avoir un… Comment avez-vous su ?" demanda-t-elle en s'adressant à Théo et Blaise, le visage strié de larmes.

"Tu te souviens quand on s'est demandé quel Animagus on serait si on pouvait se transformer ?" demanda Blaise. "Théo a eu l'idée à ce moment-là. Tu as dit que tu avais toujours rêvé d'avoir un chien, et on s'est dit que ça pouvait être le bon moment pour t'en offrir un. Comme ça, tu ne te sentiras plus seule."

"Et on a rien dit à Drago, pour le plaisir de le voir se décomposer." ajouta Théo avec un petit rire.

"Merlin, je n'arrive pas à y croire… Un chien, rien que pour moi… C'est… C'est le meilleur cadeau que j'ai reçu de ma vie. Merci beaucoup, je… je vous aime très fort."

Elle se leva pour leur faire un câlin, écrasant le pauvre "chien" contre leurs poitrines au passage. Quand ils se rassirent, la créature se roula en boule sur les genoux de Pansy, la langue toujours pendue.

"On l'a trouvé à l'animalerie de Pré-Au-Lard, le Paradis Poilu…" commença Théo.

Drago éclata de rire en entendant ce nom.

"... Et la vendeuse nous a dit qu'il était né le 2 Novembre. C'est un Scorpion, comme toi."

Pansy eut un sanglot étouffé, et le "chien" jappa gaiement.

"Qu'est-ce qu'il…" commença Drago, sans savoir comment formuler sa question. "Qu'est-ce qu'il fait ?"

Blaise le regarda d'un drôle d'air.

"Et bien, il bave, principalement."

"Non mais je veux dire… Quel pouvoir il a ?"

"Aucun." répondit Théo avec un sourire amusé. "Mais la vendeuse nous a dit que c'était une race très affective. C'est un mâle, d'ailleurs. Et on a acheté plein de trucs en plus pour lui…"

Il fouilla le fond de la boîte en en sortit, successivement, un panier vert brodé, deux gamelles qui faisaient pratiquement sa taille, un petit sac pour le transporter, des boîtes de croquettes, une laisse violette, un peigne, et même un noeud rose poudré que Pansy s'empressa de lui accrocher sur sa tête pleine de poils. Drago trouvait que ça lui faisait ressembler à Ombrage, mais il préféra ne pas le dire à voix haute.

"Comment est-ce que tu vas lui faire faire ses besoins ?" demanda Drago à l'adresse de Pansy.

"On a pensé à tout." répondit Blaise à sa place. "Les chiens sont interdits à Poudlard, mais on s'est dit que tu pourrais le sortir tôt le matin et tard le soir. Et on a acheté une petite cape d'invisibilité pour que tu puisses le promener dans les couloirs sans qu'il se fasse remarquer."

Il montra une cape bleue, pas plus grande qu'un chiffon.

"Aucun risque, même à découvert. Il ressemble plus à un chat qu'à un chien." remarqua Drago d'un ton railleur.

"Et cet été, Blaise le gardera chez lui pour que ton père ne le voit pas."

Blaise hocha la tête. Drago était soulagé de savoir que cette question avait déjà été réglée, parce qu'il avait du mal à imaginer la tête de sa mère s'il ramenait cette boule de poils ambulante dans son précieux Manoir.

"Il est absolument magnifique." dit Pansy avec des étoiles dans ses yeux. "Je l'aime déjà !"

Elle prit la bête et la posa sur son épaule pour lui faire un câlin, insensible aux léchouilles qu'il lui fit dans le cou.

"Comment tu vas l'appeler, Pans' ?" demanda Blaise.

"Morve ?" proposa Drago avec un rire, qui fut vite stoppé par le coussin que Pansy lui jeta à la figure. "Pourquoi tu me lances ça ?! On dirait un mouchoir chiffonné !"

"Arrête !" s'indigna Pansy, comme si le chien était capable de comprendre ses moqueries. "Tu ne le trouves vraiment pas mignon ?!"

Elle tourna le chien pour qu'il lui fasse face. Pendant une seconde, ils s'observèrent mutuellement, et Drago eut l'envie irrepressible d'exploser de rire, mais il se contint pour ne pas blesser Pansy qui semblait si heureuse de son nouveau compagnon et haussa vaguement les épaules :

"Il est… ok."

Pansy sembla satisfaite par cette réponse. Elle remit le chien devant elle pour lui caresser la tête. Théo eut un rire moqueur en entendant Drago se dégonfler et ce dernier lui fit un doigt d'honneur.

"Je n'ai aucune idée de comment je pourrais l'appeler…" dit Pansy en regardant son chien, peut-être dans l'espoir qu'il lui donne lui-même une réponse.

"Nuage ?" proposa Blaise.

"Hm… C'est vrai qu'il ressemble à un nuage…" dit Pansy en l'analysant.

Drago trouvait qu'il ressemblait plutôt à un rat déformé, mais acquiesça quand même quand Pansy se tourna vers lui pour lui demander silencieusement son avis.

"Diva ?" essaya Théo. "Regarde comment il est installé, c'est clairement une diva."

"Mais c'est plutôt un prénom de femelle." contredit Pansy.

"Lait d'avoine ?" proposa Drago.

Pansy secoua la tête avec une grimace.

"Pourquoi pas Zabini II ?" demanda Blaise avec un sourire taquin.

Elle roula des yeux.

"Sac à main ?" dit Théo.

"Quelle horreur…"

"Fluffy ?" offrit Drago.

"Ça ressemble à un nom que pourrait donner Hagrid." répondit Pansy avec une mine déconfite.

"Frimousse ?"

Pansy balaya la proposition de Blaise d'un revers de la main :

"Trop commun."

"Spooky ?" proposa Théo.

"Il n'est pas spooky du tout !"

"Yaourt ?" offrit Drago, qui trouvait que ça lui correspondait bien avec son pelage tout blanc. "Ou Flocon ?"

"Hmm…" dit Pansy, en pleine réfléxion intérieure.

"Merlin ?" énonça Blaise.

"Ça serait une insulte à Merlin d'appeler cette chose comme ça." asséna Drago. Quand il vit le regard noir que lui lança Pansy, il s'excusa auprès du chien : "Sans vouloir t'offenser."

"Poufsouffle ?" tenta Théo, qui semblait prendre un énorme plaisir à faire cette liste.

"Ce n'est pas un Poufsouffle !" contesta tout de suite Pansy.

"Le Seigneur des Ténèbres ?" dit Blaise, et tout le monde éclata de rire.

"Crabbe ?" proposa Drago, qui imaginait Pansy appeler son chien dehors et Crabbe accourir vers elle.

Théo riait si fort qu'il était penché en avant sur son fauteuil.

"Severus Rogue ?" proposa-t-il entre deux fous rires.

Le chien regardait l'échange en tournant sa tête successivement entre les trois garçons hilares.

"Non, je crois que j'aimerais lui trouver un prénom en rapport avec la Divination…" dit Pansy en regardant la bête.

"Bullshit ?" répondit tout de suite Théo. Il pencha la tête sur le côté pour éviter un projectile potentiel de Pansy, mais elle était trop plongée dans ses réflexions pour le faire.

"Un nom de planète ?" questionna Blaise, la tête en ébullition. "Pluton ? Jupiter ?"

"Orion ?" soumit Drago, qui aimait l'idée qu'il soit nommé après une constellation comme lui.

"Sinistros ?" dit Théo, qui semblait très amusé à l'idée que cette chose si insignifiante puisse être nommée comme le présage le plus sombre qui existe.

"Pollux ? Mirzam ? Sirius, la plus brillante de la constellation du Grand Chien ?" énonça Blaise.

"Sirius, sérieusement ? Comme le tueur en série ?" riposta Théo.

"En fait, je crois que j'aime bien l'idée de Théo." dit soudain Pansy, les faisant taire simultanément.

Le concerné se tourna vers elle, perplexe :

"Euh… Laquelle ?"

"Bullshit." dit Pansy évasivement, qui caressait toujours la tête de son chien.

"Pardon ? Tu vas sérieusement appeler ton chien Bullshit ?" s'indigna Blaise, apparemment vexé qu'elle n'ait pas choisi l'une de ses propositions à lui.

"Non, bien sûr que non." répondit Pansy en levant la tête vers eux. "Mais ça m'a fait penser à la planète Eris…"

Drago fronça les sourcils en même temps que Blaise : ils n'avaient pas encore vu cette planète en cours d'Astronomie. Théo, cependant, acquiesça tout de suite :

"Ah oui, la planète de la discorde."

"Exactement. La planète naine, ce qui va parfaitement bien avec sa taille." dit Pansy. "Et en Divination, Eris symbolise le chaos, la perturbation, l'agitation. Et je trouve que ce chien arrive pile à cette période. Vous ne trouvez pas ?"

Elle porta l'animal en question pour le mettre au niveau de ses yeux.

"Oui, c'est ça." décréta Pansy. "Je vais te nommer Eris."

Pour toute réponse, le chien aboya, et Pansy considéra certainement ce bruit comme une approbation, parce que le nom fut scellé à cet instant.

Eris.

Et Drago ne le savait pas encore, mais Eris, aussi petit qu'il était, venait officiellement de prendre une grosse place dans la sphère très privée de sa famille dysfonctionnelle qu'il aimait tant.